Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1889-05-13
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 13 mai 1889 13 mai 1889
Description : 1889/05/13 (A18,N6328). 1889/05/13 (A18,N6328).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/04/2013
Dix-huitième annee. — N* 6,338 CINQ Centimes - Paris et Départements - CINQ Centimes 1 LUNDI 13 MAI 1839
JOURNAL REPUBLICAIN -
RÉDACTION
Il B, Hue Montmartjc©
pAJUS
! DIRECTEUR POLITIQUE
L » ÉDOUARD PORT A LIS
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PARIS
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LE
BANOUET DE L'EXPOSITION
LES SCANDALES DE M. GIRARD
Le directeur dîne usine allemande
« WATRINÉ »
Les boulangistes à Saint-Ouen
UN DRAME EN SEINE
MÉTHODES
ÉLECTORALES
On se consulte sur l'attitude que le
parti républicain doit prendre devant
le corps électoral. M. Henry Maret es-
time que ce doit être une attitude
d'union et de concorde, et M. Ranc
prêche aussi l'apaisement. Il admo-
neste M. Ferry, qui range les révision-
nistes de gauche parmi les adversaires
de la République, et il gourmande
M* Millerand pour avoir annoncé à
Mâcon qu'aux élections prochaines
ses amis et lui combattraient avec la
même ardeur la réaction et le boulan-
gisme d'une part et l'opportunisme de
l'autre. S'il faut l'en croire, ces divi-
sions du parti républicain vont faire
la place nette au boulangisme et à la
réaction, qui n'auront plus qu'à s'ins-
taller.
Donc, suivant M. Maret, comme au
gentiment de M. Ranc, c'est une coa-
lition qu'il faut opposer à une coali-
tion. Tous ceux qui se réclament du
comte de Paris, du prince Victor, du
général Boulanger s'étant réunis dans
un camp, il faut mettre dans l'autre
tous ceux qui ne veulent ni de la
royauté, ni de l'empire, ni du boulan-
gisme, et, à cette cohorte confuse, il
faut donner pour chef, suivant les cir-
conscriptions, celui qui a le plus de
chances de succès, ici un radical et là
un modéré, ainsi que nous l'expliquait
M. Ranc lui-même dans un récent ar-
ticle où il recommandait au parti ré-
publicain l'étude d'une branche spé-
ciale de la géographie, qu'il appelait
la c, géographie électorale M.
Cette méthode, c'est, en aetinitive,
celle que le parti républicain a pres-
que toujours suivie. Du temps de l'As-
semblée nationale, il s'unissait, aux
élections partielles, pour disputer aux
monarchistes une majorité toujours
instable. Au Seize-Mai, il s'imposait
une discipline rigoureuse pour résis-
ter au gouvernement de M. de Broglie
et pour contraindre le maréchal à se
soumettre. En 1881, on lui recomman-
dait la même discipline contre la coa-
lition monarchique de l'Union conser-
vatrice, et, en 1885, on lui vantait la
concentration contre le même adver-
-- saire - --
Nous ne vouions pas aire qu'elle
n'ait pas rendu des services, qu'elle
n'ait pas contribué à fonder la Répu-
blique et à habituer le pays à la
forme républicaine du gouvernement,
ni même qu'après le Seize-Mai elle n'ait
pas été l'instrument indispensable du
salut. Mais si elle a eu ce mérite, elle
a aussi d'énormes inconvénients et
particulièrement celui d'être un obs-
tacle à la marche du gouvernement.
Qui ne voit en effet que, dans ce do-
sage artificiel, chaque parti cherche à
avoir pour lui la majorité ou du moins
à empêcher ses adversaires de l'avoir?
De là des forces à peu près égales,
, mais opposées entré , elles, qui se pa-
ralysent; et, en résumé, ce sont les droi-
tiers, c'est-à-dire les adversaires sys-
tématiques du régime républicain,
qui deviennent les arbitres de la Cham-
bre et qui tiennent dans leurs mains
les destinées des ministères et les clés
du gouvernement.
Le mal de cette situation s'est ré-
vélé dans toute son étendue avec la
Chambre actuelle. C'est cette instabi-
lité jointe à cette impuissance qui
ont irrité les esprits, - qui ont suscité
les mécontentements et qui ont pro-
voqué dans le pays une telle exaspé-
ration, que l'avenir même du régime
républicain a pu, parfois, sembler
compromis. Croit-on que pour assu-
rer cet avenir, pour calmer les mécon-
tentements et pour faire disparaître
les inquiétudes, il convienne de con-
tinuer les mêmes errements qui ont
ébranlé la confiance et fatigué le pays?
Il ne peut y avoir un homme jouis-
sant de quelque bon sens qui soit dis-
posé à répondre affirmativement à une
telle question, et c'est cependant à ce
résultat qu'aboutirait la politique d'u-
nion, de concorde, d'apaisement dont
on nous vante les vertus.
Cette politique, nous voulons l'ad-
mettre, triomphera sur toute la ligne
de la coalition monarchique, bonapar-
tiste et boulangiste. Et après? Elle
nous donnera une majorité qui se dis-
loguera dès qu'il s'agira de faire autre
chose qu'une politique de résistance
contre la coalition vaincue, qui se di-
visera, sur les questions économiques
et sur les questions sociales, sur les
questions budgétaires et sur les ques-
tions politiques, qui continuera à ren-
verser les ministères comme des capu-
cins de cartes, qui nous donnera de
nouveau le spectacle de l'impuissance
et de l'instabilité. Et n'est-il pas à
craindre, cette fois, que le triomphe
apparent de la République ne précède
que de peu de temps sa chute défini-
tive?
Encore prenons-nous ici l'hypothèse
la plus favorable. Mais l'élection du
S7 janvier nous a montré qu'il fallait
se défier de l'excès d'optimisme, même
dans les circonscriptions qui parais-
sent le plus fermement acquises à la
République. Le mécontentement accu-
mulé par l'impuissance parlementaire
a déterminé dans bien des endroits
un courant en faveur de la revision.
A ceux qui se plaignent de l'immobi-
lité, de la timidité des réformes pro-
posées, de l'échec final qu'elles subis-
sent la plupart du temps, on va offrir
un programme négatif; on va leur
demander de voter contre ceux qui,
flattant habilement toutes les espé-
rances, font luire aux yeux tout un
avenir de réformes, réformes politi-
ques, réformes sociales, et surtout ré-
formes constitutionnelles. On prétend
empêcher les candidats de soutenir
leur programme, de parler de revi-
sion, de parler de réformes. On pré-
tend imposer aux électeurs un candi-
dat géographique. Ne voit-on pas que
l'on expose les électeurs à la tentation
d'envoyer promener la géographie
électorale et ses malheureux représen-
tants, et de se jeter dans les bras de
ceux qui leur promettent de les débar-
rasser des obstacles qui les irritent?
Le meilleur remède contre le péril
boulangiste n'est pas dans l'elnploi de
cette méthode qui enlève toute liberté
aux candidats comme aux électeurs-
dans
Il est dans la méthode contraire, dans
celle qui permet aux candidats d'oP:
poser programme à programme et qui
laisse aux électeurs la liberté de choi-
si entre ceux qui veulent la revision
et ceux qui veulent le maintien de
la Constitution du 85 février 1875,
etre ceux qui. veulent réaliser les
reforlues qu'ils croient conformes
aux besoins de la démocratie et
ceux qui veulent le maintien du statu
quo, et qui donne en plus au suf-
frage universel la certitude que, de
quelque côté que se portent ses préfé-
rences, c'est toujours un républicain
qui sera nommé et qu'ainsi tout dan-
ger d'aventure est écarté. C'est la
méthode libérale, respectueuse des
droits du suffrage universel et la
seule, par conséquent, qui convienne
dans une démocratie.
Le « XIXe Siècle » publiera demain la
« Chroniques par M. Francisque Sarcey.
UN WATRIN ALLEMAND
Tué à coups de gourdin
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Dortmund, Il mai.
Les grévistes ont arrêté la voiture du
directeur des mines, M. Schrader, qui pas-
sait près de Herlen.
Ils ont tiré M. Schrader hors de sa voi-
ture et l'ont tué à coups de gourdin.
CONDAMNÉ A MORT ET DÉCORÉ
Quelle est cette histoire?
On lit dans les Tablettes des Deux-Cha-
rentes :.
« La promotion des décorés du Cente-
naire offre cette particularité qu'elle com-
prend parmi les nouveaux chevaliers de la
Légion d'honneur un officier de marine
qui a naguère été condamné à mort pour
une faute militaire, très excusable d'ail-
leurs, si excusable même que, comme on
le voit, elle n'a pas laissé de souvenirs dans
l'esprit de ses chefs. »
Qu'est-ce que cela veut dire? Quelle est
cette « faute militaire excusable » pour la*
quelle on condamne un officier de marine
4 la peine de mort, pas plus ?
