Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-12-02
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 02 décembre 1873 02 décembre 1873
Description : 1873/12/02 (A3,N747). 1873/12/02 (A3,N747).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
3" Année. — N° 747
PRIX DU NUMÉRO : PARIS 45 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Mardi 2 Décembre 4873,
1
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
• Mrs-* '*>
RÉDACTION
adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
t» rue Drocot, s
Les ous-Ascrigs non intérêt ne seront pas rerà»$..e
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Sfrastce.
01') peut eowecrlre he. te.. lee M-
Draireti.
JOURMÉE POLITIQUE
pari-, - ler décembre 4S?3.
Aujourd'hui l'Assemblée procédera au
cinquième tour de scrutin, qui ne sera
sans doute pas le dernier, pour la nomi-
nation de la commission constitutionnelle.
Ensuite elle doit discuter l'interpellation
de M. Lamy sur le maintien de l'état de
siège; dans l'ordre du jour, on y a joint
une ancienne proposition de M. Schœlcher,
,i tur le même objet, dont M. le baron Chaa-
rand est rapporteur. Nous revenons ail-
leurs sur cette interpellation. Puisque
•" nous parlons de l'Assemblée, remarquons
c encore le dépôt par uti député du centre
droit, M. Courcelle, d'une propositioa de
loi c relative aux élections partielles. » Le
compte-rendu officiel de la séance de sa-
- medi ne fait pas autrement conoaître la
nature de cette proposition ; mais nous
n l'avons vu reprendre hier avec enthou-
siasme par le Français, - qui ne paraît lui
trouver qu'un défaut : c'est de n'être point
- assez radicale. M. Courcelle demande, en
effet, « qu'il n'y ait désormais d'élections
s partielles dans un département qne quand
s., le quart fie la députatioa devra être re-
•s inouvelé. » L'idée, sans doute, est bien
t. jolie, mais elle manque de hardiesse. N'y
i insistons pas; nous saurons bientôt ce que
* la commission d'initiative en aura pensé.
*
*
Plusieurs journaux voudraient savoir à
qui seront données les quatre ou cinq so'u.
ïecrétaireries d'Etat pour lesqtaelies le gou-
vernement n'a encore désigné personne.
j; On a fort commenté surtout un change-
, ment de décision du ministère, qui, devant
fr placer, assure-t-on, M. de Chaudordy aux
paires étrangères, y aurait renoncé en
r3uite à cause des fâcheux antécédents de
P ce diplomate, qui s'est compromis, comme
on sait, en plein gouvernement de Tours,
avec les hommes du 4 septembre. L'objec-
tion est spécieuse ; il mais convient de
faire observer que le 4 septembre n'a pas
nui à la carrière de M. le géaéral Le Flô,
qu'il ne nuira point à celle de M. Savary,
toujours désigné comme un des futurs
sous-secrétaires d'Etat, et qui a cependant
sollicité et obtenu les fonctions de sous-
"préret sous ce gouvernement flétri. En gé-
néral, le 4 septembre n'imprime une tache
indélébile qu'aux hommes qui, l'ayant
servi, refusent de le renier. Nous ne vou-
lions pas constater autre Chose. Quant à
M. dô Chaudordy, homme de mérite d'ail-
leurs, on nous assure que, s'il ne devient
pas sous-secrétaire d'Etat des affaires étran-
gères, un autre poste important lui est
réservé. -
.t E. L.
lit :
t .•
T»; ■ ;
La gauche républicaine s'est réunie hier
à deux heures, boulevard des Capuck-es.
Le procès-Verbal suivant nous a été com-
r muniqué : • -r i -
-r * La .gauche républicaine a procédé au-
jourd'hui âu renouvellement de son bu-
reau et du comité de direction, qui se trou-
vent actuellement composés de la manière
suivante :
jn Président : M. Jules Simon.
; Vice-président: M. Duclerc. ,,'
Saerétaires : MM. Sadi Carnot et Lé-
vêque. ':'" .(" :
Questeurs et trésoriers : MM. Charles
Rolland, Faye et Amat.
.Comité de direction : MM. Arago, gé-
néral Billot, Albert Grévy, Jules .Fefl'Yi
Magnin et Tirard.
La réunion a tenu, après ce3 élections,
una longue séance dans laquelle ont été
discutées les questions à l'ordre du
jour, *
•• 1 ♦
1 « ——————— ———
On se rappelle que dans une des der-
nières séances, M. Chesnelong est mon-
té à la tribune pour jurer devant Dieu,
devant sa conscence; devant le pays, et
principalement devant l'extrême droite,
que dans les divers procès-verbux de
son voyage à Froshdorf et à Salzbourg,
il n'avait point ~té changé un iota aux
déclarations du comte de Chambord. Et
depuis Jors, on se disait : Puisque le
programme de restauration monarchique
'était de tous points conforme aux idées
du prétendant, puisque ce programme
était accepté par les divers groupes jugés
susceptibles de composer une majorité
pour le rétablissement de la royauté, com-
ment donc se fait-il que, du soir au ma-
tin, toutes les négociations se soient
trouvées rompues, et tous les projets
monarchiques à vau-l'eau?
Il y avait bien eu la fameuse lettre du
comte de Ghambord ; mais les hommes
du centre droit, les orléanistes, sou-
tiennent encore aujourd'hui qu'elle ne
contredit pas plus les affirmations de
M. Chesnelong que le programme de
M. Chesnelong n'est en désaccord avec
les intentions du prince. Pourtant, tout a
été rompu, et tout demeure rompu.
Quel est donc ce mystère ?
« Car enfin, comme le dit aujourd'hui
l'Univers, puisqu'il y a eu rupture, il
faut bien que quelqu'un ait retiré quel-
que chose ou manqué de sincérité. »
Il ne s'agit plus que de décider entre
M. le comte de Chambord et M. Ches-
nelong. ',
w On comprend bien qu'en soi la chose
a pour nous peu d'importance; c'est af-
faire à démêler entre les trompeurs et
les trompés; si nous ne nous désintéres-
sons pas complètement de ce débat de
famille, d'ailleurs peu édifiant, c'est que
la solution à intervenir ne saurait man-
quer de mettre en pleine lumière le but
de la politique inaugurée à Versailles le
19 novembre.
Encore un peu de patience, et les ré-
vélations viendront, nettes et catégori-
ques. Pour commencer, voici le langage
dépouillé d'artifices -que tient VUnivers :
Il résulte du proeès-verbal du centre droit et
des commentaires trop autorisés qui l'ont suivi
que M. le comte d# Chambord avait à peu près
accepté le drapeau tricolore. Il ne s'agissait*plus
que de sauvet les apparences.
Eh bien, nous affirmons que M. le comte de
Chambord avait dit et répété dans les termes les
plus nets, les plus absoltfs, à M. Chesnelong que
iamais il n'accepterait le drapeau tricolore, ja-
mais 1 ;
Et nous ne doutons pas que M. Chesnelong
n'ait rapporté cette déclaration si carrée à la
commission des Neuf et au bureau dv centre
droit.
Pourquoi la commission et le bureau n'ont-ils
pas été sur ce point capital aussi nets que l'a-
vait été le prince ? ,
Pourquoi? L'Univers le demande! C'est
donc qu'il lui en coûterait beaucoup d'à-
vouer que nous avions raison quan d , dès
le mois d'aqût, nous traitions d'intrigue
orléaniste la démarche des princes à
Frolisdorf ? Ou bien, serait-ce qu'il re-
cule devant cet aveu parce qu'il l'amè-
nerait fatalement à en faire un autre, à
savoir que l'acte du 19 novembre n'a
çté, pour les orléanistes, que la suite
prévue et la conséquence logique de l'en-
trevue du 5 août? ,
L'Univers ne nous répondra sans doute
pas ; mais les événements se chargeront,
si -l'on n'y prend garde, de répondre
peur lui.. }
Ë. SCHNERB.
» ■„
■f
QUI SAUVE-T-ON ?
Le nouveau ministère a. du bonÎlour.
Qui est-il? que veut-iL? où est sa rai-
son d'être ? Le public jusqu'à présent
n'y a rien compris ; ce qui le met en dé-
fiance. Or, voici qu'une interpellation
presque oubliée, qui date d'avant les
vacances, l'interpellation sur l'état de
siège, d'ajournement en ajournement,
tombe juste à point pour fournir au ca-
binet du 26 novembre l'occasion de s'ex-
pliquer et de dissiper les nuages. Pou-
vait-on rêver rien de plus heureux ?
L'interpellation Léon Say sur les élec-
tions partielles, que l'on a discutée l'au-
tre semaine, avait, par le fait des événe-
ments, bien perdu de son importance.
