Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1873-10-22
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 22 octobre 1873 22 octobre 1873
Description : 1873/10/22 (A3,N706). 1873/10/22 (A3,N706).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7558064d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
3. AnnAe. — NI 706.
PRIX Du NUMÉRO : PARIS 15 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Mercredi 22 Octobre 1873.
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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RÉDACTION
Vgdresser au Secrétaire de la Rédaction
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JOURNÉE POLITIQUE
Pam, 2/ odtobrè 4873.
Dans une lettre qu'il écrit à M. Schérer,
M. Léon Say s'explique de nouveau sur
les sentiments des députés du centre gau-
che. « Le centre gauche sera unanime,
dit-il, et une majorité densnotie sens ne
paraît pas douteuse. » Et qui n'en serait
convaincu à lire les déclarations émues,
ardentes, passionnées, non-seulement des
hommes qui veulent le maintien de la Ré-
publique parce qu'ils appartiennent dès
longtemps au parti républicain, mais de ces
républicains nouveaux qui sont devenus ce
qu'on les voit par nécessité, par raisonne-
ment, par horreur des entreprises insen-
sées où l'on veut jeter leur pattlie?
Ce n'est point aux entraînements de
l'esprit de parti qu'obéissent M. André,
dont nous donnions hier la lettle, ou M.
Sebert, qui parle à sen tour aujourd'hui.
Voilà bien les représentants de cette vieille
bourgeoisie française, qu'on n'accusera
point de prendre feu pour des chimères,
ni de pécher jamais, en politique, par la
témérité. Mais c'est justement sa pru-
dence, autant que son honnêteté, qui se
révoltent à l'idée du coup de main au-
dacieux que préparent une poignée de fous
et d'infrigants:
La Restauration négociée en Autriche ,
et trente-six millions de Francais cédés à
un prince dont ils ont horreur, cela ne se
fera point; on ne trouvera pas une majo-
rité dans l'Assemblée qui ose tenter de
consommer "ce crime. Les meneurs de ce
hardi complot savent maintenant à quel
succès s'attendre ; et ce qui le leur fait voir
plus clairement que tout le reste, ce sont
des déclarations comme celles de MM. Se-
bart et André.
Aussi comprend-on bien que ces décla-
rations les exaspèrent, tandis qu'elles jet-
tent le doute et le découragement dans le
gros du parti. C'est contre les représen-
tants les plus modérés parmi ceux qui ne
veulent point nous laisser ravir les conque"
tes de 1789 (un vieux mot qu'il faut rajeu-
igir),c'est contre eux, à présent, que les feuil-
les royalistes tournent les derniers efforts
de leur polémique. M. André est accusé
d'avoir fait un pacte avec le radicalisme.
Que ne va-t-on pas dire aussi de M. Se-
bert ? Le radicalisme ? Il s'agit bien de ra-
dicalisme à l'heure actuelle ! Laissez parler
la France, la Franca, comme vous dites
si bien, qui travaille, qui produit, qui
épargne et qui possède. On ne vous
demande rien de plus : et si vous re-
fusez, c'est que vous avez peur, non pas
âu radicalisme, mais de la France ; c'est
que c'est contre la France même que vous
luttez.
Les réflexions que nous suggèrent les
lettres de MM. Sebert et André se peu-
vent appliquer aussi à l'excellente allo-
cution que prononçait hier M. Vautrain,
dans la séance d'ouverture de la session
du conseil général de la Seine. Le sincère
- respect de la légalité, entendu au sens le
plus strict, mais- aussi le sentiment pro-
fond de ses devoirs de représentant du
pays, voilà ce qu'on trouve et ce qu'on
louera dans les paroles de M. Vautrain.
Ajoutons que, l'honorable président du
conseil général a été réélu sans que la
gauche du conseil opposât aucune candi-
dature à la sienne ; conduite conciliante et
sage, dont le public lui saura gré.
Il y a peu d'autres faits à signaler dans
la politique intérieure. Il court cependant
mille bruits, dont le plus vraisemblable a
trait à la prochaine démission de M. Ma-
gne. Le ministre actuel des finances ne
psut plus rester, en effet, honorablement
dans le ministère. Nous ne mentionnons
que pour mémoire d'autres rumeurs qui
prêtent au gouvernement les projets les
plus ridicules : toute la France en état de
siège ; tous les journaux qui déplaisent
supprimés ; enfin, M. le général Ducrot
reprenant au ministère de l'intérieur le
rôle créé jadis par le général Espinasse.
Nous ferons l'honneur au gouvernement
de ne pas croire un mot de ces extrava-
gances; il mérite cependant qu'on l'en ait
supposé capable.
