Titre : La Petite presse : journal quotidien... / [rédacteur en chef : Balathier Bragelonne]
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1868-07-17
Contributeur : Balathier Bragelonne, Adolphe de (1811-1888). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32837965d
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 17 juillet 1868 17 juillet 1868
Description : 1868/07/17 (A3,N820). 1868/07/17 (A3,N820).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k47178228
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-190
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 22/10/2017
LA PETITE PRESSE
JOURNAL QUOTIDIEN
3 cent. le numéro
S cent. le oamérg
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
Paris a fr. » fr. i8 fr.
. Départements.. 6 1 f 99
Administrateur : E. BELSAUX.
Inu année. — VENDREDI 47 JUILLET 18G8. —IV° 820
Directeur-Propriétaire : JAN NIN.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-BRAGELONNB^
BUREAUX D'AÏ;ONXEMEJJT : 9. rue âlroaol.
ADMINISTRATION '. 13, place Breda.
PARIS, 16 JUILLET 1868
LE PAPILLON
Tout le monde n'a pas l'angeligiie charité
trant une chenille dans son jardin, se dé-
tourne pour ne pas mettre le pied dessus.
En général, on dit d'une chenille : — La
vilaine bête !
En effet, elle a l'air de ramper, lorsqu'elle
Marche ; elle se cramponne, et, se nourrissant
de végétaux, elle inspire autant de haine au
jardinier que de dégoût au promeneur.
Ces gros vers, composés de dix anneaux, à
la tôte formée de deux gros yeux et de puis-
santes mandibules, aux mâchoires qui cou-
pent, broient et sucent, ont des pattes écail-
leuses postérieures, qui leur permettent de
s'attacher aux corps sur lesquels ils rampent,
et des pattes antérieures, qui sont des cro-
chets durs.
Une variété de chenilles, qu'on appelle ar-
penteuses, marche en se repliant et. en s'al-
longeant tour à tour, avec un mouvement de
bosse hideux...
Toutes les chenilles changent de peau ; à
la fin, elles changent de forme. Les unes alors
se suspendent, en s'attachant par le milieu
du corps au moyen d'une ceinture de soie;
les autres se filent des coques soyeuses, sou-
vent entourées d'un enduit impénétrable.
Elles cessent de manger, elles perdent leurs
couleurs, deviennent ternes, livides, se rac-
courcissent, bref font place à la chrysalide,
sans pattes apparentes, immobile et comme
inanimée...
Cependant, sous cet engourdissement, s'ac-
complit le travail d'une dernière métamor-
phose. Bientôt l'insecte, brisant son enveloppe,
sort avec des ailes qu'il étend pour les faire
sécher; il s'élance dans les airs. Naguère il
rampait, maintenant il vole. Il se nourrissait
de légumes et de feuilles, il lui faut le suc des
fleurs. Il ne s'accouplait pas, désormais l'a-
mour sera pour lui un instinct et un be-
soin.
La chenille est devenue le papillon.! fb
Le nombre des papillons, dit Bory de Saint-
Vincent, est aujourd'hui immense, et sur-
passe à lui seul le nombre de tous les insectes
',..fJui furent connus de Linnée. Pour les ranger
"m.étbodiquement dans les collections, on les
^di^ise en trois grandes familles, qu'on appelle
lesçDiurnes, les Crépusculaires et les Noc-
turnes. ,
y Parmi les diurnes brillent en Europe ces
élégants et délicats polyommates, que le
nombre des taches en forme d'yeux, disper-
sées sur leurs ailes d'azur, firent aussi appeler
Argus; les Nacrés, dont les ailes postérieures
sont en dessous marquées de plaques Bril-
lantes, qu'on dirait être de nacre, d'argent
ou des miroirs; les Porte-queue, qui sont
terminés par des dentelures plus ou moins
allongées ; les Sylvains, dont les teintes
sombres ne sont pas sans élégance, et qui se
tiennent dans les bois, avec tant d'autres es-
pèces diaprées de rouge, de noir, de jaune,
de blanc et d'un vert métallique. L'espèce la
plus commune en Europe est le papillon du
chou, dont la chenille est l'un des fléaux de
nos jardins. L'Apollon, qui est aussi une es-
pèce à fond blanc, mais rehaussée de belles
taches rouges, se tient au voisinage des gla-
ciers, dans les hautes montagnes.
