Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1928-04-16
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 164718 Nombre total de vues : 164718
Description : 16 avril 1928 16 avril 1928
Description : 1928/04/16 (Numéro 107). 1928/04/16 (Numéro 107).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k2954743
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
LODÉ PAR CEUX-CI, BLÂMÉ PAR- CEUX-LA, ME MOQUANT DES SOTS, BRAVANT LES MECHANTS,
JE ME PRESSE DE RIRE DE TOUT. DE PEUR ©'ÊTRE OBLIGÉ D'EN PLEURER.
BEAUMARCHAIS.
PuBtications Annexés LE FIGARO Littéraire,
(Le Figaro Artistique Illustré LE FIGARO des Etats-Unis,'
La Page ÇohniaCe.
Édité éx f 'Hôtel du FIGARO
14, Rond-Point des CHamps'Efyse'es. Paris CS' ArrondJ
lo3" Artntt · Z1l° 707 dt 1928
1..£. NUMERO
50
CENT) M ES
t? Franc»,
ILE. NUMÉRO
30
CENTIMES
en Franc*
LUNDI 16 AVRIL. 1928
L.UNDI 16 AVRIL. 1328
DIBBCIBTTB BTRA2TÇOIS COXT
PROPOS DIPLOMA,TIQUES
La S*D,N* et la crise
des alliances0'
En septembre 1927, le Conseil de la
Société des Nations, grâce à l'interven-
tion très ferme de sir Austen Chamber-
lain, qui avait menacé de donner sa dé-
mision, si son avis n'était pas adopté,
se prononça pour la Roumanie. C'était
conforme au bon sens, à l'équité, aux
nécessités de la paix. En mars 1928, tête
sur queue, toujours sur l'initiative du
délégué anglais.
Première observation pour ceux qui
jugent cette volte-face du dehors, elle
s'explique par le refus hongrois de s'in-
cliner devant la première décision. D'où
la conclusion que pour se concilier la
S. D. N. il suffit de la bafouer.
Deuxième observation l'Angleterre
prétend imposer l'arbitrage à la Rou-
manie dans un cas où elle ne peut l'ac-
cepter, ni en principe, parce que ce se-
rait livrer à des juges étrangers le sort
de sa Constitution, ni eh fait, parce que,
par une usurpation de pouvoirs que Jes
plus grands jurisconsultes du monde
ont condamnée, ces juges se sont déjà
prononcés contre elle. Or, de toutes les
grandes puissances, l'Angleterre, juste-
ment jalouse de ses droits souverains,
est celle qui montre le plus de répu-
gnance à les abdiquer en faveur d'un
tribunal international. Toutes les for-
mules des traités qu'elle a signés ou né-
gociés sont calculées pour exclure de
l'arbitrage tous les cas ayant une portée
politique.
Troisième observation à deux re-
prises, dans cette affaire, l'Angleterre
prend une initiative qui serait plus na-
turelle et moins dangereuse de notre
part. Pour que l'Entente cordiale mé-
rite ce nom, les rôles doivent y être dis-
tribués d'après les intérêts et la compé-
tence des deux parties. Autant il est
naturel que dans les questions extraeu-
ropéennes, qu'elle connaît mieux que
nous et qui l'affectent plus profondé-
ment, l'Angleterre mène le jeu, autant
il est choquant que nous soyons à sa
remorque dans une question continen-
tale qu'elle ignore et qui nous l'avons
ïtiônlfé dans "mi précédent article
met indirectement notre sécurité en pé-
ril. Ce n'est là qu'une nouvelle mani-
festation de la paralysie générale dont
notre diplomatie est atteinte depuis que,
par les soins du cartel, elle a été intoxi-
quée de pacifisme, cet alcoolisme des
peuples. Toujours passive, elle subit et
s'en vante. N'oublions pas que Locarno
a été proposé par Berlin, ce qui le juge.
Pour une fois que le Quai d'Orsay a été
actif mais dans la ligne de sa passi-
vité, le pacifisme en proposant le
pacte franco-américain, il s'est enferré
jusqu'à la garde. Le rôle dirigeant que
nous abandonnons à l'Angleterre dans
des affaires où nous avons sur elle la
supériorité des droits, des intérêts et
des lumières, a le double inconvénient
de nous exposer à nous fourvoyer et
de suggérer aux autres pays, y compris
nos alliés de la Petite Entente, la ré-
flexion que si le fil qui les relie à Pa-
ris passe par Londres, mieux vaut
s'adresser à Londres et négliger Paris.
♦ ̃>
-̃•:̃•
Lorsque, l'été dernier, sir Austen
Chamberlain a plaidé la cause de, la
Roumanie, il se trouvait dans une de
ces conjonctures, si chères à une cons-
cience' anglaise, où la justice et l'intérêt
s'accordent. L'intérêt était de ne pas
affaiblir un pays qui est un bastion de
l'Est contre le bolchevisme. De septem-
bre à mars, c'est, malgré l'accélération
de la vie contemporaine, trop peu de
temps pour. que la justice éternelle ait
cessé de l'être. Serait-ce que l'intérêt an-
glais ait changé de camp ? Non, l'inté-
rêt bien compris commande plus que
jamais au cabinet de Londres, depuis sa
rupture avec les Soviets, de ménager la
Roumanie comme, par une évolution
plus récente, il ménage, pour la même
raison, la Pologne.
Serait-ce qu'à côté, au-dessus même
de l'intérêt, il y a les intérêts ? Les-
quels ? Ce n'est certainement pas l'in-
térêt inspiré par la S. D. N., dont sir
Austen Chamberlain se désintéresse de
plus en plus. La preuve en est dans ses
interventions répétées pour réduire le
nombre des réunions de Genève et sur-
tout dans son insistance à décliner les
responsabilités du pacte, ce qui en re-
jette tout le poids sur la France et fe-
rait de notre pays, s'il écoutait les si-
rènes de Genève, le gendarme désarmé
de la paix universelle. En outre, le meil-
leur moyen de sauver la face de la S.
D. N., si elle n'était perdue depuis long-
temps, ne serait pas de lui imposer une
décision qui, à quelques mois d'inter-
valle, la met en contradiction flagrante
avec elle-même et qui, arrachée par le
chantage hongrois, est une prime à ses
contempteurs et à l'anarchie internatio-
nale. La campagne magyarophile de la 1
presse Rothermere et de puissants grou-
£1), Voir le Figaro des 14 et 15 avril,
pes financiers de Londres engagés à
Budapest ? Le déplaisir que les finan-
ciers de la Cité ont ressenti de la préfé-
rence donnée par la Roumanie à la Ban-
que de France pour la négociation d'un
prochain emprunt, dont ils n'auront
qu'une tranche, après avoir escompté
tout le gâteau ?
Il n'y a là, croyons-nous, qu'un élé-
ment adventice, insuffisant en lui-mê-
me, mais qui, combiné avec une sympa-
thie permanente et profonde pour la
Hongrie, la ranime au point d'obscurcir
chez nos amis anglais le sentiment de
la justice, et même celui de l'intérêt.
L'analyse de cette sympathie eût ré-
joui Pascal, pour qui le sort du monde
dépendait du nez de Clcopâlrc ou de la
vessie de Cromwell.
Entre Londres et Budapest, les allian-
ces des deux aristocraties et les rap-
ports des deux finances sont les liens
les plus sérieux et, par conséquent, les
moins forts. Autrement solide est le
lien qui résulte de la communion des
deux pays dans le parlementarisme.
Nous y trouvons une preuve savoureuse
de cette vérité supérieure que le royau-
me de la politique est, le plus souvent,
celui des fausses apparences.
En effet, cette communion anglo-
magyare, sous les espèces du parlemen-
tarisme, est sacrilège à Budapest. Sans
doute, la Bulle d'or du roi André II de
l'an 1222 n'est postérieure que de quel-
ques années à la Grande Charte d'An-
gleterre. Si la Grande-Bretagne est la
mère des Parlements, la Hongrie est sa
fille aînée. Plus touchante encore que
cette maternité, la façade du Parlement
hongrois, reproduction fidèle de celle de
Westminster. Une nuance cependant
ce monument ainsi qu'il sied au temple
d'un simulacre, est en carton-pâte.
