Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-11-27
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 27 novembre 1873 27 novembre 1873
Description : 1873/11/27 (A3,N742). 1873/11/27 (A3,N742).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
30 Année. - Na 742
Pm bv NtIBao : Puis 15 CBMTMM — Dibianumu 50 CuTIDI.
Jeudi 27 Novembre 1873.
F
A DJLJEiuJLiËi
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
REDACTION.
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
rue Drouot, 3
La manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
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bonnement expire le 30 novembre
sont priés de le renouveler immé-
diatement, s'ils ne veulent éprouver
de retard dans la réception du
journal.
Les abonnenkents pour 1" ALSACE-
fc@14BAl]WE sont aee.eptés lUI prix de
France.
On pesst aossei'ire calle. toula tes li-
brftir«s.
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, 26 novembre 4875.
C'était hier journée d'attente, de réu-
nions, de combinaisons ministérielles et
parlementaires. L'opinion publique fatiguée
ne prête plus aux bruits politiques qu'une
attention distraite. Le cabinet a donné sa
démission. Qu'importe, si, comme on le
dit, c'est M. de Brog'ie qui est chargé du
sein de former, avec les mêmes ministres,
un autre ministère ? Tout roule sur la
question de savoir s'il y aura quelques sous-
secrétaires d'E t at de plus ou de moins ; mais
le gouvernement aura-t-il, pour cela,
changé de système ? On se disait que, la
crise passée, les affaires pourraient renaître;
on a bien eu la crise, mais où est main-
tenant l'espoir de cette renaissance com-
merciale et industrielle ?
Cependant les divers groupes de députés
viennent de dresser leurs listes pour l'élec-
tion de la commission constitutionnelle.C'est
aujourd'hui qu'a lieu le scrutin ; mais ne
sait-on pas, à huit ou dix voix près, que
la liste qui l'emportera est la liste anti-
républicaine ? Et ensuite ? Pour être
ajournées, les difficultés en sont-elles
moins inextricables? L'impossible de-
viendra-t-il moins impossible au bout
de trois mois ou de six ? On revient tou-
jours à ces préoccupations. Quant à la
séance qu'a tenue hier l'Assemblée, peu de
députés y étaient présents. La proposition
de M. de Pressensé, relative à la liberté
des réunions pour la célébration d'un eulte
religieux, a été prise en considération,
d'ailleurs sans débat ; mais ceci n'engage
point le vote pour les délibérations à ve-
nir. Puis la discussion s'est ouverte, en
seconde délibération, sur le projet .de ré-
formes du service postal et du service
télégraphique, et enfin sur le projet de loi
relatif à la surveillance de la haute police.
Au conseil général de la Seine, un in-
cident soulevé par le préfet a causé de l'é-
motion. M. Floquet venait de lire un rap-
port sur un vœu de M. Hérold en faveur.
du rétablissement à Paris de l'Ecole spé-
ciale d'administration qui avait été créée
en 1848 et qui fut supprimée très-mal à
propos vers la fin de 1849. Ce rapport de
M. Floquet donnait d'excellentes raisons,
qui sont résumées au compte-rendu spé-
cial de la séance du conseil ; on n'y re-
marquait d'ailleurs aucune digression po-
litique, et la grande majorité du conseil
se disposait à en approuver les conclu-
sions, quand M. Ferdinand Duval inter-
vint soudainement pour arrêter soit la dis-
cussion, soit le vote. — Cette question
n'est pas, dit-il, une simple question d'in-
térêt local : elle touche à des intérêts gé-
néraux; donc le conseil n'a pas le droit de
s'en occuper.
La surprise qu'a, excitée M. le préfet de
la Seine n'a pas été vive seulement, mais
pénible. Le conseil n'a pu s'expliquer ni la
raison, ni l'opportunité de cette singulière
atteinte à des droits qui, jusqu'à présent,
avaient pu s'exercer au Luxembourg
comme partout en France. De quoi s'agis-
sait-il ? Du rétablissement à Paris même
d'une école spéciale d'études administra-
tives ; et c'est un sujet sur lequel il serait
interdit au conseil général de la Seine
d'émettre des vœux ! Et pourquoi? Est-ce
donc que la ville de Paris n'y est pas
directement intéressée ? — Mais l'affaire,
* dit le préfet, n'est pas exclusivement
locale. — A ce compte, le conseil général
de la Seine devrait rester muet à peu près
sur toutes les affaires de Paris , si ce
n'est peut-être sur les questions de voirie
et de balayage.
L'interprétation de la loi de 1871
par M. le préfet de la Seine est contraire
à tous les précédents de ces deux dernières
années ; elle l'est aussi à ce qui est admis
dans tous les autres départements de
France. Où a-t on jamais vu taxer d'illé-
gal le vœu d'un conseil demandant, dans
tel département ou telle ville, la création
d'uu établissement scientifique, mili-
taire etc., sous prétexte que cela touche
Il d'autres intérêts que les simples intérêts
locaux? M. Floquet a réfuté cette arbi-
traire interprétation avec beaucoup de
convenance et de farce; et l'honprable pré-
sident de rassemblée, M. Vautrain, a dé-
claré ensuite que J4 prétention ge M. le
préfet de la Seine était gravé, que le con-
seil ne songeait point à portir de la léga-
lité, mais qu'il fallait du moins examiner
sérieusement ce 'que permet la loi et ce
qu'elle interdit, et que le mieux serait de
renvoyer préalablement, le vceu de M. Hé-
rold et le rapport de M. Floquet à la cem-
mission des vœux pour qu'ils y fussent
examinés à ce point de vue tout nouveau.
C'est ce qui a été résolu séance tenante.
- EUG. LIÉBERT.
-ff- -
Le Journal officiel publiait hier la note sui-
vante :
Les ministres ont remis leurs démis -
sions entre les mains de M. le maréchal
président de la République, qui les a ac-
ceptées.
— ——————————-
:
« Les ministres ont remis leurs dé-
missions entre les mains de M. le prési-
dent de la République, qui les a accep-
tées. »
Ces trois lignes insérées au Journal of-
ficiel suffisent à sauver les apparences ;
mais nous avons quelque raison de
croire qu'il ne s'agit, dans l'espèce, que
de ce qu'on appelle, en style de théâtre,
une fausse sortie. Vraie ou fausse, d'ail-
leurs, il n'importe. Que l'on remplace
M. Beulé par M. Batbie et M. Batbie par
M. Beulé, nous ne voyons point là ma-
tière à dissertation. Au fond, les ques-
tions de personnes 'n'intéressent que les
coureurs de portefeuilles, et c'est affaire
à la chronique scandaleuse de relater
tous les petits manèges auxquels on se
livre depuis quarante-huit heures, dans
les sous-sols parlementaires.
Le ministère du 24 mai a vêlu; que
sera le ministère du 19 novembre? quel-
les seront seS tendances? quel sera son
programme, s'il en a un? quelle, enfin,
sera sa politique? Voilà seulement ce qui
intéresse le pays, peu soucieux de sa-
voir si les ministres d'hier seront les
ministres de demain. Il est bien évident
pour tout le monde que le cabinet du 19
novembre va se trouver dans des condi-
tions tout à fait différentes de celles qui
résultaient du vote du 24 mai. Alors on
tlonnait pour prétexte au renversement
de M. Thiers le désir qu'avait la majorité
de revenir au pacte de Bordeaux, à la
trêve des partis, et cela imposait au mi-
nistère l'obligation de conserver la plus
stricte neutralité, de ne pencher ni à
droite ni à gauche, et surtout de ne point
verser dans le centre droit ; c'était un
ministère « d'ordre moral » qui s'était don-
né pour mission de combattre certains
moulins à vent imaginés pour les besoins
de la cause dite conservatrice.
Nous n'examinons pas ce qu'est de-
venu l'ordre moral en France sous ce
ministère ; cinquante voix de majorité
ont décidé l'autre jour que le cabinet
tout entier avait bien mérité des légiti-
mistes, des orléanistes et des bonapar-
tistes ; l'histoire fera le reste. Laissons
donc le passé et parlons de l'avenir.