L'Assemblée se trouvàit en face de mi-
nistres démissionnaires et le savait. —
A quoi bon, se disaient quelques âmes
compatissantes, à quoi bon contrister des
collègues déjà si chagrins d'abandonner
leurs portefeuilles ? Et puis le passé est
passé, ce n'est pas un vote de blâme qui
remettrait la France du trouble où ils
l'ont jetée pendant plusieurs mois. Nous
venons de voter pour le maréchal la
prorogation do sept ans; continuons
d'être généreux, et ne pensons plus qu'à
l'avenir l 1 1
Eh bien ! le public vient d'assister à la
reconstitution du cabinet ; il a constaté,
non pas sans surprise, que l'ancien vice-
président du conseil conserve toujours la
haute direction de nos affaires. Il parait, ce-
pendant, quelapoliiique achangé oua dû
changer. On prétend qu'un même coup de
barre a rapproché le gouvernement de la
République, tout en l'éloignant un peu
plus des républicains et de la nation.
L'ordre moral .a de ces mystères. Il s'agit
de les expliquer et de rassurer le pays.
Il y a tantôt trois -ans que la réaction
demande à cor et à cris qu'on le rassure;
et jamais il n'en eut, du reste, tant be-
soin que depuis que les hommes de la
réaction tiennent le pouvoir. Qu'on le
rassure donc et qu'on éclaircisse -tout
ce qui n'est pas bien compris. Ques-
tion d'avenir et de présent même. C'est
par la que l'interpellation d'aujourd'hui
différé de l'interpellation Léon Say, quine
paraissait toucher qu'aux faits accom-
plis.
- Elle porte, à la vérité, sur un point
spécial : l'état de siège. Mais, sans doute,
cet unique point permettra de juger du
reste.
Le gouvernement voudrait-il maintenir
plus longtemps la moitié de la France
sous un régime dont tout le monde sent
l'absurde et l'odieux? C'est la question.
Nous n'avons là-dessus d'autres lumiè-
res que celles que ses organes officieux
veulent bien condescendre à nous prê
ter. Or, ils affirmant que le minijstèré
annoncera son intention de lever libé-
ralement l'état de siège, — dès qu'une
loi sur la presse aura été votée.
* - ;. - "lM C'
Une loi sur la presse ? Nous en avons
déjà. de bien remarquables; je dis re-
marquableS¡ au point de vue de l'art.
Que serait celle-ci? Les mêmes journaux
officieux nous apprennent qu'il s'agit
.d'un retour aux us et coutumes de TEm-
pire, à sa juridiction administrative et
expéditive i un avertissement, deux
avertissements, trois avertissements, —
et' le tour est fait, .les journaux
cessent d'être; quant aux autorisa-
tions de ressusciter, on n'en donne
point. — Ce n'est pas libéral, dira le
FrançâvSf et le cceur m'en saigne; mais
que voulez-vous? C'est la faute de ces
gueux de républicains. Ah ! s'il ne restait
plus que nous et nos amis, quel océan
de libéralisme pour tout le monde I
ttanc levée de l'état de siége après le
retour aux décrets de 1852 sur la presse.
Un beau venez-y-voir ! auraient dit nos
grands-pères. C'est contre la presse ex-
clusivement que l'état de siège est au-
jourd'hui dirigé, et l'on promet d'en
délivrer la presse dans la moitié de la
France quand on se sera fait donner droit
de vie et de mort sur la presse dans la
France entière I Notre amduf de l'égalité
ne va pas si loin ; grand merci ! Qu'im-
porte le nom dont on désignera les cau-
ses, si les effets demeurent et surtout
s'ils sont aggravés? A être exécutés par
arrêté d'un préfet ou d'un général, nous
mettons peu de différence. de sont des
juges que nous demandons. On nous en
refuse ? Pourquoi lèverait-on l'état de
siège alors ? Quel profit pour la France
et pour la République ? Qu'y gagnerait la
liberté ?
C'est ce que les membres du gouver-
nement se proposent d'expliquer sans
doute aujourd'hui même avec l'admira-
ble franchise que le pays s'est plu, dès
longtemps, à leur reconnaître. Ils ne
voudront pas que le public reste réduit à
de défavorables conjectures et aux inad-
missibles explications des officieux.
Si nous lisons, en effet, le Français,
la,Patrie, le Journal de Paris, - toutes
feuilles d'ailleurs honorablement infor-
mées, — qu'y trouvons-nous ? Que le
grand défaut de l'état de siège est son
caractère de mesure exceptionnelle et
transitoire; qu'il y faut substituer quel-
que chose de plus septennal et de non
moin3 fort; que le cabinet travaille donc
au développement d'un système de forte
septennalité; que la loi municipale, dé-
posée l'autre jour, en étaitle chapitrepré-
liminaire, façon d'avant-propos et d'avis
au lecteur; que la loi sur la presse, la
loi électorale et un nombre respectable
d'autres lois composeront incessamment
le corps de l'ouvrage; que l'on a découvert
d'infaillible moyens de mciner ce pays
à la bagüet'te;,qq'on en usera; qu'il est
temps d'employer les verges d'airain dont
parle l'Ecriture ; et qu'à ce prix seule-
ment les sauveteurs se chargent de sau-
ver. 1., -
Sauver quoi?
Nous savons bien que c'est toujours
la société que l'on sauve et que volon-
tiers on la jetterait à l'eau pour la repê-
cher ; il y a des primes. Mais enfin, elle
la été sauvée déjà deux on trois fois, à sa
connaissance, ert un semestre. Cela suffit
bien. , ',"
Elle a été sauvée la nuit du 24 mai,
sauvée de M. Thiers ; à telles enseignes
que les portiers do la Chaussée-d'Ântin,
hommes d'un grand flair politique, ont
débouché, dès le 25, tous les soupiraux de
leurs caves, ce qu'ils n'avaient pas encore
fait depuis la Commune. - « Au moins,
disaient-ils, nous ne craignons plus lé
pétrole 1 » La Patrie a conté i histoire ; et
elle était d'autant mieux renseignée qse
les portiers en question sont le gros do
sa clientèle.
Qu'a-t-il pu se passer du mois de mai
au mois de novembre ? Hélas ! on ne
sait pas au juste. Il paraît toutefois que
les radicaux ont mis de nouveau la so-
ciété en péril de mort par des manifes-
tations, des pèlerinages, des voyages à
Salzbourg, des marchés conclus à Frohs-
dorf, qui ont excité dans toute la France
l'indignation et la terreur. La confiance
avait disparu. Plus de transactions, plus
d'affaires..Langueur de l'industrie, ma-
rasme du commerce. Puis, crue de terri-
bles nouvelles ! On complote à Autun,
dit le Figaro, l'enlèvement d'une mar-
quise ; èt, en effet, la justice y saisit, au
domicile des deux coupables, une
baïonnette, ancien modèle ! A Lyon, une
vaste société secrète est découverte par
la Décentralisation ; huit ivrognes font
partie de cette affiliation ténébreuse, qui
ne se proposait rien moins que de met-
tre la main sur le pays. Cependant, à
Versailles, les révolutionnaires du centre
gauche relevaient la tête, à ce point que
M. le duc de Broglie a été contraint, il y
a huit jours, en pleine Assemblée, de les
appeler « pétroleurs ! »
Les concierges de la Chaussée-d'Antin
avaient donc eu tort de déboucher leurs
soupiraux ?
Il faut croire que oui. Mais heureuse-
ment les sauveteurs étaient à leur poste.
Les mêmes ? Oui, les mêmes, au moins à
peu de chose près. Le 19 novembre, ils
nous ont sauvés par ja prorogation, et
le 26 par la reconstitutioà du '.-i-nistère.
Cette dernière date doit êtrela meilleur
car,, dès l'aube du même jour, on a vu
paraître la satisfaction du commerèe
et de l'industrie. Devant le balayeur
matinal ébahi, les affaires ont repris à
vue d'œil quand tout Paris dormait en-
core. Le jour venu, les passants fai-
saient haie pour contempler les queues
d'acheteurs se rendant aux boutiques. Ne
niez pas ! tous les journaux officieux
l'ont constaté. Depuis ce temps, hi joie
du peuple français n'a plus de bornes.
Crescit eundo. Tous les bons citoyens
s'embrassent en s'écriant : Sauvés, mon
Dieu !
Et c'est en un si doux moment que le
gouvernement viendrait parler, pour la
troisième ou quatrième fois, de salut pu-
blic et de sauvetage ?
Ah ! çà, qui sauve-t-on ?
Assurément, ce n'est pas nous ? Il y
là-dessous quelque équivoque.