Notre éminent maître de droit cons-
titutionnel, M. Ch. Benoist, nous a au-
trefois appris qu'en Hongrie le vote est
public et verbal, et que, dans cette Ar-
cadie électorale, les citoyens étaient
transportés, en musique, sur des chars
à la salle de vote où, comme les molai-'
res dans les foires, les volontés du peu-
ple étaient arrachées sans douleur au
milieu des fanfares. Si l'harmonie était
troublée, les musiciens officiels la ré-
tablissaient en la faisant rentrer dans
la tête des dissidents à coups d'insiru*
ments. La gendarmerie s'alliait à la
musique- -poiir assurer l'unisson. Ces
croisés de l'urne sainte marquaient
d'une croix dans le dos les électeurs
dont l'indépendance avait résisté aux
coups de trombone et ces endurcis
étaient assommés à la sortie.
Depuis, les méthodes du parlemen-
tarisme ont été perfectionées à Buda-
pest. Sous le règne de Bela Kun, le
Westminster hongrois était transformé
en jardin des supplices. C'est là
qu'étaient entassées les victimes de la
Terreur. Leurs corps étaient jetés dans
le beau Danube rouge qui reflète les
pinacles et les fleurons du Palais du
Droit non sans avoir été torturés
avec des raffinements inouïs de cruauté.
Après l'écrasement du bolchevisme
hongrois par les troupes roumaines, en
1920, j'ai vu dans les prisons de Buda-
pest une suave jeune fille, intellectuelle
russe, qui momentanément attachée au
« Parlement hongrois, se vantait d'y
avoir tenu la main de 150 suppliciés et
d'avoir averti les bourreaux du moment
où, le pouls cessant de battre, il conve-
nait de les ranimer afin de pouvoir en
extraire ensuite de nouvelles douleurs.
̃̃̃̃ :*•
Bien que cette conception du parle-
mentarisme ne soit pas celle de nos
amis anglais, ils n'en concluent pas
moins de l'identité des façades à l'iden-
tité des institutions. En 1920, le Con-
seil suprême, composé de parlementai-
res, invita le bourreau en chef de Buda-
pest à se faire représenter à Paris. Pour
l'y décider, on lui prodigua vainement
les sourires et on lui envoya le célèbre
général Smuts, puritain du Cap. On a
dit, il est vrai, que celui-ci était un
chaud partisan de cette prise de contact
parce que, sur la foi d'un nom aussi fo-
lâtre, il prenait Bela Kun pour une
danseuse. Ce serait sa seule excuse.
Nous verrons dans un dernier article
que la clairvoyance franco-anglaise
dans l'affaire « des optants hongrois »
est de la même qualité.
EN DEUXIEME PAGE
LA CHRONIQUE DRAMATIQUE
de Mme Gérard d'Houville
LE FIGARO
Fondé le 14 Janvier 1826
Amiens Directeurs H. DE Villemessant,
F. Magnard, G. CALMETTE, A. Capus,
R. DE Flers.
ADMINISTRATION RÉDACTION PUBLICITÉ ANNONCES
14, ROND-POINT DES CHAMPS-ELYSÉES. PARIS
Téléphont Elysées 12-58, 12-61. 02-65, 98-31 à 98-34.
ABONNEMENTS 3 mois 6 mois i an
Paris,Départements & Colonies. 30 » 54» 100 »
ÉTRANGER
Pays à tarif postal réduit 52 » 100 J> 190 »
Pays à tarif postal augmenté.. 72 » 140 » 260 »
On s'abonne dans tous les Bureaux de Poste de France
Chèque postal 242-53 Paris
Les révélations
du mani f este radical
Voici enfin qui est clair. Le
grand parti radical vient de lan-
_J/™v cer son manifeste officiel, signé
de son président* de ses vice-
présidents, de ses secrétaires et de son tré-
sorier général. C'est un appel véhémerit
contre toute politique nationale. C'est une
invitation pressante à l'alliance avec les
socialistes. C'est une déclaration en règle
contre le programme de Bordeaux et con-
tre le programme de Carcassonne.
Le cabinet reçoit de sa longue tolérance
une récompense qui n'était pas imprévue.
Il a recueilli les radicaux en désarroi, lors
de la crise de juillet 1926. Il les a sauvés
de la colère publique. Les radicaux natio-
naux l'ont suivi. Les radicaux extrémistes
ont gardé un silence hostile. Dans son dis-
cours de Bordeaux, M. Poincaré signalait
l'attitude énigmatique de ces soutiens in-
termittents. A la veille des élections, ils ne
sont plus intermittents ils ne sont plus des
soutiens ils se transforment ouvertement
en adversaires.
Et une question s'impose. Est-ce que
l'administration va faire campagne en fa-
veur du parti qui se prononce contre le
gouvernement ? Est-ce que les préfets et
les sous-préfets vont réserver leurs bons
procédés aux candidats qui combattent pu-
bliquement toute politique nationale ? Est-
ce que dans tous les arrondissements, on
va voir se répéter la manœuvre ̃ de Tou-
lon, où M. Renaudel, socialiste révolution-
naire, est soutenu par le sous-préfet contre
M. Gozzi, qui se réclame de la politique
de M. Poincaré ? Nous avions déjà eu la
brochure Daladier, qui était un réquisitoire
du parti radical contre l'union. Nous avons
aujourd'hui le manifeste Daladier, qui ou-
vre les hostilités. Le parti radical est-il avec
M. Daladier ? est-il avec les radicaux du
gouvernement
Ce n'est pas là une question de groupe-
ments ou de personnes. C'est une question
politique au premier chef. Si on lit de près
le manifeste radical, on s'aperçoit qu'il im-
plique un programme socialiste. Il réclame
en réalité la formation d'un parti de gau-
che qui continuera l'oeuvre de désorganisa-
tion du cartel, qui sera étatiste et partisan
des monopoles; qui poursuivra la nationa-
lisation des industries et la disparition de
l'héritage. Le manifeste du parti radical,
ce n'est pas seulement l'annonce d'une al-
liance entre des hommes qui veulent s'em-
parer du pouvoir, c'est surtout l'annonce
d'une politique révolutionnaire destinée à
exploiter et à affaiblir la France. Quels
sont les radicaux qui ne s'inclinent pas de-
vant le mot d'ordre ? A eux la parole.
ANDRÉ CHAUMEIX.
Ulysse.
AU JOUIR JLE JOUR
A TIRE D'AILES
n.
Nous ne croyons pas que l'on se rende un
compte très exact, dans les salons, des possi-
bilités de l'aviation. Pour le public, un avion,
c'est un objet qu'il voit se déplacer au-dessus
de sa tête, qui est placé dans une situation
assez dangereuse et dont on ne juge pas bien
s'il avance rapidement.
Presque personne ne pense au fait que la
route de Paris à Limoges, par exemple, est
longue, qu'elle comporte un interminable par.
cours entre des champs déserts coupés de haies,
que le train le plus rapide rampe pendant sept
heures pouj y parvenir, que Ja. voiture la plus
chère mettra le même temps a "y arriver, après
combien de cahots, d'ennuis, de secousses.
L'avion, si le vent est favorable, y atterrira
en deux heures environ. Mais combien de gens
pensent de cette manière, songent que l'avion
est la plus puissante botte de sept lieues qu'on
ait jamais inventée, que les kilomètres, vus
de haut, deviennent tout petits, et que la carte
du monde se rétrécit comme la peau de chagrin
dont Balzac a parlé ?
De temps en temps, cependant, un incident
se produit, une preuve nous est donnée, qui de-
vrait faire réfléchir le public, si le public n'était
si léger et si distrait. c'est, par exemple, la
phrase du mécanicien descendant de l'appareil,
l'autre jour, après le raid Le Bourget-centre
Afrique et retour en trois jours, et disant bon-
nement
Je n'ai pas mangé depuis Dakar
Mot historique, et qui fera sourire nos petits-
fils, car l'aviation actuelle n'est rien auprès de
l'aviation future, mais mot historique tout de
même.
C'est la courageuse folie des trois Allemands
allant s'abattre à Terre-Neuve, alors que leur
suicide aurait dû réussir. C'est, mille fois plus
significatifs et plus riches d'enseignements, je
tranquille voyage d'Hinkler atteignant en douze
jours l'Australie, et surtout la sublime envolée
de Costes, et de Le Brix,, qui ont affronté les
pires dangers'et supporté la vie la plus dure, et
qui rentrent à tire d'aile vers le nid, comme
l'aigle « volait de clocher en clocher vers les
tours de Notre-Dame ».
Ah oui, c'est du coup que la carte du monde
subit un rude rétrécissement et qu'il nous faut
regarder l'Europe, ou même le globe, cette sim-
ple petite bille des roulements célestes, avec
d'autres yeux que ceux qui nous ont précédés.
