Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1910-10-05
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 05 octobre 1910 05 octobre 1910
Description : 1910/10/05 (N14817). 1910/10/05 (N14817).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 20/06/2013
MG 14817. - 7 VENDEMIAIRI. AN 118. L_u_-- llIt IEllTIMEI LE tiume - MERCREDI 5 OtTeBHI: 1910. - 11° 14817. -
LE m SIECLE
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- TRIBUNE LIBRE
--
IEIP al 0
sanglante du Crime
..—«M > n I !■ » ■
Que l'on nous excuse de
revenir à deux reprises sur la
discussion des mêmes faits.
Mais il ne suffit pas d'avoir
montré l'inefficacité de la
peine de mort, comme sanc-
tion sociale, il faut chercher les raci-
nes de la tradition qui nous l'impose
encore.
Est-elle un simple châtiment comme
celui que l'on inflige à un criminel pour
le dresser, ou a-t-elle pour but de dé-
barrasser la société d'un individu dan-
gereux ? L'une et l'autre de ces expli-
cations couramment invoquée n'est guè-
re valable, dès qu'on y réfléchit un peu
Qui penserait, en effet, à dresser son
chien en le tuant ? Et qui soutiendrait
que les prisons ne sont pas assez sûres
pour nous débarrasser du criminel ? Au
cas où l'on objecterait les frais d'en-
tretien, il y a moyen de les réduire en
obligeant le criminel à gagner sa vie,
sous peine de mourir de faim. Quant à
l'idée de l'efficacité de la peine de mort
à titre d'exemple pour les criminels fu-
turs, l'expérience de ces dernières an-
nées a prouvé combien cette méthode
était vaine.
Il faut que la coutume de tuer le
meurtrier soit bien forte pour expliquer
l'acte de barbarie commis, il y a quel-
ques jours, sur un misérable aliénée dont
la société cherchait à se débarrasser
par le moyen de la guillotine. On le
traîne au supplice dans un véritable
état démentiel puisque, ayant jadis été
pris sur le fait du crime et ayant avoué,
il se prit à se déclarer innocent. Affai-
bli depuis de longues Semaines, on lui
injecta quelques gouttes de caféine afin
d'éviter la syncope et afin de lui faire
subir le châtiment en pleine conscience.
Sur quels préjugés tenaces, sur quel-
les croyances jadis toutes puissantes,
aujourd'hui abolies, repose le besoin so-
cial de verser le sang du criminel. Il
faut remonter bien loin dans l'histoire
des sociétés humaines pour trouver l'o-
rigine de cette survivance. Elle dépend
de l'idée que l'on se fait du sang chez
les peuples primitifs, et dans certaines
sociétés oû, dès une haute antiquité, la
religion était déjà bien organisée, chez
les juifs, par exemple.
Le sang est considéré comme le prin-
cipe de tie, comme l'âme elle-même ; il
est sacré. Celui qui le touche, fût-ce for-
tuitement, est dans le même état que
s'il avait commis un sacrilège sur le
dieu ; il est désormais tenu pour dan-
gereux et impur. Sa souillure matérielle
peut se communiquer à autrui, à tout
son groupe même, et elle est si conta-
gieuse qu'on ne peut l'expliquer, par
analogie, que par l'idée actuelle de la
contagion microbienne.
Interdire le contact du sang, c'était
donc établir du même coup la règle mo-
rale que la Bible -exprime en cette for-
mule : « Tu ne tueras point. » Cet or-
dre était cru d'origine divine, et celui
qui le transgressait devait subir un châ-
timent terrible. Devenu un danger pu-
blic, par suite de cette souillure capa-
ble de contaminer les autres individus,
le criminel devait se soumettre aux ri-
tes de purification. Le plus souvent, la
mort seule était suffisante pour le laver
de son impureté ; parfois, aussi, on lui
substituait une victime, chargée de le
représenter et en qui le péché s'était
incorporé.;
Chose curieuse, dès que le criminel
pu la victime expiatoire vient d'être sa-
crifié, dès que le sang a ,coulé, le juge-
ment social se transforme. Ce sang, dé-
claré tout à l'heure impur et dangereux,
devient une chose sainte ; il a le pou-
voir de purifier toute la Nation. C'est
avec lui qu'on fait les lustraU"rlS rituel-
les, avec lui qu'on asperge l'endroit le
plus sacré du temple, l'autel. Mélangé
à la chair calculée, il a le pouvoir de
ptVnfier ensuite ceux qui commettent la
faute de toucher les choses impures.
En Grèce, même, on répandait quel-
gues gouttes de ce sang, soit dans une
source, soit dans une rivière, afin de les
consacrer.
Cette transformation soudaine s'ex-
plique par le fait que dans toutes les
religions — des plus primitives aux
plus évoluées — les notions de pur et
d'impur, de sacré et (fè sacrilège sont
proches parentes et que, dans certaines
circonstances, elles peuvent se trans-
muer l'une en l'autre.
Dans ces sociétés, l'expiation par le
sang était donc un acte socialement né-
cessaire. Coupable et victime sacrifica-
toire tout ensemble, le criminel rétablis-
sait par sa mort l'ordre religieux et so-
cial qu'il avait troublé.,
- A l'heure actuelle, ces croyances ont
disparu et le point de vue explicatif
s'est modifié ; avec l'idée de la respon-
sabilité individuelle, on s'attendait à
ce que la méthode de réparation se soit
transformée ; or, il n'en est rien. Les
institutions sont plus fortement enra-
cinées que les idées, dont elles ne sui-
vent que d'une manière lente et insen-
sible le progrès. L'habitude de verser le
sang du criminel persiste en dépit de
notre assurance que ce sang rie possède
aucun pouvoir effectif. Ce qui demeure
pourtant d'une manière un peu obscu-
re, c'est le caractère sacré attribué au
meurtrier qui vient de payer, sur l'é-
chafaud sa dette à la société. Lui mort,
en- n'ese -plus 1 een rocioe eoni
préservés de l'outrage et ensevelis dans
un endroit réservé, comme s'ils conser-
vaient quelque puissance dangereuse ;
sa mémoire même inspire une sorte de
crainte respectueuse.
Enfin, la nécessité où on le met de se
maintenir conscient jusqu'à l'échafaua
trahit aussi l'ancienne coutume de la-
ver la souillure sociale répandue par
lui.
C'est donc plus à un préjugé reli-
gieux, obscurément maintenu dans la
conscience sociale, que l'on obéit en
tuant le criminel qu'à une notion exac-
te de la responsabilité individuelle.
Que le condamné se laisse traîner au
supplice à l'état de loque humaine, ou
qu'il affecte une crânerie déconcertan-
te, l'inefficacité de la peine de mort
reste la même. La sociéte ne punit pas
le coupable, elle subit la tradition qui
voulait jadis que l'on remit dans l'or-
dre, à l'aide d'un rite purificatoire, ce
qui était dans le désordre. Sans en
avoir conscience, elle emprunte donc
son système répressif à l'époque loin-
taine où l'organisation politique s'iden-
tifiait avec l'organisation religieuse.
Elle perpétue, sous des apparences de
légalité, un préjugé barbare.
J. M. LAHY.
——————-—— —————————
LA POLITIQUE
LE RADICALISME ET LA POLITIQUE
DE M. BRIAND (1)
II
A beaucoup de républicains
laîques et démocrates — pas à
tous — M. Briand a causé une
déception. Ils ctoivent peut-être
s\en prendre à ex-rnêmes bien
plus qu au président au conseil de leur
déconvenue. Ils avaient jugé l'hornme
hâtivement. Ils lui avaient ouvert un lar-
ge crédit, non pas d'après son passé,
peu connu en dehors des sectes socia-
listes et cleço sous-groupes révolutionnai-
res, mais sur ses récentes références.