Les journalistes d'ordre moral nous
répètent que le ministère croit urgent de
sévir contre les municipalités parce
qu'elles «ont républicaines, contre la
presse indépendante parce qu'elle est ré-
publicaine, contre les électeurs parce
qu'ils sont républicains. Mais puisqu'en
même temps on nous assure qu'il ne
s'agit plus désormais d'entreprises con-
tre la République et que le centre
droit lui-même s'est résigné à la fonder?
Quel gâchis-est-ce là ? Encore un coup,
qui sauve-t-on ici ? Nous ne comprenons
plus les prôneurs de salut social qui nous
contredisent. Sauf explications, ce serait
à croire qu'un de leurs anciens compa-
gnons, les toisant naguère, a dit le vrai
mot : « Des farceurs 1 »
EUG. LltéBERT.
————————— -
A la suite du compte-rendu d'une réu-
nion électorale tenue à Versailles, publié
dans la République française, le directeur
,t J ,':t
de ce journal a reçu de M. Calmon la let-
tre suivante :
Monsieur,
Permettez-moi de rétablir les faits au sujet
de l'article que vous avez inséré dans la Répu.
blique française de ce matin, sur l'élection de
Seine-et-Oise. , :
Je n'ai pas eu à accepter le programme ar
rêté dans la réunion électorale de Versailles :
d'abord, parce que je, n'assistais pas à cette
réunion, puis parce que ce programme ne m'a
pas été communiqué. ■> l'est demain que doit
avoir lieu - l'assemblée générale des délégués des
cantons, et c'est dans son sein que j'aurai a
m'expliquer sur les diverses questions qui pour.
ront m'être posées. J'ai déjà eu occasion de
faire connaître, dans deux lettres, ma façen de
penser relativement à plusieurs d'entre elles;
mais, quelle que soit la décision de l'assemblée
générale, je n'accepterai, dans aucun cas, de
mandat impératif.
Je vous prie, monsieur, d'avoir l'obligeance
d'insérer cette lettre dans votre numéro de de-
main, et d'agréer l'assurance de mes âeatiments
les plus distingués.
Calmon.
———— ; ; -———— , ——————
CHRONIQUE ÉLECTORALE
EINE-ET-OISE
Une réunion préparatoire a eu lien
hier, à Versailles, dans la salle du Pe-
tit-Théâtre, en présence des délégués
de. trente-trois cantons sur trante-six qui
ont nommé par acclamation les membres
du bureau, aiesi formé : MM. FarjaESe,
président, assisté de MM. de Montneury,
Deroisin, Barbu et Albert Joly, secrétaire.
Plusieurs candidats étaient présents,
notamment MM. Joly, Calmon, de Jou-
vencel, Guiffrey.
M. Joly, faisant partie du bureau, a ex-
pliquéio^ motifs qui l'engageaient à se dé-
sister en faveur de M. Calmon.
On a tiré ensuite 11 sort le rang dans
lequel les candidats seraient entendus.
Les noms sont sortis de l'urne dans
l'ordre suivant :
MM. Calmon, de Jouven cel » et Cxuiffrey.
Un quart d'heure a été accordé i cha-
cun pour faire sa profession de, foi.
M. Calmon n'a pas renié son passé mo"
narchiqup; enfant de 1830, il a cru long-
temps à la" possibilité du régime constitu-
tionnel ; mais, ainsi que ses amis, MM.
Thiers, de Rémusat, Davergier de Hau-
ranne, il l'a vu ce régime à l'œuvre, et
après nos dernières épreuves, il est con-
vaincu aujourd'hui que la République es&
le seul gouverûement qui puisse nous re-
lever de nos désastres.
Il a ajouté que s'il avait l'honneur de
représenter le département de Seine-et-
Oise à l'Assemblée, il voterait pour le
maintien et l'intégrité du suffrage univer-
sel, pqur le maintien de la nominations
des maires par les conseils municipaux;
il a dit qu'en matière de presse il trouvait
les lois actuelles suffisantes pour assurer
la répression en cas d'abus.
Sur l'interpellation d'un des délégués,
il a répondu que, si dans la discussion
des lois constitutionnelles il lui était dé-
montré que l'Assemblée actuelle ne pou-
vait arriver à établir le gouvernement ré-
publicain sur des bases sérieuses, il n'hé-
siterait pas à voter toute proposition len-
dant à la dissolution.
L'Assemblée a entendu ensuite M. de
Joùvencel, qui a maintenu sa* candida-
ture.
M. Guiffrey a pris ensuite la parole et
a dit, comment dans leg circonstances ac-
tuelles, c'était un devoir de défendre la
République, gouvernement sous lequel en
trois ans on a payé la dette prussienne, -
libéré le territoire et rétabli l'ordre et la
paix, ce que n'aurait pu faire tout un
règne monarchique.
Puis avec un sentiment plein de patrio-
tisme et d'abnégation a dit qu'il fréterait
sa candidature non pas devant celle de M.
- FEUILLETON DU XIXe SIÈCLE
i&i :h;i:": :
k,
iP lupumt
-- /,-
n
THÉÂTRE DU GYMNASE. - Monsieur Alphonse, comé-
die en S atetee, par M. Alexandre Dumas fi s.
THÉÂTRE DE LA PORTE-SAII^T-MARTIN. - Libres !
drame historique en 5 aotes et 8 tableaux, par
M. Edmond Gondinet. , :'
THÉÂTRE DE L'ODÉQN. — Robert Pradel, pièce en,
4 actes, par M. Albert Delpit.
Contrairement à cette opinion bour-
geoise généralement répandue que la Cri-
tique aime à mordre et ne rêve que plaies
ét bosses, la Critique n'est, au contraire,
jamais plus heureuse et plus à Mn aise ;
que quand il s'agit d'admirer et d'applau-
dir. La pièce qu'Alexandre Dumas vient
de faire représenter au Gymnase, Monsieur
Alphonse, lui taille aujourd'hui cette douce
besogne.
Nous avons déjà dit, sous l'empire de
l'enthousiasme, l'immense succès que vient
de remporter avec tant d'éclat cette excel-
lente comédie. Aujourd'hui, à quelques
leurs d'intervalle, après avoir conscien-
"biellseroentrdvu la pièce, toutes réflexions
faites et à tête refroidie, je déclare que
non-seulement je n'ai rien à rabattre de
mes 3.fisertion!, mais qu'elles se .sont au
contraire singulièrement affermiés et fer.
tifiées. A la seconde audition, le côté sen-
timental de l'oeuvre m'a même plus vive-
ment impressionné et plus profondément
féru qu'à la première.
Je ne sais à quoi attribuer le phénomène,
puisque j'avais en moins 1 effet de l'im-
prévu et l'attrait des choses inconnues;
mais il est parfaitement réel, et, plus
d'une fois, les larmes me sont venues aux
yeux, aussi bien par l'attendrissement,
ressortant naturellement de la situation
*
« m mm tmmi *.'» ww. ramwwaprawfr?—
dramatique, que par le sentiment profond
de grandeur ét de vertu dont je me sen-
tais pénétré. Il me semblait que ce sen-
timent, indépendamment de sa cause po-
sitive, palpable, immédiate, émanait di-
rectement de la pensée génératrice du
fait, devenu vivant et agissant devant
moi, grâce à une exécution parfaite et à
une interprétation véritablement supé-
rieure.
Tout concourt dans cet ouvrage, — vé-
ritable chef-d'œuvre d'art dramatique, -r- à
assurer l'effet voulu : la simplicité et la pro.
bité des moyens, le pathétique naturel des
situations, la vérité des caractères et la
mesure dans leurs manifestations ; le sen-
timent général de -justice sereine qui plane
sur l'oeuvre entière; l'art exquis, élevé, no-
ble, tendre, spirituel et ferme avec lequel
elle est exécutée, le talent avec lequel elle
est traduite, la conviction absolue de l'au-
teur, la conviction relative des artistes,
tous les éléments qui peuvent contri-
buer au succès se trouvent réunis, et ré-
unis dans les conditions les meilleures et
les "plué rares.