Comment les Français ne peuvent-ils s'y habi-
tuer ? Car vous verrez que la prochaine fois
que je monterai dans un avion de ligne, je
.m'y trouverai seul Français, avec huit Améri-
cains en chapeaux gris, une vieille dame espa-
gnole et son petit chien apparemment chinois.
Hervé Lauwick.
CHRONIQUE DU « FIGARO »
Regard en arrière
• • •
J'ai pour la démagogie, sinon pour
le vice, une de ces haines qu'Alceste
souhaitait vigoureuses mais comme,
à rebours de la mode,.je mets la poli-
tique au troisième plan, je donne à ce
mot « démagogie » un sens particulier
professionnel, pour parler mieux.
J'entends cette lâche prudence, ces
ignobles flatteries des artistes ou des
écrivains sur le seuil de la vieillesse,
qui caressent les jeunes pour n'en être
pas trop éreintés, et qui tremblant de
n'être plus à la page, comme on dit,
affectent d'être, à la page suivante.
Rien, en revanche, ne me semble,
quand on a passé l'âge mûr, si utile
que d'entretenir commerce, en gardant
toutefois son rang et sa dignité, avec la
génération qui vient disons, pour lui
faire plaisir: avec la génération .qui
monte.. Car le snobisme est ridicule
de s'essouffler à suivre son train,
mais il faut se tenir au courant, ou si-
non à quoi bon vivre ? Et qui nous
montrerait du doigt l'avenir, sinon les
jeunes gens qui le verront de leurs
yeux quand les nôtres seront fermés ? `?
La nature y a pourvu en nous don-
nant des fils, qui, après que nous avons
fait leur éducation de notre mieux, nous
rendent la pareille et font la nôtre tant
bien que mal. Mais elle n'accorde pas
à tous cette faveur, et ceux à qui elle la
refuse sont bien forcés de recourir aux
expédients. C'est pourquoi je n'écoute-
rai pas le conseil d'un aimable corres-
pondant qui m'engage à cultiver mes
relations avec Socrate et les autres
morts, mais rompre avec Bosy Gulli-
ver.
Dirai-je, par parenthèse, à cet ami in-
connu, qui omet de me déclarer son
nom, qu'il n'a aucun sentiment de la
propriété des mots ? Il m'écrit « Cette
lettre n'est pas anonyme, puisqu'elle
n'est pas injurieuse. « M a l'air de croire
ce raisonnement aussi fort que le co-
gito, ergo sum. Mais l'anonyme ne sup-
pose l'injure qu'en vertu d'une expé-
rience, il est vrai, invariable, d'une as-
sociation d'idées indissoluble, et non
pas en conséquence d'un principe a
priori de la raison. J-0 revins* à, Bosy
Gulliver. »' r
Sans lui, je serais réduit prompte-
ment à la condition de fossile, et par
exemple je n'irais presque jamais au
cinéma mais il veut que je l'y mène.
J'ai bien tenté quelquefois d'y aller
seul j'y fais scandale Les belles
phrases qui apparaissent sur l'écran
m'arrachent des cris douloureux, dont
s'indignent mes voisins car les specta-
cles de l'art muet sont les seuls où les
spectateurs ne parlent pas, comme au
théâtre, tous ensemble et très haut.
Pour ne plus voir ce qui est écrit, je
ferme les yeux alors, je ne vois
plus les images on conviendra que ce
n'est pas la peine de me déranger. J'y
avais renoncé, Bosy m'y traîne.
Je me laisse traîner, mais je choisis.
J'ai un faible pour les films de Chariot.
On m'excusera de dire, en progression
décroissante, que ce sont des chefs-
d'œuvre, ou de petits chefs-d'œuvre,
ou des manières de petits chefs-
d'œuvre, et qu'il a du génie ou une es-
pèce de génie. Ce jargon de réclame
fait plus d'effet' que les expressions tou-
tes simples dont j'ai l'usage, mais il ne
signifie rien. Charlot est un artiste de
qualité, -et cella se voit à ce que, prati-
quant un art qui a la disgrâce de réa-
liser, M indique.
Mais son film commence à dix heu-
res un quart et nous étions installés
dans nos fauteuils, parmi les ténèbres,
dès neuf heures. Bosy ne souffre pas
d'être en retard il sait vivre, et puis
il veut en avoir pour mon argent. Je n'ai
pas regretté notre hâte. J'aime assez la
publicité, l'actualité et le documentaire
(quel style !) qui servent de hors-d'oeu-
vre ou qui bouchent les trous du pro-
gramme. On y a, dans plusieurs salles,
ajouté depuis quelque temps le rétros-
pectif, et c'est ce que j'attendais l'autre
soir avec plus de curiosité, mais non
pas sans mélancolie.
J'avais ouï conter qu'à la vue des cos-
tumes et des coiffures de naguère, toute
l'audience était ordinairement prise du
fou rire.
J'eus l'agréable surprise d'observer
que la redingote du président Fallières
et le costume de chasse de M. Loubet
ne faisaient pâmer personne. On riait
sans doute, mais du bout des lèvres et
comme par manière d'acquit. Les toilet-
tes de femmes que l'on nous présenta
n'étaient pas, à la vérité, trop extrava-
gantes, et si l'on nous avait montré des
tournures, des strapontins, des lieute-
nants, toute la défroque de Sapho, il
est probable que nous nous serions fait
moins prier pour éclater, mais enfin
c'étaient des robes longues, et personne
ne s'avisa que la plus élémentaire pu-
deur commande aux femmes de mon-
trer leurs jambes jusqu'au-dessus du
genou. On sembla même prendre quel-
que plaisir à revoir des créatures d'une
espèce et d'une configuration aujour-
d'hui (peut-être momentanément) dis-
parues, mais en somme depuis peu, et
dont nous ne saurions si vite avoir.per-
du toute mémoire.
Seuls, certains, chapeaux d'une am-
pleur démesurée, et des ombrelles d'une
forme comique obtinrent un franc suc-
cès de gaîté.
Oh maman, s'écria un petit gar-
çon qui était derrière nous, tu n'as pas
porté des chapeaux comme ça, toi, dis ?
Jamais répondit la mère, de ce
ton assuré qu'il faut prendre quand on
se parjure ou qu'au moins on ment.
Ta mère n'était pas de ce monde,
fit le père avec une, atroce ironie.
Il voulait dire, je pense, qu'elle
n'était pas de ce monde-là mais le pe-
tit garçon entendit qu'elle n'était pas
née. Il se tut. II comptait dans
sa petite tête qu'il avait douze ans,
qu'elle en avait bien vingt-cinq de plus
que lui. Les ombres d'hier s'évanoui-
rent sur l'écran, toutes les lampes se
rallumèrent.
Promettez-moi, dis-je à Bosy, que
dans une trentaine d'années, quand je
n'y serai plus, vous irez voir au cinéma
les costumes de 1928 et vous songerez
a moi.sans trop, rire. ̃
Mais je n'ai pas ri ce soir repar-
tit Bosy Gulliver de son air le plus fa-
rouche. De toutes ces choses anciennes,
seulement deux semblent réellement
grotesques, les chapeaux et les para-
pluies, parce que personne ne met plus
de chapeau et ne se sert d'un parapluie.
Ce n'était pas des parapluies,
Bosy, c'étaient des ombrelles.
On ne se sert pas non plus d'om-
brelles, puisque même, aussitôt que le
soleil paraît, on retire tous les vête-
ments.
Abel Hermant,
de l'Académie française.
ÉCHOS
.t.. »
La Température
Probabilités pour aujourd'hui
Vent dit sud-ouest assez fort.
Ciel nuageux, quelques pluies. ;>
Grande gloire. et petits profits.
La journée d'hier fut glorieuse pour
Costes. et Le Brix, dans i<5ur. Paris re-
trouvé.
Mais elle fut aussi fructueuse pour
tous les petits monnayeurs de gloire,
qui s'en sont donné à cœur joie. Dès
le passage des deux héros, qu'une voi-
ture rapide menait à Rambouillet, un
véritable essaim de camelots s'abattit,
en effet, sur les curieux. Au tarif d'un
franc la carte-souvenir, les, photogra-
phies de Costes et de Le Brix se vendi-
rent par milliers et une copieuse re-
cette vint récompenser les petits mar-
chands de leur connaissance opportune
de la sentimentalité des foules.
-d-
Nostalgie.
M. Lloyd George vient de faire, au
Club libéral de Londres, un grand dis-
cours où il a exprimé tout ce qu'un mi-
nistre en retraite peut penser d'un mi-
nistre en exercice il a vitupéré M.
