Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1892-12-18
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 18 décembre 1892 18 décembre 1892
Description : 1892/12/18 (A22,N7643). 1892/12/18 (A22,N7643).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 29/04/2013
Vingt-deuxième année. - N° 7,6A3
CINQ Centimes -- Paris et Départements — CINQ Centimes
-DIMANCHE 13 DÉCEMBRE 1892
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LE CAMP ENNEMI
Ceux de nos amis de la gauche qui
se laissent trop aisément piquer au
jeu par les grands airs de pureté de
nos adversaires et qui se montrent
toujours prêts à attester que la poli-
tique, comme disait Bilboquet, est
étrangère à l'événement, trouveront
l'occasion de s'édifier en scrutant le
scrutin de jeudi d'un peu près.
Si M. Brisson d'un côté, MM. Bour-
geois et Ribot de l'autre, n'ont pu
tomber d'accord sur le meilleur ter-
rain pour réaliser l'union des répu-
blicains, l'union des adversaires de la
République s'est faite toute seule, ou
plutôt elle était faite et parfaite avant
le commencement de la séance. Il n'est
plus du tout question des ralliés. Vous
ne les trouverez pas dans la faible
majorité qui a épargné au pays
l'aggravation peut-être irrémédiable
du gâchis, en s'opposant à la con-
fusion des pouvoirs et au bouleverse-
ment de toutes les règles protectrices
de la liberté des citoyens. Non, pas
plus M. le comte Greffulhe que M.
Loreau, pas plus M. Jules Jaluzot que
M. Bourlon de Rouvre ou M. de Mont-
saulnin. Tous reviennent à leurs ori-
gines et font appel à leurs anciennes
troupes pour renouveler l'ancien as-
saut.
Au contraire, on a pu dire, lors de
la proclamation du scrutin, avec tou-
tes les chances de ne point se trom-
per, que la majorité des â71 était ex-
clusivement composée de républicains,
de nuances diverses sans doute, mais
tous connus pour de vrais républi-
cains.
La lecture du Journal officiel ne ré-
vèle qu'une exception : M. de Guillou-
tet figure parmi les 271. Ce vétéran a
déjà montré, dans quelques circons-
tances récentes, qu'il ne se plie pas
aisément à des mots d'ordre de pure
Stratégie. Peut-être ses voisins de la
Chambre lui en voudront-ils un peu ;
mais ses coreligionnaires politiques
du Sénat lui devraient bien une ova-
tion, comme au dernier conservateur
du Palais-Bourbon.
Je ne saurais, en effet, trop insister
sur ce contraste qui donne la mesure
de la bonne foi de la réaction. A la
Chambre, où les susceptibilités sont
excitées au point de perdre le sang-
froid et de n'oser se refuser aux sug-
gestions les plus déraisonnables, toute
l'opposition sans exception, ou à une
seule exception, ne peut souffrir que
l'on reconnaisse aucun frein, qu'on
se laisse arrêter par aucune barrière :
lois, règles de procédure, constitution
même. Elle fait l'apologie de ce qu'elle
appelle elle-même des usurpations.
Elle tient à combler de pouvoirs excep-
tionnels une commission parlemen-
taire qui reconnaît elle-même, par
l'organe de son président, qu'aucun
obstacle sérieux n'entrave la liberté
de ses investigations. Elle dénonce le
gouvernement comme suspect, du
moment qu'il fait ses réserves et tient
à rester tout au moins l'intermédiaire
obligé entre la commission et le corps
judiciaire.
Au Sénat, les dispositions d'esprit
sont différentes et l'on est générale-
ment enclin à morigéner l'exces-
sive impressionnabilité de la Cham-
bre. C'est de ce sentiment que la
droite cherche à tirer parti au Luxem-
bourg; là, elle reproche au gouverne-
ment de trop concéder à une opinion
ombrageuse et le rappelle au principe
sacro-saint de la séparation des pou-
voirs.
Qui ne voit clairement combien les
convictions ont peu de part dans ce
double jeu? Qui ne voit que les enne-
mis impénitents de la démocratie ré-
publicaine, depuis de longs mois plon-
gés dans le marasme, auj ourd'hui ra-
nimés par le débordement du scan-
dale, ne cherchent, dans des attitudes
opposées suivant les milieux, que des
prétextes pour détraquer tous les
rouages et mettre le désordre dans les
affaires publiques ? La poursuite du
gâchis est l'unique cause pour laquelle
ils tirent une épée semblable au sabre
de Joseph Prudhomme, destinée à dé-
fendre les principes conservateurs et
au besoin à les combattre. Il est vrai
que beaucoup de ceux qui se fai-
saient un plaisir d'accuser le gouver-
nement de mollesse ne paraissent pas
tout à fait aussi ravis qu'on aurait eu
de droit de s'y attendre. Les décisions
qu'il a fini par prendre laissent en-
tendre déjà qu'ils n'en demandaient
pas tant.
On a, en effet, quelques raisons de
penser que ceux qui ont attaché le
grelot ne s'étaient pas proposa pour
but d'empirer la situation des admi-
nistrateurs de la compagnie de Pa-
nama, de les soumettre à la juridic-
tion de la cour d'assises, d'amener leur
arrestation ou leur fuite. Mais quoi I
si la vengeance a ses attraits, elle
comporte aussi des périls : on ne peut
pas s'attacher indéfiniment à la re-
.: cherche de huit ou dix millions égarés,
sans s'enquérir des centaines de mil-
lions gaspillés à titres divers, et il
n'est pas commode de poursuivre des
corrompus sans s'inquiéter des cor-
rupteurs.
Le garde des sceaux a prouvé, dans
tous les cas, qu'il n'avait pas pro-
noncé une parole vaine, en se disant
prêt à donner des suites judiciaires
aux découvertes de la commission
d'enquête quand elles en paraîtraient
susceptibles. Que la commission pour-
suive donc des recherches qui sont
assurées de ne pas rester inefficaces,
et qu'on ne croie pas devoir, à propos
de tout ce qui se passe ou ne se
passe pas dans ses séances, suspendre
tout le travail législatif, l'expédition
de toutes les affaires gouvernemen-
tales, demander à la Chambre de dé-
crocher la lune, de marcher sur la tête
ou de bousculer tout notre droit pu-
blic.
Il n'est pas douteux que le pays at-
tend avec curiosité les résultats de
l'enquête ; mais il attend aussi les lois
qu'on lui a promises et le vote indis-
pensable du budget, et il n'est point
encore de dénonciations personnelles
ni de campagne de scandale qui puis-
sent faire à la Chambre le tort que
lui ferait le spectacle de son im-
puissance et de l'anarchie gouvermen-
tale.
Quant à la réaction, pour peu que
les républicains sachent éventer ses
pièges, ses illusions auront été de
courte durée. Les électeurs ne man-
queront point de démêler à quel point
était sincère cette explosion de vertu,
réglée comme une marmite à renver-
sement, et ils auront l'œil aux ma-
nœuvres dont on nous signale de
toutes parts le redoublement. On a
beau croire l'ocasion venue de recom-
mencer les boniments anciens en fa-
veur des prétendants, le bon sens na-
tional ne se laissera pas égarer. Il sait
que c'est au moment où le champ de
foire offre les spectacles les plus
étonnants et le vacarme le plus assour-
dissant, qu'il est prudent d'avoir la
main sur sa montre et sur son fou-
lard. Il ne se laissera pas escamoter
les institutions républicaines par dis-
traction.
Gustave Isambert.
L'ORIGINE DE CORNELIUS HERZ
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Worms, 16 décembre.
Les articles publiés sur M. Cornélius Herz
ont particulièrement intéressé les habitants
de notre ville,parmi lesquels plusieurs con-
naissent très bien les parents du fameux
brasseur d'affaires. Il y a un an, M. Léopold
Herz, père de Cornélius, est venu, accom-
pagné de sa fille cadette, faire une visite à
la ville de Worms. 11 s'est donné comme
un homme riche, s'est montré généreux et
a même fait des dons à plusieurs œuvres de
charité. Il aimait à parler de son fils qui,
selon lui, a fait une carrière brillante et au-
quel il doit sa fortune actuelle; car M.Herz
père a eu des hauts et des bas dans son
passé.
M. Léopold Herz est né à Osterliofen ; de-
venu orphelin de très bonne heure, on le
plaça dans l'orphelinat israélite de Worms.
Plus tard,la Société pour le développement
des métiers manuels parmi les Israélites a
placé Léopold Herz comme apprenti chez
un relieur. Ayant fini son apprentissage,
Léopold Herz alla faire son tour de compa-
gnonnage et émigra pour la France. Il
abandonna bientôt son métier pour se
lancer dans les affaires.
Il s'est établi d'abord à Besançon, ensuite
à Grenoble, et enfin à Lyon, où la justice
parut vouloir mettre un terme à ses agis-
sements. Il y a environ trente ou trente-
cinq ans, les autorités françaises ont, par
l'intermédiaire de l'ambassadeur de Hesse,
invité le parquet de Worms à arrêter Léo-
pold Herz, à l'extrader et à le ramener
en France.
Il parait que ce mandat d'amener ne resta
pas sans effet. Herz père fut traduit de-
vant la cour d'assises de Lyon pour délit
de banqueroute frauduleuse, mais il profita
d'un verdict d'acquittement.
La biographie de la mère de Cornélius
Herz n'a rien de saillant; elle est de ces
braves femmes qui n'ont pas d'histoire.
Adelheid Friedmann, née à Worms, était
une pauvre ouvrière; elle rencontra en
France Léopold Herz, qui l'épousa. @ Elle
s'est consacrée exclusivement au ménage
et à l'éducation de ses enfants, et l'on n'a
jamais entendu parler d'elle. On ignore
même si elle est encore de ce monde.
LA COMMISSION D'ENQUÊTE
La commission ne démissionne pas. —
L'ordre du jour
Réunie hier à trois heures, sous la prési-
dence de M. Brisson, la commission d'en-
quête a délibéré sur la situation qui lui a
été créée par son échec devant la Chambre,
avant-hier, sur la proposition Pourquery
de Boisserin.
