3e Année. — N° 716
PaIX Du Numéro Paris 15 Centimes DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Samedi 1er Novembre' 4873.
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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JOURNÉE POLITIQUE
Parir, 31 octobre 4873.
C'en est fait de la royauté. L'intrigue des
fusionnistes reste seule exposée mainte-
nant au grand jour, et M. le comte de
Chambord lui même n'a pas souffert plus
, longtemps qu'on le déshonorât. Il se sé-
pare avec éclat de eenx qui, loi offrant la
couronne, acceptaient tout de lui, son
drapeau, snn principe, sans conditions ni
garanties, et qui essayaient de tromper la
France en faisant étalage de prétendues
concessions obtenues, qu'ils n'avaient,
même point demandées. M. le comte de
Chambord demeure ce qu'on l'a vu
toujours, le dernier héritier de la vieille
monarchie française; il ne transige
point, il rejette avec plus d'horreur
que jamais l'idée de devenir « le roi
légitime de la Révolution. » Ce serait au-v
jourd'hui lui faire injure de le féliciter de
n'avoir abjuré ni son passé, ni sa croyance.
Mais que penser des princes d'Orléans, qui
(le comte de Chambord l'atteste) sont venus
à Frohsdorf tout renier, tout fouler aux
pieds, jusqu'au testament de leur père,
jusqu'à ce drapeau tricolore que l'un d'eux
appelait, en pleine Assemblée, « son dra-
peau chéri ? » Et pourquoi ? Pour la seule
passion de régner un jour sur la France,
non plus en petits-fils de Louit Philippe,
mais en successeurs de Charles X.
Hier nous avons signalé, d'après la Pa-
trie, une lettre adressée par M. le général
de Bellemare, commandant la subdivision
militaire de Périgueux, au ministre de la
guerre. Nous ea mettons lè texte aujour-
d'hui sous les yeux du public, ainsi que les
deux ordres du jour, l'un du général du
Barrail, l'autre du président de la Répu-
blique, qui apprennent à l'armée que,
pour son acte d'indiscipline, le gènéral dé
Bellemare a été mis aussitôt en retrait
d'emploi. Nous ne pouvons hésiter à con-
sidérer l'acte du général de Bellemare
comme l'une des infractions les plus blâ
mables à la discipline ; nous ne recherche-
rons pas les sentiments, nous ne rassem-
blerons pas les circonstances qui semble-
raient pouvoir jusqu'à un certain point
l'atténuer. Certes nous n'incriminons pas
les intentions du général de Bellemare ;
nous comprenons, nous avons partagé ses
sentiments de doùleur ; mais autres sont
les droits du citoyen, autres les devoirs du
soldat. La punition ne s'est pas fait atten-
dre. Il serait inutile maintenant d'insis-
ter sur un mouvement irréfléchi que le
général de Bellemare doit regretter amè-
rement, surtout aujourd'hui.
Eus. Libbert.
L'Union a reçu hier communication de la
lettre suivante, adressée par M. Je comte de
Chambord à M. Chesnelong, député des Basses-
Pyrénées :
Salzbourg, 27 octobre 1873.
J'ai conservé, monsieur, de votre vi-
site à Salzbourg un si bon souvenir, j'ai
conçu pour votre noble caractère une si
profonde estime, que je n'hésite pas à
m'adresser loyalement à vous, comme
vous êtes venu vous-même loyalement
vers moi.
Vous m'avez entretenu, durant de
longues heures, des destinées de notre
chère et bien-aimée Patrie, et je sais
qu'au retour, vous avez prononcé, au
milieu de vos collègues, des paroles qui
vous vaudront mon éternelle recon-
naissance. Je vous remercie d'avoir si
bien compris les angoisses da mon àme,
et de n'avoir rien caché de l'inébranla-
ble fermeté de mes résolutions.
Aussi ne me suis-je point ému quand
L'opinion publique, emportée pac un
courant que je déplore, a prétendu que
je consentais enfin à devenir le roi légi-
litne de la Révolution. J'avais pour ga-
rant le témoignage d'un homme de
cœur, et j'étais résolu à garder le si-
lence tant qu'on ne me forcerait pas à
faire appel à votre loyauté.
Mais, puisque, malgré vos efforts, les
malentendus s'accumulent, cherchant à
rendre obscurè ma politique à ciel ou-
vert, je dois toute la vérité à ce pays
dont je puis être méconnu, mais qui
rend hommage à ma sincérité, parce
qu'il sait que je ne l'ai jamais trompé et
que je ne le tromperai jamais.
On me demande aujourd'hui le sacri-
fice de mon honneur. Que puis-je ré-
pondre? Sinon que je ne rétracte rien,
que je ne retranche rien de mes précé-
dentes déclarations ? Lt s prétentions de
la veille me donnent la mesure des exi-
gences du lendemain, et je ne puis con-
sentir à inaugurer un règne réparateur
et fort par un acte de faiblesse.
Il est de mode, vous le savez, d'op-
poser à la fermelé d'Henri V l'habileté
d'Henri IV.. La violente amour que je
porte à mes sujets, disait-il souvent, me
rend tout possible et honorable.
Je prétends, sur ce point, ne lui céder
en rien, mais je voudrais bien savoir
quelle leçon se fût attirée l'imprudent
assez osé pour lui - persuader de renier
l'étendard d'Arques et d'Ivry.
Vous appartenez, Monsieur, à la pro-
vince qui l'a vu naître, et vous serez,
comme moi, d'avis qu'il eût prompte-
ment désarmé son interlocuteur, en lui
disant avec sa verve béarnaise : Mon
ami, prenez mon drapeau blanc, il vous
conduira toujours au chemin de l'hon-
neur et de la victoire.
On m'accuse de ne pas tenir en assez
haute estime la valeur de nos soldats, et
cela au moment où je n'aspire qu'à leur
confier tout ce que j'ai de plus cher.
On oublie donc que l'honneur est le pa-
trimoine commun de la Maison de Bour-
bon et de l'armée française, et que, sur
ce terrain-là, on ne peut manquer de
s'entendre I
Non, je ne méconnais aucune des
gloires de ma Patrie, et Dieu seul, au
fond de mon exil, a vu couler mes lar-
mes de reconnaissance toutes les fois que,
dans la bonne ou dans la mauvaise for-
tune, les enfants de la France se sont
montrés dignes d'elle.
Mais nous avons ensemble une gran-
de œftVre à accomplir. Je suis prêt, tout
prêt à l'entreprendre quand on le vou-
dra, dès demain, dès ce soir, dès ce mo-
ment. C'est pourquoi je veux rester. tout
entier ee que je suis. Amoindri. aujour-
d'hui, je serais impuissant demain.
Il ne s'agit de rien moins que de re-
constituer sur ses bases naturelles une
société profondément troublée, d'assu-
rer avec énergie le règne de la loi, de
faire renaître la prospérité au dedans,
de contracter au dehors des alliances
durables, et surtout de ne pas craindre
d'employer la force au service de l'ordre
et de la justice.
On parle de conditions; m'en a-t-il
posé, ce jeune prince, dont j'ai ressenti
avec tant de bonheur la loyale étreinte,
et qui, n'écoutant que son patriotisme,
venait spontanément à moi, m'apportant
au nom de tous les siens des assurances
de paix, de dévouement et de réconcilia-
tion ?
On veut des garanties; en a-t-on de-
mandé à ce Bayard des temps modernes,
dans cette nuit mémorable du" 24 mai,
où l'on imposait à sa modestie la glo-
rieuse mission de calmer son pays par
une de ;ces paroles d'honnête homme et
de soldat qui rassurent les bons et font
trembler les méchants?
Je n'ai pas, c'est vrai, porté comme
lui l'épée de la France sur vingt champs
de bataille, mais j'ai conservé intact,
pendant quarante-trois ans, le dépôt sa-
cré de nos traditions et de nos libertés.
J'ai donc le droit de compter sur la
même confiance et je dois inspirer la
mime sécurité.
Ma personne n'est rien ; mon principe
est tout. La France verra la fin de ses
épreuves quand elle voudra le com-
prendre. Je suis le pilote nécessaire, le
seul capable de conduire le navire au
port, parce que j'ai mission et autorité
pour cela.