Baldwin avec une violence inouïe.
M» Baldwin, a-t-il dit, est un petit
esprit, un receveur de billets qui s'est
fourvoyé dans la plus importante ca-
bine d'aiguillage de tout le réseau (sic).
Il se trouve devant cent leviers, et ne
sait lequel tirer. Il ne sait où il envoie
les trains, ni ce que contient chaque ex-
press.
On voit que M. Lloyd George est en-
nuyé d'être à pied. C'est la nostalgie du
pouvoir.
Voilà pour vos enfants des compa-
gnons de jeu et d'aventures, amusants
et vivants, toujours à l'affût, prêts à les
accompagner partout, sans cesse ani-
més du désir de leur plaire. Ces amis,
jeunes, gais, nouveaux comme eux,
s'appellent. comme eux. les Enfants
de France.
La vengeance.
Nous tirons d'un journal américain
de T. S. F. cette charmante petite his-
toire
Le juge (à l'accusé). Il me semble
vous avoir déjà vu quelque part ?
L'accusé. Oui, Votre Honneur.
C'est moi qui ai eu le plaisir d'appren-
dre à votre fils à monter des appareils
de téléphonie sans fil.
Le juge. Dix_ans de prison.
INSTANTANÉ
<£' Sxposition X. $0 nantie t
Aujourd'hui a lieu à la Galerie Georges
Petit, 8, rue de Sèze, le vernissage de la très
belle exposition des œuvres que le peintre bien
connu L. Bonamici a rapportées de Pravence
et de Vénétie. Toiles colorées où l'artiste, a su
faire chanter la lumière du Midi et dégager
la noble poésie des paysages aux lignes pures.
Le Figaro consacrera, dans son supplément
illustré de jeudi prochain, une étude à cette
exposition qui sera un des événements artis-
tiques de là saison.
Place Vendôme, au 26, dans l'appar-
tement qu'habita jadis Lucien Guitry,
une petite mais adorable collection de
robes du matin, d'après-midi et de dî-
ner. dans un cadre charmant.
« Shall et Will », une Maison créa-
trice qui naît, disait dernièrement un de
nos meilleurs chroniqueurs de Modes.
Le Masque de Fer,
Costes et Le Brix
à Paris et à Rambouillet
Ils sont reçus
par le Président de Ia République
La journée de samedi avait fini tard
pour les deux aviateurs. Malgré leur fati-
gue, en effet, ils avaient voulu voir la
course des Six Jours. Ce fut du délire.
De la pelouse aux populaires, jamais en-
thousiasme n'éclata avec plus de vigueur.
Les verrières du Vélodrome d'Hiver en
tremblaient. Mais il fallut bien rentrer.
Les deux « as » se faisaient prier.
Je suis trop énervé, disait .Le Brix.
Je sens que je ne pourrai pas dormir.
Et puis, je n'ai plus l'habitude,
avouait Costes.
Vers deux heures, cependant, ils pre-
naient possession de leur appartement.
Quelques minutes plus tard, ils dormaient.
Et, comme nous nous présentions dans
la matinée d'hier, pour les voir '« Ils
reposent », nous dit-on. Ils s'éveillèrent
une heure plus tard, vers dix heures. Ou-
vrant les yeux, ils reconnurent, alors,
leurs pères, veillant à leur chevet.
Leur toilette vivement expédiée, un re-
gard donné aux fleurs qui meublent et
tapissent entièrement leurs appartements,
ils se sont ensuite rendus dans une rôtis-
serie de la rive gauche, où les attendaient
M. Jean Paiolevé et M. Lacoste, adminis-
trateur de la maison Plispano. MM. Costes
père, et Le Brix père accompagnaient
leurs fils. Le repas fut gai. Les deux avia-
teurs sont tout à la joie du retour. Ils
n'oublièrent cependant pas leurs rendez-
vous. A deux heures un quart, ils quittè-
rent le restaurant pour regagner l'hôtel
Claridge.
Le spectacle de l'avenue des Champs-
Elysées à ce moment était. inoubliable. De-
puis le matin, la foule des curieux se re-
nouvelait autour de l'hôtel. Mais, dès une
heure, il devint impossible de circuler
sur ce côté de l'avenue. A une heure et
.demie, un service d'ordre imposant, sous
la direction de MM. Chiappe, préfet de
police; Guichard, directeur de la police
municipale; et Soule, commissaire de po-
lice, parvenait cependant à canaliser le
flot sans cesse grossissant des admirateurs
enthousiastes. Mais, lorsque, à 2 h. 25,
l'auto des pilotes est enfin signalée, c'est
comme un courant électrique qui parcourt
tous ces gens agglutinés comme un essaim
tout autour du Claridge.
L'auto s'arrête. Costes et Le Brix, rou-
ges, confus, la joie dans les yeux, sont
accueillis par une ovation qui monte,
roule, semble s'arrêter un instant pour re-
partir de nouveau avec plus de force, se
ralentit encore et éclate comme une tem-
pête, comme un tonnerre. « Au balcon!
Au- balcon! » grondent des milliers de
voix.
Au balcon du deuxième étage, Costes et
Le Brix apparaissent, saluent, tendent les
mains. Les bravos renaissent. Les accla-
mations ne cesseront d'ailleurs que long-
temps après le départ des aviateurs pour
Rambouillet. Comme ils vont monter en
auto, acompagnés de M. Bokanowski, mi-
nistre du Commerce et de 'l'amiral For-
tant, directeur de l'Aéronautique, une jeune
fille, une enfant presque, réussit tout à
'coup, à franchir le barrage d'agents. Ar-
rivée devant les aviateurs, elle s'arrête
soudain intimidée. Puis, elle tend un
crayon, une feuille de papier. Costes et
Le Brix ont compris. Ils signent et la
jeune fille s'éclipse, satisfaite, rouge de
confusion et de bonheur.
A Rambouillet
Mais il faut partir. Sifflet aux lèvres,
̃deux agents motocyclistes roulent devant
les voitures officielles. Par les Champs-
Elysées, l'avenue du Bois, le Bois, Saint-
Çlpud, le cortège gagne la route de Ver-
sailles. Partout on attend le passage des
héros. Infatigablement ceux qui veulent
les apercevoir montent la garde sur le
côté des routes et des chemins. Ils n'en-
trevoient que des silhouettes qu'ils accla-
ment au petit bonheur. C'est que les voi-
tures marchent à 90 à l'heure, pour semer
les suiveurs obstinés qui s'égrènent bien-
tôt, comme un chapelet tout le long de la
route de Rambouillet.
Le cortège arrive au château présiden-
tiel à quatre heures. Costes et Le Brix
sont reçus, sur le perron, par le colonel
Denain et J. Vinson, chef du secrétariat
particulier du président de la République
et aussitôt introduits auprès de M. Don-
mergue. M. Bokanowski fait, les présenta-
tions officielles. D'abord, Costes, le pi-
lote, puis, Le Brix, le navigateur, enfin
MM. Bréguet et Lacoste, les constructeurs.
Le président souriant questionne, s'en-
thousiasme. Il parle du voyage, il se fait
apporter des cartes, il interroge. Le par-
cours de Tokio à Paris le passionne par
sa rapidité, sa régularité et sa précision.
Il veut encore entendre le récit. Costes et
Le Brix se sentent plus à l'aise devant les
questions techniques que devant les com-
pliments. Avec netteté, ils donnent des
détails, éclaircissent des points obscurs.
M. Doumergue les écoute avec un intérêt
passionné.
Après cet entretien, le président fait
visiter le parc et le château à ses invités.
Mais le tour du propriétaire est plus vite
accompli que le tour du monde. A cinq
heures, les aviateurs reprennent le che-
min de Paris. Tout le long de la route ils
retrouvent la même foule et les mêmes ac-
clamations.
A l'Aéro-Club de France
Aussitôt après leur retour de Rambouil-
let, Costes et Le Brix se sont rendus à1
I1 Aéro-Club de France, rue François-1^
où une réception était organisée en leur
honneur.
Là encore, une foute enthousiaste s'étai|
JE ME PRESSE DE RIRE DE TOUT. DE PEUR ©'ÊTRE OBLIGÉ D'EN PLEURER.
BEAUMARCHAIS.
PuBtications Annexés LE FIGARO Littéraire,
(Le Figaro Artistique Illustré LE FIGARO des Etats-Unis,'
La Page ÇohniaCe.