Parmi les crépusculaires sont ces grosses
espèces à antennes prismatiques,à ailes étroi-
tes, maî6 allongées et puissantes, qui font çn»
tondre vers le soir, autour des fleurs de nos
parterres, un bourdonnement assez extraor-
dinaire. Leurs couleurs ne sont pas brillantes
comme celles des diurnes, mais elles n'en
sont pas moins distribuées de la manière la
plus élégante. Entre les mieux favorisés sous
ce rapport on doit citer le sphinx du nérion ,
qui est vert et rose, comme s'il tenait des
teintes du feuillage et de la fleur du bel ar-
buste qui nourrit sa chenille. C'est encore à
cette famille qu'appartient l'Atropos, vulgai-
rement appelé tête de mort, à cause de l'image
roussâtre d'une tête de mort que cet animal,
— de stature pesante et varié de nuances vives,
mais lugubrement réparties, — porte sur son
corselet.
Ènfin, les nocturnes, qui sont les plus nom-
breux et qui semblent redouter l'éclat du jour,
varient beaucoup plus par leur taille que par
leurs nuances. Si parmi eux on peut citer
l'Atlas et le Paon de nuit, dont les ailes ont
souvent de huit à dix pouces et plus d'ouver-
ture, on peut aussi trouver dans la nombreuse
tribu des Teignes, qui sont également des pa
pillons, des espèces presque imperceptibles.
On a écrit de gros livres sur le papillon.
J'ai là, sur ma table, la Vie et les Mœurs
des insectes d'après Réaumur par M. de Mont-
mahond,et les Papillons indigènes par M. Ra-
veret-Wattel.
M. Raveret a fait un véritable guide du
chasseur de papillons. Je me garderai bien
de publier ses leçons. Je suis avec les poëtes
contre les collectionneurs et avec les chan-
sonniers contre les entomologistes. Les fleurs
desséchées et les papillons piqués n'ont jamais
été mon faible. En revanche, je sais par
cœur les vers de Lamartine :
Naître avec le printemps, mourir avec les rosés ;
Sur l'aile du zéphyr nager dans un ciel pur;
Balancé sur !e sein des fleurs à peine écloses,
S'enivrer de parfums, de lumière et d'azur;
Secouant, jeune encore, la poudre de ses ailes,
S'envoler càmme un souffle aux voûtes éternelles,
Voilà du ptpillonle destin enchanté :
Il ressemblé au désir qui jamais ne se pose,
Et, sans se Satisfaire, effleurant to.ito chose,
Retourne efIin au ciel chercher la volupté.
Cher petit papillon, que je vois, — de ma
fenêtre, — effleurer l'herbe, passer sur les
arbustes, et t'élever jusqu'aux cimes des ar-
bres, tu n'inspires pas seulement les poëtes,
tu es encore leur emblême vivant. Comme
eux, tu es jeune; ils sont légers, étourdis et
se brûlent à la chandelle comme toi.
Plus ne m'irai brûler à la chandelle...
disait Lafontaine. Et il y retournait, obéis-
san t à la papillonne, qui est la fantaisie.