Y-a-t-il une thèse daas tout cela? Car-
tes! Et Dieu merci! Mais c'est une thèse
vivante et agissante, non prédicante. Cette
thèse-là, comme le verbe, s'est faite chair:
elle souffre et pleure. Elle nous trouble
de son mal, nous émeut de ses sanglots,
nous attendrit de ses larmes. Elle ne pé-
rore point du haut de quelque sommet d où
elle domine, elle est incamée parmi nous;
-6ee souffrances sont les nôtres ; elle par-
tage nos douleurs, nos misères, nos be-
soins, nos aspirations. Elle vit notre vie
et s'unit en une étroite communion avec
nous. Aussi nous la comprenons et noue
l'adoptons. Lo moyen détourné de la pa-
rabole vaut toujours mieux que le ptai-
doyer didactique ou Talloeution directe :
l'enseignement purement dogmatique ne
remplace pas la vérité dans l'exemple*
Qu'on ne s'y trompe pas, pourtant, ce
succès-là n'a coûté à Domas aucun sacri-
fice d'amour-propre : il n'a cédé sur aucun
point et n'a pas déserté sa voie. Ce qu'il
voulait, il le veut ton jours; ce qu'il a con-
çu, il l'exécute : ceci n'est pas du théâtre
creux et vide, — il répugnerait à Dumas'
de n'être qu'un amuseur public, — c'est
de l'art substantiel et plein. Il a retourné
le mot de Quintilien, Non scribitur ad nar-
randum, sed ad probandum ; il n'écrit pas
pour le vain plaisir de vous rasonter des
histoires, mais pour vous prouver quelque
chose, et ce qu'il vous veut prouver, il
vous le prouve en effet, péremptoirement,
en cette circonstance du moins, en met-
tant au service de sa thèse, puisque thèse
il y a, toutes les ressources du talent dra-
matique le plus complet et le plus parfait
de notre époque.
Qu'est-ce que Monsieur Alphonse? Mon-
sievr Alpliense s'appelle Octave : c'est un
joli garçon; mais, pour parler le langage
de Mme Guichard, un joli garçon qui ne
vaut pas cher. A l'âge de vingt-deux ans,
Octave a séduit une jeunft fille, quelque
chose de pire même, à ce qu'il paraît,et l'ex-
pression de séduire, serait encore trop ho-
norable. Il l'a poursuivie, persécutée, lui a
tendu quelque vilain traquenard, et s'il ne
l'a pas précisément violée, au moins l'a-
t-il brutalement violentée. Malheureuse-
ment une fille est née de cette triste aven-
tare. Octave a tout naturellement aban-
donné la mère ; mais il a confite l'enfant à
des paysans, qui l'ont élevée et chez les-
quels il a été la voir cinq ou six fois en
dix ans, sous le nom de Monsieur Al-
phonse : on ne sait pas ce qui peut arriver;
un gars du calibre d'Octave n'engage ja-
mais l'avenir. Quant à Raymonde, plus
aimante et moins circonspecte, elle allait
voir sa fille, sans dire son nom, mais
isans cacher son titre, et elle va l'embras-
ser encore, bien qu'elle soit aujourd'hui la
femme de M. de Montaiglin, officier dans
la marine française. s
Ce monsieur de Montaiglin, homme de
quarante-cinq ans environ, se trouve pré-
cisément avoir été l'ami, quoique beau-
coup plus jeune, du père d'Octave, qui
n'est plu. La libre pratique de la maison est
donc assurée au séducteur, qui n'en abuse
pas ; Mme de Montaiglin, depuis son mal-
heur, ne lui ayant jamais témoigné que le
plus incommensurable dégoût et la plus
sainte horreur. Mais Octave va se marier :
pauvre, 'astreint au travail vulgaire , d'un
bureau, Octave, qui n'aspire qu'au luxe et
à l'oisiveté, n'est pas scrupuleux sur le
choix des moyens. It a empaumé une bonne
bourgeoise, ancienne fille d'auberge, épou-
sée in extremis par le maître de YHôtèî du
Lion d'or, aujourd'hui veuve et riche de
-cinquante mille livres de rentes, écus son-
nants. La commère est toquée du bellâtre;
mais elle est jalouse :. si elle connaissait
l'existence d'Adrienne, elle serait capable
de rompre en visière à. à son amant!
Car, il faut tout dire, le dandy Octave est
l'amant de l'ancienne servante, pis que
cela, son obligé! -
Il faut donc prendre un parti au sujet
de l'enfant : elle a onze ans et ne peut pas
rester éternellement chez ses paysans. Oc-
tave a une idée lumineuse : il vient trou-
ver Mme de Montaiglin et lui déclare
qu'il est résolu à faire à son mari, dont
il cennait la bonne âme, l'aveu de sa si-
tuation personnelle, et à le prier de rece-
voir l'enfant pour laquelle" lui, Octave,
solficitera les bons soins de Mme de Mon-
taiglin. La pauvre Raymonde repousse
avec indignation cette proposition, qui
n'est qu'uq abus de confianc; mais Oc-
tave la menace d'expédier Adrienne en
Amérique, et la malheureuse femme, aux
prises avec sa tendresse maternelle et sa
dignité d'épouse, cède dejV quand Octave
brusque la situation en s'adressant immé-
diatement et directement à Montaiglin, qui
accepte sans hésiter.
Montaiglin a connu Octave enfant, et,
bien qu'il n'ait pour lui qu'un mépris
qu'il ne cache guère, il n'en a pas moins
aussi des indulgences quasi paternelles.
D'ailleurs Adriènne est charmante : élevée
à une triste et dure école et douée de ces
instincts étranges qui épouvantent pres-
que chez certains enfants, son intelligence
s'est développée d'une façon prodigieuse.
Elle séduit si- complètement la brave com-
mandant qu'attirant à lui la petite fille et
l'embrassant avec effusion, il dit en sou-
riant mélancoliquement à Octave : « Tu
» sais, si tu en as encore une autre pa-
» reille, tu peux l'ameoer. »
Adrienne a scrupuleusement suivi les
instructions de celui qu'elle ne connaît que
sous le nom de Monsiettr Alphonse, et n'a
manifesté, en revoyant celle qu'elle con-
naît bien, aucun étonnement, aucune joie.
Elle n'a pas dit un mot, pas fait un geste,
pas risqué un regard; mais, dès qu'elle
se trouve seule avec Raymonde, elle se
jette dans ses bras en l'appelant de ce
nom si doux au cœur des vraies femmes,
« ma mère! » •
Raymonde est une bonne et droite na-
ture, pas supérieure, sans doute, pas hé-
roïque ; elle a été la victime d'un misé-
rable ; elle était tombée, un honnête hom-
me s'est présenté, qui l'a aimée et ne lui
a rien demandé en lui offrant son nom.
Cette main tendue vers elle, en sa détresse,
elle l'a prise : elle a entrevu la réhabilita-
tion , l'affection est entrée dans ce cœur
désespéré ; mais, faible devant cette géné-
rosité inattendue du sort, elle n'a pas osé
parler, de peur d'être rejetée à l'abîme.
Elle n'a contre elle que cette faute — c'en
est une — l'autre n'est qu'un malheur.
Quand elle sent sa fille entre ses bras,
le sentiment maternel l'envahit tout en-
tière, tout disparaitl tout s'çfface, et, ici
encore, le courage lui fait défaut pour re-
pousser cette joie immense, mais pré-
caire. ,J' .-
Hélas! elle n'en doit pas jouir long-
temps. Mme Guitharli, la veuve de ÏAôle
du Lion d'or, jalouse, défiante et sagace,
malgré son aveuglement amoureux, Mme
Guichard a filé Octave, avec toute l'ar-
deur d'un agent de la rue "de Jérusalem.
Elle a sa son expédition chez les paysans
détenteurs de sa fille, elle l'a vu ramener
l'enfant, elle l'a vu entrer avec elle chez
las Montéglain ! Elle y pénètre et s'adresse
carrément à Raymonde, dont le trouble ne
lui échappe pas complètement ; puis voit
M. de Montaiglin; puis enfin Octave, au-
quel elle arrache l'aveu de sa paternité,
dans une scène admirablement faite. Avec,
son gras bon sens et son grès bon cœur,
Mme Guichard trouve à la situation une
issue toute naturelle : puisqu'elle va épou-
ser Octave, n'est-il pas tout simple qu'elle
prenne sa fille dans sa maison ? La mùre
est morte, c'est Octave qui le dit, eh bien !
elle servira de mère à l'enfant.
Octave n'a rien à objecter à cela ; mais
quand, à l'acte suivant, il annonce à Ray-
monde qu'il faut qu'il lui reprenne
Adrienne, la malheureuse mère refuse
absolument d'y consentir.
C'est dans le trouble et l'agitation cau-
sés par cette nouvelle que M. de Montai-
glin, déjà prévenu, par Octave, trouve ca
femme. Nous sommes à la scène capitale
de l'œuvre, et cette scène est traitée avec
une simplicité, une sobriété et une puis-
sance véritablement admirables.