Édité éx f 'Hôtel du FIGARO
14, Rond-Point des CHamps'Efyse'es. Paris CS' ArrondJ
lo3" Artntt · Z1l° 707 dt 1928
1..£. NUMERO
50
CENT) M ES
t? Franc»,
ILE. NUMÉRO
30
CENTIMES
en Franc*
LUNDI 16 AVRIL. 1928
L.UNDI 16 AVRIL. 1328
DIBBCIBTTB BTRA2TÇOIS COXT
PROPOS DIPLOMA,TIQUES
La S*D,N* et la crise
des alliances0'
En septembre 1927, le Conseil de la
Société des Nations, grâce à l'interven-
tion très ferme de sir Austen Chamber-
lain, qui avait menacé de donner sa dé-
mision, si son avis n'était pas adopté,
se prononça pour la Roumanie. C'était
conforme au bon sens, à l'équité, aux
nécessités de la paix. En mars 1928, tête
sur queue, toujours sur l'initiative du
délégué anglais.
Première observation pour ceux qui
jugent cette volte-face du dehors, elle
s'explique par le refus hongrois de s'in-
cliner devant la première décision. D'où
la conclusion que pour se concilier la
S. D. N. il suffit de la bafouer.
Deuxième observation l'Angleterre
prétend imposer l'arbitrage à la Rou-
manie dans un cas où elle ne peut l'ac-
cepter, ni en principe, parce que ce se-
rait livrer à des juges étrangers le sort
de sa Constitution, ni eh fait, parce que,
par une usurpation de pouvoirs que Jes
plus grands jurisconsultes du monde
ont condamnée, ces juges se sont déjà
prononcés contre elle. Or, de toutes les
grandes puissances, l'Angleterre, juste-
ment jalouse de ses droits souverains,
est celle qui montre le plus de répu-
gnance à les abdiquer en faveur d'un
tribunal international. Toutes les for-
mules des traités qu'elle a signés ou né-
gociés sont calculées pour exclure de
l'arbitrage tous les cas ayant une portée
politique.
Troisième observation à deux re-
prises, dans cette affaire, l'Angleterre
prend une initiative qui serait plus na-
turelle et moins dangereuse de notre
part. Pour que l'Entente cordiale mé-
rite ce nom, les rôles doivent y être dis-
tribués d'après les intérêts et la compé-
tence des deux parties. Autant il est
naturel que dans les questions extraeu-
ropéennes, qu'elle connaît mieux que
nous et qui l'affectent plus profondé-
ment, l'Angleterre mène le jeu, autant
il est choquant que nous soyons à sa
remorque dans une question continen-
tale qu'elle ignore et qui nous l'avons
ïtiônlfé dans "mi précédent article
met indirectement notre sécurité en pé-
ril. Ce n'est là qu'une nouvelle mani-
festation de la paralysie générale dont
notre diplomatie est atteinte depuis que,
par les soins du cartel, elle a été intoxi-
quée de pacifisme, cet alcoolisme des
peuples. Toujours passive, elle subit et
s'en vante. N'oublions pas que Locarno
a été proposé par Berlin, ce qui le juge.
Pour une fois que le Quai d'Orsay a été
actif mais dans la ligne de sa passi-
vité, le pacifisme en proposant le
pacte franco-américain, il s'est enferré
jusqu'à la garde. Le rôle dirigeant que
nous abandonnons à l'Angleterre dans
des affaires où nous avons sur elle la
supériorité des droits, des intérêts et
des lumières, a le double inconvénient
de nous exposer à nous fourvoyer et
de suggérer aux autres pays, y compris
nos alliés de la Petite Entente, la ré-
flexion que si le fil qui les relie à Pa-
ris passe par Londres, mieux vaut
s'adresser à Londres et négliger Paris.
♦ ̃>
-̃•:̃•
Lorsque, l'été dernier, sir Austen
Chamberlain a plaidé la cause de, la
Roumanie, il se trouvait dans une de
ces conjonctures, si chères à une cons-
cience' anglaise, où la justice et l'intérêt
s'accordent. L'intérêt était de ne pas
affaiblir un pays qui est un bastion de
l'Est contre le bolchevisme. De septem-
bre à mars, c'est, malgré l'accélération
de la vie contemporaine, trop peu de
temps pour. que la justice éternelle ait
cessé de l'être. Serait-ce que l'intérêt an-
glais ait changé de camp ? Non, l'inté-
rêt bien compris commande plus que
jamais au cabinet de Londres, depuis sa
rupture avec les Soviets, de ménager la
Roumanie comme, par une évolution
plus récente, il ménage, pour la même
raison, la Pologne.
Serait-ce qu'à côté, au-dessus même
de l'intérêt, il y a les intérêts ? Les-
quels ? Ce n'est certainement pas l'in-
térêt inspiré par la S. D. N., dont sir
Austen Chamberlain se désintéresse de
plus en plus. La preuve en est dans ses
interventions répétées pour réduire le
nombre des réunions de Genève et sur-
tout dans son insistance à décliner les
responsabilités du pacte, ce qui en re-
jette tout le poids sur la France et fe-
rait de notre pays, s'il écoutait les si-
rènes de Genève, le gendarme désarmé
de la paix universelle. En outre, le meil-
leur moyen de sauver la face de la S.
D. N., si elle n'était perdue depuis long-
temps, ne serait pas de lui imposer une
décision qui, à quelques mois d'inter-
valle, la met en contradiction flagrante
avec elle-même et qui, arrachée par le
chantage hongrois, est une prime à ses
contempteurs et à l'anarchie internatio-
nale. La campagne magyarophile de la 1
presse Rothermere et de puissants grou-
£1), Voir le Figaro des 14 et 15 avril,
pes financiers de Londres engagés à
Budapest ? Le déplaisir que les finan-
ciers de la Cité ont ressenti de la préfé-
rence donnée par la Roumanie à la Ban-
que de France pour la négociation d'un
prochain emprunt, dont ils n'auront
qu'une tranche, après avoir escompté
tout le gâteau ?
Il n'y a là, croyons-nous, qu'un élé-
ment adventice, insuffisant en lui-mê-
me, mais qui, combiné avec une sympa-
thie permanente et profonde pour la
Hongrie, la ranime au point d'obscurcir
chez nos amis anglais le sentiment de
la justice, et même celui de l'intérêt.
L'analyse de cette sympathie eût ré-
joui Pascal, pour qui le sort du monde
dépendait du nez de Clcopâlrc ou de la
vessie de Cromwell.
Entre Londres et Budapest, les allian-
ces des deux aristocraties et les rap-
ports des deux finances sont les liens
les plus sérieux et, par conséquent, les
moins forts. Autrement solide est le
lien qui résulte de la communion des
deux pays dans le parlementarisme.
Nous y trouvons une preuve savoureuse
de cette vérité supérieure que le royau-
me de la politique est, le plus souvent,
celui des fausses apparences.
En effet, cette communion anglo-
magyare, sous les espèces du parlemen-
tarisme, est sacrilège à Budapest. Sans
doute, la Bulle d'or du roi André II de
l'an 1222 n'est postérieure que de quel-
ques années à la Grande Charte d'An-
gleterre. Si la Grande-Bretagne est la
mère des Parlements, la Hongrie est sa
fille aînée. Plus touchante encore que
cette maternité, la façade du Parlement
hongrois, reproduction fidèle de celle de
Westminster. Une nuance cependant
ce monument ainsi qu'il sied au temple
d'un simulacre, est en carton-pâte.
Notre éminent maître de droit cons-
titutionnel, M. Ch. Benoist, nous a au-
trefois appris qu'en Hongrie le vote est
public et verbal, et que, dans cette Ar-
cadie électorale, les citoyens étaient
transportés, en musique, sur des chars
à la salle de vote où, comme les molai-'
res dans les foires, les volontés du peu-
ple étaient arrachées sans douleur au
milieu des fanfares. Si l'harmonie était
troublée, les musiciens officiels la ré-
tablissaient en la faisant rentrer dans
la tête des dissidents à coups d'insiru*
ments. La gendarmerie s'alliait à la
musique- -poiir assurer l'unisson. Ces
croisés de l'urne sainte marquaient
d'une croix dans le dos les électeurs
dont l'indépendance avait résisté aux
coups de trombone et ces endurcis
étaient assommés à la sortie.
