Titre : L'Ordre
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1938-09-30
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32829724j
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 30 septembre 1938 30 septembre 1938
Description : 1938/09/30 (A10,N3155). 1938/09/30 (A10,N3155).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bd6t5115106c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-1857
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/11/2021
= — ============= * I ================
l
Tout le monde a eu
chaud ?
Alors que tout le monde
partage les frais !
50 cent. . . . . — mre 50 cent:
L ORDRE
Dïi^eeteui* politique : Emile BURÉ
Rédaction et Administration : 31, rue Tronchet, PARIS (vmI) Tél. ANJou 86-40 (4 lignes). Après 22 h. GUTenberg 54-55
DIXIÈME ANNÉE. - N' 3.155
VENDREDI 30 SEPTEMBRE 1938
LA VILLE
DU JOUR
HIER, A MUNICH, TROIS CONFERENCES : Fantôme des Wittelsbach
La première dura de 12 heures 30 à 14 heures 30
la seconde de 16 h. à 20 h., la troisième de 22 h. à 2 h.
Une capitale à la manière de...
D’immenses musées, des rues monotones
au centre de jardins
Après la question sudète, sera amorcé ce matin un règlement
général de toutes les difficultés européennes encore existantes
aux innombrables fontaines
N’oublions jamais que la guerre
n’a reculé que devant l’étroite
solidar ité franco-britanniqu e
Avec Henri de Kerillis, on se désole que les diplomaties
anglaise et française n’aient pas été à la hauteur de leur tâche au
début des négociations relatives a la Tchécoslovaquie. Tous les amis
de la paix, de la véritable paix, pensent, comme notre confrère et
comme nous-mêmes que si elles se sont ressaisies sensiblement au
dernier quart d’heure, au « quart d’heure de Nogi », elles s’étaient
tout d’abord montrées bien faibles. « Le redressement tardif de la di
plomatie anglo-française, écrit le directeur de l’Epoque, vient après
qu’on a livré à Hitler la plupart des forteresses de la Bohême, neu
tralisé et, par conséquent, perdu le meilleur de nos alliés orientaux,
permis à l’armée allemande, débarrassée du danger militaire et
aérien tchèque, de se transporter immédiatement avec toute sa
masse sur le front de l’Ouest, c’est-à-dire face à la France. On
éprouve plus que de l’amertume à penser que les attitudes énergi
ques et les paroles courageuses de ces derniers jours eussent pu
tout sauver quelques semaines plus tôt... »
Mais nous ne bouderons pas le plaisir que nous a donné ce
redressement in extremis auquel nous devons le succès incontesta
ble enregistré hier. Comment des écrivains informés osaient-ils
écrire, l’autre matin, qu’il ne s’agissait plus, dans le règlement de
l’affaire tchécoslovaque, que d’une « question de procédure » ! Il
ne serait, pour eux, que de lire le discours prononcé à la Chambre
des Communes par M. Neville Chamberlain, pour reconnaître leur
erreur, leur redoutable erreur,
Au vrai, c’est la question de l’hégémonie allemande qui restait
encore à décider. Les gouvernements de Paris et de Londres avaient
accepté le dépècement d’une nation alliée qui leur était dévouée
corps et âme, qui constituait l’élément essentiel, indispensable, de
leur propre défense à l’Est avancé. Cela n’avait pas suffi à Adolf
Hitler. Cette nation, il voulait l’avoir à son entière disposition, s’ap
puyer sur elle pour poursuivre son Drang nach dem Osten, préface
d’un Drang nach dem Westen qui lui permettrait enfin de réduire
à merci la France et l’Angleterre. André Tardieu, qui mérite les
félicitations de tous les patriotes, amis ou adversaires de sa per
sonne, pour la courageuse campagne française qu’il mènç dans
Gringoire, hostile à ses idées, écrivait, dans le dernier numéro de
ce journal :
La détente s’accentue : l’accord
est presque réalisé sur le problème sudète
Munich, 29 septembre. — Avant
l’ouverture de la conférence des qua
tre hommes d’Etat, M. Adolf Hitler
avait eu déjà deux entretiens avec le
Duce, le premier durant le trajet de
Kufstein à Munich, qui a duré une
heure et demie, et le second après
l’arrivée à Munich, le Führer ayant
rendu visite vers 11 heures au Duce
au palais du prince Charles, où réside
M. Mussolini.
Les quatre hommes d’Etat et leurs
délégations, rassemblés au Führerbau
à partir de 12 h. 30, ont déjeuné en
semble, d’abord, à un buffet froid, tout
en s’entretenant au hasard des ren
contres.
A bâtons rompus
C’est ainsi que M. Daladier eut un
premier entretien avec le chancelier
Hitler et le maréchal Gœring. Cette
entrevue fut particulièrement cordiale.
Le Führer exprima l’espoir qu’une
collaboration durable pourrait s’ins
tituer après l’entrevue historique de
Munich, entre la France et l’Allema
gne.
Le président du Conseil conféra en
suite avec M. Neville Chamberlain,
dans le même esprit d’amitié et de
solidarité qui a marqué la récente
réunion de Londres.
Enfin, M. Daladier échangea, avec
M. Mussolini, quelques propos aima
bles et courtois.
De son côté, M. Chamberlain s’est
entretenu avec le comte Ciano.
Première conférence
Puis, à 12 h. 45, sur la proposition
du Führer, les quatre chefs de gou
vernement se sont réunis en confé
rence, assistés de MM. von Ribben-
trop, le comte Ciano, et M. Léger.
Une discussion générale s’institua
sur le problème tchécoslovaque. Le
chancelier Hitler exprima l’avis
qu’une solution devait intervenir ra
pidement, qu’il importait que, sans plus
attendre, le gouvernement de Prague
mit à exécution ses promesses de rè
glement.
Successivement, MM. Neville Cham
berlain, Edouard Daladier et Musso
lini exposèrent les idées de leurs gou
vernements, relativement au problème
complexe en discussion.
On croit savoir que M. Mussolini a
soulevé le problème de la guerre ci
vile espagnole. On assure même qu’il
proposerait le retrait des volontaires.
Finalement, peu avant 15 heures,
on décida d’interrompre la discussion
pendant une heure pour le déjeuner.
Au cours de cette première prise de
contact, les hommes d’Etat à aucun
moment ne se sont isolés pour confé
rer à part.
A 14 h. 55, la délégation française,
avec M. Daladier, s’est rendue à l’hô
tel des Quatre-Saisons, pour y 'pren
dre le déjeuner. .
Le maréchal Gœring est également
revenu à l’hôtel, et à déjeuner, non
loin des Français, dans la salle du res
taurant du même hôtel.
Les autres délégations sont, rentrées
peu après à leurs sièges respectifs.
