Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1884-12-18
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 18 décembre 1884 18 décembre 1884
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 09/04/2013
Quatorzième année. — AB- N° 4730
Prix du numéro à Paris. 15 centimes — Départements: 20 centimes
Jeudi 18 Décembre 1884
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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PARIS, 17 DECEMBRE 1884.
Les amendements présentés par M.
Paul Bert, puis par M. Lockroy, en
faveur des instituteurs primaires, de-
vaient avoir aux yeux de la Chambre
un grand tort : c'est que, sans procurer
d'ailleurs aux maîtres de nos écoles un
soulagement bien sensible, ils ne pou-
vaient être adoptés sans détruire un équi-
libre budgétaire extrêmement fragile et
bien difficilement obtenu. Toutefois, à
propos du budget de l'instruction pri-
maire, des paroles intéressantes ont été
prononcées, dont nous devons prendre
acte.
Maintes fois déjà nous avons signalé
le trouble, la confusion qui, depuis le
vote de la loi du 28 mars 1882, règnent
dans l'administration de l'enseignement
primaire, parce qu'il n'a pas été créé de
ressources correspondantes pour l'ap-
plication de cette loi du 28 mars; il n'a
pas été créé même d'organisation, et le
projet de loi (absolument incomplet)
qu'a voté la Chambre est maintenant
encore à l'étude dans une commission
du Sénat qui vient seulement de nommer
son rapporteur. En attendant, l'organi-
sation financière de l'enseignement pri-
maire n'est qu'un fouillis inextricable.
« Qui donc s'y reconnaîtra? s'écriait
avant-hier M. Paul Bert. Personne! Pas
même les inspecteurs, pas même les pré-
fets, pas même le ministère! » C'est
malheureusement la vérité pure ; les
fonctionnaires chargés d'interpréter tant
d'ordres et de contre-ordres, tant d'arrê-
tés et de contre-arrêtés, ne savent où
donner de la tête. A ce sujet, M. Paul
Bert a pu dire encore :
Tous les six mois un système nouveau in-
tervient, qui s'eflorce d'organiser pour quel-
ques six autres mois la comptabilité de
l'instruction primaire. Oh! je n'en fais pas
de reproche à l'administration ! Il lui était
peut-être impossible de faire autrement;
c'est la fatalité de la situation dans laquelle
nous a mis cet ajournement dont la minis-
tère a la responsabilité.
Il fallait une organisation nouvelle succé-
dant à ces lois que vous aviez votées et qui,
tout à coup, faisaient bondir le budget de
l'enseignement primaire de 15 ou 18 millions
à 80 et quelques millions ; il fallait une loi
organique, on n'a pas voulu la voter. Il en
résulte que nous vivons avec des expédients;
soit : mais qu'au moins ils n'aient pas pour
résultat d'envoyer l'huissier dans la belle
école où vous avez installé l'instituteur pri-
maire avec ses 800 francs de traitement.
M. Paul Bert, dans cette dernière
phrase, fait allusion (car il faut tout
dire) à un procédé de l'administration
qui a paru véritablement douloureux
et que nous connaissions déjà par plu-
sieurs exemples dont on nous a person-
nellement entretenus : « L'administra-
tion (nous empruntons encore ce pas-
sage au discours de M. Paul Bert), s'é-
tant trompée dans ses calculs, ayant al-
loué pendant une année pour certains
départements, pendant deux années
pour d'autres, à des instituteurs des
sommes plus fortes, paraît-il, que cel-
les qu'ils auraient dû toucher d'après
la lettre des lois et des décrets, il a été
fait répétition de ces sommes. Dans tels
départements on a opéré ces répétitions
avec une certaine tolérance et une cer-
taine mesure, c'est-à-dire qu'on a donné
quelque temps aux instituteurs pour
rembourser. Dans tels autres, on les a
faites avec une rigueur, et je dirai pres-
que avec une dureté, qui ont donné à
ces réclamations un caractère fiscal qui
n'était certainement ni dans les inten-
tions de ia Chambre ni dans celles de
M. le ministre de l'instruction publique.
Et. à l'heure qu'il est, un grand nombre
d'instituteurs et d'institutrices sont en-
core menacés.» Nombre de malheureux
maîtres, en effet, ont été mis dans l'o-
bligation de reverser une certaine par-
tie de leurs appointements de l'année
précédente, qu'ils croyaient légitime-
ment acquis et qu'ils avaient déjà dé-
pensés sans doute. Joignez à cela les in-
demnités de cours d'adultes impayées,
ou réduites dans des proportions ridicu-
les, quand cependant le taux de ces in-
demnités avait été réglé d'avance par un
- arrêté ministériel, et vous comprendrez
le chagrin, l'irritation d'un grand nom-
bre d'instituteurs qui ont pu, tout au
moins avec une grande apparence de
raison, accuser l'Etat d'être un débiteur
de mauvaise foi, à la parole de qui l'on
ne doit pas désormais se fier.
M. le ministre de l'isntruction pu-
blique a témoigné, dans sa réponse à
M. Paul Bert, d'un vif et sincère désir
d'arranger les choses au mieux. Il a
d'abord annoncé que, depuis l'avant-
veille — « depuis quarante-huit heu-
res », a-t-il dit, —les instituteurs n'é-
taient plus menacés de ces répétitions
odieuses sur le « trop perçu» de leurs
traitements. Puis il a déclaré que les
instituteurs frustrés' dans leurs intérêts
et dans leurs droits, qui s'adresseraient
directement à lui, verraient leurs récla-
mations accueillies avec bienveillance.
Tous ceux mêmes qui déjà lui ont fait
t parvenir de justes réclamations s'en sont
bien trouvés. Nous transcrivons ici les
propres explications de M. Fallières :
M. le ministrè. — Je suis en situation
d'affirmer à la Chambre que chaque fois
qu'un instituteur ou une institutrice, se
trouvant exposé à un reversement, a fait
parvenir une requête de dégrèvement, sa
demande a toujours été favorablement ac-
cueillie. Aussi, quand, tout récemment,
plusieurs de nos collégues sont venus me
trouver ou m'ont fait remettre des lettres.
M. Paul Bert. — A-t-on rendu l'argent
réclamé ?
M. le ministre. — Je ne puis uas aller
plus vite que les événements.
Presque toujours, toujours même, les ré-
clamations ont été suivies de dégrève-
ments.
Je disais que lorsque certains de nos col-
lègues m'ont indiqué des situations dignes
d'intérêt, j'ai cru * qu'il y avait là des er-
reurs ; en effet, je m'étais imaginé que tous
ceux qui avaient eu à souffrir des deman-
des de reversement avaient dû s'adresser
au ministre qui est leur chef, et qui exa-
mine toutes les demandes avec un intérêt
et une bienveillance dont vous ne doutez
pas.
M. Lenient. - Beaucoup n'ont pas osé
réclamer.
Quelques voix. — Ce sont les bureaux qui
reçoivent les demandes de dégrèvement.
M. le ministre. — Non, ce ne sont pas
les bur eaux qui reçoivent ces demandes; elles
elles arrivent au cabinet du ministre. C'est
là qu'on examine les petits intérêts , parce
que les grands trouvent toujours facilement
des défenseurs.
M. Hippolyte Maze. — Les inspecteurs
d'académie n'ont sans doute pas cru pou-
voir vous transmettre ces réclamations, mon-
sieur le ministre.
M. le ministre. — Pourquoi donc ces ins-
tituteurs ne se sont-ils pas adressés au minis-
tre ? Un de nos collègues, qui connaît bien
les instituteurs , dit que c'est parce qu'ils
n'ont pas osé. Je le regrette, et je n'hésite
pas à dire qu'en pareille matière je leur
souhaite un peu plus d'audace.(Mouvements
divers.)
Voilà des paroles qui, en vérité, peu-
vent être qualifiées de paternelles ; elles
le sont même au point de tenir peu de
compte des anciennes règles de la hié-
rarchie, qui ne permettent pas aux ins-
tituteurs d'adresser au ministre des ré-
clamations directes. Aujourd'hui cette
correspondance directe se trouve non
seulement autorisée, mais encouragée
par le ministre. Ce serait là, sans doute,
de la mauvaise administration dans des
circonstances normales; mais les cir-
constances actuelles le sont si peu que
M. Fallières fait sagement, à notre avis,
de suspendre pour un moment les rè-
gles hiérarchiques afin de se renseigner,
d'apprécier, de juger par lui-même. Le
flot de lettres qu'il recevra lui fournira
de nouvelles preuves de la nécessité
urgente de sortir enfin du chaos où est
tombée depuis deux ans l'administration
de notre enseignement primaire. Il n'y
aura qu'une loi d'organisation qui puisse
y apporter remède. Cette loi, qui a été
votée tellement quellement par la Cham-
bre, est maintenant étudiée par une
commission du Sénat, comme nous le
disions tout à l'heure. Si les embarras
budgétaires ne permettent point d'y ré-
gler, à titre définitif, la situation des
instituteurs comme elle devrait l'être,
il nous semble que l'on pourrait du
moins, par quelque disposition transi-
toire, faire une plus raisonnable répar-
tition des ressources dont on dispose et
réparer du moins par un peu d'équité
ce que le désordre actuel offre d'injus-
tices criantes.
