Titre : Défense de la France
Auteur : Jurgensen, Jean-Daniel (1917-1987). Auteur du texte
Auteur : Salmon, Robert (1918-2013). Auteur du texte
Auteur : Dain, Alphonse (1896-1964). Auteur du texte
Auteur : Défense de la France. Auteur du texte
Éditeur : [s.n.]
Éditeur : [s.n][s.n] (Paris)
Date d'édition : 1944-01-01
Contributeur : Viannay, Philippe (1917-1986). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34419180r
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 293 Nombre total de vues : 293
Description : 01 janvier 1944 01 janvier 1944
Description : 1944/01/01 (N43)-1944/01/31. 1944/01/01 (N43)-1944/01/31.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k884825q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, RES-G-1470 (88)
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 13/08/2012
USEZ :
Combat
Libération
Franc Tireur
Résistance
Lorraine
DEFENSE
mm
EDITION DE PARIS 21 AOUT 19 4-hf43 ^
FONDE LE 14 JUILLET 194!
FRANCE
m
Te.
Je ne crois que les
témoins se feraient
La Naissance, La Vie
et le Triomphe
d’un journal clandestin
TROIS ÉTUDIANTES
UN
mn fxr&f&sseur ef une
MÉDECIN
infirmière
FORMENT
UN ATELIER...
OYEZ, lisez c Défense de la
France! »
Lorsque' ce cri retentit pour la
première fois, à Rennes, le 5 août
1944, un sursaut instinctif secoua
ceux qui venaient 'de rédiger ce
numéro. Il fallait quelques ins
tants pour être bien sûr que
c'était vrai : « Défense de la
France » pouvait clamer son titre
en plein jour, en pleine rue et si un agent de
police flanquait le vendeur, c'était seulement
pour le protéger contre l'assaut des clients.
« Fondé le 14 juillet 1941 sous l'occupation
ennemie », « D.F. » avait un‘peu plus de trois
ans. Le temps d'une libération, le temps d'une
épopée. Le temps d’un travail obscur, acharné,
dangereux.
Janvier 1941. La stupeur de la défaite et de
l'occupation règne encore. Là-bas, à Vichy,
sous le signe de la « dignité » et de l’eau miné
rale, un maréchal de France prétend redresser
le pays par une politique de bascule entre la
réaction militante et le nazisme larvé. Paris
à demi désert. Paris suspecté, surveillé, humi
lié, tâtonne dans l'obscurité. Plus obscure
encore est sa conscience.
— I! faut faire quelque chose!...
Des hommes et des femmes, ouvriers ou in
tellectuels, de gauche ou de droite, savent déjà
qu’il faut réagir, qu’il ne faut pas abandonner.
L’espoir changera de camp un jour.
Quelques réunions, quelques présentations et
un petit groupe est constitué. Mais que faire?
La propagande orale ne peut s’adresser qu’à
des amis déjà convaincus. Quant à l’action,
quelle pourrait-elle bien être sans même un
pistolet au milieu d'une armée en campagne?
Une idée s’impose : faire un journal. Rendre
un moyen d’expression à tout ce qui est brimé,
interdit, éliminé. Mettre sous les yeux du peu
ple de France des mots et. des nViro**e«
n :.î clairement que la prose léni
fiante du maréchal, qui répondent aux injures
des feuilles hitlériennes. Le titre sera vite
trouvé. Il sera un drapeau et un programme :
« Défense de la France. ».
COMMENT
ON DEVIENT
IMPRIMEUR
Mais comment fait-
on un journal? Ces
étudiants, ces em
ployés qui brûlent de
se mettre à l’ouvra
ge, l’ignorent, à peu
près complètement.
Ils ont vu les faça
des imposantes des
grands quotidiens
parisiens. Ils pensent vaguement à d’énormes
machines ronflantes. Peut-être y en a-t-il de
plus modestes, des « presses », comme a.u temps
de Gutenberg. Mais comment les trouver? Quel
matériel employer? Il y a bien la solution héroï
que de la ronéo, mais le stencil est rare, l’encre
également et les résultats sont maigres, ne font
pas d’effet.
Paul découvre une machine « allemande », la
Rotaprint à clichés d’aluminium, qui répond à
tous les désirs. File demande peu d’électricité,
elle est rapide, légère (80-kgs) et l’impression
Ci-dessous, de gauche à droite :
« D. F. », composée à 50 mètres
de la Santé : on aperçoit par la
fenêtre les murs de la îrison.
