Titre : Marianne : grand hebdomadaire littéraire illustré
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1935-03-06
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328116004
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 06 mars 1935 06 mars 1935
Description : 1935/03/06 (A3,N124). 1935/03/06 (A3,N124).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7642262c
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-127
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 16/03/2015
6 Mars 1935
= MARIANNE
9
GEORGES SIMENON 1
Le
Locataire
l^onum 7 fr. 50
PIERRE VÉRY
L'Assassinat
du Père Noël
Roman 7 fr.
433 MI ©1 ÏA VJU3
ee grïte/emme c/tY.
par Suzanne Normand
Prime à tout
spectateur
Dorénavant dans un music-hall no-
toire, le public aux entr'actes aura droit
à la visite gracieuse des coulisses. Dès
le rideau tombé, le troupeau insatiable
des payants pourra, à la queue leu
leu, se répandre par les couloirs inté-
rieurs, et ratifier ainsi, ou infirmer ses
propres sentences, en ce qui concerne
la plastique des femmes nues. Le tout
compris dans le prix du billet, et
comme au cirque, en somme, où, la
représentation terminée, on .est admis
au repas des fauves — mais les fauves
eux, peuvent montrer les crocs, peu-
vent rugir.
Je ne trouve pas cela drôle du tout. Je
trouve cela plutôt révoltant. Quand on
sait à quelle enseigne les figurantes sont
logées — ce qui consiste, en peu de
mots, à ne point même disposer d'une
loge. Quand on a vu, une fois, ces
brillantes troupes dépouiller soudain
leur factice éclat, se disloquer derrière
les portants, se disperser comme un bé-
tail à la débandade. Quand on les a
vues changeant de cache-sexe, de cache-
sein, de diadème, entre deux courants
d'air, comment trouver plaisant, com-
ment même trouver naturel, qu'à tant
de disgrâces s'ajoute encore le regard
indiscret du badaud admis à faire va-
loir ses droits à la curiosité ?
Vous me direz peut-être que « ces
filles-là » ça ne les gêne pas d'être exa-
minées de près, puisqu'elles l'ont été de
loin, que c'est leur métier qui veut ça.
etc., etc. Je n'en suis pas si sûre. Autre
chose est de danser, de défiler sur un
plateau, sous le regard anonyme d'une
salle. Autre chose de se heurter dans
le désordre, les gros mots, la fatigue, à
des présences étrangères, qui ne sont
pas là pour se gargariser d'indulgence.
Sans compter que, à un autre point de
vue, ce n'est même pas très adroit.
Rien ne perd à être vu de près comme
la parure d'un music-hall: les costumes
sont toujours défraîchis, les plumes sa-
les, les ors souillés. Le fil de fer est
visible partout. Qu'elles sont tristes
toutes ces dépouilles, toutes les carcas-
ses. Non, dans l'envers du décor, tout
n'est pas bon à voir.
Les baisers
défendus
.Uans le meme temps, un gardien
sourcilleux chassa du jardin des Tui-
leries un couple d'amoureux, coupable
de s'être abandonné à « un baiser trop
prolongé ».
Que me déplaît ce gardien, et que me
plaisent ces jeunes gens, assez oublieux
de l'inclémente saison, des circonstan-
ces moroses, des sévérités policières,
pour goûter dans la plus belle perspec-
tive de Paris, parmi les statues inertes
et les chantantes eaux, un baiser si doux
qu'il n'en finissait pas !
Mon Dieu, monsieur le gardien, ne
soyons pas impitoyable. Il y a long-
temps sans doute, q.ue pareille aven-
ture ne vous arriva ? Je connais des
grognons qui devant ce genre de spec-
tacle, murmurent avec rancune :
— Ça leur passera, avant que ça ne
me revienne !
Mais oui, « ça leur passera ». C'est
bien pour cette raison que seul le sou-
rire, en ce cas, est de rigueur ! Il peut
être désenchanté, ce sourire, il doit être
indulgent. Et devant deux jeunes têtes
qui se joignent, il n'est, monsieur
l'agent, que d'apprendre à détourner
la vôtre. Les enfants risquent de voir
« ça » ? C'est d'un mauvais exemple ?
Oh, les enfants d'aujourd'hui, en voient
d'autres à l'écran ! Un petit garçon qui
par le trou de la serrure avait vu son
père chasser à grands gestes une mère
coupable et suppliante, disait avec exal-
tation à un camarade :
—: C'était beau, tu sais, c'était beau
comme au cinéma.
On n'a plus grand'chose à leur ap-
prendre aux gosse d'à présent !
Paris a toujours été la ville où l'on
s'embrasse le plus gentiment. Une jeu-
ne femme qui, à la fin du siècle dernier,
s'en vint de sa province, ici, racontait
beaucoup plus tard que sa première
stupeur ce fut de voir, à la terrasse
d'un café, des amoureux qui s'em-
brassaient comme dans une gare. Ce
baiser, que l'on bouta hors des Tuileries,
n'est-il pas une des plus belles images
de Paris, en ces temps où, de l'aveu de
tous, Paris renie ses plus traditionnelles
grâces.
Visite aux poupées
J'ai déjà, ici, confessé mon tendre
goût pour les poupées, pour leur émou-
vante gentillesse, leur grâce sage.
Alors, on pense si j'ai trouvé bonne, et
jolie, cette idée d'une exposition, grou-
pant sous le signe de la Croix-Rouge,
toutes les poupées de la terre. Cela se
passait au Musée Pédagogique, décor
sans joie, mais quel charmant voyage !
Un double voyage : l'un dans notre en-
fance, l'autre à travers le monde.
Toutes étaient là : celles que pour
étrennes on nous offrait, et celles qu'au
temps de nos dix ans on nous rapporta,
en souvenir de séjours étrangers aux-
quels notre petit âge nous empêchait de
participer. Et celles que l'on désira, sans
jamais, jamais les recevoir — et ne
t'ai-je pas reconnue au passage, ô toi.
la plus belle, la tant aimée, qui me
valut, lorsque tu te brisas, un jour de
larmes !
Pittoresque univers, celui des pou-
pées, et que son prestige est donc ra-
vissant ! La France entière figure sous
nos yeux, dans son passé et dans son
présent, qui, hélas, répudie les plu-
beaux costumes. Il y a le hennin de la
châtelaine du moyen âge, ce qui est
prévu, mais aussi la paysanne picarde
du XVIIe siècle sous son champêtre
uniforme, d'une religieuse austérité. Il
y a le joueur de tennis d'aujourd'hui.
dans son petit pantalon de flanelle
blanche. Il y a enfin, dans cette immo-
bile revue de nos provinces, la frontière
savoyarde, le large ruban de l'Alsa-
cienne, la Normande au jour de son
mariage, tout en dentelles, la coiffe sa-
blaise, la blouse bleue d'Auvergne.