De son côté, M. Hitler a retenu à dé
jeuner M. Mussolini.
Les conversations reprennent
A 16 h. 30, la conférence a repris
au Führerbau. Elle s’est prolongée
jusqu’à 20 h. 30. Après une courte
pause pour permettre aux hommes
d’Etats de dîner, les conversations ont
repris à 22 heures.
A 20 h. 30, on recueille l’impression
que les travaux de la conférence se
poursuivent favorablement et fis évo ¬
luent rapidement vers un accord tou
chant le règlement du conflit ger
mano-tchèque.
Les modalités d'application
Tandis que, ce matin, le chancelier
Hitler, M. Neville Chamberlain, M.
Daladier et M. Mussolini avaient con
féré sans autres témoins, cet après-
midi, ils ont admis dans la salle des
séances les experts des différentes dé
légations.
Il s’agissait, en effet, de fixer les
modalité d’application du règlement
des Sudètes, l’accord de principe étant
réalisé, dès ce matin, sur les bases
essentielles.
Deux informateurs
tchécoslovaques
Londres, 29 septembre. — La Press
Association annonce que la légation
6e Tchécoslovaquie à Londres a infor
mé le gouvernement britannique que
le ministre de Tchécoslovaquie à Ber
lin, M. Mastny, et le chargé d’affaires
à Londres, M. Lisicky, se rendent à
Munich, pour Se mettre à la dispo
sition des délégations françaises et
anglaise aux fins d’informations.
Et un observateur hongrois
D'autre part, l’on apprend de Bu
dapest que le comte Csaky, ministre
plénipotentiaire, chef du cabinet de
M. de Kanya, ministre des Affaires
étrangères, a pris ce matin l’avion
pour se rendre à Munich.
(LIRE LA SUITE EN 3e PAGE)
Munich forme le centre même de la
Bavière. Un ensemble de routes traverse
la ville et la relie aux villages des envi
rons, qui tous ont gardé d'innombrables
souvenirs historiques. Les ombres des
Wittelsbach, de Louis, le grand prince, le
mécène des artistes, qui aima les construc
tions immenses, les palais solitaires en
pleine nature sauvage, de Richard Wag
ner, son protégé, d’autres encore hantent
tous les .lieux, les faubourgs, la campa
gne, la capitale.
• La ville elle-même est étendue, spa
cieuse. Elle possède de larges avenues où
le piéton semble perdu et qu’il traverse
un peu craintivement. Tout cela net, pro
pre, froid, un peu engoncé, raide d'aspect.
L’imitation est partout. L’antique, le xvn'
siècle français ou italien, le xviiT avec
une surcharge d’ornements rococos, mais
d’un rococo pesant et exubérant tout en
semble et qui n’a point le charme ni la
grâce des œuvres que nos. artistes créè
rent, animèrent de leur fantaisie.
Ce qui offre, un contraste saisissant
avec la capitale bavaroise, qui a l'air
d’avoir poussé là plus par force que par
désir propre, c’est la plaine qui l’envi
ronne, immense, rase, stérile. Des kilo
mètres et des kilomètres s'étendent, tris
tes, monotones. L’Isar traverse la ville,
avec son cours impétueux, ses eaux grises
entre des quais gris. Au loin, l’on devine
les montagnes, toujours cachées lorsque
le soleil luit. Leurs crêtes ne se dessinent
sur le ciel que lorsque la pluie ou l'orage
menace. Alors, c’est le pavé trempé, les
maisons miroitantes d’eau, les places, les
avenues encore plus solitaires qu’en temps
normal, et tout à l’horizon les lignes on
duleuses ici, raides là, du « Gebirge »
qui prend une couleur d’ardoise très ex
pressive. L’atmosphère munichoise est
pleine de caprice. Le beau temps succède
vite à la pluie et la pluie ne demeure
point en reste avec la visite du soleil.
Brusques et brefs changements de tempé
rature, qui étonnent toujours le voya
geur !
Un moine fait partie des armes de la
ville, et ceci s’explique. Jadis, le sol sur
lequel Munich fut construit appartenait à
des religieux. C’était le forum ad Mona-
chos. Lentement, se forma la cité, et ce
ne fut que sous Louis T r qu’elle s’épa
nouit et prospéra. Elle est moderne et elle
veut.être ancienne. Pour se construire elle
a eu recours à tous les styles du passé.
Les Munichois aiment beaucoup vous
parler de la richesse de leurs construc
tions, de l’or, des pierres précieuses que
l’on peut voir dans telle ou telle salle de
la vieille Résidence. Leurs yeux devien
nent immenses lorsqu’on traverse les sal
les des Niebelungen, les « Salles Riches »
ou celles de l’Empereur : antichambre,
salle d’audience, salle du trône. Ils s’écar-
quillent tout à fait dans la « Schatzkam-
mer », le Trésor, la « Reiche Kapelle ».
ou Chapelle Riche. Malgré soir, l'on songe
au nain de la légende que l’or éblouit,
frappe de stupeur, et qui oublie le monde
entier devant cette vision, agrandie en
core par sa cupidité de barbare.
Il faut les voir, ces grandes salles, plei
nes à craquer, et d'un goût si lourd, si
loin de toute nouveauté, de toute création.
C’est le « Testsaalbau », ensemble où se
donnaient les fêtes de gala, d’un style
Renaissance de 1835 ou 40, avec son im-
mense péristyle formé de colonnes ioni-
ques et surmonté de lions et de statues
allégoriques, tout cela d’une technique
« ancienne », très xix e siècle.
C’est encore le « Kœnigsbau », qui
veut égaler le palais Pitti de Florence, le
« Hofgarten » ou jardin de la cour, avec
ses arcades ornées de fresques historiques
et de paysages : dessin appuyé, couleur
lourde, composition sans vie et trop com
pacte.
Une halte, à l'église des Théatins, de-
vaut un splendide Tintoret, nous fait sor-
tir de ce convenu et de ce conventionnel.
C’est comme un coup de soleil qui déchira
un temps gris. Et, tout de suite, l’on pari
vers la Pinacothèque, monument construit
vers la fin du premier tiers du xix e siè
cle, mais dont les collections sont le joyau
le plus parfait que contienne Munich. On
y passe des heures, des jours.
Nulle part ailleurs, peut-être, l’on ne
peut mieux étudier l’œuvre de Rubens,
sauf à Bruxelles et à Anvers. Des salles
entières sont remplies d’esquisses du maî
tre : dessins, aquarelles, premiers tâton
nements à l’huile pour diverses toiles.