Malgré que le secret ait été décidé sur
l'ensemble de la délibération, nous pou-
vons dire qu'elle a été entièrement consa-
crée à la question de savoir si la commis-
sion devait résigner son mandat ou conti-
nuer son enquête.
Avant d'entrer dans le fond de la dis-
cussion, il a tout d'abord été décidé que,
quelle que fût la décision de la commis-
sion, elle serait observée par tous les com-
missaires.
Le débat s'est alors engagé : MM. Brisson,
Maujan et Camille Pelleian ont successive-
ment soutenu cette thèse que la commis-
sion, mise la veille deux fois en échec de-
vant la Chambre, avait perdu de son auto-
rité morale, et que, au surplus, l'informa-
tion nouvelle révélée par les arrestations
opérées dans la matinée ne pouvait que
concentrer les éléments essentiels de l'en-
quête parlementaire et l'annihiler en quel-
que sorte.
En présence de ce fait accompli, MM.
Brisson, Maujan et Pelletan ont exprimé
l'opinion que la commission devait se reti-
rer, si elle ne voulait pas s'exposer à deve-
nir impuissante pour la suite de l'enquête.
Cette manière de voir a trouvé immé-
diatement des adversaires parmi les mem-
bres républicains modérés de la commis-
sion et ceux de droite.
Ces derniers, se plaçant au point de vue
même des nouvelles poursuites, ont fait
valoir que l'exiatence de la commission
avait eu précisément pour résultat de pro-
voquer une action judiciaire sur les faits
de corruption que la commission d'enquête
avait mandat de mettre en lumière, et que
la commission pouvait, sans gêner l'action
de la justice, continuer son mandat de jury
d'honneur.
Il importe, en effet, ont ajouté plusieurs
commissaires, que nous recherchions pour
les blâmer les actes qui constituent seule-
ment des actes d'indélicatesse.
La discussion étant épuisée, on passe au
vote sur le point de savoir si la commission
restera en fonctions et continuera ses in-
vestigations.
Par 82 voix contre 7, la commission dé-
cide de continuer ses travaux.
Les sept commissaires qui ont voté contre
sont MM. Brisson, Maujan, Camille Pelletan,
Dumay, Dupuis-Dutemps, Félix Mathé et
Bérard.
Après ce vote, la commission adopte l'or-
dre du jour suivant, qui sera inscrit au
procès-verbal :
La commission a considéré que les pour-
suites et les actes énergiques d'aujourd'hui
sont le résultat nécessaire et obligé de ses
recherches et que son existence est la garan-
tie de la persévérance du gouvernement.
La commission s'ajourne ensuite à au-
jourd'hui pour régler son ordre du jour.
Au cours de cette séance, la commission
recevra communication du rapport de sa
délégation sur le dossier judiciaire.
LE PANAMA AU SÉNAT
Les quatre bureaux des groupes républi-
cains du Sénat ont chargé hier leurs pré-
sidents de se rendre auprès du président
du conseil « pour féliciter le g mvernement
de l'attitude qu'il a prise à la Chambre des
députés dans sa séance de jeudi, et l'ap-
prouver d'avoir immédiatement prescrit
l'instruction judiciaire qui vient d'être
ouverte. »
Hier, à quatre heures, les quatre prési-
dents ont été reçus par M. Ribot, qui les a
remerciés de leur démarche et qui les a
assurés que le gouvernement ne faiblirait
pas dans la lourde tâche qu'il avait assu-
mée.
L'EXTRADITION DE M. COTTU
La question de l'extradition de M. Cottu
est facile à résoudre en ce qui concerne le
crime de corruption.
Les cas d'extradition entre la France et
l'Autriche-Hongrie sont définis par la con-
vention du 13 novembre 1855 et la conven-
tion additionnelle du lâ février 1869, qui
n'ont point prévu la corruption.
Depuis quelques années, on se préoccupe
de cette lacune toutes les fois qu'il s'agit
de renouveler un traité, mais actuellement
il n'y a guère que la Belgique qui ait re-
connu, — par la convention du 15 août
187h, — comme cas d'extradition la « cor-
ruption de fonctionnaires publics ou d'ar-
bitres ».
M. Cottu est donc en sûreté à Vienne, en
tant que prévenu de corruption.
Mais il ne faut pas perdre de vue que M.
Cottu est en même temps poursuivi pour
escroquerie, et que le gouvernement fran-
çais est en droit de réclamer son extradi-
tion de ce chef.
D'autre part, c'est un principe de droit
international consacré par tous les traités
qu'un prévenu extradé à raison d'un crime
ou d'un délit déterminé ne peut être pour-
suivi pour un autre fait.
Par conséquent, si le gouvernement ob-
tient l'extradition de M. Cottu, il ne pourra
le faire comparaître devant la justice que
comme prévenu d'escroquerie, et lui ap-
pliquer la peine prononcée à raison de ce
délit.
En ce qui concerne la corruption, M.
Cottu serait réputé absent et jugé par con-
tumace.
CONSÉQUENCES JURIDIQUES
DES ARRESTATIONS D'HIER
La poursuite pour corruption de fonc-
tionnaires dirigée contre MM. Charles de
Lesseps et Marius Fontane va avoir une
conséquence juridique assez originale.
Elle aura pour effet de dessaisir la pre-
mière chambre de la cour d'appel de Paris
de la poursuite pour abus de confiance et
escroquerie intentée contre ces deux ad-
ministrateurs de la Société de Panama.
En effet il y a connexité, quant au temps,
entre le crime de corruption de fonction-
naires et les délits d'abus de confiance et
d'escroquerie. Par suite, le crime de cor-
ruption de fonctionnaires attire devant sa
juridiction à lui, c'est-à-aire devant la ju-
ridiction de la cour d'assises, les délits
d'abus de confiance et d'escroquerie repro-
chés à MM. de Lesseps et Marius Fon-
tane.
Le jury de la Seine aura donc à statuer
définitivement :
1° Sur le chef de corruption de forïb-
tionnaires ; 2° sur les chefs d'abus de con-
fiance et d'escroquerie.
La lro chambre de la cour d'appel sera
contrainte, en ce qui concerne MM. de Les-
seps et Marius Fontane, de se dessaisir par
arrêt.
Mais elle restera saisie de la poursuite
intentée contre M. Eiffel qui, lui, n'est pas
impliqué dans l'affaire de corruption de
fonctionnaires. Quant au cas du baron
Cottu, il est réservé à cause de la question
d'extradition.
Cette division de juridiction, sur laquelle
on va beaucoup discuter entre jurisconsul-
tees, nous a paru intéressante à signaler dès
aujourd'hui.
M. JULES ROCHE POURSUIT
Chambéry, 16 décembre. — Ce matin, à la re-
quête de M. Jules Roche, député de la Savoie,
M8 Chenu, huissier, a dressé procès-verbal de
constat de la vente, à Chambéry, du journal la
Libre Parole, numéro UO.
M. Jules Roche va, à la suite de ce procès-
verbal, intenter des poursuites en diffamation
contre la Libre Parole devant la cour d'assises
de la "Savoie.
WHYDAH ET LE PORTUGAL
Lisbonne, 16 décembre. — On assure que le
gouvernement délibérera sur la question de
la forteresse portugaise de Saint-Jean-Bap-
tiste de Whydah, maintenant enclavée dans le
territoire français.
La forteresse se trouve expressément in-
sérée dans la Constitution portugaise comme
domaine national.
L'ÉLECTION DE CARMAUX
Carmaux, IG décembre. — Un congrès répu-
blicain s'est réuni aujourd'hui, 611 vue de dé-
signer un candidat poijr l'élection qui doit
avoir lieu prochainement à Carmaux en rem-
placement de M. le marquis ci £ Solages, dé-
missionnaire.
C'est un ancien député, M. Héral, qui a été
proclamé candidat par 121 voix sur S&» vo-
tants.
Ajoutons que &3 voix ont été accordées au
candidat des socialistes, M. Jaurès, que le con-
grès s'était refuséj, •«♦e^dre-
ARRESTATION
DE MM. DE LESSEPS, FONTANE
SANS-LEROY
SÉRIE DE PERQUISITIONS
M. COTTU EN FUITE
Paroles et actes. — Secret bien gardé.
Les incidents de la journée.
Chez le juge et à Mazas.
Avant-hier, M. Bourgeois, garde des
sceaux, disait à la tribune de la Chambre,
répondant à une interruption :
— On me dit : Et la justice ? Il me semble
que ce que j'ai dit jusqu'à présent ne laisse
aucun doute à cet égard. Mon intention et ma
volonté sont d'arriver à la vérité et à la jus-
tice.
M. Gtoussot. — Mais les preuves disparais-
sent pendant ce temps-là.
A droite. — Et les talons des chèques aussi.
ltI. le garde des sceaux. — Et je suis d'ores
et déjà parfaitement résolu à ouvrir, s'il est
nécessaire, une information complémentaire
sur tous les faits. (Ah! ah! sur divers bancs.)
Il n'y a aucun doute, et déjà hier, à la com-
mission d'enquête, j'ai parfaitement fait en-
tendre mon sentiment sur ce point.
Une information complémentaire sur tous
les faits qui résulteraient des procès-verbaux
mêmes de la commission d'enquête ou qui se-
raient parvenus à ma connaissance, et qui me
paraîtraient motiver cette information.
Et plus loin, le ministre de la justice di-
sait encore :
— Je tiens à répéter à la fin de cette séance
ce qui, au commencement, a été dit par M.
le président du conseil et par moi : que rien
dans les déclarations que nous avons appor-
tées ici ne peut avoir pour conséquence de
diminuer le concours loyal, absolu, que nous
avons donne jusqu'ici à la commission et que
nous continuerons à lui donner. (Très bien 1
à gauche.)