Toute la France, et toute la terre.
comme on ne la voit plus, ou comme
on ne la voit pas toujours : ainsi, celle-
là, une étiquette vous l'assure, c'est,
dans son uniforme pauvre et sévère.
une paysanne de l'Aragon. Mais lorsqu'à
travers le brûlant désert espagnol, vous
rouliez sous 40 a 1 ombre, jamais vous
ne vîtes, non jamais, un être humain
en jupe jaune et fichu noir, faire des
grâces au bord de la rente! j",; ; •'/*'' ,:
Oui, tous les pays què'Vd^'éfvtei'Vttfe,
vous les revoyez'; pouvoir '"d'une! petite
silhouette, affublée en montagnard ty-
rolien, en paysanne italienne, en
béguine de Gand. Et il y a encore tous
ceux que vous convoitez, ô belles Hon-
groises dans leurs toilettes compliquées
et somptueuses, raidies de perles, de
broderies, de paillettes, Japonaises aux
cheveux en coques émergées d'une es-
tampe, petites Turques 1935, dans leur
robe de flanelle grise, à col Claudine,
sur un bonnet de laine. J
La plus belle. La plus belle nous
rappelait un accord historique. En toi-
lette magnifique, de velours grenat.
avec capote assortie sur ses boucles bru-
nes et châle des Indes, elle figurait une
« grande dame piémontaise, regardant
en 1859, dénier les troupes françaises
dans Turin ». Son visage était d'une
expression exquise, un peu perplexe.
Mais pour fêter l'alliance, elle a mis
ses plus beaux atours, imités de l'Im-
pératrice Eugénie !
Suzanne Normand.
La cuisine de Madame
Pilaff Turc
Laver dans plusieurs eaux froides
200 gr. de riz. L'égoutter, l'éponger sur
un linge.
Faire fondre 80 gr. de beurre, dans
une épaisse casserole de cuivre ; ajou-
ter 500 gr. de tomates, pelées, pressées,
et concassées. Les cuire 20 minutes.
Ajouter le riz, le faire colorer en le re-
muant sans cesse à la cuiller de bois
7 à 8 minutes. Dès qu'il a atteint une
belle couleur jaune, le mouiller avec
un demi-litre d'eau froide. Assaisonner
de sel, de poivre de Cayenne. Couvrir
hermétiquement. Laisser cuire 15 à
16 minutes. Le riz doit avoir absorbé
toute l'eau. Retirer sur le coin du four-
neau 10 à 12 minutes, en ayant soin
d'égoutter de temps à autre la buée qui
monte au couvercle.
VOYAGER
PAR LES AVIONS GÉANTS DES
MPBMAL AIRWAYS
SIGNIFIE
CONFORT - AGRÉMENT
LUXE
2 PILOTES - 2 STEWARDS
4 MOTEURS - 40 PLACES
RESTAURANT A BORD
Î 38. AVENUE DE L'OPÉRA
¡ TAITBOUT SO-SO
a
-
Zi printemps comme l'au-
tomne ramène à Paris
des gens à peau brûlée.
mais la neige ne sait pas
aussi bien que les plages
dorer doucement les visa-
ges, et ce sont des teints trop rouges
que nous rencontrons sous les averses
de mar.
Mais qu'importe ! A cette époque de
Vannée, il est élégant d'avoir les joues
cuites; trop heureux, si l'on doit à la
montagne ce seul inconvénient et si
quelques membres cassés, des béquil-
les ou un plâtre ne désignent pas d'une
façon plus éclatante encore à notre at-
tention émerveillée, ces heureux du
inonde qui reviennent des sports d'hi-
ver.
Le Tyrol ayant été l'endroit favori de
leurs exploits, un rien de tyrolien dans
la mise ne les fait pas non plus demeu-
rer inaperçus. Et une plume et des
médailles sur un chapeau, des souliers
à bouts carrés ou des boutons de corne
sur un tailleur montrent bien que l'on
est passé à Salzburg s'approvisionner
chez Lanz.
Zürs, Saint-Anton, Obergurgl, Igls et
Seefeld ont reçu depuis Noël de bien
élégants visiteurs, mais Kitzbühel a eu
le prince de Galles !
Le prince de Galles, qui n'avait en-
core jamais fait de ski et dont toute
l'Angleterré guettait la première chute.
Quotidiennement, sur les « nursery
slopes », coiffé lui aussi d'un chapeau
tyrolien, il allait s'exercer courageuse-
ment sous l'œil attentif de Bracken, le
champion anglais, qui se consacrait uni-
quement à cette éducation de prince.
Mais il ne semble pas, malgré cet illus-
tre professeur, que l'élève ait fait de
rapides progrès, car on ne le vit jamais
monter dans le téléférique pour affron-
ter de grandes descentes, ni concourir
pour le chamois d'or ! Par contre, on
le voyait le soir, dans les Bierstubl du
village. se risquer à danser la baye-
risch-polka, ce qui est évidemment plus
facile, ou au café Praxmair écouter les
« jodler » et se montrer très attentif
aux « shuhplattler », ces merveilleux
danseurs qui, en gilets rouges brodés
d'or sur des lederhosen, qui laissent
leurs genoux nits, se livrent arec une
grâce rude à de singulières chorégra-
phies.
L'infante Marie-Christine, — je vous
le dis, Kitzbiihel était plein de royal-
lies — pouvait faire plus. elle. que les
admirer de loin, et quelquefois, en am.
ple jupe tyrolienne, elle tourbillonnait
aux bras de ces robustes garçons. Mais
n'étant qu'une princesse en exil, elle
avait bien le droit de eamuser. itiridi.,i
que le prince de Galles, ainsi que l'ex-
pliquait fies affiches en trois langues
différentes posées sur tous les murs,
était venu dans le plus strict inco-
gnito, sous le nom de comte àr t.hts-
ter, uniquement pour se reposer, et l'on
était instamment prié de ne pas le
« molester dans la rue ». C'est ainsi que
s'exprimait, en un. français trop exac-
tement trcllluit de l'allemand, une mu-
nicipalité soucieuse du bien-être de son
hôte.
Aussi, voulant passer inaperçu, circu-
lait-il les yeux baissés, comme une
timide jeune fille, et ratel ne songeait
à le molester, en vérité. Toujours en-
touré du même état-major, composé de
quatre ou cinq personnes des deux
sexes, ce groupe paraissait si peu bril-
lant, qu'un élégant jeune homme alla
même jusqu'à déclarer : « Le prince de
Galles ! mais il est avec des gens bien
trop mal, pour qu'on puisse lui par-
ler ! » ,
* Domino Gris.
Marianne chez Eugénie
L
A République était sens
dessus dessous.
Ce n'est pas du régime
que je veux parler, mais
du quartier.
C'est exactement entre
r , ,-
minuit et une heure — la récréation des
fantômes — que la chose se produisit.