Tu ne viens au monde qu'après une série
de métamorphoses et de souffrances igno-
rées. Avant d'étendre tes ailes, tu as déjà
vécu. Les vrais poëtes aussi ont vécu leur
poésie, et l'enfantement de leurs vers a été le
plus souvent une douleur. Qu'importe! Eux
et toi, dans votre inconstance, vous avez les
mêmes amours éternelles. Vous aimez les
vergers pleins de bourdonnements, la nature
inondée de soleil, l'azur du ciel et surtout la
liberté... j
Allez donc, et mourez jeunes. Les poëtes
qui vieillissent perdent l'inspiration, et les
papillons qui, par miracle, traversent en
hiver, quand revient le printemps ont perdu
leurs couleurs.
TONY RÉVILLON.
LA SOUSCRIPTION PARMENTIER
. Dès le lendemain du jour où parut dans la.[
Petite Presse la protestation de M. Parmentier, i-
au nom de la famille entière de l'illustre agro-:I.
r.ome, contre la parenté que s'attribuait la per- '
sonna en faveur de laquelle une souscription 1;.
venait de s'ouvrir à Lyon, nous reçùmes d'un»^
correspondante officieuse la lettre qu'on va lir&W*
tout à l'heure.
Au point où en étaient les choses, nous n'avons *■
pas cru devoir la publier alors, le signalement
qu'elle contient n'offrant que des rapports assez M
vagues avec la prétendue nièce de Parmen-
tier.
Mais les révélations mêmes de la promotrice
de la souscription présentant sa cliente comme,
artiste lyrique, écrivain musical et auteur daj
plusieurs compositions, nous paraissent s':1.ppli- Í
quer d'une façon tellement précise au person- r
nage mis en scène dans la lettre de notre.cor-1
respondante, que nous croyons devoir la sou-(
mettre au public, à titre de document précieux'
à consulter dans l'état de la question :
À Monsieur le rédacteur en chef de la Petite Pressée. -
Aire-sur-la-Lys, 11 juillet 1868.
Monsieur le rédacteur,
Ce nom de Lignières m'a rem:se sur la voie d'un,
fait passé depuis bientôt cinq ans. A cette époque.
mon mari était en garnison à Vincennes; souvent,
dans la cour de la maison que nous habitions, ruaJ
de Montrcuil, 82 , venait chanter une jeune femme"'
dont il était impossible de découvrir les traits : desa
lunettes noires et un immense bonnet de mèm»
couleur lui couvraient presque entièrement la figure v,
elle chantait admirablement bien, aussi les sous,
pleuvaient de toutes parts à ses pieds.
Un matin, le 5 octobre 1863, elle se présente chez-
moi avec une liste de souscription pour l'aider à:
publier un ouvrage scientifique ou musical, je
sais plus trop, cet ouvrage devant lui assurer dix
mille francs de rente, chaque souscripteur devant-
recevoir l'ouvrage au complet ; elle me raconta
longuement sa vie et ses malheurs : on n'en lit pas
de semblables dans les romans. Mais son récit
était-il vrai ? je ne le crois pas maintenant ; elle ne;
me dit pas qu'elle était la nièce de Parmenlier. r
mais que, plus jeune, elle avait épousé un avocate
célèbre, M. de Lignières: ils étaient fort riches,
mais son mari devint fou, et dépensa toute sa for-
tune en rien de temps. Pendant ses folies, sa femma
travaillait, elle composait et chantait dans les con-
certs, elle eut même l'honneur (dit-elle toujours).:
de chanter devant S. M. l'Impératrice; son mari
mourut enfin ; elle devint presque aveugle,sans res":
sources, avec deux jeunes enfants à élever. Elle me.
dit demeurer à Montreuil, et depuis peu seulement
elle chantait dans les cours; la misère seule l'y,
avait poussée, et ces lunettes et cet immense bonnetf
noir ne servaient qu'à cacher ses traits aux pe....
sonnes qui. auraient pu l'avoir connue. Quand ellet 1
se présenta chez moi, elle était vètue très-conve- :
nablement en noir, un chapeau et pas de lu-
nettes.
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
XXVIII
27
Ce bourgeois, qui marchait d'un pas lourd,
l'arrêta à dix pas de distance, étonné sans doute
de voir un homme avec sa servante.