Ces deux « typos » affairés sont
des étudiants qui, hier encore,
ignoraient tout de l’imprimerie.
Ce n’est pas une caissière devant
son appareil enregistreur, mais
une « imnrineuse » au travaiî.
sur les feuilles d'aluminium peut se faire, soit
à la machine à écrire, soit sur presse à épreuves.
Mais il manque encore une bonne machine k
écrire. Les fournisseurs demandent un délai de
six mois! Il ne reste qu'à... en voler une!
En plein jour, à midi, deux jeunes gens, an
sac de « pommes de terre » sous le bras, sorterr
du Ministère de.. Ils mette!* : leur sac dans ;a
remorque du tandem qui les attend au coin de
la rue. Un juron : un long ruban rouge et noY
décrit des spirales sur le trottoir!
Bientôt, les résultats ne paraissent plus assez
beaux. L’imprimerie est tellement plus lisible ..
Il faut donc devenir imprimeur. Par des amis
on a. contacte » — l’expression est toute neuve
—• un patron.
—^ Apprenez-nous à faire un journal.
— Mais vous n’y pensez pas! Il faut trois ans
d’apprentissage pour former un typographe
capable de travailler proprement. Il faut des
machines compliquées que seuls des conducteurs
de métier peuvent faire marcher.
— Qu'importe, avec de la volonté...
— Soit.
Et voici trois étudiantes, un médecin, un pro
fesseur et une infirmière venant chaque soir à
l'atelier de fortune, se mettant en devoir de
devenir typographes.
On ne peut se figurer ce que recèle de pièges,
de difficultés et de déboires, la tentative d'ali
gner de minuscules morceaux de plomb qui sont,
des caractères sur une règle de métal pour en
faire un ligne. Songez que dix lignes de « copie »
représentent plus de 300 lettres. Rien que
vocabulaire suffirait à vous rebuter à tout
• ••DE
TYPOGRAPHIE
jamais : il n'est question que de « casses », de
« polices », de « filets », de « mettre en pâte »
ou de « justifier ».
40 heures, remplacèrent les trois ans.. D'autres
néophytes parmi lesquels des employés de bu
reau et des sculpteurs, des industriels, des
marins, s’initièrent en deùx jours, en quinze
heures, en une heure et se mirent au travail.
Mm Pinson
CMitbnm 0.20. kivd&o
NE toute petite chambre au sixiè
me étage. Le logis de Mimi Pin
son. La concierge habite si loin,
là-bas dans la cour, qu’elle a
peine à retrouver la mansarde
pour la faire visiter à ces étu
diantes de banlieue, « qui veulent
avoir une chambre à Paris ».
Une serviette d’écolier et un sac
tyrolien peuvent fort bien conte
nir une imprimerie ou plutôt un embryon d'im
primerie. D’ailleurs, le local ne pourrait guère
admettre un matériel plus important. Et le < a-
vail commença. Lettre par lettre, ligne par ligne,
« Défense de la France » imprimé — les r e-
niers numéros tn-
pea A Ja machine
sur clichés d’alu
minium, parais
sait depuis le 14
juillet 1941 — de
venait une réalité.
D e 3 voyages
successifs de D.F.
chassés tantôt par
la seule prudence,
tantôt par une ex
tension du maté
riel, quelquefois
par un incident,
une ou , deux fois
par la Gestapo,
on ne peut tout
raconter. C o m -
ment ses ateliers
se dédoublèrent,
se perdirent, se
retrouvèrent,
pourrait consti
tuer un roman
d’aventures dont
le genre oscille
rait entre Arsène
Lupin et « ’ l’Iti
néraire de Paris à
Jérusalem ».
DANS UNE CAVE
DE LA SORBONNE
les dizaines d’autres, au rez-de-chaussée ou
sous les toits, luxueux ou misérables, nous les
saluons seulement au passage.
Mais nous allons noua rendre en pèlerinage
dans quelques-uns des lieux où s’abritèrent *es
presses traquées de « Défense de ia I? rance ».
Le voyage n’est pas sans surprise
L'a telier de
composition dut
bientôt être com
plété par un ate
lier d’impression
proprement dite
avec une machine
déjà imposante
qu’il fallait trans
porter sur un ca
mion tandis que ^ ,
la route était « éclairée » d’un bout à 1 autre par
des cyclistes, pour éviter rafles et contrôle.