Nous renonçons à enregistrer tous les
acte» dé tyranniqùe arbitraire auxquels il
se livre. La presse est chaque jour frappée
avec acharnement ; et les municipalités ne
sont pas traitées mieux. Les conseillers
municipaux de Saint-Quentin ont écrit à
leurs députés une lettre politique, qu'on
avoue en elle-même irréprochable, pour
leur demander quel sera leur vote ; mais i's
n'avaient pas, paraît-il, le droit de 1 écrire
parce qu'ils sont conseillers municipaux.
Les voilà suspendus, le maire et les ad-
joints en tête. Quatre journaux avaient re-
produit leur adresse aux députés de l'Aili ne;
un arrêté du préfet interdit à ces quatre
journaux la vente sur la voie publique. Ce
qui précède n'est qu'un exemple entre
cent. Du reste, MM. les ministres et la
plupart de leurs préfets appartiennent au
parti qui, d'accord avec le prétendant, ga-
rantit à la France l'usage de ses libertés et
l'exercice de ses droits.
Eue. LIÉBERT.
; — —♦ —
M. Léon Say vient d'adresser à M. Scherer,
vice-président du centre gauche, la lettre sui-
vante :
20 octobre 1873.
Mon cher vice-président,
Je recois de nos collègues, MM. Max Ri-
card, Leeamus et Salvandy une acmêsion
complète au programme de notre dernière
réunion. Ils sont, comme nous, convaincus
doela nécessité de maintenir et d'organiser
la République conservatrice. Le centre gau-
che sera unanime, et une majorité dans
notre sens ne parait pas douteuse. Toutes
les affirmatiolis contraires sont hasardées,
quand elles ne sont pas simplement une
manœuvre de nos adversaires.
Recevez l'assurance de mes sentiments
bien dévoués.
LÉON SAY.
-—— ♦ ———————
M. le marquis de Plœuc, représentant
de la Seine, nous fait l'honneur de nous
communiquer la pièce que voici :
NOTE
«Le marquis de Plœuc a reçu une lettre
circulaire qui paraît avoir été adressée à
tous les députés de la Seine et qui était
signée de 2 7 membres du conseil général.
Il n'a pas cru devoir y répondre.
» Voici sps motifs :
» M. de PloeuG ne.reconnaît à personne
le droit de le mettre en demeure de s'ex-
pliquer sur tel ou tel de ses votes futurs à
l'Assemblée. — Il n'a pas accepté de man-
dat impératif.
x » Il ne se reconnaîtrait pas à lui-même
le droit d'aliéner son indépendance. Il
sait quel grand honneur il a reçu des élec-
teurs dé la Seine. Lé moment venu, il leur
rendra compte de son mandat, avec l'assu^
rance de qui n'a- obéi qu'à la voix de sa
conscience et à l'intérêt du pays. »
C'est fièrement parlé, et les notables
électeurs qui ont osé questionner leur
représentant reconnaîtront sans doute
avec nous qu'il n'a point mâché sa ré-
ponse. Indépendance, conscience, intérêt
du pays, tout y est, rien ne manque à la
formule. M. Johnston et M. Target pro-
fessent la même doctrine, mais d'un ton
moins assuré. Ils ont envoyé paître,
eux aussi, le vil troupeau des électeurs,
mais dans un paysage moins grandiose.
Nous préserve le ciel d'entrer en lice
avec un homme qui chevauche sur son
droit et fdit litière du nôtre ! Tout au
plus nous permettroRs-nous quelques
timides doléances.
Comment, diable ! M. le marquis de
Plœuc, qui ne se reconnaît pas à lui-
même le droit d'aliéner son indépen-
dance, fait-il si bon marché de l'indé-
pendance de 36 millions de Français?
C'est trop et trop peu de scrupule.
M. de Plœuc veut bien nous dire
que, le moment venu, il rendra compte
aux électeurs du mandat qu'ils lui ont
donné. A merveille! Mais quand vien-
dra-t-il, ce moment précieux pour nous ?
Nous faudra-t-il attendre les bras croi-
sés que M. de Plœuc et ses amis soient
las de nous représenter à Versailles et
qu'ils se mutent spontanément à la re-
traite?
C'est en vertu d'une fiction bien res-
pectable à coup sûr que M. de Piceuc
et quelques autres royalistes personni-
fient un département républicain comme
est la Seine.
La dernière élection n'a donné que
27,000 voix au candidat de la coalition
légitimiste, orléaniste et bonapartiste.