Un second point doit être également présent
à vos esprits. J'ai dit que le gouvernement
était décidé à rechercher par toutes les voies
judiciaires la vérité et la justice ; j'ai annoncé
que la résolution d'ouvrir une information
sur les faits pouvant être qualifiés faits de
corruption était arrêtée dans notre pensée, que
nous annoncions dès aujourd'hui officielle-
ment cette résolution. (Très bien 1 très bien I
sur divers bancs.)
M. Michou. — Que demande-t-on de plus ?
M. le garde des sceaux.que nous don-
nerions les ordres nécessaires aussitôt que,
d'accord avec la commission encore sur ce
point, par la communication des procès-ver-
baux nous connaîtrions les faits sur lesquels
nous pourrions être appelés à déterminer la
qualification.
Les actes ont suivi de près les paroles.
Hier matin, MM. Charles de Lesseps et Ma-
rius Fontane, administrateurs du Panama,
et Sans-Leroy, ancien député de l'Ariège,
étaient arrêtés à leur domicile. En même
temps, des perquisitions avaient lieu au
domicile des personnages arrêtés et chez
d'autres dont les noms sont revenus si
souvent dans les interrogatoires de la com-
mission d'enquête.
CORRUPTION DE FONCTIONNAIRES
La séance où la Chambre venait de don-
ner six voix de majorité au gouvernement
était à peine terminée que M. Ribot, prési-
dent du conseil, réunissait dans son cabi-
net le garde des sceaux, M. Tanon, procu-
reur général, M. Roulier, procureur de la
République, et M. Falcimaigne, directeur
des affaires criminelles au ministère de la
justice. Les termes dans lesquels la nou-
velle information est ouverte étaient défi-
nitivement arrêtés. M. Roulier s'entendait
aussitôt après avec M. le juge d'instruction
Franqueville pour lancer des mandats de
perquisition et d'amener contre les per-
sonnes compromises : MM. Charles de Les-
seps, Fontane, Cottu et Sans-Leroy, pour-
suivis pour l'unique fait de corruption de
fonctionnaires.
A onze heures du soir les mandats étaient
prêts; on était allé vite en besogne. Il fal-
lait marcher rapidement, en effet, une in-
discrétion pouvait ébruiter l'affaire et don-
ner à ceux que la justice réclamait le temps
de prendre la fuite.
M. Lozé, préfet de police, convoquait
aussitôt MM. Clément, Cochefert et Touny,
commissaires aux délégations judiciaires,
et les commissaires de police Lawaill, Mar-
tin, Duranton, Lagaillarde, Véron, Dhers et
Lej eune.
M. Lozé remettait les mandats en question
sous enveloppe cachetée, avec ordre de ne
les ouvrir que le lendemain matin avant
six heures. Ces mandats — quatre d'amener
et sept de perquisition, -étaient ainsi con-
çus:
Nous, Franqueville, juge d'instruction au
tribunal de la Seine :
Vu la réquisition de M. le procureur de la
République, en date du 15 décembre 1892, visant
les faits prévus par les articles 177 et 179 du
Code pénal sur la corruption des fonction-
naires publics;
Vu les articles 32 et suivants du Code d'ins-
truction criminelle,
Déléguons M., commissaire de police de
., ou tout autre en cas d'empêchement, à
l'effet de se transporter au domicile du sieur
pour y rechercher et saisir tous papiers,
livres et chèques, ainsi que tous documents
pouvant servir de pièce à conviction, lesquels
seront placés sous scellés et déposés au greffe;
Disons, en outre, qu'en vertu du présent
mandat, le sieur. sera amené devant nous.
(Cette dernière formule n'existait que sur les
mandats d'arrêt.)
Requérons tous agents de la force publique
de prêter la main à l'exécution du présent
mandat, lequel devra après notification rester
annexé au procès-verbal de l'opération.
Fait à Paris, le 15 décembre 1892.
Siioé: FRANQUEVILLE.
LES ARTICLES 177 ET 179
Voici le texte des deux articles 177 et
179 du Code pénal cités plus haut :
Art. 177 (loi du 13 mai 1863). — Tout fonc-
tionnaire public de l'ordre administratif ou
judiciaire, tout agent ou préposé d'une admi-
nistration publique qui aura agréé des offres
ou promesses ou reçu des dons ou présents
pour faire un acte de sa fonction ou de son
emploi, même juste, mais non sujet à salaire,
sera puni de la dégradation civique et con-
damné à une amende double de la valeur des
promesses agréées ou des choses reçues, sans
que ladite amende puisse être inférieure à
200 francs.
La présente disposition est applicable à tout
fonctionnaire, agent ou préposé de la qualité
ci-dessus exprimée qui, par offres ou pro-
messes agréées, dons ou présents reçus, se
sera abstenu de faire un acte qui entrait dans
l'ordre de ses devoirs.
Sera puni de la même peine tout arbitre ou
expert nommé, soit par le tribunal, soit par les
parties, qui aura agréé des offres ou promes-
ses ou reçu des dons ou présents pour rendre
une décision ou donner une opinion favora-
ble à l'une des parties.
Art. 179 (loi du 13 mai 1863). — Quiconque
aura contraint ou tenté de contraindre par
voies de fait ou menaces, corrompu ou tenté
de corrompre par promesse, offres, dons ou
prc:)uts, l'une des personnes de la qualité ex- I
primée e~ l'article 177 pour obtenir, soit une
opinion fa,vOràL)le, soit des procès-verbaux,
états, certificats ou estimations contraires à la
vérité, soit des places, emplois, adjudications,
entreprises ou autres bénéfices quelconques,
soit tout autre acte du ministère du fonction-
naire, agent ou préposé, soit enfin l'abstention
d'un acte qui rentrait dans l'exercice de ses
devoirs, sera puni des mêmes peines que la
personne corrompue.
Toutefois, si les tentatives de contrainte ou
corruption n'ont eu aucun effet, les auteurs
de ces tentatives seront simplement punis d'un
emprisonnement de trois mois au moins et de
six mois au plus et d'une amende de 100 francs
à 300 francs.
A la suite des affaires Wlson-Caffarel, le
Parlement vota une loi nouvelle annexant à
l'article 177 la disposition suivante :
(Loi du h juin 1889). - Sera punie des mêmes
peines toute personne investie d'uii mandat
électif qui aura agréé des offres ou promesses,
reçu des dons ou présents, pour faire obtenir
ou tenter de faire obtenir des décorations,
médailles, distinctions ou récompenses, des
places, fonctions ou emplois, des faveurs quel-
conques accordées par l'autorité publique, des
marchés, entreprises ou autres bénéfices ré-
sultant de traités conclus également avec l'au-
torité publique, et aura ainsi abusé de l'in-
fluence, réelle ou supposée, que lui donne son
mandat.
Toute autre personne qui se sera rendue
coupable de faits semblables sera punie d'un
emprisonnement d'un an au moins et de cinq
ans au plus et d'une amende égale à celle pro-
noncée par le premier paragraphe du présent
article.
Les coupables pourront en outre être inter-
dits des droits mentionnés dans l'article i»2
(c'est-à-dire de l'exercice des droits civiques,
civils et de famille), du présent code, pendant
cinq ans au moins et dix ans au plus à comp-
ter du jour où ils auront subi leur peine.
Au surplus, cette disposition ne peut être
appliquée au cas actuel, et nous le dé-
montrons plus loin ; elle a été votée, en
effet, le A juin 1888, et les faits qui font l'ob-
jet des poursuites d'aujourd'hui sont anté-
rieurs au vote.
LES ARRESTATIONS
M. CHARLES DE LESSEPS
Comme on pense, c'est à M. Clément, qui
jadis procéda à l'arrestation du prince
Jérôme, à l'expulsion des princes, et plus
récemment à l'arrestation du petit duc
d'Orléans, qu'échut la mission d'arrêter
M. Charles de Lesseps, 51, avenue Mon-
taigne, fils du créateur de l'isthme de Suez.
Pour la circonstance, M. Clément avait ar-
boré sur sa redingote de fonctionnaire
correct une rosette toute neuve, car M. Clé-
ment est officier de la Légion d'honneur,
chacun le sait.
Il est six heures. M. Charles de Lesseps
est encore couché. M. Clément sonne. Un
domestique arrive et refuse de le recevoir.
Le commissaire donne son nom, sa qua-
lité et montre un bout d'écharpe. Le do-
mestique part ému et va prévenir son
maitre. M. de Lesseps arrive aussitôt, calme,
l'air resigné, comme s'attendant à l'épreuve
un jour ou l'autre.
— Pénible mission à accomplir, Mon-
sieur, marmotte M. Clément. Perquisition,
saisie. J'ai un mandat de monsieur le
juge d'instruction décerné contre vous.
suis chargé de l'exécuter.
— C'est bien, monsieur, dit en s'inclinant
M. de Lesseps, faites. — Je vous demande
cependant la permission de passer dans
mon appartement pour m'habiller.
— Certainement, monsieur.
Dès que M. de Lesseps fut prêt, il indiqua
à M. Clément les endroits où il pourrait
trouver ses papiers, copies de lettres, car-
nets de chèques, etc., tout ce que le com-
missaire avait mission de saisir.
A neuf heures, tout était terminé : M. de
Lesseps quittait son hôtel et montait en
voiture avec M. Clément, qui ne quittait pas
les paquets assez volumineux composant
sa saisie, et arrivait quelques minutes après
au Dépôt.
M. HENRI COTTU ABSENT
36, avenue du Bois-de-Boulogne. Là, c'est
M. Touny qui opère, à six heures aussi. Il
estVeçu par Mme Cottu.
— Je désirerais voir M. Henri Cottu, dit
le commissaire
— M. Cottu est parti, il y a deux jours,
pour Vienne, en Autriche. affaires de fa-
mille.
— Madame, j'ai un mandat contre lui, et
je suis obligé de perquisitionner.
—Faites,monsieur, puisque je ne puis m'y
opposer, répondit Mme Cottu, très calme.