Cet. appartement -du septième étage — sans
ascenseur ; — celui de la rue Gazai* où la Ges
tapo occupait le local contigu, tous ceux qu il
fallut isoler à i’aide d’un revêtement de liège
pour étouffer le bruit de la machine, les autres.
EN DA NT quatre ans Défense de
M 9 la France a combattu pour la
m vérité, a combattu pour la dé-
m fense des intérêts français. Ce
^ combat, nous Vavons mené au
milieu de grandes difficultés,
* dont le récit qui va suivre vous
donnera quelques aperçus.
Àujourd*hui notre journal va mener pour la
défense de la France le même combat au grand
jour.
Notre but est de renseigner le peuple fran
çais sur les événements avec exactitude. Nous
ne voulons pas être des marchands de fausses
nouvelles.
Nos campagnes seront toujours guidées par
le souci de défendre les intérêts français. Nous
suggérerons toujours ce que nous estimons salu
taire pour notre patrie.
Nous voulons donner au monde une image
fidèle de la France — et donner à la France
une image fidèle du monde.
Nous combattons pour la Vérité.
Nous commen
çons par une vé
ritable explora
tion. Dans un des
innombrables cor
ridors de V impo
sante et vénérable
Sorbonne, une pe
tite porte passe
inaperçue. Der
rière la petite
porte, il y a un
escalier. En bas
de l’escalier, il y
a... non, il faut
renoncer à l’énu
mération. Il y a
1 e s sédiments
stratifiés de cent
ans — peut-être
plus — d’études,
d e classements,
d e collections,
avec le papier, le
matériel et les à-
côtés.
Il y a, perdu
pour jamais dans
un Léthé de pous
sière, le fruit de
dizaines de vies
laborieuses, peut-
être bien même
l’œuvre méconnue d’un ou deux génies. Parmi des
monceaux d’objets non identifiables, des piles de
livres et de manuscrits qu’un trop subtil. classe
ment oublié rend-, pour toujours inutilisables,
nous nous frayons un chemin. Là-bas, une faible
ampoule répand un halo jaunâtre.
— C’était là!
EN
SORBONNE
— Ce n’est pas une cachette, c’est un maqifis!
Une caisse dérangée, une boîte d’encre, une
rame de papier non empoussiérée, une place
vide. Là, pendant un an, dans la nuit, sur une
presse à moteur électrique branché sur le cou
rant de l’Université, s'imprima un journal.
Au-dessus, l’immense bâtiment désert, autour,
des labyrinthes de caves et de souterrains. Au-
dessous, d’autres caves, d’autres souterrains.
En effet, le plus acharné des agents de la
Gestapo se serait perdu «dans ce dédale aussi
bien que dans les fourrés , du Vercors,
— Et vous n’avez jamais eu d’alerte?
— Si, une fausse. Un soir t nous sommes arr*-
t-èï'r '> rr * -y-• r3 liôuteSi ciiargés ue pa
pier, d’encre, de clichés tout imprimés. Au
moment d’ouvrir la porte, dans la cave, derrière
nous un bruit — puis “une lumière. Au rond-
point des souterrains, une silhouette se dessine.
L’homme cherche de tous côtés, allume une à
une toutes les galeries. Toutes sauf une... celle
où nous sommes. Inutile de dire que,-ce soir-là,
nous n'avons imprimé qu’après avoir fait le guet
pendant plusieurs heures.
SIMONE,
HÉROÏNE
DE LA
RÉSISTANCE
€ Simone e3t mala
de ». « Nous allons
garder Simone ». Ces
messages parfaitement
familiaux que trans
mettait la poste ou lô
téléphone ne pouvaient
alarmer ces messieurs
de la censure ou des
tables d’écoute. Nous
allons vous présenter
Simone. Non, inutile
de vérifier votre nœud de cravate : Mlle Simone,
n’était qu’une machine à imprimer du modèle
Offset, la Rotaprint. Achetée avec mille ruses —
les premiers faux — car la vente de ce matériel
d’imprimerie- était sévèrement réglementée,
Simone s’installa rue Saint-Jacques, où elle
reçut, au salon, un généreux accueil et où elle
accomplit une énorme besogne,
La voici installée dans une chambre. Un pres
sentiment l'en chasse bientôt. Quelques jours
après son départ, la f el d gendarmerie surgira :
— Il y a des armes ici !
— Oui !