Vous pouvez beaucoup, Monsieur,
pour dissiper les malentendus et arrêter
les défaillances à l'heure de la lutte. Vos
consolantes paroles, en quittant Salz-
bourg, sont sans cesse présentes à ma
pensée; la France ne peut pas périr, car
le Christ aime encore ses Francs, et
lorsque Dieu a résolu de sauver un peu-
ple, il veille à ce que le sceptre de la
Justice ne soit remis qu'en des mains
assez fermes pour le porter.
HENRI.
- ———————
« Quoi qu'il fasse aujourd'hui, et quoi
qu'il dise, on se souviendra qu'il a
laissé faire et laissé dire trop longtemps.»
Voilà ce que nous écrions il y a trois
jours; et Dous n'avons rien à en re-
trancher aujourd'hui que M. le comte de
Chambord a parlé.
« Le lendemain du jour où il est bien
et dûment avéré que la partie est perdue,
le comte de Chambord surgit tout à
coup et s'écrie : « Je n'ai pas joué ! » A
d'autres! Vous n'aviez rien promis, c'est
vrai, et nous l'avons toujours affirmé
hautement ; mais vous aviez donné carte
blanche à vos amis, vous réservant in
petto de' les désavouer si l'entreprise
avortait. C'est habile peut-être ; est-ce
loyal? » -
Voilà ce que nous écrivions il y a trois
jours, et nous n'en retranchons rien au-
jourd'hui que M. le comte de Chambord
vient désavouer publiquement MM,
Chesnèlong et Lucien Brun.
Car c'est un désaveu formel, mieux
que cela, un démenti fort sec infligé à
MM. les commis-voyageurs de la droite,
que cette lettre où la politesse des for-
mes ne fait qu'accentuer la sévérité du
fond. M. Chesnelong n'était point auto-
risé à faire au nom du roi toutes ces
concessions dont les journaux font éta-
lage depuis quinze jours ; il n'avait le
droit de prendre aucun engagement au
sujet du drapeau, et tout ne qu'il a dit,
tout ce qui s'est publié à ce propos n'est
quo pure invention. -
M. le comte de Chambord n'a rien
promis, ne pouvait rien promettre ; tel
il était il y a un an, tel il est aujourd'hui;
immuable comme Dieu dont il se d:t et
veut rester l'élu; ne pouvant devenir
l'élu de l'Assemblée française, il se drape
fièrement dans l'étendard de Jeanne
d'Arc; espérant ainsi dissimuler son or-
gueil froissé et son ambition déçue.
L'opinion publique ne prendra point
le change. Il est trop tard. On ne joue
pas impunément avec le repos d'un grand
peuple, on ne trouble pas, de gaîté de
cœur, la conscience d'une nation. Jus-
qu'en ces derniers temps, l'attitude du
comte de Chambord n'avait pas été sans
grandeur; on pouvait ne point aimer les
idées qu'il représentait , on pouvait
être l'adversaire du prince, mais du
noins on respectait 1 homme. Il s'est
laissé soupçonner ; son prestigè est
évanoui.
Il faut voir- maintenant quelle expli-
cation donneront de leur conduite MM.
Chesnelong et Lucien Brun. Le centre
droit leur demandera sans doute un
compte sévère du langage qu'ils lui ont
tenu, et peut-être bien ne se contentera-
t-il point d'apprendre que si ces mes-
sieurs ont traité si cavalièrement la vé-
rité, c'était dans une louable intention.
Les monita sécréta de la Compagnie de
Jésus ont beau nous apprendre que
mentir pour le bon motif n'est point
mentir, on ne manquera point de Xaire
observer durement à qui de droit que,
dans ce cas, il faut réussir. Or, elle vient
d'échouer, toute cette intrigue basée sur
un mensonge, et les orléanistes sincères,
s'il en est, vont se mordre les pouces
d'avoir écouté des fourbes et cru à des
étourneaux.
Déjà, ce soir, le Journal de Paris dé-
clare publier la lettre de M. le comte de
Chambord «avec une douleur que ses
amis et ses lecteurs comprendront et
partageront. » On le croira sans peine si
l'on veut bieno souvenir que, le 27 oc-
tobre dernier, M.¡ Edouard Hervé décla
rait, au nom des orléanistes dont il est
l'organe, ne vouloir et ne pouvoir faire
qu'une monarchie entourée de garanties
constitutionnelles, ne vouloir et ne pou-
voir faire qu'une monarchie acceptant le
drapeau tricolore.
Avec qui, désormais, espère-t-on la
fonder ? Le « jeune prince » qui est allé
le 5 août s'humilier à Frohsdoif n'a posé
aucune condition à son royal cousin;
il l'a simplement reconnu comme le chef
direct et légitime de la maison de. France.
On peut donc répéter aujourd'hui ce que
disait dernièrement un député de la
droite à l'un de ses collègues de la gau-
che : La monarchie n'est possible qu'a-
vec le comte de Chambord; et avec
le comte de Chambord la monarchie est
impossible.
E. Sghnerb.
; + —————————
LE DÉBALLAGE
DE
M. CHESNELONG
On dira ce qu'on voudra ; un avocat
de peu de scrupules, M. Lucien Brun,
par exemple, pourra plaider les circons-
tances atténuantes; il n'en est pas moins
vrai que la France a été dupe pendant
une'quinzaine de jours.
La France ? Non. N'exagérons rien.
La France est restée, du commencement
jusqu'à la fin, en dehors d'une affaire
qu'en avait entreprise et que l'on se
flattait do terminer sans elle, M. Ches-
nelong, porte-balle égaré dans la poli-
tique transcendante, voulait écouler un
article avantageux (pour lui) et il avait
habilement choisi sa clientèle. A la
faveur de circonstances exceptionnelles,
invraisemblables, uniques, tous les pou-
voirs de la nation se trouvaient concen-
trés dans un groupe de 725 personnes ;
c'est là que M. Chesnelong a jeté ses
filets en eau trouble. a -
L'habile homme ne doutait point que
s'il prenait la majorité de l'Assemblée
nationale, la nation né fût à lui du même
coup ; il tenait le problème pour bien et
dûment résolu si la moitié de nos re-
présentants, plus un, croyait M. Chesne-
long sur parole. Un vote solennel enre-
gistré par le gouvernement de l'ordre
moral et promulgué, tambour battant,
par l'armée, ne pouvait rencontrer ni
opposition ni résistance légale. Quicon-
que oserait contester le droit divin, res-
suscité par l'Assemblée de Versailles sur
la foi' de M. Chesnelong, serait ipso facto
un ennemi public, un rebelle, un homme
à tuer.
Pour entraîner dans cette voie 363 dé-
putés, l'honorable - M. Chesnelong - avait
trouve une recette infaillible. Persuadé,
à tort ou à raison, mais non sans vrai-
semblance au début, que la majorité de
la Chambre- était prête à nous imposer
la monarchie légitime, pourvu qu'elle
se présentât sous le drapeau tricolore,
animée de l'esprit moderne et entourée
d'institutions libérales, M. Chesnelong
prit sur lui d'affirmer qu'il avait traité
de puissance à puissance avec le préten-
dant et que M. de Chambord s'était
rendu, pieds .et poings lié, à un ambas-
sadeur sans lettres de créance. Ce Gau-
dissart aborda les monarchistes libéraux
du centre droit avec l'aplomb tradiLion-
tionnel des anciens commis-voyageurs et
les éblouit tous, ou presque tou, par
un grand déballage d'institutions libé-
rales.
Il leur montra d'abord un drapeau tri-
colore tout soie, garanti bon teint, et
déooré d'une microscopique fleur de lys,
comme marque de fabrique. L'épanouis-
sement naïf de ses clients lui prouva
qu'il avait affaire à des hommes convain-
cus d'avance ou très-ardents à se lais-
ser convaincre. Dès ce moment, il ne
doute de rien, il a réponse à tout, il livre
les articles au fur et à mesure de la de-
mande. « Parlez, messieurs, faites-vous
servir ! Garanties constitutionnelles ?