L'honnête Montaiglin trouve toute sim-
ple la proposition de Mme Guichard, et
ne laisse pas de s'étonner un peu dte la
résistance passionnée de Raymonde. En
effet, celle-ci, après avoir timidement dis-
cuté d'abord, mais non pas sans un cer-
tain désordre, les droits d'Octave sur cette
enfant ; après avoir fait ressortir avec une
PRIX DU NUMÉRO : PARIS 45 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Mardi 2 Décembre 4873,
1
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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RÉDACTION
adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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Les ous-Ascrigs non intérêt ne seront pas rerà»$..e
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01') peut eowecrlre he. te.. lee M-
Draireti.
JOURMÉE POLITIQUE
pari-, - ler décembre 4S?3.
Aujourd'hui l'Assemblée procédera au
cinquième tour de scrutin, qui ne sera
sans doute pas le dernier, pour la nomi-
nation de la commission constitutionnelle.
Ensuite elle doit discuter l'interpellation
de M. Lamy sur le maintien de l'état de
siège; dans l'ordre du jour, on y a joint
une ancienne proposition de M. Schœlcher,
,i tur le même objet, dont M. le baron Chaa-
rand est rapporteur. Nous revenons ail-
leurs sur cette interpellation. Puisque
•" nous parlons de l'Assemblée, remarquons
c encore le dépôt par uti député du centre
droit, M. Courcelle, d'une propositioa de
loi c relative aux élections partielles. » Le
compte-rendu officiel de la séance de sa-
- medi ne fait pas autrement conoaître la
nature de cette proposition ; mais nous
n l'avons vu reprendre hier avec enthou-
siasme par le Français, - qui ne paraît lui
trouver qu'un défaut : c'est de n'être point
- assez radicale. M. Courcelle demande, en
effet, « qu'il n'y ait désormais d'élections
s partielles dans un département qne quand
s., le quart fie la députatioa devra être re-
•s inouvelé. » L'idée, sans doute, est bien
t. jolie, mais elle manque de hardiesse. N'y
i insistons pas; nous saurons bientôt ce que
* la commission d'initiative en aura pensé.
*
*
Plusieurs journaux voudraient savoir à
qui seront données les quatre ou cinq so'u.
ïecrétaireries d'Etat pour lesqtaelies le gou-
vernement n'a encore désigné personne.
j; On a fort commenté surtout un change-
, ment de décision du ministère, qui, devant
fr placer, assure-t-on, M. de Chaudordy aux
paires étrangères, y aurait renoncé en
r3uite à cause des fâcheux antécédents de
P ce diplomate, qui s'est compromis, comme
on sait, en plein gouvernement de Tours,
avec les hommes du 4 septembre. L'objec-
tion est spécieuse ; il mais convient de
faire observer que le 4 septembre n'a pas
nui à la carrière de M. le géaéral Le Flô,
qu'il ne nuira point à celle de M. Savary,
toujours désigné comme un des futurs
sous-secrétaires d'Etat, et qui a cependant
sollicité et obtenu les fonctions de sous-
"préret sous ce gouvernement flétri. En gé-
néral, le 4 septembre n'imprime une tache
indélébile qu'aux hommes qui, l'ayant
servi, refusent de le renier. Nous ne vou-
lions pas constater autre Chose. Quant à
M. dô Chaudordy, homme de mérite d'ail-
leurs, on nous assure que, s'il ne devient
pas sous-secrétaire d'Etat des affaires étran-
gères, un autre poste important lui est
réservé. -
.t E. L.
lit :
t .•
T»; ■ ;
La gauche républicaine s'est réunie hier
à deux heures, boulevard des Capuck-es.
Le procès-Verbal suivant nous a été com-
r muniqué : • -r i -
-r * La .gauche républicaine a procédé au-
jourd'hui âu renouvellement de son bu-
reau et du comité de direction, qui se trou-
vent actuellement composés de la manière
suivante :
jn Président : M. Jules Simon.
; Vice-président: M. Duclerc. ,,'
Saerétaires : MM. Sadi Carnot et Lé-
vêque. ':'" .(" :
Questeurs et trésoriers : MM. Charles
Rolland, Faye et Amat.
.Comité de direction : MM. Arago, gé-
néral Billot, Albert Grévy, Jules .Fefl'Yi
Magnin et Tirard.
La réunion a tenu, après ce3 élections,
una longue séance dans laquelle ont été
discutées les questions à l'ordre du
jour, *
•• 1 ♦
1 « ——————— ———
On se rappelle que dans une des der-
nières séances, M. Chesnelong est mon-
té à la tribune pour jurer devant Dieu,
devant sa conscence; devant le pays, et
principalement devant l'extrême droite,
que dans les divers procès-verbux de
son voyage à Froshdorf et à Salzbourg,
il n'avait point ~té changé un iota aux
déclarations du comte de Chambord. Et
depuis Jors, on se disait : Puisque le
programme de restauration monarchique
'était de tous points conforme aux idées
du prétendant, puisque ce programme
était accepté par les divers groupes jugés
susceptibles de composer une majorité
pour le rétablissement de la royauté, com-
ment donc se fait-il que, du soir au ma-
tin, toutes les négociations se soient
trouvées rompues, et tous les projets
monarchiques à vau-l'eau?
Il y avait bien eu la fameuse lettre du
comte de Ghambord ; mais les hommes
du centre droit, les orléanistes, sou-
tiennent encore aujourd'hui qu'elle ne
contredit pas plus les affirmations de
M. Chesnelong que le programme de
M. Chesnelong n'est en désaccord avec
les intentions du prince. Pourtant, tout a
été rompu, et tout demeure rompu.
Quel est donc ce mystère ?
« Car enfin, comme le dit aujourd'hui
l'Univers, puisqu'il y a eu rupture, il
faut bien que quelqu'un ait retiré quel-
que chose ou manqué de sincérité. »
Il ne s'agit plus que de décider entre
M. le comte de Chambord et M. Ches-
nelong. ',
w On comprend bien qu'en soi la chose
a pour nous peu d'importance; c'est af-
faire à démêler entre les trompeurs et
les trompés; si nous ne nous désintéres-
sons pas complètement de ce débat de
famille, d'ailleurs peu édifiant, c'est que
la solution à intervenir ne saurait man-
quer de mettre en pleine lumière le but
de la politique inaugurée à Versailles le
19 novembre.
Encore un peu de patience, et les ré-
vélations viendront, nettes et catégori-
ques. Pour commencer, voici le langage
dépouillé d'artifices -que tient VUnivers :
Il résulte du proeès-verbal du centre droit et
des commentaires trop autorisés qui l'ont suivi
que M. le comte d# Chambord avait à peu près
accepté le drapeau tricolore. Il ne s'agissait*plus
que de sauvet les apparences.
Eh bien, nous affirmons que M. le comte de
Chambord avait dit et répété dans les termes les
plus nets, les plus absoltfs, à M. Chesnelong que
iamais il n'accepterait le drapeau tricolore, ja-
mais 1 ;
Et nous ne doutons pas que M. Chesnelong
n'ait rapporté cette déclaration si carrée à la
commission des Neuf et au bureau dv centre
droit.
Pourquoi la commission et le bureau n'ont-ils
pas été sur ce point capital aussi nets que l'a-
vait été le prince ? ,
Pourquoi? L'Univers le demande! C'est
donc qu'il lui en coûterait beaucoup d'à-
vouer que nous avions raison quan d , dès
le mois d'aqût, nous traitions d'intrigue
orléaniste la démarche des princes à
Frolisdorf ? Ou bien, serait-ce qu'il re-
cule devant cet aveu parce qu'il l'amè-
nerait fatalement à en faire un autre, à
savoir que l'acte du 19 novembre n'a
çté, pour les orléanistes, que la suite
prévue et la conséquence logique de l'en-
trevue du 5 août? ,
L'Univers ne nous répondra sans doute
pas ; mais les événements se chargeront,
si -l'on n'y prend garde, de répondre
peur lui.. }
Ë. SCHNERB.
» ■„
■f
QUI SAUVE-T-ON ?
Le nouveau ministère a. du bonÎlour.
Qui est-il? que veut-iL? où est sa rai-
son d'être ? Le public jusqu'à présent
n'y a rien compris ; ce qui le met en dé-
fiance. Or, voici qu'une interpellation
presque oubliée, qui date d'avant les
vacances, l'interpellation sur l'état de
siège, d'ajournement en ajournement,
tombe juste à point pour fournir au ca-
binet du 26 novembre l'occasion de s'ex-
pliquer et de dissiper les nuages. Pou-
vait-on rêver rien de plus heureux ?
L'interpellation Léon Say sur les élec-
tions partielles, que l'on a discutée l'au-
tre semaine, avait, par le fait des événe-
ments, bien perdu de son importance.