Et la « servante au grand cœur » qui a ou
vert la porte conduit ces messieurs au salon,
où un magnifique sabre japonais forme la pièce
maîtresse d'une panoplie.
Pendant ce temps, Simone montait les cinq
étages de M. A. D.. professeur de grec à l’Ecole
des Hautes Etudes. Installée dans la salle de
bains, elle continuait à débiter du papier im
primé dans une langue qui n’était pas celle de
Platon.
(Lire la suite en page 2.)
e. x.du- Wa mù.ne
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FONDE LE 14 JUILLET 194!
FRANCE
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Je ne crois que les
témoins se feraient
La Naissance, La Vie
et le Triomphe
d’un journal clandestin
TROIS ÉTUDIANTES
UN
mn fxr&f&sseur ef une
MÉDECIN
infirmière
FORMENT
UN ATELIER...
OYEZ, lisez c Défense de la
France! »
Lorsque' ce cri retentit pour la
première fois, à Rennes, le 5 août
1944, un sursaut instinctif secoua
ceux qui venaient 'de rédiger ce
numéro. Il fallait quelques ins
tants pour être bien sûr que
c'était vrai : « Défense de la
France » pouvait clamer son titre
en plein jour, en pleine rue et si un agent de
police flanquait le vendeur, c'était seulement
pour le protéger contre l'assaut des clients.
« Fondé le 14 juillet 1941 sous l'occupation
ennemie », « D.F. » avait un‘peu plus de trois
ans. Le temps d'une libération, le temps d'une
épopée. Le temps d’un travail obscur, acharné,
dangereux.
Janvier 1941. La stupeur de la défaite et de
l'occupation règne encore. Là-bas, à Vichy,
sous le signe de la « dignité » et de l’eau miné
rale, un maréchal de France prétend redresser
le pays par une politique de bascule entre la
réaction militante et le nazisme larvé. Paris
à demi désert. Paris suspecté, surveillé, humi
lié, tâtonne dans l'obscurité. Plus obscure
encore est sa conscience.
— I! faut faire quelque chose!...
Des hommes et des femmes, ouvriers ou in
tellectuels, de gauche ou de droite, savent déjà
qu’il faut réagir, qu’il ne faut pas abandonner.
L’espoir changera de camp un jour.
Quelques réunions, quelques présentations et
un petit groupe est constitué. Mais que faire?
La propagande orale ne peut s’adresser qu’à
des amis déjà convaincus. Quant à l’action,
quelle pourrait-elle bien être sans même un
pistolet au milieu d'une armée en campagne?
Une idée s’impose : faire un journal. Rendre
un moyen d’expression à tout ce qui est brimé,
interdit, éliminé. Mettre sous les yeux du peu
ple de France des mots et. des nViro**e«
n :.î clairement que la prose léni
fiante du maréchal, qui répondent aux injures
des feuilles hitlériennes. Le titre sera vite
trouvé. Il sera un drapeau et un programme :
« Défense de la France. ».
COMMENT
ON DEVIENT
IMPRIMEUR
Mais comment fait-
on un journal? Ces
étudiants, ces em
ployés qui brûlent de
se mettre à l’ouvra
ge, l’ignorent, à peu
près complètement.
Ils ont vu les faça
des imposantes des
grands quotidiens
parisiens. Ils pensent vaguement à d’énormes
machines ronflantes. Peut-être y en a-t-il de
plus modestes, des « presses », comme a.u temps
de Gutenberg. Mais comment les trouver? Quel
matériel employer? Il y a bien la solution héroï
que de la ronéo, mais le stencil est rare, l’encre
également et les résultats sont maigres, ne font
pas d’effet.
Paul découvre une machine « allemande », la
Rotaprint à clichés d’aluminium, qui répond à
tous les désirs. File demande peu d’électricité,
elle est rapide, légère (80-kgs) et l’impression
Ci-dessous, de gauche à droite :
« D. F. », composée à 50 mètres
de la Santé : on aperçoit par la
fenêtre les murs de la îrison.
Ces deux « typos » affairés sont
des étudiants qui, hier encore,
ignoraient tout de l’imprimerie.
Ce n’est pas une caissière devant
son appareil enregistreur, mais
une « imnrineuse » au travaiî.
sur les feuilles d'aluminium peut se faire, soit
à la machine à écrire, soit sur presse à épreuves.