Deux grands faits dominent la politi-
que de ces trois derniers mois ; l'échec
de la restauration monarchique, et la
prorogation, pour sept ans,.des pouvoirs
du maréchal de Mac-Mahon, sous le titre
de Président de la République. Nous n'i-
gnorons pas que rien de tout cela n'est
pris au sérieux par les principaux inté-
ressés, par ceux mêmes qui ont eu une
part prépondérante dans chacun de ces
grands événements; mais, au risque de
leur faire lever les épaules, nous pous-
serons la hardiesse jusqu'à dire que tout
projet monarchique est ajourné à sept
ans au moins et que, par suite, la Répu-
blique a sept ans d'existence légale as-
surée. -
Dans ces conditions, indiquées par la
loi et approuvées par le bon sens, est-
il possible à un ministère de conserver
entre les partis la neutralité qui devait
être l'unique règle du ministère du 24
mai ? Nous ne le pensons pas, et l'opi-
nion sera certainement avec nous pour
exiger des collaborateurs du président de
la République l'exécution des promesses
faites au pays lors du débat sur la proro-
gation septennale.
Sans doute il n'a pas été dit que la
République devenait le gouvernement
définitif de la France, mais tous les ora-
teurs, ministres ou députés, qui ont pris
la parole pour soutenir le projet de loi,
ont invoqué tout d'abord la nécessité de
satisfaire aux vœux légitimes du pays, à
qui le provisoire devenait plus intoléra-
ble de jour @n jour. Les affaires allaient
mal, le crédit baissait, le chômage était
partout; que fallait-il pour remédier,
comme par enchantement, à cet état de
choses ? Assurer un lendemain au com-
merce et à l'industrie. Monarchistes et
républicains en tombaient d'accord ; les
premiers trouvaient que le projet de loi
contenait des garanties suffisantes ; les
seconds en. demandaiont davantage;
c'était toute la différence.
Le maréchal de Mac-Mahon lui-même,
et tout le premier, reconnaissait le besoin
de stabilité dans le gouvernement, et la
nécessité pour les partis de désarmer, au
moins pour un temps : « Quel que soit le
dépositaire du pouvoir, disait-il dans son
message du 5 novembre, il ne peut faire
un bien Arable si son droit de gouver-
ner est chaque jour remis en question f
et s'il n'a devant lui la garantie d'une
existenae assez longue pour éviter au
pays les perspectives d'agitations sans
cesse renouvelées.
» Avec un pouvoir qui peut changer à
tout moment, on peut assurer la paix du
jour, mi8 non la sécurité du lendemain.
toute grande entreprise est par là même
rendue impossible le travail languit, la
France, qui ne demande qu'à renaître,
est arrêtée dans son développement. Il
Nous n'avons point, on doit s'en sou-
venir, marchandé notre assentiment à de
si sages paroles ; aussi ne saurait-on s'é-
tonner de nous voir demander aujour-
d'hui, non sans quelque inquiétude, si
les ministres du maréchal-président se-
ront choisis parmi des hommes ferme-
ment résolus à tirer du vote de proroga-
tion tous les bénéfices qu'en attendait
M. de Mac-Mahon, et qui ont été promis
au pays.
Certes, nous ne mettons pas en doute
l'extrême souplesse des ministres du 24
mai ; ils deviendront méconnaissables
dans le cabinet du 19 novembre, et cette
neutralité absolue par laquelle ils se sont
signalés durant les vacances parlemen-
taires fera place à l'inébranlable résolu-
tion de ne point permettre que rien
soit tenté dans le but d'abréger d'un
jour, d'une heure, d'une minute, les sept
ans que le maréchal de Mac-Mahon doit
demeurer à la tête de la République fran-
çaise.
Toutefois, notre confiance ne saurait
être tout à fait exempte d'appréhensions.
« Chassez le naturel, il revient au galop;»
or, nous savons si bien ce qu'a été le
cabinet du 24 mai qu'il est fort difficile
de ne point prévoir ce qu'il sera. Hier,
il laissait insulter, il insultait lui-même
la République et les républicains, et
quand M. Paul Bethmont lui a demandé
s'il accepterait, dans l'avenir, qu'on dis-
cutât le gouvernement du 19 novembre,
le ministère a refusé de répondre. Hier,
quand il s'indrgnait des attaques dirigées
contre la monarchie, on lui a demandé
de réserver un peu de son indignation
aux outrages prodigués à la République.
Le ministère n'a point répondu.
Si l'on place, en regard de ces faits
significatifs, l'attitude des partis qui pro-
clament bien haut leur droit de continuer
la lutte, et comme nous le disions
l'autre jour, d'aller crier : Vive le
roi ! sous les fenêtres du président de la
République, nous demandons ce que de-
viennent les déclarations de M. le maré-
chal, quel bien- durable il compte faire
si « son droit de gouverner est chaque
jour remis en question, » et comment il
espàre assurer la sécurité du lendemain
« avec un pouvoir qui peut changer à
toùt moment. »
C'est à ce seul point de vue que nous
préoccupe le choix des hommes qui se-
ront appelés au ministère ; car si ce
sont les mêmes qu'au 24 mai, ou si leur
politique demeure celle qu'ont approu-
vée les 360 votants de lundi, nous au-
rons le droit de répéter que le 19 no-
vembre on n'a point dit la vérité au
pays, qu'il n'y a rien de changé en
France, il n'y a qu'une équivoque de
plus.
E. SCHNERB.
» :
LE NOUVEAU MINISTÈRE
Le Journal officiel de ce matin doit
publier la composition du nouveau mi-
nislère. Nous croyons savoir qu'il est
ainsi constitué :
Intérieur : M. le duc de Broglie, vice-
président du conseil ; sous-secrétaire
d'Etat : M. Baragnon.
Affaires étrangères : M. le duc Decazes.
Justice: M. Ernoul.
Guerre : M. le général du Barrail.
Marine: M. l'amiral Dompierre d'Hor-
noy.
Finances: M. Magne.
Instruction publique : M. Batbie ; sous-
secrétaire d'Etat' : M. Desjardins.
Travaux publics : M. Deseilligny.
Agriculture et éommerce: M. de la
Bouillerie.
M. Beulé se trouve donc seul dépossédé
et M. Decazes est le seul homme nouveau
appelé aux affaires.
Nous tenons à rassurer immédiatement
les nombreux amis de l'ancien ministre de
l'intérieur. Sa-disparition n'est que pro-
visoire. M. de Broglie avait promis à M.
Beulé qu'il serait ministre ; mais comme
il ne pouvait rester à l'intérieur et qu'il
n'était pas assez duc pour être appelé au
ministère des affaires étrangères, on a dû
chercher une autre combinaison. Elle est
trouvée. M. Batbie sera nommé président
du conseil d'Etat avec le rang de ministre;
mais comme il faut attendre une loi de
l'Assemblée nationale, M. Beulé est obligé
d'attendre lui-même. Immédiatement après
le vote de l'Assemblée, M. Beulé devien-
dra ministre de l'instruction publique.
Deux souscrétairls d'Etat sont nom-
més :" MM. Baragnon et Desjardins. Les
légitimistes méfiants ont exigé la présence
de M. Baragnon au ministère de l'inté-
rieur. C'est une garantie pour eux. Ils
considèrent en outre que ce choix fait con-
tre-poids à la nomination de M. le duc
Decazes au ministère des affaires étran-
gères.
- M. le duc Decazes a été choisi par M.
le maréchal de Mac-Mahon immédiatement
après M. le duc de Broglie, et c'est avec
lui que, touté la journée, le président de
la République a travaillé les diverses com-
binaisons m^nistéritlies,
Les nominations de sous-secrétaires
d'Etat, qui paraissent au Journal officiel,
De sont pas les seules qui aient été pro-
posées ; mais il a été imposible de bleu-
tendre d'une manière dçflitive;
On regarde, cependant, comme certaines
.la nomination de de Çfraudordy à la
sous-secrétaii'erie d'Etat du ministère des
affaires étrangères ; celle do M. Voisin,
au ministère de la justice ; de M. Lefébu-
re, au ministère des liuanpes ; de M. Ba-
varf, au ministère de l'agriculture et du
commerce ; mais rien n'est encore décidé.