Voici ! Régime parlementaire ? Voilà !
Responsabilité ministérielle ? J'en ai en-
core ! Suffrage universel ? A vos ordres!
Liberté de conscience? Prenez-en donel»
On lui eût demandé des têtes de jésui-
tes que la digne représentant de com-
merce eût livré sans débat les treize à la
douzaine. On peut croire que les jésuites
qui fourmillent autour de Frohsdorf lui
avaient donné carte blanche, sauf à se
rattraper plus tard.
C'est ainsi que M. Chesnelong plaça
gaillardement sa marchandiseet" enfonça,
comme on dit dans le commerce borgne,
tous ceux qui n'aspiraient qu'à se faire
enfoncer. Gardez-vôus bien de croire qu'il
n'ait dupé que des naïfs ; j'en sais beau-
coup qui ont été trompés à bon escient
et qui prenaient du zinc pour de l'ar-
gent, du cuivre pour de l'or, sur la
simule étiquette, dan»- l'espoir de reven-
dre re. tout à cent pour un de bénéfice.
Les plaindrez-vous ? Moi, non, S'il me
restait de la sensibilité à dépenser après
le juste tribut que je dois aux angoisses
et aux douleurs imméritées du noble
peuple français, j'aurais pitié des dix ou
douze nigauds de fournisseurs, relative-
ment honnêtes en somme, qui chiffon-
nent des manteaux de cour à l'usage
d'une reine qui ne régnera point, bro-
dent des clés d'or fin sur des habits de
chambellans cassés aux gages, et qui
passeront cette nuit à fabriquer les voi-
tures du sacre sans avoir lu le dernier
numéro de l'-Union et sans savoir qu'il n'y
a d'autre sacre en cette ridicule affaire
que l'honorable M. Chesnelong.
ABOUT.
————.—— » ————-——
RÉUNION DU CENTRE GAUCHE
Hier, à huit heures du soir, 51, rue
d'Anjou, dans les galeries de M. Nadar,
soixante membres environ étaient présents.
Parmi eux, nous pouvons citer : MM.
Léon Say, Laboulaye, Sohérer, Germain,
Victor Ltfranc, Cochery, Bertauld, amiral
Jaurès, comte Rampon, Ernest Picard,
Cerne, Delorme, GaibaI, Limpérani, Beaus-
sire, Gérard (de l Oise), de Pressensé, Per-
aolet, Fouquet, Gayot, Louis Laeaze, ami-
ral Pofhuau, Wolowski, Gailly, Freycinet,
Marcel Barthe,Vacherot, Krantz, Ducuiag,
de Tocqueville, Tillancourt, Vautrain, Fou-
bert, Lenoël, Jules Favre, Amat, de Saint-
Pierre (Calvados), Carré-Kérisouët, de
Janzé, Cézanne, Wilson, Pâlotte, Paul
de Rémusat, comte d'Osmoy, Bardoux,
de Marcère, Christophle, Tassin, de Choi-
seul, Labélonye, Rolland, Paul Morin,
Théophile Roussel, ttc., etc.
Le procès-verbal suivant nous a été com-
muniqué :
Le centre gauche s'est réuni hier jeudi
30 octobre, et à là suite d'une conversa-
tion à laquelle ont pris part un grand
nombre de ses membres, il a adopté à
l'unanimité la résolution suivante :
« Le centre gauche, s'inspirant des té-
moignages d'approbation qui lui sont
parvenus de tous les points de la France,
déclare que le moment est venu de sor-
tir du provisoire et d'organiser la Répu--
blique conservatrice. »
Le centre gauche a décidé qu'il reste-
rait en permanence et que son bureau se
réunirait tout les soirs. Une réunion gé-
nérale doit avoir lieu samedi prochain.
—————————— -+ ——————————
Les dix se sont réunis hier à deux heu-
res chez le général Changarnier. Il s'a-
gissait de prendre quelques mesures su-
prêmes dans l'intérêt de la fusion. Ces
messieurs attendaient avec impatience
une lettre de M. le comte de Chambord,
qu'ils espéraient conforme à leurs désirs.
M. Chésnelong n'est arrivé qu'à trois
heures, porteur de la missive royale. Il
endonne communication à ses collègues.
Nous n'essaierons pas de dépeindre l'im-
pression produite.
Uno dépêche a été immédiatement en-
voyée à Salzbourg. Les dix suppliaient
M. le comte de Chambord de ne pas li-
vrer cette lettre à la publicité avant l'arri-
vée d'un de leurs délégués. Ils ne reçu-
rent aucune réponse, et une heure après
environ l'Union paraissait avec le mani-
feste du prétendant.
Ce qui permit à M- le due d'Audiffret-
Pasquier de prononcer cette parole mé-
morable :
— Nous sommes perdus ! —
Nous le savions, avant la lettre.
—: :
Hier, la Bourse du soir, qui se tient
maintenant devant le café Tortoui, pré-
sentait une animation extraordinaire. La
moitié de la chaussée du boultvard était
envahie..
Par bonheur M. Chesnelong n'était point
dans les groupes, sinon il eût entendu sur
son compte certaines expressions qui, sans
doute, lui eussent désagréablement cha-
touillé l'oreille. M. le comte de Chambord
lui-même était sévèrement traité, pour
n'avoir pas plus tôt désavoué le langage de
ses amis.
En résumé, 40 centimes de baisse dans
la journée, 1 fr. 25 c. de baisse dans la
10 rée.
,Derniers cours : 91 25.
LE GÉNÉRAL DE BELLEMARE
Le Journal officiel publie les deul docu-
ments qui suivent :
ORDRE A L'ARMÉE
Le ministre de la guerre a reçu de M. le gé-
néral de Bellemare, commandant la subdivision
de la Dordogne, une lettre par laquelle cet offi-
cier général se refuse à reconnaître la souverai-
neté de l'Assemblée nationale.
Le ministre de la guerre me pouvant tolérer
qu'un offieier sous les drapeaux méconnaisse la
feprésentation légale du pays, M. le général de
Bellemare a été immédiatement démis de son
commandement et mis en non-activité par re-
trait d'emploi, par décret de M. le maréchal
président de la République.
Versailles, le 28 octobre 1873.
Général Du Barrail.
ORDRE DU JOUR A L'ARMÉE
Soldats !
Un seul acte d'indiscipline a été commis dans
l'armée.
Le maréchal président de la République est
convaincu qu'il ne se renouvellela pas il con-
naît l'esprit de dévouement qui vous anime.
Vous saurez maintenir dans l'armée cette
union et cette discipline dont elle a toujours
donné l'exemple, qui font sa force, et qui, seuls,
peuvent assurer la tranquillité et l'indépen-
dance du pays.
Comme soldats, notre devoir est bien tracé :
il est indiscutable ; en toutes circonstances nous
devons maintenir l'ordre et faire respecter la
légalité.
Versailles, le 28 octobre 1873.
Le président de la République,
Maréchal DE MAC-MAHON,
Duc DE MAGENTA.
L'explication de ces deux ordres se
trouve dans le récit qu'on va lire et que
nous empruntons au journal la Dordogne :
M. le général de Bellemare, comman-
dant la subdivision militaire à Périgueux,
adressa, le 25 de ce mois, par la voie hié-
rarchique, la lettre suivante à M. le mi-
nistre de la guerre :
Périgueux, le 25 octobre 1873.
Monsieur le ministre,
Je sers la France depuis trente-trois ans avec
le drapeau tricolore, et le gouvernement de la
République depuis la chute de l'empire. Je ne
servirai pas sous le drapeau blanc, et je ne
mettrai pas mon épée à la disposition d'un gou-
vernement monarchique restauré en dehors de
la libre expression de la volonté nationale.
Si donc, par impossible, un vote de la majo-
rité de l'Assemblée actuelle rétablissait la mo-
narchie, j'ai l'honneur de vous prier, monsieur
le ministre de vouloir bien, dès Je moment pré-
cis de ce vote, me relever du commandement
que vous m'avez confié.
Agréez, etc.
Général DE BELLEMARE.