Depuis longtemps, ronflaient sous leur
bonnet pointu, les bons. bourgeois de
Cham et de Monnier, et les lorettes de
Gavarni allaient en faire autant, la tête
en grelot, les jambes en coton, après
une z soirée tuante » chez Mabille, lors-
que.sans crier gare, du fond du brouil-
lard gris et glacé où luisaient les becs
de gaz, pareils à des coups de gomme
dans un ciel au fusain, surgit une foule
éperdue — que dis-je, un Olympe en
liesse où vous eussiez pu reconnaître
tout ce que Paris compte encore de plus
glorieux, de plus gracieux, de plus opu-
lent, l'esprit, la parure et la fortune de
cette capitale, de Cora Pearl à Roths-
child, en passant par Nestor Roqueplan.
Ou si vous préférez, de Mistinguett à
Rothschild, en passant par Rip, puisque
Paris reprend les mêmes et recommence.
La façade du Cirque d'Hiver flam-
boyait. Des cent-gardes sabre au clair,
attendaient, impassibles, l'arrivée de
Napoléon III, de l'Impératrice, de MM.
Mallarmé, de Morny, Langeron et des
représentants civils et militaires du pré-
sident de la République, empêché. Il est
bon, d'ailleurs, que M. Lebrun, cet
excellent M. Loyal de la « troisième »
ne se soit point montré en piste, ce soir-
là, aux côtés de Badinguet. Cela eût fait
jaser ; dans le quartier les gens sont si
méchants. Bref, l'Union des Artistes
allait donner son treizième gala, avec la
collaboration bénévole de quelques om-
bres joveuses, et le concours gracieux
de « nos plus charmantes vedettes et
d'artistes en renom ». Un énorme dais
de velours pourpre brodé d'or avait été
dressé devant la porte où s'agglutinait
une centaine de curieux réveillés en sur-
saut par les klaxons de la Renommée,
et qui étajent accourus, sans prendre le
temps de boutonner leurs bretelles ni de
nouer leur cravate, en pantoufles, la
paupière gonflée de sommeil et le jarret
frileux.
Paris allait pouvoir toucher du doigt
ses idoles, et s'offrir gratis le spectacle
de gens qui, eux, avaient payé fort cher
le droit et le plaisir de se montrer à
leurs pareils, c'est-à-dire à eux-mêmes.
- Tiens, v'là Harry Baur. ce qu'il a
l'air gentil. Tu te rappelles, Mimi, sa
scène avec Marius ?
— Dans Fanny ?
— Non, dans les Misérables.
— La poule en hermine, à côté de
l'officier de marine, c'est Brigitte Helm.
— Face de noix, tu n'es donc même
pas fichu de reconnaître Alice Field ?
Le" araignées vont monter sur la toile qu'elles ont tendue uii-(1csmi> de la piste.
Au-dessus : Suzanne Dantès et Christiane de Lagrange dans leur numéro.
- Paraît que Lebrun viendra pas,
rapport à la grippe.
— Qui c'est la grosse dame, avec sa
dame de compagnie ?
- Mistinguett.
- Il va fort le chauffeur de taxi ! Il
a dit « mon p'tit loup » à Marie Dubas !
— Vise la rouge, si elle fait du ba-
rouf, ça doit être une star de première !
— Paraît qu'elle s'appelle Nadine Pi-
card. Tu connais ça, i-oi ?
— Non. C'est peut-être pas une ac-
trice..
A minuit et demie, le cirque était plein
comme une grenade. Napoléon III et Eu-
génie firent leur entrée, précédés par les
Colonels' des cent-gardes, MM. Henry
Roussel, Pierre Renoir, André Brûlé,
Jacques Guilhène et Henry Defrevn. en-
goncés et timides comme des premiers
communiants.
Sacha avait prêté sa barbiche de Ma-
riette à Lucien Rozenberg et Made-
leine Soria, qui a porté mille fois la
crinoline de la divette de Romance, fail-
lit bien perdre celle d'Eugénie en gravis-
sant, sur un air de pas redoublé, le petit
escalier abrupt qui menait à la loge im-
périale. Enfin, le cirque, que l'on avait
décoré avec le meilleur goût' dans le
style du second Empire, s'éclaira de
mille feux et la fête commença.
Depuis treize ans, il faut bien le dire,
Laure Diana donne ses dernières instructions à Monsieur Loyal. 1
c'est toujours un peu la même chose.
Signoret, en habit d'écuyer, fait claquer
sa chambrière en contemplant, d'un oeil
morne de pharmacien de première classe
acculé à la faillite, deux ou trois poneys
dociles qui comprennent les choses.
M. Jean Weber, en maître du mystère,
donne à choisir aux spectatrices des
cartes à jouer, en accompagnant son
petit numéro de : Veuillez prrrendre une
cârrrte, madame ! qui sentent, à pleine
oreille, les leçons du Conservatoire et
qui vous arracheraient des larmes si l'on
avait le cœur plus sensible. Victor Bou-
cher, charmant et mécanique fakir, esca-
mote sa partenaire et fait apparaître, au
creux d'un mouchoir une nichée de co-
lombes ou une garenne de lapins, puis
salue, de son aigrette, une salle en dé-
lire, avec cette timidité que vous lui con-
naissez et qui est le signe d'une extra-
ordinaire maîtrise de soi. Laure Diana,
bâtie comme un garçon et belle comme
le péché, fait le grand écart sur les che-
vaux de Ben-Hur à la longue crinière,
vêtue — ou dévêtue à la romaine — d'une
chemisette qui évoque à la fois les soirs
de Suburre et ceux de Broadway.
Il est toujours amusant de voir des
gens exercer, et souvent avec talent, un
metter q'ui^n est'pas^le leûr^'eV je son-
~~mÀ~e.~ P~r~it.~re te Mta de
I Unioni das Hommes , dç lettrés, par
exemple — si tant est que les hommes
de lettres puissent s'unir un jour, ou
même un soir. On verrait M. Reboux
commander à une troupe exercée de nè-
gres, Colette en dresseuse de chats,
Drieu La Rochelle en Frégoli, Raoul
Ponchon en homme-aquarium, Valéry en
cow-boy, couperait un cheveu en quatre
à la carabine; et Vautel écrirait quelques
mots comme honneur, patrie, vertu, fa-
mille nombreuse, droits d'auteur et
Reichshoffen, sur un tableau noir, avec
ses pieds.
Il y eut, il est vrai, une surprise. Une
grande surprise. Pizani, ordonnateur de
la fête, vint nous l'annoncer avec une
voix tremblante. Kiepura, l'illustre et
sympathique ténor « Ruân Kiepura »
allait chanter pour ses camarades fran-
çais, en supplément au programme. Je
l'avoue, je ne l'avais jamais entèndu.
Je ne peux pas en dire autant--de son
répertoire. C'est un petit homme frétil-
lant, au crâne rasé, comme après une
condamnation ou une typhoïde, et dont
la voix est agréable. Après le grand air
de la Tosca et l'inévitable Sole mio,
Kiepura, à la demande générale, atta-
qua : Cetté nouit mon âmourrr!