Comme on l'a vu, il y a peu de modi-
fications dans le personnel ministériel. Ce
n'est pas, cependant, faute de combinai-
sons. Des promesses avaient été faites à
un grand nombre de représentants. Et tonte
la journée, ils ont pu croire à la réalisa-
tion de leurs espérances. A chaque minuta
on apportait de nouvelles listes. Les noms
de MM. Depeyre, de Goulard, La Roncière
le Noury, de Fourtou, d'Audiffret-Pasquier,
Louvet et Mathieu-Bodet étaient surtout
spécialement mis en avant.
A midi, MM. Decazes et de Broglie
étaient dans le cabinet du président de la
République, essayant de faire entrer de
nouveaux éléments dans le cabinet ; mais,
comme le. disait spirituellement un iepré-
ssatant : ceux qui voulaient entrer ne le
pouvaient pas, la porte étant fermée par
ceux qui ne voulaient pas sortir.
On crut un moment qu'il serait possible
de caser tout le monde. M. d'Audiffret-
Pasquier fut mandé à la présidence et
on lui offrit le portefeuille de l'intérieur.
M. de Broglie dans cette combinaison de-
venait ministre sans portefeuille. >4. d'Au-
diffret accepta; mais M. Magne, consulté,
s'opposa à cette nomination de la manière la
plus formelle ; les bonapartistes ne peuvent
oublier que M. le duc les a légèrement
fustigés dans l'affaire des marchés de l'em-
pire.
--JI.. d'Audiffret-Pasquier a donc été
écarté. Revenant de l'Assemblée, il rea-
contra dans la salle des Pas Perdus
plusieurs collègues qui l'arrêtèrent pour
lui demander des nouvelles.
— Des nouvelles ? leur dit-il, en voici
une bonne f je n'en suis pas.
M* le président de la commission ne
donna pas d'autie explication, mais c'était
assez.
On voulait à tout prix loger M. Depeyre
dans le ministère; mais M. Ernoul a jugé
que sa retraite n'était nullement néces-
saire; les autres ministres ont pensé
comme lui, et c'est ce qui nous procure le
plaisir de nous trouver en présence du
même cabinet.
On a alors cherché s'il ne serait pas pos-
sible de créer de nouveaux ministères ;
c'est ainsi qu'on avait séparé les cultes
de l'instruction publique et que l'on comp-
tait donner le portefeuille à M, de Fourtou ;
mais on a reculé devant une augmenta-
tion de crédit à demander à l'Assemblée.
Il faudra déjà faire accepter la loi qui
permettra à M. Baulé de devenir grand-
maître de l'Université ; on a jugé pru-
dent de ne pas pousser les choses trop
loin.
D'autant plus qu'il faudra demander des
suppléments de crédit pour donner des ap-
pointements aux nouveaux sous-secrétaires
d'Etat. Cette dépense n'est prévue dans au-
cun des projets de budget.
En somme, beaucoup d'appelés, peu d'é-
lus, beaucoup de mécontents, tel est le ré-
sumé de cette journée.
•
Une légère indisposition a empêché
M. Paul Lafargue d'assister à la séance
d'hier ; mais notre excellent collabora-
teur est en mesure de reprendre, dès au-
jourd'hui, son Courrier parlementaire.
— + ; —
C'ÉTAIT BIEN LA PEINE
Vous connaissez tous ce refrain de
l'opérette à la mode :
C'était bien la peine,
C'était bien la peine assurément
De changer de gouvernement !
Est-ce qu'il ne vous est pas remonté à
la mémoire, tandis que vous lisiez le
compte-rendu de la Chambre d'hier?
C'est vraiment une bien drôle de chose
que la politique , quand on examine
les choses en curieux, sans parti pris.
Voilà M. Léon Say qui interpelle les
ministres du 24 mai et leur demande
pourquoi ils attendent six mois à faire
des élections que les intéressés réclament
immédiatement.
— Eh bien! et vous? répondent les
iainistres, combien donc attendiez-vous ?
— Vous jetez toutes les places en cu-
fée à vos créatures, ajoute M. Bethmont.
— Souvenez-vous, répliquent les mi-
nistres, de cette recette générale donnée
par vous à un secrétaire de M. Picard,
qui n'avait aucun droit.
Cette façon d'argumenter a toujours
beaucoup de succès, et elle pourrait se
résumer dans le dicton bien connu :
Vous en êtes un autre, monsieur !
Mais est-elle bien triomphante ?
Quand on s'est coalisé pour renverser
les gens qui étaient au pouvoir et pren-
dre leur place, c'était apparemment pour
faire autrement ou mieux qu'eux. Sans
quoi, on eût été sans excuse d'agiter le
pays et de troubler la paix publique
pour un intérêt tout personnel.
- Rappelez-vous en éffet les belles pro-
messes des hommes qui se sont réunis
pour jeter à bas M. Thiers et s'emparer
du gouvernement. M. Thiers, à les en-
tendre, conduisait la France aux abîoaos;
on n'avait qu'à la leur confier, ils sau-
raient bien, en un tour de main, rani-
mer la confiance éteinte, relever le com-
merce languissant, restaurer les lettres
et les arts, verser en un mot sur le pays
le lait et le miel des prospérités do lâgo
d'or,
Ah ! nous, s'écriaient-ils en chœur, ce
sera bien autre chose t Vous verrez I
Ils se mettent donc à la J)eSOCt::ê.
Ceux qu'ils ont chassé uu pouvoir les
regardent faire et ne tardent pas à leur
crier ;
— Mais pardon ! Vous faites tout
comme nous !
— Eh bien ! puisque c'est tout comme
vous, qu'est-ce que vous avez à dire ?
- Nous avons à dire que si c'était
pour faire la même chose que nous, ce
n'était pas la peine de prendre notre
place. Nous suffisions parfaitement à la
besogne, et comme dit la chanson :
C'était bien la peine assurément
De changer de gouvernement !
Quand M. de Broglie répond, comme
il l'a fait hier, c'est absolument comme
s'il disait :
— Mes amis, vous pouvez croire que
je n'étais pas assez sot pour me préoc-
cuper du bien public et que je me mo-
quais parfaitement des réformes dont je
prêchais la nécessité. Tout ce que j'en
disais, moi, c'était pour être traité d'Ex-
cellence, distribuer des places et toucher
de bons petits appointements. Charité
bien ordonnée commence par soi-même.
Une fois ministre, je n'ai plus qu'à imi-
ter tous ceux que je blâmais si amère-
ment. Ils avaient l'habitude de retarder les
élections qui les gênaient; je les taqui-
nais là-dessus, mais à cette heure, je
trouve la tradition excellente, et je la
garde. Ils @ comblaient leurs favoris de
grasses sinécures ; j'en marquais unain-
dignation très-vive et très-légitime. Mais
du moment que c'est moi qui les donne-
rai et que par conséquent elles tombe-
ront sur mes créatures, je ne vois plus
pourquoi je m'en fâcherais, ni moi, ni
personne. Eux surtout! ils sont vraiment
bien venus à nous rien reprocher ! Nous
avons pris exemple sur eux! nous les
continuons !
Oui, mais nous, pauvre public, nous,
gens de peu, et, comme dit Horace,
fruges consumere nati, est-ce que nous
n'aurions pas le droit d'intervenir et de
prendre la parole à notre tour :
— Vous les continuez ! Voilà qui est
bien. Mais n'eût il pas été mieux de les
laisser se continuer eux-mêmes ? C'est
nous qui en fin de compte, payons les
frais de l'ambition de M. de Broglie et
consorts. Nous ne sentions aucun besoin,
nous, que les rênes changeassent de
main, si la main conduit au même en-
droit et de la même façon. J'ose dire
même que nous en éprouvons quelque
déplaisir ; car ces changements ne vont
point sans secousses, et c'est nous qui
sommes cahotés.
Les journaux dévoués au cabinet
du 24 mai ont beau nous crier que
les affaires reprennent, et que tout est
au mieux. Je voudrais bien, pour voir,
que les journaux, qui se disent si en-
chantés, comparassent le produit que
leur a donné ce mois-ci leur quatrième
page, la page d'annonces, avec celui du
même mois l'an dernier ; ils jugeraient
par là si le commerce s'est relevé
comme ils prétendent, et si l'industrie
jouit d'une -si grande prospérité !
Il n'y a pas à dire : tout va un peu
moins bien que du temps de M. Thiers ;
on se sent moins confiant dans le pré-
sent, moins sûr de l'avenir ; le malaise
est général, en dépit des gens qui crient:
confiance 1 confiance! Et quand on in-
terpelle les ministres sur des fautes
commises, ils ne trouvent qu'une ré-
ponse à faire :
— Vous les avez commises avant
nous ; nous vous prenons pour mo-
dèles !