Nous demandons quelques légers éclair-
cissements.
UNE CENTENAIRE
(DE NOTRK.CORRESPONDANT PARTICULIER)
Amiens, 11 mai.
L'état civil d'Amiens, à la date d'hier, por-
tait la mention suivante, assez rare pour que
je vous la signale :
DÉCÈS. — IVargnier Clotilde, cent ans deux
mois, sans profession; veuve Lépicier.
LE VRAI NOM DE M. NUMA GILLY
Une découverte
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Nimes, 11 mai.
Le Petit Midi annonce que Numa Gilly
est un pseudonyme ; car on vient de décou-
vrir, dans les registres de l'état civil de
Sommières, lieu de naissance de M. Numa
Gilly, que son véritable nom est Gilles.
Le Petit Midi ajoute que la découverte de
ce fait pourrait bien faire infirmer l'arrêt de
la cour d'assises de Bordeaux.
DÉSORDRES GRAVES EN ITALIE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Terni, 11 mai.
Les désordres ont été excessivement gra-
ves, Pour la première fois en Italie, on ne s'est
pas borné à crier : « A bas Crispi! » ou « Vive
la Révolution sociale ! "i on a crié : « A bas le
roi! à bas la reine! à bas la monarchie! » De
là, la fureur des troupes et les charges d'in-
fanterie it tié cavalerie
LE BANQUET
DE L'HOTEL DE VILLE
ALLOCUTION DE M. CARNOT
Une fête admirable. — Les valets de
pied du lord-maire. — Le prési-
dent ds la République et sa
suite. — Les invités. —
Quelques noms.
Le banquet offert par la Ville de Paris
aux collaborateurs principaux de l'Expo-
sition et aux représentants des municipa-
lités de France et étrangères a été admira-
blement réussi.
Vers six heures, les invites se pressaient
sur l'escalier double qui conduit à la salle
des Fêtes.
En haut de l'escalier, se tenaient le préfet
de la Seine et M. Chautemps, président du
conseil municipal, recevant les invités de
la municipalité de Paris.
Précédé de dix valets de pied poudrés,
chamarrés d'or, culotte de panne jaune,
gilets blancs, habits bleus à larges galons,
apparait le lord-maire de Londres, en ha-
bit de velours noir, culotte courte, portant
le grand collier et tous ses ordres, qui
monte l'escalier à son tour, et est très affa-
blement reçu par MM. Poubelle et Chau-
temps, qui lui font les honneurs comme à
un collègue qui réunirait leurs attributions
à tous les deux.
M. Carnot
Enfin, à 6 h.. le commandement : Por-
tez armes! présentez armes! retentit. Les
gardes républicains qui font la haie obéis-
sent au commandement et le président de
la République, que MM. Poubelle et Chau-
temps ont été recevoir au bas de l'escalier,
apparaît entouré de tous les officiers de sa
maison militaire en grande tenue.
Dès qu'il est arrivé au haut de ces esca-
liers,on envahit la salle des Fêtes où a lieu
le banquet.
Douze tables et une table d'honneur oc-
cupent la longueur de l'immense salle,
dont les arceaux sont garnis de superbes
portières brodées aux armes de la Ville.
A six heures trente-cinq, on s'assied aux
sons de la Marseillaise, jouée en andante
par la musique de la garde républicaine.
Dire la foule des invités marquants est
impossible. Citons tous les ministres, les
présidents du Sénat et de la Chambre, de
nombreux députés et sénateurs, tous les
conseillers municipaux et généraux, les
aldermen de la ville de Londres, ayant cha-
cun derrière eux leur valet de pied éblouis-
sant de dorures;
MM. Jules Simon, Lockroy, l'amiral Pey-
ron, l'amiral Duperré, Allain-Targé, Chris-
tophle, Emmanuel Arène, notre directeur
M. A.-Edouard Portalis, Hébrard, le géné-
ral Tcheng-Ki-Tong, Ambroise Thomas,
Eiffel, Pasteur, Meissonier, les généraux
Carrey de Bellemare, Coste, Billot, Rous-
selle, Haillot, etc., ainsi que le chargé d'af-
faires de la République de Saint-Marin.
A la table d'honneur, placée juste au fond
de la salle, prennent place aux cotés du
président de la République : MM.Chautemps,
Le Royer, Tirard, Beyens,Spuller,le minis-
tre de la République Dominicaine, de Frey-
cinet, le ministre de de l'Uruguay, l'amiral
Krantz, à droite; MM. Poubelle, OOzé, Mé-
line, Nazar-Aga, ministre de Perse, Thé-
venet, Lard y, ministre de Suisse, Constans,
Fernandez, ministre du Mexique, Rouvier,
à gauche.
En face se trouvent MM. Floquet, Ma-
gnin,sir Polydorde Keyser,le général Saus-
sier, Alphand, le général Brugère, le colo-
nel Lichtenstein, Berger, le lord-maire de
Londres, Humbert, le bourgmestre d'Ams-
terdam, Jacques et Challemel-Lacour.
Quatre-vingts maîtres d'hôtel faisaient le
service, tandis que, cachés par une tenture,
l'orchestre de la garde républicaine, la so-
ciété chorale des Enfants de Lutèce et l'or-
chestre de M.Colonne faisaient entendre ou
la Marche hongroise de Berlioz, ou la Muette
de Portici, ou l'ouverture du Carnaval de
Venise.
Disons encore qu'au banquet assistaient
tous les doyens des différents services mu-
nicipaux, tels que le doyen des balayeurs,
des cantonniers, des pontonniers, ainsi que
le doyen des Invalides, vieux brave encore
très vert, décoré de la Légion d'honneur et
de la médaille militaire.
Discours de M. Chautemps
Naturellement, le premier discours de-
vait être prononce par le président du con-
seil municipal qui, au nom de Paris, rece-
vait à l'Hôtel de Ville. Après avoir remercié
M. Carnot d'avoir accepté l'invitation, il
dit ;
Le spectacle qui s'offre à nos yeux, mes-
sieurs, n'est pas sans grandeur : autour du
chef de l'Etat se trouvent placés messieurs les
présidents du Sénat et de la Chambre; les
membres du gouvernement; les chefs de nos
vaillantes armées de terre et de mer, de nos
diverses magistratures, et de toutes les gran-
des institutions de l'Etat et de la Cité; les
hommes les plus éminents du monde' des
sciences, des lettres et des arts; les délégués
du commerce et de l'industrie, et, à côté u'eux,
des ouvriers et des agents les plus modes-
tes de nos diverses administrations ; nous
avons aussi convié les chefs des municipalités
des principales villes de France, et il n'est
pas téméraire de dire que nous avons dans
cette enceinte comme une image de la na-
tion.
Il constate que « la France est ici pour
affirmer l'amour des peuples pour la paix
et pour proclamer de nouveau la frater-
nité de tous les hommes » ; il rappelle les
fêtes du Centenaire, « qui sont les fêtes de
la civilisation, les fêtes de l'humanité »,
puis, après avoir levé son verre à tous les
représentants des puissances, M. Chau-
temps boit à M. Carnot.
De vifs applaudissements accueillent
cette allocution.
Réponse du président de la
République.
M. Carnot remercie, et, après avoir « sa-
lué tous nos hôtes français et étrangers et
rendu hommage à tous ceux qui ent con-
tribué à la splendeur de l'Exposition », il
ajoute :
Parmi ces collaborateurs qui ont droit à no-
tre gratitude, il en est un qu'il ne vousappar-
tenait pas, Monsieur le président, de signaler
vous-même à nos acclamations. C'est la ville
de Paris, dont vous êtes le représentant, qui a
largement participé aux efforts couronnés
d'un succès sans précédent; c'est cette admi-
rable cité dont nous avons le droit d'être fiers,
cette ruche de travail qui ne se laisse pas
émouvoir par de stériles agitations, ni dé-
tourner de son pacifique labeur; ce foyer de
lumière vers lequel sont tournés les regards
du monde e itier, cette patrie de l'art et du
goût, où l'on vient se retremper comme à une
source vivifiante.
La ville de Paris a beaucoup fait pour le
succès de l'Exposition, et cette population
vaillante et souriante, qui vient de célébrer
avec tant d'éclat notre grande fête patrioti-
que, peut revendiquer une bonne part de no-
tre reconnaissance.
Sa tâche n'est pas achevée. Mais celle qui
reste à accomplir lui sera facile, car elle ré-
pond au génie de la cité accueillante et hos-
pitalière. Tous les peuples trouveront i Paris
cette cordialité sympathique qui en lait si
vite pour les étrangers une patrie nouvelle;
et nos hôtes ne nous quitteront pas sans em-
porter cette conviction profonde que la France
travaille a la paix du monde et à la fraternité
dos peuples.