EUG. LIÉBERT.
'D T
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Paris, 16 décembre 1884.
Ce qu'il y a de plus remarquable dans
la séance de ce matin, c'est que la Cham-
bre s'est trouvée en nombre pour délibé-
rer: une demande de scrutin à la tribune,
perfidement introduite, a servi tout à la
fois à constater que 280 députés étaient
présents (le chiffre de 278 représentant
la moitié de la représentation nationale),
et à édicter deux séances par jour, jus-
qu'à la fin de la discussion du budget.
Néanmoins, nous nous méfions. Ce
malin on peut dire qu'il y avait foule re-
lative, mais grâce à quel procédé? Des
cavaliers lancés à fond de train avaient
sillonné Paris durant la nuit, portant à
domicile la nouvelle de la convocation
extraordinaire; les législateurs qui étaient
partis la veille avant la clôture de la
séance, émoustillés par cet appareil anor-
mal, se sont précipités vers le Palais-
Bourbon, émus, agités, croyant à quelque
terrible événement. Demain, l'imagina-
tion n'aiguillonnant plus les gens, qui
sait ce qu'il adviendra?
Toujours est-il que, ce matin, la Cham-
bre est parvenue à voter quarante-deux
chapitres du budget des beaux-arts. Sau-
ter à bas de son lit pour entendre disser-
ter sur les musées de province, courir
comme un dératé pour ne pas perdre la
discussion sur les théâtres subvention-
nés, et attraper un refroidissement pour
donner son opinion touchant la décora-
tion des monuments publics dans les dé-
partements, voilà qui est, vous l'avoue-
rez, d'autant plus méritoire que tous les
ans, à la même époque et à une autre
heure, on peut s'octroyer la même satis-
faction. -
Le budget des beaux-arts était, paraît-
il, trop lourd à digérer en une seule lap-
pée; on a réservé Pierrefonds et les Go-
belins pour le lunch.
Si nombreux et si tentants d'ailleurs
qu'aient été les condiments offerts, il n'a
rien été changé à la cuisine de la com-
mission
La discussion du budget du ministère
de l'intérieur s'anaonço comme intérêt
santé, car on dit que M. Waldeck-Rous-
seau va être cahoté. — Entre nous (ne le
dles pas à vos fils), toute assemblôaapo-
litique un peu vivace ressemble éton-
namment au collège où, à la suite de pe-
tits incidents multipliés, on en vient à
s'assigner le cours très normal d'un pro-
fesseur pour centre du « chahut ».
Sans cela, comment s'expliquer les 202
voix, contre 296, qui appuient une propo-
sition de M. Raoul Duval tendant à sup-
primer toutes les sous-préfectures ?
Vous figurez vous, le 16 décembre au
soir, un vote budgétaire décrétant qu'à
partir du 1er janvier, c'est-à-dire dans les
quinze jours, l'organisation administra-
tive de la France sera bouleversée de
fond en comble, sans transition, sans
équivalence, sans préparation aucune?
On se demande même si les collégiens
auraient des idée pareilles !
Et, pour faire concurrence à la Droite,
voici l'Extrême Gauche qui, l'amende-
ment Duval une fois repoussé, propose
de réduire de 500,000 fr. seulement le
crédit d'un million et demi, afin de don-
ner au ministre le temps de préparer la
solution, et 210 voix contre 285 se grou-
pent autour de cet amendement. Far-
ceurs !
Nous sommes du nombre de ceux qui
croient qu'une organisation administra-
tive datant de quatre-vingts ans n'est
plus en rapport avec la vie nationale telle
que l'a constituée le progrès moderne,;
mais proposer une refonte de ce genre
par voie budgétaire, sans étude d'aucune
sorte, et la proposer à une Chambre que
la suppression de quelques tribunàux de
première instance a fait reculer d'hor-
reur, voilà qui nous paraît le comble de
la gaminerie parlementaire.
Chahut ! chahut à M. Waldeck-Rous-
seau !
Chahut encore, mais plus fin, celui que
M. Andrieux tient en réserve pour le cha-
pitre des « Traitements de non-activité ».
— Monsieur le ministre, qu'ebt devenue
l'affaire de M. André de Trémontels, cet
ex-préfet de la Corse à qui vous aviez en-
joint de poursuivre son calomniateur ?
L'action n'est pas intentée, que je sache ?
Aux fonctionnaires qui transgressent vos
ordres, continuez-vous à allouer 6,000 fr.
de traitement de disponibilité ?
M. le ministre de l'intérieur a une fa-
çon froide de faire tête au « boucan»,
qui paralyse les explosions : « Mes in-
tentions ne se sont pas modifiées. M.
André de TrémonLels, attaqué dans son
honneur privé, s'est entouré de conseils
et agit à sa guise; c'est là une affaire d'or-
dre particulier. Quant à moi, j'ai pris un
engagement devant la Chambre : ou ce
fonctionnaire videra cette affaire devant
les tribunaux, ou il quittera l'adminis-
tration. Cet engagement, je le tiendrai. »
Il n'y a pas plus de prise là-dessus que
sur une bille de marbre dure et polie.
Petit chahut à propos des inspections
générales administratives.
Grand chahut au sujet des « dépenses
secrètes de sûreté générales.
M. Carret (de la Savoie) demande la
suppression des deux millions de fonds
secrets, parce que les élections appro-
chent et que ce crédit est destiné, selon
lui, à soutenir les candidatures offi-
cielles - sans compter tout ce qu'il fait
vivre.
Nous regrettons vivement que la suffi-
sance de l'orateur éclipse l'importance
de la question.
M. Jules Carret est un grand maigre,
pelé, orné de poils aussi longs qu'ils sont
rares, une sorte de vautour qui a pâti;
cette silhouette déplumée a des ondula-
tions d'une prétention extraordinaire qui
atteint tout à la fois jusqu'à l'impudence
et à la sottise. A l'impudence, parce que
M, Jules Carret dit : « J'ai été un peu
journaliste, et je ne crois pas me tromper
en disant que la presse honnête devient
de plus en plus rare. » A la sottise, parce
qu'un instant auparavant il a dit : « Le
ministère de l'intérieur a distribué, dans
l'année, 50,000 francs à la presse pari-
sienne. » Franchement, sur ce pied-là,
la presse parisienne n'a pas grand mérite
à rester plus honnête que ne le suppose
ce dépenaillé de la politique !
M. Carret appartient, nous assure-t-on,
au groupe intransigeant. On ne s'en se-
rait pas douté à la froideur que l'Extrême
Gauche lui a témoignée et que nous no-
tons tout à l'éloge de celle-ci.
Quant au ministre de l'intérieur, il
avait renoncé, sur les injonctions signi-
ficatives de la majorité, à faire à M. Car-
ret l'honneur d'une réponse, et c'est avec
M. Andrieux seul qu'il a engagé le dé-
bat..
M. Andrieux peut être vif, mordant,
crifel au besoin, et de parti-pris toujours,
mais il reste homme de bonne compa-
gnie.
De parti-pris, il l'était certainement,
puisqu'il combattait le crédit, tout en
avouant qu'en principe il en est partisan
(il est des ponts que M. Andrieux ne tient
pas à couper derrière lui); mais il pre-
nait grand soin de placer son argumen-
tation sur le terrain de la doctrine. C'est
sur ce terrain que M. Waldeck-Rousseau
lui a répondu, en invoquant la raison
d'Etat.
Après quoi 308 voix contre 194 ont
sanctionné les deux millions.
M. Waldeck-Rousseau est-il détaché
du pilori ? Pas encore. On comptesoixante-
deux chapitres au budget de l'intérieur
et, à la hauteur du vingt-neuvième, une
malicieuse demande de scrutin à la tri-
bune amène la constatation suivante: Ce
vote ne réunit pas le quorum. !
La Chambre a beau faire : le temps
perdu ne se rattrape pas!
PAUL LAFARGUE.