L'échec du colonel Stoffel a dû faire com-
prendre à l'honorable M. de Plœuc qu'il
ne représentait plus qu'une infime mi-
norité, ou, pour parler poliment, une
élite, un simple dessus de panier. Dans
les pays où la logique n'a pas perdu
..droit de cité, il ne faudrait pas d'autres
signes pour indiquer à M. le marquis de
Plœuc que le moment est venu. Il n'en
veut rien croire et il fait la sourde oreille
comme tant d'autres, parce que tel est
son bon plaisir, et les souverains ne
connaissent ,pas d'autre loi.
0 bonnes bêtes d'électeurs, mes très-
chers frères, tâchez que cette leçon vous
.profite 1 Quand vous donnerez un man-
dat, ayez soin d'en définir les termes et
d'en limiter la durée.
Et surtout ne souffrez jamais qu'on
vous impose un roi, car les rois sont des
marquis irresponsables, qui n'ont point
de comptes à rendre et qui ne relèvent
que de l'histoire f
- ABOUT.
e
Oa lit dans l'estimable Français, dirigé
par le fils Beslay :
On nous annonce que l'escadre insurgée sor-
tie de Garthagèae se disposerait à bombarder
Valence. Le droit des gens oblige nos vaisseaux
à assister en spectateurs à ce sinistre brigan-
dage. L'Europe ne nous ferait pas crédit si nous
nous laissions aller à un mouvement do géné-
reuse aolère. Et d'ailleurs, nous entendons d'ici
les cris que pousserait la presse radicale, nous
accusant d'intervention. Ne sont-ce pas ses al-
liés, ses compères, qui sont à Carthagène ? Ce
sont les émigrés de la Commune parisienne ;
leur conduite, c'est la Commuue en action;
cette Commune — ne l'oublions pas — que M.
Gambetta n'a jamais osé désavouer. Il est bon,
en tout cas, de voir ainsi où aboutit le dernier
mot du progrès révolutionnaire : l'incendie de
Paris, le bombardement d'Alicante et de Va-
lence.
Bon courtisan, le fils Beslay; mais bien
mauvais fils I
Nous prions nos lecteurs de bien remar-
quer le conditionnel que nous avons souli-
gné dans les lignes qui précèdent. Toute
cette belle colère du fils Beslay vient du
« brigandage » que les insurgés espagnols
pourraient bien avoir l'intention de se dis-
poser à commettre! Trop de zèle, fils Bes-
lay; trop de zèle! 1
, E. g,
Léurs promesses
.- La bonne foi est à l'ordre du jour; on
ne parle que d'engagements pris, de
serments reçus, et le premier comme le
dernier mot du programme rapporté en
train express par ces deux parangons de
vertu nommés Lucien Brun et Chesne-
long, c'est: Confiance ! confiance ! Le roi
vous promet tottt ce que vous voudrez ;
il a un moyen à lui de tout vous accor-
der sans sacrifier rien; seulement, il ne
tiendra sa promesse que le jour où vous
lui aurez mis la couronne sur la tète et
la force armée dans la main. Mais ne
craignez point qu'il en abuse ; le roi n'a
qu'une parole, chacun sait ça.
Confiance ! confiance ! nous dit-on en-
coral; le roi en personne n'a point parlé ;
mais MM. Lucien Brun et Chesnelong se
sont engagés pour lui; c'est tout comme.
Et, en effet, nous avons montré hier
comme quoi la parole de M. Brun est
d'argent; comme quoi son silence eût
été d'or le 19 janvier 1872, alors qu'il
trompait l'Assemblée en lui donnant lec-
ture d'une pièce soi-disant recouverte
des meilleures et des plus solides signa-
tures, mais qu'il eut bien soin de ne plus
jamais exhiber depuis. - --
Si nous insistons sur ce fait, c'est
pour répondre au Français, qui, avec sa
loyauté habituelle, dénature absolument
la portée du reproche que nous adres-
sions hier à M. Lucien Brun. Suivant
cet estimable journal, nous tenons pour
suspects les renseignements rapportés
de Salzbourg par M. Lucien Brun, « par
cette raison que M. Lucien Brun aurait
présenté, lors de la discussion sur les
matières premières, un système d'im-
pôts qui n'a pas répondu à son attente. »
Les lecteurs du Français vont s'imaginer,
après cela, que le système d'impôts de
M. Brun a été essayé et n'a point réussi,
ce qui ne constituerait pas un cas pen-
dable. Mais le Français n'ignore pas que
ce système d'impôts n'a jamais existé, n'a
jamais été qu'un système de tromperie
destiné à convaincre la Chambre de ne
point voter l'impôt demandé par M.
Thiers.