Parmi tant de tableaux de tout premier
ordre, je me souviens avec éblouissement
de cette Bataille des Amazones, placée
près d’un paysage et d’une étude da
mains. Quelle fougue dans la mêlée ! Quel
rythme entraînant de la composition ! Et
quelle palette ! Des verts, des bleus et des
rouges, des rouges d’une rutilance et d’une
somptuosité comme seul le Flamand sa
vait en trouver. C’est une bataille, certes,
et cependant tout est clair et net dans ce
mouvement endiablé.
E, van Loo.
(LIRE LA SUITE EN 4 e PAGE) 1
Le Président Wilson parlait pour l’éternité, quand il disait (27 sep-
1 tembre 1918) : « Il y a des parties contractantes, dont les promesses ne sont
pas dignes de foi... L’Allemagne aura à se refaire une réputation. »
Pologne, Roumanie, Yougoslavie, Hongrie, Italie même, avec son Tyrol
allemand et Trieste, auront leur tour, parce qu’elles gênent la marche vers
l’Est et vers la Méditerranée. La Belgique et la France suivront, quand elles
seront suffisamment isolées. Et l’Empire britannique, pour finir, Se verra
réclamer les colonies, qu’il croit possédée à jamais.
Si je cherche un précédent à la présente situation de l’Europe occi
dentale, j’en vois deux, l’un au 18 e siècle (partages de la Pologne) ; l’autre
au 19 e (Sadowa). Si je cherche un remède, je n’en vois, à toute époque,
qu’un seul : dire non, à temps, pour empêcher la guerre, au lieu de se
laisser conduire à la subir.
Je ne suis pas entièrement d’accord avec André Tardieu, qui
croit encore que l’Italie, devenue « révisionniste » pouvait demeu
rer, peut redevenir notre alliée, mais, avec lui, je m’épouvantais
que, pour préparer l’avenir, les gouvernements de Paris et de Lon
dres n’eussent jamais eu le passé à l’esprit. Pousser la Tchécoslova
quie dans l’orbite politique allemande, n’était pas seulement com
promettre l’indépendance de notre alliée, mais compromettre aussi
gravement la sauvegarde de la France et de la Grande-Bretagne.
« Qui tient la Bohême tient l’Europe », a dit Bismarck, et,
précisant la pensée du chancelier de fer, l’auteur de « La Bohême,
point névralgique de l’Europe », livre paru en 1935, écrivait : « En
cas de guerre, la Bohême constitue pour l’Allemagne un tel danger
que la solution la plus simple consisterait à l’écraser, telle une grosse
noix, par une attaque agissant comme une paire de tenailles. »
L’épreuve à laquelle viennent d’être soumises les démocra
ties française et anglaise, à cette heure décisive pour leur avenir,
n’a pas totalement tourné à leur désavantage, nous sommes heureux
de le reconnaître. C’est surtout parce qu’en France, ceux d’en bas
n’ont pas dégénéré de leurs pères de 1914, car on ne peut mal
heureusement pas en dire autant de beaucoup de ceux d’en haut.
Il n’est que de lire certains journaux. Tout se passe comme si cer
tains féodaux de la finance et de l’industrie qui les inspirent, te
naient plus, dans un stupide esprit de classe, à maintenir Hitler et
Mussolini au pouvoir, qu’à sauver l’indépendance de leur pays.
Mais laissons.
La première journée des négociations munichoises n’a pas
été mauvaise pour les représentants franco-britanniques. Nous
n’avons pas eu, ces derniers temps, tellement d’occasions de satis
faction que nous ne nous félicitions pas, aujourd’hui, de ce suc
cès. La preuve est faite que tant que sera maintenue la solidarité
franco-britannique, la Paix ne sera pas mise à mal. Il ne nous reste
qu’à souhaiter que la suite des entretiens de Munich ne nous fasse
pas payer trop cher ce que nous avons gagné hier.
L'ORDRE
LA FRANCE GARDE TOUTE SA FOI EN SES DESTINÉES
M. Jean Taurines, sénateur
grand mutilé, envoie
à M. Flandin sa démission
Aux heures les plus tragiques,
l’Alsace a montré
son âme une fois de plus
Sous Ile signe
de Sor o
Munich aux quatre routes
Le Führer et le Duce sont arrivés
ensemble dans la capitale bavaroise
M. Ed. Daladier y atterrissait à 11 h. 15
M. Neville Chamberlain à 11 h. 57
M. Mussolini est arrivé, hier matin,
à 6 h. 8, en train spécial, à la gare fron
tière du Brenner. Il est accompagné du
comte Ciano, ministre des Affaires
étrangères ; de M. Anfuso, chef de ca
binet, et de ses secrétaires, MM. Luc-
cioli et Noni, ainsi que du marquis
Daieta, de M. Sébastian! et du colonel
Mileti, du cabinet privé du Duce.
M. Mussolini a été salué dans le train
par M. Rudolf Hess, représentant per
manent du Führer, ainsi que par le
prince de Hesse et plusieurs autres per-
sonnalités du parti.
A 7 h. 15, le train spécial, auquel
on avait accroché le wagon de M. Ru
dolf Hess, est reparti, salué par l’hymne
italien. Il s’est arrêté en gare d’Inns-
brück, entre 8 h. 5 et 8 h. 20.
M. Mussolini n’a pas quitté son wa
gon, mais il s’est montré à la portière
et a été l’objet d’une ovation de la part
d’une foule considérable qui s’était por
tée sur le quai de la gare.
M. Rudolf Hess et le comte Ciano ont
passé quelques mnutes dans le wagon
du Duce.
(LIRE LA SUITE EN 4* PAGE),
M. Jean Taurines, sénateur de la
Loire, a adressé à M. P.-E. Flandin,
président de l’Alliant a démocratique,
la lettre suivante :
Paris, 29 septembre 1938.
Monsieur le président,
Je hais la guerre ; je ne la veux pas
pour notre pays.
Vous n’en douterez pas, j’espère.
Je suis de ceux qui, ayant toujours
travaillé à réaliser l’unité française,
ne peuvent s’associer de près ou de
loin, et surtout dans les circonstances
actuelles, à tout ce qui est de nature
à porter atteinte à la santé morale de
la nation.
Je me vois donc contraint à vous
adresser ma démission de membre de
l’Alliance démocratique et radicale et,
partant, de mes fonctions de vice-pré
sident du parti et de membre de la
C. A. P.
Veuillez agréer, etc.
Jean Taurines, •
Sénateur de la Loire,
grand mutilé de guerre.
Cette lettre constitue une réponse
cinglante aux dernières manifesta
tions publiques de M. Pierre-Etienne
Flandin.
Il n’est pas mauvais que la leçon ait
été infligée au président de l’Alliance
démocratique par un ancien combat
tant, grand mutilé de guerre.
Le groupe S. F. L 0.
« flandinise »
Les « Pas-perdus » étaient hier dans
l’attente des premières nouvelles de
Munich.