Au nom do la France, messieurs, je bois à
la ville de Paris !
Chaque phrase du discours de M. Carnot
est coupée d'applaudissements, et c'est au
milieu des cris de : « Vive Carnot! Vive la
République ! » que se termine son allocu-
tion.
Après le banquet
A neuf heures quinze le banquet était
terminé, et on descendait à la salle des
Gardes pour prendre le café.
Pour y accéder on traversait la cour cen-
trale, décorée de lustres en verres jaunes
qui donnaient une nuance charmante à un
parterre improvisé encadrant le groupe
Gloria v£ctis! de MercIÓ.
C'était au milieu des uniformes les. plus
variés et des costumes éclatants des re-
présentants des nations étrangères, dans
cette salle des Gardes, si réussie comme
architecture, que les conseillers munici-
paux faisaient de la manière la plus affa-
ble les honneurs de leur palais munici-
pal.
La réception qui a suivi a été très bril-
lante.
Ou y remarquait un très grand nombre
de dames.
A onze heures, M. Carnot s'est retiré, sa-
lué par les acclamations de la foule qui
couvrait la place de l'Hôtel-de-Ville.
DISCOURS DE M. CHAUTEMPS
Une histoire de coupures. — A pren-
dre ou à laisser. — M. Chau-
temps finit par accepter.
On nous raconte une histoire aussi amu-
sante que véridique, touchant le discours
prononcé hier soir au banquet de l'Hôtel
de Ville par M. Chautemps, discours qui,
d'ailleurs, a reçu l'approbation de tous les
convives.
Ce discours avait été communiqué, sui-
vant l'usage, au président de la Républi-
que et au conseil des ministres, qui y fit
de nombreuses et larges coupures.
M. Chautemps présenta des observations;
il fit quelque difficulté à accepter ces cor-
rections. On lui répondit que c'était àpren-
dre ou à laisser et que, dans le cas où il
n'accepterait pas, personne ne prendrait la
parole au banquet.
En présence de cette alternative, M. Chau-
temps a galamment consenti à la suppres-
sion de la partie de son discours à laquelle
il paraissait le plus tenir, et il n'a pas eu à
s'en repentir puisque son discours a sou-
levé d'unanimes applaudissements.
PANAMA ------
UNE BONNE NOUVELLE
L'appui du gouvernement. — Le 3 so-
ciétés de crédit. — Une émission.
Les articles que nous avons publiés sur
la question de Panama ont enfin porté
leurs fruits, car c'est à la France que l'on
se décide enfin à demander les fonds néces-
saires à l'entretien, dans l'isthme, du ma-
tériel et des travaux exécutés, et cela pen-
dant le temps nécessaire aux études d'une
nouvelle commission d'ingénieurs à en-
voyer sur place, afin de reconnaître ce qui
reste sérieusement à faire pour l'achève-
ment du canal.
On sait que cette étude est reconnue in-
dispensable par tout le monde pour arri-
ver sûrement à la constitution d'une so-
ciété française d'achèvement qui n'ait plus
devant elle d'aléas inconnus.
On estime qu'il devra s'écouler au moins
huit ou dix mois avant que cette commis-
sion soit en état de déposer un rapport
probant et qu'une solution soit interve-
nue entre la nouvelle société à créer et les
intéressés de la compagnie de Panama en
liquidation.
Dépenses transitoires
Pendant ce temps-là, il faut que la liqui-
dation vive, que l'important matériel
transporté dans l'isthme soit entretenu
prêt à fonctionner, et que les travaux ac-
complis soient préservés de toute dégrada-
tion.
On évalue à 1,500,000 francs par mois au
minimum le montant de ces dépenses.
Avec quelques créances qu'il est urgent
d'éteindre, c'est une somme de 16 millions
que doit se procurer la compagnie.
Jusqu'à présent, M. Brunet avait inutile-
ment lutté contre des mauvais vouloirs
systématiques ou contre des difficultés lé-
gales que lui créait l'état de suspension de
paiement de l'entreprise.
On annonce aujourd'hui que le gouver-
nement serait disposé à intervenir, en de-
mandant le concours de quelques-uns de
nos grands établissements de crédit.
Nouveau projet
Mardi, très probablement, le conseil des
ministres aura à délibérer sur un projet
financier qui a été élaboré entre M. Brunet
et la Banque d'escompte.
Le projet auquel on s'est arrêté consiste-
rait à émettre 1,500,000 bons de 25 francs,
à lots, remboursables à 100 francs en
soixante-quinze ans.
Cette émission produirait une somme de
37,500,000 francs, sur lesquels la compagnie
de Panama toucherait 16 millions, et le sur-
plus serait destiné à la reconstitution du
capital et à la formation des lots.
Nul ne peut prévoir l'issue qui sera don-
née à ce projet; mais ce que nous avons
cru utile de signaler, c'est que le gouver-
nement, aussi bien qu'un certain nombre
de nos établissements de crédit, commence
à se préoccuper des intérêts du grand
nombre de petits capitalistes engagés dans
l'affaire
L'ÉLECTION DE CHARENTON
Bulletins indûment supprimés
On sait que le général Boulanger a été
battu, il y a quelques jours, au scrutin de
ballottage pour l'élection d'un conseiller
d'arrondissement à Charenton.
Le conseil d'Etat vient d'annuler les ré-
sultats donnés par la commission de re-
censement, un certain nombre de bulletins
portant le nom du général yant été indû-
ment supprimés.
CHRONIQUE
On s'égaye fort chez nous, depuis quel-
ques jours, du projet d'un membre du
Parlement anglais, M. Atkinson, qui a
demandé de séveres pénalités contre les
M oisifs M qui s'avisent de suivre les fem-
mes dans les rues de Londres. Il ne ré-
clame rien moins que de la prison et de
fortes amendes contre ces indiscrets ad-
mirateurs du beau sexe. Voici ceux de
nos compatriotes qui passeraient le dé-
troit, cet été, prévenus. Qu'ils ne s'avi-
sent point de porter des regards, avec
quelque persistance, vers un joli visage!
Ils s'exposeraient à de redoutables châti-
ments.
Ces accès de la pudeur anglaise, si faci-
lement effarouchée, nous font toujours
un peu sourire. C'est que nous savons,
par les échos qui nous arrivent,de temps
en temps, de certains scandales judiciai-
res, qu'ils ne prouvent pas grand'chose.
Nous avons encore présentes à la mé-
moire quelques histoires de vieux mes-
sieurs à la recherche de « fraîches jeu-
nesses », selon l'expression de la Pall
Mail Gazette, qui paraissent infiniment
plus graves que ces hommages, fussent-
ils malavisés, adressés à une femme qui
passe. Les Anglais ont vite fait de voir
une sorte de crime là où nous ne voyons
qu'une innocente galanterie. Leur mora-
lité générale, cependant, ne semble guère
supérieure à la nôtre. L'infortuné colonel
Baker, mort il y a deux ans, porta lour-
dement le poids d'une faute vénielle,
qu'il racheta par des actes d'héroïsme
en Orient, ayant dù, pour un baiser pris
en wagon à une jeune personne qui ne
lui paraissait pas farouche, quitter l'ar-
mée réguliere, à peu près déshonoré aux
yeux de ses susceptibles compatriotes.
Mais d'odieuses affaires de viols et d'at-
tentats contre des enfants nous sont fré-
quemment révélées, et nous pouvons être
mis au fait d'abominables dépravations
dans les hautes classes de la société bri-
tannique. Dans toutes ces propositions
répressives au sujet de bagatelles, il
nous est difficile de ne pas être frappés
de quelque hypocrisie.
Mais le fait mème de supposer que les
femmes « suivies», à Londres, courent un
danger, témoigne d'une brutalité dans
les mœurs anglaises. A Paris, le suiveur
de femmes est un personnage beaucoup
moinsinquiétant. Aucune femme, a moins
d'être, par hasard, en butte aux grossiè-
res assiduités d'un goujat, ne s'alarme
beaucoup d'être l'objet de l'attention d'un
promeneur qui s'attache à ses pas. Elle
sait très bien, par son attitude, le déCOU-
rager et se défendre toute seule, sans
qu'il soit besoin de faire employer contre
lui des mesures de rigueur. Elle a, pour
cela, une discrète stratégie qui lui réus-
sit toujours, pour se débarrasser de cet
importun. Celles-là seules qui veulent
bien l'être sont suivies longuement et de
près, et leur cas, alors, est fort peu inté-
ressant.* Une honnête femme peut être,
un moment, gênée par la trop vive cu-
riosité d'un passant mal élevé, mais elle
a assez de tact pour la déjouer bien vite.