L'Assemblée se trouvàit en face de mi-
nistres démissionnaires et le savait. —
A quoi bon, se disaient quelques âmes
compatissantes, à quoi bon contrister des
collègues déjà si chagrins d'abandonner
leurs portefeuilles ? Et puis le passé est
passé, ce n'est pas un vote de blâme qui
remettrait la France du trouble où ils
l'ont jetée pendant plusieurs mois. Nous
venons de voter pour le maréchal la
prorogation do sept ans; continuons
d'être généreux, et ne pensons plus qu'à
l'avenir l 1 1
Eh bien ! le public vient d'assister à la
reconstitution du cabinet ; il a constaté,
non pas sans surprise, que l'ancien vice-
président du conseil conserve toujours la
haute direction de nos affaires. Il parait, ce-
pendant, quelapoliiique achangé oua dû
changer. On prétend qu'un même coup de
barre a rapproché le gouvernement de la
République, tout en l'éloignant un peu
plus des républicains et de la nation.
L'ordre moral .a de ces mystères. Il s'agit
de les expliquer et de rassurer le pays.
Il y a tantôt trois -ans que la réaction
demande à cor et à cris qu'on le rassure;
et jamais il n'en eut, du reste, tant be-
soin que depuis que les hommes de la
réaction tiennent le pouvoir. Qu'on le
rassure donc et qu'on éclaircisse -tout
ce qui n'est pas bien compris. Ques-
tion d'avenir et de présent même. C'est
par la que l'interpellation d'aujourd'hui
différé de l'interpellation Léon Say, quine
paraissait toucher qu'aux faits accom-
plis.
- Elle porte, à la vérité, sur un point
spécial : l'état de siège. Mais, sans doute,
cet unique point permettra de juger du
reste.
Le gouvernement voudrait-il maintenir
plus longtemps la moitié de la France
sous un régime dont tout le monde sent
l'absurde et l'odieux? C'est la question.
Nous n'avons là-dessus d'autres lumiè-
res que celles que ses organes officieux
veulent bien condescendre à nous prê
ter. Or, ils affirmant que le minijstèré
annoncera son intention de lever libé-
ralement l'état de siège, — dès qu'une
loi sur la presse aura été votée.
* - ;. - "lM C'
Une loi sur la presse ? Nous en avons
déjà. de bien remarquables; je dis re-
marquableS¡ au point de vue de l'art.
Que serait celle-ci? Les mêmes journaux
officieux nous apprennent qu'il s'agit
.d'un retour aux us et coutumes de TEm-
pire, à sa juridiction administrative et
expéditive i un avertissement, deux
avertissements, trois avertissements, —
et' le tour est fait, .les journaux
cessent d'être; quant aux autorisa-
tions de ressusciter, on n'en donne
point. — Ce n'est pas libéral, dira le
FrançâvSf et le cceur m'en saigne; mais
que voulez-vous? C'est la faute de ces
gueux de républicains. Ah ! s'il ne restait
plus que nous et nos amis, quel océan
de libéralisme pour tout le monde I
ttanc levée de l'état de siége après le
retour aux décrets de 1852 sur la presse.
Un beau venez-y-voir ! auraient dit nos
grands-pères. C'est contre la presse ex-
clusivement que l'état de siège est au-
jourd'hui dirigé, et l'on promet d'en
délivrer la presse dans la moitié de la
France quand on se sera fait donner droit
de vie et de mort sur la presse dans la
France entière I Notre amduf de l'égalité
ne va pas si loin ; grand merci ! Qu'im-
porte le nom dont on désignera les cau-
ses, si les effets demeurent et surtout
s'ils sont aggravés? A être exécutés par
arrêté d'un préfet ou d'un général, nous
mettons peu de différence. de sont des
juges que nous demandons. On nous en
refuse ? Pourquoi lèverait-on l'état de
siège alors ? Quel profit pour la France
et pour la République ? Qu'y gagnerait la
liberté ?
C'est ce que les membres du gouver-
nement se proposent d'expliquer sans
doute aujourd'hui même avec l'admira-
ble franchise que le pays s'est plu, dès
longtemps, à leur reconnaître. Ils ne
voudront pas que le public reste réduit à
de défavorables conjectures et aux inad-
missibles explications des officieux.
Si nous lisons, en effet, le Français,
la,Patrie, le Journal de Paris, - toutes
feuilles d'ailleurs honorablement infor-
mées, — qu'y trouvons-nous ? Que le
grand défaut de l'état de siège est son
caractère de mesure exceptionnelle et
transitoire; qu'il y faut substituer quel-
que chose de plus septennal et de non
moin3 fort; que le cabinet travaille donc
au développement d'un système de forte
septennalité; que la loi municipale, dé-
posée l'autre jour, en étaitle chapitrepré-
liminaire, façon d'avant-propos et d'avis
au lecteur; que la loi sur la presse, la
loi électorale et un nombre respectable
d'autres lois composeront incessamment
le corps de l'ouvrage; que l'on a découvert
d'infaillible moyens de mciner ce pays
à la bagüet'te;,qq'on en usera; qu'il est
temps d'employer les verges d'airain dont
parle l'Ecriture ; et qu'à ce prix seule-
ment les sauveteurs se chargent de sau-
ver. 1., -
Sauver quoi?
Nous savons bien que c'est toujours
la société que l'on sauve et que volon-
tiers on la jetterait à l'eau pour la repê-
cher ; il y a des primes. Mais enfin, elle
la été sauvée déjà deux on trois fois, à sa
connaissance, ert un semestre. Cela suffit
bien. , ',"
Elle a été sauvée la nuit du 24 mai,
sauvée de M. Thiers ; à telles enseignes
que les portiers do la Chaussée-d'Ântin,
hommes d'un grand flair politique, ont
débouché, dès le 25, tous les soupiraux de
leurs caves, ce qu'ils n'avaient pas encore
fait depuis la Commune. - « Au moins,
disaient-ils, nous ne craignons plus lé
pétrole 1 » La Patrie a conté i histoire ; et
elle était d'autant mieux renseignée qse
les portiers en question sont le gros do
sa clientèle.
Qu'a-t-il pu se passer du mois de mai
au mois de novembre ? Hélas ! on ne
sait pas au juste. Il paraît toutefois que
les radicaux ont mis de nouveau la so-
ciété en péril de mort par des manifes-
tations, des pèlerinages, des voyages à
Salzbourg, des marchés conclus à Frohs-
dorf, qui ont excité dans toute la France
l'indignation et la terreur. La confiance
avait disparu. Plus de transactions, plus
d'affaires..Langueur de l'industrie, ma-
rasme du commerce. Puis, crue de terri-
bles nouvelles ! On complote à Autun,
dit le Figaro, l'enlèvement d'une mar-
quise ; èt, en effet, la justice y saisit, au
domicile des deux coupables, une
baïonnette, ancien modèle ! A Lyon, une
vaste société secrète est découverte par
la Décentralisation ; huit ivrognes font
partie de cette affiliation ténébreuse, qui
ne se proposait rien moins que de met-
tre la main sur le pays. Cependant, à
Versailles, les révolutionnaires du centre
gauche relevaient la tête, à ce point que
M. le duc de Broglie a été contraint, il y
a huit jours, en pleine Assemblée, de les
appeler « pétroleurs ! »
Les concierges de la Chaussée-d'Antin
avaient donc eu tort de déboucher leurs
soupiraux ?
Il faut croire que oui. Mais heureuse-
ment les sauveteurs étaient à leur poste.
Les mêmes ? Oui, les mêmes, au moins à
peu de chose près. Le 19 novembre, ils
nous ont sauvés par ja prorogation, et
le 26 par la reconstitutioà du '.-i-nistère.
Cette dernière date doit êtrela meilleur
car,, dès l'aube du même jour, on a vu
paraître la satisfaction du commerèe
et de l'industrie. Devant le balayeur
matinal ébahi, les affaires ont repris à
vue d'œil quand tout Paris dormait en-
core. Le jour venu, les passants fai-
saient haie pour contempler les queues
d'acheteurs se rendant aux boutiques. Ne
niez pas ! tous les journaux officieux
l'ont constaté. Depuis ce temps, hi joie
du peuple français n'a plus de bornes.
Crescit eundo. Tous les bons citoyens
s'embrassent en s'écriant : Sauvés, mon
Dieu !
Et c'est en un si doux moment que le
gouvernement viendrait parler, pour la
troisième ou quatrième fois, de salut pu-
blic et de sauvetage ?
Ah ! çà, qui sauve-t-on ?
Assurément, ce n'est pas nous ? Il y
là-dessous quelque équivoque.