Voyant cela, le marquis le salua.
Alors le bourgeois s'avança de nouveau et re-
connut qu'il avait affaire à un gentilhomme, car
l'épéedu marquis retroussait légèrement son man-
teau.
,:Voir les numéros parus depuis le 21 jUI14 '
— Monsieur Guillaume? fit le marquis d'un
ton courtois.
— Oui, monseigneur, répondit le bourgeois,
en s'inclinant presque jusqu'à terre.
C'était un homme entre deux âges, obèse, gri-
sonnant, figure épaisse et joviale, front déprimé
et dépourvu d'intelligence.
— Monsieur Guillaume, reprit lu marquis, je
vous demande mille pardons de venir aussi tard,
mais j'ai absolument besoin de causer avec vous
quelques minutes.
Le bourgeois, ivre d'orgueil, fit une nouvelle
révérence, et, s'effaçant devant sa porte, pour
en laisser l'entrée toute grande :
— Monseigneur,dit-il, je suis tout à votre ser-
vice.
Puis il dit brusquement à la servante :
— Toi, Suzon, fais du feu dans la salle, allume
les flambeaux.
Donnez-vous donc la peine d'entrer, monsei-
gneur.
— Tout cela est fort bizarre, pensait le mar-
quis.
Et il entra.
Le bourgeois Guillaume ne cherchait pas
même à deviner ce que pouvait avoir à lui dire
cet inconnu.
C'était un gentilhomme, un homme d'épée,
qui faisait à un bourgeois l'honneur de le visiter.
Cela suffisait. 1
Suzon, la servante aux cheveux rouges, se
hâta d'allumer du feu dans une vaste salle qui
se trouvait à la suite du vestibule.
En même temps, Guillaume allumait des bou*
gies et les posait sur la cheminée.
A leur clarté, M. de la Roche-Lambert cher-
chait à se rendre un compte exact de ce qu'il
avait autour de lui.
Certes , rien n'était moins mystérieux que
cette grande salle aux murs nus, aux meubles
vulgaires, dans laquelle il se trouvait.
Et ce visage béat du bourgeois !
On pouvait jurer, à première vue, qu'il n'était
ni le confident, ni le serviteur de la femme im-
mortelle.
Le feu allumé, maître Guillaume renvoya
Suzon d'un geste impérieux.
Après quoi, il avança un siége au mar-
quis.
Et, se tenant respectueusement debout devant
lui :
— Monseigneur, dit-il, je suis à vos ordres.
— Mais, asseyez-vous donc, monsieur Guil-
laume, fit le marquis avec la politesse d'un vrai
grand seigneur.
— En vérité, je n'oserais.,.. balbutia le bour-
geois.
— Et moi, dit M. de la Roche-Lambert, jenefc
saurais causer avec un homme qui se tient de-'
bout.
Guillaume était vaincu. Il salua de fiouveaaf-
et s'assit sur le bord d'une chaise.
Alors le marquis lui dit :
— Vous êtes donc retiré des affaires,monsieur
Guillaume?
Le bourgeois parut flatté de la question.
- Oui, monseigneur, répondit-il.
— Et vous avez fait une petite fortune?
— J'ai de quoi vivre, répliqua modestement
Guillaume.
Le marquis reprit :
— Ne vous étonnez pas, monsieur Guillaume,
des questions que je vous adresse. J'ai été
chargé de vous voir par un grand seigneur de
la Cour, qui est de vos amis et qui s'intéressa
beaucoup à vous.
- En vérité! exclama le bourgeois de
en plus flatté. Je suis à vos ordres, monsei-
gneur, répéta-t-il.
— Ainsi, poursuivit M. de la Roche-Lam- '
bert, qui continuait à promener un regard in-:
vestigateur autour de lui, votre fortune faite..
vous avez donc quitté la rue Saint-DeniEi ?