Au reste, il faut être un sot d'une bien
singulière fatuité pour espérer quelque
bonne fortune d'une rencontre dans la
rue avec une inconnue, et si l'aventure
s'accentuait, il n'y aurait pas lieu d'en
être bien fier. C'est ce raisonnement qui
fait que le « Monsieur qui suit les fem-
mes » est, à Paris, un être d'une essence
très particulière. Il est, tout d'abord, ab-
solument désintéressé; et il ne souhaite
nullement un dénouement à la course
au hasard qu'il accomplit sur les traces
de celle qu'il a remarquée. Et non seule-
ment il est désintéressé, mais il est en-
core respectueux et son plus grand souci
est de ne point faire deviner son manège.
Et c'est le point important, en effet.
C'est un dilettante, ravi d'observer, dans
sa démarche, dans ses allures gracieuses,
dans la mobilité charmante de son main-
tien, quelque séduisante Parisienne. Il la
contemple - en artiste, avec mille ten-
dresses des yeux.11 la compare aux autres,
il détaille ses perfections. Si elle était
prévenue, elle se mettrait instinctivement
sur la défensive, elle quitterait cet air
naturel qui est précisément ce qui l'a-
muse, elle irait peut-être d'un pas plus
pressé, ou, si elle se sentait un peu apeu-
rée, elle se réfugierait dans un magasin
ou elle monterait en voiture. Et c'est lui
qui serait dupé. Toute sa diplomatie, A
lui, doit donc consister à garder une at-
titude indifférente, qui n'inspire point
de soupçons, à se tenir à distance, à pas-
ser inaperçu dans la foule.
Ce plaisir raffiné lui suffit de choisir,
de loin, cette jolie femme comme sujet
d'études plastiques. et psychologiques
aussi. Car, une fois qu'il a passé la revue
de sa toilette, qu'il a constaté l'exquise
élégance do cette silhouette féminine,
qu'il s'est donné la première joie d'un
spectacle aimable, il se pose de passion-
nantes questions. Etant donnés les élé-
ments qu'il a en sa possession, les infor-
mations que lui apporte son enquête at-
tentive, il s'agit maintenant de savoir
qui elle est, où elle va, pourquoi elle est
sortie à pied, ce qu'elle a dans la tête,
de reconstituer sa personnalité au moyen
de petits indices. Et mille hypothèses se
présentent, qui sont à vérifier. Ses goûts
peuvent, jusqu'à un certain point, se de-
viner par les stations qu'elle fait devant
les boutiques; mais cela encore est trom-
peur; un « suiveur » expert ne se con-
tente point de banales apparences. Il a
d'autres moyens plus subtils de se ren-
seigner. Un geste, à peine perceptible
pour d'autres, l'éclaire, lui ouvre des
horizons; les coups d'œil qu'elle jette
autour d'elle font deviner une « révoltée »
ou une résignée. Pourquoi hâte-t-elle sa
marche tout à coup? Qui l'attend chez
elle? Une existence de femme se dessine
ainsi dans une innocente rêverie oui suit
son cours, les yeux sur le « sujet » qui, à
son insu, est ainsi le prétexte de tarit da
réflexions suggestives.
Et quel triomphe d'amour-propre si.
par hasard, l'événement vient confirmer
les suppositions faites! La jeune femme
suivie est entrée dans une maison telle
qu'on avait pressenti qu'elle dût être,
tranquillement, posément, avec une
conscience sûre ; ou bien furtivement,
avec je ne sais quel petit frisson qui trahit
l'inquiétude, elle s'est glissée rapidement
sous une porte, disparaissant brusque-
ment.
Le « suiveur » a des espérances et des
déceptions, sans aucune arrière-pensée
d intervention. Au reste, à l'étudier ainsi,
son « sujet », ce n'est pas toujours
une sorte d'affection qu'il éprouve à son
égard. Il peut fort bien arriver à le haïr,
a se convaincre que cette aimable per-
sonne, dont il a ingénieusement relevé
les instincts se trahissant par de très
menus faits savamment analysés, n'est
qu un joli monstre, et il se prend bonne-
ment a plaindre son mari ou son amant.
Sur cette femme dont il ignore tout, son
opinion est bien établie: il se sent posi-
tivement son ennemi. Mais, d'autres fois
aussi, une sympathie le gagne, et c'est
avec quelque mélancolie que, las de ses
investigations, il voit disparaître, au dé-
tour d'une rue, cette inconnue qu'il ne
reverra jamais, pour laquelle il se sen-
tait un chevaleresque dévouement, et qui
lui échappe. Qui sait, s'il l'eût rencontrée
autre part ! Il y a des liens mystérieux,
des aihnités siugulieres entre les êtres
humains. Il s? dit tout cela, en empor-
tant le souvenir d'une vision très douce,
et cela lui est motif à philosopher un
peu, tandis que la gracieuse créature qui
s'éloigne ne se doute même pas qu'elle a
été epiée et qu'elle oceupait tant le cer-
veau d'un passant ignoré, très galant
homme qui, tout en la suivant opiniâ-
trement, ne se serait point permis la
moindre incorrection à son égard.
C'est le vrai « suiveur de femmes » pa-
risien que celui-là, virtuose de l'obser-
vation, collectionneur de documents fé-
minins, ne se plaisant qu'aux plaisirs
délicats d'une expérimentation raffinée,
incapable de la moindre incartade irres-
pectueuse. Tout autre, s'il est mù par de
grossiers désirs, est indigne de porter
« ce beau titre ». Ce n'est plus qu'un rô-j
deur en quête de banales aventures.
Paul Ginisty.
BUFFALO-BILL
Plaintes entendues. — La vaccination.
Les plaintes des habitants de Neuilly, quo
mous avons signalées au sujet de la pro-
chaine installation de la troupe lluffalo.
Bill, ont été entendues.
Hier, en effet, une dépêche ministérielle
est arrivée au Havre, enjoignant de ne pas
laisser débarquer les fils des pampas avant
de les avoir soumis à l'opération de !a vac*
| | cination.
En conformité de cette prescription, le.
remorqueur Toarville, ayant à son bord le
docteur Launay, assisté de M. Sauclières,
chef du bureau d'hygiène, est sorti à qua-
tre heures pour aller au-devant du Persiàn*
ilionai-ch, afin de soumettre les guerriers
jusqu'alors indomptés à la piqûre jenno-
rienne.
LES SCANDALES
DU
LABORATOIRE MUNICIPAL
M. GIRARD DOIT ETRE CHASSÉ
M. Girard et les autres.- ]Responsable:&
e:, coupables. - Honteux scandales.
- Le lait et la santé des en-
fants. — M. Girard mérite
la cour d'assises.
Nous avions toujours pensé qu'après les
révélations accablantes faites par le XIXf.
Siècle contre le chef du Laboratoire muni-
cipal, M. Lozé, préfet de police, tiendrait à
dégager sa responsabilité en provoquant
une enquête pour vérifier l'exactitude des
faits avancés.
Nous avions toujours pensé que le prési*
dent actuel du conseil municipal, M. la
docteur Chautemps. tout récemment en..
core président de la commission de con
trôle du Laboratoire municipal, trouverait
là une bonne occasion de se faire pardon-
ner les complaisances coupables dont il 3
toujours usé vis-à-vis de M. Charles Girard.
Nous avions toujours pensé, enfin, qua
l'un des membres de la commission deeon.
trôle, composée de MM. Lamouroux, Chaut
temps, Brousse, Benon, Chassaing, Fous-
sier, Jacques, Levraud, Lyon-Alemand et
Emile Richard, sommerait ladite commis-
sion de remplir enfin son rôle.
Puisqu'il n'en est rien, puisque les pré-
posés les plus directs à la sauvegarde de
la santé publique gardent un mutisme que
les accusations les plus graves ne peuvent
troubler, nous sommes bien forcés de re-
chercher quelle part de culpabilité leur re-
vient dans cette succession de hontes qui
se poursuivent * scandaleusement depuis
plus de dix ans.
Avant d'entrer dans cette nouvelle voie,
nous tenons, pour l'édification de la jus-
tice, pour l'édification des conseillers mu-
nicipaux qui ne sont pas encore compro-
mis, pour l'édification de la conscience
publique, à révéler de nouveaux faits qui
établiront une fois de plus que le chef du
Laboratoire municipal professait la falsifi-
cation au bénéfice de grandes sociétés d'ali-
mentation dont il était le « chimiste-con-
seil. »
Le scandale
Il nous revient de divers côtés, sans que
nous puissions établir la preuve matérielle
absolue, que M. Charles Girard touche
annuellement d'une grande entreprise de
laiterie, les uns disent 30,000, les autres
A0,000 francs, pour indiquer des moyens de
falsification du lait qui soient à l'abri des
analyses faites par les chimistes du Labo-
ratoire municipal. On sait, d'ailleurs,
quels procédés sommaires d'analyse M. Ch.