COURRIER DU SÉNAT
M. Delbreil faisait la part trop belle aux
fonctionnaires tentés d'opter pour le man-
dat parlementaire. Il exigeait leur réin-
tégration à l'expiration du mandat et lais-
sait courir pour &ux sans interruption
les droits .lla retraite. Son amendement
est repoussé et l'article 4 adopté tel que
Va rédigé la commission.
lit On revient à l'article 3, qui, par la prise
en considération de divers amendements,
offre autant de brèches ouvertes. L'assaut
recommence, un peu à bâtons rompus,
et la course reprend, à travers les excep-
tions, sans direction nettement arrêtée.
M. Chalamet, rapporteur, expose com-
ment la commission admet l'exception
en faveur du Bureau des longitudes, qui
d'ailleurs ne semble pas faire question.
En revanche elle s'est partagée, à égalité,
sur l'amendement de M. Griffe, qui, pour
corriger l'exclusion draconienne des ma-
gistrats, entrebâillait ra porte à la ma-
gistrature, en laissant libre accès à trois
premiers présidents : celui de la Cour de
cassation, celui de la Cour des comptes
et celui de la cour d'appel de Paris. Le
partage égal des voix dans la commission
équivaut au rejet pur et simple. C'est
donc par le rejet de l'amendement Griffe
que M. Chalamet est forcé de conclure en
tant que rapporteur; tandis que, person-
nellement, il s'en déclare absolu parti-
san. Cela rappelle les vers célèbres de M.
Monselet :
Je puis t'estimer en tant quliomme I.
Le garde des sceaux appuie la motion
favorable du rapporteur.
Mais M. Bérenger fait entendre la pro-
testation de la logique pure, qui, en effet,
est traitée depuis deux jours un peu trop
familièrement pour ne point souffrir. Le
Sénat, dit-il, jugeait utile hier d'exclure
les magistrats, par des raisons d'incom-
patibilité matérielle et morale. A plus
forte raison l'exclusion doit-elle s'appli-
quer aux premiers présidents, dont les
devoirs sont encore plus lourds que ceux
dès simples conseillers.
C'est irréprochable, à ne regarder que
la construction du syllogisme. Mais une
majorité a autre chose à faire que de
s'arrêter au raisonnements en barbara ou
en baralypton, surtout quand il s'agit de
réparer, dans une mesure si restreinte
que ce soit, une erreur commise. Une
simple hésitation sera de sa part un hom-
mage suffisant rendu aux qualités de dia-
lecticien qui distinguent M. Bérenger.
Après scrutin et pointage, l'amendement
de M. Griffe est adopté par 105 voix con-
tre 100.
L'amendement de M. Lalanne, excep-
tant de l'incompatibilité les membres du
Bureau des longitudes, passe comme une
lettre à la poste.
Nous nous trouvons maintenant en
face des revendications religieuses. Elles
sont présentées, bien modestement, par
un avocat d'aspect triste et de voix plain-
tive, M. Le Guen. Pas un mot d'aigreur;
encore un appel à la concordance des
idées. Vous avez, dit M. Le Gucn, voté
l'exception pour les chefs de l'armée, de
la magistrature et du haut enseignement ;
que ne la votez-vous pour les chefs du
clergé ?
Alors, fait observer M. Chalamet, limi-
tez votre amendement à l'archevêque de
Paris, au président du consistoire de
Paris et au grand rabbin. Nous lui ferons
peut-être meilleur accueil.
Il semble que le rapporteur tende ici
la perche à l'auteur de l'amendement ; en
réalité, il ne fait que démasquer une fi-
nesse. M. Le Guen, en parfait clérical, n'a
fait appel à la logique qu'autant qu'elle
pouvait faire illusion sur des prétentions
assez vastes. Il voulait faire avaler en
douceur une très grosse couleuvre. Son
texte, beaucoup trop compréhensif pour
être si humblement défendu, embrassait
tous les prélats de France et tous les pré-
sidents de consistoire ; et, faisant la"
sourde oreille aux propositions concilian-
tes de M. Chalamet, M. Le Guen refuse
de le réduire ni veut jouer le tout pour
le tout ; il perd la partie ; son amende-
ment est rejeté par 135 voix contre 88.
Pour cette fois, il faut le reconnaître,
c'est la majorité qui est restée stricte-
ment fidèle à la concordance des idées.
Si une proposition moins ambitieuse lui
avait été soumise, elle aurait sans doute
été forcée d'y souscrire. Dans les limites
où elle s'était enfermée de ptrti pris, on
lui demandait trop. Elle a refusé. La
chose est bonne à dire pour ceux qui s'é-
tonneraient de ne plus voir, suivant une
tradition constante, des représentants du
clergé figurer dans le Parlement français.
Après l'adoption des articles 6 et 7, la
suite de la discussion est renvoyée à
jeudi.
PAUL PELLEGRIN.
80- 400-
EN GOREE
Une nouvelle grave nous arrive de
l'Extrême-Orient. Une révolte a éclaté en
Corée pendant une fête donnée par le roi
au ministre d'Angleterre, — dit une dé-
pêche adressée de Pékin au Times et au
Standm.d.-Il semble, d'ailleurs, quecette
révolte ait tous les caractères d'une révo-
lution: « A un signal, le fils du roi et
six de ses ministres ont été assassinés. »
La dépêche ajoute même ce détail, qui
ouvre le champ à toutes les hypothèses :
« La reine a disparu ».
Mais ce n'est pas tout. Il y a eu colli-
sion entre les troupes chinoises et japo-
naises et le roi s'est mis sous la protec-
tion des Japonais. C'est là qu'est le
véritable intérêt de la nouvelle.
La Corée est un Etat tributaire de la
Chine, mais qui confine à l'archipel du
Japon et excite les convoitises à la fois
de l'empire japonais et de la Russie.
Depuis plusieurs années déjà,la Corée est
un sujet de préoccupations continuelles
pour la Chine. Non seulement ce pays
est travaillé par les agents de la Russie et
du Japon, mais le jeune souverain de
Séoul a des velléités d'indépendance et
n'attend qu'une occasion pour se sous-
traire à la suzeraineté de la Chine. - -
Li Hong-Chang, comme vice-roi au
Petchili, a dans ses attributions la direc-
tion des affaires coréennes. A ce titre, il
a suivi avec vigilance les intrigues de la
cour dé Séoul.
Il comprend le danger de laisser la Co-
rée sous une domination étrangère. Au
mois de mai derniertuja .r^ayeau moup.
vement se produisit à Séoul. Li-Hong-
Chang, très préocupé des complications
que pourrait faire naître de ce côté le
conflit franco-chinois. brusqua les négo-
ciations pour rester libre vis-à-vis de la
cour coréenne.
Il n'est pas douteux que cette préoccu-
pation du vice-roi n'ait hâté la conclu-
sion du traité de Tientsin.
Il est manifeste que la Corée, voyant
la tournure qu'ont prise les événements
en Chine et au Tonkin, veut profiter des
circonstances. Est-ce pour conquérir son
indépendance? Le mouvement qui vient
de se produire a-t-il été préparé par le
Japon? Il est difficile de savoir exacte-
ment le tond des choses à l'heure ac-
tuelle.
Ce qui est certain, c'est que cette di-
version, quelles que soient les causes qui
l'on amenée, peut modifier les disposi-
tions de la cour de Pékin. La révolution
de Séoul est un sérieux embarras pour
la Chine. Nous ne tarderons pas à savoir
quelle influence cet événement aura à
exercer sur la politique chinoise au
Tonkin.
Louis HENRIQUE.
lob,
L'ENLÈVEMENT DE PSYCHÉ
Quoique je ne sois point partisan des
expositions en boutique, j'ai descendu
toute la rue de La Rochefoucauld du
haut en bas pour voir la dernière œuvre
de Baudry. C'est que, si nous comp-
tons encore parmi nous une demi-dou-
zaine de décorateurs éminents ou dis-
tingués, nous n'en avons pas deux qui
soient grands coloristes par-dessus le
marché. Un bel ensemble, une compo-
sition large et claire vaudra toujours
son prix ; mais combien me citeriez-
vous d'oeuvres décoratives dont le moin-
dre morceau, la plus minuscule bouchée,
conserve isolément une exquise saveur?