M. Touny farfouilla dans les tiroirs et
s'empara de nombreux papiers et de quel-
ques carnets de chèques.
M. MARIUS FONTANE
M. Marius Fontane demeure, on le sait,
au siège de la Compagnie du Canal de
Suez, 9, rue Charras. Il dormait, à l'heure
matinale où M. Véron est venu le reveiller,
à sept heures. Une bonne, charmante d'ail-
leurs et très peu vêtue, accourt pour sa-
voir quel est le visiteur assez osé qui se
permet de sonner à cette heure-là.
Très ahurie, elle refuse obstinément l'en-
trée de la maison au commissaire. « Mon-
sieur ne peut recevoir en ce moment. Il me
gronderait. » Enfin, après une courte discus-
sion et surtout une injonction impérieuse,
elle va, en maugréant, prévenir son maitre
qui arrive en bras de chemise et chaussé
de pantoufles.
M. Fontane comprit dès les premiers
mots du commissaire. Il esquissa un sou-
rire et se mit à l'entière disposition de M.
Véron, oui ne lui cacha pas, avec toutes les
formes possibles, qu'il était obligé de saisir
les papiers de son cabinet et, aussi, de le
conduire devant le juge d'instruction.
Trois heures après, M. Véron se retirait
accompagné de M. Fontane, qui quittait
son appartement à l'état d'inculpé.
Le paquet saisi est assez considérable. Il
est enveloppé dans une étoffe multicolore
que M. Fontane a fait donner au commis-
saire.
M. SANS-LEROY
Moins calme a été l'entrevue de M. Sans-
Leroy et de M. Dhers, chargé de l'arrêter.
L'ancien député de l'Ariège habite, 1, rue
Yvon-Viilarceau, à Passy, dans une maison
meublée, un appartement de 175 francs par
mois.
Cet appartement lui avait été indiqué par
l'Agence des étrangers ; il était donné en
sous-location par un locataire en voyage.
M. Sans-Leroy était accompagné d'un do-
mestique ; il n'avait apporté que quelques
effets d'habillement.
Quand il a su de quoi il retournait :
— Comment ! comment ! vous venez per-
quisitionner ?
— Et vous arrêter aussi, monsieur.
— M'arrêter ? Et pourquoi i Qu'est-ce que
tout cela signifie ?
Et comme M. Dhers gardait le mutisme
qui convient :
— Eh bien ! fouillez si ça peut vous faire
plaisir. Bouleversez mes papiers. Prenez
ce qu'il vous plaira. Allez-jr-1
Et tant que dura la perquisition, à la-
quelle il se prêta de la plus mauvaise
grâce, M. Sans-Leroy protesta, murmura,
maugréa, répétant ; « Klle est bonne, celle-
là 1 Elle est bonne J »
Peu de papiers furent saisis, dans cette
perquisition qui ne dura qu'une demi-
heure. Nouvelle protestation quand il s'est
agi de monter en voiture, et tant que dura
la course de Passy au Dépôt.
LES PERQUISITIONS
Tandis que MM. de Lesseps, Foncane et
Sans-Leroy étaient arrêtés, des commis-
saires de police ci travaillaient" à la même
heure de divers côtés, opérant des perqui-
sitions un peu partout. C'était une mobi"
lisation générale.
M. Lawaill perquisitionnait dans les bu-
reaux de la Compagnie de Panama, rue de
la Victoire, 63 bis.
Comme il ne trouvait qu'un concierge,
M. Lawaill envoya chercher M. Monchi-
court, liquidateur de la société, et c'est de-
vant lui qu'il a apposé les scellés sur diffé-
rents meubles, sur les coffres-forts, dont
l'un mesure 11 mètres de long sur 8 mètres
de hauteur, et sur les portes de certains
appartements. Cette opération terminée,
M. Lawaill s'est rendu directement au Pa-
lais de Justice, où il a rendu compte de son
mandat à M. Franqueville, juge d'instruc-
tion chargé de l'affaire.
Il n'a rien emporté. Ce ne serait d'ailleurs
pas une mince affaire1- que de vouloir trans-
porter tous ces papiers. Pour les amener
de la rue Caumartin chez M. Monchicourt
avec les meubles, il ne fallut pas moins de
80 camions. Le seul transport des papiers
saisis une première fois par M. Prinet, et
une seconde fois hier matin par M. Lawaill,
nécessiterait au moins quatorze camions.
M. Martin perquisitionnait chez M.Thier-
rée, chef de la maison de coulisse fondée
par M. de Reinach, rue de la Banque, S2,
qu'un gardien était allé prévenir. M. Thierréa
a protesté contre l'heure matinale ei. il a
fait consigner sa protestation dans le pro-
cès-verbal. Nombreux papiers saisis.
C'est chez M. Thierrée, on se le rappelle,
que les 26 chèques ont été saisis ; les talons
de ces chèques ont été brûlés par lui.
M. Lagaillarde perquisitionnait chez M.
Propper, chef de l'ancienne maison Kohn-
Reinach et Cie, actuellement Kohn-Propper,
A, rue de la Bourse. Des papiers et des
livres de comptabilité ont été saisis.
M. Lejeune perquisitionnait à la Société
des chemins de fer du Sud-Est de la France,
66, rue de la Chaussée-d'Antin. M. de Rei-
nach était membre du conseil d'adminis-
tion de la société, en même temps que M.
Chabert, qui reçut de M. de Reinach un
chèque de 325,000 francs. Les livres et des
papiers ont été saisis. C'est M. Albert Grévy,
sénateur, qui avait, sinon rédigé, du moins
revu et corrigé les statuts.
M. Cochefert perquisitionnait chez M. Bré-
mont, dit de Veragaude, 66, avenue du
Bois-de-Boulogne.
M. Brémont fonda, avec le baron Cottu,
M. de Reinach et Arton, le Crédit, place
Vendôme. Il était le bras droit de M. Cottu.
Il dut quitter le-Crédit et reçut, comme in-
demnité, la bagatelle de 500,000 francs. Dans
une récente séance de la commission d'en-
quête, un témoin, M. Martin, déclara que
M. Veragaude avait dérobé un dossier ap-
partenant à M. Cottu et qu'il l'avait offert
à un journal contre une somme trop forte
pour qu'on pût l'acheter.
M. Brémont a fait entendre de violentes
protestations contre les perquisitions et
contre la saisie de ses papiers.
M. Duranton perquisitionnait chez M.
Cornélius Herz, avenue Henri-Martin, 78.
Une immense quantité de papiers ont été
saisis,en présence d'un unique domestique.
Il n'a pas fallu moins de deux voitures
pour emporter ce paquet, dans lequel figu-
rait une énorme collection de journaux.
Donc, en tout, trois arrestations, un pré-
venu en fuite, et sept perquisitions. D'autres
perquisitions auront lieu encore très pro-
bablement.
M. Ferdinand de Lesseps n'a pas été in-
quiété au château de la Chesnaye, où il est
toujours souffrant,ignorant ce qui se passe.
Mais une commission rogatoire sera cer-
tainement lancée au château de la Toache,
près d'Azay-le-Rideau (Indre-et-Loire),
propriété de M. Henri Cottu.
PERQUISITIONS À TOULOUSE
Toulouse, 16 décembre.
Des perquisitions ont été opérées cet
après-midi chez M. Sans-Leroy, ancien dé-
puté de l'Ariège. On a saisi quelques pièces
peu importantes, dont une lettre datée de
Londres (juin 1887) et signée Sarah de
Worms, dans laquelle il est question d'un
baron, et quelques autres, de Dax et Tou-
louse(avril 1891), traitant de questions d'ar-
gent, notamment d'une somme de 150,000
francs.
Au moment des perquisitions, Mme Sans-
Leroy se trouvait seule dans la maison. Elle
a avoué au commissaire avoir reçu hier
une lettre de son mari, et elle a déclare
avoir détruit cette l&ttre.
QUATRE PORTRAITS
M. CH. DE LESSEPS
Comme son père, débuta au quai
d'Orsay, et, après avoir passé quelque
temps à Constantinople comme attache
d'ambassade, entra dans l'affaire de Suez.
D'une intelligence supérieure, travailleur,
excessivement autoritaire, a fait tout ce
qu'il pouvait pour détourner son père,
déjà âgé, de prendre la direction du Pa-
nama.
Cinquante-quatre ans, grand, robuste, de
larges épaules, une tête carrée, aux yeux
saillants, aux traits accentués, rappelant
assez le masque du chef de famille. Corrige
sa raideur naturelle par une correction
parfaite et un je ne sais quoi d'onctueux
dans le geste,_de musical dans la parole,
qu'il a rapporté de ses longs séjours en
Orient.
Habite, rue Montaigne, un appartement
encombré de souvenirs de ses voyages.
A épousé Mlle Conte de la Maisonfort. Est
officier de la Légion d'honneur, membre du
conseil d'administration du Suez et du Pa"
nama.
M. MARIUS FONTANE
Né à Marseille en 1838. Part à 17 ans pour
chercher fortune en Orient, rencontre M.
Edmond de Lesseps, consul à Beyrouth,
qui le présente à M. Ferdinand de Lesseps,
et séduit le futur grand Français, qui le
fait débuter à 1,200 francs dans 4a compa-
onie de Suez, où il se distingue bientôt
par des capacités administratives de pre..
mier ordre. d b ,.
Un bourreau de travail, e ut a cinq
heures du matin, été comme hiver, don-
nant des rendez-vous à clu'SJ heures et de*
mie, et exigeant de ses colfabv°rateurs
labeur formidable. Finalement, secré,tai!*rae
général du Suez et du Panama. 't.
Le « styliste" des deux canaux, rédigéaii»?
dit-on, tous les discours de M. de Lesseps,
et envoyant de merveilleuses correspond
dances a^ées du canal de Panama où lluG
mit jamais le& Dieds.
A écrit des ouvrages multicolores : lef
,¥archand, de femmes, i.a Tribu des chacal9?