Girard a imposés à ses chimistes pour les
laLts.
VoiC.i les faits. Comme nous n'affirmons
absolument que ceux dont nous avons les
JOURNAL REPUBLICAIN -
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Lee abonnement* partmi do* l" et 15 de chaque lM"
LE
BANOUET DE L'EXPOSITION
LES SCANDALES DE M. GIRARD
Le directeur dîne usine allemande
« WATRINÉ »
Les boulangistes à Saint-Ouen
UN DRAME EN SEINE
MÉTHODES
ÉLECTORALES
On se consulte sur l'attitude que le
parti républicain doit prendre devant
le corps électoral. M. Henry Maret es-
time que ce doit être une attitude
d'union et de concorde, et M. Ranc
prêche aussi l'apaisement. Il admo-
neste M. Ferry, qui range les révision-
nistes de gauche parmi les adversaires
de la République, et il gourmande
M* Millerand pour avoir annoncé à
Mâcon qu'aux élections prochaines
ses amis et lui combattraient avec la
même ardeur la réaction et le boulan-
gisme d'une part et l'opportunisme de
l'autre. S'il faut l'en croire, ces divi-
sions du parti républicain vont faire
la place nette au boulangisme et à la
réaction, qui n'auront plus qu'à s'ins-
taller.
Donc, suivant M. Maret, comme au
gentiment de M. Ranc, c'est une coa-
lition qu'il faut opposer à une coali-
tion. Tous ceux qui se réclament du
comte de Paris, du prince Victor, du
général Boulanger s'étant réunis dans
un camp, il faut mettre dans l'autre
tous ceux qui ne veulent ni de la
royauté, ni de l'empire, ni du boulan-
gisme, et, à cette cohorte confuse, il
faut donner pour chef, suivant les cir-
conscriptions, celui qui a le plus de
chances de succès, ici un radical et là
un modéré, ainsi que nous l'expliquait
M. Ranc lui-même dans un récent ar-
ticle où il recommandait au parti ré-
publicain l'étude d'une branche spé-
ciale de la géographie, qu'il appelait
la c, géographie électorale M.
Cette méthode, c'est, en aetinitive,
celle que le parti républicain a pres-
que toujours suivie. Du temps de l'As-
semblée nationale, il s'unissait, aux
élections partielles, pour disputer aux
monarchistes une majorité toujours
instable. Au Seize-Mai, il s'imposait
une discipline rigoureuse pour résis-
ter au gouvernement de M. de Broglie
et pour contraindre le maréchal à se
soumettre. En 1881, on lui recomman-
dait la même discipline contre la coa-
lition monarchique de l'Union conser-
vatrice, et, en 1885, on lui vantait la
concentration contre le même adver-
-- saire - --
Nous ne vouions pas aire qu'elle
n'ait pas rendu des services, qu'elle
n'ait pas contribué à fonder la Répu-
blique et à habituer le pays à la
forme républicaine du gouvernement,
ni même qu'après le Seize-Mai elle n'ait
pas été l'instrument indispensable du
salut. Mais si elle a eu ce mérite, elle
a aussi d'énormes inconvénients et
particulièrement celui d'être un obs-
tacle à la marche du gouvernement.
Qui ne voit en effet que, dans ce do-
sage artificiel, chaque parti cherche à
avoir pour lui la majorité ou du moins
à empêcher ses adversaires de l'avoir?
De là des forces à peu près égales,
, mais opposées entré , elles, qui se pa-
ralysent; et, en résumé, ce sont les droi-
tiers, c'est-à-dire les adversaires sys-
tématiques du régime républicain,
qui deviennent les arbitres de la Cham-
bre et qui tiennent dans leurs mains
les destinées des ministères et les clés
du gouvernement.
Le mal de cette situation s'est ré-
vélé dans toute son étendue avec la
Chambre actuelle. C'est cette instabi-
lité jointe à cette impuissance qui
ont irrité les esprits, - qui ont suscité
les mécontentements et qui ont pro-
voqué dans le pays une telle exaspé-
ration, que l'avenir même du régime
républicain a pu, parfois, sembler
compromis. Croit-on que pour assu-
rer cet avenir, pour calmer les mécon-
tentements et pour faire disparaître
les inquiétudes, il convienne de con-
tinuer les mêmes errements qui ont
ébranlé la confiance et fatigué le pays?
Il ne peut y avoir un homme jouis-
sant de quelque bon sens qui soit dis-
posé à répondre affirmativement à une
telle question, et c'est cependant à ce
résultat qu'aboutirait la politique d'u-
nion, de concorde, d'apaisement dont
on nous vante les vertus.
Cette politique, nous voulons l'ad-
mettre, triomphera sur toute la ligne
de la coalition monarchique, bonapar-
tiste et boulangiste. Et après? Elle
nous donnera une majorité qui se dis-
loguera dès qu'il s'agira de faire autre
chose qu'une politique de résistance
contre la coalition vaincue, qui se di-
visera, sur les questions économiques
et sur les questions sociales, sur les
questions budgétaires et sur les ques-
tions politiques, qui continuera à ren-
verser les ministères comme des capu-
cins de cartes, qui nous donnera de
nouveau le spectacle de l'impuissance
et de l'instabilité. Et n'est-il pas à
craindre, cette fois, que le triomphe
apparent de la République ne précède
que de peu de temps sa chute défini-
tive?
Encore prenons-nous ici l'hypothèse
la plus favorable. Mais l'élection du
S7 janvier nous a montré qu'il fallait
se défier de l'excès d'optimisme, même
dans les circonscriptions qui parais-
sent le plus fermement acquises à la
République. Le mécontentement accu-
mulé par l'impuissance parlementaire
a déterminé dans bien des endroits
un courant en faveur de la revision.
A ceux qui se plaignent de l'immobi-
lité, de la timidité des réformes pro-
posées, de l'échec final qu'elles subis-
sent la plupart du temps, on va offrir
un programme négatif; on va leur
demander de voter contre ceux qui,
flattant habilement toutes les espé-
rances, font luire aux yeux tout un
avenir de réformes, réformes politi-
ques, réformes sociales, et surtout ré-
formes constitutionnelles. On prétend
empêcher les candidats de soutenir
leur programme, de parler de revi-
sion, de parler de réformes. On pré-
tend imposer aux électeurs un candi-
dat géographique. Ne voit-on pas que
l'on expose les électeurs à la tentation
d'envoyer promener la géographie
électorale et ses malheureux représen-
tants, et de se jeter dans les bras de
ceux qui leur promettent de les débar-
rasser des obstacles qui les irritent?
Le meilleur remède contre le péril
boulangiste n'est pas dans l'elnploi de
cette méthode qui enlève toute liberté
aux candidats comme aux électeurs-
dans
Il est dans la méthode contraire, dans
celle qui permet aux candidats d'oP:
poser programme à programme et qui
laisse aux électeurs la liberté de choi-
si entre ceux qui veulent la revision
et ceux qui veulent le maintien de
la Constitution du 85 février 1875,
etre ceux qui. veulent réaliser les
reforlues qu'ils croient conformes
aux besoins de la démocratie et
ceux qui veulent le maintien du statu
quo, et qui donne en plus au suf-
frage universel la certitude que, de
quelque côté que se portent ses préfé-
rences, c'est toujours un républicain
qui sera nommé et qu'ainsi tout dan-
ger d'aventure est écarté. C'est la
méthode libérale, respectueuse des
droits du suffrage universel et la
seule, par conséquent, qui convienne
dans une démocratie.
Le « XIXe Siècle » publiera demain la
« Chroniques par M. Francisque Sarcey.
UN WATRIN ALLEMAND
Tué à coups de gourdin
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Dortmund, Il mai.
Les grévistes ont arrêté la voiture du
directeur des mines, M. Schrader, qui pas-
sait près de Herlen.
Ils ont tiré M. Schrader hors de sa voi-
ture et l'ont tué à coups de gourdin.
CONDAMNÉ A MORT ET DÉCORÉ
Quelle est cette histoire?
On lit dans les Tablettes des Deux-Cha-
rentes :.
« La promotion des décorés du Cente-
naire offre cette particularité qu'elle com-
prend parmi les nouveaux chevaliers de la
Légion d'honneur un officier de marine
qui a naguère été condamné à mort pour
une faute militaire, très excusable d'ail-
leurs, si excusable même que, comme on
le voit, elle n'a pas laissé de souvenirs dans
l'esprit de ses chefs. »
Qu'est-ce que cela veut dire? Quelle est
cette « faute militaire excusable » pour la*
quelle on condamne un officier de marine
4 la peine de mort, pas plus ?
Nous demandons quelques légers éclair-
cissements.