Perraud, qui fut grand statuaire durant
une vingtaine d'années, et très subtil
critique à ses moments perdus, me di-
sait : « C'est fièrement beau, le tas du
père Rude à l'Arc-de-Triomphe ; mais
ça vaut plus par l'ensemble que par
le détail, et si l'on en cachai un mor-
ceau dans la terre, ceux qui le trouve-
ront plus tard ne crieraient peut-être
pas au chef-d'œuvre ; tandis qu'une ro-
tule, une malléole, un bout de bras, un
fragment de jambe, détaché du Philo-
pœmen de David, étonnera les gens
comme l'antique. »
Baudry (mais ce n'est point le cas
de le dire aujourd'hui) peut se tromper
dans la composition d'un ensemble. Si
cette occasion se présente jamais, met-
tez l'ouvrage en pièces, débitez-le en
petits morceaux, vous n'en trouverez
pas un qui ne soit bon, dessiné et peint
de main de maître. Le Miracle de saint
Hubert, dÓnl il a illustré une cheminée
de Chantilly, est à la fois trop touffu et
trop savant ; les personnages s'y fou-
lent et les accessoires, choisis avec un
goût parfait et une archéologie irrépro-
chable, s'empilent les uns sur les au-
tres comme dans un magasin de curio-
sités. Mais le vandale intelligent qui sau-
rait diviser en petits lots cette toile
encombrée tirerait d'épaisseur un pay-
sage, des portraits, des animaux, des
fabriques, des natures mortes, comme
les spécialistes des divers genres n'en
exposent guère aujourd'hui.
Cependant j'aime mieux Baudry avec
ses coudées franches, en promenade
dans l'azur, qui est son vrai milieu,
côte à côte avec ces gracieuses divini-
tés de l'Olympe qu'il aime et dont il est
aimé. Un de ces richissimes Améri-
cain-, qui ont le dollar intelligent, l'a
lancé sans songer à mal dans la légende
de Psyché. Baudry en a tiré pour New-
York un plafond qui ne serait pas dé-
placé à la Farnésine, et qui rappelle
même par certains détails les joyeuses
libertés de Raphaël et de Jules Romain.
De ce plafond, que Paris a fort applaudi,
nous avons vu sortir une scène à deux
personnages : Psyché en adoration de-
vant l'Amour. Aujourd'hui, le grand
peintre nous tait voir un autre aspect
de la question, ou plutôt il tire un nou-
veau oiamant de cette mine dont les
poètes et les artistes des siècles futurs
ne trouveront jamais le fond.
C'est Y Enlèvement de Psyché par
Mercure, dans un ciel printanier que de
jolis petits nuages blancs éparpillés sur
le bleu, comme des agneaux sur la ver-
dure, animent et varient sans l'obscur-
cir ni peu ni prou. Paul Baudry est le
seul des maîtres contemporains qui soit
capable de modeler une figure en pleine
lumière, et il ne l'a jamais montré mieux
qu'en cette occurrence. Les trois figu-
res qu'il a mises en scène sont telle-
ment baignées dans l'éther, que leurs
traits se dessinent sans ombre; cela
seul nous entraîne à mille lieues du
monde réel.
La jeune fille que l'Amour attend dans
son palais céleste ne sait pas où Zéphyr
la conduit, où Meréure la porte. L etran-
geté de cet enlèvement la trouble et la
confond à tel point qu'elle en paraît à
peine émue. Sa jolie petite tête dont le
menton se cache dans la main n'exprime
qu'une rêverie vague, une méditation
sans cause et sans but, mais sans terreur
aussi : elle ne songe pas à se défendre
contre la familiarité au moins étrange
du messager qui l'a saisie à tour de bras.
Les formes délicates de cet être subtil
et mignon sont voilées à demi, très
chastement, paj^une draperie bMcJie,
jaune et lilas, qui est un vrai régal des
yeux. Zéphyr, qui montre le chemin est
un éphèbe un peu maigrelet et mollet ;
une figure de remplissage, comme l'en-
fant ailé qui se lamente au bas du tableau
sans trop savoir pourquoi. Mais la figure
capitale, le morceau de bravoure, c'est
Mercure. Puissamment modelé, emporlé
par un mouvement superbe, admirable de
force et d'adresse, aussi chaste que ré-
solu, il accomplit la tâche d'un grison
avec la noblesse d'un Dieu. On pourrait
épiloguer tant soit peu sur la couleur
de ses cnémides, sur la grosseur de ses
pilons, sur les deux ailes de perruche
qui ornent son chapeau de Parisien par-
tant pour la campagne, et particulière-
ment sur le tissu aérien, la gaze de
Chambéry dont le peintre a couvert
l'exubérance athlétique de ses formes
postérieures. Paul Baudry a pensé pro-
bablement qu'un dieu n'a pas besoin
de nous montrer deux hémisphères,
quand nous avons déjà en perspective la
plante de ses deux pieds. Mais ce sont
là simples vétilles, détails sans impor-
tance, piqûres de moucheron à lion. La
perfection ne sera jamais de ce monde,
mais l'Enlèvement de Psyché est un
grand événement dans la vie déjà si
pleine et si glorieuse de Paul Baudry.
ABOUT.
Nom
NOUVELLES DE CHINE
DÉPÊCHÉ DE L'AMIRAL COTRBBF
Le ministre de la marine a communiqué
ce matin au conseil une dépêche de l'amiral
Courbet, en date de Kelung, 13 décembre,
par laquelle celui-ci l'informe que le com-
mandant Lacroix a dirigé une reconnais-
sance ollensi ve contre les ouvrages ennemis
nouveaux qui menaçaient certaines de nos
positions.
Les Chinois ont été délogés de leurs posi-
tions, et ils ont perdu 200 hommes tant tués
que blessés.
Il y a eu de notre côté un tué et sept
blessés.
LES CROISEURS CHINOIS
Shanghaï, 16 décembre, 1 h. 53 sOir':
Les croiseurs chinois sont partis; leur des-
tination est inconnue.
LES RENFORTS
On mande de Cherbourg en date de ce
matin :
Le croiseur le Bourayne a quitté la rade,
faisant route pour le Tonkin.
* »
On nous écrit de Toulon :
Le ministre de la marine a, par mesure
de précaution, envoyé l'ordre de faire partir
au-devaat des transports le Cholon, le Ché-
ribon et le Chandernagor, pour les convoyer
de Singapore à Formose, le cuirassé" la
Triomphante qui s'était rendu à Saigon afin
d'y remplacer un canon de 14, mis hors de
service lors du bombardement de Tamsui.
Le transport le Canton, qui se trouve en
ce moment dans la mer Rouge, ayant à bord
les 1,028 hommes de la légion étrangère,
et qui n'est attendu dans les mers de Chine
qu'à la fin de décembre, sera également
convoyé par un autre cuirassé.
LA RIVIÈRE DE WOOSUNG
On mande de Trieste, 16 décembre :
L'admiaistration maritime a publié l'avis
suivant :
« Le gouvernement chinois a l'intention
de visiter tous les navires étrangers qui en-
treront dans le Yang-tsé-Kiang, afin d'é-
tablir leur nationalité, et a invité les consuls
de Shanghaï à interdire à leurs nationaux
d'approvisionner les navires français de vi-
vres, de charbon et d'huile.
» Le Woosung va être barré. Cependant
une passe sera réservée aux navires de com-
merce ou de guerre portant pavillon neutre »
EN CHINB
On écrit de Pékin, 3 novembre :
«Ching-Shu-Sheng, le dernier vice-roi des
provinces de Canton et du Kuang-Si, est mort
à Canton, le lundi 20 octobre, des suités
d'une dysenterie. Des quatre hauts fonc-
tionnaires de la province de Canton, Ching
étoit le plus modéré, ce qui le fera regretter
davantage dans les circonstances présentes.
) ün dit que sur qu'onze mandarins appar-
tenant au parti de la guerr e en juin dernier,
quatre seulement persistent aujourd'hui et
sont les chefs de tout le parti; ce sont : le
septième prince, Tse-Tsung-Tang, Li-Hong-
Chang et Chang-Shih-Tung. »
————————- ————————
Le nouvel Hôtel des Postes
(PREMIER ARTICLE)
Il n'est aucun Parisien qui, passant
rue Montmartre, n'ait, depuis une cou-
ple d'années, jeté un regard de curio-
sité sur cette construction blanche éle-
vée à l'angle de la rue Jean-Jacques-
Rousseau, et qui s'appelle le nouvel
Hôtel des Postes. C'est seulement lors-
qu'elle sera terminée que l'on pourra
délivrer la place du Carrousel de ces
affreux baraquements qui la défigurent
aujourd'hui. A l'heure actuelle, les tra-
vaux approchent de la fin ; non seule-
ment fIe gros œuvre est achevé, mais
les travaux d'aménagement intérieur
sont presque achevés, eux aussi. S'il ne
fallait attendre certaines machines dont
la construction a souffert quelque retard,
le service des postes pourrait rentrer
chez lui et s'installer dans son hôtel
reconstruit, dès les premiers jours de
l'année prochaine. Pour ce qui regarde
l'architecte, tout est prêt.
J'ai eu récemment la bonne fortune
de visiter le nouvel Hôtel des Postes. Il
m'a paru que sa description pourrait
intéresser les lecteurs de ce journal.