CINQ Centimes -- Paris et Départements — CINQ Centimes
-DIMANCHE 13 DÉCEMBRE 1892
LE 1 QIFÎ1!
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Union Postale - 91.; - 16f., — 321
Les Abonnements sont reçus sans frais dans tou.
les bureaux de poste.
LE CAMP ENNEMI
Ceux de nos amis de la gauche qui
se laissent trop aisément piquer au
jeu par les grands airs de pureté de
nos adversaires et qui se montrent
toujours prêts à attester que la poli-
tique, comme disait Bilboquet, est
étrangère à l'événement, trouveront
l'occasion de s'édifier en scrutant le
scrutin de jeudi d'un peu près.
Si M. Brisson d'un côté, MM. Bour-
geois et Ribot de l'autre, n'ont pu
tomber d'accord sur le meilleur ter-
rain pour réaliser l'union des répu-
blicains, l'union des adversaires de la
République s'est faite toute seule, ou
plutôt elle était faite et parfaite avant
le commencement de la séance. Il n'est
plus du tout question des ralliés. Vous
ne les trouverez pas dans la faible
majorité qui a épargné au pays
l'aggravation peut-être irrémédiable
du gâchis, en s'opposant à la con-
fusion des pouvoirs et au bouleverse-
ment de toutes les règles protectrices
de la liberté des citoyens. Non, pas
plus M. le comte Greffulhe que M.
Loreau, pas plus M. Jules Jaluzot que
M. Bourlon de Rouvre ou M. de Mont-
saulnin. Tous reviennent à leurs ori-
gines et font appel à leurs anciennes
troupes pour renouveler l'ancien as-
saut.
Au contraire, on a pu dire, lors de
la proclamation du scrutin, avec tou-
tes les chances de ne point se trom-
per, que la majorité des â71 était ex-
clusivement composée de républicains,
de nuances diverses sans doute, mais
tous connus pour de vrais républi-
cains.
La lecture du Journal officiel ne ré-
vèle qu'une exception : M. de Guillou-
tet figure parmi les 271. Ce vétéran a
déjà montré, dans quelques circons-
tances récentes, qu'il ne se plie pas
aisément à des mots d'ordre de pure
Stratégie. Peut-être ses voisins de la
Chambre lui en voudront-ils un peu ;
mais ses coreligionnaires politiques
du Sénat lui devraient bien une ova-
tion, comme au dernier conservateur
du Palais-Bourbon.
Je ne saurais, en effet, trop insister
sur ce contraste qui donne la mesure
de la bonne foi de la réaction. A la
Chambre, où les susceptibilités sont
excitées au point de perdre le sang-
froid et de n'oser se refuser aux sug-
gestions les plus déraisonnables, toute
l'opposition sans exception, ou à une
seule exception, ne peut souffrir que
l'on reconnaisse aucun frein, qu'on
se laisse arrêter par aucune barrière :
lois, règles de procédure, constitution
même. Elle fait l'apologie de ce qu'elle
appelle elle-même des usurpations.
Elle tient à combler de pouvoirs excep-
tionnels une commission parlemen-
taire qui reconnaît elle-même, par
l'organe de son président, qu'aucun
obstacle sérieux n'entrave la liberté
de ses investigations. Elle dénonce le
gouvernement comme suspect, du
moment qu'il fait ses réserves et tient
à rester tout au moins l'intermédiaire
obligé entre la commission et le corps
judiciaire.
Au Sénat, les dispositions d'esprit
sont différentes et l'on est générale-
ment enclin à morigéner l'exces-
sive impressionnabilité de la Cham-
bre. C'est de ce sentiment que la
droite cherche à tirer parti au Luxem-
bourg; là, elle reproche au gouverne-
ment de trop concéder à une opinion
ombrageuse et le rappelle au principe
sacro-saint de la séparation des pou-
voirs.
Qui ne voit clairement combien les
convictions ont peu de part dans ce
double jeu? Qui ne voit que les enne-
mis impénitents de la démocratie ré-
publicaine, depuis de longs mois plon-
gés dans le marasme, auj ourd'hui ra-
nimés par le débordement du scan-
dale, ne cherchent, dans des attitudes
opposées suivant les milieux, que des
prétextes pour détraquer tous les
rouages et mettre le désordre dans les
affaires publiques ? La poursuite du
gâchis est l'unique cause pour laquelle
ils tirent une épée semblable au sabre
de Joseph Prudhomme, destinée à dé-
fendre les principes conservateurs et
au besoin à les combattre. Il est vrai
que beaucoup de ceux qui se fai-
saient un plaisir d'accuser le gouver-
nement de mollesse ne paraissent pas
tout à fait aussi ravis qu'on aurait eu
de droit de s'y attendre. Les décisions
qu'il a fini par prendre laissent en-
tendre déjà qu'ils n'en demandaient
pas tant.
On a, en effet, quelques raisons de
penser que ceux qui ont attaché le
grelot ne s'étaient pas proposa pour
but d'empirer la situation des admi-
nistrateurs de la compagnie de Pa-
nama, de les soumettre à la juridic-
tion de la cour d'assises, d'amener leur
arrestation ou leur fuite. Mais quoi I
si la vengeance a ses attraits, elle
comporte aussi des périls : on ne peut
pas s'attacher indéfiniment à la re-
.: cherche de huit ou dix millions égarés,
sans s'enquérir des centaines de mil-
lions gaspillés à titres divers, et il
n'est pas commode de poursuivre des
corrompus sans s'inquiéter des cor-
rupteurs.
Le garde des sceaux a prouvé, dans
tous les cas, qu'il n'avait pas pro-
noncé une parole vaine, en se disant
prêt à donner des suites judiciaires
aux découvertes de la commission
d'enquête quand elles en paraîtraient
susceptibles. Que la commission pour-
suive donc des recherches qui sont
assurées de ne pas rester inefficaces,
et qu'on ne croie pas devoir, à propos
de tout ce qui se passe ou ne se
passe pas dans ses séances, suspendre
tout le travail législatif, l'expédition
de toutes les affaires gouvernemen-
tales, demander à la Chambre de dé-
crocher la lune, de marcher sur la tête
ou de bousculer tout notre droit pu-
blic.
Il n'est pas douteux que le pays at-
tend avec curiosité les résultats de
l'enquête ; mais il attend aussi les lois
qu'on lui a promises et le vote indis-
pensable du budget, et il n'est point
encore de dénonciations personnelles
ni de campagne de scandale qui puis-
sent faire à la Chambre le tort que
lui ferait le spectacle de son im-
puissance et de l'anarchie gouvermen-
tale.
Quant à la réaction, pour peu que
les républicains sachent éventer ses
pièges, ses illusions auront été de
courte durée. Les électeurs ne man-
queront point de démêler à quel point
était sincère cette explosion de vertu,
réglée comme une marmite à renver-
sement, et ils auront l'œil aux ma-
nœuvres dont on nous signale de
toutes parts le redoublement. On a
beau croire l'ocasion venue de recom-
mencer les boniments anciens en fa-
veur des prétendants, le bon sens na-
tional ne se laissera pas égarer. Il sait
que c'est au moment où le champ de
foire offre les spectacles les plus
étonnants et le vacarme le plus assour-
dissant, qu'il est prudent d'avoir la
main sur sa montre et sur son fou-
lard. Il ne se laissera pas escamoter
les institutions républicaines par dis-
traction.
Gustave Isambert.
L'ORIGINE DE CORNELIUS HERZ
(DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER)
Worms, 16 décembre.
Les articles publiés sur M. Cornélius Herz
ont particulièrement intéressé les habitants
de notre ville,parmi lesquels plusieurs con-
naissent très bien les parents du fameux
brasseur d'affaires. Il y a un an, M. Léopold
Herz, père de Cornélius, est venu, accom-
pagné de sa fille cadette, faire une visite à
la ville de Worms. 11 s'est donné comme
un homme riche, s'est montré généreux et
a même fait des dons à plusieurs œuvres de
charité. Il aimait à parler de son fils qui,
selon lui, a fait une carrière brillante et au-
quel il doit sa fortune actuelle; car M.Herz
père a eu des hauts et des bas dans son
passé.
M. Léopold Herz est né à Osterliofen ; de-
venu orphelin de très bonne heure, on le
plaça dans l'orphelinat israélite de Worms.
Plus tard,la Société pour le développement
des métiers manuels parmi les Israélites a
placé Léopold Herz comme apprenti chez
un relieur. Ayant fini son apprentissage,
Léopold Herz alla faire son tour de compa-
gnonnage et émigra pour la France. Il
abandonna bientôt son métier pour se
lancer dans les affaires.
Il s'est établi d'abord à Besançon, ensuite
à Grenoble, et enfin à Lyon, où la justice
parut vouloir mettre un terme à ses agis-
sements. Il y a environ trente ou trente-
cinq ans, les autorités françaises ont, par
l'intermédiaire de l'ambassadeur de Hesse,
invité le parquet de Worms à arrêter Léo-
pold Herz, à l'extrader et à le ramener
en France.
Il parait que ce mandat d'amener ne resta
pas sans effet. Herz père fut traduit de-
vant la cour d'assises de Lyon pour délit
de banqueroute frauduleuse, mais il profita
d'un verdict d'acquittement.
La biographie de la mère de Cornélius
Herz n'a rien de saillant; elle est de ces
braves femmes qui n'ont pas d'histoire.
Adelheid Friedmann, née à Worms, était
une pauvre ouvrière; elle rencontra en
France Léopold Herz, qui l'épousa. @ Elle
s'est consacrée exclusivement au ménage
et à l'éducation de ses enfants, et l'on n'a
jamais entendu parler d'elle. On ignore
même si elle est encore de ce monde.
LA COMMISSION D'ENQUÊTE
La commission ne démissionne pas. —
L'ordre du jour
Réunie hier à trois heures, sous la prési-
dence de M. Brisson, la commission d'en-
quête a délibéré sur la situation qui lui a
été créée par son échec devant la Chambre,
avant-hier, sur la proposition Pourquery
de Boisserin.