Mais s'ils tâchent de faire comme leurs
prédécesseurs, et qu'ils le fassent moins
bien, c'est le cas? évidemment de répé-
ter :
C'était bien la peine assurément
De changer de gouvernement !
, FRANCISQUE SARCEY.
LE COMTE DE CIUlIBORD
A PARIS
L'Union se décide enfin à rompre le silence
Qu'elle gardait sur le séjour que le comte de
Chambord vient de faire en France.
Voici en quels termes le Moniteur de la mo-
narchie légitime raconte cet important événe-
ment :
Nous sommes assaillis de questions, et
nous recevons chaque jour une grande
quantiié de lettres relatives à un fait dont
l'opinion se préoccupe vivement. Nous
n'éprouvons aucun embarras à y donner
une réponse publique.
Est il vrai, nous demande-t-on de tou-
tes part?, que M. le comte de Chambord
soit venu en France pendant les derniers
événements ?
Oui, pouvons-nou3 répondre, avec la
c-rtitude de n'être pas démentis.
Le pilote était à son poste, comme il y
a toujours été, comme il y sera toujours.
Loisqu'un prince tel que l'Auguste Chef
de la Maison de Bourbon a écdt : « J 8
suis prêt, tout piêt, dès demain, dès ce
-soir, dès ce moment, » ce ne sont point
là de vai- mots, et l'on peut compter sur
la parole de Celui qui n'a jamais trompé
et qui me trompera jamais.
Fidèle aux résolutions de toute sa vie,
qui ne lui permettaient pas d'apporter à
ion pays ne filt-ce qu'une heure d'agita-
tion ni de trGuble, il est venu sans broit
sans ostentation, sans faste, suivait avec
anxiété durant quinze jours, sur }a terrCan
même de la lutte, la marche ~vèremenîs
à « il perffiirŒ!
à trayt-~z-s il PL
voir iô :iÍ1_:: ILI pays et le terme d'un exil
immérité.
Le moment n'est pas vÇnu de révéler ce
que M. le comte de Chambord a tent pour
ramener au pôrt le navire en détresse; mais
quand aura sonné l'heure de Dieu, et cette
heure n'est pas loin, la France apprendra
avec admiration tout ce qu'il y a de désin-
téressement, de simplicité, de dévouement,
dans ce cœur de Roi et de Père qui n'a
point de parti, et qui sait accomplir si no-
blement son devoir. Elle s'étonnera d'avoir
pu méconnaître si longtemps tant d'abné-
gation et de vraie grandeur.
————————— —————————
LA COMMISSION DES TEINTE
Les bureaux des droites se sont réunis
hier à six heures du soir et ont arrêté la
liste suivante pour la composition de la
commission constitutionnelle; elle contient
les noms de MM. de Larochette, de Laro-
chefoucauld, de Tarteron, Combier, Lucien
Brun, de la Bassetière, Daru, Keller, Ches-
nelong, de Talhouët, Pradié, de Sugny,
de Meaux, Tailhand, de Larcy, de Cu-
mont, de Kerdrel, d'Andelarre, Grivart,
d'Haussonville, Lacombe, Lambert-Sainte-
Croix, Laurier, Paris, Talion, VingtaiD,
Dufaure, Antonin Lefebvre-Pontalis, La-
boulaye, Waddington.
La droite, dans sa libéralité, donne
trois places au centre gauche, et n'en
donne aucune ni à la gauche républicaine,
ni à l'Union républicaine. C'est de la
conciliation vraie.
Les bureaux de la gauche et du centre
gauche ont arrêté la liste suivante, compo-
sée de quinze membres : MM. Arago, Bar-
the, Bertauld, Bethmont, Dufaure, Al-
bert Grévy, Jules Grévy, Laboulaye, La
Royer, Casimir Périer, Charles de Rému-
sat, Ricard, Schérer, Jules Simon, Wad-
dington. -
L'Union républicaine n'a pris aucune
décision. Une partie de ses membres s'abs-
tiendra probablement. L'autre votera pour
la liste républicaine.
—— ——-e : : •
LA
GRÈVE DES DÉPUTÉS À ROME
Nos correspondances d'Italie abon-
dent en curieux détails sur l'ouverture
de la Chambre. A la séance royale, le
Sénat assistait presque seul ; les gradins
réservés aux députés étaient à peu près
vides. La constitution du bureau a duré
plusieurs jours ; on n'était pas en nom-
bre : il a fallu remettre au lendemain
l'élection du président, non que per-
sonne songeât à disputer le fauteuil au
très-digne et très-sympathique comman-
deur Biancheri, mais parce qu'il était
impossible de réunir la moitié des hono-
rables plus un. Le même incident s'est
produit pour J'élection des vice-prési-
dents et secrétaires.
Et notez que le règlement n'est pas
bien rigoureuxsur la question dunombro.
Les députés italiens .sont, si je ne me
trompe, au nombre de 505; à ce compte,
la moitié plus un devrait être de 253.
Mais on est convenu de défalquer du to-
tal tous les membres de l'Assemblée
pourvus d'un congé régulier. Que 60 dé-
putés soient dans - ce cas, la Chambre se.
trouvera réduite à 445, dont la moitié-
plus un n'est que 223. Voilà comment,
le 19 novembre, 228 députés ont pu va-
lablement élire notre ami M. Biancheri ;
je dis nôtre, car il est resté en tout temps
fidèle à la France.
Pour ceux qui ne connaissent l'Italie
que de réputation, cette grève de dépu- -
tés, renouvelée à chaque session, semble-
rait indiquer que nos voisins sont in-
différents en matière politique. Cette erreur
trop répandue tire un nouveau supplément
de crédit d'une autre grève non moins
chronique, qui est celle des électeurs.
Le fait est que souvent, dans ce pays de
suffrage restreint, un candidat est nom-
mé par cent voix contre vingt-cinq ou
trente.
Justifions d'abord les électeurs ; après
quoi nous excuserons les élus.
Il n'y a point de partis en Italie : il y
en a si peu que les anciens amis de M.
Rattazzi, après la mort prématurée de
leur chef, se sont rangés tout naturelle-
ment autour de MM. Minghetti ot Vis-
conti-Venosta. Sauf une infime minorité de
républicains et une plus infime minorité
de cléricaux, la nation entière est mo-
narchiste libérale, fermement attachée à
la maison do Savoie, qui représente ses
traditions, son unité et son esprit. Le roi
n'a point de candidats, et il ne permet-
trait pas au ministère d'én avoir ; l'oppo-
sition perdrait donc ses peines à susciter
une de ces candidatures dont le succès
est la leçon du pouvoir.
Il n'y a pas même d'opposition, à
vrai dire, sinon parfois contre un minis-
tre, comme M. Sella, grand et courageux
financier, que les contribuables accu-
saient d'avoir la main trop dure. Lors-
qu'on l'eut jeté bas, au printemps de
cette année, l'opposition se fondit com-
me cire, et tout le monde fut d'accord.
Heureux pays, où l'on ne se querelle
que sur les moyens de combler le défi-
cit du budget ! L'in différence des élec-
teurs italiens, étudiée do près, n'est que
de la confiance.
C'est aussi par excès de. confiance
quo les trois quarts des députés se dis-
pensent d aller à la Chambre. Que crain-
draient..ils? Le gouvernement va tout
seul; moins brillamment parfois qu'on
ne voudrait, mais dans une route tou-
jours droite et pavée de bonnes inten-
tions. Ajoutez qu'il n'y a pas d'ambition
qui stimule les représentants du l'Italie.
Nos députés à nous, dès qu'ils ont fait le
quart d'un discour, se voient déjà minis-
tres ou du moins sous-secrétaires d'Etat;
les députés italiens n'ont garde de courir
après les portefeuilles. Ce n'est pas un
destin si enviable que de travailler joui"
Pm bv NtIBao : Puis 15 CBMTMM — Dibianumu 50 CuTIDI.
Jeudi 27 Novembre 1873.
F
A DJLJEiuJLiËi
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
REDACTION.