Faute de renseignements précis sur
les événements du jour, on s’entrete
nait de ceux de la veille et de l’avant-
veille.
L’espoir d’un résultat heureux pour
la Paix était au cœur de tous, oui,
mais quellf, paix? Ici recommençaient
les chœurs alternés des pacifiques et
des pacifistes.
Ceux-ci ont marqué plusieurs points
sur ceux-là à la réunion conjointe du
groupe S. F. I. O. et de la C. A. P. du
parti socialiste, réunion qui s’est te
nue dans la matinée. Il est vrai que M.
Léon Blum n’était pas là, pour jouer
son rôle habituel de médiateur entre
les deux tendances qui s’affrontent au
sein de son parti.
Il a du mal avec des troupes qui se
recrutent surtout désormais parmi les
fonctionnaires, les instituteurs, à subs
tituer au pacifisme de la sainte doc
trine (qui fut d’ailleurs le sien long
temps) une politique extérieure plus
ferme. L’argumentation sentimentale
de M. L’Heveder a prise sur de très
nombreuses fédérations.
André Stibio.
(lire la suite en 4- page)
LES VRAIS VISAGES DÉ PARIS
Jour d’armistice ?
La bruyante minute de silence
par
Les optimistes triomphent, on respire,
les rues ont retrouvé, sinon leur éclai
rage, du moins leur sourire. Il semble
que les appareils de radio soient plus
bruyants et plus gais ; les fleurs ne font
plus penser à des tombes, les enfants à
des bombardements, Les femmes osent
sourire aux camions pleins de jeunes
soldats.
Un grand espoir a transformé pour la
foule la mobilisation en alerte, la réu
nion d’hier en armistice, les résolutions
que l’on va prendre à Munich en solen
nel traité de paix. Qui oserait toucher
à cet espoir si fragile, si beau ? A un
espoir qui nous rend les grands dons
simples : le ciel, le soleil, le rire, le
sommeil, la compagnie des humains. Ce
n’est peut-être qu’une trêve, mais comme
nous la savourons.
Il est si bien question d’armistice que
l’on avait pensé à une minute de silence.
On devait l’observer, hier, à trois heures.
Oh ! il y eut sans doute un élan du
cœur, un de ces mouvements de volonté
collective qui font parfois des miracles.
Mais il ne fallait pas s’attendre, dans les
rues de Paris, à des agenouillements, à
des recueillements.
Place de l’Opéra, des opérateurs fil
maient la foule, qui s’assemblait pour les
Geneviève MANCERON
RECTIFICATIONS
— Allô, la « Vie Parisienne » ?
Annulez l’annonce demandant des mar
raines de guerre.
regarder filmer. Ça faisait un échange de
curiosités. On souriait avec la bonne vo
lonté des malades dont la fièvre est tom
bée. A trois heures précises, l’orage qui
menaçait se pique d’être photogénique,
recule vers les boulevards extérieurs et»
laisse glisser un ravissant rayon de so
leil. Ce n’était pas silencieux, mais c’était
très gai. Ah ! vive la Saint-Michel !
* =
Tout cela n’empêche pas les gens de
s’en aller fort sagement. D’ailleurs, si cette
horrible histoire finit bien, nous aurons
tous besoin de vacances bien méritées,
dans la campagne d’automne.
On ne voit partout que fenêtres fer
mées et rues vides. Ce sont de vieux
taxis qui apportent les malles dans les
gares, car les taxis neufs sont réquisi
tionnés. Ils sont parqués un peu partout,
ainsi boulevard de Port-Royal, où, soi-
gneusement rangés et bien étiquetés, ils
sont gardés par des mobiles baïonnette
au canon.
Il n’y a plus de places dans les trains
et on voyage debout dans les couloirs.
On passe même la nuit gare Montparnasse
et gare d’Orsay pour être sûr de partir le
matin. Et les femmes qui s’en vont ont
tout prévu, car les coiffeurs ont reçu
quantité de blondes « platinées » qui,
craignant de devenir couleur pie en l’ab
sence de leur coiffeur, se sont fait tein
dre en brun, tout simplement.
*
a A
Cependant les cinémas d’actualité sont
pleins. Le public, quoique nerveux, ne
manifeste devant aucune actualité poli
tique et suit avec une attention profonde
un documentaire sur la défense passive
que préface une sévère allocution du ma
réchal Pétain.
On est "encore en état d’alerte...
Oui, notre Alsace, notre belle Al
sace, si magnifique sous les rayons du
soleil dont on ne pouvait même plus,
sous l’angoisse, contempler les hori
zons paisibles, révoltés que nous
étions presque comme d’un défi du
ciel splendide à nos misères terres
tres !
J’ai vécu samedi, dimanche, lundi,
dans un de nos petits villages de
montagne ; j’ai vu partir à la frontière
les jeunes et ceux de 47, 48, 50 ans,
des mères en larmes, le mari et plu
sieurs fils les quittant ensemble... et
puis dans la nuit, muets, des paysans
descendre les chevaux — leur instru
ment de travail — à la réquisition...
Le modeste champ, la petite maison
à la merci de l’obus ennemi... le sacri
fice total ! En bordure du Rhin, les
canons sont chez eux ! J’ai vécu leur
angoisse, voulu espérer avec eux et
malgré eux...
A Sélestat, un vieil officier alsacien
retraité — 70 ans peut-être — Se pré
sentait, la poitrine constellée de dé
corations, pour s’engager !
Un jeune homme de 18 ans, un
sportif du Ban-de-La-Roche, allait
signer son engagement ! Sa mère lui
dit : « Réfléchis à ce que tu fais... Tu
n’as pas l’âge... ce seraient peut-être
quelques mois de répit, une chance...»
Et ce gosse de chez nous a répon
du :
« Voyons, maman, quand les pères
de famille partent, tu crois que je
pourrais rester au village, moi ? ».
Et la pauvre maman, douloureuse,
a compris !
En uniforme d’aviateur, un officier
de réserve, avant de rejoindre son
poste, vient mettre à l’abri sa femme
et ses enfants... des femmes de Stras
bourg, de la frontière, prennent l’auto
non réquisitionnée encore et vont,
vers la montagne, avec leurs petits,
des bébés parfois...
Marthe Hamel.
(LIRE LA SUITE EN 4e PAGE)
NOUVELLES
FASCICULES
Ru€ .
LAISHC
— J’ie connais !... Il s’est arrangé pour
avoir le numéro 8 pour pas rentrer à Ia
maison.
CONFERENCE EUROPEENNE..,
— Et l’U.R.S.S. ?...
— L’U.R.S.S. ?... Connais pas !...
COMME C’EST FACILE !