Depuis, les méthodes du parlemen-
tarisme ont été perfectionées à Buda-
pest. Sous le règne de Bela Kun, le
Westminster hongrois était transformé
en jardin des supplices. C'est là
qu'étaient entassées les victimes de la
Terreur. Leurs corps étaient jetés dans
le beau Danube rouge qui reflète les
pinacles et les fleurons du Palais du
Droit non sans avoir été torturés
avec des raffinements inouïs de cruauté.
Après l'écrasement du bolchevisme
hongrois par les troupes roumaines, en
1920, j'ai vu dans les prisons de Buda-
pest une suave jeune fille, intellectuelle
russe, qui momentanément attachée au
« Parlement hongrois, se vantait d'y
avoir tenu la main de 150 suppliciés et
d'avoir averti les bourreaux du moment
où, le pouls cessant de battre, il conve-
nait de les ranimer afin de pouvoir en
extraire ensuite de nouvelles douleurs.
̃̃̃̃ :*•
Bien que cette conception du parle-
mentarisme ne soit pas celle de nos
amis anglais, ils n'en concluent pas
moins de l'identité des façades à l'iden-
tité des institutions. En 1920, le Con-
seil suprême, composé de parlementai-
res, invita le bourreau en chef de Buda-
pest à se faire représenter à Paris. Pour
l'y décider, on lui prodigua vainement
les sourires et on lui envoya le célèbre
général Smuts, puritain du Cap. On a
dit, il est vrai, que celui-ci était un
chaud partisan de cette prise de contact
parce que, sur la foi d'un nom aussi fo-
lâtre, il prenait Bela Kun pour une
danseuse. Ce serait sa seule excuse.
Nous verrons dans un dernier article
que la clairvoyance franco-anglaise
dans l'affaire « des optants hongrois »
est de la même qualité.
EN DEUXIEME PAGE
LA CHRONIQUE DRAMATIQUE
de Mme Gérard d'Houville
LE FIGARO
Fondé le 14 Janvier 1826
Amiens Directeurs H. DE Villemessant,
F. Magnard, G. CALMETTE, A. Capus,
R. DE Flers.
ADMINISTRATION RÉDACTION PUBLICITÉ ANNONCES
14, ROND-POINT DES CHAMPS-ELYSÉES. PARIS
Téléphont Elysées 12-58, 12-61. 02-65, 98-31 à 98-34.
ABONNEMENTS 3 mois 6 mois i an
Paris,Départements & Colonies. 30 » 54» 100 »
ÉTRANGER
Pays à tarif postal réduit 52 » 100 J> 190 »
Pays à tarif postal augmenté.. 72 » 140 » 260 »
On s'abonne dans tous les Bureaux de Poste de France
Chèque postal 242-53 Paris
Les révélations
du mani f este radical
Voici enfin qui est clair. Le
grand parti radical vient de lan-
_J/™v cer son manifeste officiel, signé
de son président* de ses vice-
présidents, de ses secrétaires et de son tré-
sorier général. C'est un appel véhémerit
contre toute politique nationale. C'est une
invitation pressante à l'alliance avec les
socialistes. C'est une déclaration en règle
contre le programme de Bordeaux et con-
tre le programme de Carcassonne.
Le cabinet reçoit de sa longue tolérance
une récompense qui n'était pas imprévue.
Il a recueilli les radicaux en désarroi, lors
de la crise de juillet 1926. Il les a sauvés
de la colère publique. Les radicaux natio-
naux l'ont suivi. Les radicaux extrémistes
ont gardé un silence hostile. Dans son dis-
cours de Bordeaux, M. Poincaré signalait
l'attitude énigmatique de ces soutiens in-
termittents. A la veille des élections, ils ne
sont plus intermittents ils ne sont plus des
soutiens ils se transforment ouvertement
en adversaires.
Et une question s'impose. Est-ce que
l'administration va faire campagne en fa-
veur du parti qui se prononce contre le
gouvernement ? Est-ce que les préfets et
les sous-préfets vont réserver leurs bons
procédés aux candidats qui combattent pu-
bliquement toute politique nationale ? Est-
ce que dans tous les arrondissements, on
va voir se répéter la manœuvre ̃ de Tou-
lon, où M. Renaudel, socialiste révolution-
naire, est soutenu par le sous-préfet contre
M. Gozzi, qui se réclame de la politique
de M. Poincaré ? Nous avions déjà eu la
brochure Daladier, qui était un réquisitoire
du parti radical contre l'union. Nous avons
aujourd'hui le manifeste Daladier, qui ou-
vre les hostilités. Le parti radical est-il avec
M. Daladier ? est-il avec les radicaux du
gouvernement
Ce n'est pas là une question de groupe-
ments ou de personnes. C'est une question
politique au premier chef. Si on lit de près
le manifeste radical, on s'aperçoit qu'il im-
plique un programme socialiste. Il réclame
en réalité la formation d'un parti de gau-
che qui continuera l'oeuvre de désorganisa-
tion du cartel, qui sera étatiste et partisan
des monopoles; qui poursuivra la nationa-
lisation des industries et la disparition de
l'héritage. Le manifeste du parti radical,
ce n'est pas seulement l'annonce d'une al-
liance entre des hommes qui veulent s'em-
parer du pouvoir, c'est surtout l'annonce
d'une politique révolutionnaire destinée à
exploiter et à affaiblir la France. Quels
sont les radicaux qui ne s'inclinent pas de-
vant le mot d'ordre ? A eux la parole.
ANDRÉ CHAUMEIX.
Ulysse.
AU JOUIR JLE JOUR
A TIRE D'AILES
n.
Nous ne croyons pas que l'on se rende un
compte très exact, dans les salons, des possi-
bilités de l'aviation. Pour le public, un avion,
c'est un objet qu'il voit se déplacer au-dessus
de sa tête, qui est placé dans une situation
assez dangereuse et dont on ne juge pas bien
s'il avance rapidement.
Presque personne ne pense au fait que la
route de Paris à Limoges, par exemple, est
longue, qu'elle comporte un interminable par.
cours entre des champs déserts coupés de haies,
que le train le plus rapide rampe pendant sept
heures pouj y parvenir, que Ja. voiture la plus
chère mettra le même temps a "y arriver, après
combien de cahots, d'ennuis, de secousses.
L'avion, si le vent est favorable, y atterrira
en deux heures environ. Mais combien de gens
pensent de cette manière, songent que l'avion
est la plus puissante botte de sept lieues qu'on
ait jamais inventée, que les kilomètres, vus
de haut, deviennent tout petits, et que la carte
du monde se rétrécit comme la peau de chagrin
dont Balzac a parlé ?
De temps en temps, cependant, un incident
se produit, une preuve nous est donnée, qui de-
vrait faire réfléchir le public, si le public n'était
si léger et si distrait. c'est, par exemple, la
phrase du mécanicien descendant de l'appareil,
l'autre jour, après le raid Le Bourget-centre
Afrique et retour en trois jours, et disant bon-
nement
Je n'ai pas mangé depuis Dakar
Mot historique, et qui fera sourire nos petits-
fils, car l'aviation actuelle n'est rien auprès de
l'aviation future, mais mot historique tout de
même.
C'est la courageuse folie des trois Allemands
allant s'abattre à Terre-Neuve, alors que leur
suicide aurait dû réussir. C'est, mille fois plus
significatifs et plus riches d'enseignements, je
tranquille voyage d'Hinkler atteignant en douze
jours l'Australie, et surtout la sublime envolée
de Costes, et de Le Brix,, qui ont affronté les
pires dangers'et supporté la vie la plus dure, et
qui rentrent à tire d'aile vers le nid, comme
l'aigle « volait de clocher en clocher vers les
tours de Notre-Dame ».
Ah oui, c'est du coup que la carte du monde
subit un rude rétrécissement et qu'il nous faut
regarder l'Europe, ou même le globe, cette sim-
ple petite bille des roulements célestes, avec
d'autres yeux que ceux qui nous ont précédés.
Comment les Français ne peuvent-ils s'y habi-
tuer ? Car vous verrez que la prochaine fois
que je monterai dans un avion de ligne, je
.m'y trouverai seul Français, avec huit Améri-
cains en chapeaux gris, une vieille dame espa-
gnole et son petit chien apparemment chinois.
Hervé Lauwick.
CHRONIQUE DU « FIGARO »
Regard en arrière
• • •
J'ai pour la démagogie, sinon pour
le vice, une de ces haines qu'Alceste
souhaitait vigoureuses mais comme,
à rebours de la mode,.je mets la poli-
tique au troisième plan, je donne à ce
mot « démagogie » un sens particulier
professionnel, pour parler mieux.