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
rue Drouot, 3
La manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
ABONNMENTS ;;
PARIS
Trois mois. 13 fr"
Six mois. 25
Un an..,. 50
DÉPARTEMENTS I
Trois mois 18 Af*
Six mois. 3..-'
Un an 62
.-
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et C*
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On s'abonne à Londres, chez M. A. MAURICE général
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ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
S* rue Drovot, 9
A« lettres non afrfanchies seront refustm
ABONNEMENTS
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Trois moïs..;. 13 fi1.
Six mois:. 25
Un an 50
DÉPARTJBIfanTi
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Un an 62
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On s'abonne à Londres, chez M. A. Matjricê général
advertising, agent, 13, Tavistoekrow, Covent Garden.
, MM. les Souscripteur dont l'a-
bonnement expire le 30 novembre
sont priés de le renouveler immé-
diatement, s'ils ne veulent éprouver
de retard dans la réception du
journal.
Les abonnenkents pour 1" ALSACE-
fc@14BAl]WE sont aee.eptés lUI prix de
France.
On pesst aossei'ire calle. toula tes li-
brftir«s.
JOURNÉE POLITIQUE
Paris, 26 novembre 4875.
C'était hier journée d'attente, de réu-
nions, de combinaisons ministérielles et
parlementaires. L'opinion publique fatiguée
ne prête plus aux bruits politiques qu'une
attention distraite. Le cabinet a donné sa
démission. Qu'importe, si, comme on le
dit, c'est M. de Brog'ie qui est chargé du
sein de former, avec les mêmes ministres,
un autre ministère ? Tout roule sur la
question de savoir s'il y aura quelques sous-
secrétaires d'E t at de plus ou de moins ; mais
le gouvernement aura-t-il, pour cela,
changé de système ? On se disait que, la
crise passée, les affaires pourraient renaître;
on a bien eu la crise, mais où est main-
tenant l'espoir de cette renaissance com-
merciale et industrielle ?
Cependant les divers groupes de députés
viennent de dresser leurs listes pour l'élec-
tion de la commission constitutionnelle.C'est
aujourd'hui qu'a lieu le scrutin ; mais ne
sait-on pas, à huit ou dix voix près, que
la liste qui l'emportera est la liste anti-
républicaine ? Et ensuite ? Pour être
ajournées, les difficultés en sont-elles
moins inextricables? L'impossible de-
viendra-t-il moins impossible au bout
de trois mois ou de six ? On revient tou-
jours à ces préoccupations. Quant à la
séance qu'a tenue hier l'Assemblée, peu de
députés y étaient présents. La proposition
de M. de Pressensé, relative à la liberté
des réunions pour la célébration d'un eulte
religieux, a été prise en considération,
d'ailleurs sans débat ; mais ceci n'engage
point le vote pour les délibérations à ve-
nir. Puis la discussion s'est ouverte, en
seconde délibération, sur le projet .de ré-
formes du service postal et du service
télégraphique, et enfin sur le projet de loi
relatif à la surveillance de la haute police.
Au conseil général de la Seine, un in-
cident soulevé par le préfet a causé de l'é-
motion. M. Floquet venait de lire un rap-
port sur un vœu de M. Hérold en faveur.
du rétablissement à Paris de l'Ecole spé-
ciale d'administration qui avait été créée
en 1848 et qui fut supprimée très-mal à
propos vers la fin de 1849. Ce rapport de
M. Floquet donnait d'excellentes raisons,
qui sont résumées au compte-rendu spé-
cial de la séance du conseil ; on n'y re-
marquait d'ailleurs aucune digression po-
litique, et la grande majorité du conseil
se disposait à en approuver les conclu-
sions, quand M. Ferdinand Duval inter-
vint soudainement pour arrêter soit la dis-
cussion, soit le vote. — Cette question
n'est pas, dit-il, une simple question d'in-
térêt local : elle touche à des intérêts gé-
néraux; donc le conseil n'a pas le droit de
s'en occuper.
La surprise qu'a, excitée M. le préfet de
la Seine n'a pas été vive seulement, mais
pénible. Le conseil n'a pu s'expliquer ni la
raison, ni l'opportunité de cette singulière
atteinte à des droits qui, jusqu'à présent,
avaient pu s'exercer au Luxembourg
comme partout en France. De quoi s'agis-
sait-il ? Du rétablissement à Paris même
d'une école spéciale d'études administra-
tives ; et c'est un sujet sur lequel il serait
interdit au conseil général de la Seine
d'émettre des vœux ! Et pourquoi? Est-ce
donc que la ville de Paris n'y est pas
directement intéressée ? — Mais l'affaire,
* dit le préfet, n'est pas exclusivement
locale. — A ce compte, le conseil général
de la Seine devrait rester muet à peu près
sur toutes les affaires de Paris , si ce
n'est peut-être sur les questions de voirie
et de balayage.
L'interprétation de la loi de 1871
par M. le préfet de la Seine est contraire
à tous les précédents de ces deux dernières
années ; elle l'est aussi à ce qui est admis
dans tous les autres départements de
France. Où a-t on jamais vu taxer d'illé-
gal le vœu d'un conseil demandant, dans
tel département ou telle ville, la création
d'uu établissement scientifique, mili-
taire etc., sous prétexte que cela touche
Il d'autres intérêts que les simples intérêts
locaux? M. Floquet a réfuté cette arbi-
traire interprétation avec beaucoup de
convenance et de farce; et l'honprable pré-
sident de rassemblée, M. Vautrain, a dé-
claré ensuite que J4 prétention ge M. le
préfet de la Seine était gravé, que le con-
seil ne songeait point à portir de la léga-
lité, mais qu'il fallait du moins examiner
sérieusement ce 'que permet la loi et ce
qu'elle interdit, et que le mieux serait de
renvoyer préalablement, le vceu de M. Hé-
rold et le rapport de M. Floquet à la cem-
mission des vœux pour qu'ils y fussent
examinés à ce point de vue tout nouveau.
C'est ce qui a été résolu séance tenante.
- EUG. LIÉBERT.
-ff- -
Le Journal officiel publiait hier la note sui-
vante :
Les ministres ont remis leurs démis -
sions entre les mains de M. le maréchal
président de la République, qui les a ac-
ceptées.
— ——————————-
:
« Les ministres ont remis leurs dé-
missions entre les mains de M. le prési-
dent de la République, qui les a accep-
tées. »
Ces trois lignes insérées au Journal of-
ficiel suffisent à sauver les apparences ;
mais nous avons quelque raison de
croire qu'il ne s'agit, dans l'espèce, que
de ce qu'on appelle, en style de théâtre,
une fausse sortie. Vraie ou fausse, d'ail-
leurs, il n'importe. Que l'on remplace
M. Beulé par M. Batbie et M. Batbie par
M. Beulé, nous ne voyons point là ma-
tière à dissertation. Au fond, les ques-
tions de personnes 'n'intéressent que les
coureurs de portefeuilles, et c'est affaire
à la chronique scandaleuse de relater
tous les petits manèges auxquels on se
livre depuis quarante-huit heures, dans
les sous-sols parlementaires.
Le ministère du 24 mai a vêlu; que
sera le ministère du 19 novembre? quel-
les seront seS tendances? quel sera son
programme, s'il en a un? quelle, enfin,
sera sa politique? Voilà seulement ce qui
intéresse le pays, peu soucieux de sa-
voir si les ministres d'hier seront les
ministres de demain. Il est bien évident
pour tout le monde que le cabinet du 19
novembre va se trouver dans des condi-
tions tout à fait différentes de celles qui
résultaient du vote du 24 mai. Alors on
tlonnait pour prétexte au renversement
de M. Thiers le désir qu'avait la majorité
de revenir au pacte de Bordeaux, à la
trêve des partis, et cela imposait au mi-
nistère l'obligation de conserver la plus
stricte neutralité, de ne pencher ni à
droite ni à gauche, et surtout de ne point
verser dans le centre droit ; c'était un
ministère « d'ordre moral » qui s'était don-
né pour mission de combattre certains
moulins à vent imaginés pour les besoins
de la cause dite conservatrice.
Nous n'examinons pas ce qu'est de-
venu l'ordre moral en France sous ce
ministère ; cinquante voix de majorité
ont décidé l'autre jour que le cabinet
tout entier avait bien mérité des légiti-
mistes, des orléanistes et des bonapar-
tistes ; l'histoire fera le reste. Laissons
donc le passé et parlons de l'avenir.