Mais il manque encore une bonne machine k
écrire. Les fournisseurs demandent un délai de
six mois! Il ne reste qu'à... en voler une!
En plein jour, à midi, deux jeunes gens, an
sac de « pommes de terre » sous le bras, sorterr
du Ministère de.. Ils mette!* : leur sac dans ;a
remorque du tandem qui les attend au coin de
la rue. Un juron : un long ruban rouge et noY
décrit des spirales sur le trottoir!
Bientôt, les résultats ne paraissent plus assez
beaux. L’imprimerie est tellement plus lisible ..
Il faut donc devenir imprimeur. Par des amis
on a. contacte » — l’expression est toute neuve
—• un patron.
—^ Apprenez-nous à faire un journal.
— Mais vous n’y pensez pas! Il faut trois ans
d’apprentissage pour former un typographe
capable de travailler proprement. Il faut des
machines compliquées que seuls des conducteurs
de métier peuvent faire marcher.
— Qu'importe, avec de la volonté...
— Soit.
Et voici trois étudiantes, un médecin, un pro
fesseur et une infirmière venant chaque soir à
l'atelier de fortune, se mettant en devoir de
devenir typographes.
On ne peut se figurer ce que recèle de pièges,
de difficultés et de déboires, la tentative d'ali
gner de minuscules morceaux de plomb qui sont,
des caractères sur une règle de métal pour en
faire un ligne. Songez que dix lignes de « copie »
représentent plus de 300 lettres. Rien que
vocabulaire suffirait à vous rebuter à tout
• ••DE
TYPOGRAPHIE
jamais : il n'est question que de « casses », de
« polices », de « filets », de « mettre en pâte »
ou de « justifier ».
40 heures, remplacèrent les trois ans.. D'autres
néophytes parmi lesquels des employés de bu
reau et des sculpteurs, des industriels, des
marins, s’initièrent en deùx jours, en quinze
heures, en une heure et se mirent au travail.
Mm Pinson
CMitbnm 0.20. kivd&o
NE toute petite chambre au sixiè
me étage. Le logis de Mimi Pin
son. La concierge habite si loin,
là-bas dans la cour, qu’elle a
peine à retrouver la mansarde
pour la faire visiter à ces étu
diantes de banlieue, « qui veulent
avoir une chambre à Paris ».
Une serviette d’écolier et un sac
tyrolien peuvent fort bien conte
nir une imprimerie ou plutôt un embryon d'im
primerie. D’ailleurs, le local ne pourrait guère
admettre un matériel plus important. Et le < a-
vail commença. Lettre par lettre, ligne par ligne,
« Défense de la France » imprimé — les r e-
niers numéros tn-
pea A Ja machine
sur clichés d’alu
minium, parais
sait depuis le 14
juillet 1941 — de
venait une réalité.
D e 3 voyages
successifs de D.F.
chassés tantôt par
la seule prudence,
tantôt par une ex
tension du maté
riel, quelquefois
par un incident,
une ou , deux fois
par la Gestapo,
on ne peut tout
raconter. C o m -
ment ses ateliers
se dédoublèrent,
se perdirent, se
retrouvèrent,
pourrait consti
tuer un roman
d’aventures dont
le genre oscille
rait entre Arsène
Lupin et « ’ l’Iti
néraire de Paris à
Jérusalem ».
DANS UNE CAVE
DE LA SORBONNE
les dizaines d’autres, au rez-de-chaussée ou
sous les toits, luxueux ou misérables, nous les
saluons seulement au passage.
Mais nous allons noua rendre en pèlerinage
dans quelques-uns des lieux où s’abritèrent *es
presses traquées de « Défense de ia I? rance ».
Le voyage n’est pas sans surprise
L'a telier de
composition dut
bientôt être com
plété par un ate
lier d’impression
proprement dite
avec une machine
déjà imposante
qu’il fallait trans
porter sur un ca
mion tandis que ^ ,
la route était « éclairée » d’un bout à 1 autre par
des cyclistes, pour éviter rafles et contrôle.
Cet. appartement -du septième étage — sans
ascenseur ; — celui de la rue Gazai* où la Ges
tapo occupait le local contigu, tous ceux qu il
fallut isoler à i’aide d’un revêtement de liège
pour étouffer le bruit de la machine, les autres.
EN DA NT quatre ans Défense de
M 9 la France a combattu pour la
m vérité, a combattu pour la dé-
m fense des intérêts français. Ce
^ combat, nous Vavons mené au
milieu de grandes difficultés,
* dont le récit qui va suivre vous
donnera quelques aperçus.