Aux derniers renseignements, M.Briand,
nouveau venu dans la vie parlementaire,
en 1902, était le chaud partisan du Mi-
nistère Combes et le lieutenant heureux
et habile de M. Jaurès. ,
Ce double parrainage lui rendit facile
l'accès de ces cercles -politiques et parle-
mentaires où la défiance, d'habitude, ra-
lentit la marche des nouveaux venus.
Voir La Rappel du 4 octobre
Sans méconnaître son habileté person-
nelle, son désir permanent de faire des
conquêtes individuelles et d'être « aimé
pour lui-même », on doit bien convenir
qu'une fée protectrice avait placé au
seuil du Palais-Bourbon une heureuse
tutelle pour veiller sur les premiers pas
de M. Briand.
Aux heures du Bloc triomphant, ce so-
cialiste rapporteur de la loi de sépara-
tion devenait, dans certains esprits, com-
me le sous-Qroduit du Combisme et du
Jaurésisme" sous-produit de marque et
de choix, acier bien tondu, damasquiné
et souple.
Les radicaux et socialistes ont mis
beaucoup de temps à dépouiller le per-
sonnage politique qu'est M. Briand de
cette enveloppe d'illusions qu'ils avaient
tissée, pour le parer, avec des rêves de
leur pensée. Combien de temps ils l'ont
vu, regardé, admiré avec des yeux que
la tendresse, la confiance et la candeur
ont adorablement prévenus !
Le soir où Jaurès, au banquet de l Hô-
tel Moderne, déclarait aux « blocards »
réunis que les socialistes étaient dispo-
sés « à prêter », en d'autres occasimis.,
M. Briand au parti de la rue de Valois
pour rapporter de nouvelles réformes —
beaucoup eurent l'impression que le So-
cialisme et le Radicalisme commu-
niaient toujours — et celle lois sous les
espèces du député de Saint-Etienne.
Cependant, au moment même où cet
élan mystique rapprochait des hommes
de rationalisme et des partis de raison,
le nouveau parlementaire avait déjà mis
en défiance nombre de « laïques ».
Ceux-ci s'étaient ravisés dès le coup
d'Etat parlementaire qui avait fait voter
l'article 4 de la loi de Séparation-, sur
les instances déconcertantes de M.
Briand, par une majorité de droitiers,
de progressistes, de républicains de droi-
te et de socialistes unifiés. M. Jaurès
avait aidé à la manœuvre, car, comme
il l'a dit depuis, il suivait alors atJeuglé-
ment son ami. Le rapporteur de la loi
l'emportait contre deux cents républi-
cains radicaux et radicaux-socialistes.
Ce fut sa première victoire sur les nô-
tres. Et dès ce premier coup, se révélait
sa hut pt p(: .ml1!iiJ».A7L'n":"
paisement « pointait » à nos dépens..
M. Clemenceau et d'autres esprits
avertis nè s'y trompèrent pas. Avant de
permettre à M. Briand de le mener par
la main au logis de M. Sa/Tien, chez qui
se cuisinait une combinaison rninisté-
rielle, l'ancien rédacteur de la Justice
avait longuement ferraillé contre Je « so-
cialisme papalin » de son futur ministre
des cultes. Un autre publiciste libre-
penseur, M. Henry Bérengct, qui porte
aux causes qu'il défend la vive ardeur
d'une intelligence opiéc des plus beaux
dons de l'imagination et d'esprit, redou-
tant les génuflexions des Jacobins re-
pentis et le retour du temps où le Génie
du Christianisme attiédissait les âmes
républicaines, fustigeait avec vigueur le
ralliement à la cause roîiiaine, sur les
'épaules de Sartobriand. ,
Dans la coulisse, les socialistes, ré-
cemment unifiés, avaient beaucoup ri,
sous cape, du bon tour que l'un des leurs
avait foué aux radicaux. Eux aiissi, ils
avaient voulu — ô Compère-Morel ! —
une séparation de « tolérance » et « d'a-
paisement ». Bientôt, après les radicaux,
ils allaient éprouver l'indépendance de
cœur du héros de leurs Congrès. Le {(Ca-
marade » qui avait failli leur fausser
compagnie en 1904 pour rejoindre M.
Bouvier appelé à l'Elysée, se décidait,
en 1906, à filer à l'anglaise pour joindre
le Pouvoir avec M. Clemenceau.
Seules, les nippes combistes el jauré-
sistes de l'infidèle restaient au 1)eslwu'c.
De la chrysalide déteinte, s'était échappé
prestement le beau papillon irisé de pâ-
les couleurs discrètes et changeantes.-
»
LES ON-DIT
Aujourd'hui mardi !
Lever du soleil : 6 h. 04 du matin.;
Coucher du soleil : 5 b. 33 du soir..
Lever de la lune : 7 h. du matin.
Coucher de la lune : 6 h. 10 du soir.
Courses à Saint-Ouen.
.AUTREFOIS
Le Rapipel du 5 octobre 1874 ï
Un journal le Français souligne dans son
numéro qui paraît à quatre heures une phra-
se du , Xl xe Siècle. Dans la soirée, le
XIXe Siècle reçoit l'arrêté qui lui interdit
la voie publique pour cette même phrase. On
devrait y être fait, mais malgré tout, on
s'étonne toujours de ce journal zélé qui, tout
à la fois, défend l'ordre, soutient la religion,
et signale ses confrères. Ce n'est pas flat-
teur pour le métier de gazetier, qu'il prenne
tant de ressemblance avec autre chose.
— Mile .Sarah Bernhardt est en ce mo-
ment gravement malade. -
Pas mal répondu
Certains curés de campagne, ceux de
l'ancien temps, qui n'étaient pas encore.
des « politicailleurs », avaient, sous des
apparences frustes, une certaine bonhomie
narquoise. L'un d'eux, à cause de son igno-
rance, fut signalé à son évêque, qui, pour
l'interroger, le mande à son palais épisco-
paj. — « Asseyez-vous, lui dit-il. — Oh !
pas avant vous, monseigneur, je ne veux
pas m'asseoir tant que vous serez debout.
— Asseyez-voue, lui répète l'évêque, ici je
suis chez moi et chez moi je fais ce que je
veux 1 » Le curé s'assied, et l'évêque, se
promenant à petits pas, commence son in-
terrogatoire :
« Dites-moi, curé, où était Dieu avant la
création du inonde ? — Il était en lui-
même. — Fort bien, mais que faisait-il, en
lui-même ? — Ma foi, monseigneur, iT fai-
sait ce qu'il voulait, puisqu'il état chez
lui ! — Curé ! Curé, vous êtes, je fe vois,
un bel esprit, lui répondit l'évêque qui, « en
ayant un coin de bouché » ne passa pas
plus loin l'interrogatoire. »
AUJOURD'HUI
Erreur n'est pas compte
Dans un article où l'esprit le dispute à la
correction du style, un certain M. Gabriel
Maucourt, qui vaticine à la Libre Parole,
raille doucement et en homme à qui on ne
la fait pas, le pèlerinage de Métian, puis
reproche aux organisateurs d'avoir choisi,
pour glorifier Zola M. Camille Lemonnier,
un Belge, « qui s'en est acquitté (pour une
« fois, savez-vous !) dans un français à
« rendre jaloux M. Bculemans luî-mômie. »
— « Nouveaux palabres ! » s'écrie dédai-
gneusement notre distingué confrère.