Nous nous servons tous de la poste;
nous recevons et nous écrivons tous
plusieurs lettres chaque jour; et quant
aux journaux, si tout le monde n'en fait
pas,„tout le monde en lit, Comment
Prix du numéro à Paris. 15 centimes — Départements: 20 centimes
Jeudi 18 Décembre 1884
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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Actions Rio. 312, 311 87.
PARIS, 17 DECEMBRE 1884.
Les amendements présentés par M.
Paul Bert, puis par M. Lockroy, en
faveur des instituteurs primaires, de-
vaient avoir aux yeux de la Chambre
un grand tort : c'est que, sans procurer
d'ailleurs aux maîtres de nos écoles un
soulagement bien sensible, ils ne pou-
vaient être adoptés sans détruire un équi-
libre budgétaire extrêmement fragile et
bien difficilement obtenu. Toutefois, à
propos du budget de l'instruction pri-
maire, des paroles intéressantes ont été
prononcées, dont nous devons prendre
acte.
Maintes fois déjà nous avons signalé
le trouble, la confusion qui, depuis le
vote de la loi du 28 mars 1882, règnent
dans l'administration de l'enseignement
primaire, parce qu'il n'a pas été créé de
ressources correspondantes pour l'ap-
plication de cette loi du 28 mars; il n'a
pas été créé même d'organisation, et le
projet de loi (absolument incomplet)
qu'a voté la Chambre est maintenant
encore à l'étude dans une commission
du Sénat qui vient seulement de nommer
son rapporteur. En attendant, l'organi-
sation financière de l'enseignement pri-
maire n'est qu'un fouillis inextricable.
« Qui donc s'y reconnaîtra? s'écriait
avant-hier M. Paul Bert. Personne! Pas
même les inspecteurs, pas même les pré-
fets, pas même le ministère! » C'est
malheureusement la vérité pure ; les
fonctionnaires chargés d'interpréter tant
d'ordres et de contre-ordres, tant d'arrê-
tés et de contre-arrêtés, ne savent où
donner de la tête. A ce sujet, M. Paul
Bert a pu dire encore :
Tous les six mois un système nouveau in-
tervient, qui s'eflorce d'organiser pour quel-
ques six autres mois la comptabilité de
l'instruction primaire. Oh! je n'en fais pas
de reproche à l'administration ! Il lui était
peut-être impossible de faire autrement;
c'est la fatalité de la situation dans laquelle
nous a mis cet ajournement dont la minis-
tère a la responsabilité.
Il fallait une organisation nouvelle succé-
dant à ces lois que vous aviez votées et qui,
tout à coup, faisaient bondir le budget de
l'enseignement primaire de 15 ou 18 millions
à 80 et quelques millions ; il fallait une loi
organique, on n'a pas voulu la voter. Il en
résulte que nous vivons avec des expédients;
soit : mais qu'au moins ils n'aient pas pour
résultat d'envoyer l'huissier dans la belle
école où vous avez installé l'instituteur pri-
maire avec ses 800 francs de traitement.
M. Paul Bert, dans cette dernière
phrase, fait allusion (car il faut tout
dire) à un procédé de l'administration
qui a paru véritablement douloureux
et que nous connaissions déjà par plu-
sieurs exemples dont on nous a person-
nellement entretenus : « L'administra-
tion (nous empruntons encore ce pas-
sage au discours de M. Paul Bert), s'é-
tant trompée dans ses calculs, ayant al-
loué pendant une année pour certains
départements, pendant deux années
pour d'autres, à des instituteurs des
sommes plus fortes, paraît-il, que cel-
les qu'ils auraient dû toucher d'après
la lettre des lois et des décrets, il a été
fait répétition de ces sommes. Dans tels
départements on a opéré ces répétitions
avec une certaine tolérance et une cer-
taine mesure, c'est-à-dire qu'on a donné
quelque temps aux instituteurs pour
rembourser. Dans tels autres, on les a
faites avec une rigueur, et je dirai pres-
que avec une dureté, qui ont donné à
ces réclamations un caractère fiscal qui
n'était certainement ni dans les inten-
tions de ia Chambre ni dans celles de
M. le ministre de l'instruction publique.
Et. à l'heure qu'il est, un grand nombre
d'instituteurs et d'institutrices sont en-
core menacés.» Nombre de malheureux
maîtres, en effet, ont été mis dans l'o-
bligation de reverser une certaine par-
tie de leurs appointements de l'année
précédente, qu'ils croyaient légitime-
ment acquis et qu'ils avaient déjà dé-
pensés sans doute. Joignez à cela les in-
demnités de cours d'adultes impayées,
ou réduites dans des proportions ridicu-
les, quand cependant le taux de ces in-
demnités avait été réglé d'avance par un
- arrêté ministériel, et vous comprendrez
le chagrin, l'irritation d'un grand nom-
bre d'instituteurs qui ont pu, tout au
moins avec une grande apparence de
raison, accuser l'Etat d'être un débiteur
de mauvaise foi, à la parole de qui l'on
ne doit pas désormais se fier.
M. le ministre de l'isntruction pu-
blique a témoigné, dans sa réponse à
M. Paul Bert, d'un vif et sincère désir
d'arranger les choses au mieux. Il a
d'abord annoncé que, depuis l'avant-
veille — « depuis quarante-huit heu-
res », a-t-il dit, —les instituteurs n'é-
taient plus menacés de ces répétitions
odieuses sur le « trop perçu» de leurs
traitements. Puis il a déclaré que les
instituteurs frustrés' dans leurs intérêts
et dans leurs droits, qui s'adresseraient
directement à lui, verraient leurs récla-
mations accueillies avec bienveillance.
Tous ceux mêmes qui déjà lui ont fait
t parvenir de justes réclamations s'en sont
bien trouvés. Nous transcrivons ici les
propres explications de M. Fallières :
M. le ministrè. — Je suis en situation
d'affirmer à la Chambre que chaque fois
qu'un instituteur ou une institutrice, se
trouvant exposé à un reversement, a fait
parvenir une requête de dégrèvement, sa
demande a toujours été favorablement ac-
cueillie. Aussi, quand, tout récemment,
plusieurs de nos collégues sont venus me
trouver ou m'ont fait remettre des lettres.
M. Paul Bert. — A-t-on rendu l'argent
réclamé ?
M. le ministre. — Je ne puis uas aller
plus vite que les événements.
Presque toujours, toujours même, les ré-
clamations ont été suivies de dégrève-
ments.
Je disais que lorsque certains de nos col-
lègues m'ont indiqué des situations dignes
d'intérêt, j'ai cru * qu'il y avait là des er-
reurs ; en effet, je m'étais imaginé que tous
ceux qui avaient eu à souffrir des deman-
des de reversement avaient dû s'adresser
au ministre qui est leur chef, et qui exa-
mine toutes les demandes avec un intérêt
et une bienveillance dont vous ne doutez
pas.
M. Lenient. - Beaucoup n'ont pas osé
réclamer.
Quelques voix. — Ce sont les bureaux qui
reçoivent les demandes de dégrèvement.
M. le ministre. — Non, ce ne sont pas
les bur eaux qui reçoivent ces demandes; elles
elles arrivent au cabinet du ministre. C'est
là qu'on examine les petits intérêts , parce
que les grands trouvent toujours facilement
des défenseurs.
M. Hippolyte Maze. — Les inspecteurs
d'académie n'ont sans doute pas cru pou-
voir vous transmettre ces réclamations, mon-
sieur le ministre.
M. le ministre. — Pourquoi donc ces ins-
tituteurs ne se sont-ils pas adressés au minis-
tre ? Un de nos collègues, qui connaît bien
les instituteurs , dit que c'est parce qu'ils
n'ont pas osé. Je le regrette, et je n'hésite
pas à dire qu'en pareille matière je leur
souhaite un peu plus d'audace.(Mouvements
divers.)
Voilà des paroles qui, en vérité, peu-
vent être qualifiées de paternelles ; elles
le sont même au point de tenir peu de
compte des anciennes règles de la hié-
rarchie, qui ne permettent pas aux ins-
tituteurs d'adresser au ministre des ré-
clamations directes. Aujourd'hui cette
correspondance directe se trouve non
seulement autorisée, mais encouragée
par le ministre. Ce serait là, sans doute,
de la mauvaise administration dans des
circonstances normales; mais les cir-
constances actuelles le sont si peu que
M. Fallières fait sagement, à notre avis,
de suspendre pour un moment les rè-
gles hiérarchiques afin de se renseigner,
d'apprécier, de juger par lui-même. Le
flot de lettres qu'il recevra lui fournira
de nouvelles preuves de la nécessité
urgente de sortir enfin du chaos où est
tombée depuis deux ans l'administration
de notre enseignement primaire. Il n'y
aura qu'une loi d'organisation qui puisse
y apporter remède. Cette loi, qui a été
votée tellement quellement par la Cham-
bre, est maintenant étudiée par une
commission du Sénat, comme nous le
disions tout à l'heure. Si les embarras
budgétaires ne permettent point d'y ré-
gler, à titre définitif, la situation des
instituteurs comme elle devrait l'être,
il nous semble que l'on pourrait du
moins, par quelque disposition transi-
toire, faire une plus raisonnable répar-
tition des ressources dont on dispose et
réparer du moins par un peu d'équité
ce que le désordre actuel offre d'injus-
tices criantes.