Àujourd*hui notre journal va mener pour la
défense de la France le même combat au grand
jour.
Notre but est de renseigner le peuple fran
çais sur les événements avec exactitude. Nous
ne voulons pas être des marchands de fausses
nouvelles.
Nos campagnes seront toujours guidées par
le souci de défendre les intérêts français. Nous
suggérerons toujours ce que nous estimons salu
taire pour notre patrie.
Nous voulons donner au monde une image
fidèle de la France — et donner à la France
une image fidèle du monde.
Nous combattons pour la Vérité.
Nous commen
çons par une vé
ritable explora
tion. Dans un des
innombrables cor
ridors de V impo
sante et vénérable
Sorbonne, une pe
tite porte passe
inaperçue. Der
rière la petite
porte, il y a un
escalier. En bas
de l’escalier, il y
a... non, il faut
renoncer à l’énu
mération. Il y a
1 e s sédiments
stratifiés de cent
ans — peut-être
plus — d’études,
d e classements,
d e collections,
avec le papier, le
matériel et les à-
côtés.
Il y a, perdu
pour jamais dans
un Léthé de pous
sière, le fruit de
dizaines de vies
laborieuses, peut-
être bien même
l’œuvre méconnue d’un ou deux génies. Parmi des
monceaux d’objets non identifiables, des piles de
livres et de manuscrits qu’un trop subtil. classe
ment oublié rend-, pour toujours inutilisables,
nous nous frayons un chemin. Là-bas, une faible
ampoule répand un halo jaunâtre.
— C’était là!
EN
SORBONNE
— Ce n’est pas une cachette, c’est un maqifis!
Une caisse dérangée, une boîte d’encre, une
rame de papier non empoussiérée, une place
vide. Là, pendant un an, dans la nuit, sur une
presse à moteur électrique branché sur le cou
rant de l’Université, s'imprima un journal.
Au-dessus, l’immense bâtiment désert, autour,
des labyrinthes de caves et de souterrains. Au-
dessous, d’autres caves, d’autres souterrains.
En effet, le plus acharné des agents de la
Gestapo se serait perdu «dans ce dédale aussi
bien que dans les fourrés , du Vercors,
— Et vous n’avez jamais eu d’alerte?
— Si, une fausse. Un soir t nous sommes arr*-
t-èï'r '> rr * -y-• r3 liôuteSi ciiargés ue pa
pier, d’encre, de clichés tout imprimés. Au
moment d’ouvrir la porte, dans la cave, derrière
nous un bruit — puis “une lumière. Au rond-
point des souterrains, une silhouette se dessine.
L’homme cherche de tous côtés, allume une à
une toutes les galeries. Toutes sauf une... celle
où nous sommes. Inutile de dire que,-ce soir-là,
nous n'avons imprimé qu’après avoir fait le guet
pendant plusieurs heures.
SIMONE,
HÉROÏNE
DE LA
RÉSISTANCE
€ Simone e3t mala
de ». « Nous allons
garder Simone ». Ces
messages parfaitement
familiaux que trans
mettait la poste ou lô
téléphone ne pouvaient
alarmer ces messieurs
de la censure ou des
tables d’écoute. Nous
allons vous présenter
Simone. Non, inutile
de vérifier votre nœud de cravate : Mlle Simone,
n’était qu’une machine à imprimer du modèle
Offset, la Rotaprint. Achetée avec mille ruses —
les premiers faux — car la vente de ce matériel
d’imprimerie- était sévèrement réglementée,
Simone s’installa rue Saint-Jacques, où elle
reçut, au salon, un généreux accueil et où elle
accomplit une énorme besogne,
La voici installée dans une chambre. Un pres
sentiment l'en chasse bientôt. Quelques jours
après son départ, la f el d gendarmerie surgira :
— Il y a des armes ici !
— Oui !
Et la « servante au grand cœur » qui a ou
vert la porte conduit ces messieurs au salon,
où un magnifique sabre japonais forme la pièce
maîtresse d'une panoplie.
Pendant ce temps, Simone montait les cinq
étages de M. A. D.. professeur de grec à l’Ecole
des Hautes Etudes. Installée dans la salle de
bains, elle continuait à débiter du papier im
primé dans une langue qui n’était pas celle de
Platon.
(Lire la suite en page 2.)
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