Lire en Dernière Heure :
AU JAPON
Le général Ugaki
est démissionnaire
La rentrée en scène de l’armée
et ses conséquences internationales
me et évites les émotions.
ENTHOUSIASME DELIRANT
A ROME
(Les Journaux.)
— Ouf !... On a eu chaud 1.^
l
Tout le monde a eu
chaud ?
Alors que tout le monde
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50 cent. . . . . — mre 50 cent:
L ORDRE
Dïi^eeteui* politique : Emile BURÉ
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DIXIÈME ANNÉE. - N' 3.155
VENDREDI 30 SEPTEMBRE 1938
LA VILLE
DU JOUR
HIER, A MUNICH, TROIS CONFERENCES : Fantôme des Wittelsbach
La première dura de 12 heures 30 à 14 heures 30
la seconde de 16 h. à 20 h., la troisième de 22 h. à 2 h.
Une capitale à la manière de...
D’immenses musées, des rues monotones
au centre de jardins
Après la question sudète, sera amorcé ce matin un règlement
général de toutes les difficultés européennes encore existantes
aux innombrables fontaines
N’oublions jamais que la guerre
n’a reculé que devant l’étroite
solidar ité franco-britanniqu e
Avec Henri de Kerillis, on se désole que les diplomaties
anglaise et française n’aient pas été à la hauteur de leur tâche au
début des négociations relatives a la Tchécoslovaquie. Tous les amis
de la paix, de la véritable paix, pensent, comme notre confrère et
comme nous-mêmes que si elles se sont ressaisies sensiblement au
dernier quart d’heure, au « quart d’heure de Nogi », elles s’étaient
tout d’abord montrées bien faibles. « Le redressement tardif de la di
plomatie anglo-française, écrit le directeur de l’Epoque, vient après
qu’on a livré à Hitler la plupart des forteresses de la Bohême, neu
tralisé et, par conséquent, perdu le meilleur de nos alliés orientaux,
permis à l’armée allemande, débarrassée du danger militaire et
aérien tchèque, de se transporter immédiatement avec toute sa
masse sur le front de l’Ouest, c’est-à-dire face à la France. On
éprouve plus que de l’amertume à penser que les attitudes énergi
ques et les paroles courageuses de ces derniers jours eussent pu
tout sauver quelques semaines plus tôt... »
Mais nous ne bouderons pas le plaisir que nous a donné ce
redressement in extremis auquel nous devons le succès incontesta
ble enregistré hier. Comment des écrivains informés osaient-ils
écrire, l’autre matin, qu’il ne s’agissait plus, dans le règlement de
l’affaire tchécoslovaque, que d’une « question de procédure » ! Il
ne serait, pour eux, que de lire le discours prononcé à la Chambre
des Communes par M. Neville Chamberlain, pour reconnaître leur
erreur, leur redoutable erreur,
Au vrai, c’est la question de l’hégémonie allemande qui restait
encore à décider. Les gouvernements de Paris et de Londres avaient
accepté le dépècement d’une nation alliée qui leur était dévouée
corps et âme, qui constituait l’élément essentiel, indispensable, de
leur propre défense à l’Est avancé. Cela n’avait pas suffi à Adolf
Hitler. Cette nation, il voulait l’avoir à son entière disposition, s’ap
puyer sur elle pour poursuivre son Drang nach dem Osten, préface
d’un Drang nach dem Westen qui lui permettrait enfin de réduire
à merci la France et l’Angleterre. André Tardieu, qui mérite les
félicitations de tous les patriotes, amis ou adversaires de sa per
sonne, pour la courageuse campagne française qu’il mènç dans
Gringoire, hostile à ses idées, écrivait, dans le dernier numéro de
ce journal :
La détente s’accentue : l’accord
est presque réalisé sur le problème sudète
Munich, 29 septembre. — Avant
l’ouverture de la conférence des qua
tre hommes d’Etat, M. Adolf Hitler
avait eu déjà deux entretiens avec le
Duce, le premier durant le trajet de
Kufstein à Munich, qui a duré une
heure et demie, et le second après
l’arrivée à Munich, le Führer ayant
rendu visite vers 11 heures au Duce
au palais du prince Charles, où réside
M. Mussolini.
Les quatre hommes d’Etat et leurs
délégations, rassemblés au Führerbau
à partir de 12 h. 30, ont déjeuné en
semble, d’abord, à un buffet froid, tout
en s’entretenant au hasard des ren
contres.
A bâtons rompus
C’est ainsi que M. Daladier eut un
premier entretien avec le chancelier
Hitler et le maréchal Gœring. Cette
entrevue fut particulièrement cordiale.
Le Führer exprima l’espoir qu’une
collaboration durable pourrait s’ins
tituer après l’entrevue historique de
Munich, entre la France et l’Allema
gne.
Le président du Conseil conféra en
suite avec M. Neville Chamberlain,
dans le même esprit d’amitié et de
solidarité qui a marqué la récente
réunion de Londres.
Enfin, M. Daladier échangea, avec
M. Mussolini, quelques propos aima
bles et courtois.
De son côté, M. Chamberlain s’est
entretenu avec le comte Ciano.
Première conférence
Puis, à 12 h. 45, sur la proposition
du Führer, les quatre chefs de gou
vernement se sont réunis en confé
rence, assistés de MM. von Ribben-
trop, le comte Ciano, et M. Léger.
Une discussion générale s’institua
sur le problème tchécoslovaque. Le
chancelier Hitler exprima l’avis
qu’une solution devait intervenir ra
pidement, qu’il importait que, sans plus
attendre, le gouvernement de Prague
mit à exécution ses promesses de rè
glement.
Successivement, MM. Neville Cham
berlain, Edouard Daladier et Musso
lini exposèrent les idées de leurs gou
vernements, relativement au problème
complexe en discussion.
On croit savoir que M. Mussolini a
soulevé le problème de la guerre ci
vile espagnole. On assure même qu’il
proposerait le retrait des volontaires.
Finalement, peu avant 15 heures,
on décida d’interrompre la discussion
pendant une heure pour le déjeuner.
Au cours de cette première prise de
contact, les hommes d’Etat à aucun
moment ne se sont isolés pour confé
rer à part.
A 14 h. 55, la délégation française,
avec M. Daladier, s’est rendue à l’hô
tel des Quatre-Saisons, pour y 'pren
dre le déjeuner. .
Le maréchal Gœring est également
revenu à l’hôtel, et à déjeuner, non
loin des Français, dans la salle du res
taurant du même hôtel.
Les autres délégations sont, rentrées
peu après à leurs sièges respectifs.
De son côté, M. Hitler a retenu à dé
jeuner M. Mussolini.
Les conversations reprennent
A 16 h. 30, la conférence a repris
au Führerbau. Elle s’est prolongée
jusqu’à 20 h. 30. Après une courte
pause pour permettre aux hommes
d’Etats de dîner, les conversations ont
repris à 22 heures.