M. Lucien Brun n'avait point parlé
d'impôts ; il avait dit : Ne votez pas les
matières premières ; j'ai dans la main
un engagement formel, signé des plus
hauts noirs du commerce et de l'indus-
trie, de fournir los 165 millions néces-
saires à l'équilibra du budget. — Et
l'on ne vota point les matières premières;
mais jamais M. Lucien Brun ne reparla
des 165 millions qu'il avait formellement
affirmé avoir dans sa main.
Voilà pourquoi, malgré les excellents
certificats que lui délivre le Français,
nous ne croyons plus, et nous avons le
droit de ne plus croire à la parole de M.
Lucien Brun.
Le mensonge, d'ailleurs — il est grand
temps d'appeler les choses par leur nom
— est la monnaie courante du grand
parti de l'ordre. N'est-ce point sous le
masque menteur de la conservation so-
ciale que, depuis quatre-vingts ans, il re-
vient sans cesse à la charge, semant le
trouble dans les consciences et récoltant
les révolutions dans la rue ? Qu'ont fait
Napoléon Ier, Louis XVIII, Charles X,
Louis Philippe et Napoléon III ? Ils ont
tous fait des promesses, ils ont tous fait
des serments; tous ont menti, menti,
menti.
Et s'il nous est permis
Après tant de héros do citer Childebraud,
nous demanderons à l'incorruptible
Français de nous dire ce qu'il pense d'un
certain M. Target, dont la réputation a
dû parvenir jusqu'à lui. M. Target est un
homme d'ordre ; M. Target fait partie
de la ligue des gens de bien ; M. Target
votera la monarchie : il le dit, ou le
laisse entendre, et cette fois, nous l'en
croyons volontiers sur parole. Pourtant
M. Target avait déclaré solennellement,
dans la deuxième séance du samedi
24 mai 1873, qu'il voterait la Républi-
que.
« Au nom d'un certain nombre de mes
collègues, dit-il, je viens faire une décla-
ration pour qu'il n'y ait point d'ambiguïté
dans notre vote. (Il s'agissait de renver-
ser ou de maintenir M. Thiers.)
» Tout en nous associant à l'ordre du
jour, nous nous déclarons résolus à accepter
la solution républicaine telle qu'elle résulte
de Vensemble des lois constitutionnelles pré-
sentées par le gouvernement, et à mettre fin
à un provisoire qui compromet les inté-
rêts moraux et matériels du pays. »
M. Paul Target votera la monarchie ,
et il fera bien, car autrement il -donne-
rait à supposer que le parti républicain
met un trop grand prix à son vote.
On nous dira que si M. Target tient si
mal ses promesses, cela ne veut point
dire que M. le comte de Chambord fera
de même. Dùt Sa Majesté ne point se
trouver flattée du rapprochement, nous
répondrons : Pourquoi pas? Tout se tient
dans cette affaire : M. le comte de Cham-
bord jure de ne jamais faire de conces-
sions; M. Lucien Brun jure qu'il en fera;
M. Target jure de voter la République,
et il votera la monarchie; tous deux,
au même litre que ceux de leurs collè-
gues qui voteront dans le même sens,
deviendront solidaires et garants de la
parole royale. Or, nous avons vu com-
ment M. Lucien Brun tient ses engage-
ments; nous voyons comment M. Tar-
get fait honneur à ses déclarations les
plus solennelles; nous savons enfla gjh
Henri V fait bon marché des serments
du tfomte de Chambord !
Confiance! confiance !
E. SCHNERB.
*
Voici la lettre de M. Target, à laquelle il
vient d'être fait allusion :
Messieurs,
Je viens de recevoir votre lettre chargée du 13
octobre ; quoique je sois d'habitude un corres-
pondant exact, j'ai été tenté un instant de ne
vous répondre que par le silence. Vous parais-
sez vous arroger le droit de me dicter mes ac-
tes et mes votes fllturg ; à tort ou à raison, je
ne reconnais ce droit à personne.
Quant à l'engagement que, d'après vous, j'au-
rais pris en septembre 1870 de mettre la Répu-
blique, toujours et quand même, au-dessus de ce
qui apparaît, aujourd'hui, à plus d'un honnête
homme, comme le seul moyen de sauver la
France et de lui rendre des alliés en Europe, je
la nie de la manière la plus formelle. Je n'ac-
cepterai jamais de mandat impératif, et si j'a-
vais eu la faiblessç d'en accepter un en 1870, je
me défierais des obligations qu'il m'imposerait,
en donnant, sans ratard, ma démission.