— Il se donne tout entier ! admirait à
côté de moi une dame.
De fait, Kiepura se tenait le ventre,
l'œil révulsé, secoué de coliques atroces,
et le pianiste lui-même ne pouvait déta-
cher son regard de cette bouche ouverte
aux lèvres frémissantes d'où montait un
cri d'amour qui ressemblait à un appel
aux armes.
Paulette Dubost en tutu reste songeuse devant le maillot ollant qui transforme
les danseuses du corps de ballet du Châtelet en araignées. Photos Intran.
Tout le monde ét.it ravi, et cette jolie
fête se fût achevée e mieux du monde
si nous n'avions dû connaître, devant le
vestiaire la bousculade la plus tragique
qu'on ait vue depuis le naufrage du
Titanic ou l'incendie du bazar de la Cha-
rité. -
Carlo Rim.
AU PALAIS
Le tableau
de la troupe
N compare trop facilement
les scènes qui se dérou-
lent au Palais de Justice,
à des comédies, pour ne
pas considérer ceux qui y -
prennent part comme les
artistes de -la Troupe. La comédie
change avec le procès qu'on plaide, mais
la vedette, en l'espèce l'inculpé, n'est
là qu'en représentation.
Les autres rôles sont toujours tenus
par les mêmes personnages. On les re-
voit quelle que soit la cause qu'on
plaide.
Le gros de la troupe est formé par les
experts. Je vous ai déjà parlé du doc-
teur Paul, qui en est une des étoiles.
Mais il y en a d'autres. Après le mé-
decin légiste, les experts les plus im-
portants dans les affaires à sensation.
"ont IPC PYnprtç ",1;pn;"tp"
Il y a trois experts aliénistes qu'on re-
trouve dans tons les procès : le docteur
Genil-Perrin, le docteur Logre et le doc-
teur Truelle. -
Le docteur Génil-Perrin est rose, et
son sourire montre le légitime conten-
tement qu'il a de lui-même.
Le docteur Logre porte des lorgnons,
et lorsqu'il explique la théorie des ins-
tables, ses lorgnons font, à cheval sur
son nez, un curieux numéro d'instabi-
lité.
Le docteur Truelle est long et solen-
nel. Il a ce pouvoir de faire croire, lors-
qu'il prononce une phrase, qu'il y a plus
longtemps réfléchi que n'importe qui !
Lorsqu'on entend les docteurs Genil-
Perrin, Truelle et Logre, on se sent ras-
suré. En effet, on comprend qu'il y a
beaucoup moins de fous en circulation
qu'on serait tenté de le croire.
A moins pourtant que les derniers
hommes raisonnables, au regard des
aliénistes, soient justement et exclusi-
vement les criminels.
Quand les docteurs Génil-Perrin, Lo-
gre et Truelle ont fini, on fait entrer
le docteur Toulouse. Le docteur Tou-
louse est un homme dont on doit louer
les travaux scientifiques, mais qui, dans
la vie, a l'air-d'un diable qui vient de
sortir de sa boîte.
- Docteur, demande aimablement le
président, que pouvez-vous nous dire sur
l'état mental 'de l'accusé.
— Rien, répond invàriablement le
docteur Toulouse.
il se Jance alors aans le développe-
ment d'un sujet qui lui est cher et qui
est d'ailleurs fort sensé, c'est-à-dire la
nécessité de rendre légale et obligatoire
l'expertise contradictoire, à laquelle
prendraient part des aliénistes désignés
à la fois par l'accusation et la défense.
Alors l'avocat se dresse, et, s'élevant
rapidement, à grands coups d'ailes de
seH, manches, jusqu'aux plus * hautes
sphères de la morale et de la philoso-
phie, rend hommage aux qualités scien-
tifiques Maires de l'éminent
témoin et le remercie d'être venu une
fois de plus combattre pour le triomphe
d'une idée particulièrement généreuse.
Comme le plus souvent, l'avocat est
aussi un parlementaire, le représentant
du ministère public en profite pour lan-
cer une petite pointe.
— Je tiens moi aussi à rendre hom-
mage à M. le docteur Toulouse et à ses
idées, proclame-t-il. Cependant, nous
ne sommes pas ici pour modifier les
lois, mais pour les appliquer. D'ailleurs,
maître, je suis sûr que vous saurez
faire triompher ces -Idées dans une au-
tre enceinte, où vous brillez aussi.
L'avocat, rougissant comme un jeune
premier, salue, et on ne parle plus des
projets du docteur Toulouse avant le
prochain grand procès.
C'est ainsi que se termine générale-
ment l'intermède 'des experts aliénistes.
Celui des fonctionnaires de l'identité
judiciaire n'est pas de moindre qualité.
Pendant de nombreuses années, avant
d'être atteint par un tragique destin,
M. Beyle en fut la vedette.
M. Beyle avait des connaissances en-
cyclopédiques. Du moins, il l'affirmait.
Et, comme il avait des lorgnons timides
et un visage sérieux, personne n'aurait
pu s'aviser qu'il pouvait se moquer.
Il démontra un jour que Nourrie et
Duquenne étaient coupables de l'assas-
sinat de l'encaisseur Desprès, parce
qu'on avait découvert sur le cadavre et
au domicile des accusés des mouchoirs
portant le même défaut de fabrication.
Et M. Beyle avait décrété que ce défaut
ne pouvait se retrouver que dans une
seule douzaine.
Un autre expert, technicien du mou-
choir, démontra par la suite nue le dé-
faut, au contraire, s'était reproduit fa-
talement sur la pièce de taille entière,
donc sur au moins douze douzaines..
A M. Beyle succéda M. Amy.
M. Amy, dans l'affaire Almazian, con-
fondit du sang avec de la crotte. Seuls,
les profanes s'indignèrent d'une telle er-
reur. Mais les autorités la trouvèrent
normale, puisque M. Amy a conservé
son prestige.
De l'équipe judiciaire, c'est le com-
missaire Guillaume qui est la vedette.
Il porte une longue moustache et a une
élégance bien particulière. C'est le par-
fait gentleman de la Tour Pointue.
Vers 1922, il était chargé de retrouver
l'assassin de la petite Barbala qui fut
découverte assassinée dans un cinéma
de l'avenue d'Italie.
Il arrêta un ancien boucher. Mais on
dut reconnaître qu'il n'était pas coupa-
ble.
Piqué d'avoir raté son affaire, le com-
missaire Guillaume fit tout de même
passer l'ancien boucher devant la Jus-
tice, pour une affaire de moeurs qui re-
montait \¡UX derniers mois précédant la
guerre.
Pour obtenir sa condamnation, on dut
rechercher ses victimes. Elles avaient
depuis longtemps oublié l'aventure, s'é-
taient mariées et étaient devenues mères
de famme.
On imagine la sorte de joie qu'ins-
talla dans les foyers les révélations du
perspicace commissaire Guillaume.
Cette histoire m'avait déplu.
Depuis on a copnu André Benoît, Ma-
riani et d'autres.