EUG. LIÉBERT.
'D T
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Paris, 16 décembre 1884.
Ce qu'il y a de plus remarquable dans
la séance de ce matin, c'est que la Cham-
bre s'est trouvée en nombre pour délibé-
rer: une demande de scrutin à la tribune,
perfidement introduite, a servi tout à la
fois à constater que 280 députés étaient
présents (le chiffre de 278 représentant
la moitié de la représentation nationale),
et à édicter deux séances par jour, jus-
qu'à la fin de la discussion du budget.
Néanmoins, nous nous méfions. Ce
malin on peut dire qu'il y avait foule re-
lative, mais grâce à quel procédé? Des
cavaliers lancés à fond de train avaient
sillonné Paris durant la nuit, portant à
domicile la nouvelle de la convocation
extraordinaire; les législateurs qui étaient
partis la veille avant la clôture de la
séance, émoustillés par cet appareil anor-
mal, se sont précipités vers le Palais-
Bourbon, émus, agités, croyant à quelque
terrible événement. Demain, l'imagina-
tion n'aiguillonnant plus les gens, qui
sait ce qu'il adviendra?
Toujours est-il que, ce matin, la Cham-
bre est parvenue à voter quarante-deux
chapitres du budget des beaux-arts. Sau-
ter à bas de son lit pour entendre disser-
ter sur les musées de province, courir
comme un dératé pour ne pas perdre la
discussion sur les théâtres subvention-
nés, et attraper un refroidissement pour
donner son opinion touchant la décora-
tion des monuments publics dans les dé-
partements, voilà qui est, vous l'avoue-
rez, d'autant plus méritoire que tous les
ans, à la même époque et à une autre
heure, on peut s'octroyer la même satis-
faction. -
Le budget des beaux-arts était, paraît-
il, trop lourd à digérer en une seule lap-
pée; on a réservé Pierrefonds et les Go-
belins pour le lunch.
Si nombreux et si tentants d'ailleurs
qu'aient été les condiments offerts, il n'a
rien été changé à la cuisine de la com-
mission
La discussion du budget du ministère
de l'intérieur s'anaonço comme intérêt
santé, car on dit que M. Waldeck-Rous-
seau va être cahoté. — Entre nous (ne le
dles pas à vos fils), toute assemblôaapo-
litique un peu vivace ressemble éton-
namment au collège où, à la suite de pe-
tits incidents multipliés, on en vient à
s'assigner le cours très normal d'un pro-
fesseur pour centre du « chahut ».
Sans cela, comment s'expliquer les 202
voix, contre 296, qui appuient une propo-
sition de M. Raoul Duval tendant à sup-
primer toutes les sous-préfectures ?
Vous figurez vous, le 16 décembre au
soir, un vote budgétaire décrétant qu'à
partir du 1er janvier, c'est-à-dire dans les
quinze jours, l'organisation administra-
tive de la France sera bouleversée de
fond en comble, sans transition, sans
équivalence, sans préparation aucune?
On se demande même si les collégiens
auraient des idée pareilles !
Et, pour faire concurrence à la Droite,
voici l'Extrême Gauche qui, l'amende-
ment Duval une fois repoussé, propose
de réduire de 500,000 fr. seulement le
crédit d'un million et demi, afin de don-
ner au ministre le temps de préparer la
solution, et 210 voix contre 285 se grou-
pent autour de cet amendement. Far-
ceurs !
Nous sommes du nombre de ceux qui
croient qu'une organisation administra-
tive datant de quatre-vingts ans n'est
plus en rapport avec la vie nationale telle
que l'a constituée le progrès moderne,;
mais proposer une refonte de ce genre
par voie budgétaire, sans étude d'aucune
sorte, et la proposer à une Chambre que
la suppression de quelques tribunàux de
première instance a fait reculer d'hor-
reur, voilà qui nous paraît le comble de
la gaminerie parlementaire.
Chahut ! chahut à M. Waldeck-Rous-
seau !
Chahut encore, mais plus fin, celui que
M. Andrieux tient en réserve pour le cha-
pitre des « Traitements de non-activité ».
— Monsieur le ministre, qu'ebt devenue
l'affaire de M. André de Trémontels, cet
ex-préfet de la Corse à qui vous aviez en-
joint de poursuivre son calomniateur ?
L'action n'est pas intentée, que je sache ?
Aux fonctionnaires qui transgressent vos
ordres, continuez-vous à allouer 6,000 fr.
de traitement de disponibilité ?
M. le ministre de l'intérieur a une fa-
çon froide de faire tête au « boucan»,
qui paralyse les explosions : « Mes in-
tentions ne se sont pas modifiées. M.
André de TrémonLels, attaqué dans son
honneur privé, s'est entouré de conseils
et agit à sa guise; c'est là une affaire d'or-
dre particulier. Quant à moi, j'ai pris un
engagement devant la Chambre : ou ce
fonctionnaire videra cette affaire devant
les tribunaux, ou il quittera l'adminis-
tration. Cet engagement, je le tiendrai. »
Il n'y a pas plus de prise là-dessus que
sur une bille de marbre dure et polie.
Petit chahut à propos des inspections
générales administratives.
Grand chahut au sujet des « dépenses
secrètes de sûreté générales.
M. Carret (de la Savoie) demande la
suppression des deux millions de fonds
secrets, parce que les élections appro-
chent et que ce crédit est destiné, selon
lui, à soutenir les candidatures offi-
cielles - sans compter tout ce qu'il fait
vivre.
Nous regrettons vivement que la suffi-
sance de l'orateur éclipse l'importance
de la question.
M. Jules Carret est un grand maigre,
pelé, orné de poils aussi longs qu'ils sont
rares, une sorte de vautour qui a pâti;
cette silhouette déplumée a des ondula-
tions d'une prétention extraordinaire qui
atteint tout à la fois jusqu'à l'impudence
et à la sottise. A l'impudence, parce que
M, Jules Carret dit : « J'ai été un peu
journaliste, et je ne crois pas me tromper
en disant que la presse honnête devient
de plus en plus rare. » A la sottise, parce
qu'un instant auparavant il a dit : « Le
ministère de l'intérieur a distribué, dans
l'année, 50,000 francs à la presse pari-
sienne. » Franchement, sur ce pied-là,
la presse parisienne n'a pas grand mérite
à rester plus honnête que ne le suppose
ce dépenaillé de la politique !
M. Carret appartient, nous assure-t-on,
au groupe intransigeant. On ne s'en se-
rait pas douté à la froideur que l'Extrême
Gauche lui a témoignée et que nous no-
tons tout à l'éloge de celle-ci.
Quant au ministre de l'intérieur, il
avait renoncé, sur les injonctions signi-
ficatives de la majorité, à faire à M. Car-
ret l'honneur d'une réponse, et c'est avec
M. Andrieux seul qu'il a engagé le dé-
bat..
M. Andrieux peut être vif, mordant,
crifel au besoin, et de parti-pris toujours,
mais il reste homme de bonne compa-
gnie.
De parti-pris, il l'était certainement,
puisqu'il combattait le crédit, tout en
avouant qu'en principe il en est partisan
(il est des ponts que M. Andrieux ne tient
pas à couper derrière lui); mais il pre-
nait grand soin de placer son argumen-
tation sur le terrain de la doctrine. C'est
sur ce terrain que M. Waldeck-Rousseau
lui a répondu, en invoquant la raison
d'Etat.
Après quoi 308 voix contre 194 ont
sanctionné les deux millions.
M. Waldeck-Rousseau est-il détaché
du pilori ? Pas encore. On comptesoixante-
deux chapitres au budget de l'intérieur
et, à la hauteur du vingt-neuvième, une
malicieuse demande de scrutin à la tri-
bune amène la constatation suivante: Ce
vote ne réunit pas le quorum. !
La Chambre a beau faire : le temps
perdu ne se rattrape pas!
PAUL LAFARGUE.
COURRIER DU SÉNAT
M. Delbreil faisait la part trop belle aux
fonctionnaires tentés d'opter pour le man-
dat parlementaire. Il exigeait leur réin-
tégration à l'expiration du mandat et lais-
sait courir pour &ux sans interruption
les droits .lla retraite. Son amendement
est repoussé et l'article 4 adopté tel que
Va rédigé la commission.
lit On revient à l'article 3, qui, par la prise
en considération de divers amendements,
offre autant de brèches ouvertes. L'assaut
recommence, un peu à bâtons rompus,
et la course reprend, à travers les excep-
tions, sans direction nettement arrêtée.