Le 27, le général de Bellemare recut une
dépêche chiffrée du ministre de la guerre;
mais comme la subdivision ne possède
point de manuel explicatif, il informa, le
jour même, par le télégraphe, le ministre
de la guerre qu'il ne pouvait pas prendre
connaissance de sa dépêche.
Le 28, à huit heures du matin, le géné-
ral de Bellemare recut une autre dépêche
du ministre de la guerre ainsi conçue :
« Vous êtes mis à la retraite d'office. »
- A huit heures et demie, le lieutenant-
colonel du 148 de ligne, en garnison à Li-
moges, se rendit chez le général.
Cet officier supérieur était porteur :
1* D'une lettre du général de Lartigues,
commandant la 21e division militaire à
Limoges, par laquelle ce dernier informait
le général de Bellemare qu'il était mis à
la retraite d'office;
20 D'un ordre lui prescrivant de remet-
tre immédiatement le commandement de
la subdivision au lieutenant-colonel du
14° de ligne.
Avant de remettre son commandement,
le général de Bellemare dicta à son officier
d'ordonnance un ordre de la subdivision,
dont voici le texte :
128 Corps d'armée. — Subdivision,
de la Dordogne.
QRDRE DE LA SUBDIVISION
Le général de Bellemare, mis en retraite d'of-
fice, remet, à la date de ce jour, le commande-
méat de la subdivision à M. le lieutenant-colonel
Raison, du 14e de ligne, envoyé à Périgueux
pour faire l'intérim en attendant la désignation
du titulaire. -
En quittant l'armée, après trente-trois ans de
service, le général de Bellemare remercie les
troupes qui ont été sous ses ordres du concours
dévoué qu'elles lui ont prêté pour le maintien
de l'ordre et le respect de la loi.
Périgueux, le 28 octobre 1873.
Quelques heures plus tard, l'officier
d'ordoanaace du général de Bellemare vint
lui dire que le lieutenant-colonel, com-
mandant par intérim, n'avait pas cru de-
voir donner communication de cet ordre
aux troupes de la garnison avant d'en avoir
reçu l'autorisation du général commandant
la 'division de Limoges.
Sylla dovait à fa fortune le surnom de
Félix. Le général Carré de Bellemare n'est
pas ce qu'on appelle un homme heureux.
En 1870, il est arrivé au Bourget douze
heures trop tard ; en 1873, il écrit une
lettre qui ne part point d'un mauvais na-
turel, mais qui arrive à Versailles qua-
rante-huit heures trop tôt. Personne ne
saurait refuser à un officier qui raisonne
le droit de se démettre en temps utile
dans une crise politique. La conscience
ne perd jamais ses droits ; il ne serait
pas équitable de vouloir qu'un général
républicain servît contre la République à
son cœur défendant.
Mais si nous n'avons pas perdu la
juste notion des choses de ce monde, il
est monstrueux que le commandant mi-
litaire d'un département expédie, avant
coup, au ministre de la guerre, un avis
qui ressemble à une menace. Que le
ciel, et surtout que la vieille loyauté
française nous préserve à jamais des
pronunciamientos ! ne devenons pas Es.
pagnols! On sait ce qu'il en coûte, et
quel étroit rapport enchaîne la poli-
tique militaire à la décomposition irré.
médiable des peuples!
About.
* <» ———————
LES -
ELECTIONS DU 16 NOVEMBRE
Profession de foi du général
haussier.
Aux électeurs du département de l'Aube
Chers compatriotes, ,
Au nom d'un grand nombre d'entre vous.
je suis invité, par des hommes dignes de
votre confiance comme de la mienne, à
solliciter l'honneur de représenter le dé-
partementlàl'Assembléo nationale, en rem-
placement de M. Lignier, membre démis-
sionnaire et l'un de nos plus estimés con-
citoyens..
Quoique bien certain que, sans arrive?
jusqu'à moi, vous pouviez trouver autour
de vous un homme plus capable et plu.
digne, je dois néanmoins me rendre aux
raisons qui me sont données, et j'accepta
cette candidature. Je l'accepte en #dhéranft
loyalement et franchement au programme
politique publié par le journal l'Aube, per-
suadé que la consécration immédiate et
définitive des institutions et de la forme
républicaines est une voie de salut pour le
pays.
Heureux et fier de devenir l'élu de notre
population, si je ne puis apporter dans
l'accomplissement de l'œuvre commune
les talents et l'expérience d'un homme po-
litique, j'y mettrai du moins l'énergie et
le dévoûment d'un soldat qui désire avec
ardeur la prospérité et la grandeur de la
France. •
Général Saussier.
Voici la partie importante du programme au.
quel M. Saussier fait allusion:
« Le parti auquel appartiennent nos
amis politiques veut la République, — la
République conservatrice et progressive,
— et il compte dans ses rangs, à côté de
républicains de vieille date, des hommes
de bonne foi qui, en présence des périls
d'une restauration monarchique, n'ont
point hésité à sacrifier leurs préférences à
ce qu'ils considèrent comme l'intérêt du
pays. -
» Les événements qui se sont produits
depuis le 24 mai nous font un devoir de
persévérer éuergiquement dans la voie que
nous nous sommes tracée.
» La démarche des princes de la maison
d'Orléans et les conditions dans lesquelles
elle s'est accomplie font du comte de
Chambord le seul représentant de la mo-
narchie. Ses déclarations solennelles et
réitérées autorisent à penser, quoi qu'on
dise et quoi qu'on fasse, que les principes
au nom desquels la monarchie pourrait
être rétablie sont incompatibles avec les
conquêtes de la Révolution de 1789 et les
mœurs politiques de la France moderne.
L'avènement du coEpte de Chambord se-
rait, aux yeux du pays, un retour à l'an-
cien régime.
» Quant à l'empire, il ne sera jamais
proclamé par une Assemblée qui a pro-
noncé la déchéance. L'empire, ce serait le
règne d'un enfant, — l'empire a succombé
sous le poids de ses fautes, le suffrage uni-
versel ne l'absoudra pas.
» A la politique si nationale et si pa-
triotique de l'illustre M.. Thiers a succédé
une politique ambiguë : l'incertitude dji
lendemain, la stagnation des affaires, la
compétition des partis sont les maux dpnt
nous souffrons; le provisoire les entretient
et les aggrave. La. libération du territoire
a rendu la France maîtresse d'elle-même ;
elle peut désormais disposer librement de
ses destinées; il n'y a plus d'obstacle à
l'organisation définitive d'un gouverne-
ment : la France ne veut plus marcher les
yeux fermés, elle veut savoir enfin où
elle va. ,
» Si la prolongation des pouvoirs du ma-
réchal de Mac-Mahon ne se sépare pas de
l'organisation définitive du gouvernement,
et si elle a pour but de mettre un terme au
provisoire en confiant au loyal soldat la
première magistrature de la République,
nous ne saunons comprendre que le parti
républicain y mît obstacle, il n'y a pas
pour nous de questions de personnes qui
priment l'intérêt public. D
: » —
LA VEILLE ET LE LENDEMAIN
A M. Edmond About
Mon cher ami,
Les épreuves de toutes fortes n'ont cer-
tes pas manqué à la République ; et si ses
adversaires déclarent que ces épreuves
l'ont condamnée, c'est avouer qu'elle y a
survécu.
La République a survécu au 24 mai, qui
devait lui donner le coup mortel. Et la
preuve, c'est que le républicain Turigny,
le 12 octobre dernier, a eu dans la Nièvre
11,000 voix de plus que dans son élection
précédente, faite sous le gouvernempnt de
M. Thiers ; et que M. de Rémusat a obtenu
plus de 71,000 voix dans le département
de la Haute-Garonne, jusque-là inléodê
à la réaction.
Savez-vous pourquoi le 24 mai, qui de-
vait tuer la République, lui a donné de
nouvelles forces? C'est parce que ce jour-là
le pays a eu la démonstration, la seule
dont la République eût besoin pour s'ac-
climater en France, à savoir que la trans-
mission du pouvoir pouvait se faire eous
le gouvernement républicain plus régulière-
ment et avec, plus 'de calme que sous la
monarchie.