J'ai compris alors que s'il arrivait au
commissaire Guillaume de faire le mal,
ce n'était pas chez lui, au moins, par
méchanceté.
Voilà une partie de la troupe.
Il n'était pas inutile de la connaître
pour goûter toute la saveur des comé-
dies judiciaires.
Pierre Bénard.
= MARIANNE
9
GEORGES SIMENON 1
Le
Locataire
l^onum 7 fr. 50
PIERRE VÉRY
L'Assassinat
du Père Noël
Roman 7 fr.
433 MI ©1 ÏA VJU3
ee grïte/emme c/tY.
par Suzanne Normand
Prime à tout
spectateur
Dorénavant dans un music-hall no-
toire, le public aux entr'actes aura droit
à la visite gracieuse des coulisses. Dès
le rideau tombé, le troupeau insatiable
des payants pourra, à la queue leu
leu, se répandre par les couloirs inté-
rieurs, et ratifier ainsi, ou infirmer ses
propres sentences, en ce qui concerne
la plastique des femmes nues. Le tout
compris dans le prix du billet, et
comme au cirque, en somme, où, la
représentation terminée, on .est admis
au repas des fauves — mais les fauves
eux, peuvent montrer les crocs, peu-
vent rugir.
Je ne trouve pas cela drôle du tout. Je
trouve cela plutôt révoltant. Quand on
sait à quelle enseigne les figurantes sont
logées — ce qui consiste, en peu de
mots, à ne point même disposer d'une
loge. Quand on a vu, une fois, ces
brillantes troupes dépouiller soudain
leur factice éclat, se disloquer derrière
les portants, se disperser comme un bé-
tail à la débandade. Quand on les a
vues changeant de cache-sexe, de cache-
sein, de diadème, entre deux courants
d'air, comment trouver plaisant, com-
ment même trouver naturel, qu'à tant
de disgrâces s'ajoute encore le regard
indiscret du badaud admis à faire va-
loir ses droits à la curiosité ?
Vous me direz peut-être que « ces
filles-là » ça ne les gêne pas d'être exa-
minées de près, puisqu'elles l'ont été de
loin, que c'est leur métier qui veut ça.
etc., etc. Je n'en suis pas si sûre. Autre
chose est de danser, de défiler sur un
plateau, sous le regard anonyme d'une
salle. Autre chose de se heurter dans
le désordre, les gros mots, la fatigue, à
des présences étrangères, qui ne sont
pas là pour se gargariser d'indulgence.
Sans compter que, à un autre point de
vue, ce n'est même pas très adroit.
Rien ne perd à être vu de près comme
la parure d'un music-hall: les costumes
sont toujours défraîchis, les plumes sa-
les, les ors souillés. Le fil de fer est
visible partout. Qu'elles sont tristes
toutes ces dépouilles, toutes les carcas-
ses. Non, dans l'envers du décor, tout
n'est pas bon à voir.
Les baisers
défendus
.Uans le meme temps, un gardien
sourcilleux chassa du jardin des Tui-
leries un couple d'amoureux, coupable
de s'être abandonné à « un baiser trop
prolongé ».
Que me déplaît ce gardien, et que me
plaisent ces jeunes gens, assez oublieux
de l'inclémente saison, des circonstan-
ces moroses, des sévérités policières,
pour goûter dans la plus belle perspec-
tive de Paris, parmi les statues inertes
et les chantantes eaux, un baiser si doux
qu'il n'en finissait pas !
Mon Dieu, monsieur le gardien, ne
soyons pas impitoyable. Il y a long-
temps sans doute, q.ue pareille aven-
ture ne vous arriva ? Je connais des
grognons qui devant ce genre de spec-
tacle, murmurent avec rancune :
— Ça leur passera, avant que ça ne
me revienne !
Mais oui, « ça leur passera ». C'est
bien pour cette raison que seul le sou-
rire, en ce cas, est de rigueur ! Il peut
être désenchanté, ce sourire, il doit être
indulgent. Et devant deux jeunes têtes
qui se joignent, il n'est, monsieur
l'agent, que d'apprendre à détourner
la vôtre. Les enfants risquent de voir
« ça » ? C'est d'un mauvais exemple ?
Oh, les enfants d'aujourd'hui, en voient
d'autres à l'écran ! Un petit garçon qui
par le trou de la serrure avait vu son
père chasser à grands gestes une mère
coupable et suppliante, disait avec exal-
tation à un camarade :
—: C'était beau, tu sais, c'était beau
comme au cinéma.
On n'a plus grand'chose à leur ap-
prendre aux gosse d'à présent !
Paris a toujours été la ville où l'on
s'embrasse le plus gentiment. Une jeu-
ne femme qui, à la fin du siècle dernier,
s'en vint de sa province, ici, racontait
beaucoup plus tard que sa première
stupeur ce fut de voir, à la terrasse
d'un café, des amoureux qui s'em-
brassaient comme dans une gare. Ce
baiser, que l'on bouta hors des Tuileries,
n'est-il pas une des plus belles images
de Paris, en ces temps où, de l'aveu de
tous, Paris renie ses plus traditionnelles
grâces.
Visite aux poupées
J'ai déjà, ici, confessé mon tendre
goût pour les poupées, pour leur émou-
vante gentillesse, leur grâce sage.
Alors, on pense si j'ai trouvé bonne, et
jolie, cette idée d'une exposition, grou-
pant sous le signe de la Croix-Rouge,
toutes les poupées de la terre. Cela se
passait au Musée Pédagogique, décor
sans joie, mais quel charmant voyage !
Un double voyage : l'un dans notre en-
fance, l'autre à travers le monde.
Toutes étaient là : celles que pour
étrennes on nous offrait, et celles qu'au
temps de nos dix ans on nous rapporta,
en souvenir de séjours étrangers aux-
quels notre petit âge nous empêchait de
participer. Et celles que l'on désira, sans
jamais, jamais les recevoir — et ne
t'ai-je pas reconnue au passage, ô toi.
la plus belle, la tant aimée, qui me
valut, lorsque tu te brisas, un jour de
larmes !
Pittoresque univers, celui des pou-
pées, et que son prestige est donc ra-
vissant ! La France entière figure sous
nos yeux, dans son passé et dans son
présent, qui, hélas, répudie les plu-
beaux costumes. Il y a le hennin de la
châtelaine du moyen âge, ce qui est
prévu, mais aussi la paysanne picarde
du XVIIe siècle sous son champêtre
uniforme, d'une religieuse austérité. Il
y a le joueur de tennis d'aujourd'hui.
dans son petit pantalon de flanelle
blanche. Il y a enfin, dans cette immo-
bile revue de nos provinces, la frontière
savoyarde, le large ruban de l'Alsa-
cienne, la Normande au jour de son
mariage, tout en dentelles, la coiffe sa-
blaise, la blouse bleue d'Auvergne.