Aie ! pour une fois sais-tu, monsieur,
c'est vous le Belg/e, palatre est du fémi
nin.
■ »
L'Ecole sans Dieu
Il ne se commet pas un assassinat, pas
un attentat contre les personnes ou la
propriété sans qu'immédiatement le chœur
des grenouilles de bénitier n'entonne sa
rengaine « c'est la conséquence logique du
gouvernement républicain ; c'est le résultat
prévu de l'école sans Dieu ! i)
Précisément la région de Grasse est bou-
leversée depuis plusieurs mois par un sé-
rie tle crimes et de méfaits de toutes sortes,
et i pieusement les bonnes âmes marmot-
taient l'éterncl u c'est la faute à la lat-
— — -
Or, l'auteur de tous ces attentats vient
d'être enfin connu, et Drrêté, et c'est,., le
enre de Pégomas !
Il sera difficile, en vérité, de trouver
dans l'Ecole sans Dieu l'origine et la cause
des actes criminels de ce vénérable prê-
tre.
Attendons-nous donc à ce qu'on en fasse
un martyr
■ H.l I Il I
Rancune tenace
--=+-. +j'=,
Le critique Nozière a procédé, dans l'ln-
transigeant d'hier, à un éreintement en
règle de notre confrère de Noussanne.
Le prétexte choisi était naturellement
l'affaire des « Polichinelles ». Mais — aus-
si, naturellement — on s'est souvenu d'un
autre éreintement jadis pratiqué par le mê-
me Nozière-Guy Launay : celui de certaine
comédienne qui fit au farouche écrivain la
malice de révéler qu'elle devait ce débor-
dement d'injures à des avatars théâtraux
subis par le monsieur, qui l'en rendait res-
ponsable.
Or, M. Nozière a quelques raisons de
rendre le directeur du Cil Blas responsa-
ble d'avatars journalistiques : M. de Nous-
sanne s'est, en effet, privé de sa collabora-
tion. L'illustre chroniqueur trouve le
moyen de se faire des revenus en pur-
geant ses petites rancunes. Heureuse com-
binaison ! Mais on sait la valeur qu'il con-
viendra d'accordr, désormais, à ses cri-
tiques 01
^—»——1—W—~Il II ■■ I ■ I
te Provisoire dure
--.-+::---
Bien que certaines gazettes essaient de
faire croire à l'amélioration de la santé du
ministre de l'Agriculture, les nouvelles les
plus alarmantes circulent sur son état. M.
;Ruau, qui ne peut supporter la présence
de personne, aurait des moments de sur-
excitation telle, qu'il serait devenu néces-
saire d'exercer autour de lui une surveil-
lance constante.
Nous avons déjà exprimé ici les senti-
ments de pitié et de sympathie que nous
inspire cette lamentable situation.
I Mais, les choses en étant à ce point,
n'avons-nous pas le droit d'être surpris de
voir des journaux annoncer gravement,
en des notes dont l'origine transparaît,
qu'on, va songer à une nouvelle attribution
du portefeuille de l'agriculture ?
« On » devrait en avoir fini depuis long-
temps avec cette affaire, et la prolongation
indéfinie de l'état de choses .nous amène
tout naturellement, à répéter qu'en mon-
trait la possibilité de se passer si long-
temps, sans inconvénient, du titulaire du
poste, on permet de supposer que sa pré-
sence n'est pas indispensable au bon fonc-
tionnement des services et qu'il n'y aurait,
tiè,s lors, nul inconvénient à rattacher ceux-
ci à un autre département. !
Quelle que soit l'amitié du président du
Conseil pour son collaborateur, il n'a pas
le droit de se contenter d'un ministre ho-
noraire de l'agriculture, au moment précis
où l'agriculture subit une crise violente
dont rml n'entrevoit encore la solution.
NOS CHRONIQUEURS
-
a a
La Crise du Français
-.
Dans la Revue des deux Mondel, M.
Emile Faguet vient, après bien d'autres
écrivains ou universitaires, de donner son
avis sur la « crise du français » qui sévit,
hélas ! aussi bien parmi les étudiants de
nos Facultés que parmi les élèves de nos
lycées et de nos collèges. L'éminent aca-
démicien l'attribue. à plusieurs causes
qu'il dégage, avouons-le, avec autant d'im-
partialité et de courage que de compéten-
ce. On nous permettra d'insister, à notre
tour, sur cette question capitale, qui inté-
resse l'avenir même de notre enseigne-
ment national et qui déjà laisse entre voir
certains résultats des fameuses réformes
de 1902.
Le fait paraît indiscuté : dans les divers
examens et encours, depuis le baccalau-
réat jusqu'à l'agrégation, les correcteurs
des copies de français constatent d'j laçon
unanime, et avec une bien légitime tris-
tesse, que nos jeunes gens, non contents
de mépriser, comme des qualités négligea-
bles, l'originalité et 4'élégance du style,
méconnaissent le sens exact des mots et
les lois fondamentales de la syntaxe. Suc-
cHint aux ellipses hardies de la phrase
télégraphique qui, dit-on, convient à notre
siècle d'américanisme pratique et de fièvre
sportive, voici que le « petit nègre » est
à la mode. Les adolescents qui, dès quinze
ans, rêvent d'égaler les exploits des La-
tha'm et ides Paulhan, savent assurément
beaucoup mieux l'anglais. et le vocabu-
laire un peu spécial de l'aviation que leur
langue maternelle devenue, sans doute,
inutile à quiconque veut rapidement faire
fortune ou conquérir la popularité. L'école
Berlin a.. détrôné les « humanités n, y
compris la grammaire française.' On s'ex-
prime tant bien que mal, sans souc.i de la
correction ni des nuances. Quand vous
épluchez, en classe, des locutions vicieuses
ou composées de termes impropres ; quand
vous indiquez à l'élève le terme qui ren-
Ui uit nircciffgflr-gr-peitsei'rn VOUS répond,
le plus souvent de bonne foi, car cette gé-
nération n'a plus conscience de la valeur
des mots : .?< Mais, Monsieur, cela revient
au même ! »
Le plus grave, c'est que le même état
d'esprit se manifeste chez des candidats à
la licence et à l'aigrégation qui sont appe-
lés à occuper des chaires d'enseignement
secondaire. On s'est trop moqué de Ville-
main, de Renan, de Taine, de tous les
historiens et de tous les critiques quil
avaient « du style » : aujourd'hui, quicon-
que « écrit bien » risque d'encourir le dé-
dain de ceux qui s'intitulent, asnz arbi-
trairement, des « scientifiques ». Comme
si la mentalité scientifique, transportée
dans le domaine littéraire, consistait à
chérir le barbarisme, à employer des cli-
chés vagues, à cultiver l'a peu près, à faire
fi de cet art de 'a composition qui impli-
que, en somme, une sûre et subtile science
des proportions, des rapports logiques, de
la perspective d'ensemble et qui met suc-
cessivement en jeu les facultés d'analyse
et celles de synthèse !. Comme s'il n'y
avait pas un juste milieu entre l'emphase
d'unte rhétorique trop ornée et la frôi le
gaucherie d'un style qui se croit géométri-
que parce qu'il ignore « l'esprit 3e fines-
se » !. C'est en vain que les maîtres les
plus autorisés de la critique moderne — M.