— Oui, monseigneur.
— Et vous êtes venu louer cette znaison 1
—Non pas, elle était_^ moi,
JOURNAL QUOTIDIEN
3 cent. le numéro
S cent. le oamérg
ABONNEMENTS. — Trois mois. Six mois. Un an.
Paris a fr. » fr. i8 fr.
. Départements.. 6 1 f 99
Administrateur : E. BELSAUX.
Inu année. — VENDREDI 47 JUILLET 18G8. —IV° 820
Directeur-Propriétaire : JAN NIN.
Rédacteur en chef : A. DE BALATHIER-BRAGELONNB^
BUREAUX D'AÏ;ONXEMEJJT : 9. rue âlroaol.
ADMINISTRATION '. 13, place Breda.
PARIS, 16 JUILLET 1868
LE PAPILLON
Tout le monde n'a pas l'angeligiie charité
tourne pour ne pas mettre le pied dessus.
En général, on dit d'une chenille : — La
vilaine bête !
En effet, elle a l'air de ramper, lorsqu'elle
Marche ; elle se cramponne, et, se nourrissant
de végétaux, elle inspire autant de haine au
jardinier que de dégoût au promeneur.
Ces gros vers, composés de dix anneaux, à
la tôte formée de deux gros yeux et de puis-
santes mandibules, aux mâchoires qui cou-
pent, broient et sucent, ont des pattes écail-
leuses postérieures, qui leur permettent de
s'attacher aux corps sur lesquels ils rampent,
et des pattes antérieures, qui sont des cro-
chets durs.
Une variété de chenilles, qu'on appelle ar-
penteuses, marche en se repliant et. en s'al-
longeant tour à tour, avec un mouvement de
bosse hideux...
Toutes les chenilles changent de peau ; à
la fin, elles changent de forme. Les unes alors
se suspendent, en s'attachant par le milieu
du corps au moyen d'une ceinture de soie;
les autres se filent des coques soyeuses, sou-
vent entourées d'un enduit impénétrable.
Elles cessent de manger, elles perdent leurs
couleurs, deviennent ternes, livides, se rac-
courcissent, bref font place à la chrysalide,
sans pattes apparentes, immobile et comme
inanimée...
Cependant, sous cet engourdissement, s'ac-
complit le travail d'une dernière métamor-
phose. Bientôt l'insecte, brisant son enveloppe,
sort avec des ailes qu'il étend pour les faire
sécher; il s'élance dans les airs. Naguère il
rampait, maintenant il vole. Il se nourrissait
de légumes et de feuilles, il lui faut le suc des
fleurs. Il ne s'accouplait pas, désormais l'a-
mour sera pour lui un instinct et un be-
soin.
La chenille est devenue le papillon.! fb
Le nombre des papillons, dit Bory de Saint-
Vincent, est aujourd'hui immense, et sur-
passe à lui seul le nombre de tous les insectes
',..fJui furent connus de Linnée. Pour les ranger
"m.étbodiquement dans les collections, on les
^di^ise en trois grandes familles, qu'on appelle
lesçDiurnes, les Crépusculaires et les Noc-
turnes. ,
y Parmi les diurnes brillent en Europe ces
élégants et délicats polyommates, que le
nombre des taches en forme d'yeux, disper-
sées sur leurs ailes d'azur, firent aussi appeler
Argus; les Nacrés, dont les ailes postérieures
sont en dessous marquées de plaques Bril-
lantes, qu'on dirait être de nacre, d'argent
ou des miroirs; les Porte-queue, qui sont
terminés par des dentelures plus ou moins
allongées ; les Sylvains, dont les teintes
sombres ne sont pas sans élégance, et qui se
tiennent dans les bois, avec tant d'autres es-
pèces diaprées de rouge, de noir, de jaune,
de blanc et d'un vert métallique. L'espèce la
plus commune en Europe est le papillon du
chou, dont la chenille est l'un des fléaux de
nos jardins. L'Apollon, qui est aussi une es-
pèce à fond blanc, mais rehaussée de belles
taches rouges, se tient au voisinage des gla-
ciers, dans les hautes montagnes.