UNE CENTENAIRE
(DE NOTRK.CORRESPONDANT PARTICULIER)
Amiens, 11 mai.
L'état civil d'Amiens, à la date d'hier, por-
tait la mention suivante, assez rare pour que
je vous la signale :
DÉCÈS. — IVargnier Clotilde, cent ans deux
mois, sans profession; veuve Lépicier.
LE VRAI NOM DE M. NUMA GILLY
Une découverte
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Nimes, 11 mai.
Le Petit Midi annonce que Numa Gilly
est un pseudonyme ; car on vient de décou-
vrir, dans les registres de l'état civil de
Sommières, lieu de naissance de M. Numa
Gilly, que son véritable nom est Gilles.
Le Petit Midi ajoute que la découverte de
ce fait pourrait bien faire infirmer l'arrêt de
la cour d'assises de Bordeaux.
DÉSORDRES GRAVES EN ITALIE
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Terni, 11 mai.
Les désordres ont été excessivement gra-
ves, Pour la première fois en Italie, on ne s'est
pas borné à crier : « A bas Crispi! » ou « Vive
la Révolution sociale ! "i on a crié : « A bas le
roi! à bas la reine! à bas la monarchie! » De
là, la fureur des troupes et les charges d'in-
fanterie it tié cavalerie
LE BANQUET
DE L'HOTEL DE VILLE
ALLOCUTION DE M. CARNOT
Une fête admirable. — Les valets de
pied du lord-maire. — Le prési-
dent ds la République et sa
suite. — Les invités. —
Quelques noms.
Le banquet offert par la Ville de Paris
aux collaborateurs principaux de l'Expo-
sition et aux représentants des municipa-
lités de France et étrangères a été admira-
blement réussi.
Vers six heures, les invites se pressaient
sur l'escalier double qui conduit à la salle
des Fêtes.
En haut de l'escalier, se tenaient le préfet
de la Seine et M. Chautemps, président du
conseil municipal, recevant les invités de
la municipalité de Paris.
Précédé de dix valets de pied poudrés,
chamarrés d'or, culotte de panne jaune,
gilets blancs, habits bleus à larges galons,
apparait le lord-maire de Londres, en ha-
bit de velours noir, culotte courte, portant
le grand collier et tous ses ordres, qui
monte l'escalier à son tour, et est très affa-
blement reçu par MM. Poubelle et Chau-
temps, qui lui font les honneurs comme à
un collègue qui réunirait leurs attributions
à tous les deux.
M. Carnot
Enfin, à 6 h.. le commandement : Por-
tez armes! présentez armes! retentit. Les
gardes républicains qui font la haie obéis-
sent au commandement et le président de
la République, que MM. Poubelle et Chau-
temps ont été recevoir au bas de l'escalier,
apparaît entouré de tous les officiers de sa
maison militaire en grande tenue.
Dès qu'il est arrivé au haut de ces esca-
liers,on envahit la salle des Fêtes où a lieu
le banquet.
Douze tables et une table d'honneur oc-
cupent la longueur de l'immense salle,
dont les arceaux sont garnis de superbes
portières brodées aux armes de la Ville.
A six heures trente-cinq, on s'assied aux
sons de la Marseillaise, jouée en andante
par la musique de la garde républicaine.
Dire la foule des invités marquants est
impossible. Citons tous les ministres, les
présidents du Sénat et de la Chambre, de
nombreux députés et sénateurs, tous les
conseillers municipaux et généraux, les
aldermen de la ville de Londres, ayant cha-
cun derrière eux leur valet de pied éblouis-
sant de dorures;
MM. Jules Simon, Lockroy, l'amiral Pey-
ron, l'amiral Duperré, Allain-Targé, Chris-
tophle, Emmanuel Arène, notre directeur
M. A.-Edouard Portalis, Hébrard, le géné-
ral Tcheng-Ki-Tong, Ambroise Thomas,
Eiffel, Pasteur, Meissonier, les généraux
Carrey de Bellemare, Coste, Billot, Rous-
selle, Haillot, etc., ainsi que le chargé d'af-
faires de la République de Saint-Marin.
A la table d'honneur, placée juste au fond
de la salle, prennent place aux cotés du
président de la République : MM.Chautemps,
Le Royer, Tirard, Beyens,Spuller,le minis-
tre de la République Dominicaine, de Frey-
cinet, le ministre de de l'Uruguay, l'amiral
Krantz, à droite; MM. Poubelle, OOzé, Mé-
line, Nazar-Aga, ministre de Perse, Thé-
venet, Lard y, ministre de Suisse, Constans,
Fernandez, ministre du Mexique, Rouvier,
à gauche.
En face se trouvent MM. Floquet, Ma-
gnin,sir Polydorde Keyser,le général Saus-
sier, Alphand, le général Brugère, le colo-
nel Lichtenstein, Berger, le lord-maire de
Londres, Humbert, le bourgmestre d'Ams-
terdam, Jacques et Challemel-Lacour.
Quatre-vingts maîtres d'hôtel faisaient le
service, tandis que, cachés par une tenture,
l'orchestre de la garde républicaine, la so-
ciété chorale des Enfants de Lutèce et l'or-
chestre de M.Colonne faisaient entendre ou
la Marche hongroise de Berlioz, ou la Muette
de Portici, ou l'ouverture du Carnaval de
Venise.
Disons encore qu'au banquet assistaient
tous les doyens des différents services mu-
nicipaux, tels que le doyen des balayeurs,
des cantonniers, des pontonniers, ainsi que
le doyen des Invalides, vieux brave encore
très vert, décoré de la Légion d'honneur et
de la médaille militaire.
Discours de M. Chautemps
Naturellement, le premier discours de-
vait être prononce par le président du con-
seil municipal qui, au nom de Paris, rece-
vait à l'Hôtel de Ville. Après avoir remercié
M. Carnot d'avoir accepté l'invitation, il
dit ;
Le spectacle qui s'offre à nos yeux, mes-
sieurs, n'est pas sans grandeur : autour du
chef de l'Etat se trouvent placés messieurs les
présidents du Sénat et de la Chambre; les
membres du gouvernement; les chefs de nos
vaillantes armées de terre et de mer, de nos
diverses magistratures, et de toutes les gran-
des institutions de l'Etat et de la Cité; les
hommes les plus éminents du monde' des
sciences, des lettres et des arts; les délégués
du commerce et de l'industrie, et, à côté u'eux,
des ouvriers et des agents les plus modes-
tes de nos diverses administrations ; nous
avons aussi convié les chefs des municipalités
des principales villes de France, et il n'est
pas téméraire de dire que nous avons dans
cette enceinte comme une image de la na-
tion.
Il constate que « la France est ici pour
affirmer l'amour des peuples pour la paix
et pour proclamer de nouveau la frater-
nité de tous les hommes » ; il rappelle les
fêtes du Centenaire, « qui sont les fêtes de
la civilisation, les fêtes de l'humanité »,
puis, après avoir levé son verre à tous les
représentants des puissances, M. Chau-
temps boit à M. Carnot.
De vifs applaudissements accueillent
cette allocution.
Réponse du président de la
République.
M. Carnot remercie, et, après avoir « sa-
lué tous nos hôtes français et étrangers et
rendu hommage à tous ceux qui ent con-
tribué à la splendeur de l'Exposition », il
ajoute :
Parmi ces collaborateurs qui ont droit à no-
tre gratitude, il en est un qu'il ne vousappar-
tenait pas, Monsieur le président, de signaler
vous-même à nos acclamations. C'est la ville
de Paris, dont vous êtes le représentant, qui a
largement participé aux efforts couronnés
d'un succès sans précédent; c'est cette admi-
rable cité dont nous avons le droit d'être fiers,
cette ruche de travail qui ne se laisse pas
émouvoir par de stériles agitations, ni dé-
tourner de son pacifique labeur; ce foyer de
lumière vers lequel sont tournés les regards
du monde e itier, cette patrie de l'art et du
goût, où l'on vient se retremper comme à une
source vivifiante.
La ville de Paris a beaucoup fait pour le
succès de l'Exposition, et cette population
vaillante et souriante, qui vient de célébrer
avec tant d'éclat notre grande fête patrioti-
que, peut revendiquer une bonne part de no-
tre reconnaissance.
Sa tâche n'est pas achevée. Mais celle qui
reste à accomplir lui sera facile, car elle ré-
pond au génie de la cité accueillante et hos-
pitalière. Tous les peuples trouveront i Paris
cette cordialité sympathique qui en lait si
vite pour les étrangers une patrie nouvelle;
et nos hôtes ne nous quitteront pas sans em-
porter cette conviction profonde que la France
travaille a la paix du monde et à la fraternité
dos peuples.
Au nom do la France, messieurs, je bois à
la ville de Paris !