- En vain le 24 mai a maintenu la moi- -
PaIX Du Numéro Paris 15 Centimes DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Samedi 1er Novembre' 4873.
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
-adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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JOURNÉE POLITIQUE
Parir, 31 octobre 4873.
C'en est fait de la royauté. L'intrigue des
fusionnistes reste seule exposée mainte-
nant au grand jour, et M. le comte de
Chambord lui même n'a pas souffert plus
, longtemps qu'on le déshonorât. Il se sé-
pare avec éclat de eenx qui, loi offrant la
couronne, acceptaient tout de lui, son
drapeau, snn principe, sans conditions ni
garanties, et qui essayaient de tromper la
France en faisant étalage de prétendues
concessions obtenues, qu'ils n'avaient,
même point demandées. M. le comte de
Chambord demeure ce qu'on l'a vu
toujours, le dernier héritier de la vieille
monarchie française; il ne transige
point, il rejette avec plus d'horreur
que jamais l'idée de devenir « le roi
légitime de la Révolution. » Ce serait au-v
jourd'hui lui faire injure de le féliciter de
n'avoir abjuré ni son passé, ni sa croyance.
Mais que penser des princes d'Orléans, qui
(le comte de Chambord l'atteste) sont venus
à Frohsdorf tout renier, tout fouler aux
pieds, jusqu'au testament de leur père,
jusqu'à ce drapeau tricolore que l'un d'eux
appelait, en pleine Assemblée, « son dra-
peau chéri ? » Et pourquoi ? Pour la seule
passion de régner un jour sur la France,
non plus en petits-fils de Louit Philippe,
mais en successeurs de Charles X.
Hier nous avons signalé, d'après la Pa-
trie, une lettre adressée par M. le général
de Bellemare, commandant la subdivision
militaire de Périgueux, au ministre de la
guerre. Nous ea mettons lè texte aujour-
d'hui sous les yeux du public, ainsi que les
deux ordres du jour, l'un du général du
Barrail, l'autre du président de la Répu-
blique, qui apprennent à l'armée que,
pour son acte d'indiscipline, le gènéral dé
Bellemare a été mis aussitôt en retrait
d'emploi. Nous ne pouvons hésiter à con-
sidérer l'acte du général de Bellemare
comme l'une des infractions les plus blâ
mables à la discipline ; nous ne recherche-
rons pas les sentiments, nous ne rassem-
blerons pas les circonstances qui semble-
raient pouvoir jusqu'à un certain point
l'atténuer. Certes nous n'incriminons pas
les intentions du général de Bellemare ;
nous comprenons, nous avons partagé ses
sentiments de doùleur ; mais autres sont
les droits du citoyen, autres les devoirs du
soldat. La punition ne s'est pas fait atten-
dre. Il serait inutile maintenant d'insis-
ter sur un mouvement irréfléchi que le
général de Bellemare doit regretter amè-
rement, surtout aujourd'hui.
Eus. Libbert.
L'Union a reçu hier communication de la
lettre suivante, adressée par M. Je comte de
Chambord à M. Chesnelong, député des Basses-
Pyrénées :
Salzbourg, 27 octobre 1873.
J'ai conservé, monsieur, de votre vi-
site à Salzbourg un si bon souvenir, j'ai
conçu pour votre noble caractère une si
profonde estime, que je n'hésite pas à
m'adresser loyalement à vous, comme
vous êtes venu vous-même loyalement
vers moi.
Vous m'avez entretenu, durant de
longues heures, des destinées de notre
chère et bien-aimée Patrie, et je sais
qu'au retour, vous avez prononcé, au
milieu de vos collègues, des paroles qui
vous vaudront mon éternelle recon-
naissance. Je vous remercie d'avoir si
bien compris les angoisses da mon àme,
et de n'avoir rien caché de l'inébranla-
ble fermeté de mes résolutions.
Aussi ne me suis-je point ému quand
L'opinion publique, emportée pac un
courant que je déplore, a prétendu que
je consentais enfin à devenir le roi légi-
litne de la Révolution. J'avais pour ga-
rant le témoignage d'un homme de
cœur, et j'étais résolu à garder le si-
lence tant qu'on ne me forcerait pas à
faire appel à votre loyauté.
Mais, puisque, malgré vos efforts, les
malentendus s'accumulent, cherchant à
rendre obscurè ma politique à ciel ou-
vert, je dois toute la vérité à ce pays
dont je puis être méconnu, mais qui
rend hommage à ma sincérité, parce
qu'il sait que je ne l'ai jamais trompé et
que je ne le tromperai jamais.
On me demande aujourd'hui le sacri-
fice de mon honneur. Que puis-je ré-
pondre? Sinon que je ne rétracte rien,
que je ne retranche rien de mes précé-
dentes déclarations ? Lt s prétentions de
la veille me donnent la mesure des exi-
gences du lendemain, et je ne puis con-
sentir à inaugurer un règne réparateur
et fort par un acte de faiblesse.
Il est de mode, vous le savez, d'op-
poser à la fermelé d'Henri V l'habileté
d'Henri IV.. La violente amour que je
porte à mes sujets, disait-il souvent, me
rend tout possible et honorable.
Je prétends, sur ce point, ne lui céder
en rien, mais je voudrais bien savoir
quelle leçon se fût attirée l'imprudent
assez osé pour lui - persuader de renier
l'étendard d'Arques et d'Ivry.
Vous appartenez, Monsieur, à la pro-
vince qui l'a vu naître, et vous serez,
comme moi, d'avis qu'il eût prompte-
ment désarmé son interlocuteur, en lui
disant avec sa verve béarnaise : Mon
ami, prenez mon drapeau blanc, il vous
conduira toujours au chemin de l'hon-
neur et de la victoire.
On m'accuse de ne pas tenir en assez
haute estime la valeur de nos soldats, et
cela au moment où je n'aspire qu'à leur
confier tout ce que j'ai de plus cher.
On oublie donc que l'honneur est le pa-
trimoine commun de la Maison de Bour-
bon et de l'armée française, et que, sur
ce terrain-là, on ne peut manquer de
s'entendre I
Non, je ne méconnais aucune des
gloires de ma Patrie, et Dieu seul, au
fond de mon exil, a vu couler mes lar-
mes de reconnaissance toutes les fois que,
dans la bonne ou dans la mauvaise for-
tune, les enfants de la France se sont
montrés dignes d'elle.
Mais nous avons ensemble une gran-
de œftVre à accomplir. Je suis prêt, tout
prêt à l'entreprendre quand on le vou-
dra, dès demain, dès ce soir, dès ce mo-
ment. C'est pourquoi je veux rester. tout
entier ee que je suis. Amoindri. aujour-
d'hui, je serais impuissant demain.
Il ne s'agit de rien moins que de re-
constituer sur ses bases naturelles une
société profondément troublée, d'assu-
rer avec énergie le règne de la loi, de
faire renaître la prospérité au dedans,
de contracter au dehors des alliances
durables, et surtout de ne pas craindre
d'employer la force au service de l'ordre
et de la justice.
On parle de conditions; m'en a-t-il
posé, ce jeune prince, dont j'ai ressenti
avec tant de bonheur la loyale étreinte,
et qui, n'écoutant que son patriotisme,
venait spontanément à moi, m'apportant
au nom de tous les siens des assurances
de paix, de dévouement et de réconcilia-
tion ?
On veut des garanties; en a-t-on de-
mandé à ce Bayard des temps modernes,
dans cette nuit mémorable du" 24 mai,
où l'on imposait à sa modestie la glo-
rieuse mission de calmer son pays par
une de ;ces paroles d'honnête homme et
de soldat qui rassurent les bons et font
trembler les méchants?
Je n'ai pas, c'est vrai, porté comme
lui l'épée de la France sur vingt champs
de bataille, mais j'ai conservé intact,
pendant quarante-trois ans, le dépôt sa-
cré de nos traditions et de nos libertés.
J'ai donc le droit de compter sur la
même confiance et je dois inspirer la
mime sécurité.
Ma personne n'est rien ; mon principe
est tout. La France verra la fin de ses
épreuves quand elle voudra le com-
prendre. Je suis le pilote nécessaire, le
seul capable de conduire le navire au
port, parce que j'ai mission et autorité
pour cela.