Lanson, par exemple — déplorent ces exa-
gérations, ou mieux ces déformations d'une
méthode qui, pour être plus scrupuleuse et
plus. rigoureusement historique, n'en est
pas moins coneiliable avec le soin de la
forme, avec le goût de la clarté harmo-
nieuse et de l'attieisme ! C'est en vain que
nos futurs pédagogues se piquent quelque-
fois de connaître aussi bien que certains
pontifes d'outre-Rhin les arcanes de la phi-
lologie ancienne ! Demandez à ces jeunes
gens de rédiger sur un sujet donné quel-
ques pages de français : le fond du déve-
loppement, alors même qu'il serait assez
solide, transparaîtra à peine, distribué au
hasard des souvenirs et sans plan réflé-
chi, à travers une enveloppe rudimentaire
et béotienne ! Il y a plus : trop de profes-
seurs qui, en dehors de leurs fonctions,
se gardent jalousement de produire an sim-
ple article de revue, réservent à leurs
pairs et aux auditeurs instruits de doulou-
reuses surprises lorsqu'ils sont chargés du
discours à une cérémonie officielle : fein-
draient-ils de traiter cavalièrement la ma-
tière même que, durant l'annéfc scolaire, ils
ont mission d'enseigner ?.
Parmi les causes qui, selon lui, expli-
quent cette crise du français, M. Faguet
cite l'abandon du latin, la spécialisation
hâtive, les programmes encyclopédiques,
l'habitude funeste de délaisser les auteurs
classiques pour les journaux et les publica-
tions de divers ordre. Nous ne pouvons
qu'approuver Ce diagnostic pénétrant, Sans
reprendre les fines analyses, les lumineu-
ses déductions de M. Faguet, greffons sur
le résumé qui précède quelques brèves ré-
flexions. Il est indéniable que l'on oriente
trop tôt les élèves de nos lycées et de nos
collèges, vers telle ou telle spécialité qui
comporte la préparation intensive de cer-
taines matières et l'exclusion presque a
solue de toutes les autres. Le plus sou-
vent, l'enfant, qui n'a aucune vocation dé-
terminée, et qui, pour se décider d'une
manière consciente et éclairée, dispose
d'une expérience et d'un lot de connats-
smices très insuffisants, cède à l'impulsion
d'un principal ou d'un proviseur dont l'as-
surance infaillible et le ton prophétique
l'impressionnent, lui et ses parents. C'est
plus tard seulement qu'il s'apercevra que-
les bases manquent à l'édifice de son fra-
gile savoir. Il comprendra que les lettres
avaient l'avantage de défricher l'esprit et
d'affermir le jugement en vue des sciences
iiarticulières. Il sé dira qu'elles ont peut-
Ure aidé de grands chimistes et de grands
physiciens - les Pasteur, les Berthelot.
'es Poincaré, les Duftem — â écrire tant de
)age.s vigoureuses et profondes.
MaiSj s'il est dangereux de s'enfermer
'prématurément dans un horizon trop
étroit, il ne l'est pas moins de prétendre
embrasser des programmes trop vastes,
aux frontières flottantes. S'il importe que
la culture reste générale, il n'Importe pas
moins que l'intelligence, loin d'éparpiller,
son attention, loin de dispersa sa curio-
sité sur toutes les fantaisies d'un banal
dilettantisme, creuse -, des points choisie
dans un terrain fertile et nourricier: Une
ambition encyclopédique effleure tout, sans
rien s'assimiler. Elle accoutume à l'impré-
cision, au verbiage et, sur un vernis dé-
cevant de notions approximatives, elle élè-
ve un immense orgueil qui se dupe lui-
même et qui fait illusion à la foute crédule.
Mieux vaut étudier, dans chaque science,
quelques cas, quelques exemples significa-
tifs, quelques points essentiels d'où le reste
puisse aisément se déduire, ou qui, dtt
moins., vous permettent d'acquérir, puis
d'assouplir et de fortifier, une méthode.
Pour nous en tenir au français, ce sont
justement ces principes excellents quf" ont
fajt proscrire les cours de littérature ex
cathedra et les leçons docilement extraites
des manuels, et remplacer ces promenade
panoramiques ou ces formules passe-pur- 4
tout — si chères à l'indolence du jeune
4ge — par des explications de textes : dé-
sormais, la lecture des auteurs, dans
f « original », l'analyse de leur inspiration
et de leur pensée, l'examen minutieux de
leurs procédés de slyle, breI, î'art de les
caractériser sur le vif et non d'après des
clichés dogmatiques, doivent puissamment
contribuer à l'éducation du goût et à celle
du sens critique, tout en fournissant aux
élèves des modèles donï ils sentent direc-
tement tout le prix. Déguster à petite dose
quelques maximes de La Bruyère ou de
La Rochefoucauld, en pénétrer le sens, en
saisir le tour concis et brillant, n'est-ce
point plus profitable que d'absorber, huit
jours avant le baccalauréat, un manuerin.
digeste ?. De plus en plusv exigeons des
candidats un jugement droit et sincère qui
s'exprime en une langue correcte et pré-
cise, sur des problèmes ou des textes déli-
mités : à seize ans, en ce XXe siècle, ceus
lui jouent aux Pic de la Mirandole, ne peu-
vent être que des inconscients ou des far-
ceurs. Et la presse compte bien trop d'« es-
sayistes » sans vergogne pour que l'Cni-
versité songe à favoriser cette envahis-
sante industrie,
Quant aux sujets de dissertation propos
sés dans les examens ou dans les con-
cours, est-il donc impossible de les choiEir.
à égale distance de l'amplification phraséo-
logiq-ua et de la difficulté érudite ? Noiïr,
sans doute. Entre l'ancien « discours »,
farci de lieux-communs et la discussion
d'un cas épineux qui postule une documen-
tation écrasante, il y a place pour des
questions, à la fois nettes et compréhensi-
ves, qui impliquent en même temps, à un
égal degré, l'intuition du génie origine
d'un auteur, des aperçus généraux sur les
influences qu'il a suNes. et la connaissance
personnelle, directe, approfondie d'au
moins un de ses ouvrages. Nous n'en vou-
lons pour preuve que 4e sujet de français
donné à l'agrégation des lettres, cette an-
née, et qui a trait aux Harmonies de La-
martine : il s'agit d'indiquer, en s appuyant
sur des exemples tirés de ce recueil lyri-
que, pourquoi il est souvent malaisé d'ap-
précier, en les définissant, l'inspiration, les
idées, le style même du mélodieux poète.
Les Harmonies figurant au programme,
personne ne doit être pris au dépourvu ;
chacun, en revandhe, est conduit à ma-
nifester sa finesse d'analyse et son talent
de composition par la richesse môme et
l'ordonnance de sa démonstration.
Appliquons pareille méthode ; et si, dana
nos établissements secondaires, quelques
élèves cèdent parfois à la tentation de lire
un journal pour se tenir au courant dus
événements, pour y apprendre les prones
ses des aviateurs, ne crions pas à 1 abo-
mination de la désolation l Intraitables seu-
lement si nous trouvons dans leurs maine
des publications obscènes, aussi dange-
reuses pour le goût que pour la moralité,
permettons-leur de s'intéresser aux mou-
vements de leur époque, à condition que,
d'abol'tl. simplement et loyalement, ils se
soient mis à l'école des gramls écrivains
de notre race. Il y a tout un art d'utiliser,
en l'adaptant et en l'émondant, la somme
immense de documentation qtffc représente
la presse. Ce serait chimère que de vouloir.
en prohiber à jamais l'accès à nos jeunes
gens, comme à des séminaristes que doit
accaparer la théologie. L'essentiel, c'est
que le maître demeure le maître cf, par
conséquent, surveille ces excursions hors
du domaine strictement classique, afin d'y,
faire régner une sage mesure et de main-
tenir toujours au premier plan t'ctude it
LE m SIECLE
ANNONCES
AUX BUREAUX DU JOURNAL
M, rue du CMteau-d'Eau - Pari..
lit chez MM. LAGRANGE, CERF etO*
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ADMINISTRATION & RÉDACTION : 53, rue du Château" dJEau: Téléphone 438-14. - De 9 heures du soir à 2 heures du matin, 123, rue Montmartre : Téléphone 143-93
- TRIBUNE LIBRE
--
IEIP al 0
sanglante du Crime
..—«M > n I !■ » ■
Que l'on nous excuse de
revenir à deux reprises sur la
discussion des mêmes faits.