Malgré que le secret ait été décidé sur
l'ensemble de la délibération, nous pou-
vons dire qu'elle a été entièrement consa-
crée à la question de savoir si la commis-
sion devait résigner son mandat ou conti-
nuer son enquête.
Avant d'entrer dans le fond de la dis-
cussion, il a tout d'abord été décidé que,
quelle que fût la décision de la commis-
sion, elle serait observée par tous les com-
missaires.
Le débat s'est alors engagé : MM. Brisson,
Maujan et Camille Pelleian ont successive-
ment soutenu cette thèse que la commis-
sion, mise la veille deux fois en échec de-
vant la Chambre, avait perdu de son auto-
rité morale, et que, au surplus, l'informa-
tion nouvelle révélée par les arrestations
opérées dans la matinée ne pouvait que
concentrer les éléments essentiels de l'en-
quête parlementaire et l'annihiler en quel-
que sorte.
En présence de ce fait accompli, MM.
Brisson, Maujan et Pelletan ont exprimé
l'opinion que la commission devait se reti-
rer, si elle ne voulait pas s'exposer à deve-
nir impuissante pour la suite de l'enquête.
Cette manière de voir a trouvé immé-
diatement des adversaires parmi les mem-
bres républicains modérés de la commis-
sion et ceux de droite.
Ces derniers, se plaçant au point de vue
même des nouvelles poursuites, ont fait
valoir que l'exiatence de la commission
avait eu précisément pour résultat de pro-
voquer une action judiciaire sur les faits
de corruption que la commission d'enquête
avait mandat de mettre en lumière, et que
la commission pouvait, sans gêner l'action
de la justice, continuer son mandat de jury
d'honneur.
Il importe, en effet, ont ajouté plusieurs
commissaires, que nous recherchions pour
les blâmer les actes qui constituent seule-
ment des actes d'indélicatesse.
La discussion étant épuisée, on passe au
vote sur le point de savoir si la commission
restera en fonctions et continuera ses in-
vestigations.
Par 82 voix contre 7, la commission dé-
cide de continuer ses travaux.
Les sept commissaires qui ont voté contre
sont MM. Brisson, Maujan, Camille Pelletan,
Dumay, Dupuis-Dutemps, Félix Mathé et
Bérard.
Après ce vote, la commission adopte l'or-
dre du jour suivant, qui sera inscrit au
procès-verbal :
La commission a considéré que les pour-
suites et les actes énergiques d'aujourd'hui
sont le résultat nécessaire et obligé de ses
recherches et que son existence est la garan-
tie de la persévérance du gouvernement.
La commission s'ajourne ensuite à au-
jourd'hui pour régler son ordre du jour.
Au cours de cette séance, la commission
recevra communication du rapport de sa
délégation sur le dossier judiciaire.
LE PANAMA AU SÉNAT
Les quatre bureaux des groupes républi-
cains du Sénat ont chargé hier leurs pré-
sidents de se rendre auprès du président
du conseil « pour féliciter le g mvernement
de l'attitude qu'il a prise à la Chambre des
députés dans sa séance de jeudi, et l'ap-
prouver d'avoir immédiatement prescrit
l'instruction judiciaire qui vient d'être
ouverte. »
Hier, à quatre heures, les quatre prési-
dents ont été reçus par M. Ribot, qui les a
remerciés de leur démarche et qui les a
assurés que le gouvernement ne faiblirait
pas dans la lourde tâche qu'il avait assu-
mée.
L'EXTRADITION DE M. COTTU
La question de l'extradition de M. Cottu
est facile à résoudre en ce qui concerne le
crime de corruption.
Les cas d'extradition entre la France et
l'Autriche-Hongrie sont définis par la con-
vention du 13 novembre 1855 et la conven-
tion additionnelle du lâ février 1869, qui
n'ont point prévu la corruption.
Depuis quelques années, on se préoccupe
de cette lacune toutes les fois qu'il s'agit
de renouveler un traité, mais actuellement
il n'y a guère que la Belgique qui ait re-
connu, — par la convention du 15 août
187h, — comme cas d'extradition la « cor-
ruption de fonctionnaires publics ou d'ar-
bitres ».
M. Cottu est donc en sûreté à Vienne, en
tant que prévenu de corruption.
Mais il ne faut pas perdre de vue que M.
Cottu est en même temps poursuivi pour
escroquerie, et que le gouvernement fran-
çais est en droit de réclamer son extradi-
tion de ce chef.
D'autre part, c'est un principe de droit
international consacré par tous les traités
qu'un prévenu extradé à raison d'un crime
ou d'un délit déterminé ne peut être pour-
suivi pour un autre fait.
Par conséquent, si le gouvernement ob-
tient l'extradition de M. Cottu, il ne pourra
le faire comparaître devant la justice que
comme prévenu d'escroquerie, et lui ap-
pliquer la peine prononcée à raison de ce
délit.
En ce qui concerne la corruption, M.
Cottu serait réputé absent et jugé par con-
tumace.
CONSÉQUENCES JURIDIQUES
DES ARRESTATIONS D'HIER
La poursuite pour corruption de fonc-
tionnaires dirigée contre MM. Charles de
Lesseps et Marius Fontane va avoir une
conséquence juridique assez originale.
Elle aura pour effet de dessaisir la pre-
mière chambre de la cour d'appel de Paris
de la poursuite pour abus de confiance et
escroquerie intentée contre ces deux ad-
ministrateurs de la Société de Panama.
En effet il y a connexité, quant au temps,
entre le crime de corruption de fonction-
naires et les délits d'abus de confiance et
d'escroquerie. Par suite, le crime de cor-
ruption de fonctionnaires attire devant sa
juridiction à lui, c'est-à-aire devant la ju-
ridiction de la cour d'assises, les délits
d'abus de confiance et d'escroquerie repro-
chés à MM. de Lesseps et Marius Fon-
tane.
Le jury de la Seine aura donc à statuer
définitivement :
1° Sur le chef de corruption de forïb-
tionnaires ; 2° sur les chefs d'abus de con-
fiance et d'escroquerie.
La lro chambre de la cour d'appel sera
contrainte, en ce qui concerne MM. de Les-
seps et Marius Fontane, de se dessaisir par
arrêt.
Mais elle restera saisie de la poursuite
intentée contre M. Eiffel qui, lui, n'est pas
impliqué dans l'affaire de corruption de
fonctionnaires. Quant au cas du baron
Cottu, il est réservé à cause de la question
d'extradition.
Cette division de juridiction, sur laquelle
on va beaucoup discuter entre jurisconsul-
tees, nous a paru intéressante à signaler dès
aujourd'hui.
M. JULES ROCHE POURSUIT
Chambéry, 16 décembre. — Ce matin, à la re-
quête de M. Jules Roche, député de la Savoie,
M8 Chenu, huissier, a dressé procès-verbal de
constat de la vente, à Chambéry, du journal la
Libre Parole, numéro UO.
M. Jules Roche va, à la suite de ce procès-
verbal, intenter des poursuites en diffamation
contre la Libre Parole devant la cour d'assises
de la "Savoie.
WHYDAH ET LE PORTUGAL
Lisbonne, 16 décembre. — On assure que le
gouvernement délibérera sur la question de
la forteresse portugaise de Saint-Jean-Bap-
tiste de Whydah, maintenant enclavée dans le
territoire français.
La forteresse se trouve expressément in-
sérée dans la Constitution portugaise comme
domaine national.
L'ÉLECTION DE CARMAUX
Carmaux, IG décembre. — Un congrès répu-
blicain s'est réuni aujourd'hui, 611 vue de dé-
signer un candidat poijr l'élection qui doit
avoir lieu prochainement à Carmaux en rem-
placement de M. le marquis ci £ Solages, dé-
missionnaire.
C'est un ancien député, M. Héral, qui a été
proclamé candidat par 121 voix sur S&» vo-
tants.
Ajoutons que &3 voix ont été accordées au
candidat des socialistes, M. Jaurès, que le con-
grès s'était refuséj, •«♦e^dre-
ARRESTATION
DE MM. DE LESSEPS, FONTANE
SANS-LEROY
SÉRIE DE PERQUISITIONS
M. COTTU EN FUITE
Paroles et actes. — Secret bien gardé.
Les incidents de la journée.
Chez le juge et à Mazas.
Avant-hier, M. Bourgeois, garde des
sceaux, disait à la tribune de la Chambre,
répondant à une interruption :
— On me dit : Et la justice ? Il me semble
que ce que j'ai dit jusqu'à présent ne laisse
aucun doute à cet égard. Mon intention et ma
volonté sont d'arriver à la vérité et à la jus-
tice.
M. Gtoussot. — Mais les preuves disparais-
sent pendant ce temps-là.
A droite. — Et les talons des chèques aussi.
ltI. le garde des sceaux. — Et je suis d'ores
et déjà parfaitement résolu à ouvrir, s'il est
nécessaire, une information complémentaire
sur tous les faits. (Ah! ah! sur divers bancs.)
Il n'y a aucun doute, et déjà hier, à la com-
mission d'enquête, j'ai parfaitement fait en-
tendre mon sentiment sur ce point.
Une information complémentaire sur tous
les faits qui résulteraient des procès-verbaux
mêmes de la commission d'enquête ou qui se-
raient parvenus à ma connaissance, et qui me
paraîtraient motiver cette information.
Et plus loin, le ministre de la justice di-
sait encore :
— Je tiens à répéter à la fin de cette séance
ce qui, au commencement, a été dit par M.
le président du conseil et par moi : que rien
dans les déclarations que nous avons appor-
tées ici ne peut avoir pour conséquence de
diminuer le concours loyal, absolu, que nous
avons donne jusqu'ici à la commission et que
nous continuerons à lui donner. (Très bien 1
à gauche.)