Vous pouvez beaucoup, Monsieur,
pour dissiper les malentendus et arrêter
les défaillances à l'heure de la lutte. Vos
consolantes paroles, en quittant Salz-
bourg, sont sans cesse présentes à ma
pensée; la France ne peut pas périr, car
le Christ aime encore ses Francs, et
lorsque Dieu a résolu de sauver un peu-
ple, il veille à ce que le sceptre de la
Justice ne soit remis qu'en des mains
assez fermes pour le porter.
HENRI.
- ———————
« Quoi qu'il fasse aujourd'hui, et quoi
qu'il dise, on se souviendra qu'il a
laissé faire et laissé dire trop longtemps.»
Voilà ce que nous écrions il y a trois
jours; et Dous n'avons rien à en re-
trancher aujourd'hui que M. le comte de
Chambord a parlé.
« Le lendemain du jour où il est bien
et dûment avéré que la partie est perdue,
le comte de Chambord surgit tout à
coup et s'écrie : « Je n'ai pas joué ! » A
d'autres! Vous n'aviez rien promis, c'est
vrai, et nous l'avons toujours affirmé
hautement ; mais vous aviez donné carte
blanche à vos amis, vous réservant in
petto de' les désavouer si l'entreprise
avortait. C'est habile peut-être ; est-ce
loyal? » -
Voilà ce que nous écrivions il y a trois
jours, et nous n'en retranchons rien au-
jourd'hui que M. le comte de Chambord
vient désavouer publiquement MM,
Chesnèlong et Lucien Brun.
Car c'est un désaveu formel, mieux
que cela, un démenti fort sec infligé à
MM. les commis-voyageurs de la droite,
que cette lettre où la politesse des for-
mes ne fait qu'accentuer la sévérité du
fond. M. Chesnelong n'était point auto-
risé à faire au nom du roi toutes ces
concessions dont les journaux font éta-
lage depuis quinze jours ; il n'avait le
droit de prendre aucun engagement au
sujet du drapeau, et tout ne qu'il a dit,
tout ce qui s'est publié à ce propos n'est
quo pure invention. -
M. le comte de Chambord n'a rien
promis, ne pouvait rien promettre ; tel
il était il y a un an, tel il est aujourd'hui;
immuable comme Dieu dont il se d:t et
veut rester l'élu; ne pouvant devenir
l'élu de l'Assemblée française, il se drape
fièrement dans l'étendard de Jeanne
d'Arc; espérant ainsi dissimuler son or-
gueil froissé et son ambition déçue.
L'opinion publique ne prendra point
le change. Il est trop tard. On ne joue
pas impunément avec le repos d'un grand
peuple, on ne trouble pas, de gaîté de
cœur, la conscience d'une nation. Jus-
qu'en ces derniers temps, l'attitude du
comte de Chambord n'avait pas été sans
grandeur; on pouvait ne point aimer les
idées qu'il représentait , on pouvait
être l'adversaire du prince, mais du
noins on respectait 1 homme. Il s'est
laissé soupçonner ; son prestigè est
évanoui.
Il faut voir- maintenant quelle expli-
cation donneront de leur conduite MM.
Chesnelong et Lucien Brun. Le centre
droit leur demandera sans doute un
compte sévère du langage qu'ils lui ont
tenu, et peut-être bien ne se contentera-
t-il point d'apprendre que si ces mes-
sieurs ont traité si cavalièrement la vé-
rité, c'était dans une louable intention.
Les monita sécréta de la Compagnie de
Jésus ont beau nous apprendre que
mentir pour le bon motif n'est point
mentir, on ne manquera point de Xaire
observer durement à qui de droit que,
dans ce cas, il faut réussir. Or, elle vient
d'échouer, toute cette intrigue basée sur
un mensonge, et les orléanistes sincères,
s'il en est, vont se mordre les pouces
d'avoir écouté des fourbes et cru à des
étourneaux.
Déjà, ce soir, le Journal de Paris dé-
clare publier la lettre de M. le comte de
Chambord «avec une douleur que ses
amis et ses lecteurs comprendront et
partageront. » On le croira sans peine si
l'on veut bieno souvenir que, le 27 oc-
tobre dernier, M.¡ Edouard Hervé décla
rait, au nom des orléanistes dont il est
l'organe, ne vouloir et ne pouvoir faire
qu'une monarchie entourée de garanties
constitutionnelles, ne vouloir et ne pou-
voir faire qu'une monarchie acceptant le
drapeau tricolore.
Avec qui, désormais, espère-t-on la
fonder ? Le « jeune prince » qui est allé
le 5 août s'humilier à Frohsdoif n'a posé
aucune condition à son royal cousin;
il l'a simplement reconnu comme le chef
direct et légitime de la maison de. France.
On peut donc répéter aujourd'hui ce que
disait dernièrement un député de la
droite à l'un de ses collègues de la gau-
che : La monarchie n'est possible qu'a-
vec le comte de Chambord; et avec
le comte de Chambord la monarchie est
impossible.
E. Sghnerb.
; + —————————
LE DÉBALLAGE
DE
M. CHESNELONG
On dira ce qu'on voudra ; un avocat
de peu de scrupules, M. Lucien Brun,
par exemple, pourra plaider les circons-
tances atténuantes; il n'en est pas moins
vrai que la France a été dupe pendant
une'quinzaine de jours.
La France ? Non. N'exagérons rien.
La France est restée, du commencement
jusqu'à la fin, en dehors d'une affaire
qu'en avait entreprise et que l'on se
flattait do terminer sans elle, M. Ches-
nelong, porte-balle égaré dans la poli-
tique transcendante, voulait écouler un
article avantageux (pour lui) et il avait
habilement choisi sa clientèle. A la
faveur de circonstances exceptionnelles,
invraisemblables, uniques, tous les pou-
voirs de la nation se trouvaient concen-
trés dans un groupe de 725 personnes ;
c'est là que M. Chesnelong a jeté ses
filets en eau trouble. a -
L'habile homme ne doutait point que
s'il prenait la majorité de l'Assemblée
nationale, la nation né fût à lui du même
coup ; il tenait le problème pour bien et
dûment résolu si la moitié de nos re-
présentants, plus un, croyait M. Chesne-
long sur parole. Un vote solennel enre-
gistré par le gouvernement de l'ordre
moral et promulgué, tambour battant,
par l'armée, ne pouvait rencontrer ni
opposition ni résistance légale. Quicon-
que oserait contester le droit divin, res-
suscité par l'Assemblée de Versailles sur
la foi' de M. Chesnelong, serait ipso facto
un ennemi public, un rebelle, un homme
à tuer.
Pour entraîner dans cette voie 363 dé-
putés, l'honorable - M. Chesnelong - avait
trouve une recette infaillible. Persuadé,
à tort ou à raison, mais non sans vrai-
semblance au début, que la majorité de
la Chambre- était prête à nous imposer
la monarchie légitime, pourvu qu'elle
se présentât sous le drapeau tricolore,
animée de l'esprit moderne et entourée
d'institutions libérales, M. Chesnelong
prit sur lui d'affirmer qu'il avait traité
de puissance à puissance avec le préten-
dant et que M. de Chambord s'était
rendu, pieds .et poings lié, à un ambas-
sadeur sans lettres de créance. Ce Gau-
dissart aborda les monarchistes libéraux
du centre droit avec l'aplomb tradiLion-
tionnel des anciens commis-voyageurs et
les éblouit tous, ou presque tou, par
un grand déballage d'institutions libé-
rales.
Il leur montra d'abord un drapeau tri-
colore tout soie, garanti bon teint, et
déooré d'une microscopique fleur de lys,
comme marque de fabrique. L'épanouis-
sement naïf de ses clients lui prouva
qu'il avait affaire à des hommes convain-
cus d'avance ou très-ardents à se lais-
ser convaincre. Dès ce moment, il ne
doute de rien, il a réponse à tout, il livre
les articles au fur et à mesure de la de-
mande. « Parlez, messieurs, faites-vous
servir ! Garanties constitutionnelles ?