Deux grands faits dominent la politi-
que de ces trois derniers mois ; l'échec
de la restauration monarchique, et la
prorogation, pour sept ans,.des pouvoirs
du maréchal de Mac-Mahon, sous le titre
de Président de la République. Nous n'i-
gnorons pas que rien de tout cela n'est
pris au sérieux par les principaux inté-
ressés, par ceux mêmes qui ont eu une
part prépondérante dans chacun de ces
grands événements; mais, au risque de
leur faire lever les épaules, nous pous-
serons la hardiesse jusqu'à dire que tout
projet monarchique est ajourné à sept
ans au moins et que, par suite, la Répu-
blique a sept ans d'existence légale as-
surée. -
Dans ces conditions, indiquées par la
loi et approuvées par le bon sens, est-
il possible à un ministère de conserver
entre les partis la neutralité qui devait
être l'unique règle du ministère du 24
mai ? Nous ne le pensons pas, et l'opi-
nion sera certainement avec nous pour
exiger des collaborateurs du président de
la République l'exécution des promesses
faites au pays lors du débat sur la proro-
gation septennale.
Sans doute il n'a pas été dit que la
République devenait le gouvernement
définitif de la France, mais tous les ora-
teurs, ministres ou députés, qui ont pris
la parole pour soutenir le projet de loi,
ont invoqué tout d'abord la nécessité de
satisfaire aux vœux légitimes du pays, à
qui le provisoire devenait plus intoléra-
ble de jour @n jour. Les affaires allaient
mal, le crédit baissait, le chômage était
partout; que fallait-il pour remédier,
comme par enchantement, à cet état de
choses ? Assurer un lendemain au com-
merce et à l'industrie. Monarchistes et
républicains en tombaient d'accord ; les
premiers trouvaient que le projet de loi
contenait des garanties suffisantes ; les
seconds en. demandaiont davantage;
c'était toute la différence.
Le maréchal de Mac-Mahon lui-même,
et tout le premier, reconnaissait le besoin
de stabilité dans le gouvernement, et la
nécessité pour les partis de désarmer, au
moins pour un temps : « Quel que soit le
dépositaire du pouvoir, disait-il dans son
message du 5 novembre, il ne peut faire
un bien Arable si son droit de gouver-
ner est chaque jour remis en question f
et s'il n'a devant lui la garantie d'une
existenae assez longue pour éviter au
pays les perspectives d'agitations sans
cesse renouvelées.
» Avec un pouvoir qui peut changer à
tout moment, on peut assurer la paix du
jour, mi8 non la sécurité du lendemain.
toute grande entreprise est par là même
rendue impossible le travail languit, la
France, qui ne demande qu'à renaître,
est arrêtée dans son développement. Il
Nous n'avons point, on doit s'en sou-
venir, marchandé notre assentiment à de
si sages paroles ; aussi ne saurait-on s'é-
tonner de nous voir demander aujour-
d'hui, non sans quelque inquiétude, si
les ministres du maréchal-président se-
ront choisis parmi des hommes ferme-
ment résolus à tirer du vote de proroga-
tion tous les bénéfices qu'en attendait
M. de Mac-Mahon, et qui ont été promis
au pays.
Certes, nous ne mettons pas en doute
l'extrême souplesse des ministres du 24
mai ; ils deviendront méconnaissables
dans le cabinet du 19 novembre, et cette
neutralité absolue par laquelle ils se sont
signalés durant les vacances parlemen-
taires fera place à l'inébranlable résolu-
tion de ne point permettre que rien
soit tenté dans le but d'abréger d'un
jour, d'une heure, d'une minute, les sept
ans que le maréchal de Mac-Mahon doit
demeurer à la tête de la République fran-
çaise.
Toutefois, notre confiance ne saurait
être tout à fait exempte d'appréhensions.
« Chassez le naturel, il revient au galop;»
or, nous savons si bien ce qu'a été le
cabinet du 24 mai qu'il est fort difficile
de ne point prévoir ce qu'il sera. Hier,
il laissait insulter, il insultait lui-même
la République et les républicains, et
quand M. Paul Bethmont lui a demandé
s'il accepterait, dans l'avenir, qu'on dis-
cutât le gouvernement du 19 novembre,
le ministère a refusé de répondre. Hier,
quand il s'indrgnait des attaques dirigées
contre la monarchie, on lui a demandé
de réserver un peu de son indignation
aux outrages prodigués à la République.
Le ministère n'a point répondu.
Si l'on place, en regard de ces faits
significatifs, l'attitude des partis qui pro-
clament bien haut leur droit de continuer
la lutte, et comme nous le disions
l'autre jour, d'aller crier : Vive le
roi ! sous les fenêtres du président de la
République, nous demandons ce que de-
viennent les déclarations de M. le maré-
chal, quel bien- durable il compte faire
si « son droit de gouverner est chaque
jour remis en question, » et comment il
espàre assurer la sécurité du lendemain
« avec un pouvoir qui peut changer à
toùt moment. »
C'est à ce seul point de vue que nous
préoccupe le choix des hommes qui se-
ront appelés au ministère ; car si ce
sont les mêmes qu'au 24 mai, ou si leur
politique demeure celle qu'ont approu-
vée les 360 votants de lundi, nous au-
rons le droit de répéter que le 19 no-
vembre on n'a point dit la vérité au
pays, qu'il n'y a rien de changé en
France, il n'y a qu'une équivoque de
plus.
E. SCHNERB.
» :
LE NOUVEAU MINISTÈRE
Le Journal officiel de ce matin doit
publier la composition du nouveau mi-
nislère. Nous croyons savoir qu'il est
ainsi constitué :
Intérieur : M. le duc de Broglie, vice-
président du conseil ; sous-secrétaire
d'Etat : M. Baragnon.
Affaires étrangères : M. le duc Decazes.
Justice: M. Ernoul.
Guerre : M. le général du Barrail.
Marine: M. l'amiral Dompierre d'Hor-
noy.
Finances: M. Magne.
Instruction publique : M. Batbie ; sous-
secrétaire d'Etat' : M. Desjardins.
Travaux publics : M. Deseilligny.
Agriculture et éommerce: M. de la
Bouillerie.
M. Beulé se trouve donc seul dépossédé
et M. Decazes est le seul homme nouveau
appelé aux affaires.
Nous tenons à rassurer immédiatement
les nombreux amis de l'ancien ministre de
l'intérieur. Sa-disparition n'est que pro-
visoire. M. de Broglie avait promis à M.
Beulé qu'il serait ministre ; mais comme
il ne pouvait rester à l'intérieur et qu'il
n'était pas assez duc pour être appelé au
ministère des affaires étrangères, on a dû
chercher une autre combinaison. Elle est
trouvée. M. Batbie sera nommé président
du conseil d'Etat avec le rang de ministre;
mais comme il faut attendre une loi de
l'Assemblée nationale, M. Beulé est obligé
d'attendre lui-même. Immédiatement après
le vote de l'Assemblée, M. Beulé devien-
dra ministre de l'instruction publique.
Deux souscrétairls d'Etat sont nom-
més :" MM. Baragnon et Desjardins. Les
légitimistes méfiants ont exigé la présence
de M. Baragnon au ministère de l'inté-
rieur. C'est une garantie pour eux. Ils
considèrent en outre que ce choix fait con-
tre-poids à la nomination de M. le duc
Decazes au ministère des affaires étran-
gères.
- M. le duc Decazes a été choisi par M.
le maréchal de Mac-Mahon immédiatement
après M. le duc de Broglie, et c'est avec
lui que, touté la journée, le président de
la République a travaillé les diverses com-
binaisons m^nistéritlies,
Les nominations de sous-secrétaires
d'Etat, qui paraissent au Journal officiel,
De sont pas les seules qui aient été pro-
posées ; mais il a été imposible de bleu-
tendre d'une manière dçflitive;
On regarde, cependant, comme certaines
.la nomination de de Çfraudordy à la
sous-secrétaii'erie d'Etat du ministère des
affaires étrangères ; celle do M. Voisin,
au ministère de la justice ; de M. Lefébu-
re, au ministère des liuanpes ; de M. Ba-
varf, au ministère de l'agriculture et du
commerce ; mais rien n'est encore décidé.