Mais il ne suffit pas d'avoir
montré l'inefficacité de la
peine de mort, comme sanc-
tion sociale, il faut chercher les raci-
nes de la tradition qui nous l'impose
encore.
Est-elle un simple châtiment comme
celui que l'on inflige à un criminel pour
le dresser, ou a-t-elle pour but de dé-
barrasser la société d'un individu dan-
gereux ? L'une et l'autre de ces expli-
cations couramment invoquée n'est guè-
re valable, dès qu'on y réfléchit un peu
Qui penserait, en effet, à dresser son
chien en le tuant ? Et qui soutiendrait
que les prisons ne sont pas assez sûres
pour nous débarrasser du criminel ? Au
cas où l'on objecterait les frais d'en-
tretien, il y a moyen de les réduire en
obligeant le criminel à gagner sa vie,
sous peine de mourir de faim. Quant à
l'idée de l'efficacité de la peine de mort
à titre d'exemple pour les criminels fu-
turs, l'expérience de ces dernières an-
nées a prouvé combien cette méthode
était vaine.
Il faut que la coutume de tuer le
meurtrier soit bien forte pour expliquer
l'acte de barbarie commis, il y a quel-
ques jours, sur un misérable aliénée dont
la société cherchait à se débarrasser
par le moyen de la guillotine. On le
traîne au supplice dans un véritable
état démentiel puisque, ayant jadis été
pris sur le fait du crime et ayant avoué,
il se prit à se déclarer innocent. Affai-
bli depuis de longues Semaines, on lui
injecta quelques gouttes de caféine afin
d'éviter la syncope et afin de lui faire
subir le châtiment en pleine conscience.
Sur quels préjugés tenaces, sur quel-
les croyances jadis toutes puissantes,
aujourd'hui abolies, repose le besoin so-
cial de verser le sang du criminel. Il
faut remonter bien loin dans l'histoire
des sociétés humaines pour trouver l'o-
rigine de cette survivance. Elle dépend
de l'idée que l'on se fait du sang chez
les peuples primitifs, et dans certaines
sociétés oû, dès une haute antiquité, la
religion était déjà bien organisée, chez
les juifs, par exemple.
Le sang est considéré comme le prin-
cipe de tie, comme l'âme elle-même ; il
est sacré. Celui qui le touche, fût-ce for-
tuitement, est dans le même état que
s'il avait commis un sacrilège sur le
dieu ; il est désormais tenu pour dan-
gereux et impur. Sa souillure matérielle
peut se communiquer à autrui, à tout
son groupe même, et elle est si conta-
gieuse qu'on ne peut l'expliquer, par
analogie, que par l'idée actuelle de la
contagion microbienne.
Interdire le contact du sang, c'était
donc établir du même coup la règle mo-
rale que la Bible -exprime en cette for-
mule : « Tu ne tueras point. » Cet or-
dre était cru d'origine divine, et celui
qui le transgressait devait subir un châ-
timent terrible. Devenu un danger pu-
blic, par suite de cette souillure capa-
ble de contaminer les autres individus,
le criminel devait se soumettre aux ri-
tes de purification. Le plus souvent, la
mort seule était suffisante pour le laver
de son impureté ; parfois, aussi, on lui
substituait une victime, chargée de le
représenter et en qui le péché s'était
incorporé.;
Chose curieuse, dès que le criminel
pu la victime expiatoire vient d'être sa-
crifié, dès que le sang a ,coulé, le juge-
ment social se transforme. Ce sang, dé-
claré tout à l'heure impur et dangereux,
devient une chose sainte ; il a le pou-
voir de purifier toute la Nation. C'est
avec lui qu'on fait les lustraU"rlS rituel-
les, avec lui qu'on asperge l'endroit le
plus sacré du temple, l'autel. Mélangé
à la chair calculée, il a le pouvoir de
ptVnfier ensuite ceux qui commettent la
faute de toucher les choses impures.
En Grèce, même, on répandait quel-
gues gouttes de ce sang, soit dans une
source, soit dans une rivière, afin de les
consacrer.
Cette transformation soudaine s'ex-
plique par le fait que dans toutes les
religions — des plus primitives aux
plus évoluées — les notions de pur et
d'impur, de sacré et (fè sacrilège sont
proches parentes et que, dans certaines
circonstances, elles peuvent se trans-
muer l'une en l'autre.
Dans ces sociétés, l'expiation par le
sang était donc un acte socialement né-
cessaire. Coupable et victime sacrifica-
toire tout ensemble, le criminel rétablis-
sait par sa mort l'ordre religieux et so-
cial qu'il avait troublé.,
- A l'heure actuelle, ces croyances ont
disparu et le point de vue explicatif
s'est modifié ; avec l'idée de la respon-
sabilité individuelle, on s'attendait à
ce que la méthode de réparation se soit
transformée ; or, il n'en est rien. Les
institutions sont plus fortement enra-
cinées que les idées, dont elles ne sui-
vent que d'une manière lente et insen-
sible le progrès. L'habitude de verser le
sang du criminel persiste en dépit de
notre assurance que ce sang rie possède
aucun pouvoir effectif. Ce qui demeure
pourtant d'une manière un peu obscu-
re, c'est le caractère sacré attribué au
meurtrier qui vient de payer, sur l'é-
chafaud sa dette à la société. Lui mort,
en- n'ese -plus 1 een rocioe eoni
préservés de l'outrage et ensevelis dans
un endroit réservé, comme s'ils conser-
vaient quelque puissance dangereuse ;
sa mémoire même inspire une sorte de
crainte respectueuse.
Enfin, la nécessité où on le met de se
maintenir conscient jusqu'à l'échafaua
trahit aussi l'ancienne coutume de la-
ver la souillure sociale répandue par
lui.
C'est donc plus à un préjugé reli-
gieux, obscurément maintenu dans la
conscience sociale, que l'on obéit en
tuant le criminel qu'à une notion exac-
te de la responsabilité individuelle.
Que le condamné se laisse traîner au
supplice à l'état de loque humaine, ou
qu'il affecte une crânerie déconcertan-
te, l'inefficacité de la peine de mort
reste la même. La sociéte ne punit pas
le coupable, elle subit la tradition qui
voulait jadis que l'on remit dans l'or-
dre, à l'aide d'un rite purificatoire, ce
qui était dans le désordre. Sans en
avoir conscience, elle emprunte donc
son système répressif à l'époque loin-
taine où l'organisation politique s'iden-
tifiait avec l'organisation religieuse.
Elle perpétue, sous des apparences de
légalité, un préjugé barbare.
J. M. LAHY.
——————-—— —————————
LA POLITIQUE
LE RADICALISME ET LA POLITIQUE
DE M. BRIAND (1)
II
A beaucoup de républicains
laîques et démocrates — pas à
tous — M. Briand a causé une
déception. Ils ctoivent peut-être
s\en prendre à ex-rnêmes bien
plus qu au président au conseil de leur
déconvenue. Ils avaient jugé l'hornme
hâtivement. Ils lui avaient ouvert un lar-
ge crédit, non pas d'après son passé,
peu connu en dehors des sectes socia-
listes et cleço sous-groupes révolutionnai-
res, mais sur ses récentes références.