Parmi les crépusculaires sont ces grosses
espèces à antennes prismatiques,à ailes étroi-
tes, maî6 allongées et puissantes, qui font çn»
tondre vers le soir, autour des fleurs de nos
parterres, un bourdonnement assez extraor-
dinaire. Leurs couleurs ne sont pas brillantes
comme celles des diurnes, mais elles n'en
sont pas moins distribuées de la manière la
plus élégante. Entre les mieux favorisés sous
ce rapport on doit citer le sphinx du nérion ,
qui est vert et rose, comme s'il tenait des
teintes du feuillage et de la fleur du bel ar-
buste qui nourrit sa chenille. C'est encore à
cette famille qu'appartient l'Atropos, vulgai-
rement appelé tête de mort, à cause de l'image
roussâtre d'une tête de mort que cet animal,
— de stature pesante et varié de nuances vives,
mais lugubrement réparties, — porte sur son
corselet.
Ènfin, les nocturnes, qui sont les plus nom-
breux et qui semblent redouter l'éclat du jour,
varient beaucoup plus par leur taille que par
leurs nuances. Si parmi eux on peut citer
l'Atlas et le Paon de nuit, dont les ailes ont
souvent de huit à dix pouces et plus d'ouver-
ture, on peut aussi trouver dans la nombreuse
tribu des Teignes, qui sont également des pa
pillons, des espèces presque imperceptibles.
On a écrit de gros livres sur le papillon.
J'ai là, sur ma table, la Vie et les Mœurs
des insectes d'après Réaumur par M. de Mont-
mahond,et les Papillons indigènes par M. Ra-
veret-Wattel.
M. Raveret a fait un véritable guide du
chasseur de papillons. Je me garderai bien
de publier ses leçons. Je suis avec les poëtes
contre les collectionneurs et avec les chan-
sonniers contre les entomologistes. Les fleurs
desséchées et les papillons piqués n'ont jamais
été mon faible. En revanche, je sais par
cœur les vers de Lamartine :
Naître avec le printemps, mourir avec les rosés ;
Sur l'aile du zéphyr nager dans un ciel pur;
Balancé sur !e sein des fleurs à peine écloses,
S'enivrer de parfums, de lumière et d'azur;
Secouant, jeune encore, la poudre de ses ailes,
S'envoler càmme un souffle aux voûtes éternelles,
Voilà du ptpillonle destin enchanté :
Il ressemblé au désir qui jamais ne se pose,
Et, sans se Satisfaire, effleurant to.ito chose,
Retourne efIin au ciel chercher la volupté.
Cher petit papillon, que je vois, — de ma
fenêtre, — effleurer l'herbe, passer sur les
arbustes, et t'élever jusqu'aux cimes des ar-
bres, tu n'inspires pas seulement les poëtes,
tu es encore leur emblême vivant. Comme
eux, tu es jeune; ils sont légers, étourdis et
se brûlent à la chandelle comme toi.
Plus ne m'irai brûler à la chandelle...
disait Lafontaine. Et il y retournait, obéis-
san t à la papillonne, qui est la fantaisie.
Tu ne viens au monde qu'après une série
de métamorphoses et de souffrances igno-
rées. Avant d'étendre tes ailes, tu as déjà
vécu. Les vrais poëtes aussi ont vécu leur
poésie, et l'enfantement de leurs vers a été le
plus souvent une douleur. Qu'importe! Eux
et toi, dans votre inconstance, vous avez les
mêmes amours éternelles. Vous aimez les
vergers pleins de bourdonnements, la nature
inondée de soleil, l'azur du ciel et surtout la
liberté... j
Allez donc, et mourez jeunes. Les poëtes
qui vieillissent perdent l'inspiration, et les
papillons qui, par miracle, traversent en
hiver, quand revient le printemps ont perdu
leurs couleurs.