J'entends cette lâche prudence, ces
ignobles flatteries des artistes ou des
écrivains sur le seuil de la vieillesse,
qui caressent les jeunes pour n'en être
pas trop éreintés, et qui tremblant de
n'être plus à la page, comme on dit,
affectent d'être, à la page suivante.
Rien, en revanche, ne me semble,
quand on a passé l'âge mûr, si utile
que d'entretenir commerce, en gardant
toutefois son rang et sa dignité, avec la
génération qui vient disons, pour lui
faire plaisir: avec la génération .qui
monte.. Car le snobisme est ridicule
de s'essouffler à suivre son train,
mais il faut se tenir au courant, ou si-
non à quoi bon vivre ? Et qui nous
montrerait du doigt l'avenir, sinon les
jeunes gens qui le verront de leurs
yeux quand les nôtres seront fermés ? `?
La nature y a pourvu en nous don-
nant des fils, qui, après que nous avons
fait leur éducation de notre mieux, nous
rendent la pareille et font la nôtre tant
bien que mal. Mais elle n'accorde pas
à tous cette faveur, et ceux à qui elle la
refuse sont bien forcés de recourir aux
expédients. C'est pourquoi je n'écoute-
rai pas le conseil d'un aimable corres-
pondant qui m'engage à cultiver mes
relations avec Socrate et les autres
morts, mais rompre avec Bosy Gulli-
ver.
Dirai-je, par parenthèse, à cet ami in-
connu, qui omet de me déclarer son
nom, qu'il n'a aucun sentiment de la
propriété des mots ? Il m'écrit « Cette
lettre n'est pas anonyme, puisqu'elle
n'est pas injurieuse. « M a l'air de croire
ce raisonnement aussi fort que le co-
gito, ergo sum. Mais l'anonyme ne sup-
pose l'injure qu'en vertu d'une expé-
rience, il est vrai, invariable, d'une as-
sociation d'idées indissoluble, et non
pas en conséquence d'un principe a
priori de la raison. J-0 revins* à, Bosy
Gulliver. »' r
Sans lui, je serais réduit prompte-
ment à la condition de fossile, et par
exemple je n'irais presque jamais au
cinéma mais il veut que je l'y mène.
J'ai bien tenté quelquefois d'y aller
seul j'y fais scandale Les belles
phrases qui apparaissent sur l'écran
m'arrachent des cris douloureux, dont
s'indignent mes voisins car les specta-
cles de l'art muet sont les seuls où les
spectateurs ne parlent pas, comme au
théâtre, tous ensemble et très haut.
Pour ne plus voir ce qui est écrit, je
ferme les yeux alors, je ne vois
plus les images on conviendra que ce
n'est pas la peine de me déranger. J'y
avais renoncé, Bosy m'y traîne.
Je me laisse traîner, mais je choisis.
J'ai un faible pour les films de Chariot.
On m'excusera de dire, en progression
décroissante, que ce sont des chefs-
d'œuvre, ou de petits chefs-d'œuvre,
ou des manières de petits chefs-
d'œuvre, et qu'il a du génie ou une es-
pèce de génie. Ce jargon de réclame
fait plus d'effet' que les expressions tou-
tes simples dont j'ai l'usage, mais il ne
signifie rien. Charlot est un artiste de
qualité, -et cella se voit à ce que, prati-
quant un art qui a la disgrâce de réa-
liser, M indique.
Mais son film commence à dix heu-
res un quart et nous étions installés
dans nos fauteuils, parmi les ténèbres,
dès neuf heures. Bosy ne souffre pas
d'être en retard il sait vivre, et puis
il veut en avoir pour mon argent. Je n'ai
pas regretté notre hâte. J'aime assez la
publicité, l'actualité et le documentaire
(quel style !) qui servent de hors-d'oeu-
vre ou qui bouchent les trous du pro-
gramme. On y a, dans plusieurs salles,
ajouté depuis quelque temps le rétros-
pectif, et c'est ce que j'attendais l'autre
soir avec plus de curiosité, mais non
pas sans mélancolie.
J'avais ouï conter qu'à la vue des cos-
tumes et des coiffures de naguère, toute
l'audience était ordinairement prise du
fou rire.
J'eus l'agréable surprise d'observer
que la redingote du président Fallières
et le costume de chasse de M. Loubet
ne faisaient pâmer personne. On riait
sans doute, mais du bout des lèvres et
comme par manière d'acquit. Les toilet-
tes de femmes que l'on nous présenta
n'étaient pas, à la vérité, trop extrava-
gantes, et si l'on nous avait montré des
tournures, des strapontins, des lieute-
nants, toute la défroque de Sapho, il
est probable que nous nous serions fait
moins prier pour éclater, mais enfin
c'étaient des robes longues, et personne
ne s'avisa que la plus élémentaire pu-
deur commande aux femmes de mon-
trer leurs jambes jusqu'au-dessus du
genou. On sembla même prendre quel-
que plaisir à revoir des créatures d'une
espèce et d'une configuration aujour-
d'hui (peut-être momentanément) dis-
parues, mais en somme depuis peu, et
dont nous ne saurions si vite avoir.per-
du toute mémoire.
Seuls, certains, chapeaux d'une am-
pleur démesurée, et des ombrelles d'une
forme comique obtinrent un franc suc-
cès de gaîté.
Oh maman, s'écria un petit gar-
çon qui était derrière nous, tu n'as pas
porté des chapeaux comme ça, toi, dis ?
Jamais répondit la mère, de ce
ton assuré qu'il faut prendre quand on
se parjure ou qu'au moins on ment.
Ta mère n'était pas de ce monde,
fit le père avec une, atroce ironie.
Il voulait dire, je pense, qu'elle
n'était pas de ce monde-là mais le pe-
tit garçon entendit qu'elle n'était pas
née. Il se tut. II comptait dans
sa petite tête qu'il avait douze ans,
qu'elle en avait bien vingt-cinq de plus
que lui. Les ombres d'hier s'évanoui-
rent sur l'écran, toutes les lampes se
rallumèrent.
Promettez-moi, dis-je à Bosy, que
dans une trentaine d'années, quand je
n'y serai plus, vous irez voir au cinéma
les costumes de 1928 et vous songerez
a moi.sans trop, rire. ̃
Mais je n'ai pas ri ce soir repar-
tit Bosy Gulliver de son air le plus fa-
rouche. De toutes ces choses anciennes,
seulement deux semblent réellement
grotesques, les chapeaux et les para-
pluies, parce que personne ne met plus
de chapeau et ne se sert d'un parapluie.
Ce n'était pas des parapluies,
Bosy, c'étaient des ombrelles.
On ne se sert pas non plus d'om-
brelles, puisque même, aussitôt que le
soleil paraît, on retire tous les vête-
ments.
Abel Hermant,
de l'Académie française.
ÉCHOS
.t.. »
La Température
Probabilités pour aujourd'hui
Vent dit sud-ouest assez fort.
Ciel nuageux, quelques pluies. ;>
Grande gloire. et petits profits.
La journée d'hier fut glorieuse pour
Costes. et Le Brix, dans i<5ur. Paris re-
trouvé.
Mais elle fut aussi fructueuse pour
tous les petits monnayeurs de gloire,
qui s'en sont donné à cœur joie. Dès
le passage des deux héros, qu'une voi-
ture rapide menait à Rambouillet, un
véritable essaim de camelots s'abattit,
en effet, sur les curieux. Au tarif d'un
franc la carte-souvenir, les, photogra-
phies de Costes et de Le Brix se vendi-
rent par milliers et une copieuse re-
cette vint récompenser les petits mar-
chands de leur connaissance opportune
de la sentimentalité des foules.
-d-
Nostalgie.
M. Lloyd George vient de faire, au
Club libéral de Londres, un grand dis-
cours où il a exprimé tout ce qu'un mi-
nistre en retraite peut penser d'un mi-
nistre en exercice il a vitupéré M.
Baldwin avec une violence inouïe.
M» Baldwin, a-t-il dit, est un petit
esprit, un receveur de billets qui s'est
fourvoyé dans la plus importante ca-
bine d'aiguillage de tout le réseau (sic).
Il se trouve devant cent leviers, et ne
sait lequel tirer. Il ne sait où il envoie
les trains, ni ce que contient chaque ex-
press.
On voit que M. Lloyd George est en-
nuyé d'être à pied. C'est la nostalgie du
pouvoir.