Aux derniers renseignements, M.Briand,
nouveau venu dans la vie parlementaire,
en 1902, était le chaud partisan du Mi-
nistère Combes et le lieutenant heureux
et habile de M. Jaurès. ,
Ce double parrainage lui rendit facile
l'accès de ces cercles -politiques et parle-
mentaires où la défiance, d'habitude, ra-
lentit la marche des nouveaux venus.
Voir La Rappel du 4 octobre
Sans méconnaître son habileté person-
nelle, son désir permanent de faire des
conquêtes individuelles et d'être « aimé
pour lui-même », on doit bien convenir
qu'une fée protectrice avait placé au
seuil du Palais-Bourbon une heureuse
tutelle pour veiller sur les premiers pas
de M. Briand.
Aux heures du Bloc triomphant, ce so-
cialiste rapporteur de la loi de sépara-
tion devenait, dans certains esprits, com-
me le sous-Qroduit du Combisme et du
Jaurésisme" sous-produit de marque et
de choix, acier bien tondu, damasquiné
et souple.
Les radicaux et socialistes ont mis
beaucoup de temps à dépouiller le per-
sonnage politique qu'est M. Briand de
cette enveloppe d'illusions qu'ils avaient
tissée, pour le parer, avec des rêves de
leur pensée. Combien de temps ils l'ont
vu, regardé, admiré avec des yeux que
la tendresse, la confiance et la candeur
ont adorablement prévenus !
Le soir où Jaurès, au banquet de l Hô-
tel Moderne, déclarait aux « blocards »
réunis que les socialistes étaient dispo-
sés « à prêter », en d'autres occasimis.,
M. Briand au parti de la rue de Valois
pour rapporter de nouvelles réformes —
beaucoup eurent l'impression que le So-
cialisme et le Radicalisme commu-
niaient toujours — et celle lois sous les
espèces du député de Saint-Etienne.
Cependant, au moment même où cet
élan mystique rapprochait des hommes
de rationalisme et des partis de raison,
le nouveau parlementaire avait déjà mis
en défiance nombre de « laïques ».
Ceux-ci s'étaient ravisés dès le coup
d'Etat parlementaire qui avait fait voter
l'article 4 de la loi de Séparation-, sur
les instances déconcertantes de M.
Briand, par une majorité de droitiers,
de progressistes, de républicains de droi-
te et de socialistes unifiés. M. Jaurès
avait aidé à la manœuvre, car, comme
il l'a dit depuis, il suivait alors atJeuglé-
ment son ami. Le rapporteur de la loi
l'emportait contre deux cents républi-
cains radicaux et radicaux-socialistes.
Ce fut sa première victoire sur les nô-
tres. Et dès ce premier coup, se révélait
sa hut pt p(: .ml1!iiJ».A7L'n":"
paisement « pointait » à nos dépens..
M. Clemenceau et d'autres esprits
avertis nè s'y trompèrent pas. Avant de
permettre à M. Briand de le mener par
la main au logis de M. Sa/Tien, chez qui
se cuisinait une combinaison rninisté-
rielle, l'ancien rédacteur de la Justice
avait longuement ferraillé contre Je « so-
cialisme papalin » de son futur ministre
des cultes. Un autre publiciste libre-
penseur, M. Henry Bérengct, qui porte
aux causes qu'il défend la vive ardeur
d'une intelligence opiéc des plus beaux
dons de l'imagination et d'esprit, redou-
tant les génuflexions des Jacobins re-
pentis et le retour du temps où le Génie
du Christianisme attiédissait les âmes
républicaines, fustigeait avec vigueur le
ralliement à la cause roîiiaine, sur les
'épaules de Sartobriand. ,
Dans la coulisse, les socialistes, ré-
cemment unifiés, avaient beaucoup ri,
sous cape, du bon tour que l'un des leurs
avait foué aux radicaux. Eux aiissi, ils
avaient voulu — ô Compère-Morel ! —
une séparation de « tolérance » et « d'a-
paisement ». Bientôt, après les radicaux,
ils allaient éprouver l'indépendance de
cœur du héros de leurs Congrès. Le {(Ca-
marade » qui avait failli leur fausser
compagnie en 1904 pour rejoindre M.
Bouvier appelé à l'Elysée, se décidait,
en 1906, à filer à l'anglaise pour joindre
le Pouvoir avec M. Clemenceau.
Seules, les nippes combistes el jauré-
sistes de l'infidèle restaient au 1)eslwu'c.
De la chrysalide déteinte, s'était échappé
prestement le beau papillon irisé de pâ-
les couleurs discrètes et changeantes.-
»
LES ON-DIT
Aujourd'hui mardi !
Lever du soleil : 6 h. 04 du matin.;
Coucher du soleil : 5 b. 33 du soir..
Lever de la lune : 7 h. du matin.
Coucher de la lune : 6 h. 10 du soir.
Courses à Saint-Ouen.
.AUTREFOIS
Le Rapipel du 5 octobre 1874 ï
Un journal le Français souligne dans son
numéro qui paraît à quatre heures une phra-
se du , Xl xe Siècle. Dans la soirée, le
XIXe Siècle reçoit l'arrêté qui lui interdit
la voie publique pour cette même phrase. On
devrait y être fait, mais malgré tout, on
s'étonne toujours de ce journal zélé qui, tout
à la fois, défend l'ordre, soutient la religion,
et signale ses confrères. Ce n'est pas flat-
teur pour le métier de gazetier, qu'il prenne
tant de ressemblance avec autre chose.
— Mile .Sarah Bernhardt est en ce mo-
ment gravement malade. -
Pas mal répondu
Certains curés de campagne, ceux de
l'ancien temps, qui n'étaient pas encore.
des « politicailleurs », avaient, sous des
apparences frustes, une certaine bonhomie
narquoise. L'un d'eux, à cause de son igno-
rance, fut signalé à son évêque, qui, pour
l'interroger, le mande à son palais épisco-
paj. — « Asseyez-vous, lui dit-il. — Oh !
pas avant vous, monseigneur, je ne veux
pas m'asseoir tant que vous serez debout.
— Asseyez-voue, lui répète l'évêque, ici je
suis chez moi et chez moi je fais ce que je
veux 1 » Le curé s'assied, et l'évêque, se
promenant à petits pas, commence son in-
terrogatoire :
« Dites-moi, curé, où était Dieu avant la
création du inonde ? — Il était en lui-
même. — Fort bien, mais que faisait-il, en
lui-même ? — Ma foi, monseigneur, iT fai-
sait ce qu'il voulait, puisqu'il état chez
lui ! — Curé ! Curé, vous êtes, je fe vois,
un bel esprit, lui répondit l'évêque qui, « en
ayant un coin de bouché » ne passa pas
plus loin l'interrogatoire. »
AUJOURD'HUI
Erreur n'est pas compte
Dans un article où l'esprit le dispute à la
correction du style, un certain M. Gabriel
Maucourt, qui vaticine à la Libre Parole,
raille doucement et en homme à qui on ne
la fait pas, le pèlerinage de Métian, puis
reproche aux organisateurs d'avoir choisi,
pour glorifier Zola M. Camille Lemonnier,
un Belge, « qui s'en est acquitté (pour une
« fois, savez-vous !) dans un français à
« rendre jaloux M. Bculemans luî-mômie. »
— « Nouveaux palabres ! » s'écrie dédai-
gneusement notre distingué confrère.