TONY RÉVILLON.
LA SOUSCRIPTION PARMENTIER
. Dès le lendemain du jour où parut dans la.[
Petite Presse la protestation de M. Parmentier, i-
au nom de la famille entière de l'illustre agro-:I.
r.ome, contre la parenté que s'attribuait la per- '
sonna en faveur de laquelle une souscription 1;.
venait de s'ouvrir à Lyon, nous reçùmes d'un»^
correspondante officieuse la lettre qu'on va lir&W*
tout à l'heure.
Au point où en étaient les choses, nous n'avons *■
pas cru devoir la publier alors, le signalement
qu'elle contient n'offrant que des rapports assez M
vagues avec la prétendue nièce de Parmen-
tier.
Mais les révélations mêmes de la promotrice
de la souscription présentant sa cliente comme,
artiste lyrique, écrivain musical et auteur daj
plusieurs compositions, nous paraissent s':1.ppli- Í
quer d'une façon tellement précise au person- r
nage mis en scène dans la lettre de notre.cor-1
respondante, que nous croyons devoir la sou-(
mettre au public, à titre de document précieux'
à consulter dans l'état de la question :
À Monsieur le rédacteur en chef de la Petite Pressée. -
Aire-sur-la-Lys, 11 juillet 1868.
Monsieur le rédacteur,
Ce nom de Lignières m'a rem:se sur la voie d'un,
fait passé depuis bientôt cinq ans. A cette époque.
mon mari était en garnison à Vincennes; souvent,
dans la cour de la maison que nous habitions, ruaJ
de Montrcuil, 82 , venait chanter une jeune femme"'
dont il était impossible de découvrir les traits : desa
lunettes noires et un immense bonnet de mèm»
couleur lui couvraient presque entièrement la figure v,
elle chantait admirablement bien, aussi les sous,
pleuvaient de toutes parts à ses pieds.
Un matin, le 5 octobre 1863, elle se présente chez-
moi avec une liste de souscription pour l'aider à:
publier un ouvrage scientifique ou musical, je
sais plus trop, cet ouvrage devant lui assurer dix
mille francs de rente, chaque souscripteur devant-
recevoir l'ouvrage au complet ; elle me raconta
longuement sa vie et ses malheurs : on n'en lit pas
de semblables dans les romans. Mais son récit
était-il vrai ? je ne le crois pas maintenant ; elle ne;
me dit pas qu'elle était la nièce de Parmenlier. r
mais que, plus jeune, elle avait épousé un avocate
célèbre, M. de Lignières: ils étaient fort riches,
mais son mari devint fou, et dépensa toute sa for-
tune en rien de temps. Pendant ses folies, sa femma
travaillait, elle composait et chantait dans les con-
certs, elle eut même l'honneur (dit-elle toujours).:
de chanter devant S. M. l'Impératrice; son mari
mourut enfin ; elle devint presque aveugle,sans res":
sources, avec deux jeunes enfants à élever. Elle me.
dit demeurer à Montreuil, et depuis peu seulement
elle chantait dans les cours; la misère seule l'y,
avait poussée, et ces lunettes et cet immense bonnetf
noir ne servaient qu'à cacher ses traits aux pe....
sonnes qui. auraient pu l'avoir connue. Quand ellet 1
se présenta chez moi, elle était vètue très-conve- :
nablement en noir, un chapeau et pas de lu-
nettes.
LA FEMME IMMORTELLE
PAR
PONSON DU TERRAIL
PROLOGUE
LA MAISON ENCHANTÉE
XXVIII
27
Ce bourgeois, qui marchait d'un pas lourd,
l'arrêta à dix pas de distance, étonné sans doute
de voir un homme avec sa servante.
Voyant cela, le marquis le salua.