Les journalistes d'ordre moral nous
répètent que le ministère croit urgent de
sévir contre les municipalités parce
qu'elles «ont républicaines, contre la
presse indépendante parce qu'elle est ré-
publicaine, contre les électeurs parce
qu'ils sont républicains. Mais puisqu'en
même temps on nous assure qu'il ne
s'agit plus désormais d'entreprises con-
tre la République et que le centre
droit lui-même s'est résigné à la fonder?
Quel gâchis-est-ce là ? Encore un coup,
qui sauve-t-on ici ? Nous ne comprenons
plus les prôneurs de salut social qui nous
contredisent. Sauf explications, ce serait
à croire qu'un de leurs anciens compa-
gnons, les toisant naguère, a dit le vrai
mot : « Des farceurs 1 »
EUG. LltéBERT.
————————— -
A la suite du compte-rendu d'une réu-
nion électorale tenue à Versailles, publié
dans la République française, le directeur
,t J ,':t
de ce journal a reçu de M. Calmon la let-
tre suivante :
Monsieur,
Permettez-moi de rétablir les faits au sujet
de l'article que vous avez inséré dans la Répu.
blique française de ce matin, sur l'élection de
Seine-et-Oise. , :
Je n'ai pas eu à accepter le programme ar
rêté dans la réunion électorale de Versailles :
d'abord, parce que je, n'assistais pas à cette
réunion, puis parce que ce programme ne m'a
pas été communiqué. ■> l'est demain que doit
avoir lieu - l'assemblée générale des délégués des
cantons, et c'est dans son sein que j'aurai a
m'expliquer sur les diverses questions qui pour.
ront m'être posées. J'ai déjà eu occasion de
faire connaître, dans deux lettres, ma façen de
penser relativement à plusieurs d'entre elles;
mais, quelle que soit la décision de l'assemblée
générale, je n'accepterai, dans aucun cas, de
mandat impératif.
Je vous prie, monsieur, d'avoir l'obligeance
d'insérer cette lettre dans votre numéro de de-
main, et d'agréer l'assurance de mes âeatiments
les plus distingués.
Calmon.
———— ; ; -———— , ——————
CHRONIQUE ÉLECTORALE
EINE-ET-OISE
Une réunion préparatoire a eu lien
hier, à Versailles, dans la salle du Pe-
tit-Théâtre, en présence des délégués
de. trente-trois cantons sur trante-six qui
ont nommé par acclamation les membres
du bureau, aiesi formé : MM. FarjaESe,
président, assisté de MM. de Montneury,
Deroisin, Barbu et Albert Joly, secrétaire.
Plusieurs candidats étaient présents,
notamment MM. Joly, Calmon, de Jou-
vencel, Guiffrey.
M. Joly, faisant partie du bureau, a ex-
pliquéio^ motifs qui l'engageaient à se dé-
sister en faveur de M. Calmon.
On a tiré ensuite 11 sort le rang dans
lequel les candidats seraient entendus.
Les noms sont sortis de l'urne dans
l'ordre suivant :
MM. Calmon, de Jouven cel » et Cxuiffrey.
Un quart d'heure a été accordé i cha-
cun pour faire sa profession de, foi.
M. Calmon n'a pas renié son passé mo"
narchiqup; enfant de 1830, il a cru long-
temps à la" possibilité du régime constitu-
tionnel ; mais, ainsi que ses amis, MM.
Thiers, de Rémusat, Davergier de Hau-
ranne, il l'a vu ce régime à l'œuvre, et
après nos dernières épreuves, il est con-
vaincu aujourd'hui que la République es&
le seul gouverûement qui puisse nous re-
lever de nos désastres.
Il a ajouté que s'il avait l'honneur de
représenter le département de Seine-et-
Oise à l'Assemblée, il voterait pour le
maintien et l'intégrité du suffrage univer-
sel, pqur le maintien de la nominations
des maires par les conseils municipaux;
il a dit qu'en matière de presse il trouvait
les lois actuelles suffisantes pour assurer
la répression en cas d'abus.
Sur l'interpellation d'un des délégués,
il a répondu que, si dans la discussion
des lois constitutionnelles il lui était dé-
montré que l'Assemblée actuelle ne pou-
vait arriver à établir le gouvernement ré-
publicain sur des bases sérieuses, il n'hé-
siterait pas à voter toute proposition len-
dant à la dissolution.
L'Assemblée a entendu ensuite M. de
Joùvencel, qui a maintenu sa* candida-
ture.
M. Guiffrey a pris ensuite la parole et
a dit, comment dans leg circonstances ac-
tuelles, c'était un devoir de défendre la
République, gouvernement sous lequel en
trois ans on a payé la dette prussienne, -
libéré le territoire et rétabli l'ordre et la
paix, ce que n'aurait pu faire tout un
règne monarchique.
Puis avec un sentiment plein de patrio-
tisme et d'abnégation a dit qu'il fréterait
sa candidature non pas devant celle de M.
- FEUILLETON DU XIXe SIÈCLE
i&i :h;i:": :
k,
iP lupumt
-- /,-
n
THÉÂTRE DU GYMNASE. - Monsieur Alphonse, comé-
die en S atetee, par M. Alexandre Dumas fi s.
THÉÂTRE DE LA PORTE-SAII^T-MARTIN. - Libres !
drame historique en 5 aotes et 8 tableaux, par
M. Edmond Gondinet. , :'
THÉÂTRE DE L'ODÉQN. — Robert Pradel, pièce en,
4 actes, par M. Albert Delpit.
Contrairement à cette opinion bour-
geoise généralement répandue que la Cri-
tique aime à mordre et ne rêve que plaies
ét bosses, la Critique n'est, au contraire,
jamais plus heureuse et plus à Mn aise ;
que quand il s'agit d'admirer et d'applau-
dir. La pièce qu'Alexandre Dumas vient
de faire représenter au Gymnase, Monsieur
Alphonse, lui taille aujourd'hui cette douce
besogne.
Nous avons déjà dit, sous l'empire de
l'enthousiasme, l'immense succès que vient
de remporter avec tant d'éclat cette excel-
lente comédie. Aujourd'hui, à quelques
leurs d'intervalle, après avoir conscien-
"biellseroentrdvu la pièce, toutes réflexions
faites et à tête refroidie, je déclare que
non-seulement je n'ai rien à rabattre de
mes 3.fisertion!, mais qu'elles se .sont au
contraire singulièrement affermiés et fer.
tifiées. A la seconde audition, le côté sen-
timental de l'oeuvre m'a même plus vive-
ment impressionné et plus profondément
féru qu'à la première.
Je ne sais à quoi attribuer le phénomène,
puisque j'avais en moins 1 effet de l'im-
prévu et l'attrait des choses inconnues;
mais il est parfaitement réel, et, plus
d'une fois, les larmes me sont venues aux
yeux, aussi bien par l'attendrissement,
ressortant naturellement de la situation
*
« m mm tmmi *.'» ww. ramwwaprawfr?—
dramatique, que par le sentiment profond
de grandeur ét de vertu dont je me sen-
tais pénétré. Il me semblait que ce sen-
timent, indépendamment de sa cause po-
sitive, palpable, immédiate, émanait di-
rectement de la pensée génératrice du
fait, devenu vivant et agissant devant
moi, grâce à une exécution parfaite et à
une interprétation véritablement supé-
rieure.
Tout concourt dans cet ouvrage, — vé-
ritable chef-d'œuvre d'art dramatique, -r- à
assurer l'effet voulu : la simplicité et la pro.
bité des moyens, le pathétique naturel des
situations, la vérité des caractères et la
mesure dans leurs manifestations ; le sen-
timent général de -justice sereine qui plane
sur l'oeuvre entière; l'art exquis, élevé, no-
ble, tendre, spirituel et ferme avec lequel
elle est exécutée, le talent avec lequel elle
est traduite, la conviction absolue de l'au-
teur, la conviction relative des artistes,
tous les éléments qui peuvent contri-
buer au succès se trouvent réunis, et ré-
unis dans les conditions les meilleures et
les "plué rares.