Voilà pour vos enfants des compa-
gnons de jeu et d'aventures, amusants
et vivants, toujours à l'affût, prêts à les
accompagner partout, sans cesse ani-
més du désir de leur plaire. Ces amis,
jeunes, gais, nouveaux comme eux,
s'appellent. comme eux. les Enfants
de France.
La vengeance.
Nous tirons d'un journal américain
de T. S. F. cette charmante petite his-
toire
Le juge (à l'accusé). Il me semble
vous avoir déjà vu quelque part ?
L'accusé. Oui, Votre Honneur.
C'est moi qui ai eu le plaisir d'appren-
dre à votre fils à monter des appareils
de téléphonie sans fil.
Le juge. Dix_ans de prison.
INSTANTANÉ
<£' Sxposition X. $0 nantie t
Aujourd'hui a lieu à la Galerie Georges
Petit, 8, rue de Sèze, le vernissage de la très
belle exposition des œuvres que le peintre bien
connu L. Bonamici a rapportées de Pravence
et de Vénétie. Toiles colorées où l'artiste, a su
faire chanter la lumière du Midi et dégager
la noble poésie des paysages aux lignes pures.
Le Figaro consacrera, dans son supplément
illustré de jeudi prochain, une étude à cette
exposition qui sera un des événements artis-
tiques de là saison.
Place Vendôme, au 26, dans l'appar-
tement qu'habita jadis Lucien Guitry,
une petite mais adorable collection de
robes du matin, d'après-midi et de dî-
ner. dans un cadre charmant.
« Shall et Will », une Maison créa-
trice qui naît, disait dernièrement un de
nos meilleurs chroniqueurs de Modes.
Le Masque de Fer,
Costes et Le Brix
à Paris et à Rambouillet
Ils sont reçus
par le Président de Ia République
La journée de samedi avait fini tard
pour les deux aviateurs. Malgré leur fati-
gue, en effet, ils avaient voulu voir la
course des Six Jours. Ce fut du délire.
De la pelouse aux populaires, jamais en-
thousiasme n'éclata avec plus de vigueur.
Les verrières du Vélodrome d'Hiver en
tremblaient. Mais il fallut bien rentrer.
Les deux « as » se faisaient prier.
Je suis trop énervé, disait .Le Brix.
Je sens que je ne pourrai pas dormir.
Et puis, je n'ai plus l'habitude,
avouait Costes.
Vers deux heures, cependant, ils pre-
naient possession de leur appartement.
Quelques minutes plus tard, ils dormaient.
Et, comme nous nous présentions dans
la matinée d'hier, pour les voir '« Ils
reposent », nous dit-on. Ils s'éveillèrent
une heure plus tard, vers dix heures. Ou-
vrant les yeux, ils reconnurent, alors,
leurs pères, veillant à leur chevet.
Leur toilette vivement expédiée, un re-
gard donné aux fleurs qui meublent et
tapissent entièrement leurs appartements,
ils se sont ensuite rendus dans une rôtis-
serie de la rive gauche, où les attendaient
M. Jean Paiolevé et M. Lacoste, adminis-
trateur de la maison Plispano. MM. Costes
père, et Le Brix père accompagnaient
leurs fils. Le repas fut gai. Les deux avia-
teurs sont tout à la joie du retour. Ils
n'oublièrent cependant pas leurs rendez-
vous. A deux heures un quart, ils quittè-
rent le restaurant pour regagner l'hôtel
Claridge.
Le spectacle de l'avenue des Champs-
Elysées à ce moment était. inoubliable. De-
puis le matin, la foule des curieux se re-
nouvelait autour de l'hôtel. Mais, dès une
heure, il devint impossible de circuler
sur ce côté de l'avenue. A une heure et
.demie, un service d'ordre imposant, sous
la direction de MM. Chiappe, préfet de
police; Guichard, directeur de la police
municipale; et Soule, commissaire de po-
lice, parvenait cependant à canaliser le
flot sans cesse grossissant des admirateurs
enthousiastes. Mais, lorsque, à 2 h. 25,
l'auto des pilotes est enfin signalée, c'est
comme un courant électrique qui parcourt
tous ces gens agglutinés comme un essaim
tout autour du Claridge.
L'auto s'arrête. Costes et Le Brix, rou-
ges, confus, la joie dans les yeux, sont
accueillis par une ovation qui monte,
roule, semble s'arrêter un instant pour re-
partir de nouveau avec plus de force, se
ralentit encore et éclate comme une tem-
pête, comme un tonnerre. « Au balcon!
Au- balcon! » grondent des milliers de
voix.
Au balcon du deuxième étage, Costes et
Le Brix apparaissent, saluent, tendent les
mains. Les bravos renaissent. Les accla-
mations ne cesseront d'ailleurs que long-
temps après le départ des aviateurs pour
Rambouillet. Comme ils vont monter en
auto, acompagnés de M. Bokanowski, mi-
nistre du Commerce et de 'l'amiral For-
tant, directeur de l'Aéronautique, une jeune
fille, une enfant presque, réussit tout à
'coup, à franchir le barrage d'agents. Ar-
rivée devant les aviateurs, elle s'arrête
soudain intimidée. Puis, elle tend un
crayon, une feuille de papier. Costes et
Le Brix ont compris. Ils signent et la
jeune fille s'éclipse, satisfaite, rouge de
confusion et de bonheur.
A Rambouillet
Mais il faut partir. Sifflet aux lèvres,
̃deux agents motocyclistes roulent devant
les voitures officielles. Par les Champs-
Elysées, l'avenue du Bois, le Bois, Saint-
Çlpud, le cortège gagne la route de Ver-
sailles. Partout on attend le passage des
héros. Infatigablement ceux qui veulent
les apercevoir montent la garde sur le
côté des routes et des chemins. Ils n'en-
trevoient que des silhouettes qu'ils accla-
ment au petit bonheur. C'est que les voi-
tures marchent à 90 à l'heure, pour semer
les suiveurs obstinés qui s'égrènent bien-
tôt, comme un chapelet tout le long de la
route de Rambouillet.
Le cortège arrive au château présiden-
tiel à quatre heures. Costes et Le Brix
sont reçus, sur le perron, par le colonel
Denain et J. Vinson, chef du secrétariat
particulier du président de la République
et aussitôt introduits auprès de M. Don-
mergue. M. Bokanowski fait, les présenta-
tions officielles. D'abord, Costes, le pi-
lote, puis, Le Brix, le navigateur, enfin
MM. Bréguet et Lacoste, les constructeurs.
Le président souriant questionne, s'en-
thousiasme. Il parle du voyage, il se fait
apporter des cartes, il interroge. Le par-
cours de Tokio à Paris le passionne par
sa rapidité, sa régularité et sa précision.
Il veut encore entendre le récit. Costes et
Le Brix se sentent plus à l'aise devant les
questions techniques que devant les com-
pliments. Avec netteté, ils donnent des
détails, éclaircissent des points obscurs.
M. Doumergue les écoute avec un intérêt
passionné.
Après cet entretien, le président fait
visiter le parc et le château à ses invités.
Mais le tour du propriétaire est plus vite
accompli que le tour du monde. A cinq
heures, les aviateurs reprennent le che-
min de Paris. Tout le long de la route ils
retrouvent la même foule et les mêmes ac-
clamations.
A l'Aéro-Club de France
Aussitôt après leur retour de Rambouil-
let, Costes et Le Brix se sont rendus à1
I1 Aéro-Club de France, rue François-1^
où une réception était organisée en leur
honneur.
Là encore, une foute enthousiaste s'étai|
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 73.69%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 73.69%.
- Collections numériques similaires PHILHERIT PHILHERIT /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "PHILR000"Leçons d'économie politique faites à Montpellier par M. Frédéric Passy, recueillies par MM. Émile Bertin et Paul Glaize. 1860-1861. Tome 2 /ark:/12148/bd6t54206448b.highres Philosophie de l'économie politique. Des Rapports de l'économie politique et de la morale, par M. H. Baudrillart,... 2e édition... /ark:/12148/bd6t54203532w.highres
- Auteurs similaires PHILHERIT PHILHERIT /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "PHILR000"Leçons d'économie politique faites à Montpellier par M. Frédéric Passy, recueillies par MM. Émile Bertin et Paul Glaize. 1860-1861. Tome 2 /ark:/12148/bd6t54206448b.highres Philosophie de l'économie politique. Des Rapports de l'économie politique et de la morale, par M. H. Baudrillart,... 2e édition... /ark:/12148/bd6t54203532w.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/6
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k2954743/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k2954743/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k2954743/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k2954743/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k2954743
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k2954743
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k2954743/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest