Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1889-05-17
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 17 mai 1889 17 mai 1889
Description : 1889/05/17 (Numéro 10238). 1889/05/17 (Numéro 10238).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
On s'aDoime aux Bureaux au Journal, 5, iiOuiiHiVARD DES ITALIENS, A PARIS, et dans tous les Bureaux de Poste
VINGT-NEUVIÈME ANNEE. -N° 10238,
VENDREDI 17 MAI 1889.
PRIX DE L' ABONNEMENT
TAPIS Trois mois, 14fr. Siimois, 28fr. Un an, S3€5fr.
BEP^iALSACE-LORRAlNE lTtr.; 34 fr.; 68fr.
DM POSTALE 1 3 fr. 36 fr. «72 tir.
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1er ET 10 DE CHAQL'E MOIS
"JUxt numéro <» JParis) 1£> centimes.
Directeur politique Adrien Hébrard
La rédaction ne répond pas des articles commiinviués^, m,_
r BUREAUX 5, b^ulêvardTdês Italiens, PARIS S
Adresse télégraphique TEMPS PARIS j^
i; PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS Trois mois, 14 fr. Six mois, 28 fr. Un au, 56 frj
PP* 4 ALSACE-LORRAINE lTfr.; 34 fr.; 68 fr.
DHIOM POSTALE 18fr.; 36 fr.; I72fr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQUE IIIOIS
Un numéro (départements) 20 centimes.
ANNONCES MM. Lagrange. CERF ET Ce, 8, place de la Bourse
(Droit d'iriserlion réserve à la rédaction.)
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
̃ • Adresse. télégraphique TEMPS PARIS
ï PARIS, 16 MAI ;*̃
BULLETIN DU JOUR
Le parti libéral allemand en Autriche célé-
brait hier deux jubilés le premier, celui du
soixantième anniversaire de l'entrée de M.
de Schmerling au service de l'Etat, et le se-
cond, celui du vingtième anniversaire de l'a-
doption de la loi scolaire. Cette dernière, l'un
des premiers fruits de la réaction libérale qui
suivit Sadowa, est bien jeune si on la com-
pare à l'octogénaire né en 1805 qui préside
encore allègrement à la cour supr'me cislei-
thane elle n'en est pas moins tellement me-
nacée dans son existence à la fois par les re-
vendications du parti clérical et par les semi-
concessions du ministre von Gautsch, que la
fête jubilaire a dû prendre les allures d'une
sorte de cérémonie funéraire.
Il n'en est point ainsi pour M. de Schmer-
iing. Ce vétéran est entré dans la carrière
alors que le prince de Metternich était à l'a-
pogée de son pouvoir et devait encore pas-
ser dix-neuf ans à la tête des affaires. M. de
Schmerling a été le type achevé du bureau-
crate autrichien attaché à son devoir, libé-
ral et progressiste, ennemi de tout désordre
en haut comme en bas, mais centraliste à
outrance et incapable de comprendre les
droits des nationalités diverses qui compo-
sent l'empire.
̃'̃ Sorti de la carrière judiciaire en 1848, pour
prendre part au nom de l'Autriche rajeunie
aux délibérations de l'assemblée de Franc-
fort, ministre de l'archiduc Jean pendant le
vicariat d'empire de ce prince bien intention-
né, il lutta vainement contre les circonstances
-et dut se retirer devant la réaction triom-
phante et les fautes accumulées d'un parti
naïvement idéaliste et révolutionnaire. Après
x'élection du roi Frédéric-Guillaume de Prusse
à la dignité d'empereur, élection refusée par
ce monarque romantique, qui ne voulait te-
nir que de ses pairs et non pas de la révolu-
tion la couronne impériale, et qui ne savait
pas que c'était par le fer et le feu seulement
qu'elle pouvait se conquérir, Schmerling ren-
tra en Autriche et devint ministre de la jus-
tice en 1849, sous Schwarzenberg.
Il quitta ce poste en 1851 pour ne pas s'as-
socier à la réaction de Bach. Pendant dix
ans il se cantonna dans ses fonctions de pré-
sident de chambre à la cour suprême.
En 1860, l'empereur François-Joseph, sous
le coup de sa défaite en Italie, rendit par le
diplôme d'octobre un semblant de liberté à
.iSon empire affaibli par les excès de la réac-
tion cléricale. C'était une lueur de parlemen-
tarisme, mais avec le maintien du joug cen-
traliste et unitaire. M. de Schmerling, à la
fois libéral sincère et ennemi acharné des
droits des nationalités, fut l'homme de cette
ère de transition. Il fut cinq ans ministre.
Lorsque l'empereur, éclairé par les événe-
ments, inclina avant même Sadowa à réta-
blir le dualisme et à faire droit aux griefs de
ia Hongrie, Schmerling se retira. Il fut nom-
mé (1865) premier président de la cour su-.
prême.
Depuis près d'un quart de siècle, il occupe
avec éclat ce poste éminent. Il a présidé
quelque temps la Chambre des seigneurs,
dont il est membre à vie. Depuis 1879, il
est le chef de l'opposition allemande.
Que si son libéralisme est un peu hors
d'âge comme celui d'un doctrinaire qui au-
..rait survécu jusqu'à nos jours, que si son
centralisme autoritaire est condamné à per-
dre chaque jour du terrain devant le fédéra-
lisme grandissant, M. de Schmerling n'en
est pas moins un de ces types vénérables de
fidélité au devoir, de patriotisme désintéressé
et de convictions inébranlables qu'un parti et
un pays ne sauraient trop honorer.
L'empereur d'Allemagne, on l'a vu hier
dans nos dépêches, a reçu la délégation des
mineurs grévistes du bassin de la Ruhr. Un
sténographe, précaution curieuse et bien mo-
derne, il serait plus moderne encore d'a-
voir un phonographe Edison assistait à
l'entrevue.
Il est singulier que la présence de ce té-
moin officiel n'ait pas empêché une certaine
discordance de se glisser dans les deux rap-
ports qui ont été rendus publics de cette au-
dience historique. A peine sortis, les délé-
gués mineurs, qui avaient naturellement été
frappés du ton et du langage du jeune sou-
verain, ont eu une conférence au Reichstag
avec plusieurs députés et particuliers. M.
Richter, le chef du parti libéral allemand,
était là, et ce n'est pas trop s'avancer que de
supposer qu'il a communiqué à son journal,
la Freisinmge Zeitung, le récit que celui-ci a
inséré.
Or, dans ce compte rendu, on voit figurer
la phrase où l'empereur menaçait de « faire
tirer dessus aux mineurs », au cas où le
moindre symptôme de désordrese produirait.
Au contraire, dans la version probablement
expurgée qui émane de source officielle, ce
membre de phrase comminatoire a disparu.
Il est peu probable que les ouvriers l'aient
fir.IEILIimBTOra Î>U «YEBIi*©»,
2 Pli 17 MAI 1889 [i-^1
̃UN CASQUE
IX (Suite.)
Mme Le Febvre et Henriette considéraient
anxieusement le faisandeau tout hérissé et
tout piteux, quand apparut le garde, les yeux
hors de la tête. La présence de Mlle Sauvain
le médusa et il balbutiait « Sacré mâtin I
sacré mâtin 1 » en tournant sa casquette entre
ses doigts.
Parlez donc, vous me faites peur, dit Mme
Le Febvre; qu'y a-t-il?
C'est pour vous expliquer, commença le
garde, à seule fin qu'on ne s'inquiète pas s'il
traîne la jambe en revenant, parce que ça cin-
gle, mais quasiment pas pins qu'un coup de
fouet. Donc qu'il avait des guêtres et que les
plombs sont restés dedans, mais ça pince tout
de même.
Un coup de fusil un de ces messieurs
de blessé s'écrièrent les deux femmes. Qui
est-ce ?
Je vous dis, madame, qu'il n'y a pas de
mal. Seulement, rapport à mademoiselle et à
sa maman, qui auraient pu croire qu'il y en
avait. Alors on m'a envoyé devant pour les
rassurer.
Ah! mon Dieu! C'est papa? fit Henriette.
Oui, mademoiselle.; je vous dis, il va ar-
river tout de suite.
Quel est le maladroit? demanda Mme Le
Febvre.
Mais avant que le garde eût pu répondre, un
cortège grotesque franchissait la grille: M.
Sauvain boitant, au bras de M. Le Febvre et du
général, et, derrière eux, Bavot portant quatre
fusils.
Ma fille, ma chère enfant, n'aie pas peur! cla-
ma le boiteux; viens m'embrasser. Quelle émo-
tion 1
Et quelle tendresse! murmura Mme Le
Febvre.
inventé, d'autant plus que leurs souvenirs
s«ont très précis et qu'ils ont raconté qu'à ce
moment Guillaume II frappait sur la poignée
de son épée et avait élevé la voix, et qu'il no
s'est radouci que vers la fin de l'audience
pour adresser aux délégués un geste d'adieu
bienveillant.
On explique cette divergence par l'effet
combiné des réflexions du souverain et des
conseils du chancelier. Il aura paru inop-
portun de maintenir pour le public une allu-
sion qui avait dû porter sur les auditeurs di-
rects et qui aurait risqué d'être taxée de fran-
chise un peu brutale.
D'autre part, le texte revu et corrigé, con-
tient une phrase à l'adresse des démocrates
socialistes, envisagés comme ennemis de
l'empire, qui fait défaut dans la version des
ouvriers. Ici encore, il est permis de croire
que le rédacteur officiel aura voulu renfor-
cer la parole impériale, qui lui paraissait un
peu affaiblie et décolorée par la suppression
de la menace de faire tirer. On a jugé l'oc-
casion propice pour donner un nouvel
avertissement au parti proprement révo-
lutionnaire, lequel, du reste, semble tout
à fait étranger à la grève du bassin de la
Ruhr.
Les avis différent naturellement sur le point
de savoir s'il est bien politique de rejeter par
une sorte d'excommunication majeure hors
du terrain de la légalité constitutionnelle un
parti qui n'a point encore eu recours à la
torce et qui compte déjà un million d'élec-
teurs dans l'Allemagne.
Ce qui se passe actuellement,-les grèves
qui éclatent sur tant de points du territoire et
qui se propagent avec la rapidité d'un incen-
die, les disputes entre patrons et ouvriers qui
-menacent dans tant de corps de métier de se
transformer en cessations concertées de tra-
vail, tout cela indique que les réformes
entreprises au nom du socialisme d'Etat de-
puis le message impérial d'octobre 1881 n'ont
pas porté les fruits d'apaisement que l'on s'en
promettait.
Sans doute, l'entreprise n'est pas encore
achevée mais, lorsque l'empereur Guillau-
me I" rédigeait son mémorable appel et
quand le prince de Bismarck, sur l'avis de
son ex-collaborateur, demeuré puissant dans
sa retraite forcée, Hermann Wagener, con-
seillait cette initiative hardie, ils espéraient
évidemment qye la simple proclamation de
la nouvelle politique sociale sans parler
de son exécution partielle suffirait à arrê-
ter ou même à ramener les populations ou-
vrières sur la pente du socialisme révolution-
naire. C'est une grosse déception.
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES `
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Rome, 16 mai, 9 h. 40.
Le départ du roi pour Berlin est définitivement
fixé à dimanche, quatre heures. Il ne s'arrêtera pas
à Milan, comme on l'avait décidé d'abord. Il se ren-
dra directement à Berlin par le Gothard. Le président
de la Confédération suisse, M. Hammer, averti offi-
ciellement du passage du roi sur le territoire suisse,
a fait savoir qu'il viendra avec Je vice-président, M.
Ruchonnet, et le chef du département des affaires
étrangères, M. Droz, à Lucerne, pour souhaiter la
bienvenue au roi Humbert.
On ne connaît pas encore l'itinéraire du retour,
mais on croit généralement que le roi évitera de
passer par l'Autriche.
Sur l'avis des médecins, la date du consistoire a
été avancée, pour éviter une grande fatigue au pape
pendant les chaleurs du mois de juin. La cérémonie
aura lieu le 24 et le 26 de ce mois.
Rome, 16 mai, 11 heures.
Une reconnaissance jusqu'à Asmara est un fait
absolument décidé. L'occupation pourra s'effectuer
sans crainte de complications pour le moment; mais
les chemins sont d'un accès très difficile, surtout
pour le transport de l'artillerie. En attendant, on a
déjà préparé, au ministère de la guerre, les cadres
pour les enrôlements dans le corps spécial d'Afri-
que pour combler les vides que laissent les hom-
mes congédiés.
Les militaires de première catégorie actuellement
sous les armes et ceux en congé depuis moins de
quatre ans y seront admis. Les nouveaux enrôlés
ne seront pas astreints à s'engager pour quatre
années, et la faculté leur sera laissée de ne le faire
que pour un an, avec liberté de renouvellement.
Des primes progressives sont créées pour encoura-
ger les rengagements. C'est ainsi que les soldats
auront droit, la première année, à une prime de
200 francs, qui augmenterait et atteindrait 2,000 fr.
la quatrième année accomplie.
Madrid, 16 mai, 9 heures.
La reine Christine, souffrante depuis hier, est
obligée de garder le lit. On a suspendu le conseil
des ministres qui devait avoir lieu au palais, comme
tous les jeudis, et les réceptions et les banquets of-
ficiels pour l'anniversaire de la naissance du petit
roi. Si la santé de la régente le permet, la famille
royale partira le 23 mai pour le château de Aran-
juez, ou elle séjournera jusqu'au milieu du mois de
juin.
M. Sagasta fera aujourd'hui une démarche, avant
la séance du Congrès, auprès de M. Martos pour ré-
clamer son concours afin d'empêcher les conserva-
teurs de prolonger leur obstruction dans la discus-
sion du projet de loi sur le suffrage universel.
Vienne, 16 mai, 8 h. 25.
La préfecture de police a interdit le grand meeting
Allons, allons, dit le général, voilà-t-il pas
une affaire parce qu'il a la jambe engourdie
Embrassons-nous, moi je veux bien. Venez
donc que je vous embrasse, jeune Bavot.
L'avocatgrimaca un sourire et tous les regards
se tournèrent vers lui.
Henriette, affolée et ne trouvant que Bavot
de disponible, le remercia chaleureusement de
l'aide qu'il avait prêtée au blessé. Les deux in-
firmiers et l'infirme lui-même ne purent s'em-
pêcher de rire. Bavot pâlit sous le remercie-
ment, et Mme Le Febvre contemplait la scène
avec des yeux pleins de malice.
Voyons, fit-elle, vous n'allez pas rester là?
Venez donc, général; amenez-moi l'éclopé.
Nous lui appliquerons de l'eau d'arquebusade,
de l'arnica, tout le Codex; mais ne le laissez
pas sur un pied.
Et le cortège s'achemina vers le château.
Mme Sauvain, en même temps prévenue et
rassurée, se jeta au cou de son mari. Celui-ci
revenait toujours à sa fille, lui prenait la tête,
lui embrassait les cheveuxen répétant « Pau-
vre chérie, un peu plus »
Lorsqu'enfin le marchand de bois du Nord,
confortablement installé sur unechaise-longue,
fut dûment convaincu qu'il n'avait rien de
cassé, lorsque la châtelaine de Malbec eut vidé
sur ses compresses tout un flacon de vulnérai-
re, il prit dans ses mains les mains d'Henriette
et de Mme Le Febvre, fit asseoir sa femme au-
près de lui et dit
Pardonnez-moi toutes les trois. je suis
sûr que ce misérable avocat, qui m'a blessé
quand je ne lui étais rien, m'aurait tué si j'a-
vais été son beau-père.
x '̃'̃̃̃̃
La belle antipathie que M. Sauvain ressen-
tait contre Bavot depuis [sa mésaventure
n'avait guère avancé les affaires de Pierre, et
les journées passaient de plus en plus mono-
tones au Grand-Chevilly. Les feuilles des peu-
pliers commençaient à tomber. Au crépuscule,
un vent froid sifflait lugubrement dans la
campagne, le soir Henriette travaillait sous la
lampe et la tristesse de l'arrière-saison l'enva-
antisémitique qui avait été annoncé pour diman-
che, et dont plusieurs conseillers municipaux anti-
sémites avaient pris l'initiative, afin de traiter la
question du marché des grains. La lettre du préfet
de police notifiant aux intéressés l'interdiction du
meeting dit que le but de la réunion n'a pas été
clairement défini, et que des assemblées où tout. le
monde a accès sont interdites par la loi. La vérité
est que la police prévoyait avec raison des scènes
de tumulte et de désordre.
Budapest, 16 mai, 8 h. 15.
Le ministre de l'instruction publique et des cul-
tes, le comte Czaky, avait pris toutes les disposi-
tions pour créer un collège catholique avec inter-
nes dont la direction devait être confiée à un ordre
religieux, peut-être môme aux jésuites. Les fonds
pour le « Rudolfinum » (c'est le nom du nouveau
collège) devaient être fournis par les réserves que
le ministre a toujours à sa disposition pour la créa-
tion et l'entretien d'établissements scolaires.
Une fraction considérable du parti gouverne-
mental s'est prononcée contre la création du col-
lège catholique. Le Club libéral a déclaré qu'on avait
déjà fait suffisamment de concessions à l'esprit clé-
rical d'une partie de l'aristocratie, et qu'il fallait
s'arrêter dans cette voie. Mais le comte Czaky a
maintenu avec opiniâtreté son projet, disant qu'il
avait l'approbation de l'empereur, que tout était
prêt et que, si la majorité l'empêchait de donner
suite à l'affaire, il se retirerait.
M. Tisza, qui d'abord s'était tenu à l'écart, est alors
intervenu et a formulé un projet de compromis afin
de permettre au comte Czaky de conserver son por-
tefeuille, tout en atténuant le caractère trop cléri-
cal du nouveau « Rudolfinum ». Des internes non
catholiques pourront y être admis.
Ce compromis a été adopté, et des membres émi-
n^nts du parti gouvernemental ont déclaré qu'il fal-
lait maintenir énergiquement les principes libéraux
et l'école laïque en Hongrie.
Vienne, 16,màl.
Le roi et la reine de Danemark sont arrivés et ont
été reçus à la gare par le duc et la duchesse de Cum-
berland et par le comte de Knuth, ministre du Dane-
mark.
Vienne, 16 mai.
La 'Wiener Zeitung annonce que le 12 mai ont été
célébrées, à Alcsuth, les fiançailles de l'archiduchesse
Marguerite-Clémentine, fille de l'archiduc Joseph, avec
le prince Albert de Turn et Taxis.
Le nom de M. Thiers, de l'avocat incom-
parable des libertés nécessaires et de la po-
litique nationale sous l'empire, du libérateur
du territoire et du vainqueur de la Commune
après l'invasion, du réel fondateur enfin de
la République en France, n'est pas un de
ceux que la reconnaissance du pays puisse
jamais oublier. Que l'homme eût ses étroi-
tessos et que le politique ait fait des fautes
dans une si longue et si active carrière, il
n'est pas question de le nier; mais comment
ne pas se souvenir avec une émotion pleine
d'admiration et de gratitude de l'éloquence
pathétique avec laquelle il essaya d'avertir
et d'arrêter la diplomatie impériale sur la
pente qui conduisait à Sedan; comment n'ê-
tre pas touché du patriotisme vaillant
ou attendri avec lequel il pansa les plaies
ouvertes et saignantes de « la noble bles-
sée »; comment enfin les républicains ou-
blieraient-ils les services qu'il a rendus à
leur cause, en donnant à la République mê-
me qui, jusque-là, était un idéal abstrait et
transcendant ou un drapeau de révolution
violente, la figure et l'autorité, devant ce pays s
effrayé et devant l'Europe incrédule et ho's-
tile, d'un gouvernement réparateur et prati-
que, d'un régime non moins capab de
maintenir énergiquemen'k l'ordre et la paix
que de sauvegarder la liberté ? Si la Répu-
blique est devenue populaire, n'est-ce pas à
M. Thiers tout d'abord qu'elle le doit?
Il était donc naturel que la France de 1889
se souvint de lui. Ce qui devrait seulement
étonner, c'est qu'on ait tardé si longtemps.
Toutefois, la renaissance spontanée et uni-
verselle de cette grande renommée politique
a une autre cause que ce sentiment de recon-
naissance et de respect. Si ce nom est revenu
à la fois sur tant de lèvres, c'est qu'il est ap-
paru comme le symbole de la politique qui
s'impose aux républicains d'aujourd'hui.
Nous avons fait depuis quelques années des
expériences amères. Les déceptions des ré-
publicains ont été égales à leurs fautes. Nous
avons eu à craindre un moment pour l'exis-
tence même de la République. Qu'on se
transporte par la pensée à quelques mois
en arrière qu'on se souvienne de l'hu-
miliation et des angoisses de tous les
bons citoyens en face d'un mouvement de
folie et de honte qui semblait devoir tout em-
porter La situation est incomparablement
meilleure aujourd'hui; mais il ne faut point
nier que le péril a été là, qu'il y est encore et
que des fautes renouvelées peuvent le faire
reparaître et le rendre mortel. Que sortira-t-il
des élections du mois d'octobre prochain?
Seront-elles le salut ou la ruine du régime
républicain et libéral dans ce pays? C'est
exactement la situation obscure, menaçante
où M. Thiers trouva la France en 1871.
L'existence de la République est en jeu au-
jourd'hui comme alors. « Il n'y a plus de
faute à commettre. »
Est-ce que cette identité de situation ne
commande pas une politique semblable ?
N'est-il pas élémentaire qu'il faut revenir à
l'esprit de prudence et de patriotisme qui
hissait. Elle n'entendait pas parler de Pierre,
elle n'avait pas revu Saint-Sylvain.
Parfois, le matin, résonnait au loin la marche
des dragons, et du belvédère de la maison, elle
apercevait la longue colonne qui rentrait au
quartier après le service en campagne. Dans
cette houle de casques, elle fouillait avidement,
les pelotons défilaient et elle restait à son ob-
servation jusqu'à ce que le dernier cavalier
eût disparu.
Son père rentrait chaque soir la mine maus-
sade. La tendresse qui l'avait pris subitement
après l'attentat de Bavot s'était calmée, et pen-
dant le dîner, il poussait des pointes, des allu-
sions maladroites et enfiellées. La jeune fille
ne les relevait pas, le laissait dire, stylée par
Mme Le Febvre. M. Sauvain, ne trouvant pas
la contradiction et la dispute qu'il cherchait,
s'exaspérait d'autant, exagérait, divaguait et,
à la fin, sentant qu'il allait trop loin et qu'il
manquait le but, se renfermait dans un silence
grognon.
Il ne se passait pas de jour qu'il ne rencon-
trât à Mauves quelques empressés le félicitant
avec des figures discrètes du prochain mariage
de sa fille. Le petit bruit s'était fait rumeur.
En vain, il se débattait comme un beau diable,
les gens lui répondaient par des sourires en-
tendus et renchérissaient ironiquement sur ses
dénégations. Farceur de M. Sauvain 1
De son côté, Bavot, assassin et mortifié, n'a-
vait pas tardé à se mettre au courant des on-
dit. Il tenait à prendre sa revanche et ne se fit
pas faute de broder « Le marchand de bois
du Nord était venu se placer entre son coup de
fusil et.un lièvre, comme un vieil étourdi. Du
reste, il avait la tête faible, laissait courtiser sa
fille par des dragons; au premier jour, on
allait afficher les bans de Mlle Sauvain et du
sieur Savarèze, un petit fou de sous-lieutenant
qui l'avait publiquement compromise en
« se faisant embrocher pour ses beaux yeux ».
Or comme Bavot était fortrépandu, ce fut l'ex-
plosion finale. Depuis la préfecture jusqu'à
l'archevêché, il n'était question que de la
grande nouvelle. On citait la date de la céré-
monie ils cherchaient une maison: Mme de-
nous a déjà sauvés une première fois? Voilà
ce que le pays a instinctivement senti et pour-
quoi l'on évoque en ce moment l'image et
l'exemple du premier chef de la République.
Il ne s'agit point, on le comprend de reste,
d'une imitation servile. L'histoire, quoi qu'on
en dise, pour les gouvernements du moins,
ne se répète jamais. Les hommes d'Etat ne
traversent pas deux fois la même rivière. Il
s'agit de l'esprit général qui doit présider à
notre politique. Or, nous disons qu'il faut
autant que possible ressusciter l'esprit prati-
que et clairvoyant de M. Thiers. Il détestait
les chimères, les expériences aventureuses,
les sauts dans l'inconnu. Nous n'avons pas
le droit de faire une expérience de plus sans
en savoir par avance le résultat il ne nous
est pas permis de jouer la République sur un
coup de dés. Il faut, comme faisait M. Thiers,
étudier la situation générale du pays, prendre
la moyenne de ses aspirations et de ses idées,
et, sur cette moyenne, fonder une politique
précise, vigilante et un gouvernement dura-
ble.
C'est aux finances du pays que M. Thiers
consacra le plus d'attention et d'efforts. Au
bout de deux années, non seulement il avait
payé une formidable rançon, mais équilibré
le budget et relevé brillamment le crédit de
la France. Eh bien, c'est à la question finan-
cière qu'il faut songer avant tout aujourd'hui
et y apporter pour prévenir toute illusion et
toute déception, cet esprit d'économie sévère,
de clarté et de régularité absolues que M.
Thiers portait dans cet ordre de choses.
Enfin, l'esprit de cette politique n'était rien
moins qu'exclusif. Il était si souple, si prêt à
se faire à tout et à tous, qu'on a pu lui repro-
cher parfois un peu trop d'ouverture et de
tolérance. Si c'était un défaut il faut avouer
que nous nous en sommes trop et trop tôt
guéris, et que la rigidité républicaine que
nous avons pratiquée à outrance a eu des
fruits beaucoup plus mauvais que cette lar-
geur et cette intelligente souplesse. Il faut
donc que la politique républicaine devienne
conciliante, qu'elle se rouvre aux conserva-
teurs, non à ceux qui sacrifient tout, même
la patrie, à leur foi monarchique, ceux-là
sont peu nombreux,-mais à cette masse de
citoyens qui travaillent et veulent un gouver-
nement qui leur garantisse avant tout l'ordre
et la sécurité dont leur travail a besoin. Poli-
tique pratique et réaliste, politique d'écono-
mie, politique de paix et de tolérance, voilà
les trois traits caractéristiques de l'oeuvre ré-
publicaine de M. Thiers; voilà aussi ceux
qu'il faut donner aujourd'hui, si l'on veut la
voir réussir, à la même œuvre de salut ré-
publicain qu'il s'agit de refaire. Nous adhé-
rons volontiers au projet de statue qu'on lui
veut ériger à Paris; mais nous souhaitons
qu'on lui en élève une autre encore plus di-
gne de lui dans l'établissement définitif d'une
République libérale, bien ordonnée et accep-
tée enfin du pays tout entier.
La France a commis beaucoup de fautes,
cela est convenu; il y a à Paris une foule de
gens d'esprit qui l'en confessent tous les ma-
tins et tous les soirs, et chacun, grâce à eux,
peut faire l'examen de conscience de son voi-
sin. II y a même eu tant de fautes qu'un habile
homme s'en est fait une carrière et s'est révélé
au monde comme le Messie de la décadence
nationale. Cette révélation s'est accomplie avec
un éclat qui a trouvé encore plus d'écho au
dehors qu'au dedans de chez nous. Ceux du
dehors sont intéressés à y croire: ils ont la
foi. du diplomate. Ceux du dedans, au fond,
n'y croient guère. Ils crient très fort à la mi-
sère des temps, mais ils vivent très joyeuse-
ment à crier misère, et la preuve qu'ils ne ju-
gent pas le pays si malade, c'est qu'ils sont
fort empressés, non de le guérir, mais de le
prendre.
Pendant que la France poursuivait avec
grand tapage ces aventures qui sont la parade
de la politique, elle accomplissait en silence la
politique réelle, celle qui dure, qui fait vivre
les peuples et qui fait leur histoire. La France
a exécuté sous la République et dans la démo-
cratie deux ouvrages qui renversent tout ce
qu'ont écrit et continuent d'écrire les docteurs
contre la République et contre la démocratie.
Combien, parmi les meilleurs esprits, ont cru et
annoncé que la démocratie, capable de poussées
tumultueuses et de gros labeur industriel, était
impuissante aux œuvres suivies, aux œuvres
d'art et de science, aux œuvres désintéressées
en un mot; que la République, applicable
peut-être à une grande démocratie industrielle,
ne l'était point à une vieille société nourrie de
traditions de grandeur et bercée du rêve de
l'idéal; que les agitations incessantes de la po-
litique rompraient toutes les entreprises exté-
rieures qu'une armée moderne, très organi-
sée, très compliquée, était, encore plus qu'une
diplomatie, incompatible avec ce gouverne-
ment I
On le dit et on l'imprime encore tous les
jours. Le fait est que l'on n'a rien de plus pro-
bant à alléguer pour nous démontrer que nous
sommes très malades, que les médecins, mê-
Planterousse avait une amie dont la sœur était
sur le point de perdre sa cuisinière embauchée
par le jeune ménage, et comme il est humi-
liant d'en savoir moins long que le voisin,
Mme Lemanissier confia impudemment à Mme
Chédru qu'elle était déjà invitée à la soirée de
contrat
Mais, chut, n'en parlez pas, chère amie, je
ferais des jalouses.
Seule, au fond de sa retraite de Chevilly,
Henriette ignorait que tout Mauves fût en ré-
volution à cause d'elle. Son père se chargea de
le lui apprendre. Il déclara d'un ton bourru
qu'il en avait assez de tous ces bavardages et
qu'il fallait rentrer en ville pour faire taire les
méchantes langues. N'allait-on pas jusqu'à ra-
conter que M. Savarèze était leur hôte à la
campagne! II entendait en finir avec cette per-
sécution absurde, cette conspiration contre sa
tranquillité. L'occasion était bonne de confon-
dre les imposteurs et de prouver qu'on ne crai-
gnait pas le grand jour en se montrant à la
kermesse de la préfecture, ainsi qu'à la du-
casse des cercles catholiques.
Mauves était divisé en deux camps d'une
part, les « Malcontents », partisans un peu dé-
modés des anciens régimes; de l'autre, les
Repus », qui traitaient en vache à lait la Ré-
publique naissante. C'était du 1" janvier jus-
qu'à la Saint-Sylvestre une lutte acharnée. Les
malcontents annonçaient-ils une vente de cha-
rité, les repus inventaient une kermesse de
bienfaisance; alors, les malcontents ripostaient
par une ducasse au profit des pauvres; immé-
diatement les repus tambourinaient un pardon
pour le sou des écoles. Dans chaque parti la
commission des fêtes se torturait l'esprit à
décorer d'appellations ingénieuses ces réunions
où se satisfaisaient les jalousies féminines.
La seule différence qui existât entre les fêtes
des malcontents et celles des repus, c'est que
dans les premières régnait une morgue sotte
mais correcte, tandis que florissait dans les
secondes un laisser-aller bon enfant. Les mal-
contents rappelaient avec une horreur pudique
certain pas dansé pour l'équipement des batail-
lons scolaires par une receveuse de l'enreaïsire-
mes les homéopathes, nous abandonnent, et
qu'il faut recourir aux thaumaturges ou aux
charlatans. Eh bien qu'on ouvre les yeux. Que
l'on considère la paix qui nous environne; à
qui la devons-nous, sinon à une puissante or-
ganisation militaire qui nous permet d'être
crus, écoutés et respectés quand nous disons
que nous voulons la paix et que nous la prati-
quons. Cette armée, notre honneur et notre
sauvegarde, est aussi disciplinée, aussi in-
struite, aussi savante, elle est munie d'engins
aussi perfectionnés qu'aucune armée de l'Eu-
rope, et elle en est venue là par degrés, modes-
tement, sûrement, malgré les changements ré-
pétés des ministres et même des chefs d'état-
major. Voyez la cité du Champ de Mars, cité
lumineuse qu'un chroniqueur poète appelait
si joliment, l'autre jour, la cité bleue quel
ordre, quelle distribution, quelle majesté
dans l'harmonie, quelle cohésion dans le
travail, quel concours de conception et de
main, d'ingénieurs et d'ouvriers Est-ce là
l'œuvre grossière, discordante et bruyante
d'industriels utilitaires, avides seulement de
réclame et de gain? Quand le génie délicat,
quand l'invention artistique et le goût de la
France ont-ils mieux découvert leurs infinies
ressources et leur éternelle jeunesse ? Qu'on
parcoure les galeries de peinture et de sculp-
ture la leçon est glorieuse. Que l'on passe la
place des Invalides et l'on voit éclater, dans ses
produits magnifiques, l'œuvre coloniale la plus
discutée, la plus calomniée, la plus contrariée
qui aurait jamais été si, pour le regret incon-
solable de notre pays, Dupleix, au siècle der-
nier, n'avait pas été trahi par les politiques de
son temps.
Voilà ce que les étrangers voient, et ils voient
bien. Tous ne s'en félicitent pas; tous en sont
frappés. Aucun ne comprendrait qu'ayant par
son seul génie et par l'effort constant de son
patriotisme, soutenu ainsi sa vieille réputation
et ainsi relevé ses forces nationales, la France
renonçât à se gouverner elle-même. Elle a fait
les principales œuvres d'Etat que les grands
gouvernements accomplissent. Ce n'est donc
point l'esprit national ni la forme du gou-
vernement qui pèchent. L'illusion dont on
abuse pour égarer le peuple sur sa pro-
pre valeur c'est la discorde des partis
surtout celle des politiciens. A qui la faute?
Aux politiciens? C'est leur existence. Aux élec-
teurs ? C'est à eux d'y mettre ordre en envoyant
à la Chambre des hommes de bon sens, dont la
seule ambition serait de laisser vivre le pays.
_♦
LES GRÈVES EN ALLEMAGNE
(Dépêches de nos correspondants particuliers)
Berlin, 16 mai, 8 heures.
On commente beaucoup la phrase prononcée par
l'empereur en présence de la délégation des grévis-
tes « Si vous résistez, je vous ferai tirer dessus. »
(Ueber den Haufen schiessen.) Cette phrase a été ré-
pétée, immédiatement après l'audience impériale,
par les ouvriers aux députés du Reichstag, et ce-
pendant le texte officiel de l'allocution de l'empe-
reur ne la contient pas. On fait remarquer, du reste,
que tous les discours prononcés par Guillaume II
ont eu deux versions l'une publiée immédiatement
avec une phrase à effet, et la seconde insérée plus
tard dans le Moniteur et toujours très atténuée.
Les délégués racontent que l'empereur les a re-
çus avec une brusquerie bienveillante, et qu'un mo-
ment il a frappé sur le pommeau de son épée en
disant « Je suis très fort. » A la fin de l'audience,
l'empereur a paru se radoucir, et au moment où les
délégués franchissaient la porte du salon d'audien-
ce, il leur a envoyé avec la main un salut amical.
Le propos de 'l'empereur « Chaque démocrate
socialiste est à mes yeux un ennemi de l'empire »,
n'a pas été entendu par les délégués. Il a probable-
ment été ajouté après coup. p
Berlin, 16 mai, 8 h. 40.
Dans tout le bassin de la Ruhr, le travail est sus-
pendu. Il y a plus de 100,000 grévistes. Tout est ce-
pendant tranquille. Sur aucun point on ne signale
de désordres.
La Gazelle de Voss prétend que les mines de Gel-
senkirchen envoyaient tous les jours un train de
charbons à Paris, et que depuis la semaine dernière
cet envoi n'a pu se faire.
Breslau, 16 mai, 9 h.
On a envoyé un bataillon d'infanterie à Walden-
bourg, dans la Basse-Silésie, où plus do 4,000 mi-
neurs se sont mis en grève.
Bischwiller (Alsace), 16 mai, 9 heures.
Les ouvriers d'une fabrique de draps de notre
ville se sont mis en grève, en réclamant une aug-
mentation de salaire et la réduction de la journée
de travail.
Le lancement du cuirassé grec l'Hydra
(De notre correspondant spécial)
Saint-Nazaire, 15 mai.
Depuis hier matin, plusieurs escouades d'ouvriers,
sous la conduite de leurs ingénieurs, mettent la
dernière main aux travaux préliminaires du lance-
ment de l'Hydra. Le cuirassé grec, qui pèse actuel-
lement 1,750 tonneaux, repose sur des coulisses
couvertes d'une couche de suif et sur une série d'é-
pontilles qu'on enlèvera les unes après les autres au
commandement de M. Guichard, ingénieur des
constructions navales, chargé de diriger le lance-
ment.
L'Hydra se détache tout en rouge surun ciel som-
bre, très chargé à l'horizon et sur toute l'embou-
chure de la Loire: Le chantier où il a été monté est
sur la rive droite du fleuve, à petite distance du
bassin à flot où le cuirassé terminera son armement
et où il sera amené dès qu'il aura été mis à l'eau.
ment au pied léger, et les repus disaient pis que
pendre des saynètes jouées au profit des petits
Chinois par des vicomtesses prudes et des ba-
rons à bonnes fortunes. Cependant les deux
présidentes étaient femmes de tête et d'esprit,
l'une Mme Le Febvre, l'autre la préfète. Elles
avaient chacune un état-major composé de la
fleur des pois du parti. La troupe de Mme Le
Febvre comptait tous les cols-carcans, tous les
pardessus jaunes bien pensants; les auxiliaires
de la préfète se recrutaient parmi les Eliacins
des administrations, les surnuméraires aux
dents longues et les fils d'employés fiers de pé-
nétrer dans ce qu'ils appelaient la haute société
de Mauves.
M. Sauvain fréquentait chez les repus com-
me chez les malcontents. En finaud qu'il était,
il avait su se faire accepter par les uns comme
un malcontent converti, par les autres comme
un repu écœuré des deux côtés on le choyait,
on excusait ses dernières liaisons avec l'enne-
mi, chaque parti craignant qu'il ne lui échap-
pât et espérant toujours le conquérir complè-
tement. Seule Mme Le Febvre n'avait aucune
illusion et le considérait comme un être vani-
teux et borné, mais en dehors des querelles
politiques, d'une amitié solide, enfin elle ché-
rissait Henriette comme sa fille. Quant à Bavot
il avait trouvé moyen d'être dans les deux par-
tis, persona grala. Il espionnait équitablement
les faits et gestes de tous au profit de qui de
droit en attendant que le vent soufflât une
bonne fois dans ses voiles et le poussât à quel-
que riche mariage.
Depuis trois semaines des affiches tricolores
étalaient sur les murs de Mauves les séduc-
tions de la kermesse préfectorale; des placards
vert tendre détaillaient les séductions de la
ducasse catholique.
La kermesse administrative offrait au public
des enchantements au rabais, des nouveautés
à prix réduit; la ducasse se rengorgeait comme
une vieille douairière et les titres précieux de
ses attraits avaient un parfum de recherche et
de rareté coûteuse.
Le monde des minces émargeurs au budget
tâtait le fond de ses poches pour y retrouver
A côté de la cale où il se trouve, on voit les car-
casses de deux cargo-boats que les Ateliers et Chan»
tiers de la Loire construisent pour les Chargeurs»
Réunis.
Au delà sont deux autres cales sur lesquelles on
va commencer deux autres navires de 4,000 ton.
neaux pour la même compagnie de navigation. La
construction de ces bâtiments, comme celle du cui.
rassé grec, a été dirigée par M. Thévenet, du génie
maritime, directeur des Chantiers de Saint-Na-
zaire.
Maintenant, quelques mots de YHydra. Ce bâti-
ment, de même que deux navires identiques quî
sont sur les chantiers du Havre, des Forges et
Chantiers, est construit sur les plans de M. Dupont,
ingénieur de la marine française, membre de la
mission navale française en Grèce. Il a les dimen-
sions suivantes t .v;
.r"' > ï
Longueur totale. 101 m/30 11
Largeur hors cuirasse. 15 80
Creux au milieu. 905
Déplacement. 4,885 tonneaux
M. Dupont a cherché à réunir sur un cuirasse qq
déplacement moyen les principales qualités qu'on
demande aux cuirassés de fort tonnage vitesse,
artillerie puissante et protection contre les torpilles
et les projectiles chargés de nouveaux explosifs. On
va voir qu'il est arrivé au but qu'il se proposait et
que l;Hyd1'a a été combiné en toutes ses parties
avec une grande science et un véritable sentiment
des besoins de la marine grecque. La vitesse au
tirage forcé sera de 17 nœuds, supérieure par con-
séquent à celle des navires de cette espèce actuelle-
ment à flot. Elle sera obtenue par deux machines
horizontales à triple expansion, développant 6,708
chevaux.
L'artillerie, groupée en deux points et du système
de M. Canet, chef du service de l'artillerie des For-
ges et Chantiers de la Méditerranée est construite
aux ateliers du Havre do cette société. Elle se coin-
pose des canons suivants
Deux canons de 27 centimètres à 36 calibres, pe-
sant 35 tonnes et lançant, avec une charge de
142 kilogrammes, un projectile de rupture de 42G
kilogrammes;
Un canon de 27 centimètres à 30 calibres, pesant
30 tonnes et lançant un projectile également de
420 kilogrammes;
Cinq canons de 15 centimètres à 36 calibres, lan-
çant, avec 27 kilogrammes de poudre, ur projectile
do 42 kilogrammes.
Telle est l'artillerie principale elle est disposée,
sauf le canon de 27 centimètres court celui à
30 calibres, dans un blockhaus à deux étages, le
plus haut portant les deux canons de 27 long et un
canon de 15 centimètres, le plus bas quatre canons
de 15 centimètres.
L'artillerie du blockhaus couvre de feux l'avant
et les côtés. Le canon de 27 centimètres court est
en tourelle-barbette à l'arrière du navire.
De plus, YHydra porte une artillerie légère des-
tinée à repousser les attaques des torpilleurs et qui
se compose de sept canons à tir rapide, de 57 milli-
mètres, et de seize canons-revolvers, de 37 millimè-
tres. Il a enfin trois tubes lance-torpilles, un à l'a-
vant dans l'axe, les deux autres tirant par le tra-
vers.
La protection du navire est assurée :̃ '̃̃•"
1° Par une ceinture cuirassée continue de l'avant
à l'arrière de 300 millimètres d'épaisseur, en acier
du Creusot;
2° Par une ceinture de 75 millimètres d'épaisseur
en acier spécial de Châtillon et Commentry placée
sur toute la surface des œuvres mortes, comme
sur le croiseur cuirassé le Dupuy-de-Lômc, et ser-
vant spécialement à la protection contre les projec-
tiles à la mélinite
3° Par les soutes à charbon, qui augmentent
considérablement l'efficacité du blindage ci-dessus;
4° Par un cofferdam rempli de cellulose qui en-
toure le navire à l'intérieur sur la ligne de la cui-
rasse
5° Par un pont cuirassé formé de quatre épais-
seurs de tôles en acier spécial.
J'ajouterai qu'afin de localiser les voies d'eau, la
carène est divisée en 118 compartiments étanches,
qneYHydra possédera des pompes d'épuisement do
grand débit, des filets Bullivant pour se protéger
contre les torpilles, qu'il sera éclairé par la lumière
électrique, etc.
Quant à l'artillerie, elle est abritée par un cui-
rassement habilement distribué le canon de 27 en
tourelle-barbette par une cuirasse de 300 milli-,
mètres; les canons de 15 centimètres de l'étage in-
férieur du blockhaus par une cuirasse de 350 mil-
limètres qui se prolonge au-dessus et abrite les af-
fûts des canons do 27 centimètres et du canon de
15 centimètres de l'étage supérieur. Des masques
en acier et des cloisons obliques seront installées
pour arrêter les petits projectiles et abriter les ser-
vants des petites et des grosses pièces. La coque
tout entière est en acier.
UHydra sera pourvu de trois mâts en acier por-
tant des hunes armées de canons-revolvers et à tir
rapide. Son équipage sera de 398 hommes.
En résumé, YHydrn sera un navire très puissant,
étant données sa belle vitesse de 17 nœuds et son
artillerie. Il est bon de dire que les canons de 27 c.
longs peuvent percer une cuirasse en fer de 70 cen-
timètres à petite distance.
A 11 heures 30 a eu lieu le baptême du bâtiment,
en présence de M. Delyannis, ministre de Grèce à
Paris, de Mme Delyannis, de M. Glaize, préfet de
la Loire-Inférieure, représentant le gouvernement
français, des administrateurs et ingénieurs des chan-
tiers do la Loire, etc. L'archimandrite dit la messe
dans une chapelle improvisée et prononce une allo-
cution en langue grecque, puis il fait le tour du na-
vire, une branche de buis à la main, et jette l'eau
bénite.
Un grain a contrarié cette partie de la cérémonie,
et c'est par une pluie violente amenée par la maréa
montante qu'on s'est rendu à bord de YHydra pour
le baptême. Mais heureusement le soleil se montre
de nouveau au-dessus des nuages et l'on rejoint
sans encombre les bureaux de la direction où un
un louis égaré, un louis qu'on placerait à gros
intérêts, qu'on dépenserait en politesses à
Mme la préfète, en platitudes, en sucreries, en
bibelots de peluche; la noble société des mal-
contents préparait en rechignant son tribut,
songeait qu'il en coûte gros pour ne rien être
et supputait qu'avec la souscription des Révé-
rends Pères dépossédés, l'œuvre du rachat des
jeunes Patagons et la cotisation au sanctuaire
miraculeux de Saint-Flasque, l'année, grâce
aux fermiers rétifs, serait lourde. Dans chaque
camp, du reste, le premier moment d'hésitation
passé, on prenait des airs dégagés et l'argent
ne tenait guère aux doigts.
Les chefs d'emploi répétaient avec ardeur,/
Bavot cumulait. Décapité parlant à la kermes-
se, il devait représenter le Déficit à la ducasse.
En tant que tête coupée, son rôle se bornait à
des allusions légères au 21 janvier; comme Dé-
ficit, il lui fallait, au contraire, expectorer un
long discours sur les vilenies des gens en place.
Tout naturellement les repus avaient eu la pri-
meur de la harangue composée pour les mal-
contents, de même que les malcontents avaient
aidé à la confection des plaisanteries sur la
mort du roi, chacun forçant la note pour jeter
l'adversaire dans l'odieux et le ridicule. Bavot,
qui n'était point un imbécile, les laissait faire,
sachant fort bien qu'il ne serait rien de trop*
fort au goût de ses auditoires de choix.
Il va de soi que les deux fêtes avaient été
fixées au même jour. Bavot en avait surveillé
les détails de façon à se réserver une heure de
repos entre ses deux rôles. Tête coupée de une
heure trois, Déficit de quatre à six.
Tout était prêt, et ç'avait élé pour les miiî-
contents une affaire d'Etat que le choix d'un ïo-
cal; quant aux repus, la préfecture leur prêtait,
comme toujours, sa banale hospitalité. Mme Lu
Febvre avait bien songé à l'archevêché, mais,
outre qu'il y avait dans la ducasse une pointa
de frivolité peu canonique, monseigneur ne
paraissait pas disposé à rompre trop ouv^e"
ment avec le pouvoir duquel dépend'1 solt
chapeau cardinalice. p-.iRl ALLAIS.
(La fin à demain*
VINGT-NEUVIÈME ANNEE. -N° 10238,
VENDREDI 17 MAI 1889.
PRIX DE L' ABONNEMENT
TAPIS Trois mois, 14fr. Siimois, 28fr. Un an, S3€5fr.
BEP^iALSACE-LORRAlNE lTtr.; 34 fr.; 68fr.
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LES ABONNEMENTS DATENT DES 1er ET 10 DE CHAQL'E MOIS
"JUxt numéro <» JParis) 1£> centimes.
Directeur politique Adrien Hébrard
La rédaction ne répond pas des articles commiinviués^, m,_
r BUREAUX 5, b^ulêvardTdês Italiens, PARIS S
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Un numéro (départements) 20 centimes.
ANNONCES MM. Lagrange. CERF ET Ce, 8, place de la Bourse
(Droit d'iriserlion réserve à la rédaction.)
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
̃ • Adresse. télégraphique TEMPS PARIS
ï PARIS, 16 MAI ;*̃
BULLETIN DU JOUR
Le parti libéral allemand en Autriche célé-
brait hier deux jubilés le premier, celui du
soixantième anniversaire de l'entrée de M.
de Schmerling au service de l'Etat, et le se-
cond, celui du vingtième anniversaire de l'a-
doption de la loi scolaire. Cette dernière, l'un
des premiers fruits de la réaction libérale qui
suivit Sadowa, est bien jeune si on la com-
pare à l'octogénaire né en 1805 qui préside
encore allègrement à la cour supr'me cislei-
thane elle n'en est pas moins tellement me-
nacée dans son existence à la fois par les re-
vendications du parti clérical et par les semi-
concessions du ministre von Gautsch, que la
fête jubilaire a dû prendre les allures d'une
sorte de cérémonie funéraire.
Il n'en est point ainsi pour M. de Schmer-
iing. Ce vétéran est entré dans la carrière
alors que le prince de Metternich était à l'a-
pogée de son pouvoir et devait encore pas-
ser dix-neuf ans à la tête des affaires. M. de
Schmerling a été le type achevé du bureau-
crate autrichien attaché à son devoir, libé-
ral et progressiste, ennemi de tout désordre
en haut comme en bas, mais centraliste à
outrance et incapable de comprendre les
droits des nationalités diverses qui compo-
sent l'empire.
̃'̃ Sorti de la carrière judiciaire en 1848, pour
prendre part au nom de l'Autriche rajeunie
aux délibérations de l'assemblée de Franc-
fort, ministre de l'archiduc Jean pendant le
vicariat d'empire de ce prince bien intention-
né, il lutta vainement contre les circonstances
-et dut se retirer devant la réaction triom-
phante et les fautes accumulées d'un parti
naïvement idéaliste et révolutionnaire. Après
x'élection du roi Frédéric-Guillaume de Prusse
à la dignité d'empereur, élection refusée par
ce monarque romantique, qui ne voulait te-
nir que de ses pairs et non pas de la révolu-
tion la couronne impériale, et qui ne savait
pas que c'était par le fer et le feu seulement
qu'elle pouvait se conquérir, Schmerling ren-
tra en Autriche et devint ministre de la jus-
tice en 1849, sous Schwarzenberg.
Il quitta ce poste en 1851 pour ne pas s'as-
socier à la réaction de Bach. Pendant dix
ans il se cantonna dans ses fonctions de pré-
sident de chambre à la cour suprême.
En 1860, l'empereur François-Joseph, sous
le coup de sa défaite en Italie, rendit par le
diplôme d'octobre un semblant de liberté à
.iSon empire affaibli par les excès de la réac-
tion cléricale. C'était une lueur de parlemen-
tarisme, mais avec le maintien du joug cen-
traliste et unitaire. M. de Schmerling, à la
fois libéral sincère et ennemi acharné des
droits des nationalités, fut l'homme de cette
ère de transition. Il fut cinq ans ministre.
Lorsque l'empereur, éclairé par les événe-
ments, inclina avant même Sadowa à réta-
blir le dualisme et à faire droit aux griefs de
ia Hongrie, Schmerling se retira. Il fut nom-
mé (1865) premier président de la cour su-.
prême.
Depuis près d'un quart de siècle, il occupe
avec éclat ce poste éminent. Il a présidé
quelque temps la Chambre des seigneurs,
dont il est membre à vie. Depuis 1879, il
est le chef de l'opposition allemande.
Que si son libéralisme est un peu hors
d'âge comme celui d'un doctrinaire qui au-
..rait survécu jusqu'à nos jours, que si son
centralisme autoritaire est condamné à per-
dre chaque jour du terrain devant le fédéra-
lisme grandissant, M. de Schmerling n'en
est pas moins un de ces types vénérables de
fidélité au devoir, de patriotisme désintéressé
et de convictions inébranlables qu'un parti et
un pays ne sauraient trop honorer.
L'empereur d'Allemagne, on l'a vu hier
dans nos dépêches, a reçu la délégation des
mineurs grévistes du bassin de la Ruhr. Un
sténographe, précaution curieuse et bien mo-
derne, il serait plus moderne encore d'a-
voir un phonographe Edison assistait à
l'entrevue.
Il est singulier que la présence de ce té-
moin officiel n'ait pas empêché une certaine
discordance de se glisser dans les deux rap-
ports qui ont été rendus publics de cette au-
dience historique. A peine sortis, les délé-
gués mineurs, qui avaient naturellement été
frappés du ton et du langage du jeune sou-
verain, ont eu une conférence au Reichstag
avec plusieurs députés et particuliers. M.
Richter, le chef du parti libéral allemand,
était là, et ce n'est pas trop s'avancer que de
supposer qu'il a communiqué à son journal,
la Freisinmge Zeitung, le récit que celui-ci a
inséré.
Or, dans ce compte rendu, on voit figurer
la phrase où l'empereur menaçait de « faire
tirer dessus aux mineurs », au cas où le
moindre symptôme de désordrese produirait.
Au contraire, dans la version probablement
expurgée qui émane de source officielle, ce
membre de phrase comminatoire a disparu.
Il est peu probable que les ouvriers l'aient
fir.IEILIimBTOra Î>U «YEBIi*©»,
2 Pli 17 MAI 1889 [i-^1
̃UN CASQUE
IX (Suite.)
Mme Le Febvre et Henriette considéraient
anxieusement le faisandeau tout hérissé et
tout piteux, quand apparut le garde, les yeux
hors de la tête. La présence de Mlle Sauvain
le médusa et il balbutiait « Sacré mâtin I
sacré mâtin 1 » en tournant sa casquette entre
ses doigts.
Parlez donc, vous me faites peur, dit Mme
Le Febvre; qu'y a-t-il?
C'est pour vous expliquer, commença le
garde, à seule fin qu'on ne s'inquiète pas s'il
traîne la jambe en revenant, parce que ça cin-
gle, mais quasiment pas pins qu'un coup de
fouet. Donc qu'il avait des guêtres et que les
plombs sont restés dedans, mais ça pince tout
de même.
Un coup de fusil un de ces messieurs
de blessé s'écrièrent les deux femmes. Qui
est-ce ?
Je vous dis, madame, qu'il n'y a pas de
mal. Seulement, rapport à mademoiselle et à
sa maman, qui auraient pu croire qu'il y en
avait. Alors on m'a envoyé devant pour les
rassurer.
Ah! mon Dieu! C'est papa? fit Henriette.
Oui, mademoiselle.; je vous dis, il va ar-
river tout de suite.
Quel est le maladroit? demanda Mme Le
Febvre.
Mais avant que le garde eût pu répondre, un
cortège grotesque franchissait la grille: M.
Sauvain boitant, au bras de M. Le Febvre et du
général, et, derrière eux, Bavot portant quatre
fusils.
Ma fille, ma chère enfant, n'aie pas peur! cla-
ma le boiteux; viens m'embrasser. Quelle émo-
tion 1
Et quelle tendresse! murmura Mme Le
Febvre.
inventé, d'autant plus que leurs souvenirs
s«ont très précis et qu'ils ont raconté qu'à ce
moment Guillaume II frappait sur la poignée
de son épée et avait élevé la voix, et qu'il no
s'est radouci que vers la fin de l'audience
pour adresser aux délégués un geste d'adieu
bienveillant.
On explique cette divergence par l'effet
combiné des réflexions du souverain et des
conseils du chancelier. Il aura paru inop-
portun de maintenir pour le public une allu-
sion qui avait dû porter sur les auditeurs di-
rects et qui aurait risqué d'être taxée de fran-
chise un peu brutale.
D'autre part, le texte revu et corrigé, con-
tient une phrase à l'adresse des démocrates
socialistes, envisagés comme ennemis de
l'empire, qui fait défaut dans la version des
ouvriers. Ici encore, il est permis de croire
que le rédacteur officiel aura voulu renfor-
cer la parole impériale, qui lui paraissait un
peu affaiblie et décolorée par la suppression
de la menace de faire tirer. On a jugé l'oc-
casion propice pour donner un nouvel
avertissement au parti proprement révo-
lutionnaire, lequel, du reste, semble tout
à fait étranger à la grève du bassin de la
Ruhr.
Les avis différent naturellement sur le point
de savoir s'il est bien politique de rejeter par
une sorte d'excommunication majeure hors
du terrain de la légalité constitutionnelle un
parti qui n'a point encore eu recours à la
torce et qui compte déjà un million d'élec-
teurs dans l'Allemagne.
Ce qui se passe actuellement,-les grèves
qui éclatent sur tant de points du territoire et
qui se propagent avec la rapidité d'un incen-
die, les disputes entre patrons et ouvriers qui
-menacent dans tant de corps de métier de se
transformer en cessations concertées de tra-
vail, tout cela indique que les réformes
entreprises au nom du socialisme d'Etat de-
puis le message impérial d'octobre 1881 n'ont
pas porté les fruits d'apaisement que l'on s'en
promettait.
Sans doute, l'entreprise n'est pas encore
achevée mais, lorsque l'empereur Guillau-
me I" rédigeait son mémorable appel et
quand le prince de Bismarck, sur l'avis de
son ex-collaborateur, demeuré puissant dans
sa retraite forcée, Hermann Wagener, con-
seillait cette initiative hardie, ils espéraient
évidemment qye la simple proclamation de
la nouvelle politique sociale sans parler
de son exécution partielle suffirait à arrê-
ter ou même à ramener les populations ou-
vrières sur la pente du socialisme révolution-
naire. C'est une grosse déception.
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES `
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Rome, 16 mai, 9 h. 40.
Le départ du roi pour Berlin est définitivement
fixé à dimanche, quatre heures. Il ne s'arrêtera pas
à Milan, comme on l'avait décidé d'abord. Il se ren-
dra directement à Berlin par le Gothard. Le président
de la Confédération suisse, M. Hammer, averti offi-
ciellement du passage du roi sur le territoire suisse,
a fait savoir qu'il viendra avec Je vice-président, M.
Ruchonnet, et le chef du département des affaires
étrangères, M. Droz, à Lucerne, pour souhaiter la
bienvenue au roi Humbert.
On ne connaît pas encore l'itinéraire du retour,
mais on croit généralement que le roi évitera de
passer par l'Autriche.
Sur l'avis des médecins, la date du consistoire a
été avancée, pour éviter une grande fatigue au pape
pendant les chaleurs du mois de juin. La cérémonie
aura lieu le 24 et le 26 de ce mois.
Rome, 16 mai, 11 heures.
Une reconnaissance jusqu'à Asmara est un fait
absolument décidé. L'occupation pourra s'effectuer
sans crainte de complications pour le moment; mais
les chemins sont d'un accès très difficile, surtout
pour le transport de l'artillerie. En attendant, on a
déjà préparé, au ministère de la guerre, les cadres
pour les enrôlements dans le corps spécial d'Afri-
que pour combler les vides que laissent les hom-
mes congédiés.
Les militaires de première catégorie actuellement
sous les armes et ceux en congé depuis moins de
quatre ans y seront admis. Les nouveaux enrôlés
ne seront pas astreints à s'engager pour quatre
années, et la faculté leur sera laissée de ne le faire
que pour un an, avec liberté de renouvellement.
Des primes progressives sont créées pour encoura-
ger les rengagements. C'est ainsi que les soldats
auront droit, la première année, à une prime de
200 francs, qui augmenterait et atteindrait 2,000 fr.
la quatrième année accomplie.
Madrid, 16 mai, 9 heures.
La reine Christine, souffrante depuis hier, est
obligée de garder le lit. On a suspendu le conseil
des ministres qui devait avoir lieu au palais, comme
tous les jeudis, et les réceptions et les banquets of-
ficiels pour l'anniversaire de la naissance du petit
roi. Si la santé de la régente le permet, la famille
royale partira le 23 mai pour le château de Aran-
juez, ou elle séjournera jusqu'au milieu du mois de
juin.
M. Sagasta fera aujourd'hui une démarche, avant
la séance du Congrès, auprès de M. Martos pour ré-
clamer son concours afin d'empêcher les conserva-
teurs de prolonger leur obstruction dans la discus-
sion du projet de loi sur le suffrage universel.
Vienne, 16 mai, 8 h. 25.
La préfecture de police a interdit le grand meeting
Allons, allons, dit le général, voilà-t-il pas
une affaire parce qu'il a la jambe engourdie
Embrassons-nous, moi je veux bien. Venez
donc que je vous embrasse, jeune Bavot.
L'avocatgrimaca un sourire et tous les regards
se tournèrent vers lui.
Henriette, affolée et ne trouvant que Bavot
de disponible, le remercia chaleureusement de
l'aide qu'il avait prêtée au blessé. Les deux in-
firmiers et l'infirme lui-même ne purent s'em-
pêcher de rire. Bavot pâlit sous le remercie-
ment, et Mme Le Febvre contemplait la scène
avec des yeux pleins de malice.
Voyons, fit-elle, vous n'allez pas rester là?
Venez donc, général; amenez-moi l'éclopé.
Nous lui appliquerons de l'eau d'arquebusade,
de l'arnica, tout le Codex; mais ne le laissez
pas sur un pied.
Et le cortège s'achemina vers le château.
Mme Sauvain, en même temps prévenue et
rassurée, se jeta au cou de son mari. Celui-ci
revenait toujours à sa fille, lui prenait la tête,
lui embrassait les cheveuxen répétant « Pau-
vre chérie, un peu plus »
Lorsqu'enfin le marchand de bois du Nord,
confortablement installé sur unechaise-longue,
fut dûment convaincu qu'il n'avait rien de
cassé, lorsque la châtelaine de Malbec eut vidé
sur ses compresses tout un flacon de vulnérai-
re, il prit dans ses mains les mains d'Henriette
et de Mme Le Febvre, fit asseoir sa femme au-
près de lui et dit
Pardonnez-moi toutes les trois. je suis
sûr que ce misérable avocat, qui m'a blessé
quand je ne lui étais rien, m'aurait tué si j'a-
vais été son beau-père.
x '̃'̃̃̃̃
La belle antipathie que M. Sauvain ressen-
tait contre Bavot depuis [sa mésaventure
n'avait guère avancé les affaires de Pierre, et
les journées passaient de plus en plus mono-
tones au Grand-Chevilly. Les feuilles des peu-
pliers commençaient à tomber. Au crépuscule,
un vent froid sifflait lugubrement dans la
campagne, le soir Henriette travaillait sous la
lampe et la tristesse de l'arrière-saison l'enva-
antisémitique qui avait été annoncé pour diman-
che, et dont plusieurs conseillers municipaux anti-
sémites avaient pris l'initiative, afin de traiter la
question du marché des grains. La lettre du préfet
de police notifiant aux intéressés l'interdiction du
meeting dit que le but de la réunion n'a pas été
clairement défini, et que des assemblées où tout. le
monde a accès sont interdites par la loi. La vérité
est que la police prévoyait avec raison des scènes
de tumulte et de désordre.
Budapest, 16 mai, 8 h. 15.
Le ministre de l'instruction publique et des cul-
tes, le comte Czaky, avait pris toutes les disposi-
tions pour créer un collège catholique avec inter-
nes dont la direction devait être confiée à un ordre
religieux, peut-être môme aux jésuites. Les fonds
pour le « Rudolfinum » (c'est le nom du nouveau
collège) devaient être fournis par les réserves que
le ministre a toujours à sa disposition pour la créa-
tion et l'entretien d'établissements scolaires.
Une fraction considérable du parti gouverne-
mental s'est prononcée contre la création du col-
lège catholique. Le Club libéral a déclaré qu'on avait
déjà fait suffisamment de concessions à l'esprit clé-
rical d'une partie de l'aristocratie, et qu'il fallait
s'arrêter dans cette voie. Mais le comte Czaky a
maintenu avec opiniâtreté son projet, disant qu'il
avait l'approbation de l'empereur, que tout était
prêt et que, si la majorité l'empêchait de donner
suite à l'affaire, il se retirerait.
M. Tisza, qui d'abord s'était tenu à l'écart, est alors
intervenu et a formulé un projet de compromis afin
de permettre au comte Czaky de conserver son por-
tefeuille, tout en atténuant le caractère trop cléri-
cal du nouveau « Rudolfinum ». Des internes non
catholiques pourront y être admis.
Ce compromis a été adopté, et des membres émi-
n^nts du parti gouvernemental ont déclaré qu'il fal-
lait maintenir énergiquement les principes libéraux
et l'école laïque en Hongrie.
Vienne, 16,màl.
Le roi et la reine de Danemark sont arrivés et ont
été reçus à la gare par le duc et la duchesse de Cum-
berland et par le comte de Knuth, ministre du Dane-
mark.
Vienne, 16 mai.
La 'Wiener Zeitung annonce que le 12 mai ont été
célébrées, à Alcsuth, les fiançailles de l'archiduchesse
Marguerite-Clémentine, fille de l'archiduc Joseph, avec
le prince Albert de Turn et Taxis.
Le nom de M. Thiers, de l'avocat incom-
parable des libertés nécessaires et de la po-
litique nationale sous l'empire, du libérateur
du territoire et du vainqueur de la Commune
après l'invasion, du réel fondateur enfin de
la République en France, n'est pas un de
ceux que la reconnaissance du pays puisse
jamais oublier. Que l'homme eût ses étroi-
tessos et que le politique ait fait des fautes
dans une si longue et si active carrière, il
n'est pas question de le nier; mais comment
ne pas se souvenir avec une émotion pleine
d'admiration et de gratitude de l'éloquence
pathétique avec laquelle il essaya d'avertir
et d'arrêter la diplomatie impériale sur la
pente qui conduisait à Sedan; comment n'ê-
tre pas touché du patriotisme vaillant
ou attendri avec lequel il pansa les plaies
ouvertes et saignantes de « la noble bles-
sée »; comment enfin les républicains ou-
blieraient-ils les services qu'il a rendus à
leur cause, en donnant à la République mê-
me qui, jusque-là, était un idéal abstrait et
transcendant ou un drapeau de révolution
violente, la figure et l'autorité, devant ce pays s
effrayé et devant l'Europe incrédule et ho's-
tile, d'un gouvernement réparateur et prati-
que, d'un régime non moins capab de
maintenir énergiquemen'k l'ordre et la paix
que de sauvegarder la liberté ? Si la Répu-
blique est devenue populaire, n'est-ce pas à
M. Thiers tout d'abord qu'elle le doit?
Il était donc naturel que la France de 1889
se souvint de lui. Ce qui devrait seulement
étonner, c'est qu'on ait tardé si longtemps.
Toutefois, la renaissance spontanée et uni-
verselle de cette grande renommée politique
a une autre cause que ce sentiment de recon-
naissance et de respect. Si ce nom est revenu
à la fois sur tant de lèvres, c'est qu'il est ap-
paru comme le symbole de la politique qui
s'impose aux républicains d'aujourd'hui.
Nous avons fait depuis quelques années des
expériences amères. Les déceptions des ré-
publicains ont été égales à leurs fautes. Nous
avons eu à craindre un moment pour l'exis-
tence même de la République. Qu'on se
transporte par la pensée à quelques mois
en arrière qu'on se souvienne de l'hu-
miliation et des angoisses de tous les
bons citoyens en face d'un mouvement de
folie et de honte qui semblait devoir tout em-
porter La situation est incomparablement
meilleure aujourd'hui; mais il ne faut point
nier que le péril a été là, qu'il y est encore et
que des fautes renouvelées peuvent le faire
reparaître et le rendre mortel. Que sortira-t-il
des élections du mois d'octobre prochain?
Seront-elles le salut ou la ruine du régime
républicain et libéral dans ce pays? C'est
exactement la situation obscure, menaçante
où M. Thiers trouva la France en 1871.
L'existence de la République est en jeu au-
jourd'hui comme alors. « Il n'y a plus de
faute à commettre. »
Est-ce que cette identité de situation ne
commande pas une politique semblable ?
N'est-il pas élémentaire qu'il faut revenir à
l'esprit de prudence et de patriotisme qui
hissait. Elle n'entendait pas parler de Pierre,
elle n'avait pas revu Saint-Sylvain.
Parfois, le matin, résonnait au loin la marche
des dragons, et du belvédère de la maison, elle
apercevait la longue colonne qui rentrait au
quartier après le service en campagne. Dans
cette houle de casques, elle fouillait avidement,
les pelotons défilaient et elle restait à son ob-
servation jusqu'à ce que le dernier cavalier
eût disparu.
Son père rentrait chaque soir la mine maus-
sade. La tendresse qui l'avait pris subitement
après l'attentat de Bavot s'était calmée, et pen-
dant le dîner, il poussait des pointes, des allu-
sions maladroites et enfiellées. La jeune fille
ne les relevait pas, le laissait dire, stylée par
Mme Le Febvre. M. Sauvain, ne trouvant pas
la contradiction et la dispute qu'il cherchait,
s'exaspérait d'autant, exagérait, divaguait et,
à la fin, sentant qu'il allait trop loin et qu'il
manquait le but, se renfermait dans un silence
grognon.
Il ne se passait pas de jour qu'il ne rencon-
trât à Mauves quelques empressés le félicitant
avec des figures discrètes du prochain mariage
de sa fille. Le petit bruit s'était fait rumeur.
En vain, il se débattait comme un beau diable,
les gens lui répondaient par des sourires en-
tendus et renchérissaient ironiquement sur ses
dénégations. Farceur de M. Sauvain 1
De son côté, Bavot, assassin et mortifié, n'a-
vait pas tardé à se mettre au courant des on-
dit. Il tenait à prendre sa revanche et ne se fit
pas faute de broder « Le marchand de bois
du Nord était venu se placer entre son coup de
fusil et.un lièvre, comme un vieil étourdi. Du
reste, il avait la tête faible, laissait courtiser sa
fille par des dragons; au premier jour, on
allait afficher les bans de Mlle Sauvain et du
sieur Savarèze, un petit fou de sous-lieutenant
qui l'avait publiquement compromise en
« se faisant embrocher pour ses beaux yeux ».
Or comme Bavot était fortrépandu, ce fut l'ex-
plosion finale. Depuis la préfecture jusqu'à
l'archevêché, il n'était question que de la
grande nouvelle. On citait la date de la céré-
monie ils cherchaient une maison: Mme de-
nous a déjà sauvés une première fois? Voilà
ce que le pays a instinctivement senti et pour-
quoi l'on évoque en ce moment l'image et
l'exemple du premier chef de la République.
Il ne s'agit point, on le comprend de reste,
d'une imitation servile. L'histoire, quoi qu'on
en dise, pour les gouvernements du moins,
ne se répète jamais. Les hommes d'Etat ne
traversent pas deux fois la même rivière. Il
s'agit de l'esprit général qui doit présider à
notre politique. Or, nous disons qu'il faut
autant que possible ressusciter l'esprit prati-
que et clairvoyant de M. Thiers. Il détestait
les chimères, les expériences aventureuses,
les sauts dans l'inconnu. Nous n'avons pas
le droit de faire une expérience de plus sans
en savoir par avance le résultat il ne nous
est pas permis de jouer la République sur un
coup de dés. Il faut, comme faisait M. Thiers,
étudier la situation générale du pays, prendre
la moyenne de ses aspirations et de ses idées,
et, sur cette moyenne, fonder une politique
précise, vigilante et un gouvernement dura-
ble.
C'est aux finances du pays que M. Thiers
consacra le plus d'attention et d'efforts. Au
bout de deux années, non seulement il avait
payé une formidable rançon, mais équilibré
le budget et relevé brillamment le crédit de
la France. Eh bien, c'est à la question finan-
cière qu'il faut songer avant tout aujourd'hui
et y apporter pour prévenir toute illusion et
toute déception, cet esprit d'économie sévère,
de clarté et de régularité absolues que M.
Thiers portait dans cet ordre de choses.
Enfin, l'esprit de cette politique n'était rien
moins qu'exclusif. Il était si souple, si prêt à
se faire à tout et à tous, qu'on a pu lui repro-
cher parfois un peu trop d'ouverture et de
tolérance. Si c'était un défaut il faut avouer
que nous nous en sommes trop et trop tôt
guéris, et que la rigidité républicaine que
nous avons pratiquée à outrance a eu des
fruits beaucoup plus mauvais que cette lar-
geur et cette intelligente souplesse. Il faut
donc que la politique républicaine devienne
conciliante, qu'elle se rouvre aux conserva-
teurs, non à ceux qui sacrifient tout, même
la patrie, à leur foi monarchique, ceux-là
sont peu nombreux,-mais à cette masse de
citoyens qui travaillent et veulent un gouver-
nement qui leur garantisse avant tout l'ordre
et la sécurité dont leur travail a besoin. Poli-
tique pratique et réaliste, politique d'écono-
mie, politique de paix et de tolérance, voilà
les trois traits caractéristiques de l'oeuvre ré-
publicaine de M. Thiers; voilà aussi ceux
qu'il faut donner aujourd'hui, si l'on veut la
voir réussir, à la même œuvre de salut ré-
publicain qu'il s'agit de refaire. Nous adhé-
rons volontiers au projet de statue qu'on lui
veut ériger à Paris; mais nous souhaitons
qu'on lui en élève une autre encore plus di-
gne de lui dans l'établissement définitif d'une
République libérale, bien ordonnée et accep-
tée enfin du pays tout entier.
La France a commis beaucoup de fautes,
cela est convenu; il y a à Paris une foule de
gens d'esprit qui l'en confessent tous les ma-
tins et tous les soirs, et chacun, grâce à eux,
peut faire l'examen de conscience de son voi-
sin. II y a même eu tant de fautes qu'un habile
homme s'en est fait une carrière et s'est révélé
au monde comme le Messie de la décadence
nationale. Cette révélation s'est accomplie avec
un éclat qui a trouvé encore plus d'écho au
dehors qu'au dedans de chez nous. Ceux du
dehors sont intéressés à y croire: ils ont la
foi. du diplomate. Ceux du dedans, au fond,
n'y croient guère. Ils crient très fort à la mi-
sère des temps, mais ils vivent très joyeuse-
ment à crier misère, et la preuve qu'ils ne ju-
gent pas le pays si malade, c'est qu'ils sont
fort empressés, non de le guérir, mais de le
prendre.
Pendant que la France poursuivait avec
grand tapage ces aventures qui sont la parade
de la politique, elle accomplissait en silence la
politique réelle, celle qui dure, qui fait vivre
les peuples et qui fait leur histoire. La France
a exécuté sous la République et dans la démo-
cratie deux ouvrages qui renversent tout ce
qu'ont écrit et continuent d'écrire les docteurs
contre la République et contre la démocratie.
Combien, parmi les meilleurs esprits, ont cru et
annoncé que la démocratie, capable de poussées
tumultueuses et de gros labeur industriel, était
impuissante aux œuvres suivies, aux œuvres
d'art et de science, aux œuvres désintéressées
en un mot; que la République, applicable
peut-être à une grande démocratie industrielle,
ne l'était point à une vieille société nourrie de
traditions de grandeur et bercée du rêve de
l'idéal; que les agitations incessantes de la po-
litique rompraient toutes les entreprises exté-
rieures qu'une armée moderne, très organi-
sée, très compliquée, était, encore plus qu'une
diplomatie, incompatible avec ce gouverne-
ment I
On le dit et on l'imprime encore tous les
jours. Le fait est que l'on n'a rien de plus pro-
bant à alléguer pour nous démontrer que nous
sommes très malades, que les médecins, mê-
Planterousse avait une amie dont la sœur était
sur le point de perdre sa cuisinière embauchée
par le jeune ménage, et comme il est humi-
liant d'en savoir moins long que le voisin,
Mme Lemanissier confia impudemment à Mme
Chédru qu'elle était déjà invitée à la soirée de
contrat
Mais, chut, n'en parlez pas, chère amie, je
ferais des jalouses.
Seule, au fond de sa retraite de Chevilly,
Henriette ignorait que tout Mauves fût en ré-
volution à cause d'elle. Son père se chargea de
le lui apprendre. Il déclara d'un ton bourru
qu'il en avait assez de tous ces bavardages et
qu'il fallait rentrer en ville pour faire taire les
méchantes langues. N'allait-on pas jusqu'à ra-
conter que M. Savarèze était leur hôte à la
campagne! II entendait en finir avec cette per-
sécution absurde, cette conspiration contre sa
tranquillité. L'occasion était bonne de confon-
dre les imposteurs et de prouver qu'on ne crai-
gnait pas le grand jour en se montrant à la
kermesse de la préfecture, ainsi qu'à la du-
casse des cercles catholiques.
Mauves était divisé en deux camps d'une
part, les « Malcontents », partisans un peu dé-
modés des anciens régimes; de l'autre, les
Repus », qui traitaient en vache à lait la Ré-
publique naissante. C'était du 1" janvier jus-
qu'à la Saint-Sylvestre une lutte acharnée. Les
malcontents annonçaient-ils une vente de cha-
rité, les repus inventaient une kermesse de
bienfaisance; alors, les malcontents ripostaient
par une ducasse au profit des pauvres; immé-
diatement les repus tambourinaient un pardon
pour le sou des écoles. Dans chaque parti la
commission des fêtes se torturait l'esprit à
décorer d'appellations ingénieuses ces réunions
où se satisfaisaient les jalousies féminines.
La seule différence qui existât entre les fêtes
des malcontents et celles des repus, c'est que
dans les premières régnait une morgue sotte
mais correcte, tandis que florissait dans les
secondes un laisser-aller bon enfant. Les mal-
contents rappelaient avec une horreur pudique
certain pas dansé pour l'équipement des batail-
lons scolaires par une receveuse de l'enreaïsire-
mes les homéopathes, nous abandonnent, et
qu'il faut recourir aux thaumaturges ou aux
charlatans. Eh bien qu'on ouvre les yeux. Que
l'on considère la paix qui nous environne; à
qui la devons-nous, sinon à une puissante or-
ganisation militaire qui nous permet d'être
crus, écoutés et respectés quand nous disons
que nous voulons la paix et que nous la prati-
quons. Cette armée, notre honneur et notre
sauvegarde, est aussi disciplinée, aussi in-
struite, aussi savante, elle est munie d'engins
aussi perfectionnés qu'aucune armée de l'Eu-
rope, et elle en est venue là par degrés, modes-
tement, sûrement, malgré les changements ré-
pétés des ministres et même des chefs d'état-
major. Voyez la cité du Champ de Mars, cité
lumineuse qu'un chroniqueur poète appelait
si joliment, l'autre jour, la cité bleue quel
ordre, quelle distribution, quelle majesté
dans l'harmonie, quelle cohésion dans le
travail, quel concours de conception et de
main, d'ingénieurs et d'ouvriers Est-ce là
l'œuvre grossière, discordante et bruyante
d'industriels utilitaires, avides seulement de
réclame et de gain? Quand le génie délicat,
quand l'invention artistique et le goût de la
France ont-ils mieux découvert leurs infinies
ressources et leur éternelle jeunesse ? Qu'on
parcoure les galeries de peinture et de sculp-
ture la leçon est glorieuse. Que l'on passe la
place des Invalides et l'on voit éclater, dans ses
produits magnifiques, l'œuvre coloniale la plus
discutée, la plus calomniée, la plus contrariée
qui aurait jamais été si, pour le regret incon-
solable de notre pays, Dupleix, au siècle der-
nier, n'avait pas été trahi par les politiques de
son temps.
Voilà ce que les étrangers voient, et ils voient
bien. Tous ne s'en félicitent pas; tous en sont
frappés. Aucun ne comprendrait qu'ayant par
son seul génie et par l'effort constant de son
patriotisme, soutenu ainsi sa vieille réputation
et ainsi relevé ses forces nationales, la France
renonçât à se gouverner elle-même. Elle a fait
les principales œuvres d'Etat que les grands
gouvernements accomplissent. Ce n'est donc
point l'esprit national ni la forme du gou-
vernement qui pèchent. L'illusion dont on
abuse pour égarer le peuple sur sa pro-
pre valeur c'est la discorde des partis
surtout celle des politiciens. A qui la faute?
Aux politiciens? C'est leur existence. Aux élec-
teurs ? C'est à eux d'y mettre ordre en envoyant
à la Chambre des hommes de bon sens, dont la
seule ambition serait de laisser vivre le pays.
_♦
LES GRÈVES EN ALLEMAGNE
(Dépêches de nos correspondants particuliers)
Berlin, 16 mai, 8 heures.
On commente beaucoup la phrase prononcée par
l'empereur en présence de la délégation des grévis-
tes « Si vous résistez, je vous ferai tirer dessus. »
(Ueber den Haufen schiessen.) Cette phrase a été ré-
pétée, immédiatement après l'audience impériale,
par les ouvriers aux députés du Reichstag, et ce-
pendant le texte officiel de l'allocution de l'empe-
reur ne la contient pas. On fait remarquer, du reste,
que tous les discours prononcés par Guillaume II
ont eu deux versions l'une publiée immédiatement
avec une phrase à effet, et la seconde insérée plus
tard dans le Moniteur et toujours très atténuée.
Les délégués racontent que l'empereur les a re-
çus avec une brusquerie bienveillante, et qu'un mo-
ment il a frappé sur le pommeau de son épée en
disant « Je suis très fort. » A la fin de l'audience,
l'empereur a paru se radoucir, et au moment où les
délégués franchissaient la porte du salon d'audien-
ce, il leur a envoyé avec la main un salut amical.
Le propos de 'l'empereur « Chaque démocrate
socialiste est à mes yeux un ennemi de l'empire »,
n'a pas été entendu par les délégués. Il a probable-
ment été ajouté après coup. p
Berlin, 16 mai, 8 h. 40.
Dans tout le bassin de la Ruhr, le travail est sus-
pendu. Il y a plus de 100,000 grévistes. Tout est ce-
pendant tranquille. Sur aucun point on ne signale
de désordres.
La Gazelle de Voss prétend que les mines de Gel-
senkirchen envoyaient tous les jours un train de
charbons à Paris, et que depuis la semaine dernière
cet envoi n'a pu se faire.
Breslau, 16 mai, 9 h.
On a envoyé un bataillon d'infanterie à Walden-
bourg, dans la Basse-Silésie, où plus do 4,000 mi-
neurs se sont mis en grève.
Bischwiller (Alsace), 16 mai, 9 heures.
Les ouvriers d'une fabrique de draps de notre
ville se sont mis en grève, en réclamant une aug-
mentation de salaire et la réduction de la journée
de travail.
Le lancement du cuirassé grec l'Hydra
(De notre correspondant spécial)
Saint-Nazaire, 15 mai.
Depuis hier matin, plusieurs escouades d'ouvriers,
sous la conduite de leurs ingénieurs, mettent la
dernière main aux travaux préliminaires du lance-
ment de l'Hydra. Le cuirassé grec, qui pèse actuel-
lement 1,750 tonneaux, repose sur des coulisses
couvertes d'une couche de suif et sur une série d'é-
pontilles qu'on enlèvera les unes après les autres au
commandement de M. Guichard, ingénieur des
constructions navales, chargé de diriger le lance-
ment.
L'Hydra se détache tout en rouge surun ciel som-
bre, très chargé à l'horizon et sur toute l'embou-
chure de la Loire: Le chantier où il a été monté est
sur la rive droite du fleuve, à petite distance du
bassin à flot où le cuirassé terminera son armement
et où il sera amené dès qu'il aura été mis à l'eau.
ment au pied léger, et les repus disaient pis que
pendre des saynètes jouées au profit des petits
Chinois par des vicomtesses prudes et des ba-
rons à bonnes fortunes. Cependant les deux
présidentes étaient femmes de tête et d'esprit,
l'une Mme Le Febvre, l'autre la préfète. Elles
avaient chacune un état-major composé de la
fleur des pois du parti. La troupe de Mme Le
Febvre comptait tous les cols-carcans, tous les
pardessus jaunes bien pensants; les auxiliaires
de la préfète se recrutaient parmi les Eliacins
des administrations, les surnuméraires aux
dents longues et les fils d'employés fiers de pé-
nétrer dans ce qu'ils appelaient la haute société
de Mauves.
M. Sauvain fréquentait chez les repus com-
me chez les malcontents. En finaud qu'il était,
il avait su se faire accepter par les uns comme
un malcontent converti, par les autres comme
un repu écœuré des deux côtés on le choyait,
on excusait ses dernières liaisons avec l'enne-
mi, chaque parti craignant qu'il ne lui échap-
pât et espérant toujours le conquérir complè-
tement. Seule Mme Le Febvre n'avait aucune
illusion et le considérait comme un être vani-
teux et borné, mais en dehors des querelles
politiques, d'une amitié solide, enfin elle ché-
rissait Henriette comme sa fille. Quant à Bavot
il avait trouvé moyen d'être dans les deux par-
tis, persona grala. Il espionnait équitablement
les faits et gestes de tous au profit de qui de
droit en attendant que le vent soufflât une
bonne fois dans ses voiles et le poussât à quel-
que riche mariage.
Depuis trois semaines des affiches tricolores
étalaient sur les murs de Mauves les séduc-
tions de la kermesse préfectorale; des placards
vert tendre détaillaient les séductions de la
ducasse catholique.
La kermesse administrative offrait au public
des enchantements au rabais, des nouveautés
à prix réduit; la ducasse se rengorgeait comme
une vieille douairière et les titres précieux de
ses attraits avaient un parfum de recherche et
de rareté coûteuse.
Le monde des minces émargeurs au budget
tâtait le fond de ses poches pour y retrouver
A côté de la cale où il se trouve, on voit les car-
casses de deux cargo-boats que les Ateliers et Chan»
tiers de la Loire construisent pour les Chargeurs»
Réunis.
Au delà sont deux autres cales sur lesquelles on
va commencer deux autres navires de 4,000 ton.
neaux pour la même compagnie de navigation. La
construction de ces bâtiments, comme celle du cui.
rassé grec, a été dirigée par M. Thévenet, du génie
maritime, directeur des Chantiers de Saint-Na-
zaire.
Maintenant, quelques mots de YHydra. Ce bâti-
ment, de même que deux navires identiques quî
sont sur les chantiers du Havre, des Forges et
Chantiers, est construit sur les plans de M. Dupont,
ingénieur de la marine française, membre de la
mission navale française en Grèce. Il a les dimen-
sions suivantes t .v;
.r"' > ï
Longueur totale. 101 m/30 11
Largeur hors cuirasse. 15 80
Creux au milieu. 905
Déplacement. 4,885 tonneaux
M. Dupont a cherché à réunir sur un cuirasse qq
déplacement moyen les principales qualités qu'on
demande aux cuirassés de fort tonnage vitesse,
artillerie puissante et protection contre les torpilles
et les projectiles chargés de nouveaux explosifs. On
va voir qu'il est arrivé au but qu'il se proposait et
que l;Hyd1'a a été combiné en toutes ses parties
avec une grande science et un véritable sentiment
des besoins de la marine grecque. La vitesse au
tirage forcé sera de 17 nœuds, supérieure par con-
séquent à celle des navires de cette espèce actuelle-
ment à flot. Elle sera obtenue par deux machines
horizontales à triple expansion, développant 6,708
chevaux.
L'artillerie, groupée en deux points et du système
de M. Canet, chef du service de l'artillerie des For-
ges et Chantiers de la Méditerranée est construite
aux ateliers du Havre do cette société. Elle se coin-
pose des canons suivants
Deux canons de 27 centimètres à 36 calibres, pe-
sant 35 tonnes et lançant, avec une charge de
142 kilogrammes, un projectile de rupture de 42G
kilogrammes;
Un canon de 27 centimètres à 30 calibres, pesant
30 tonnes et lançant un projectile également de
420 kilogrammes;
Cinq canons de 15 centimètres à 36 calibres, lan-
çant, avec 27 kilogrammes de poudre, ur projectile
do 42 kilogrammes.
Telle est l'artillerie principale elle est disposée,
sauf le canon de 27 centimètres court celui à
30 calibres, dans un blockhaus à deux étages, le
plus haut portant les deux canons de 27 long et un
canon de 15 centimètres, le plus bas quatre canons
de 15 centimètres.
L'artillerie du blockhaus couvre de feux l'avant
et les côtés. Le canon de 27 centimètres court est
en tourelle-barbette à l'arrière du navire.
De plus, YHydra porte une artillerie légère des-
tinée à repousser les attaques des torpilleurs et qui
se compose de sept canons à tir rapide, de 57 milli-
mètres, et de seize canons-revolvers, de 37 millimè-
tres. Il a enfin trois tubes lance-torpilles, un à l'a-
vant dans l'axe, les deux autres tirant par le tra-
vers.
La protection du navire est assurée :̃ '̃̃•"
1° Par une ceinture cuirassée continue de l'avant
à l'arrière de 300 millimètres d'épaisseur, en acier
du Creusot;
2° Par une ceinture de 75 millimètres d'épaisseur
en acier spécial de Châtillon et Commentry placée
sur toute la surface des œuvres mortes, comme
sur le croiseur cuirassé le Dupuy-de-Lômc, et ser-
vant spécialement à la protection contre les projec-
tiles à la mélinite
3° Par les soutes à charbon, qui augmentent
considérablement l'efficacité du blindage ci-dessus;
4° Par un cofferdam rempli de cellulose qui en-
toure le navire à l'intérieur sur la ligne de la cui-
rasse
5° Par un pont cuirassé formé de quatre épais-
seurs de tôles en acier spécial.
J'ajouterai qu'afin de localiser les voies d'eau, la
carène est divisée en 118 compartiments étanches,
qneYHydra possédera des pompes d'épuisement do
grand débit, des filets Bullivant pour se protéger
contre les torpilles, qu'il sera éclairé par la lumière
électrique, etc.
Quant à l'artillerie, elle est abritée par un cui-
rassement habilement distribué le canon de 27 en
tourelle-barbette par une cuirasse de 300 milli-,
mètres; les canons de 15 centimètres de l'étage in-
férieur du blockhaus par une cuirasse de 350 mil-
limètres qui se prolonge au-dessus et abrite les af-
fûts des canons do 27 centimètres et du canon de
15 centimètres de l'étage supérieur. Des masques
en acier et des cloisons obliques seront installées
pour arrêter les petits projectiles et abriter les ser-
vants des petites et des grosses pièces. La coque
tout entière est en acier.
UHydra sera pourvu de trois mâts en acier por-
tant des hunes armées de canons-revolvers et à tir
rapide. Son équipage sera de 398 hommes.
En résumé, YHydrn sera un navire très puissant,
étant données sa belle vitesse de 17 nœuds et son
artillerie. Il est bon de dire que les canons de 27 c.
longs peuvent percer une cuirasse en fer de 70 cen-
timètres à petite distance.
A 11 heures 30 a eu lieu le baptême du bâtiment,
en présence de M. Delyannis, ministre de Grèce à
Paris, de Mme Delyannis, de M. Glaize, préfet de
la Loire-Inférieure, représentant le gouvernement
français, des administrateurs et ingénieurs des chan-
tiers do la Loire, etc. L'archimandrite dit la messe
dans une chapelle improvisée et prononce une allo-
cution en langue grecque, puis il fait le tour du na-
vire, une branche de buis à la main, et jette l'eau
bénite.
Un grain a contrarié cette partie de la cérémonie,
et c'est par une pluie violente amenée par la maréa
montante qu'on s'est rendu à bord de YHydra pour
le baptême. Mais heureusement le soleil se montre
de nouveau au-dessus des nuages et l'on rejoint
sans encombre les bureaux de la direction où un
un louis égaré, un louis qu'on placerait à gros
intérêts, qu'on dépenserait en politesses à
Mme la préfète, en platitudes, en sucreries, en
bibelots de peluche; la noble société des mal-
contents préparait en rechignant son tribut,
songeait qu'il en coûte gros pour ne rien être
et supputait qu'avec la souscription des Révé-
rends Pères dépossédés, l'œuvre du rachat des
jeunes Patagons et la cotisation au sanctuaire
miraculeux de Saint-Flasque, l'année, grâce
aux fermiers rétifs, serait lourde. Dans chaque
camp, du reste, le premier moment d'hésitation
passé, on prenait des airs dégagés et l'argent
ne tenait guère aux doigts.
Les chefs d'emploi répétaient avec ardeur,/
Bavot cumulait. Décapité parlant à la kermes-
se, il devait représenter le Déficit à la ducasse.
En tant que tête coupée, son rôle se bornait à
des allusions légères au 21 janvier; comme Dé-
ficit, il lui fallait, au contraire, expectorer un
long discours sur les vilenies des gens en place.
Tout naturellement les repus avaient eu la pri-
meur de la harangue composée pour les mal-
contents, de même que les malcontents avaient
aidé à la confection des plaisanteries sur la
mort du roi, chacun forçant la note pour jeter
l'adversaire dans l'odieux et le ridicule. Bavot,
qui n'était point un imbécile, les laissait faire,
sachant fort bien qu'il ne serait rien de trop*
fort au goût de ses auditoires de choix.
Il va de soi que les deux fêtes avaient été
fixées au même jour. Bavot en avait surveillé
les détails de façon à se réserver une heure de
repos entre ses deux rôles. Tête coupée de une
heure trois, Déficit de quatre à six.
Tout était prêt, et ç'avait élé pour les miiî-
contents une affaire d'Etat que le choix d'un ïo-
cal; quant aux repus, la préfecture leur prêtait,
comme toujours, sa banale hospitalité. Mme Lu
Febvre avait bien songé à l'archevêché, mais,
outre qu'il y avait dans la ducasse une pointa
de frivolité peu canonique, monseigneur ne
paraissait pas disposé à rompre trop ouv^e"
ment avec le pouvoir duquel dépend'1 solt
chapeau cardinalice. p-.iRl ALLAIS.
(La fin à demain*
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