Voici ! Régime parlementaire ? Voilà !
Responsabilité ministérielle ? J'en ai en-
core ! Suffrage universel ? A vos ordres!
Liberté de conscience? Prenez-en donel»
On lui eût demandé des têtes de jésui-
tes que la digne représentant de com-
merce eût livré sans débat les treize à la
douzaine. On peut croire que les jésuites
qui fourmillent autour de Frohsdorf lui
avaient donné carte blanche, sauf à se
rattraper plus tard.
C'est ainsi que M. Chesnelong plaça
gaillardement sa marchandiseet" enfonça,
comme on dit dans le commerce borgne,
tous ceux qui n'aspiraient qu'à se faire
enfoncer. Gardez-vôus bien de croire qu'il
n'ait dupé que des naïfs ; j'en sais beau-
coup qui ont été trompés à bon escient
et qui prenaient du zinc pour de l'ar-
gent, du cuivre pour de l'or, sur la
simule étiquette, dan»- l'espoir de reven-
dre re. tout à cent pour un de bénéfice.
Les plaindrez-vous ? Moi, non, S'il me
restait de la sensibilité à dépenser après
le juste tribut que je dois aux angoisses
et aux douleurs imméritées du noble
peuple français, j'aurais pitié des dix ou
douze nigauds de fournisseurs, relative-
ment honnêtes en somme, qui chiffon-
nent des manteaux de cour à l'usage
d'une reine qui ne régnera point, bro-
dent des clés d'or fin sur des habits de
chambellans cassés aux gages, et qui
passeront cette nuit à fabriquer les voi-
tures du sacre sans avoir lu le dernier
numéro de l'-Union et sans savoir qu'il n'y
a d'autre sacre en cette ridicule affaire
que l'honorable M. Chesnelong.
ABOUT.
————.—— » ————-——
RÉUNION DU CENTRE GAUCHE
Hier, à huit heures du soir, 51, rue
d'Anjou, dans les galeries de M. Nadar,
soixante membres environ étaient présents.
Parmi eux, nous pouvons citer : MM.
Léon Say, Laboulaye, Sohérer, Germain,
Victor Ltfranc, Cochery, Bertauld, amiral
Jaurès, comte Rampon, Ernest Picard,
Cerne, Delorme, GaibaI, Limpérani, Beaus-
sire, Gérard (de l Oise), de Pressensé, Per-
aolet, Fouquet, Gayot, Louis Laeaze, ami-
ral Pofhuau, Wolowski, Gailly, Freycinet,
Marcel Barthe,Vacherot, Krantz, Ducuiag,
de Tocqueville, Tillancourt, Vautrain, Fou-
bert, Lenoël, Jules Favre, Amat, de Saint-
Pierre (Calvados), Carré-Kérisouët, de
Janzé, Cézanne, Wilson, Pâlotte, Paul
de Rémusat, comte d'Osmoy, Bardoux,
de Marcère, Christophle, Tassin, de Choi-
seul, Labélonye, Rolland, Paul Morin,
Théophile Roussel, ttc., etc.
Le procès-verbal suivant nous a été com-
muniqué :
Le centre gauche s'est réuni hier jeudi
30 octobre, et à là suite d'une conversa-
tion à laquelle ont pris part un grand
nombre de ses membres, il a adopté à
l'unanimité la résolution suivante :
« Le centre gauche, s'inspirant des té-
moignages d'approbation qui lui sont
parvenus de tous les points de la France,
déclare que le moment est venu de sor-
tir du provisoire et d'organiser la Répu--
blique conservatrice. »
Le centre gauche a décidé qu'il reste-
rait en permanence et que son bureau se
réunirait tout les soirs. Une réunion gé-
nérale doit avoir lieu samedi prochain.
—————————— -+ ——————————
Les dix se sont réunis hier à deux heu-
res chez le général Changarnier. Il s'a-
gissait de prendre quelques mesures su-
prêmes dans l'intérêt de la fusion. Ces
messieurs attendaient avec impatience
une lettre de M. le comte de Chambord,
qu'ils espéraient conforme à leurs désirs.
M. Chésnelong n'est arrivé qu'à trois
heures, porteur de la missive royale. Il
endonne communication à ses collègues.
Nous n'essaierons pas de dépeindre l'im-
pression produite.
Uno dépêche a été immédiatement en-
voyée à Salzbourg. Les dix suppliaient
M. le comte de Chambord de ne pas li-
vrer cette lettre à la publicité avant l'arri-
vée d'un de leurs délégués. Ils ne reçu-
rent aucune réponse, et une heure après
environ l'Union paraissait avec le mani-
feste du prétendant.
Ce qui permit à M- le due d'Audiffret-
Pasquier de prononcer cette parole mé-
morable :
— Nous sommes perdus ! —
Nous le savions, avant la lettre.
—: :
Hier, la Bourse du soir, qui se tient
maintenant devant le café Tortoui, pré-
sentait une animation extraordinaire. La
moitié de la chaussée du boultvard était
envahie..
Par bonheur M. Chesnelong n'était point
dans les groupes, sinon il eût entendu sur
son compte certaines expressions qui, sans
doute, lui eussent désagréablement cha-
touillé l'oreille. M. le comte de Chambord
lui-même était sévèrement traité, pour
n'avoir pas plus tôt désavoué le langage de
ses amis.
En résumé, 40 centimes de baisse dans
la journée, 1 fr. 25 c. de baisse dans la
10 rée.
,Derniers cours : 91 25.
LE GÉNÉRAL DE BELLEMARE
Le Journal officiel publie les deul docu-
ments qui suivent :
ORDRE A L'ARMÉE
Le ministre de la guerre a reçu de M. le gé-
néral de Bellemare, commandant la subdivision
de la Dordogne, une lettre par laquelle cet offi-
cier général se refuse à reconnaître la souverai-
neté de l'Assemblée nationale.
Le ministre de la guerre me pouvant tolérer
qu'un offieier sous les drapeaux méconnaisse la
feprésentation légale du pays, M. le général de
Bellemare a été immédiatement démis de son
commandement et mis en non-activité par re-
trait d'emploi, par décret de M. le maréchal
président de la République.
Versailles, le 28 octobre 1873.
Général Du Barrail.
ORDRE DU JOUR A L'ARMÉE
Soldats !
Un seul acte d'indiscipline a été commis dans
l'armée.
Le maréchal président de la République est
convaincu qu'il ne se renouvellela pas il con-
naît l'esprit de dévouement qui vous anime.
Vous saurez maintenir dans l'armée cette
union et cette discipline dont elle a toujours
donné l'exemple, qui font sa force, et qui, seuls,
peuvent assurer la tranquillité et l'indépen-
dance du pays.
Comme soldats, notre devoir est bien tracé :
il est indiscutable ; en toutes circonstances nous
devons maintenir l'ordre et faire respecter la
légalité.
Versailles, le 28 octobre 1873.
Le président de la République,
Maréchal DE MAC-MAHON,
Duc DE MAGENTA.
L'explication de ces deux ordres se
trouve dans le récit qu'on va lire et que
nous empruntons au journal la Dordogne :
M. le général de Bellemare, comman-
dant la subdivision militaire à Périgueux,
adressa, le 25 de ce mois, par la voie hié-
rarchique, la lettre suivante à M. le mi-
nistre de la guerre :
Périgueux, le 25 octobre 1873.
Monsieur le ministre,
Je sers la France depuis trente-trois ans avec
le drapeau tricolore, et le gouvernement de la
République depuis la chute de l'empire. Je ne
servirai pas sous le drapeau blanc, et je ne
mettrai pas mon épée à la disposition d'un gou-
vernement monarchique restauré en dehors de
la libre expression de la volonté nationale.
Si donc, par impossible, un vote de la majo-
rité de l'Assemblée actuelle rétablissait la mo-
narchie, j'ai l'honneur de vous prier, monsieur
le ministre de vouloir bien, dès Je moment pré-
cis de ce vote, me relever du commandement
que vous m'avez confié.
Agréez, etc.
Général DE BELLEMARE.