Aie ! pour une fois sais-tu, monsieur,
c'est vous le Belg/e, palatre est du fémi
nin.
■ »
L'Ecole sans Dieu
Il ne se commet pas un assassinat, pas
un attentat contre les personnes ou la
propriété sans qu'immédiatement le chœur
des grenouilles de bénitier n'entonne sa
rengaine « c'est la conséquence logique du
gouvernement républicain ; c'est le résultat
prévu de l'école sans Dieu ! i)
Précisément la région de Grasse est bou-
leversée depuis plusieurs mois par un sé-
rie tle crimes et de méfaits de toutes sortes,
et i pieusement les bonnes âmes marmot-
taient l'éterncl u c'est la faute à la lat-
— — -
Or, l'auteur de tous ces attentats vient
d'être enfin connu, et Drrêté, et c'est,., le
enre de Pégomas !
Il sera difficile, en vérité, de trouver
dans l'Ecole sans Dieu l'origine et la cause
des actes criminels de ce vénérable prê-
tre.
Attendons-nous donc à ce qu'on en fasse
un martyr
■ H.l I Il I
Rancune tenace
--=+-. +j'=,
Le critique Nozière a procédé, dans l'ln-
transigeant d'hier, à un éreintement en
règle de notre confrère de Noussanne.
Le prétexte choisi était naturellement
l'affaire des « Polichinelles ». Mais — aus-
si, naturellement — on s'est souvenu d'un
autre éreintement jadis pratiqué par le mê-
me Nozière-Guy Launay : celui de certaine
comédienne qui fit au farouche écrivain la
malice de révéler qu'elle devait ce débor-
dement d'injures à des avatars théâtraux
subis par le monsieur, qui l'en rendait res-
ponsable.
Or, M. Nozière a quelques raisons de
rendre le directeur du Cil Blas responsa-
ble d'avatars journalistiques : M. de Nous-
sanne s'est, en effet, privé de sa collabora-
tion. L'illustre chroniqueur trouve le
moyen de se faire des revenus en pur-
geant ses petites rancunes. Heureuse com-
binaison ! Mais on sait la valeur qu'il con-
viendra d'accordr, désormais, à ses cri-
tiques 01
^—»——1—W—~Il II ■■ I ■ I
te Provisoire dure
--.-+::---
Bien que certaines gazettes essaient de
faire croire à l'amélioration de la santé du
ministre de l'Agriculture, les nouvelles les
plus alarmantes circulent sur son état. M.
;Ruau, qui ne peut supporter la présence
de personne, aurait des moments de sur-
excitation telle, qu'il serait devenu néces-
saire d'exercer autour de lui une surveil-
lance constante.
Nous avons déjà exprimé ici les senti-
ments de pitié et de sympathie que nous
inspire cette lamentable situation.
I Mais, les choses en étant à ce point,
n'avons-nous pas le droit d'être surpris de
voir des journaux annoncer gravement,
en des notes dont l'origine transparaît,
qu'on, va songer à une nouvelle attribution
du portefeuille de l'agriculture ?
« On » devrait en avoir fini depuis long-
temps avec cette affaire, et la prolongation
indéfinie de l'état de choses .nous amène
tout naturellement, à répéter qu'en mon-
trait la possibilité de se passer si long-
temps, sans inconvénient, du titulaire du
poste, on permet de supposer que sa pré-
sence n'est pas indispensable au bon fonc-
tionnement des services et qu'il n'y aurait,
tiè,s lors, nul inconvénient à rattacher ceux-
ci à un autre département. !
Quelle que soit l'amitié du président du
Conseil pour son collaborateur, il n'a pas
le droit de se contenter d'un ministre ho-
noraire de l'agriculture, au moment précis
où l'agriculture subit une crise violente
dont rml n'entrevoit encore la solution.
NOS CHRONIQUEURS
-
a a
La Crise du Français
-.
Dans la Revue des deux Mondel, M.
Emile Faguet vient, après bien d'autres
écrivains ou universitaires, de donner son
avis sur la « crise du français » qui sévit,
hélas ! aussi bien parmi les étudiants de
nos Facultés que parmi les élèves de nos
lycées et de nos collèges. L'éminent aca-
démicien l'attribue. à plusieurs causes
qu'il dégage, avouons-le, avec autant d'im-
partialité et de courage que de compéten-
ce. On nous permettra d'insister, à notre
tour, sur cette question capitale, qui inté-
resse l'avenir même de notre enseigne-
ment national et qui déjà laisse entre voir
certains résultats des fameuses réformes
de 1902.
Le fait paraît indiscuté : dans les divers
examens et encours, depuis le baccalau-
réat jusqu'à l'agrégation, les correcteurs
des copies de français constatent d'j laçon
unanime, et avec une bien légitime tris-
tesse, que nos jeunes gens, non contents
de mépriser, comme des qualités négligea-
bles, l'originalité et 4'élégance du style,
méconnaissent le sens exact des mots et
les lois fondamentales de la syntaxe. Suc-
cHint aux ellipses hardies de la phrase
télégraphique qui, dit-on, convient à notre
siècle d'américanisme pratique et de fièvre
sportive, voici que le « petit nègre » est
à la mode. Les adolescents qui, dès quinze
ans, rêvent d'égaler les exploits des La-
tha'm et ides Paulhan, savent assurément
beaucoup mieux l'anglais. et le vocabu-
laire un peu spécial de l'aviation que leur
langue maternelle devenue, sans doute,
inutile à quiconque veut rapidement faire
fortune ou conquérir la popularité. L'école
Berlin a.. détrôné les « humanités n, y
compris la grammaire française.' On s'ex-
prime tant bien que mal, sans souc.i de la
correction ni des nuances. Quand vous
épluchez, en classe, des locutions vicieuses
ou composées de termes impropres ; quand
vous indiquez à l'élève le terme qui ren-
Ui uit nircciffgflr-gr-peitsei'rn VOUS répond,
le plus souvent de bonne foi, car cette gé-
nération n'a plus conscience de la valeur
des mots : .?< Mais, Monsieur, cela revient
au même ! »
Le plus grave, c'est que le même état
d'esprit se manifeste chez des candidats à
la licence et à l'aigrégation qui sont appe-
lés à occuper des chaires d'enseignement
secondaire. On s'est trop moqué de Ville-
main, de Renan, de Taine, de tous les
historiens et de tous les critiques quil
avaient « du style » : aujourd'hui, quicon-
que « écrit bien » risque d'encourir le dé-
dain de ceux qui s'intitulent, asnz arbi-
trairement, des « scientifiques ». Comme
si la mentalité scientifique, transportée
dans le domaine littéraire, consistait à
chérir le barbarisme, à employer des cli-
chés vagues, à cultiver l'a peu près, à faire
fi de cet art de 'a composition qui impli-
que, en somme, une sûre et subtile science
des proportions, des rapports logiques, de
la perspective d'ensemble et qui met suc-
cessivement en jeu les facultés d'analyse
et celles de synthèse !. Comme s'il n'y
avait pas un juste milieu entre l'emphase
d'unte rhétorique trop ornée et la frôi le
gaucherie d'un style qui se croit géométri-
que parce qu'il ignore « l'esprit 3e fines-
se » !. C'est en vain que les maîtres les
plus autorisés de la critique moderne — M.
