À propos de l’auteur Jean-Didier Wagneur

Portrait d’Henry Murger

Henry Murger est né le 27 mars 1822 à Paris. Il est issu du petit peuple parisien ; ses parents sont concierges et son père exerce l’activité annexe de tailleur. Henry Murger va vivre sa jeunesse dans une maison de la rue des Trois-frères. Il fait des études sommaires à l’école mutuelle où les plus âgés enseignait aux plus jeunes, puis grâce à la protection d’un célèbre voisin Etienne de Jouy, journaliste sous l’Empire et la Restauration, entre comme commis chez un avoué. Il perdra assez vite sa place mais grâce à son protecteur entrera comme secrétaire d’un russe, le comte Tolstoï qui est un agent de renseignement du Tsar.


Une communauté d’artistes : les buveurs d'eau

Autour de 1838, Murger commence à fréquenter deux jeunes prolétaires qui cherchent à fuir leur condition pour devenir artistes, Pierre et Emile Bisson. Il suit avec eux des cours de dessin et complète son éducation lacunaire. Par les frères Bisson, il fait la connaissance d’une communauté de jeunes artistes qui mènent tous une double vie, travaillant comme salariés dans les arts industriels pour survivre, et consacrant le reste du temps à se perfectionner dans les beaux-arts. Ils prendront comme nom dans les années 1841, Les Buveurs d’eau, celle-ci étant la seule boisson qu’autorisait leur pauvreté. Cette communauté, présente dans les Scènes et à laquelle Murger consacrera un roman (Les Buveurs d’eau, 1854), accueille aussi Champfleury qui y vit quelques temps ainsi que le peintre Antoine Chintreuil. Autour des Buveurs d’eau gravite une population bohème dont Nadar et Alexandre Schanne font partie ainsi que plusieurs individualités qui inspireront Murger pour les personnages des Scènes de la bohème.

 
Caricature de Champfleury
Caricature de Adrien Lelioux
Caricature de Léon Noël
 

L’expérience des Buveurs d’eau s’achève autour de 1842, à partir de ce moment Champfleury, Murger, devenus proches de Nadar vont multiplier leurs collaborations dans des revues et des petits journaux. C’est l’époque des frasques au café Momus, celle de la bohème de la rue des Canettes au Quartier latin. Arsène Houssaye les accueille alors dans la revue romantique L’Artiste où Murger publie ses poèmes. Mais c’est leur entrée dans un petit journal littéraire et satirique, Le Corsaire-Satan qui va déterminer leur vie littéraire. Le rédacteur en chef Lepoitevin Saint-Alme, ancien collaborateur de Balzac, a rassemblé autour de lui une rédaction de jeunes dont Baudelaire, et éduque ce monde au petit journalisme parisien incisif et ironique.

 

Journaliste au Corsaire-Satan

 C’est dans ce journal qu’à partir de mars 1845 et jusqu’à avril 1849 Murger publie en feuilleton sous le titre « Scènes de la bohème » une chronique romancée de la vie qu’il mène. Éparpillée sur plusieurs années, cette série attire l’attention d’un jeune auteur dramatique Théodore Barrière qui décide Murger à collaborer avec lui pour en faire une adaptation théâtrale. La Vie de Bohème est représentée le 22 novembre 1849 au Théâtre des Variétés. Son ton enjoué et dramatique, son sujet la vie des artistes et des grisettes, les valeurs qu’elle illustre : l’amour et la jeunesse, amènent un large succès salué par une presse enthousiaste. Aussi, l’éditeur Michel Lévy publie-t-il immédiatement la pièce non sans demander à Murger de rassembler ses chroniques en volume. Elles paraissent sous leur premier titre de Scènes de la bohème en 1851.
 

 
Le Corsaire-Satan
Théâtre des Variétés
La Vie de Bohème
 

Murger déjà publié par Lévy, la grande maison d’édition de ce temps, entre alors à la Société des Gens de lettres, puis est sollicité par François Buloz pour écrire dans la Revue des deux mondes, organe assez conservateur auquel collabore cependant l’élite de la littérature. C’est là qu’il va publier en feuilleton plusieurs de ses romans, tout en donnant des chroniques au Paris, au Figaro, à L’Événement et au Moniteur pour ne citer que quelques-uns des journaux qui l’ont accueilli. En quelques années il produit énormément. La même année que les Scènes de la Bohème, il signe les Scènes de la vie de jeunesse et Le Pays latin (1851), et jusqu’à sa mort, donne presque un roman ou un recueil de nouvelles par an, rassemblant aussi ses textes journalistiques et ses poèmes. Alors qu’il a la réputation d’un dilettante, Murger est néanmoins un travailleur ; il cherche toujours à combler son déficit d’instruction par l’étude et réécrit opiniâtrement chaque œuvre jusqu’à atteindre la qualité qu’il s’est fixée. Si dans Paris, il reste toujours le bohème, ses nuits sont ainsi consacrées à écrire afin de régler les innombrables créanciers que son mode de vie insouciant lui amène. Ce rythme l’oblige, dès 1854, à prendre ses distances avec la capitale pour résider une partie de l’année à Marlotte dans la Forêt de Fontainebleau, où, à quelques kilomètres de Barbizon, se réunit une autre une colonie de peintres.

D’une santé précaire, Murger avait déjà multiplié les séjours dans les hôpitaux dès sa jeunesse. Mais son rythme de vie, les excès de café et les longues nuits de travail ont raison de lui. Murger meurt prématurément d’un érésipèle gangreneux, le 28 janvier 1861, à la maison Dubois, l’hospice des gens de lettres. Ses funérailles seront fortement médiatisées, la mort sanctifiant une véritable vedette médiatique et populaire, l’incarnation même de la bohème qu’il avait fini par prendre en dégoût.