Un second point doit être également présent
à vos esprits. J'ai dit que le gouvernement
était décidé à rechercher par toutes les voies
judiciaires la vérité et la justice ; j'ai annoncé
que la résolution d'ouvrir une information
sur les faits pouvant être qualifiés faits de
corruption était arrêtée dans notre pensée, que
nous annoncions dès aujourd'hui officielle-
ment cette résolution. (Très bien 1 très bien I
sur divers bancs.)
M. Michou. — Que demande-t-on de plus ?
M. le garde des sceaux.que nous don-
nerions les ordres nécessaires aussitôt que,
d'accord avec la commission encore sur ce
point, par la communication des procès-ver-
baux nous connaîtrions les faits sur lesquels
nous pourrions être appelés à déterminer la
qualification.
Les actes ont suivi de près les paroles.
Hier matin, MM. Charles de Lesseps et Ma-
rius Fontane, administrateurs du Panama,
et Sans-Leroy, ancien député de l'Ariège,
étaient arrêtés à leur domicile. En même
temps, des perquisitions avaient lieu au
domicile des personnages arrêtés et chez
d'autres dont les noms sont revenus si
souvent dans les interrogatoires de la com-
mission d'enquête.
CORRUPTION DE FONCTIONNAIRES
La séance où la Chambre venait de don-
ner six voix de majorité au gouvernement
était à peine terminée que M. Ribot, prési-
dent du conseil, réunissait dans son cabi-
net le garde des sceaux, M. Tanon, procu-
reur général, M. Roulier, procureur de la
République, et M. Falcimaigne, directeur
des affaires criminelles au ministère de la
justice. Les termes dans lesquels la nou-
velle information est ouverte étaient défi-
nitivement arrêtés. M. Roulier s'entendait
aussitôt après avec M. le juge d'instruction
Franqueville pour lancer des mandats de
perquisition et d'amener contre les per-
sonnes compromises : MM. Charles de Les-
seps, Fontane, Cottu et Sans-Leroy, pour-
suivis pour l'unique fait de corruption de
fonctionnaires.
A onze heures du soir les mandats étaient
prêts; on était allé vite en besogne. Il fal-
lait marcher rapidement, en effet, une in-
discrétion pouvait ébruiter l'affaire et don-
ner à ceux que la justice réclamait le temps
de prendre la fuite.
M. Lozé, préfet de police, convoquait
aussitôt MM. Clément, Cochefert et Touny,
commissaires aux délégations judiciaires,
et les commissaires de police Lawaill, Mar-
tin, Duranton, Lagaillarde, Véron, Dhers et
Lej eune.
M. Lozé remettait les mandats en question
sous enveloppe cachetée, avec ordre de ne
les ouvrir que le lendemain matin avant
six heures. Ces mandats — quatre d'amener
et sept de perquisition, -étaient ainsi con-
çus:
Nous, Franqueville, juge d'instruction au
tribunal de la Seine :
Vu la réquisition de M. le procureur de la
République, en date du 15 décembre 1892, visant
les faits prévus par les articles 177 et 179 du
Code pénal sur la corruption des fonction-
naires publics;
Vu les articles 32 et suivants du Code d'ins-
truction criminelle,
Déléguons M., commissaire de police de
., ou tout autre en cas d'empêchement, à
l'effet de se transporter au domicile du sieur
pour y rechercher et saisir tous papiers,
livres et chèques, ainsi que tous documents
pouvant servir de pièce à conviction, lesquels
seront placés sous scellés et déposés au greffe;
Disons, en outre, qu'en vertu du présent
mandat, le sieur. sera amené devant nous.
(Cette dernière formule n'existait que sur les
mandats d'arrêt.)
Requérons tous agents de la force publique
de prêter la main à l'exécution du présent
mandat, lequel devra après notification rester
annexé au procès-verbal de l'opération.
Fait à Paris, le 15 décembre 1892.
Siioé: FRANQUEVILLE.
LES ARTICLES 177 ET 179
Voici le texte des deux articles 177 et
179 du Code pénal cités plus haut :
Art. 177 (loi du 13 mai 1863). — Tout fonc-
tionnaire public de l'ordre administratif ou
judiciaire, tout agent ou préposé d'une admi-
nistration publique qui aura agréé des offres
ou promesses ou reçu des dons ou présents
pour faire un acte de sa fonction ou de son
emploi, même juste, mais non sujet à salaire,
sera puni de la dégradation civique et con-
damné à une amende double de la valeur des
promesses agréées ou des choses reçues, sans
que ladite amende puisse être inférieure à
200 francs.
La présente disposition est applicable à tout
fonctionnaire, agent ou préposé de la qualité
ci-dessus exprimée qui, par offres ou pro-
messes agréées, dons ou présents reçus, se
sera abstenu de faire un acte qui entrait dans
l'ordre de ses devoirs.
Sera puni de la même peine tout arbitre ou
expert nommé, soit par le tribunal, soit par les
parties, qui aura agréé des offres ou promes-
ses ou reçu des dons ou présents pour rendre
une décision ou donner une opinion favora-
ble à l'une des parties.
Art. 179 (loi du 13 mai 1863). — Quiconque
aura contraint ou tenté de contraindre par
voies de fait ou menaces, corrompu ou tenté
de corrompre par promesse, offres, dons ou
prc:)uts, l'une des personnes de la qualité ex- I
primée e~ l'article 177 pour obtenir, soit une
opinion fa,vOràL)le, soit des procès-verbaux,
états, certificats ou estimations contraires à la
vérité, soit des places, emplois, adjudications,
entreprises ou autres bénéfices quelconques,
soit tout autre acte du ministère du fonction-
naire, agent ou préposé, soit enfin l'abstention
d'un acte qui rentrait dans l'exercice de ses
devoirs, sera puni des mêmes peines que la
personne corrompue.
Toutefois, si les tentatives de contrainte ou
corruption n'ont eu aucun effet, les auteurs
de ces tentatives seront simplement punis d'un
emprisonnement de trois mois au moins et de
six mois au plus et d'une amende de 100 francs
à 300 francs.
A la suite des affaires Wlson-Caffarel, le
Parlement vota une loi nouvelle annexant à
l'article 177 la disposition suivante :
(Loi du h juin 1889). - Sera punie des mêmes
peines toute personne investie d'uii mandat
électif qui aura agréé des offres ou promesses,
reçu des dons ou présents, pour faire obtenir
ou tenter de faire obtenir des décorations,
médailles, distinctions ou récompenses, des
places, fonctions ou emplois, des faveurs quel-
conques accordées par l'autorité publique, des
marchés, entreprises ou autres bénéfices ré-
sultant de traités conclus également avec l'au-
torité publique, et aura ainsi abusé de l'in-
fluence, réelle ou supposée, que lui donne son
mandat.
Toute autre personne qui se sera rendue
coupable de faits semblables sera punie d'un
emprisonnement d'un an au moins et de cinq
ans au plus et d'une amende égale à celle pro-
noncée par le premier paragraphe du présent
article.
Les coupables pourront en outre être inter-
dits des droits mentionnés dans l'article i»2
(c'est-à-dire de l'exercice des droits civiques,
civils et de famille), du présent code, pendant
cinq ans au moins et dix ans au plus à comp-
ter du jour où ils auront subi leur peine.
Au surplus, cette disposition ne peut être
appliquée au cas actuel, et nous le dé-
montrons plus loin ; elle a été votée, en
effet, le A juin 1888, et les faits qui font l'ob-
jet des poursuites d'aujourd'hui sont anté-
rieurs au vote.
LES ARRESTATIONS
M. CHARLES DE LESSEPS
Comme on pense, c'est à M. Clément, qui
jadis procéda à l'arrestation du prince
Jérôme, à l'expulsion des princes, et plus
récemment à l'arrestation du petit duc
d'Orléans, qu'échut la mission d'arrêter
M. Charles de Lesseps, 51, avenue Mon-
taigne, fils du créateur de l'isthme de Suez.
Pour la circonstance, M. Clément avait ar-
boré sur sa redingote de fonctionnaire
correct une rosette toute neuve, car M. Clé-
ment est officier de la Légion d'honneur,
chacun le sait.
Il est six heures. M. Charles de Lesseps
est encore couché. M. Clément sonne. Un
domestique arrive et refuse de le recevoir.
Le commissaire donne son nom, sa qua-
lité et montre un bout d'écharpe. Le do-
mestique part ému et va prévenir son
maitre. M. de Lesseps arrive aussitôt, calme,
l'air resigné, comme s'attendant à l'épreuve
un jour ou l'autre.
— Pénible mission à accomplir, Mon-
sieur, marmotte M. Clément. Perquisition,
saisie. J'ai un mandat de monsieur le
juge d'instruction décerné contre vous.
suis chargé de l'exécuter.
— C'est bien, monsieur, dit en s'inclinant
M. de Lesseps, faites. — Je vous demande
cependant la permission de passer dans
mon appartement pour m'habiller.
— Certainement, monsieur.
Dès que M. de Lesseps fut prêt, il indiqua
à M. Clément les endroits où il pourrait
trouver ses papiers, copies de lettres, car-
nets de chèques, etc., tout ce que le com-
missaire avait mission de saisir.
A neuf heures, tout était terminé : M. de
Lesseps quittait son hôtel et montait en
voiture avec M. Clément, qui ne quittait pas
les paquets assez volumineux composant
sa saisie, et arrivait quelques minutes après
au Dépôt.
M. HENRI COTTU ABSENT
36, avenue du Bois-de-Boulogne. Là, c'est
M. Touny qui opère, à six heures aussi. Il
estVeçu par Mme Cottu.
— Je désirerais voir M. Henri Cottu, dit
le commissaire
— M. Cottu est parti, il y a deux jours,
pour Vienne, en Autriche. affaires de fa-
mille.
— Madame, j'ai un mandat contre lui, et
je suis obligé de perquisitionner.
—Faites,monsieur, puisque je ne puis m'y
opposer, répondit Mme Cottu, très calme.