Je n'hésite cependant pas à vous dire que je'
serai à la place que les électeurs du Calvados
m'ont permis d'occuper, au moment où s'enga-
gera le grand et solsnnel débat qui décidera de
l'avenir de la France. Vous trouverez bon que
je ne réponde pas à certaines autres parties de
votre lettre et vous voudrez bien, j'ose l'espé-
rer, attendre mes actes et mes votes, pour les
apprÈcwf et içs jug#r. .h - -.-.
J'entends donc, messieurs, conserver la liberr
té absolue de mon vote, dussé-je perdre défi-
nitivement votre confiance. N'êtes-vous pas,
après tout, au nombre de ceux qui se sont in-
géniés, depuis quelques mois, à me prêter, des
pensées et des projets que n'ont motivés ni mon
langage, ni mon attitude?
Ceux qui me connaissent savent que, si je
suis rélolûment dévoué aux intérêts conserva-
teurs, à trop juste litre alarmés, je n'abandon-
nerai jamais le drapeau qui est le symbole de
toutes les conquêtes modernes. Pour tout le
reste, je garderai le silence, et vous m'approu-
verez de ne me pas départir d'une réserve à
laquelle je suis tenu et que je n'ai peut-être
pas conservée assez scrupuleusement aujour-
d'hui.
Je vous prie, à mon tour, messieurs, d'agréer
mes bien sincères salutations.
PAUL TARUET.
*1 1.1. —M. 0 — ll.l.l.»—^ ,
LES DÉPUTÉS DE PARIS
M. Sebert, député de la Seine, a adressé à la
Liberté la lettre suivante :
A monsieur Léonce Détroyat, directeur politique
de la Libené.
Paris, 20 octobre 1873.
Mon cher ami,
La Liberté d'hier, dans un article sur
M. Casimir Périer et ses amis, composant
la réunion de la « République conserva-
trice D, veut bien reconnaître que les dé-
putés de ce groupe sont honnêtes et sym-
pathiques; mais, en même temps, elle les
présente comme étant sans programme,
sans convictions arrêtées, sans volonté ni
fermeté et pleins d'hésitation.
J'ignore si cette sévère appréciation est
applicable à quelques membres de la réu-
nion dont je fais partie; j'espère que non;
mais elle ne peut certainement s'ppliquer
à moi, car j'ai depuis longtemps, quoique
je ne l'aie jamais fait connaître publique-
ment autrement que par mes votes, une
conviction bien arrêtée.
Je voterai sans hésitation contre les pro-
jets de restauration d'une monarchie tom-
bée, il y a plus de quarante ans, sous le
poids d'une impopularité et d'une antipa-
thie qui n'ont pas cessé depuis.
Les récentes élections, comme celles du
mois d'avril, en sont l'éclatante démons-
tration; car elles n'ont certainement été
aussi regrettableiÎ\ent accentuées que com-
me protestation anticipée du pays contre
les projets monarchiques attribués depuis
longtemps déjà à la droite de l'Assemblée.
J'ai la plus grande estime et le plus pro-
fond respect pour le caractère du prince
personnifiant le principe monarchique ; je
crois M. le comte de Chambord animé des
meilleures et des plus conciliantes inten-
tions, mais j'ai, en même temps, la con-
viction que le parti dont il s'entourerait
forcément le conduirait vite aux abîmes,
comme son aïeul y a été conduit par le
parti rétrograde et ultramontain d'alors.
La France, quoique essentiellement con-
servatrice, voudra, on n'en peut douter,
conserver la souveraineté nationale, la
plus grande et la plus importante des cou-
quêtes de la Révolution, son code immor-
tel qui a tant contribué à la démocratiser,
l'égalité civile, la liberté de conscience et
les autres bienfaits du droit publio mo-
derne.
Cependant les partisans de la monarchie,
qui se croient en majorité dans l'Assem-
blée, la disent faite.
J'en doute, parce que la France, par les
dernières manifestations de ses sentiments
politiques, aindiqué énergiquement qu'elle
n'est pas disposée à abdiquer sa souverai-
neté, ni à confier à la monarchie légitime
le dépôt de ses libertés et de ses autres
conquêtes.
Pour éviter de nouvelles révolutions,
que la France ne pourrait-plus supporter
et que ne manquerait pas de lui amener
dans un temps donné l'établissement d'u-
ne monarchie sans racines dans le pays,
je crois que la nation manquerait de pré-
voyance et de sagesse si elle ne conservait
pas elle-même avec un soin jaloux, le dé-
kôt précieux de sa souveraineté et de ses
libertés chèrement acquises.
Ja ne vois que le gouvernement du pays
par lui-même qui puisse réaliser cette con-
dition; je voterai donc pour le maintien
de la République et pour sa consolidation
par des lois sagement conservatrices, sous
l'égide desquelles les droits de chacun
trouvëront une énergique et légitime pro-
tection.