Chaque phrase du discours de M. Carnot
est coupée d'applaudissements, et c'est au
milieu des cris de : « Vive Carnot! Vive la
République ! » que se termine son allocu-
tion.
Après le banquet
A neuf heures quinze le banquet était
terminé, et on descendait à la salle des
Gardes pour prendre le café.
Pour y accéder on traversait la cour cen-
trale, décorée de lustres en verres jaunes
qui donnaient une nuance charmante à un
parterre improvisé encadrant le groupe
Gloria v£ctis! de MercIÓ.
C'était au milieu des uniformes les. plus
variés et des costumes éclatants des re-
présentants des nations étrangères, dans
cette salle des Gardes, si réussie comme
architecture, que les conseillers munici-
paux faisaient de la manière la plus affa-
ble les honneurs de leur palais munici-
pal.
La réception qui a suivi a été très bril-
lante.
Ou y remarquait un très grand nombre
de dames.
A onze heures, M. Carnot s'est retiré, sa-
lué par les acclamations de la foule qui
couvrait la place de l'Hôtel-de-Ville.
DISCOURS DE M. CHAUTEMPS
Une histoire de coupures. — A pren-
dre ou à laisser. — M. Chau-
temps finit par accepter.
On nous raconte une histoire aussi amu-
sante que véridique, touchant le discours
prononcé hier soir au banquet de l'Hôtel
de Ville par M. Chautemps, discours qui,
d'ailleurs, a reçu l'approbation de tous les
convives.
Ce discours avait été communiqué, sui-
vant l'usage, au président de la Républi-
que et au conseil des ministres, qui y fit
de nombreuses et larges coupures.
M. Chautemps présenta des observations;
il fit quelque difficulté à accepter ces cor-
rections. On lui répondit que c'était àpren-
dre ou à laisser et que, dans le cas où il
n'accepterait pas, personne ne prendrait la
parole au banquet.
En présence de cette alternative, M. Chau-
temps a galamment consenti à la suppres-
sion de la partie de son discours à laquelle
il paraissait le plus tenir, et il n'a pas eu à
s'en repentir puisque son discours a sou-
levé d'unanimes applaudissements.
PANAMA ------
UNE BONNE NOUVELLE
L'appui du gouvernement. — Le 3 so-
ciétés de crédit. — Une émission.
Les articles que nous avons publiés sur
la question de Panama ont enfin porté
leurs fruits, car c'est à la France que l'on
se décide enfin à demander les fonds néces-
saires à l'entretien, dans l'isthme, du ma-
tériel et des travaux exécutés, et cela pen-
dant le temps nécessaire aux études d'une
nouvelle commission d'ingénieurs à en-
voyer sur place, afin de reconnaître ce qui
reste sérieusement à faire pour l'achève-
ment du canal.
On sait que cette étude est reconnue in-
dispensable par tout le monde pour arri-
ver sûrement à la constitution d'une so-
ciété française d'achèvement qui n'ait plus
devant elle d'aléas inconnus.
On estime qu'il devra s'écouler au moins
huit ou dix mois avant que cette commis-
sion soit en état de déposer un rapport
probant et qu'une solution soit interve-
nue entre la nouvelle société à créer et les
intéressés de la compagnie de Panama en
liquidation.
Dépenses transitoires
Pendant ce temps-là, il faut que la liqui-
dation vive, que l'important matériel
transporté dans l'isthme soit entretenu
prêt à fonctionner, et que les travaux ac-
complis soient préservés de toute dégrada-
tion.
On évalue à 1,500,000 francs par mois au
minimum le montant de ces dépenses.
Avec quelques créances qu'il est urgent
d'éteindre, c'est une somme de 16 millions
que doit se procurer la compagnie.
Jusqu'à présent, M. Brunet avait inutile-
ment lutté contre des mauvais vouloirs
systématiques ou contre des difficultés lé-
gales que lui créait l'état de suspension de
paiement de l'entreprise.
On annonce aujourd'hui que le gouver-
nement serait disposé à intervenir, en de-
mandant le concours de quelques-uns de
nos grands établissements de crédit.
Nouveau projet
Mardi, très probablement, le conseil des
ministres aura à délibérer sur un projet
financier qui a été élaboré entre M. Brunet
et la Banque d'escompte.
Le projet auquel on s'est arrêté consiste-
rait à émettre 1,500,000 bons de 25 francs,
à lots, remboursables à 100 francs en
soixante-quinze ans.
Cette émission produirait une somme de
37,500,000 francs, sur lesquels la compagnie
de Panama toucherait 16 millions, et le sur-
plus serait destiné à la reconstitution du
capital et à la formation des lots.
Nul ne peut prévoir l'issue qui sera don-
née à ce projet; mais ce que nous avons
cru utile de signaler, c'est que le gouver-
nement, aussi bien qu'un certain nombre
de nos établissements de crédit, commence
à se préoccuper des intérêts du grand
nombre de petits capitalistes engagés dans
l'affaire
L'ÉLECTION DE CHARENTON
Bulletins indûment supprimés
On sait que le général Boulanger a été
battu, il y a quelques jours, au scrutin de
ballottage pour l'élection d'un conseiller
d'arrondissement à Charenton.
Le conseil d'Etat vient d'annuler les ré-
sultats donnés par la commission de re-
censement, un certain nombre de bulletins
portant le nom du général yant été indû-
ment supprimés.
CHRONIQUE
On s'égaye fort chez nous, depuis quel-
ques jours, du projet d'un membre du
Parlement anglais, M. Atkinson, qui a
demandé de séveres pénalités contre les
M oisifs M qui s'avisent de suivre les fem-
mes dans les rues de Londres. Il ne ré-
clame rien moins que de la prison et de
fortes amendes contre ces indiscrets ad-
mirateurs du beau sexe. Voici ceux de
nos compatriotes qui passeraient le dé-
troit, cet été, prévenus. Qu'ils ne s'avi-
sent point de porter des regards, avec
quelque persistance, vers un joli visage!
Ils s'exposeraient à de redoutables châti-
ments.
Ces accès de la pudeur anglaise, si faci-
lement effarouchée, nous font toujours
un peu sourire. C'est que nous savons,
par les échos qui nous arrivent,de temps
en temps, de certains scandales judiciai-
res, qu'ils ne prouvent pas grand'chose.
Nous avons encore présentes à la mé-
moire quelques histoires de vieux mes-
sieurs à la recherche de « fraîches jeu-
nesses », selon l'expression de la Pall
Mail Gazette, qui paraissent infiniment
plus graves que ces hommages, fussent-
ils malavisés, adressés à une femme qui
passe. Les Anglais ont vite fait de voir
une sorte de crime là où nous ne voyons
qu'une innocente galanterie. Leur mora-
lité générale, cependant, ne semble guère
supérieure à la nôtre. L'infortuné colonel
Baker, mort il y a deux ans, porta lour-
dement le poids d'une faute vénielle,
qu'il racheta par des actes d'héroïsme
en Orient, ayant dù, pour un baiser pris
en wagon à une jeune personne qui ne
lui paraissait pas farouche, quitter l'ar-
mée réguliere, à peu près déshonoré aux
yeux de ses susceptibles compatriotes.
Mais d'odieuses affaires de viols et d'at-
tentats contre des enfants nous sont fré-
quemment révélées, et nous pouvons être
mis au fait d'abominables dépravations
dans les hautes classes de la société bri-
tannique. Dans toutes ces propositions
répressives au sujet de bagatelles, il
nous est difficile de ne pas être frappés
de quelque hypocrisie.
Mais le fait mème de supposer que les
femmes « suivies», à Londres, courent un
danger, témoigne d'une brutalité dans
les mœurs anglaises. A Paris, le suiveur
de femmes est un personnage beaucoup
moinsinquiétant. Aucune femme, a moins
d'être, par hasard, en butte aux grossiè-
res assiduités d'un goujat, ne s'alarme
beaucoup d'être l'objet de l'attention d'un
promeneur qui s'attache à ses pas. Elle
sait très bien, par son attitude, le déCOU-
rager et se défendre toute seule, sans
qu'il soit besoin de faire employer contre
lui des mesures de rigueur. Elle a, pour
cela, une discrète stratégie qui lui réus-
sit toujours, pour se débarrasser de cet
importun. Celles-là seules qui veulent
bien l'être sont suivies longuement et de
près, et leur cas, alors, est fort peu inté-
ressant.* Une honnête femme peut être,
un moment, gênée par la trop vive cu-
riosité d'un passant mal élevé, mais elle
a assez de tact pour la déjouer bien vite.