Comme on l'a vu, il y a peu de modi-
fications dans le personnel ministériel. Ce
n'est pas, cependant, faute de combinai-
sons. Des promesses avaient été faites à
un grand nombre de représentants. Et tonte
la journée, ils ont pu croire à la réalisa-
tion de leurs espérances. A chaque minuta
on apportait de nouvelles listes. Les noms
de MM. Depeyre, de Goulard, La Roncière
le Noury, de Fourtou, d'Audiffret-Pasquier,
Louvet et Mathieu-Bodet étaient surtout
spécialement mis en avant.
A midi, MM. Decazes et de Broglie
étaient dans le cabinet du président de la
République, essayant de faire entrer de
nouveaux éléments dans le cabinet ; mais,
comme le. disait spirituellement un iepré-
ssatant : ceux qui voulaient entrer ne le
pouvaient pas, la porte étant fermée par
ceux qui ne voulaient pas sortir.
On crut un moment qu'il serait possible
de caser tout le monde. M. d'Audiffret-
Pasquier fut mandé à la présidence et
on lui offrit le portefeuille de l'intérieur.
M. de Broglie dans cette combinaison de-
venait ministre sans portefeuille. >4. d'Au-
diffret accepta; mais M. Magne, consulté,
s'opposa à cette nomination de la manière la
plus formelle ; les bonapartistes ne peuvent
oublier que M. le duc les a légèrement
fustigés dans l'affaire des marchés de l'em-
pire.
--JI.. d'Audiffret-Pasquier a donc été
écarté. Revenant de l'Assemblée, il rea-
contra dans la salle des Pas Perdus
plusieurs collègues qui l'arrêtèrent pour
lui demander des nouvelles.
— Des nouvelles ? leur dit-il, en voici
une bonne f je n'en suis pas.
M* le président de la commission ne
donna pas d'autie explication, mais c'était
assez.
On voulait à tout prix loger M. Depeyre
dans le ministère; mais M. Ernoul a jugé
que sa retraite n'était nullement néces-
saire; les autres ministres ont pensé
comme lui, et c'est ce qui nous procure le
plaisir de nous trouver en présence du
même cabinet.
On a alors cherché s'il ne serait pas pos-
sible de créer de nouveaux ministères ;
c'est ainsi qu'on avait séparé les cultes
de l'instruction publique et que l'on comp-
tait donner le portefeuille à M, de Fourtou ;
mais on a reculé devant une augmenta-
tion de crédit à demander à l'Assemblée.
Il faudra déjà faire accepter la loi qui
permettra à M. Baulé de devenir grand-
maître de l'Université ; on a jugé pru-
dent de ne pas pousser les choses trop
loin.
D'autant plus qu'il faudra demander des
suppléments de crédit pour donner des ap-
pointements aux nouveaux sous-secrétaires
d'Etat. Cette dépense n'est prévue dans au-
cun des projets de budget.
En somme, beaucoup d'appelés, peu d'é-
lus, beaucoup de mécontents, tel est le ré-
sumé de cette journée.
•
Une légère indisposition a empêché
M. Paul Lafargue d'assister à la séance
d'hier ; mais notre excellent collabora-
teur est en mesure de reprendre, dès au-
jourd'hui, son Courrier parlementaire.
— + ; —
C'ÉTAIT BIEN LA PEINE
Vous connaissez tous ce refrain de
l'opérette à la mode :
C'était bien la peine,
C'était bien la peine assurément
De changer de gouvernement !
Est-ce qu'il ne vous est pas remonté à
la mémoire, tandis que vous lisiez le
compte-rendu de la Chambre d'hier?
C'est vraiment une bien drôle de chose
que la politique , quand on examine
les choses en curieux, sans parti pris.
Voilà M. Léon Say qui interpelle les
ministres du 24 mai et leur demande
pourquoi ils attendent six mois à faire
des élections que les intéressés réclament
immédiatement.
— Eh bien! et vous? répondent les
iainistres, combien donc attendiez-vous ?
— Vous jetez toutes les places en cu-
fée à vos créatures, ajoute M. Bethmont.
— Souvenez-vous, répliquent les mi-
nistres, de cette recette générale donnée
par vous à un secrétaire de M. Picard,
qui n'avait aucun droit.
Cette façon d'argumenter a toujours
beaucoup de succès, et elle pourrait se
résumer dans le dicton bien connu :
Vous en êtes un autre, monsieur !
Mais est-elle bien triomphante ?
Quand on s'est coalisé pour renverser
les gens qui étaient au pouvoir et pren-
dre leur place, c'était apparemment pour
faire autrement ou mieux qu'eux. Sans
quoi, on eût été sans excuse d'agiter le
pays et de troubler la paix publique
pour un intérêt tout personnel.
- Rappelez-vous en éffet les belles pro-
messes des hommes qui se sont réunis
pour jeter à bas M. Thiers et s'emparer
du gouvernement. M. Thiers, à les en-
tendre, conduisait la France aux abîoaos;
on n'avait qu'à la leur confier, ils sau-
raient bien, en un tour de main, rani-
mer la confiance éteinte, relever le com-
merce languissant, restaurer les lettres
et les arts, verser en un mot sur le pays
le lait et le miel des prospérités do lâgo
d'or,
Ah ! nous, s'écriaient-ils en chœur, ce
sera bien autre chose t Vous verrez I
Ils se mettent donc à la J)eSOCt::ê.
Ceux qu'ils ont chassé uu pouvoir les
regardent faire et ne tardent pas à leur
crier ;
— Mais pardon ! Vous faites tout
comme nous !
— Eh bien ! puisque c'est tout comme
vous, qu'est-ce que vous avez à dire ?
- Nous avons à dire que si c'était
pour faire la même chose que nous, ce
n'était pas la peine de prendre notre
place. Nous suffisions parfaitement à la
besogne, et comme dit la chanson :
C'était bien la peine assurément
De changer de gouvernement !
Quand M. de Broglie répond, comme
il l'a fait hier, c'est absolument comme
s'il disait :
— Mes amis, vous pouvez croire que
je n'étais pas assez sot pour me préoc-
cuper du bien public et que je me mo-
quais parfaitement des réformes dont je
prêchais la nécessité. Tout ce que j'en
disais, moi, c'était pour être traité d'Ex-
cellence, distribuer des places et toucher
de bons petits appointements. Charité
bien ordonnée commence par soi-même.
Une fois ministre, je n'ai plus qu'à imi-
ter tous ceux que je blâmais si amère-
ment. Ils avaient l'habitude de retarder les
élections qui les gênaient; je les taqui-
nais là-dessus, mais à cette heure, je
trouve la tradition excellente, et je la
garde. Ils @ comblaient leurs favoris de
grasses sinécures ; j'en marquais unain-
dignation très-vive et très-légitime. Mais
du moment que c'est moi qui les donne-
rai et que par conséquent elles tombe-
ront sur mes créatures, je ne vois plus
pourquoi je m'en fâcherais, ni moi, ni
personne. Eux surtout! ils sont vraiment
bien venus à nous rien reprocher ! Nous
avons pris exemple sur eux! nous les
continuons !
Oui, mais nous, pauvre public, nous,
gens de peu, et, comme dit Horace,
fruges consumere nati, est-ce que nous
n'aurions pas le droit d'intervenir et de
prendre la parole à notre tour :
— Vous les continuez ! Voilà qui est
bien. Mais n'eût il pas été mieux de les
laisser se continuer eux-mêmes ? C'est
nous qui en fin de compte, payons les
frais de l'ambition de M. de Broglie et
consorts. Nous ne sentions aucun besoin,
nous, que les rênes changeassent de
main, si la main conduit au même en-
droit et de la même façon. J'ose dire
même que nous en éprouvons quelque
déplaisir ; car ces changements ne vont
point sans secousses, et c'est nous qui
sommes cahotés.
Les journaux dévoués au cabinet
du 24 mai ont beau nous crier que
les affaires reprennent, et que tout est
au mieux. Je voudrais bien, pour voir,
que les journaux, qui se disent si en-
chantés, comparassent le produit que
leur a donné ce mois-ci leur quatrième
page, la page d'annonces, avec celui du
même mois l'an dernier ; ils jugeraient
par là si le commerce s'est relevé
comme ils prétendent, et si l'industrie
jouit d'une -si grande prospérité !