M. Touny farfouilla dans les tiroirs et
s'empara de nombreux papiers et de quel-
ques carnets de chèques.
M. MARIUS FONTANE
M. Marius Fontane demeure, on le sait,
au siège de la Compagnie du Canal de
Suez, 9, rue Charras. Il dormait, à l'heure
matinale où M. Véron est venu le reveiller,
à sept heures. Une bonne, charmante d'ail-
leurs et très peu vêtue, accourt pour sa-
voir quel est le visiteur assez osé qui se
permet de sonner à cette heure-là.
Très ahurie, elle refuse obstinément l'en-
trée de la maison au commissaire. « Mon-
sieur ne peut recevoir en ce moment. Il me
gronderait. » Enfin, après une courte discus-
sion et surtout une injonction impérieuse,
elle va, en maugréant, prévenir son maitre
qui arrive en bras de chemise et chaussé
de pantoufles.
M. Fontane comprit dès les premiers
mots du commissaire. Il esquissa un sou-
rire et se mit à l'entière disposition de M.
Véron, oui ne lui cacha pas, avec toutes les
formes possibles, qu'il était obligé de saisir
les papiers de son cabinet et, aussi, de le
conduire devant le juge d'instruction.
Trois heures après, M. Véron se retirait
accompagné de M. Fontane, qui quittait
son appartement à l'état d'inculpé.
Le paquet saisi est assez considérable. Il
est enveloppé dans une étoffe multicolore
que M. Fontane a fait donner au commis-
saire.
M. SANS-LEROY
Moins calme a été l'entrevue de M. Sans-
Leroy et de M. Dhers, chargé de l'arrêter.
L'ancien député de l'Ariège habite, 1, rue
Yvon-Viilarceau, à Passy, dans une maison
meublée, un appartement de 175 francs par
mois.
Cet appartement lui avait été indiqué par
l'Agence des étrangers ; il était donné en
sous-location par un locataire en voyage.
M. Sans-Leroy était accompagné d'un do-
mestique ; il n'avait apporté que quelques
effets d'habillement.
Quand il a su de quoi il retournait :
— Comment ! comment ! vous venez per-
quisitionner ?
— Et vous arrêter aussi, monsieur.
— M'arrêter ? Et pourquoi i Qu'est-ce que
tout cela signifie ?
Et comme M. Dhers gardait le mutisme
qui convient :
— Eh bien ! fouillez si ça peut vous faire
plaisir. Bouleversez mes papiers. Prenez
ce qu'il vous plaira. Allez-jr-1
Et tant que dura la perquisition, à la-
quelle il se prêta de la plus mauvaise
grâce, M. Sans-Leroy protesta, murmura,
maugréa, répétant ; « Klle est bonne, celle-
là 1 Elle est bonne J »
Peu de papiers furent saisis, dans cette
perquisition qui ne dura qu'une demi-
heure. Nouvelle protestation quand il s'est
agi de monter en voiture, et tant que dura
la course de Passy au Dépôt.
LES PERQUISITIONS
Tandis que MM. de Lesseps, Foncane et
Sans-Leroy étaient arrêtés, des commis-
saires de police ci travaillaient" à la même
heure de divers côtés, opérant des perqui-
sitions un peu partout. C'était une mobi"
lisation générale.
M. Lawaill perquisitionnait dans les bu-
reaux de la Compagnie de Panama, rue de
la Victoire, 63 bis.
Comme il ne trouvait qu'un concierge,
M. Lawaill envoya chercher M. Monchi-
court, liquidateur de la société, et c'est de-
vant lui qu'il a apposé les scellés sur diffé-
rents meubles, sur les coffres-forts, dont
l'un mesure 11 mètres de long sur 8 mètres
de hauteur, et sur les portes de certains
appartements. Cette opération terminée,
M. Lawaill s'est rendu directement au Pa-
lais de Justice, où il a rendu compte de son
mandat à M. Franqueville, juge d'instruc-
tion chargé de l'affaire.
Il n'a rien emporté. Ce ne serait d'ailleurs
pas une mince affaire1- que de vouloir trans-
porter tous ces papiers. Pour les amener
de la rue Caumartin chez M. Monchicourt
avec les meubles, il ne fallut pas moins de
80 camions. Le seul transport des papiers
saisis une première fois par M. Prinet, et
une seconde fois hier matin par M. Lawaill,
nécessiterait au moins quatorze camions.
M. Martin perquisitionnait chez M.Thier-
rée, chef de la maison de coulisse fondée
par M. de Reinach, rue de la Banque, S2,
qu'un gardien était allé prévenir. M. Thierréa
a protesté contre l'heure matinale ei. il a
fait consigner sa protestation dans le pro-
cès-verbal. Nombreux papiers saisis.
C'est chez M. Thierrée, on se le rappelle,
que les 26 chèques ont été saisis ; les talons
de ces chèques ont été brûlés par lui.
M. Lagaillarde perquisitionnait chez M.
Propper, chef de l'ancienne maison Kohn-
Reinach et Cie, actuellement Kohn-Propper,
A, rue de la Bourse. Des papiers et des
livres de comptabilité ont été saisis.
M. Lejeune perquisitionnait à la Société
des chemins de fer du Sud-Est de la France,
66, rue de la Chaussée-d'Antin. M. de Rei-
nach était membre du conseil d'adminis-
tion de la société, en même temps que M.
Chabert, qui reçut de M. de Reinach un
chèque de 325,000 francs. Les livres et des
papiers ont été saisis. C'est M. Albert Grévy,
sénateur, qui avait, sinon rédigé, du moins
revu et corrigé les statuts.
M. Cochefert perquisitionnait chez M. Bré-
mont, dit de Veragaude, 66, avenue du
Bois-de-Boulogne.
M. Brémont fonda, avec le baron Cottu,
M. de Reinach et Arton, le Crédit, place
Vendôme. Il était le bras droit de M. Cottu.
Il dut quitter le-Crédit et reçut, comme in-
demnité, la bagatelle de 500,000 francs. Dans
une récente séance de la commission d'en-
quête, un témoin, M. Martin, déclara que
M. Veragaude avait dérobé un dossier ap-
partenant à M. Cottu et qu'il l'avait offert
à un journal contre une somme trop forte
pour qu'on pût l'acheter.
M. Brémont a fait entendre de violentes
protestations contre les perquisitions et
contre la saisie de ses papiers.
M. Duranton perquisitionnait chez M.
Cornélius Herz, avenue Henri-Martin, 78.
Une immense quantité de papiers ont été
saisis,en présence d'un unique domestique.
Il n'a pas fallu moins de deux voitures
pour emporter ce paquet, dans lequel figu-
rait une énorme collection de journaux.
Donc, en tout, trois arrestations, un pré-
venu en fuite, et sept perquisitions. D'autres
perquisitions auront lieu encore très pro-
bablement.
M. Ferdinand de Lesseps n'a pas été in-
quiété au château de la Chesnaye, où il est
toujours souffrant,ignorant ce qui se passe.
Mais une commission rogatoire sera cer-
tainement lancée au château de la Toache,
près d'Azay-le-Rideau (Indre-et-Loire),
propriété de M. Henri Cottu.
PERQUISITIONS À TOULOUSE
Toulouse, 16 décembre.
Des perquisitions ont été opérées cet
après-midi chez M. Sans-Leroy, ancien dé-
puté de l'Ariège. On a saisi quelques pièces
peu importantes, dont une lettre datée de
Londres (juin 1887) et signée Sarah de
Worms, dans laquelle il est question d'un
baron, et quelques autres, de Dax et Tou-
louse(avril 1891), traitant de questions d'ar-
gent, notamment d'une somme de 150,000
francs.
Au moment des perquisitions, Mme Sans-
Leroy se trouvait seule dans la maison. Elle
a avoué au commissaire avoir reçu hier
une lettre de son mari, et elle a déclare
avoir détruit cette l&ttre.
QUATRE PORTRAITS
M. CH. DE LESSEPS
Comme son père, débuta au quai
d'Orsay, et, après avoir passé quelque
temps à Constantinople comme attache
d'ambassade, entra dans l'affaire de Suez.
D'une intelligence supérieure, travailleur,
excessivement autoritaire, a fait tout ce
qu'il pouvait pour détourner son père,
déjà âgé, de prendre la direction du Pa-
nama.
Cinquante-quatre ans, grand, robuste, de
larges épaules, une tête carrée, aux yeux
saillants, aux traits accentués, rappelant
assez le masque du chef de famille. Corrige
sa raideur naturelle par une correction
parfaite et un je ne sais quoi d'onctueux
dans le geste,_de musical dans la parole,
qu'il a rapporté de ses longs séjours en
Orient.
Habite, rue Montaigne, un appartement
encombré de souvenirs de ses voyages.
A épousé Mlle Conte de la Maisonfort. Est
officier de la Légion d'honneur, membre du
conseil d'administration du Suez et du Pa"
nama.
M. MARIUS FONTANE
Né à Marseille en 1838. Part à 17 ans pour
chercher fortune en Orient, rencontre M.
Edmond de Lesseps, consul à Beyrouth,
qui le présente à M. Ferdinand de Lesseps,
et séduit le futur grand Français, qui le
fait débuter à 1,200 francs dans 4a compa-
onie de Suez, où il se distingue bientôt
par des capacités administratives de pre..
mier ordre. d b ,.
Un bourreau de travail, e ut a cinq
heures du matin, été comme hiver, don-
nant des rendez-vous à clu'SJ heures et de*
mie, et exigeant de ses colfabv°rateurs
labeur formidable. Finalement, secré,tai!*rae
général du Suez et du Panama. 't.
Le « styliste" des deux canaux, rédigéaii»?
dit-on, tous les discours de M. de Lesseps,
et envoyant de merveilleuses correspond
dances a^ées du canal de Panama où lluG
mit jamais le& Dieds.
A écrit des ouvrages multicolores : lef
,¥archand, de femmes, i.a Tribu des chacal9?
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