A 20 h. 30, on recueille l’impression
que les travaux de la conférence se
poursuivent favorablement et fis évo ¬
luent rapidement vers un accord tou
chant le règlement du conflit ger
mano-tchèque.
Les modalités d'application
Tandis que, ce matin, le chancelier
Hitler, M. Neville Chamberlain, M.
Daladier et M. Mussolini avaient con
féré sans autres témoins, cet après-
midi, ils ont admis dans la salle des
séances les experts des différentes dé
légations.
Il s’agissait, en effet, de fixer les
modalité d’application du règlement
des Sudètes, l’accord de principe étant
réalisé, dès ce matin, sur les bases
essentielles.
Deux informateurs
tchécoslovaques
Londres, 29 septembre. — La Press
Association annonce que la légation
6e Tchécoslovaquie à Londres a infor
mé le gouvernement britannique que
le ministre de Tchécoslovaquie à Ber
lin, M. Mastny, et le chargé d’affaires
à Londres, M. Lisicky, se rendent à
Munich, pour Se mettre à la dispo
sition des délégations françaises et
anglaise aux fins d’informations.
Et un observateur hongrois
D'autre part, l’on apprend de Bu
dapest que le comte Csaky, ministre
plénipotentiaire, chef du cabinet de
M. de Kanya, ministre des Affaires
étrangères, a pris ce matin l’avion
pour se rendre à Munich.
(LIRE LA SUITE EN 3e PAGE)
Munich forme le centre même de la
Bavière. Un ensemble de routes traverse
la ville et la relie aux villages des envi
rons, qui tous ont gardé d'innombrables
souvenirs historiques. Les ombres des
Wittelsbach, de Louis, le grand prince, le
mécène des artistes, qui aima les construc
tions immenses, les palais solitaires en
pleine nature sauvage, de Richard Wag
ner, son protégé, d’autres encore hantent
tous les .lieux, les faubourgs, la campa
gne, la capitale.
• La ville elle-même est étendue, spa
cieuse. Elle possède de larges avenues où
le piéton semble perdu et qu’il traverse
un peu craintivement. Tout cela net, pro
pre, froid, un peu engoncé, raide d'aspect.
L’imitation est partout. L’antique, le xvn'
siècle français ou italien, le xviiT avec
une surcharge d’ornements rococos, mais
d’un rococo pesant et exubérant tout en
semble et qui n’a point le charme ni la
grâce des œuvres que nos. artistes créè
rent, animèrent de leur fantaisie.
Ce qui offre, un contraste saisissant
avec la capitale bavaroise, qui a l'air
d’avoir poussé là plus par force que par
désir propre, c’est la plaine qui l’envi
ronne, immense, rase, stérile. Des kilo
mètres et des kilomètres s'étendent, tris
tes, monotones. L’Isar traverse la ville,
avec son cours impétueux, ses eaux grises
entre des quais gris. Au loin, l’on devine
les montagnes, toujours cachées lorsque
le soleil luit. Leurs crêtes ne se dessinent
sur le ciel que lorsque la pluie ou l'orage
menace. Alors, c’est le pavé trempé, les
maisons miroitantes d’eau, les places, les
avenues encore plus solitaires qu’en temps
normal, et tout à l’horizon les lignes on
duleuses ici, raides là, du « Gebirge »
qui prend une couleur d’ardoise très ex
pressive. L’atmosphère munichoise est
pleine de caprice. Le beau temps succède
vite à la pluie et la pluie ne demeure
point en reste avec la visite du soleil.
Brusques et brefs changements de tempé
rature, qui étonnent toujours le voya
geur !
Un moine fait partie des armes de la
ville, et ceci s’explique. Jadis, le sol sur
lequel Munich fut construit appartenait à
des religieux. C’était le forum ad Mona-
chos. Lentement, se forma la cité, et ce
ne fut que sous Louis T r qu’elle s’épa
nouit et prospéra. Elle est moderne et elle
veut.être ancienne. Pour se construire elle
a eu recours à tous les styles du passé.
Les Munichois aiment beaucoup vous
parler de la richesse de leurs construc
tions, de l’or, des pierres précieuses que
l’on peut voir dans telle ou telle salle de
la vieille Résidence. Leurs yeux devien
nent immenses lorsqu’on traverse les sal
les des Niebelungen, les « Salles Riches »
ou celles de l’Empereur : antichambre,
salle d’audience, salle du trône. Ils s’écar-
quillent tout à fait dans la « Schatzkam-
mer », le Trésor, la « Reiche Kapelle ».
ou Chapelle Riche. Malgré soir, l'on songe
au nain de la légende que l’or éblouit,
frappe de stupeur, et qui oublie le monde
entier devant cette vision, agrandie en
core par sa cupidité de barbare.
Il faut les voir, ces grandes salles, plei
nes à craquer, et d'un goût si lourd, si
loin de toute nouveauté, de toute création.
C’est le « Testsaalbau », ensemble où se
donnaient les fêtes de gala, d’un style
Renaissance de 1835 ou 40, avec son im-
mense péristyle formé de colonnes ioni-
ques et surmonté de lions et de statues
allégoriques, tout cela d’une technique
« ancienne », très xix e siècle.
C’est encore le « Kœnigsbau », qui
veut égaler le palais Pitti de Florence, le
« Hofgarten » ou jardin de la cour, avec
ses arcades ornées de fresques historiques
et de paysages : dessin appuyé, couleur
lourde, composition sans vie et trop com
pacte.
Une halte, à l'église des Théatins, de-
vaut un splendide Tintoret, nous fait sor-
tir de ce convenu et de ce conventionnel.
C’est comme un coup de soleil qui déchira
un temps gris. Et, tout de suite, l’on pari
vers la Pinacothèque, monument construit
vers la fin du premier tiers du xix e siè
cle, mais dont les collections sont le joyau
le plus parfait que contienne Munich. On
y passe des heures, des jours.
Nulle part ailleurs, peut-être, l’on ne
peut mieux étudier l’œuvre de Rubens,
sauf à Bruxelles et à Anvers. Des salles
entières sont remplies d’esquisses du maî
tre : dessins, aquarelles, premiers tâton
nements à l’huile pour diverses toiles.
Parmi tant de tableaux de tout premier
ordre, je me souviens avec éblouissement
de cette Bataille des Amazones, placée
près d’un paysage et d’une étude da
mains. Quelle fougue dans la mêlée ! Quel
rythme entraînant de la composition ! Et
quelle palette ! Des verts, des bleus et des
rouges, des rouges d’une rutilance et d’une
somptuosité comme seul le Flamand sa
vait en trouver. C’est une bataille, certes,
et cependant tout est clair et net dans ce
mouvement endiablé.