Il n'y a pas à dire : tout va un peu
moins bien que du temps de M. Thiers ;
on se sent moins confiant dans le pré-
sent, moins sûr de l'avenir ; le malaise
est général, en dépit des gens qui crient:
confiance 1 confiance! Et quand on in-
terpelle les ministres sur des fautes
commises, ils ne trouvent qu'une ré-
ponse à faire :
— Vous les avez commises avant
nous ; nous vous prenons pour mo-
dèles !
Mais s'ils tâchent de faire comme leurs
prédécesseurs, et qu'ils le fassent moins
bien, c'est le cas? évidemment de répé-
ter :
C'était bien la peine assurément
De changer de gouvernement !
, FRANCISQUE SARCEY.
LE COMTE DE CIUlIBORD
A PARIS
L'Union se décide enfin à rompre le silence
Qu'elle gardait sur le séjour que le comte de
Chambord vient de faire en France.
Voici en quels termes le Moniteur de la mo-
narchie légitime raconte cet important événe-
ment :
Nous sommes assaillis de questions, et
nous recevons chaque jour une grande
quantiié de lettres relatives à un fait dont
l'opinion se préoccupe vivement. Nous
n'éprouvons aucun embarras à y donner
une réponse publique.
Est il vrai, nous demande-t-on de tou-
tes part?, que M. le comte de Chambord
soit venu en France pendant les derniers
événements ?
Oui, pouvons-nou3 répondre, avec la
c-rtitude de n'être pas démentis.
Le pilote était à son poste, comme il y
a toujours été, comme il y sera toujours.
Loisqu'un prince tel que l'Auguste Chef
de la Maison de Bourbon a écdt : « J 8
suis prêt, tout piêt, dès demain, dès ce
-soir, dès ce moment, » ce ne sont point
là de vai- mots, et l'on peut compter sur
la parole de Celui qui n'a jamais trompé
et qui me trompera jamais.
Fidèle aux résolutions de toute sa vie,
qui ne lui permettaient pas d'apporter à
ion pays ne filt-ce qu'une heure d'agita-
tion ni de trGuble, il est venu sans broit
sans ostentation, sans faste, suivait avec
anxiété durant quinze jours, sur }a terrCan
même de la lutte, la marche ~vèremenîs
à « il perffiirŒ!
à trayt-~z-s il PL
voir iô :iÍ1_:: ILI pays et le terme d'un exil
immérité.
Le moment n'est pas vÇnu de révéler ce
que M. le comte de Chambord a tent pour
ramener au pôrt le navire en détresse; mais
quand aura sonné l'heure de Dieu, et cette
heure n'est pas loin, la France apprendra
avec admiration tout ce qu'il y a de désin-
téressement, de simplicité, de dévouement,
dans ce cœur de Roi et de Père qui n'a
point de parti, et qui sait accomplir si no-
blement son devoir. Elle s'étonnera d'avoir
pu méconnaître si longtemps tant d'abné-
gation et de vraie grandeur.
————————— —————————
LA COMMISSION DES TEINTE
Les bureaux des droites se sont réunis
hier à six heures du soir et ont arrêté la
liste suivante pour la composition de la
commission constitutionnelle; elle contient
les noms de MM. de Larochette, de Laro-
chefoucauld, de Tarteron, Combier, Lucien
Brun, de la Bassetière, Daru, Keller, Ches-
nelong, de Talhouët, Pradié, de Sugny,
de Meaux, Tailhand, de Larcy, de Cu-
mont, de Kerdrel, d'Andelarre, Grivart,
d'Haussonville, Lacombe, Lambert-Sainte-
Croix, Laurier, Paris, Talion, VingtaiD,
Dufaure, Antonin Lefebvre-Pontalis, La-
boulaye, Waddington.
La droite, dans sa libéralité, donne
trois places au centre gauche, et n'en
donne aucune ni à la gauche républicaine,
ni à l'Union républicaine. C'est de la
conciliation vraie.
Les bureaux de la gauche et du centre
gauche ont arrêté la liste suivante, compo-
sée de quinze membres : MM. Arago, Bar-
the, Bertauld, Bethmont, Dufaure, Al-
bert Grévy, Jules Grévy, Laboulaye, La
Royer, Casimir Périer, Charles de Rému-
sat, Ricard, Schérer, Jules Simon, Wad-
dington. -
L'Union républicaine n'a pris aucune
décision. Une partie de ses membres s'abs-
tiendra probablement. L'autre votera pour
la liste républicaine.
—— ——-e : : •
LA
GRÈVE DES DÉPUTÉS À ROME
Nos correspondances d'Italie abon-
dent en curieux détails sur l'ouverture
de la Chambre. A la séance royale, le
Sénat assistait presque seul ; les gradins
réservés aux députés étaient à peu près
vides. La constitution du bureau a duré
plusieurs jours ; on n'était pas en nom-
bre : il a fallu remettre au lendemain
l'élection du président, non que per-
sonne songeât à disputer le fauteuil au
très-digne et très-sympathique comman-
deur Biancheri, mais parce qu'il était
impossible de réunir la moitié des hono-
rables plus un. Le même incident s'est
produit pour J'élection des vice-prési-
dents et secrétaires.
Et notez que le règlement n'est pas
bien rigoureuxsur la question dunombro.
Les députés italiens .sont, si je ne me
trompe, au nombre de 505; à ce compte,
la moitié plus un devrait être de 253.
Mais on est convenu de défalquer du to-
tal tous les membres de l'Assemblée
pourvus d'un congé régulier. Que 60 dé-
putés soient dans - ce cas, la Chambre se.
trouvera réduite à 445, dont la moitié-
plus un n'est que 223. Voilà comment,
le 19 novembre, 228 députés ont pu va-
lablement élire notre ami M. Biancheri ;
je dis nôtre, car il est resté en tout temps
fidèle à la France.
Pour ceux qui ne connaissent l'Italie
que de réputation, cette grève de dépu- -
tés, renouvelée à chaque session, semble-
rait indiquer que nos voisins sont in-
différents en matière politique. Cette erreur
trop répandue tire un nouveau supplément
de crédit d'une autre grève non moins
chronique, qui est celle des électeurs.
Le fait est que souvent, dans ce pays de
suffrage restreint, un candidat est nom-
mé par cent voix contre vingt-cinq ou
trente.
Justifions d'abord les électeurs ; après
quoi nous excuserons les élus.
Il n'y a point de partis en Italie : il y
en a si peu que les anciens amis de M.
Rattazzi, après la mort prématurée de
leur chef, se sont rangés tout naturelle-
ment autour de MM. Minghetti ot Vis-
conti-Venosta. Sauf une infime minorité de
républicains et une plus infime minorité
de cléricaux, la nation entière est mo-
narchiste libérale, fermement attachée à
la maison do Savoie, qui représente ses
traditions, son unité et son esprit. Le roi
n'a point de candidats, et il ne permet-
trait pas au ministère d'én avoir ; l'oppo-
sition perdrait donc ses peines à susciter
une de ces candidatures dont le succès
est la leçon du pouvoir.
Il n'y a pas même d'opposition, à
vrai dire, sinon parfois contre un minis-
tre, comme M. Sella, grand et courageux
financier, que les contribuables accu-
saient d'avoir la main trop dure. Lors-
qu'on l'eut jeté bas, au printemps de
cette année, l'opposition se fondit com-
me cire, et tout le monde fut d'accord.
Heureux pays, où l'on ne se querelle
que sur les moyens de combler le défi-
cit du budget ! L'in différence des élec-
teurs italiens, étudiée do près, n'est que
de la confiance.
C'est aussi par excès de. confiance
quo les trois quarts des députés se dis-
pensent d aller à la Chambre. Que crain-
draient..ils? Le gouvernement va tout
seul; moins brillamment parfois qu'on
ne voudrait, mais dans une route tou-
jours droite et pavée de bonnes inten-
tions. Ajoutez qu'il n'y a pas d'ambition
qui stimule les représentants du l'Italie.
Nos députés à nous, dès qu'ils ont fait le
quart d'un discour, se voient déjà minis-
tres ou du moins sous-secrétaires d'Etat;
les députés italiens n'ont garde de courir
après les portefeuilles. Ce n'est pas un
destin si enviable que de travailler joui"
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