Vp rd bien affectionné,
Sebert,
D'ijuté de la Seine.
On lit dans le Bien public :
Nous croyous savoir que M. Denerman-
die, député de la Seine, entend rester fi
dftle au mandat qui lui avait été donné au
mois de juillet 1871, qu'il avait accepté et
dont le sens est : République conserva-
trice. C'est au surplus l'attitude que M.
Banormandie a toujours eue à la Chambre.
Sans être hostile en principe à la mo-
narchie, il aurait exprimé ce sentiment
que le parti conservateur eût agi sagement
en continuant l'œuvre dont il avait com-
mencé à suivre le programme après le 24
mai.
«
ALLOCUTION DE H. VAUTRAIN
AU CONSEIL GÉNÉRAL DE LA SEINE
Hier, à l'ouverture du conseil général de la
Seine, M. Vautrain, réélu président par 56
voix, a prononcé l'allocution suivante :
Messieurs, lorsque j'ai été appelé à l'hon-
neur de présider le conseil général de la
Seine, j'ai pris pour lègle ., de conduite le
respect absolu de la légalité et des attribu-
tions qui nous sont tracées par la loi. C est
ainsi qu'en -comprimant ies artlimrs peut-
être un peu trop vives au début, j'ai tou-
jours maintenu le conseil dans les limites
de la légalité. Nous avons iar là rendu les
plus grands services non-seulemenjt au dé-
partement de la Stine, mais au pays. La
France entière avait les yeux fixés sur le
conseil général du département de la Seine ,
dont la conduite a servi de règle aux
autres conseils géséraux.
Ce programme que j'ai constamment
suivi pendant trois années sera encore ce-
lui que je suivrai aujourd'hui. Vos suf-
frages m'en font une loi. Telle sera l'atti-
tude du président du conseil général de la
Seine..
Quant au député, il réglera sa ligne de
conduite à l'Assemblée natiotionale sur
les inspirations de sa conscience, sur ses
convictions, que chacun connaît, sur ses
anciennes déclarations, enfin, qui ont été
renouvelées sur sa profession de foi à ses
électeurs. »
D'unanimes applaudissements accueillent ces
paroles, prononcées d'un ton simple, mais ferme.
» —
ET APRÈS ?
Le duc d'Aumale a eu, dans l'interro-
gatoire qu'il a fait subir la semaine der-
nière au maréchal Bazaine, un mot bien
terrible :
— Qu'entendiezNvous,lui demanda-t-il,
par les honneurs de la guerre ?
— J'entendais, répondit le maréchal,
que je voulais sortir avec armes et ba-
gages.
— Sortir ? reprit le duc d'Aumale, et
après ?
Oui, après ? car c'est toujours à cette
question qu'il en faut revenir dans toutes
les affaires de ce monde. En toute chose,
disait jadis le fabuliste, il faut considé-
rer la fin.
C'est ce diable d'adverbe, suivi de son
obscur point d'interrogation, dont il me
semble que personne ne se soucie assez,
et qui m'inquiète fort, depuis qu'on nous
menace d'une restauration monarchi-
que.
Je suppose pour un instant, c'est une
hypothèse qui perd, Dieu merci, tous les
jours, quelque chance de succès, mais
enfin je suppose que les conspirateurs:
qui méditent le coup d'Etat parlemen-
taire que vous savez réussissent à mettre
sur le trône de France le comte de
Chambord proclamé roi.
J'admets encore que, le coup fait, tout
le monde en prenne son parti, par las-
situde et par ennui, que nous évitions
les horreurs de la guerre civile, et que
la nation tienne pour bonne et valable
cette singulière fiction légale qui remet
les destinées d'un peuple au hasard d'une
majorité d'une voix.
Voilà la royauté constituée; voilà le
roi bien établi, et la machine gouverne-
mentale fonctionnant sous cette impul-
sion nouvelle comme elle a toujours
marché sous tous les régimes. Il n'y a
pas eu de révolte ; pas de sang répandu ;
tout s'est passé en dbuceur et pour le
mieux. Vous voyez que je leur fais la
partie belle.
Ils sont, eux aussi, sortis avec les
honneurs de la guerre ; ils ont emporté
armes et bagages. Mais c'est alors que se
dresse l'interrogation du duc d'Aumale :
— Et après ?
Le roi, tout légitime et si absolu qu'il
soit, ne s'ingérera pas, je suppose, de
gouverner sans une Chambre. Personne
n'y songe assurément. On l'aura moins
nombreuse ; on tripotera le suffrage uni-
versel d'où elle devra émaner ; il est
certain qu'il en faudra une, que, sor-
tant des entrailles mêmes du pays, elle
aura, sinon plus de puissance effective,
au moins plus d'autorité et de crédit que
le roi, né d'une assez pauvre majorité
parlementaire.