E, van Loo.
(LIRE LA SUITE EN 4 e PAGE) 1
Le Président Wilson parlait pour l’éternité, quand il disait (27 sep-
1 tembre 1918) : « Il y a des parties contractantes, dont les promesses ne sont
pas dignes de foi... L’Allemagne aura à se refaire une réputation. »
Pologne, Roumanie, Yougoslavie, Hongrie, Italie même, avec son Tyrol
allemand et Trieste, auront leur tour, parce qu’elles gênent la marche vers
l’Est et vers la Méditerranée. La Belgique et la France suivront, quand elles
seront suffisamment isolées. Et l’Empire britannique, pour finir, Se verra
réclamer les colonies, qu’il croit possédée à jamais.
Si je cherche un précédent à la présente situation de l’Europe occi
dentale, j’en vois deux, l’un au 18 e siècle (partages de la Pologne) ; l’autre
au 19 e (Sadowa). Si je cherche un remède, je n’en vois, à toute époque,
qu’un seul : dire non, à temps, pour empêcher la guerre, au lieu de se
laisser conduire à la subir.
Je ne suis pas entièrement d’accord avec André Tardieu, qui
croit encore que l’Italie, devenue « révisionniste » pouvait demeu
rer, peut redevenir notre alliée, mais, avec lui, je m’épouvantais
que, pour préparer l’avenir, les gouvernements de Paris et de Lon
dres n’eussent jamais eu le passé à l’esprit. Pousser la Tchécoslova
quie dans l’orbite politique allemande, n’était pas seulement com
promettre l’indépendance de notre alliée, mais compromettre aussi
gravement la sauvegarde de la France et de la Grande-Bretagne.
« Qui tient la Bohême tient l’Europe », a dit Bismarck, et,
précisant la pensée du chancelier de fer, l’auteur de « La Bohême,
point névralgique de l’Europe », livre paru en 1935, écrivait : « En
cas de guerre, la Bohême constitue pour l’Allemagne un tel danger
que la solution la plus simple consisterait à l’écraser, telle une grosse
noix, par une attaque agissant comme une paire de tenailles. »
L’épreuve à laquelle viennent d’être soumises les démocra
ties française et anglaise, à cette heure décisive pour leur avenir,
n’a pas totalement tourné à leur désavantage, nous sommes heureux
de le reconnaître. C’est surtout parce qu’en France, ceux d’en bas
n’ont pas dégénéré de leurs pères de 1914, car on ne peut mal
heureusement pas en dire autant de beaucoup de ceux d’en haut.
Il n’est que de lire certains journaux. Tout se passe comme si cer
tains féodaux de la finance et de l’industrie qui les inspirent, te
naient plus, dans un stupide esprit de classe, à maintenir Hitler et
Mussolini au pouvoir, qu’à sauver l’indépendance de leur pays.
Mais laissons.
La première journée des négociations munichoises n’a pas
été mauvaise pour les représentants franco-britanniques. Nous
n’avons pas eu, ces derniers temps, tellement d’occasions de satis
faction que nous ne nous félicitions pas, aujourd’hui, de ce suc
cès. La preuve est faite que tant que sera maintenue la solidarité
franco-britannique, la Paix ne sera pas mise à mal. Il ne nous reste
qu’à souhaiter que la suite des entretiens de Munich ne nous fasse
pas payer trop cher ce que nous avons gagné hier.
L'ORDRE
LA FRANCE GARDE TOUTE SA FOI EN SES DESTINÉES
M. Jean Taurines, sénateur
grand mutilé, envoie
à M. Flandin sa démission
Aux heures les plus tragiques,
l’Alsace a montré
son âme une fois de plus
Sous Ile signe
de Sor o
Munich aux quatre routes
Le Führer et le Duce sont arrivés
ensemble dans la capitale bavaroise
M. Ed. Daladier y atterrissait à 11 h. 15
M. Neville Chamberlain à 11 h. 57
M. Mussolini est arrivé, hier matin,
à 6 h. 8, en train spécial, à la gare fron
tière du Brenner. Il est accompagné du
comte Ciano, ministre des Affaires
étrangères ; de M. Anfuso, chef de ca
binet, et de ses secrétaires, MM. Luc-
cioli et Noni, ainsi que du marquis
Daieta, de M. Sébastian! et du colonel
Mileti, du cabinet privé du Duce.
M. Mussolini a été salué dans le train
par M. Rudolf Hess, représentant per
manent du Führer, ainsi que par le
prince de Hesse et plusieurs autres per-
sonnalités du parti.
A 7 h. 15, le train spécial, auquel
on avait accroché le wagon de M. Ru
dolf Hess, est reparti, salué par l’hymne
italien. Il s’est arrêté en gare d’Inns-
brück, entre 8 h. 5 et 8 h. 20.
M. Mussolini n’a pas quitté son wa
gon, mais il s’est montré à la portière
et a été l’objet d’une ovation de la part
d’une foule considérable qui s’était por
tée sur le quai de la gare.
M. Rudolf Hess et le comte Ciano ont
passé quelques mnutes dans le wagon
du Duce.
(LIRE LA SUITE EN 4* PAGE),
M. Jean Taurines, sénateur de la
Loire, a adressé à M. P.-E. Flandin,
président de l’Alliant a démocratique,
la lettre suivante :
Paris, 29 septembre 1938.
Monsieur le président,
Je hais la guerre ; je ne la veux pas
pour notre pays.
Vous n’en douterez pas, j’espère.
Je suis de ceux qui, ayant toujours
travaillé à réaliser l’unité française,
ne peuvent s’associer de près ou de
loin, et surtout dans les circonstances
actuelles, à tout ce qui est de nature
à porter atteinte à la santé morale de
la nation.
Je me vois donc contraint à vous
adresser ma démission de membre de
l’Alliance démocratique et radicale et,
partant, de mes fonctions de vice-pré
sident du parti et de membre de la
C. A. P.
Veuillez agréer, etc.
Jean Taurines, •
Sénateur de la Loire,
grand mutilé de guerre.
Cette lettre constitue une réponse
cinglante aux dernières manifesta
tions publiques de M. Pierre-Etienne
Flandin.
Il n’est pas mauvais que la leçon ait
été infligée au président de l’Alliance
démocratique par un ancien combat
tant, grand mutilé de guerre.
Le groupe S. F. L 0.
« flandinise »
Les « Pas-perdus » étaient hier dans
l’attente des premières nouvelles de
Munich.
Faute de renseignements précis sur
les événements du jour, on s’entrete
nait de ceux de la veille et de l’avant-
veille.
L’espoir d’un résultat heureux pour
la Paix était au cœur de tous, oui,
mais quellf, paix? Ici recommençaient
les chœurs alternés des pacifiques et
des pacifistes.