Y-a-t-il une thèse daas tout cela? Car-
tes! Et Dieu merci! Mais c'est une thèse
vivante et agissante, non prédicante. Cette
thèse-là, comme le verbe, s'est faite chair:
elle souffre et pleure. Elle nous trouble
de son mal, nous émeut de ses sanglots,
nous attendrit de ses larmes. Elle ne pé-
rore point du haut de quelque sommet d où
elle domine, elle est incamée parmi nous;
-6ee souffrances sont les nôtres ; elle par-
tage nos douleurs, nos misères, nos be-
soins, nos aspirations. Elle vit notre vie
et s'unit en une étroite communion avec
nous. Aussi nous la comprenons et noue
l'adoptons. Lo moyen détourné de la pa-
rabole vaut toujours mieux que le ptai-
doyer didactique ou Talloeution directe :
l'enseignement purement dogmatique ne
remplace pas la vérité dans l'exemple*
Qu'on ne s'y trompe pas, pourtant, ce
succès-là n'a coûté à Domas aucun sacri-
fice d'amour-propre : il n'a cédé sur aucun
point et n'a pas déserté sa voie. Ce qu'il
voulait, il le veut ton jours; ce qu'il a con-
çu, il l'exécute : ceci n'est pas du théâtre
creux et vide, — il répugnerait à Dumas'
de n'être qu'un amuseur public, — c'est
de l'art substantiel et plein. Il a retourné
le mot de Quintilien, Non scribitur ad nar-
randum, sed ad probandum ; il n'écrit pas
pour le vain plaisir de vous rasonter des
histoires, mais pour vous prouver quelque
chose, et ce qu'il vous veut prouver, il
vous le prouve en effet, péremptoirement,
en cette circonstance du moins, en met-
tant au service de sa thèse, puisque thèse
il y a, toutes les ressources du talent dra-
matique le plus complet et le plus parfait
de notre époque.
Qu'est-ce que Monsieur Alphonse? Mon-
sievr Alpliense s'appelle Octave : c'est un
joli garçon; mais, pour parler le langage
de Mme Guichard, un joli garçon qui ne
vaut pas cher. A l'âge de vingt-deux ans,
Octave a séduit une jeunft fille, quelque
chose de pire même, à ce qu'il paraît,et l'ex-
pression de séduire, serait encore trop ho-
norable. Il l'a poursuivie, persécutée, lui a
tendu quelque vilain traquenard, et s'il ne
l'a pas précisément violée, au moins l'a-
t-il brutalement violentée. Malheureuse-
ment une fille est née de cette triste aven-
tare. Octave a tout naturellement aban-
donné la mère ; mais il a confite l'enfant à
des paysans, qui l'ont élevée et chez les-
quels il a été la voir cinq ou six fois en
dix ans, sous le nom de Monsieur Al-
phonse : on ne sait pas ce qui peut arriver;
un gars du calibre d'Octave n'engage ja-
mais l'avenir. Quant à Raymonde, plus
aimante et moins circonspecte, elle allait
voir sa fille, sans dire son nom, mais
isans cacher son titre, et elle va l'embras-
ser encore, bien qu'elle soit aujourd'hui la
femme de M. de Montaiglin, officier dans
la marine française. s
Ce monsieur de Montaiglin, homme de
quarante-cinq ans environ, se trouve pré-
cisément avoir été l'ami, quoique beau-
coup plus jeune, du père d'Octave, qui
n'est plu. La libre pratique de la maison est
donc assurée au séducteur, qui n'en abuse
pas ; Mme de Montaiglin, depuis son mal-
heur, ne lui ayant jamais témoigné que le
plus incommensurable dégoût et la plus
sainte horreur. Mais Octave va se marier :
pauvre, 'astreint au travail vulgaire , d'un
bureau, Octave, qui n'aspire qu'au luxe et
à l'oisiveté, n'est pas scrupuleux sur le
choix des moyens. It a empaumé une bonne
bourgeoise, ancienne fille d'auberge, épou-
sée in extremis par le maître de YHôtèî du
Lion d'or, aujourd'hui veuve et riche de
-cinquante mille livres de rentes, écus son-
nants. La commère est toquée du bellâtre;
mais elle est jalouse :. si elle connaissait
l'existence d'Adrienne, elle serait capable
de rompre en visière à. à son amant!
Car, il faut tout dire, le dandy Octave est
l'amant de l'ancienne servante, pis que
cela, son obligé! -
Il faut donc prendre un parti au sujet
de l'enfant : elle a onze ans et ne peut pas
rester éternellement chez ses paysans. Oc-
tave a une idée lumineuse : il vient trou-
ver Mme de Montaiglin et lui déclare
qu'il est résolu à faire à son mari, dont
il cennait la bonne âme, l'aveu de sa si-
tuation personnelle, et à le prier de rece-
voir l'enfant pour laquelle" lui, Octave,
solficitera les bons soins de Mme de Mon-
taiglin. La pauvre Raymonde repousse
avec indignation cette proposition, qui
n'est qu'uq abus de confianc; mais Oc-
tave la menace d'expédier Adrienne en
Amérique, et la malheureuse femme, aux
prises avec sa tendresse maternelle et sa
dignité d'épouse, cède dejV quand Octave
brusque la situation en s'adressant immé-
diatement et directement à Montaiglin, qui
accepte sans hésiter.
Montaiglin a connu Octave enfant, et,
bien qu'il n'ait pour lui qu'un mépris
qu'il ne cache guère, il n'en a pas moins
aussi des indulgences quasi paternelles.
D'ailleurs Adriènne est charmante : élevée
à une triste et dure école et douée de ces
instincts étranges qui épouvantent pres-
que chez certains enfants, son intelligence
s'est développée d'une façon prodigieuse.
Elle séduit si- complètement la brave com-
mandant qu'attirant à lui la petite fille et
l'embrassant avec effusion, il dit en sou-
riant mélancoliquement à Octave : « Tu
» sais, si tu en as encore une autre pa-
» reille, tu peux l'ameoer. »
Adrienne a scrupuleusement suivi les
instructions de celui qu'elle ne connaît que
sous le nom de Monsiettr Alphonse, et n'a
manifesté, en revoyant celle qu'elle con-
naît bien, aucun étonnement, aucune joie.
Elle n'a pas dit un mot, pas fait un geste,
pas risqué un regard; mais, dès qu'elle
se trouve seule avec Raymonde, elle se
jette dans ses bras en l'appelant de ce
nom si doux au cœur des vraies femmes,
« ma mère! » •
Raymonde est une bonne et droite na-
ture, pas supérieure, sans doute, pas hé-
roïque ; elle a été la victime d'un misé-
rable ; elle était tombée, un honnête hom-
me s'est présenté, qui l'a aimée et ne lui
a rien demandé en lui offrant son nom.
Cette main tendue vers elle, en sa détresse,
elle l'a prise : elle a entrevu la réhabilita-
tion , l'affection est entrée dans ce cœur
désespéré ; mais, faible devant cette géné-
rosité inattendue du sort, elle n'a pas osé
parler, de peur d'être rejetée à l'abîme.
Elle n'a contre elle que cette faute — c'en
est une — l'autre n'est qu'un malheur.
Quand elle sent sa fille entre ses bras,
le sentiment maternel l'envahit tout en-
tière, tout disparaitl tout s'çfface, et, ici
encore, le courage lui fait défaut pour re-
pousser cette joie immense, mais pré-
caire. ,J' .-
Hélas! elle n'en doit pas jouir long-
temps. Mme Guitharli, la veuve de ÏAôle
du Lion d'or, jalouse, défiante et sagace,
malgré son aveuglement amoureux, Mme
Guichard a filé Octave, avec toute l'ar-
deur d'un agent de la rue "de Jérusalem.
Elle a sa son expédition chez les paysans
détenteurs de sa fille, elle l'a vu ramener
l'enfant, elle l'a vu entrer avec elle chez
las Montéglain ! Elle y pénètre et s'adresse
carrément à Raymonde, dont le trouble ne
lui échappe pas complètement ; puis voit
M. de Montaiglin; puis enfin Octave, au-
quel elle arrache l'aveu de sa paternité,
dans une scène admirablement faite. Avec,
son gras bon sens et son grès bon cœur,
Mme Guichard trouve à la situation une
issue toute naturelle : puisqu'elle va épou-
ser Octave, n'est-il pas tout simple qu'elle
prenne sa fille dans sa maison ? La mùre
est morte, c'est Octave qui le dit, eh bien !
elle servira de mère à l'enfant.
Octave n'a rien à objecter à cela ; mais
quand, à l'acte suivant, il annonce à Ray-
monde qu'il faut qu'il lui reprenne
Adrienne, la malheureuse mère refuse
absolument d'y consentir.
C'est dans le trouble et l'agitation cau-
sés par cette nouvelle que M. de Montai-
glin, déjà prévenu, par Octave, trouve ca
femme. Nous sommes à la scène capitale
de l'œuvre, et cette scène est traitée avec
une simplicité, une sobriété et une puis-
sance véritablement admirables.
L'honnête Montaiglin trouve toute sim-
ple la proposition de Mme Guichard, et
ne laisse pas de s'étonner un peu dte la
résistance passionnée de Raymonde. En
effet, celle-ci, après avoir timidement dis-
cuté d'abord, mais non pas sans un cer-
tain désordre, les droits d'Octave sur cette
enfant ; après avoir fait ressortir avec une
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