Au reste, il faut être un sot d'une bien
singulière fatuité pour espérer quelque
bonne fortune d'une rencontre dans la
rue avec une inconnue, et si l'aventure
s'accentuait, il n'y aurait pas lieu d'en
être bien fier. C'est ce raisonnement qui
fait que le « Monsieur qui suit les fem-
mes » est, à Paris, un être d'une essence
très particulière. Il est, tout d'abord, ab-
solument désintéressé; et il ne souhaite
nullement un dénouement à la course
au hasard qu'il accomplit sur les traces
de celle qu'il a remarquée. Et non seule-
ment il est désintéressé, mais il est en-
core respectueux et son plus grand souci
est de ne point faire deviner son manège.
Et c'est le point important, en effet.
C'est un dilettante, ravi d'observer, dans
sa démarche, dans ses allures gracieuses,
dans la mobilité charmante de son main-
tien, quelque séduisante Parisienne. Il la
contemple - en artiste, avec mille ten-
dresses des yeux.11 la compare aux autres,
il détaille ses perfections. Si elle était
prévenue, elle se mettrait instinctivement
sur la défensive, elle quitterait cet air
naturel qui est précisément ce qui l'a-
muse, elle irait peut-être d'un pas plus
pressé, ou, si elle se sentait un peu apeu-
rée, elle se réfugierait dans un magasin
ou elle monterait en voiture. Et c'est lui
qui serait dupé. Toute sa diplomatie, A
lui, doit donc consister à garder une at-
titude indifférente, qui n'inspire point
de soupçons, à se tenir à distance, à pas-
ser inaperçu dans la foule.
Ce plaisir raffiné lui suffit de choisir,
de loin, cette jolie femme comme sujet
d'études plastiques. et psychologiques
aussi. Car, une fois qu'il a passé la revue
de sa toilette, qu'il a constaté l'exquise
élégance do cette silhouette féminine,
qu'il s'est donné la première joie d'un
spectacle aimable, il se pose de passion-
nantes questions. Etant donnés les élé-
ments qu'il a en sa possession, les infor-
mations que lui apporte son enquête at-
tentive, il s'agit maintenant de savoir
qui elle est, où elle va, pourquoi elle est
sortie à pied, ce qu'elle a dans la tête,
de reconstituer sa personnalité au moyen
de petits indices. Et mille hypothèses se
présentent, qui sont à vérifier. Ses goûts
peuvent, jusqu'à un certain point, se de-
viner par les stations qu'elle fait devant
les boutiques; mais cela encore est trom-
peur; un « suiveur » expert ne se con-
tente point de banales apparences. Il a
d'autres moyens plus subtils de se ren-
seigner. Un geste, à peine perceptible
pour d'autres, l'éclaire, lui ouvre des
horizons; les coups d'œil qu'elle jette
autour d'elle font deviner une « révoltée »
ou une résignée. Pourquoi hâte-t-elle sa
marche tout à coup? Qui l'attend chez
elle? Une existence de femme se dessine
ainsi dans une innocente rêverie oui suit
son cours, les yeux sur le « sujet » qui, à
son insu, est ainsi le prétexte de tarit da
réflexions suggestives.
Et quel triomphe d'amour-propre si.
par hasard, l'événement vient confirmer
les suppositions faites! La jeune femme
suivie est entrée dans une maison telle
qu'on avait pressenti qu'elle dût être,
tranquillement, posément, avec une
conscience sûre ; ou bien furtivement,
avec je ne sais quel petit frisson qui trahit
l'inquiétude, elle s'est glissée rapidement
sous une porte, disparaissant brusque-
ment.
Le « suiveur » a des espérances et des
déceptions, sans aucune arrière-pensée
d intervention. Au reste, à l'étudier ainsi,
son « sujet », ce n'est pas toujours
une sorte d'affection qu'il éprouve à son
égard. Il peut fort bien arriver à le haïr,
a se convaincre que cette aimable per-
sonne, dont il a ingénieusement relevé
les instincts se trahissant par de très
menus faits savamment analysés, n'est
qu un joli monstre, et il se prend bonne-
ment a plaindre son mari ou son amant.
Sur cette femme dont il ignore tout, son
opinion est bien établie: il se sent posi-
tivement son ennemi. Mais, d'autres fois
aussi, une sympathie le gagne, et c'est
avec quelque mélancolie que, las de ses
investigations, il voit disparaître, au dé-
tour d'une rue, cette inconnue qu'il ne
reverra jamais, pour laquelle il se sen-
tait un chevaleresque dévouement, et qui
lui échappe. Qui sait, s'il l'eût rencontrée
autre part ! Il y a des liens mystérieux,
des aihnités siugulieres entre les êtres
humains. Il s? dit tout cela, en empor-
tant le souvenir d'une vision très douce,
et cela lui est motif à philosopher un
peu, tandis que la gracieuse créature qui
s'éloigne ne se doute même pas qu'elle a
été epiée et qu'elle oceupait tant le cer-
veau d'un passant ignoré, très galant
homme qui, tout en la suivant opiniâ-
trement, ne se serait point permis la
moindre incorrection à son égard.
C'est le vrai « suiveur de femmes » pa-
risien que celui-là, virtuose de l'obser-
vation, collectionneur de documents fé-
minins, ne se plaisant qu'aux plaisirs
délicats d'une expérimentation raffinée,
incapable de la moindre incartade irres-
pectueuse. Tout autre, s'il est mù par de
grossiers désirs, est indigne de porter
« ce beau titre ». Ce n'est plus qu'un rô-j
deur en quête de banales aventures.
Paul Ginisty.
BUFFALO-BILL
Plaintes entendues. — La vaccination.
Les plaintes des habitants de Neuilly, quo
mous avons signalées au sujet de la pro-
chaine installation de la troupe lluffalo.
Bill, ont été entendues.
Hier, en effet, une dépêche ministérielle
est arrivée au Havre, enjoignant de ne pas
laisser débarquer les fils des pampas avant
de les avoir soumis à l'opération de !a vac*
| | cination.
En conformité de cette prescription, le.
remorqueur Toarville, ayant à son bord le
docteur Launay, assisté de M. Sauclières,
chef du bureau d'hygiène, est sorti à qua-
tre heures pour aller au-devant du Persiàn*
ilionai-ch, afin de soumettre les guerriers
jusqu'alors indomptés à la piqûre jenno-
rienne.
LES SCANDALES
DU
LABORATOIRE MUNICIPAL
M. GIRARD DOIT ETRE CHASSÉ
M. Girard et les autres.- ]Responsable:&
e:, coupables. - Honteux scandales.
- Le lait et la santé des en-
fants. — M. Girard mérite
la cour d'assises.
Nous avions toujours pensé qu'après les
révélations accablantes faites par le XIXf.
Siècle contre le chef du Laboratoire muni-
cipal, M. Lozé, préfet de police, tiendrait à
dégager sa responsabilité en provoquant
une enquête pour vérifier l'exactitude des
faits avancés.
Nous avions toujours pensé que le prési*
dent actuel du conseil municipal, M. la
docteur Chautemps. tout récemment en..
core président de la commission de con
trôle du Laboratoire municipal, trouverait
là une bonne occasion de se faire pardon-
ner les complaisances coupables dont il 3
toujours usé vis-à-vis de M. Charles Girard.
Nous avions toujours pensé, enfin, qua
l'un des membres de la commission deeon.
trôle, composée de MM. Lamouroux, Chaut
temps, Brousse, Benon, Chassaing, Fous-
sier, Jacques, Levraud, Lyon-Alemand et
Emile Richard, sommerait ladite commis-
sion de remplir enfin son rôle.
Puisqu'il n'en est rien, puisque les pré-
posés les plus directs à la sauvegarde de
la santé publique gardent un mutisme que
les accusations les plus graves ne peuvent
troubler, nous sommes bien forcés de re-
chercher quelle part de culpabilité leur re-
vient dans cette succession de hontes qui
se poursuivent * scandaleusement depuis
plus de dix ans.
Avant d'entrer dans cette nouvelle voie,
nous tenons, pour l'édification de la jus-
tice, pour l'édification des conseillers mu-
nicipaux qui ne sont pas encore compro-
mis, pour l'édification de la conscience
publique, à révéler de nouveaux faits qui
établiront une fois de plus que le chef du
Laboratoire municipal professait la falsifi-
cation au bénéfice de grandes sociétés d'ali-
mentation dont il était le « chimiste-con-
seil. »
Le scandale
Il nous revient de divers côtés, sans que
nous puissions établir la preuve matérielle
absolue, que M. Charles Girard touche
annuellement d'une grande entreprise de
laiterie, les uns disent 30,000, les autres
A0,000 francs, pour indiquer des moyens de
falsification du lait qui soient à l'abri des
analyses faites par les chimistes du Labo-
ratoire municipal. On sait, d'ailleurs,
quels procédés sommaires d'analyse M. Ch.
Girard a imposés à ses chimistes pour les
laLts.
VoiC.i les faits. Comme nous n'affirmons
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