Le 27, le général de Bellemare recut une
dépêche chiffrée du ministre de la guerre;
mais comme la subdivision ne possède
point de manuel explicatif, il informa, le
jour même, par le télégraphe, le ministre
de la guerre qu'il ne pouvait pas prendre
connaissance de sa dépêche.
Le 28, à huit heures du matin, le géné-
ral de Bellemare recut une autre dépêche
du ministre de la guerre ainsi conçue :
« Vous êtes mis à la retraite d'office. »
- A huit heures et demie, le lieutenant-
colonel du 148 de ligne, en garnison à Li-
moges, se rendit chez le général.
Cet officier supérieur était porteur :
1* D'une lettre du général de Lartigues,
commandant la 21e division militaire à
Limoges, par laquelle ce dernier informait
le général de Bellemare qu'il était mis à
la retraite d'office;
20 D'un ordre lui prescrivant de remet-
tre immédiatement le commandement de
la subdivision au lieutenant-colonel du
14° de ligne.
Avant de remettre son commandement,
le général de Bellemare dicta à son officier
d'ordonnance un ordre de la subdivision,
dont voici le texte :
128 Corps d'armée. — Subdivision,
de la Dordogne.
QRDRE DE LA SUBDIVISION
Le général de Bellemare, mis en retraite d'of-
fice, remet, à la date de ce jour, le commande-
méat de la subdivision à M. le lieutenant-colonel
Raison, du 14e de ligne, envoyé à Périgueux
pour faire l'intérim en attendant la désignation
du titulaire. -
En quittant l'armée, après trente-trois ans de
service, le général de Bellemare remercie les
troupes qui ont été sous ses ordres du concours
dévoué qu'elles lui ont prêté pour le maintien
de l'ordre et le respect de la loi.
Périgueux, le 28 octobre 1873.
Quelques heures plus tard, l'officier
d'ordoanaace du général de Bellemare vint
lui dire que le lieutenant-colonel, com-
mandant par intérim, n'avait pas cru de-
voir donner communication de cet ordre
aux troupes de la garnison avant d'en avoir
reçu l'autorisation du général commandant
la 'division de Limoges.
Sylla dovait à fa fortune le surnom de
Félix. Le général Carré de Bellemare n'est
pas ce qu'on appelle un homme heureux.
En 1870, il est arrivé au Bourget douze
heures trop tard ; en 1873, il écrit une
lettre qui ne part point d'un mauvais na-
turel, mais qui arrive à Versailles qua-
rante-huit heures trop tôt. Personne ne
saurait refuser à un officier qui raisonne
le droit de se démettre en temps utile
dans une crise politique. La conscience
ne perd jamais ses droits ; il ne serait
pas équitable de vouloir qu'un général
républicain servît contre la République à
son cœur défendant.
Mais si nous n'avons pas perdu la
juste notion des choses de ce monde, il
est monstrueux que le commandant mi-
litaire d'un département expédie, avant
coup, au ministre de la guerre, un avis
qui ressemble à une menace. Que le
ciel, et surtout que la vieille loyauté
française nous préserve à jamais des
pronunciamientos ! ne devenons pas Es.
pagnols! On sait ce qu'il en coûte, et
quel étroit rapport enchaîne la poli-
tique militaire à la décomposition irré.
médiable des peuples!
About.
* <» ———————
LES -
ELECTIONS DU 16 NOVEMBRE
Profession de foi du général
haussier.
Aux électeurs du département de l'Aube
Chers compatriotes, ,
Au nom d'un grand nombre d'entre vous.
je suis invité, par des hommes dignes de
votre confiance comme de la mienne, à
solliciter l'honneur de représenter le dé-
partementlàl'Assembléo nationale, en rem-
placement de M. Lignier, membre démis-
sionnaire et l'un de nos plus estimés con-
citoyens..
Quoique bien certain que, sans arrive?
jusqu'à moi, vous pouviez trouver autour
de vous un homme plus capable et plu.
digne, je dois néanmoins me rendre aux
raisons qui me sont données, et j'accepta
cette candidature. Je l'accepte en #dhéranft
loyalement et franchement au programme
politique publié par le journal l'Aube, per-
suadé que la consécration immédiate et
définitive des institutions et de la forme
républicaines est une voie de salut pour le
pays.
Heureux et fier de devenir l'élu de notre
population, si je ne puis apporter dans
l'accomplissement de l'œuvre commune
les talents et l'expérience d'un homme po-
litique, j'y mettrai du moins l'énergie et
le dévoûment d'un soldat qui désire avec
ardeur la prospérité et la grandeur de la
France. •
Général Saussier.
Voici la partie importante du programme au.
quel M. Saussier fait allusion:
« Le parti auquel appartiennent nos
amis politiques veut la République, — la
République conservatrice et progressive,
— et il compte dans ses rangs, à côté de
républicains de vieille date, des hommes
de bonne foi qui, en présence des périls
d'une restauration monarchique, n'ont
point hésité à sacrifier leurs préférences à
ce qu'ils considèrent comme l'intérêt du
pays. -
» Les événements qui se sont produits
depuis le 24 mai nous font un devoir de
persévérer éuergiquement dans la voie que
nous nous sommes tracée.
» La démarche des princes de la maison
d'Orléans et les conditions dans lesquelles
elle s'est accomplie font du comte de
Chambord le seul représentant de la mo-
narchie. Ses déclarations solennelles et
réitérées autorisent à penser, quoi qu'on
dise et quoi qu'on fasse, que les principes
au nom desquels la monarchie pourrait
être rétablie sont incompatibles avec les
conquêtes de la Révolution de 1789 et les
mœurs politiques de la France moderne.
L'avènement du coEpte de Chambord se-
rait, aux yeux du pays, un retour à l'an-
cien régime.
» Quant à l'empire, il ne sera jamais
proclamé par une Assemblée qui a pro-
noncé la déchéance. L'empire, ce serait le
règne d'un enfant, — l'empire a succombé
sous le poids de ses fautes, le suffrage uni-
versel ne l'absoudra pas.
» A la politique si nationale et si pa-
triotique de l'illustre M.. Thiers a succédé
une politique ambiguë : l'incertitude dji
lendemain, la stagnation des affaires, la
compétition des partis sont les maux dpnt
nous souffrons; le provisoire les entretient
et les aggrave. La. libération du territoire
a rendu la France maîtresse d'elle-même ;
elle peut désormais disposer librement de
ses destinées; il n'y a plus d'obstacle à
l'organisation définitive d'un gouverne-
ment : la France ne veut plus marcher les
yeux fermés, elle veut savoir enfin où
elle va. ,
» Si la prolongation des pouvoirs du ma-
réchal de Mac-Mahon ne se sépare pas de
l'organisation définitive du gouvernement,
et si elle a pour but de mettre un terme au
provisoire en confiant au loyal soldat la
première magistrature de la République,
nous ne saunons comprendre que le parti
républicain y mît obstacle, il n'y a pas
pour nous de questions de personnes qui
priment l'intérêt public. D
: » —
LA VEILLE ET LE LENDEMAIN
A M. Edmond About
Mon cher ami,
Les épreuves de toutes fortes n'ont cer-
tes pas manqué à la République ; et si ses
adversaires déclarent que ces épreuves
l'ont condamnée, c'est avouer qu'elle y a
survécu.
La République a survécu au 24 mai, qui
devait lui donner le coup mortel. Et la
preuve, c'est que le républicain Turigny,
le 12 octobre dernier, a eu dans la Nièvre
11,000 voix de plus que dans son élection
précédente, faite sous le gouvernempnt de
M. Thiers ; et que M. de Rémusat a obtenu
plus de 71,000 voix dans le département
de la Haute-Garonne, jusque-là inléodê
à la réaction.
Savez-vous pourquoi le 24 mai, qui de-
vait tuer la République, lui a donné de
nouvelles forces? C'est parce que ce jour-là
le pays a eu la démonstration, la seule
dont la République eût besoin pour s'ac-
climater en France, à savoir que la trans-
mission du pouvoir pouvait se faire eous
le gouvernement républicain plus régulière-
ment et avec, plus 'de calme que sous la
monarchie.
- En vain le 24 mai a maintenu la moi- -
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