Ceux-ci ont marqué plusieurs points
sur ceux-là à la réunion conjointe du
groupe S. F. I. O. et de la C. A. P. du
parti socialiste, réunion qui s’est te
nue dans la matinée. Il est vrai que M.
Léon Blum n’était pas là, pour jouer
son rôle habituel de médiateur entre
les deux tendances qui s’affrontent au
sein de son parti.
Il a du mal avec des troupes qui se
recrutent surtout désormais parmi les
fonctionnaires, les instituteurs, à subs
tituer au pacifisme de la sainte doc
trine (qui fut d’ailleurs le sien long
temps) une politique extérieure plus
ferme. L’argumentation sentimentale
de M. L’Heveder a prise sur de très
nombreuses fédérations.
André Stibio.
(lire la suite en 4- page)
LES VRAIS VISAGES DÉ PARIS
Jour d’armistice ?
La bruyante minute de silence
par
Les optimistes triomphent, on respire,
les rues ont retrouvé, sinon leur éclai
rage, du moins leur sourire. Il semble
que les appareils de radio soient plus
bruyants et plus gais ; les fleurs ne font
plus penser à des tombes, les enfants à
des bombardements, Les femmes osent
sourire aux camions pleins de jeunes
soldats.
Un grand espoir a transformé pour la
foule la mobilisation en alerte, la réu
nion d’hier en armistice, les résolutions
que l’on va prendre à Munich en solen
nel traité de paix. Qui oserait toucher
à cet espoir si fragile, si beau ? A un
espoir qui nous rend les grands dons
simples : le ciel, le soleil, le rire, le
sommeil, la compagnie des humains. Ce
n’est peut-être qu’une trêve, mais comme
nous la savourons.
Il est si bien question d’armistice que
l’on avait pensé à une minute de silence.
On devait l’observer, hier, à trois heures.
Oh ! il y eut sans doute un élan du
cœur, un de ces mouvements de volonté
collective qui font parfois des miracles.
Mais il ne fallait pas s’attendre, dans les
rues de Paris, à des agenouillements, à
des recueillements.
Place de l’Opéra, des opérateurs fil
maient la foule, qui s’assemblait pour les
Geneviève MANCERON
RECTIFICATIONS
— Allô, la « Vie Parisienne » ?
Annulez l’annonce demandant des mar
raines de guerre.
regarder filmer. Ça faisait un échange de
curiosités. On souriait avec la bonne vo
lonté des malades dont la fièvre est tom
bée. A trois heures précises, l’orage qui
menaçait se pique d’être photogénique,
recule vers les boulevards extérieurs et»
laisse glisser un ravissant rayon de so
leil. Ce n’était pas silencieux, mais c’était
très gai. Ah ! vive la Saint-Michel !
* =
Tout cela n’empêche pas les gens de
s’en aller fort sagement. D’ailleurs, si cette
horrible histoire finit bien, nous aurons
tous besoin de vacances bien méritées,
dans la campagne d’automne.
On ne voit partout que fenêtres fer
mées et rues vides. Ce sont de vieux
taxis qui apportent les malles dans les
gares, car les taxis neufs sont réquisi
tionnés. Ils sont parqués un peu partout,
ainsi boulevard de Port-Royal, où, soi-
gneusement rangés et bien étiquetés, ils
sont gardés par des mobiles baïonnette
au canon.
Il n’y a plus de places dans les trains
et on voyage debout dans les couloirs.
On passe même la nuit gare Montparnasse
et gare d’Orsay pour être sûr de partir le
matin. Et les femmes qui s’en vont ont
tout prévu, car les coiffeurs ont reçu
quantité de blondes « platinées » qui,
craignant de devenir couleur pie en l’ab
sence de leur coiffeur, se sont fait tein
dre en brun, tout simplement.
*
a A
Cependant les cinémas d’actualité sont
pleins. Le public, quoique nerveux, ne
manifeste devant aucune actualité poli
tique et suit avec une attention profonde
un documentaire sur la défense passive
que préface une sévère allocution du ma
réchal Pétain.
On est "encore en état d’alerte...
Oui, notre Alsace, notre belle Al
sace, si magnifique sous les rayons du
soleil dont on ne pouvait même plus,
sous l’angoisse, contempler les hori
zons paisibles, révoltés que nous
étions presque comme d’un défi du
ciel splendide à nos misères terres
tres !
J’ai vécu samedi, dimanche, lundi,
dans un de nos petits villages de
montagne ; j’ai vu partir à la frontière
les jeunes et ceux de 47, 48, 50 ans,
des mères en larmes, le mari et plu
sieurs fils les quittant ensemble... et
puis dans la nuit, muets, des paysans
descendre les chevaux — leur instru
ment de travail — à la réquisition...
Le modeste champ, la petite maison
à la merci de l’obus ennemi... le sacri
fice total ! En bordure du Rhin, les
canons sont chez eux ! J’ai vécu leur
angoisse, voulu espérer avec eux et
malgré eux...
A Sélestat, un vieil officier alsacien
retraité — 70 ans peut-être — Se pré
sentait, la poitrine constellée de dé
corations, pour s’engager !
Un jeune homme de 18 ans, un
sportif du Ban-de-La-Roche, allait
signer son engagement ! Sa mère lui
dit : « Réfléchis à ce que tu fais... Tu
n’as pas l’âge... ce seraient peut-être
quelques mois de répit, une chance...»
Et ce gosse de chez nous a répon
du :
« Voyons, maman, quand les pères
de famille partent, tu crois que je
pourrais rester au village, moi ? ».
Et la pauvre maman, douloureuse,
a compris !
En uniforme d’aviateur, un officier
de réserve, avant de rejoindre son
poste, vient mettre à l’abri sa femme
et ses enfants... des femmes de Stras
bourg, de la frontière, prennent l’auto
non réquisitionnée encore et vont,
vers la montagne, avec leurs petits,
des bébés parfois...
Marthe Hamel.
(LIRE LA SUITE EN 4e PAGE)
NOUVELLES
FASCICULES
Ru€ .
LAISHC
— J’ie connais !... Il s’est arrangé pour
avoir le numéro 8 pour pas rentrer à Ia
maison.
CONFERENCE EUROPEENNE..,
— Et l’U.R.S.S. ?...
— L’U.R.S.S. ?... Connais pas !...
COMME C’EST FACILE !
Lire en Dernière Heure :
AU JAPON
Le général Ugaki
est démissionnaire
La rentrée en scène de l’armée
et ses conséquences internationales
me et évites les émotions.
ENTHOUSIASME DELIRANT
A ROME
(Les Journaux.)
— Ouf !... On a eu chaud 1.^
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