Lanson, par exemple — déplorent ces exa-
gérations, ou mieux ces déformations d'une
méthode qui, pour être plus scrupuleuse et
plus. rigoureusement historique, n'en est
pas moins coneiliable avec le soin de la
forme, avec le goût de la clarté harmo-
nieuse et de l'attieisme ! C'est en vain que
nos futurs pédagogues se piquent quelque-
fois de connaître aussi bien que certains
pontifes d'outre-Rhin les arcanes de la phi-
lologie ancienne ! Demandez à ces jeunes
gens de rédiger sur un sujet donné quel-
ques pages de français : le fond du déve-
loppement, alors même qu'il serait assez
solide, transparaîtra à peine, distribué au
hasard des souvenirs et sans plan réflé-
chi, à travers une enveloppe rudimentaire
et béotienne ! Il y a plus : trop de profes-
seurs qui, en dehors de leurs fonctions,
se gardent jalousement de produire an sim-
ple article de revue, réservent à leurs
pairs et aux auditeurs instruits de doulou-
reuses surprises lorsqu'ils sont chargés du
discours à une cérémonie officielle : fein-
draient-ils de traiter cavalièrement la ma-
tière même que, durant l'annéfc scolaire, ils
ont mission d'enseigner ?.
Parmi les causes qui, selon lui, expli-
quent cette crise du français, M. Faguet
cite l'abandon du latin, la spécialisation
hâtive, les programmes encyclopédiques,
l'habitude funeste de délaisser les auteurs
classiques pour les journaux et les publica-
tions de divers ordre. Nous ne pouvons
qu'approuver Ce diagnostic pénétrant, Sans
reprendre les fines analyses, les lumineu-
ses déductions de M. Faguet, greffons sur
le résumé qui précède quelques brèves ré-
flexions. Il est indéniable que l'on oriente
trop tôt les élèves de nos lycées et de nos
collèges, vers telle ou telle spécialité qui
comporte la préparation intensive de cer-
taines matières et l'exclusion presque a
solue de toutes les autres. Le plus sou-
vent, l'enfant, qui n'a aucune vocation dé-
terminée, et qui, pour se décider d'une
manière consciente et éclairée, dispose
d'une expérience et d'un lot de connats-
smices très insuffisants, cède à l'impulsion
d'un principal ou d'un proviseur dont l'as-
surance infaillible et le ton prophétique
l'impressionnent, lui et ses parents. C'est
plus tard seulement qu'il s'apercevra que-
les bases manquent à l'édifice de son fra-
gile savoir. Il comprendra que les lettres
avaient l'avantage de défricher l'esprit et
d'affermir le jugement en vue des sciences
iiarticulières. Il sé dira qu'elles ont peut-
Ure aidé de grands chimistes et de grands
physiciens - les Pasteur, les Berthelot.
'es Poincaré, les Duftem — â écrire tant de
)age.s vigoureuses et profondes.
MaiSj s'il est dangereux de s'enfermer
'prématurément dans un horizon trop
étroit, il ne l'est pas moins de prétendre
embrasser des programmes trop vastes,
aux frontières flottantes. S'il importe que
la culture reste générale, il n'Importe pas
moins que l'intelligence, loin d'éparpiller,
son attention, loin de dispersa sa curio-
sité sur toutes les fantaisies d'un banal
dilettantisme, creuse -, des points choisie
dans un terrain fertile et nourricier: Une
ambition encyclopédique effleure tout, sans
rien s'assimiler. Elle accoutume à l'impré-
cision, au verbiage et, sur un vernis dé-
cevant de notions approximatives, elle élè-
ve un immense orgueil qui se dupe lui-
même et qui fait illusion à la foute crédule.
Mieux vaut étudier, dans chaque science,
quelques cas, quelques exemples significa-
tifs, quelques points essentiels d'où le reste
puisse aisément se déduire, ou qui, dtt
moins., vous permettent d'acquérir, puis
d'assouplir et de fortifier, une méthode.
Pour nous en tenir au français, ce sont
justement ces principes excellents quf" ont
fajt proscrire les cours de littérature ex
cathedra et les leçons docilement extraites
des manuels, et remplacer ces promenade
panoramiques ou ces formules passe-pur- 4
tout — si chères à l'indolence du jeune
4ge — par des explications de textes : dé-
sormais, la lecture des auteurs, dans
f « original », l'analyse de leur inspiration
et de leur pensée, l'examen minutieux de
leurs procédés de slyle, breI, î'art de les
caractériser sur le vif et non d'après des
clichés dogmatiques, doivent puissamment
contribuer à l'éducation du goût et à celle
du sens critique, tout en fournissant aux
élèves des modèles donï ils sentent direc-
tement tout le prix. Déguster à petite dose
quelques maximes de La Bruyère ou de
La Rochefoucauld, en pénétrer le sens, en
saisir le tour concis et brillant, n'est-ce
point plus profitable que d'absorber, huit
jours avant le baccalauréat, un manuerin.
digeste ?. De plus en plusv exigeons des
candidats un jugement droit et sincère qui
s'exprime en une langue correcte et pré-
cise, sur des problèmes ou des textes déli-
mités : à seize ans, en ce XXe siècle, ceus
lui jouent aux Pic de la Mirandole, ne peu-
vent être que des inconscients ou des far-
ceurs. Et la presse compte bien trop d'« es-
sayistes » sans vergogne pour que l'Cni-
versité songe à favoriser cette envahis-
sante industrie,
Quant aux sujets de dissertation propos
sés dans les examens ou dans les con-
cours, est-il donc impossible de les choiEir.
à égale distance de l'amplification phraséo-
logiq-ua et de la difficulté érudite ? Noiïr,
sans doute. Entre l'ancien « discours »,
farci de lieux-communs et la discussion
d'un cas épineux qui postule une documen-
tation écrasante, il y a place pour des
questions, à la fois nettes et compréhensi-
ves, qui impliquent en même temps, à un
égal degré, l'intuition du génie origine
d'un auteur, des aperçus généraux sur les
influences qu'il a suNes. et la connaissance
personnelle, directe, approfondie d'au
moins un de ses ouvrages. Nous n'en vou-
lons pour preuve que 4e sujet de français
donné à l'agrégation des lettres, cette an-
née, et qui a trait aux Harmonies de La-
martine : il s'agit d'indiquer, en s appuyant
sur des exemples tirés de ce recueil lyri-
que, pourquoi il est souvent malaisé d'ap-
précier, en les définissant, l'inspiration, les
idées, le style même du mélodieux poète.
Les Harmonies figurant au programme,
personne ne doit être pris au dépourvu ;
chacun, en revandhe, est conduit à ma-
nifester sa finesse d'analyse et son talent
de composition par la richesse môme et
l'ordonnance de sa démonstration.
Appliquons pareille méthode ; et si, dana
nos établissements secondaires, quelques
élèves cèdent parfois à la tentation de lire
un journal pour se tenir au courant dus
événements, pour y apprendre les prones
ses des aviateurs, ne crions pas à 1 abo-
mination de la désolation l Intraitables seu-
lement si nous trouvons dans leurs maine
des publications obscènes, aussi dange-
reuses pour le goût que pour la moralité,
permettons-leur de s'intéresser aux mou-
vements de leur époque, à condition que,
d'abol'tl. simplement et loyalement, ils se
soient mis à l'école des gramls écrivains
de notre race. Il y a tout un art d'utiliser,
en l'adaptant et en l'émondant, la somme
immense de documentation qtffc représente
la presse. Ce serait chimère que de vouloir.
en prohiber à jamais l'accès à nos jeunes
gens, comme à des séminaristes que doit
accaparer la théologie. L'essentiel, c'est
que le maître demeure le maître cf, par
conséquent, surveille ces excursions hors
du domaine strictement classique, afin d'y,
faire régner une sage mesure et de main-
tenir toujours au premier plan t'ctude it
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