Toute la France, et toute la terre.
comme on ne la voit plus, ou comme
on ne la voit pas toujours : ainsi, celle-
là, une étiquette vous l'assure, c'est,
dans son uniforme pauvre et sévère.
une paysanne de l'Aragon. Mais lorsqu'à
travers le brûlant désert espagnol, vous
rouliez sous 40 a 1 ombre, jamais vous
ne vîtes, non jamais, un être humain
en jupe jaune et fichu noir, faire des
grâces au bord de la rente! j",; ; •'/*'' ,:
Oui, tous les pays què'Vd^'éfvtei'Vttfe,
vous les revoyez'; pouvoir '"d'une! petite
silhouette, affublée en montagnard ty-
rolien, en paysanne italienne, en
béguine de Gand. Et il y a encore tous
ceux que vous convoitez, ô belles Hon-
groises dans leurs toilettes compliquées
et somptueuses, raidies de perles, de
broderies, de paillettes, Japonaises aux
cheveux en coques émergées d'une es-
tampe, petites Turques 1935, dans leur
robe de flanelle grise, à col Claudine,
sur un bonnet de laine. J
La plus belle. La plus belle nous
rappelait un accord historique. En toi-
lette magnifique, de velours grenat.
avec capote assortie sur ses boucles bru-
nes et châle des Indes, elle figurait une
« grande dame piémontaise, regardant
en 1859, dénier les troupes françaises
dans Turin ». Son visage était d'une
expression exquise, un peu perplexe.
Mais pour fêter l'alliance, elle a mis
ses plus beaux atours, imités de l'Im-
pératrice Eugénie !
Suzanne Normand.
La cuisine de Madame
Pilaff Turc
Laver dans plusieurs eaux froides
200 gr. de riz. L'égoutter, l'éponger sur
un linge.
Faire fondre 80 gr. de beurre, dans
une épaisse casserole de cuivre ; ajou-
ter 500 gr. de tomates, pelées, pressées,
et concassées. Les cuire 20 minutes.
Ajouter le riz, le faire colorer en le re-
muant sans cesse à la cuiller de bois
7 à 8 minutes. Dès qu'il a atteint une
belle couleur jaune, le mouiller avec
un demi-litre d'eau froide. Assaisonner
de sel, de poivre de Cayenne. Couvrir
hermétiquement. Laisser cuire 15 à
16 minutes. Le riz doit avoir absorbé
toute l'eau. Retirer sur le coin du four-
neau 10 à 12 minutes, en ayant soin
d'égoutter de temps à autre la buée qui
monte au couvercle.
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Zi printemps comme l'au-
tomne ramène à Paris
des gens à peau brûlée.
mais la neige ne sait pas
aussi bien que les plages
dorer doucement les visa-
ges, et ce sont des teints trop rouges
que nous rencontrons sous les averses
de mar.
Mais qu'importe ! A cette époque de
Vannée, il est élégant d'avoir les joues
cuites; trop heureux, si l'on doit à la
montagne ce seul inconvénient et si
quelques membres cassés, des béquil-
les ou un plâtre ne désignent pas d'une
façon plus éclatante encore à notre at-
tention émerveillée, ces heureux du
inonde qui reviennent des sports d'hi-
ver.
Le Tyrol ayant été l'endroit favori de
leurs exploits, un rien de tyrolien dans
la mise ne les fait pas non plus demeu-
rer inaperçus. Et une plume et des
médailles sur un chapeau, des souliers
à bouts carrés ou des boutons de corne
sur un tailleur montrent bien que l'on
est passé à Salzburg s'approvisionner
chez Lanz.
Zürs, Saint-Anton, Obergurgl, Igls et
Seefeld ont reçu depuis Noël de bien
élégants visiteurs, mais Kitzbühel a eu
le prince de Galles !
Le prince de Galles, qui n'avait en-
core jamais fait de ski et dont toute
l'Angleterré guettait la première chute.
Quotidiennement, sur les « nursery
slopes », coiffé lui aussi d'un chapeau
tyrolien, il allait s'exercer courageuse-
ment sous l'œil attentif de Bracken, le
champion anglais, qui se consacrait uni-
quement à cette éducation de prince.
Mais il ne semble pas, malgré cet illus-
tre professeur, que l'élève ait fait de
rapides progrès, car on ne le vit jamais
monter dans le téléférique pour affron-
ter de grandes descentes, ni concourir
pour le chamois d'or ! Par contre, on
le voyait le soir, dans les Bierstubl du
village. se risquer à danser la baye-
risch-polka, ce qui est évidemment plus
facile, ou au café Praxmair écouter les
« jodler » et se montrer très attentif
aux « shuhplattler », ces merveilleux
danseurs qui, en gilets rouges brodés
d'or sur des lederhosen, qui laissent
leurs genoux nits, se livrent arec une
grâce rude à de singulières chorégra-
phies.
L'infante Marie-Christine, — je vous
le dis, Kitzbiihel était plein de royal-
lies — pouvait faire plus. elle. que les
admirer de loin, et quelquefois, en am.
ple jupe tyrolienne, elle tourbillonnait
aux bras de ces robustes garçons. Mais
n'étant qu'une princesse en exil, elle
avait bien le droit de eamuser. itiridi.,i
que le prince de Galles, ainsi que l'ex-
pliquait fies affiches en trois langues
différentes posées sur tous les murs,
était venu dans le plus strict inco-
gnito, sous le nom de comte àr t.hts-
ter, uniquement pour se reposer, et l'on
était instamment prié de ne pas le
« molester dans la rue ». C'est ainsi que
s'exprimait, en un. français trop exac-
tement trcllluit de l'allemand, une mu-
nicipalité soucieuse du bien-être de son
hôte.
Aussi, voulant passer inaperçu, circu-
lait-il les yeux baissés, comme une
timide jeune fille, et ratel ne songeait
à le molester, en vérité. Toujours en-
touré du même état-major, composé de
quatre ou cinq personnes des deux
sexes, ce groupe paraissait si peu bril-
lant, qu'un élégant jeune homme alla
même jusqu'à déclarer : « Le prince de
Galles ! mais il est avec des gens bien
trop mal, pour qu'on puisse lui par-
ler ! » ,
* Domino Gris.
Marianne chez Eugénie
L
A République était sens
dessus dessous.
Ce n'est pas du régime
que je veux parler, mais
du quartier.
C'est exactement entre
r , ,-
minuit et une heure — la récréation des
fantômes — que la chose se produisit.
Depuis longtemps, ronflaient sous leur
bonnet pointu, les bons. bourgeois de
Cham et de Monnier, et les lorettes de
Gavarni allaient en faire autant, la tête
en grelot, les jambes en coton, après
une z soirée tuante » chez Mabille, lors-
que.sans crier gare, du fond du brouil-
lard gris et glacé où luisaient les becs
de gaz, pareils à des coups de gomme
dans un ciel au fusain, surgit une foule
éperdue — que dis-je, un Olympe en
liesse où vous eussiez pu reconnaître
tout ce que Paris compte encore de plus
glorieux, de plus gracieux, de plus opu-
lent, l'esprit, la parure et la fortune de
cette capitale, de Cora Pearl à Roths-
child, en passant par Nestor Roqueplan.