Alors le bourgeois s'avança de nouveau et re-
connut qu'il avait affaire à un gentilhomme, car
l'épéedu marquis retroussait légèrement son man-
teau.
,:Voir les numéros parus depuis le 21 jUI14 '
— Monsieur Guillaume? fit le marquis d'un
ton courtois.
— Oui, monseigneur, répondit le bourgeois,
en s'inclinant presque jusqu'à terre.
C'était un homme entre deux âges, obèse, gri-
sonnant, figure épaisse et joviale, front déprimé
et dépourvu d'intelligence.
— Monsieur Guillaume, reprit lu marquis, je
vous demande mille pardons de venir aussi tard,
mais j'ai absolument besoin de causer avec vous
quelques minutes.
Le bourgeois, ivre d'orgueil, fit une nouvelle
révérence, et, s'effaçant devant sa porte, pour
en laisser l'entrée toute grande :
— Monseigneur,dit-il, je suis tout à votre ser-
vice.
Puis il dit brusquement à la servante :
— Toi, Suzon, fais du feu dans la salle, allume
les flambeaux.
Donnez-vous donc la peine d'entrer, monsei-
gneur.
— Tout cela est fort bizarre, pensait le mar-
quis.
Et il entra.
Le bourgeois Guillaume ne cherchait pas
même à deviner ce que pouvait avoir à lui dire
cet inconnu.
C'était un gentilhomme, un homme d'épée,
qui faisait à un bourgeois l'honneur de le visiter.
Cela suffisait. 1
Suzon, la servante aux cheveux rouges, se
hâta d'allumer du feu dans une vaste salle qui
se trouvait à la suite du vestibule.
En même temps, Guillaume allumait des bou*
gies et les posait sur la cheminée.
A leur clarté, M. de la Roche-Lambert cher-
chait à se rendre un compte exact de ce qu'il
avait autour de lui.
Certes , rien n'était moins mystérieux que
cette grande salle aux murs nus, aux meubles
vulgaires, dans laquelle il se trouvait.
Et ce visage béat du bourgeois !
On pouvait jurer, à première vue, qu'il n'était
ni le confident, ni le serviteur de la femme im-
mortelle.
Le feu allumé, maître Guillaume renvoya
Suzon d'un geste impérieux.
Après quoi, il avança un siége au mar-
quis.
Et, se tenant respectueusement debout devant
lui :
— Monseigneur, dit-il, je suis à vos ordres.
— Mais, asseyez-vous donc, monsieur Guil-
laume, fit le marquis avec la politesse d'un vrai
grand seigneur.
— En vérité, je n'oserais.,.. balbutia le bour-
geois.
— Et moi, dit M. de la Roche-Lambert, jenefc
saurais causer avec un homme qui se tient de-'
bout.
Guillaume était vaincu. Il salua de fiouveaaf-
et s'assit sur le bord d'une chaise.
Alors le marquis lui dit :
— Vous êtes donc retiré des affaires,monsieur
Guillaume?
Le bourgeois parut flatté de la question.
- Oui, monseigneur, répondit-il.
— Et vous avez fait une petite fortune?
— J'ai de quoi vivre, répliqua modestement
Guillaume.
Le marquis reprit :
— Ne vous étonnez pas, monsieur Guillaume,
des questions que je vous adresse. J'ai été
chargé de vous voir par un grand seigneur de
la Cour, qui est de vos amis et qui s'intéressa
beaucoup à vous.
- En vérité! exclama le bourgeois de
en plus flatté. Je suis à vos ordres, monsei-
gneur, répéta-t-il.
— Ainsi, poursuivit M. de la Roche-Lam- '
bert, qui continuait à promener un regard in-:
vestigateur autour de lui, votre fortune faite..
vous avez donc quitté la rue Saint-DeniEi ?
— Oui, monseigneur.
— Et vous êtes venu louer cette znaison 1
—Non pas, elle était_^ moi,
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