Et si cette Chambre allait ne pas
être royaliste !
C'est à quoi les meneurs de l'intrigue
qui s'agite et se démine sous nos yeux
n'ont pas l'air de prêter la moindre at-
tention. Ils se croient sûrs de la France.
Les villes nous échapperont toujours, se
disent-ils; mais les campagnes seront
pour nous; et le paysan, c'est le nombre
et la force.
Je crains qu'ils ne soient loin de
compte. Ce qui les trompe, c'est qu'en
effet, en 52 et depuis lors jusqu'en
1870, l'innombrable armée des électeurs
ruraux a voté pour l'empire avec un en-
semble et une ténacité admirables.
— Ils votaient pour Napoléon ; ils vo-
teront donc pour Hsnry.
Le raisonnement n'est pas fort con-
cluant. Il n'est pas 4u tout sûr que s'ils
votaient pour l'empire, c'était unique-
ment parce que l'empire était le gouver-
nement établi. Peut-être en avaient-ils
une autre raison, qui était bien plus
puissante sur leurs esprits.
Ils votaient pour Napoléon parce qu'il
s'appelait Napoléon.
Les hommes primitifs n'ont pas beau-
coup d'idées ; mais quand il y en a une
qui a pénétré jusqu'au fond de leur dur
cerveau, il n'est rien qui l'en puisse ar-
racher. Quand il s'agit de choisir entre
Napoléon et Cavaignac, les politiques du
temps n'avaient point compté sur cet
entraînement des masses. Ils croyaient
avoir fait beaucoup de besogne en dé-
montrant, sous toutes les formes, que
le neveu n'était point l'oncle, qu'il n'é-
tait célèbre que par deux échauffourées
ridicules, tandis que Cavaignac avait
sauvé la société en péril. Peine et encre
perdues ! Ce nom de Napoléon avait
exercé sur toutes ces imaginations sim-
ples une fascination magique, et des
millions de paysans l'avaient inscrit sur
leur bulletin sans distinguer si celui qui
le portait devait s'en montrer digne.
: C'était un préjugé, un préjugé fort
sot, j'en conviens. Mais le préjugé, c'est
une des forces sociales les plus considé-
rables qu'il y ait au monde, et c'est sur-
tout en politique qu'il en faut tenir
compte. - - -
Eh bien ! y a-t-il chez le paysan fran-
çais un préjugé à l'endroit de la légiti-
mité et de ce qu'on appelle le 'vieux
.régime?
Il faudrait ne l'avoir jamais nratiqué
pour ignorer l'aversion instinctive et
profonde qu'il garde au fond de son
cœur contre ce vague et monstrueux
fantôme. Cette aversion n'est pas rai-
sonnée, elle n'en est que plus forte.
Elle se nourrit de légendes absurdes;
elle n'en a que plus d'empire sur des
imaginations crédules.
Vous aurez beau lui répéter que les
libertés dont il jouit à cette heure ne
courent aucun risque ; qu'il ne sera nul-
lement obligé de battre l'eau des fossés
pour protéger le sommeil du seigneur
contre le coassement des grenouilles;
qu'il est ridicule de croire qu'on rétabli-
ra le droit de jambage, qui n'a proba-
blement jamais existé.
Raisonnez avec lui tant qu'il vous
plaira.. Patrocinez j usques à la Pentecôte,
comme dit Rabelais, vous serez tout
étonné, quand vous serez au bout, de
ne lui avoir rien persuadé du tout. Ce
qu'il redoute et ce qu'il hait dans l'ancien
régime, ce n'est pas telle ou telle insti-
tution qui n'est plus, ce n'est pas un
détail plutôt qu'un autre. Il n'est pas
analyste, lui; c'est un homme de sensa-
tion. Il a peur de je ne sais quel formi-
dable ensemble de choses, qui se meut
dans l'ombre des siècles révolus. La peur
se raisonne-t-elle?
Dites si vous voulez que cette peur
n'a pas le sens commun, que cette haine
est sans motif. Il ne s'agit point de tout
cela. Elle existe, cette peur; elle existe,
cette haine; toutes deux sont des leviers
d'une puissance énorme, qui mettent
mouvement des millions d'électeurs.
A cette force irrésistible qu'opposerez-
vous ?
Vous croyez toujours que le danger
viendra pour vous des villes, parce que
c'est de là qu'il est en effet venu dans
nos dernières révolutions. Mais c'est
que jusqu'à présent on ne s'était jamais
encore heurté à ce préjugé vivaee qui
anime le paysan contre l'ancien ré-
gime.