Ou si vous préférez, de Mistinguett à
Rothschild, en passant par Rip, puisque
Paris reprend les mêmes et recommence.
La façade du Cirque d'Hiver flam-
boyait. Des cent-gardes sabre au clair,
attendaient, impassibles, l'arrivée de
Napoléon III, de l'Impératrice, de MM.
Mallarmé, de Morny, Langeron et des
représentants civils et militaires du pré-
sident de la République, empêché. Il est
bon, d'ailleurs, que M. Lebrun, cet
excellent M. Loyal de la « troisième »
ne se soit point montré en piste, ce soir-
là, aux côtés de Badinguet. Cela eût fait
jaser ; dans le quartier les gens sont si
méchants. Bref, l'Union des Artistes
allait donner son treizième gala, avec la
collaboration bénévole de quelques om-
bres joveuses, et le concours gracieux
de « nos plus charmantes vedettes et
d'artistes en renom ». Un énorme dais
de velours pourpre brodé d'or avait été
dressé devant la porte où s'agglutinait
une centaine de curieux réveillés en sur-
saut par les klaxons de la Renommée,
et qui étajent accourus, sans prendre le
temps de boutonner leurs bretelles ni de
nouer leur cravate, en pantoufles, la
paupière gonflée de sommeil et le jarret
frileux.
Paris allait pouvoir toucher du doigt
ses idoles, et s'offrir gratis le spectacle
de gens qui, eux, avaient payé fort cher
le droit et le plaisir de se montrer à
leurs pareils, c'est-à-dire à eux-mêmes.
- Tiens, v'là Harry Baur. ce qu'il a
l'air gentil. Tu te rappelles, Mimi, sa
scène avec Marius ?
— Dans Fanny ?
— Non, dans les Misérables.
— La poule en hermine, à côté de
l'officier de marine, c'est Brigitte Helm.
— Face de noix, tu n'es donc même
pas fichu de reconnaître Alice Field ?
Le" araignées vont monter sur la toile qu'elles ont tendue uii-(1csmi> de la piste.
Au-dessus : Suzanne Dantès et Christiane de Lagrange dans leur numéro.
- Paraît que Lebrun viendra pas,
rapport à la grippe.
— Qui c'est la grosse dame, avec sa
dame de compagnie ?
- Mistinguett.
- Il va fort le chauffeur de taxi ! Il
a dit « mon p'tit loup » à Marie Dubas !
— Vise la rouge, si elle fait du ba-
rouf, ça doit être une star de première !
— Paraît qu'elle s'appelle Nadine Pi-
card. Tu connais ça, i-oi ?
— Non. C'est peut-être pas une ac-
trice..
A minuit et demie, le cirque était plein
comme une grenade. Napoléon III et Eu-
génie firent leur entrée, précédés par les
Colonels' des cent-gardes, MM. Henry
Roussel, Pierre Renoir, André Brûlé,
Jacques Guilhène et Henry Defrevn. en-
goncés et timides comme des premiers
communiants.
Sacha avait prêté sa barbiche de Ma-
riette à Lucien Rozenberg et Made-
leine Soria, qui a porté mille fois la
crinoline de la divette de Romance, fail-
lit bien perdre celle d'Eugénie en gravis-
sant, sur un air de pas redoublé, le petit
escalier abrupt qui menait à la loge im-
périale. Enfin, le cirque, que l'on avait
décoré avec le meilleur goût' dans le
style du second Empire, s'éclaira de
mille feux et la fête commença.
Depuis treize ans, il faut bien le dire,
Laure Diana donne ses dernières instructions à Monsieur Loyal. 1
c'est toujours un peu la même chose.
Signoret, en habit d'écuyer, fait claquer
sa chambrière en contemplant, d'un oeil
morne de pharmacien de première classe
acculé à la faillite, deux ou trois poneys
dociles qui comprennent les choses.
M. Jean Weber, en maître du mystère,
donne à choisir aux spectatrices des
cartes à jouer, en accompagnant son
petit numéro de : Veuillez prrrendre une
cârrrte, madame ! qui sentent, à pleine
oreille, les leçons du Conservatoire et
qui vous arracheraient des larmes si l'on
avait le cœur plus sensible. Victor Bou-
cher, charmant et mécanique fakir, esca-
mote sa partenaire et fait apparaître, au
creux d'un mouchoir une nichée de co-
lombes ou une garenne de lapins, puis
salue, de son aigrette, une salle en dé-
lire, avec cette timidité que vous lui con-
naissez et qui est le signe d'une extra-
ordinaire maîtrise de soi. Laure Diana,
bâtie comme un garçon et belle comme
le péché, fait le grand écart sur les che-
vaux de Ben-Hur à la longue crinière,
vêtue — ou dévêtue à la romaine — d'une
chemisette qui évoque à la fois les soirs
de Suburre et ceux de Broadway.
Il est toujours amusant de voir des
gens exercer, et souvent avec talent, un
metter q'ui^n est'pas^le leûr^'eV je son-
~~mÀ~e.~ P~r~it.~re te Mta de
I Unioni das Hommes , dç lettrés, par
exemple — si tant est que les hommes
de lettres puissent s'unir un jour, ou
même un soir. On verrait M. Reboux
commander à une troupe exercée de nè-
gres, Colette en dresseuse de chats,
Drieu La Rochelle en Frégoli, Raoul
Ponchon en homme-aquarium, Valéry en
cow-boy, couperait un cheveu en quatre
à la carabine; et Vautel écrirait quelques
mots comme honneur, patrie, vertu, fa-
mille nombreuse, droits d'auteur et
Reichshoffen, sur un tableau noir, avec
ses pieds.
Il y eut, il est vrai, une surprise. Une
grande surprise. Pizani, ordonnateur de
la fête, vint nous l'annoncer avec une
voix tremblante. Kiepura, l'illustre et
sympathique ténor « Ruân Kiepura »
allait chanter pour ses camarades fran-
çais, en supplément au programme. Je
l'avoue, je ne l'avais jamais entèndu.
Je ne peux pas en dire autant--de son
répertoire. C'est un petit homme frétil-
lant, au crâne rasé, comme après une
condamnation ou une typhoïde, et dont
la voix est agréable. Après le grand air
de la Tosca et l'inévitable Sole mio,
Kiepura, à la demande générale, atta-
qua : Cetté nouit mon âmourrr!
— Il se donne tout entier ! admirait à
côté de moi une dame.
De fait, Kiepura se tenait le ventre,
l'œil révulsé, secoué de coliques atroces,
et le pianiste lui-même ne pouvait déta-
cher son regard de cette bouche ouverte
aux lèvres frémissantes d'où montait un
cri d'amour qui ressemblait à un appel
aux armes.