M. Chalamet, rapporteur, expose com-
ment la commission admet l'exception
en faveur du Bureau des longitudes, qui
d'ailleurs ne semble pas faire question.
En revanche elle s'est partagée, à égalité,
sur l'amendement de M. Griffe, qui, pour
corriger l'exclusion draconienne des ma-
gistrats, entrebâillait ra porte à la ma-
gistrature, en laissant libre accès à trois
premiers présidents : celui de la Cour de
cassation, celui de la Cour des comptes
et celui de la cour d'appel de Paris. Le
partage égal des voix dans la commission
équivaut au rejet pur et simple. C'est
donc par le rejet de l'amendement Griffe
que M. Chalamet est forcé de conclure en
tant que rapporteur; tandis que, person-
nellement, il s'en déclare absolu parti-
san. Cela rappelle les vers célèbres de M.
Monselet :
Je puis t'estimer en tant quliomme I.
Le garde des sceaux appuie la motion
favorable du rapporteur.
Mais M. Bérenger fait entendre la pro-
testation de la logique pure, qui, en effet,
est traitée depuis deux jours un peu trop
familièrement pour ne point souffrir. Le
Sénat, dit-il, jugeait utile hier d'exclure
les magistrats, par des raisons d'incom-
patibilité matérielle et morale. A plus
forte raison l'exclusion doit-elle s'appli-
quer aux premiers présidents, dont les
devoirs sont encore plus lourds que ceux
dès simples conseillers.
C'est irréprochable, à ne regarder que
la construction du syllogisme. Mais une
majorité a autre chose à faire que de
s'arrêter au raisonnements en barbara ou
en baralypton, surtout quand il s'agit de
réparer, dans une mesure si restreinte
que ce soit, une erreur commise. Une
simple hésitation sera de sa part un hom-
mage suffisant rendu aux qualités de dia-
lecticien qui distinguent M. Bérenger.
Après scrutin et pointage, l'amendement
de M. Griffe est adopté par 105 voix con-
tre 100.
L'amendement de M. Lalanne, excep-
tant de l'incompatibilité les membres du
Bureau des longitudes, passe comme une
lettre à la poste.
Nous nous trouvons maintenant en
face des revendications religieuses. Elles
sont présentées, bien modestement, par
un avocat d'aspect triste et de voix plain-
tive, M. Le Guen. Pas un mot d'aigreur;
encore un appel à la concordance des
idées. Vous avez, dit M. Le Gucn, voté
l'exception pour les chefs de l'armée, de
la magistrature et du haut enseignement ;
que ne la votez-vous pour les chefs du
clergé ?
Alors, fait observer M. Chalamet, limi-
tez votre amendement à l'archevêque de
Paris, au président du consistoire de
Paris et au grand rabbin. Nous lui ferons
peut-être meilleur accueil.
Il semble que le rapporteur tende ici
la perche à l'auteur de l'amendement ; en
réalité, il ne fait que démasquer une fi-
nesse. M. Le Guen, en parfait clérical, n'a
fait appel à la logique qu'autant qu'elle
pouvait faire illusion sur des prétentions
assez vastes. Il voulait faire avaler en
douceur une très grosse couleuvre. Son
texte, beaucoup trop compréhensif pour
être si humblement défendu, embrassait
tous les prélats de France et tous les pré-
sidents de consistoire ; et, faisant la"
sourde oreille aux propositions concilian-
tes de M. Chalamet, M. Le Guen refuse
de le réduire ni veut jouer le tout pour
le tout ; il perd la partie ; son amende-
ment est rejeté par 135 voix contre 88.
Pour cette fois, il faut le reconnaître,
c'est la majorité qui est restée stricte-
ment fidèle à la concordance des idées.
Si une proposition moins ambitieuse lui
avait été soumise, elle aurait sans doute
été forcée d'y souscrire. Dans les limites
où elle s'était enfermée de ptrti pris, on
lui demandait trop. Elle a refusé. La
chose est bonne à dire pour ceux qui s'é-
tonneraient de ne plus voir, suivant une
tradition constante, des représentants du
clergé figurer dans le Parlement français.
Après l'adoption des articles 6 et 7, la
suite de la discussion est renvoyée à
jeudi.
PAUL PELLEGRIN.
80- 400-
EN GOREE
Une nouvelle grave nous arrive de
l'Extrême-Orient. Une révolte a éclaté en
Corée pendant une fête donnée par le roi
au ministre d'Angleterre, — dit une dé-
pêche adressée de Pékin au Times et au
Standm.d.-Il semble, d'ailleurs, quecette
révolte ait tous les caractères d'une révo-
lution: « A un signal, le fils du roi et
six de ses ministres ont été assassinés. »
La dépêche ajoute même ce détail, qui
ouvre le champ à toutes les hypothèses :
« La reine a disparu ».
Mais ce n'est pas tout. Il y a eu colli-
sion entre les troupes chinoises et japo-
naises et le roi s'est mis sous la protec-
tion des Japonais. C'est là qu'est le
véritable intérêt de la nouvelle.
La Corée est un Etat tributaire de la
Chine, mais qui confine à l'archipel du
Japon et excite les convoitises à la fois
de l'empire japonais et de la Russie.
Depuis plusieurs années déjà,la Corée est
un sujet de préoccupations continuelles
pour la Chine. Non seulement ce pays
est travaillé par les agents de la Russie et
du Japon, mais le jeune souverain de
Séoul a des velléités d'indépendance et
n'attend qu'une occasion pour se sous-
traire à la suzeraineté de la Chine. - -
Li Hong-Chang, comme vice-roi au
Petchili, a dans ses attributions la direc-
tion des affaires coréennes. A ce titre, il
a suivi avec vigilance les intrigues de la
cour dé Séoul.
Il comprend le danger de laisser la Co-
rée sous une domination étrangère. Au
mois de mai derniertuja .r^ayeau moup.
vement se produisit à Séoul. Li-Hong-
Chang, très préocupé des complications
que pourrait faire naître de ce côté le
conflit franco-chinois. brusqua les négo-
ciations pour rester libre vis-à-vis de la
cour coréenne.
Il n'est pas douteux que cette préoccu-
pation du vice-roi n'ait hâté la conclu-
sion du traité de Tientsin.
Il est manifeste que la Corée, voyant
la tournure qu'ont prise les événements
en Chine et au Tonkin, veut profiter des
circonstances. Est-ce pour conquérir son
indépendance? Le mouvement qui vient
de se produire a-t-il été préparé par le
Japon? Il est difficile de savoir exacte-
ment le tond des choses à l'heure ac-
tuelle.
Ce qui est certain, c'est que cette di-
version, quelles que soient les causes qui
l'on amenée, peut modifier les disposi-
tions de la cour de Pékin. La révolution
de Séoul est un sérieux embarras pour
la Chine. Nous ne tarderons pas à savoir
quelle influence cet événement aura à
exercer sur la politique chinoise au
Tonkin.
Louis HENRIQUE.
lob,
L'ENLÈVEMENT DE PSYCHÉ
Quoique je ne sois point partisan des
expositions en boutique, j'ai descendu
toute la rue de La Rochefoucauld du
haut en bas pour voir la dernière œuvre
de Baudry. C'est que, si nous comp-
tons encore parmi nous une demi-dou-
zaine de décorateurs éminents ou dis-
tingués, nous n'en avons pas deux qui
soient grands coloristes par-dessus le
marché. Un bel ensemble, une compo-
sition large et claire vaudra toujours
son prix ; mais combien me citeriez-
vous d'oeuvres décoratives dont le moin-
dre morceau, la plus minuscule bouchée,
conserve isolément une exquise saveur?
Perraud, qui fut grand statuaire durant
une vingtaine d'années, et très subtil
critique à ses moments perdus, me di-
sait : « C'est fièrement beau, le tas du
père Rude à l'Arc-de-Triomphe ; mais
ça vaut plus par l'ensemble que par
le détail, et si l'on en cachai un mor-
ceau dans la terre, ceux qui le trouve-
ront plus tard ne crieraient peut-être
pas au chef-d'œuvre ; tandis qu'une ro-
tule, une malléole, un bout de bras, un
fragment de jambe, détaché du Philo-
pœmen de David, étonnera les gens
comme l'antique. »
Baudry (mais ce n'est point le cas
de le dire aujourd'hui) peut se tromper
dans la composition d'un ensemble. Si
cette occasion se présente jamais, met-
tez l'ouvrage en pièces, débitez-le en
petits morceaux, vous n'en trouverez
pas un qui ne soit bon, dessiné et peint
de main de maître. Le Miracle de saint
Hubert, dÓnl il a illustré une cheminée
de Chantilly, est à la fois trop touffu et
trop savant ; les personnages s'y fou-
lent et les accessoires, choisis avec un
goût parfait et une archéologie irrépro-
chable, s'empilent les uns sur les au-
tres comme dans un magasin de curio-
sités. Mais le vandale intelligent qui sau-
rait diviser en petits lots cette toile
encombrée tirerait d'épaisseur un pay-
sage, des portraits, des animaux, des
fabriques, des natures mortes, comme
les spécialistes des divers genres n'en
exposent guère aujourd'hui.
Cependant j'aime mieux Baudry avec
ses coudées franches, en promenade
dans l'azur, qui est son vrai milieu,
côte à côte avec ces gracieuses divini-
tés de l'Olympe qu'il aime et dont il est
aimé. Un de ces richissimes Améri-
cain-, qui ont le dollar intelligent, l'a
lancé sans songer à mal dans la légende
de Psyché. Baudry en a tiré pour New-
York un plafond qui ne serait pas dé-
placé à la Farnésine, et qui rappelle
même par certains détails les joyeuses
libertés de Raphaël et de Jules Romain.
De ce plafond, que Paris a fort applaudi,
nous avons vu sortir une scène à deux
personnages : Psyché en adoration de-
vant l'Amour. Aujourd'hui, le grand
peintre nous tait voir un autre aspect
de la question, ou plutôt il tire un nou-
veau oiamant de cette mine dont les
poètes et les artistes des siècles futurs
ne trouveront jamais le fond.
C'est Y Enlèvement de Psyché par
Mercure, dans un ciel printanier que de
jolis petits nuages blancs éparpillés sur
le bleu, comme des agneaux sur la ver-
dure, animent et varient sans l'obscur-
cir ni peu ni prou. Paul Baudry est le
seul des maîtres contemporains qui soit
capable de modeler une figure en pleine
lumière, et il ne l'a jamais montré mieux
qu'en cette occurrence. Les trois figu-
res qu'il a mises en scène sont telle-
ment baignées dans l'éther, que leurs
traits se dessinent sans ombre; cela
seul nous entraîne à mille lieues du
monde réel.
La jeune fille que l'Amour attend dans
son palais céleste ne sait pas où Zéphyr
la conduit, où Meréure la porte. L etran-
geté de cet enlèvement la trouble et la
confond à tel point qu'elle en paraît à
peine émue. Sa jolie petite tête dont le
menton se cache dans la main n'exprime
qu'une rêverie vague, une méditation
sans cause et sans but, mais sans terreur
aussi : elle ne songe pas à se défendre
contre la familiarité au moins étrange
du messager qui l'a saisie à tour de bras.
Les formes délicates de cet être subtil
et mignon sont voilées à demi, très
chastement, paj^une draperie bMcJie,
jaune et lilas, qui est un vrai régal des
yeux. Zéphyr, qui montre le chemin est
un éphèbe un peu maigrelet et mollet ;
une figure de remplissage, comme l'en-
fant ailé qui se lamente au bas du tableau
sans trop savoir pourquoi. Mais la figure
capitale, le morceau de bravoure, c'est
Mercure. Puissamment modelé, emporlé
par un mouvement superbe, admirable de
force et d'adresse, aussi chaste que ré-
solu, il accomplit la tâche d'un grison
avec la noblesse d'un Dieu. On pourrait
épiloguer tant soit peu sur la couleur
de ses cnémides, sur la grosseur de ses
pilons, sur les deux ailes de perruche
qui ornent son chapeau de Parisien par-
tant pour la campagne, et particulière-
ment sur le tissu aérien, la gaze de
Chambéry dont le peintre a couvert
l'exubérance athlétique de ses formes
postérieures. Paul Baudry a pensé pro-
bablement qu'un dieu n'a pas besoin
de nous montrer deux hémisphères,
quand nous avons déjà en perspective la
plante de ses deux pieds. Mais ce sont
là simples vétilles, détails sans impor-
tance, piqûres de moucheron à lion. La
perfection ne sera jamais de ce monde,
mais l'Enlèvement de Psyché est un
grand événement dans la vie déjà si
pleine et si glorieuse de Paul Baudry.
ABOUT.
Nom
NOUVELLES DE CHINE
DÉPÊCHÉ DE L'AMIRAL COTRBBF
Le ministre de la marine a communiqué
ce matin au conseil une dépêche de l'amiral
Courbet, en date de Kelung, 13 décembre,
par laquelle celui-ci l'informe que le com-
mandant Lacroix a dirigé une reconnais-
sance ollensi ve contre les ouvrages ennemis
nouveaux qui menaçaient certaines de nos
positions.
Les Chinois ont été délogés de leurs posi-
tions, et ils ont perdu 200 hommes tant tués
que blessés.
Il y a eu de notre côté un tué et sept
blessés.
LES CROISEURS CHINOIS
Shanghaï, 16 décembre, 1 h. 53 sOir':
Les croiseurs chinois sont partis; leur des-
tination est inconnue.
LES RENFORTS
On mande de Cherbourg en date de ce
matin :
Le croiseur le Bourayne a quitté la rade,
faisant route pour le Tonkin.
* »
On nous écrit de Toulon :
Le ministre de la marine a, par mesure
de précaution, envoyé l'ordre de faire partir
au-devaat des transports le Cholon, le Ché-
ribon et le Chandernagor, pour les convoyer
de Singapore à Formose, le cuirassé" la
Triomphante qui s'était rendu à Saigon afin
d'y remplacer un canon de 14, mis hors de
service lors du bombardement de Tamsui.
Le transport le Canton, qui se trouve en
ce moment dans la mer Rouge, ayant à bord
les 1,028 hommes de la légion étrangère,
et qui n'est attendu dans les mers de Chine
qu'à la fin de décembre, sera également
convoyé par un autre cuirassé.
LA RIVIÈRE DE WOOSUNG
On mande de Trieste, 16 décembre :
L'admiaistration maritime a publié l'avis
suivant :
« Le gouvernement chinois a l'intention
de visiter tous les navires étrangers qui en-
treront dans le Yang-tsé-Kiang, afin d'é-
tablir leur nationalité, et a invité les consuls
de Shanghaï à interdire à leurs nationaux
d'approvisionner les navires français de vi-
vres, de charbon et d'huile.
» Le Woosung va être barré. Cependant
une passe sera réservée aux navires de com-
merce ou de guerre portant pavillon neutre »
EN CHINB
On écrit de Pékin, 3 novembre :
«Ching-Shu-Sheng, le dernier vice-roi des
provinces de Canton et du Kuang-Si, est mort
à Canton, le lundi 20 octobre, des suités
d'une dysenterie. Des quatre hauts fonc-
tionnaires de la province de Canton, Ching
étoit le plus modéré, ce qui le fera regretter
davantage dans les circonstances présentes.
) ün dit que sur qu'onze mandarins appar-
tenant au parti de la guerr e en juin dernier,
quatre seulement persistent aujourd'hui et
sont les chefs de tout le parti; ce sont : le
septième prince, Tse-Tsung-Tang, Li-Hong-
Chang et Chang-Shih-Tung. »
————————- ————————
Le nouvel Hôtel des Postes
(PREMIER ARTICLE)
Il n'est aucun Parisien qui, passant
rue Montmartre, n'ait, depuis une cou-
ple d'années, jeté un regard de curio-
sité sur cette construction blanche éle-
vée à l'angle de la rue Jean-Jacques-
Rousseau, et qui s'appelle le nouvel
Hôtel des Postes. C'est seulement lors-
qu'elle sera terminée que l'on pourra
délivrer la place du Carrousel de ces
affreux baraquements qui la défigurent
aujourd'hui. A l'heure actuelle, les tra-
vaux approchent de la fin ; non seule-
ment fIe gros œuvre est achevé, mais
les travaux d'aménagement intérieur
sont presque achevés, eux aussi. S'il ne
fallait attendre certaines machines dont
la construction a souffert quelque retard,
le service des postes pourrait rentrer
chez lui et s'installer dans son hôtel
reconstruit, dès les premiers jours de
l'année prochaine. Pour ce qui regarde
l'architecte, tout est prêt.
J'ai eu récemment la bonne fortune
de visiter le nouvel Hôtel des Postes. Il
m'a paru que sa description pourrait
intéresser les lecteurs de ce journal.
Nous nous servons tous de la poste;
nous recevons et nous écrivons tous
plusieurs lettres chaque jour; et quant
aux journaux, si tout le monde n'en fait
pas,„tout le monde en lit, Comment
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