Paulette Dubost en tutu reste songeuse devant le maillot ollant qui transforme
les danseuses du corps de ballet du Châtelet en araignées. Photos Intran.
Tout le monde ét.it ravi, et cette jolie
fête se fût achevée e mieux du monde
si nous n'avions dû connaître, devant le
vestiaire la bousculade la plus tragique
qu'on ait vue depuis le naufrage du
Titanic ou l'incendie du bazar de la Cha-
rité. -
Carlo Rim.
AU PALAIS
Le tableau
de la troupe
N compare trop facilement
les scènes qui se dérou-
lent au Palais de Justice,
à des comédies, pour ne
pas considérer ceux qui y -
prennent part comme les
artistes de -la Troupe. La comédie
change avec le procès qu'on plaide, mais
la vedette, en l'espèce l'inculpé, n'est
là qu'en représentation.
Les autres rôles sont toujours tenus
par les mêmes personnages. On les re-
voit quelle que soit la cause qu'on
plaide.
Le gros de la troupe est formé par les
experts. Je vous ai déjà parlé du doc-
teur Paul, qui en est une des étoiles.
Mais il y en a d'autres. Après le mé-
decin légiste, les experts les plus im-
portants dans les affaires à sensation.
"ont IPC PYnprtç ",1;pn;"tp"
Il y a trois experts aliénistes qu'on re-
trouve dans tons les procès : le docteur
Genil-Perrin, le docteur Logre et le doc-
teur Truelle. -
Le docteur Génil-Perrin est rose, et
son sourire montre le légitime conten-
tement qu'il a de lui-même.
Le docteur Logre porte des lorgnons,
et lorsqu'il explique la théorie des ins-
tables, ses lorgnons font, à cheval sur
son nez, un curieux numéro d'instabi-
lité.
Le docteur Truelle est long et solen-
nel. Il a ce pouvoir de faire croire, lors-
qu'il prononce une phrase, qu'il y a plus
longtemps réfléchi que n'importe qui !
Lorsqu'on entend les docteurs Genil-
Perrin, Truelle et Logre, on se sent ras-
suré. En effet, on comprend qu'il y a
beaucoup moins de fous en circulation
qu'on serait tenté de le croire.
A moins pourtant que les derniers
hommes raisonnables, au regard des
aliénistes, soient justement et exclusi-
vement les criminels.
Quand les docteurs Génil-Perrin, Lo-
gre et Truelle ont fini, on fait entrer
le docteur Toulouse. Le docteur Tou-
louse est un homme dont on doit louer
les travaux scientifiques, mais qui, dans
la vie, a l'air-d'un diable qui vient de
sortir de sa boîte.
- Docteur, demande aimablement le
président, que pouvez-vous nous dire sur
l'état mental 'de l'accusé.
— Rien, répond invàriablement le
docteur Toulouse.
il se Jance alors aans le développe-
ment d'un sujet qui lui est cher et qui
est d'ailleurs fort sensé, c'est-à-dire la
nécessité de rendre légale et obligatoire
l'expertise contradictoire, à laquelle
prendraient part des aliénistes désignés
à la fois par l'accusation et la défense.
Alors l'avocat se dresse, et, s'élevant
rapidement, à grands coups d'ailes de
seH, manches, jusqu'aux plus * hautes
sphères de la morale et de la philoso-
phie, rend hommage aux qualités scien-
tifiques Maires de l'éminent
témoin et le remercie d'être venu une
fois de plus combattre pour le triomphe
d'une idée particulièrement généreuse.
Comme le plus souvent, l'avocat est
aussi un parlementaire, le représentant
du ministère public en profite pour lan-
cer une petite pointe.
— Je tiens moi aussi à rendre hom-
mage à M. le docteur Toulouse et à ses
idées, proclame-t-il. Cependant, nous
ne sommes pas ici pour modifier les
lois, mais pour les appliquer. D'ailleurs,
maître, je suis sûr que vous saurez
faire triompher ces -Idées dans une au-
tre enceinte, où vous brillez aussi.
L'avocat, rougissant comme un jeune
premier, salue, et on ne parle plus des
projets du docteur Toulouse avant le
prochain grand procès.
C'est ainsi que se termine générale-
ment l'intermède 'des experts aliénistes.
Celui des fonctionnaires de l'identité
judiciaire n'est pas de moindre qualité.
Pendant de nombreuses années, avant
d'être atteint par un tragique destin,
M. Beyle en fut la vedette.
M. Beyle avait des connaissances en-
cyclopédiques. Du moins, il l'affirmait.
Et, comme il avait des lorgnons timides
et un visage sérieux, personne n'aurait
pu s'aviser qu'il pouvait se moquer.
Il démontra un jour que Nourrie et
Duquenne étaient coupables de l'assas-
sinat de l'encaisseur Desprès, parce
qu'on avait découvert sur le cadavre et
au domicile des accusés des mouchoirs
portant le même défaut de fabrication.
Et M. Beyle avait décrété que ce défaut
ne pouvait se retrouver que dans une
seule douzaine.
Un autre expert, technicien du mou-
choir, démontra par la suite nue le dé-
faut, au contraire, s'était reproduit fa-
talement sur la pièce de taille entière,
donc sur au moins douze douzaines..
A M. Beyle succéda M. Amy.
M. Amy, dans l'affaire Almazian, con-
fondit du sang avec de la crotte. Seuls,
les profanes s'indignèrent d'une telle er-
reur. Mais les autorités la trouvèrent
normale, puisque M. Amy a conservé
son prestige.
De l'équipe judiciaire, c'est le com-
missaire Guillaume qui est la vedette.
Il porte une longue moustache et a une
élégance bien particulière. C'est le par-
fait gentleman de la Tour Pointue.
Vers 1922, il était chargé de retrouver
l'assassin de la petite Barbala qui fut
découverte assassinée dans un cinéma
de l'avenue d'Italie.
Il arrêta un ancien boucher. Mais on
dut reconnaître qu'il n'était pas coupa-
ble.
Piqué d'avoir raté son affaire, le com-
missaire Guillaume fit tout de même
passer l'ancien boucher devant la Jus-
tice, pour une affaire de moeurs qui re-
montait \¡UX derniers mois précédant la
guerre.
Pour obtenir sa condamnation, on dut
rechercher ses victimes. Elles avaient
depuis longtemps oublié l'aventure, s'é-
taient mariées et étaient devenues mères
de famme.
On imagine la sorte de joie qu'ins-
talla dans les foyers les révélations du
perspicace commissaire Guillaume.
Cette histoire m'avait déplu.
Depuis on a copnu André Benoît, Ma-
riani et d'autres.
J'ai compris alors que s'il arrivait au
commissaire Guillaume de faire le mal,
ce n'était pas chez lui, au moins, par
méchanceté.
Voilà une partie de la troupe.
Il n'était pas inutile de la connaître
pour goûter toute la saveur des comé-
dies judiciaires.
Pierre Bénard.
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