C'est lui qui nommera la proehaine
Assemblée.
Croit-on sérieusement qu'il nommera
beaucoup de royalistes ?
Et remarquez que je ne fais aucune
allusion à des bruits qui circulent par-
tout, et que pour ma part je crois très-
fondés. Tous ceux qui connaissent l'es-
prit des campagnes, surtout dans le Midi,
sont unanimes à déclarer qu'une restau-
ration monarchique sera le signal d'une
jacquerie formidable ; que les paysans
affolés de terreur et de vengeance brûle-
ront les châteaux et pendront les pro-
priétaires.
Il n'est pas que vous n'ayez entendu
faire ces prédictions sinistres. Elles
ne sont malheureusement pas irréali-
sables. Mais écartons ces images funes-
tes. J'aime mieux croire que la légalité
sera toujours respectée.
C'est par la nomination d'une Cham-
bre nouvelle que le paysan marquera son
mécontentement, qu'il exhalera sa frayeur
et sa haine.
Voilà un roi établi par dix voix de ma-
jorité dans une Assemblée dont le pres-
tige était déjà bien affaibli; voilà une
Assemblée nouvelle, qui tire son autorité
du pays même dont elle est l'expres-
sion.
Ces deux pouvoirs sont en présence
et ennemis 1 un de l'autre. -
Et agrès ?
FRANCISQUE SARCEY.
6 —————————————
L'Univers se débat à coups de poing
bien assénés contre le Français et la
Presse.
La Presse a reproché au journal de M.
Veuillot « de ne pas laisser croire que
M. comte de Chambord a renoncé à tou-
tes ses idées, à tous ses principes, pour
se rallier au parlementarisme, pour être
le roi légitime de la révolution. Il
Et r l/nwers répond que, s'il ne veut
PRIX Du NUMÉRO : PARIS 15 CENTIMES — DÉPARTEMENTS 20 CENTIMES.
Mercredi 22 Octobre 1873.
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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JOURNÉE POLITIQUE
Pam, 2/ odtobrè 4873.
Dans une lettre qu'il écrit à M. Schérer,
M. Léon Say s'explique de nouveau sur
les sentiments des députés du centre gau-
che. « Le centre gauche sera unanime,
dit-il, et une majorité densnotie sens ne
paraît pas douteuse. » Et qui n'en serait
convaincu à lire les déclarations émues,
ardentes, passionnées, non-seulement des
hommes qui veulent le maintien de la Ré-
publique parce qu'ils appartiennent dès
longtemps au parti républicain, mais de ces
républicains nouveaux qui sont devenus ce
qu'on les voit par nécessité, par raisonne-
ment, par horreur des entreprises insen-
sées où l'on veut jeter leur pattlie?
Ce n'est point aux entraînements de
l'esprit de parti qu'obéissent M. André,
dont nous donnions hier la lettle, ou M.
Sebert, qui parle à sen tour aujourd'hui.
Voilà bien les représentants de cette vieille
bourgeoisie française, qu'on n'accusera
point de prendre feu pour des chimères,
ni de pécher jamais, en politique, par la
témérité. Mais c'est justement sa pru-
dence, autant que son honnêteté, qui se
révoltent à l'idée du coup de main au-
dacieux que préparent une poignée de fous
et d'infrigants:
La Restauration négociée en Autriche ,
et trente-six millions de Francais cédés à
un prince dont ils ont horreur, cela ne se
fera point; on ne trouvera pas une majo-
rité dans l'Assemblée qui ose tenter de
consommer "ce crime. Les meneurs de ce
hardi complot savent maintenant à quel
succès s'attendre ; et ce qui le leur fait voir
plus clairement que tout le reste, ce sont
des déclarations comme celles de MM. Se-
bart et André.
Aussi comprend-on bien que ces décla-
rations les exaspèrent, tandis qu'elles jet-
tent le doute et le découragement dans le
gros du parti. C'est contre les représen-
tants les plus modérés parmi ceux qui ne
veulent point nous laisser ravir les conque"
tes de 1789 (un vieux mot qu'il faut rajeu-
igir),c'est contre eux, à présent, que les feuil-
les royalistes tournent les derniers efforts
de leur polémique. M. André est accusé
d'avoir fait un pacte avec le radicalisme.
Que ne va-t-on pas dire aussi de M. Se-
bert ? Le radicalisme ? Il s'agit bien de ra-
dicalisme à l'heure actuelle ! Laissez parler
la France, la Franca, comme vous dites
si bien, qui travaille, qui produit, qui
épargne et qui possède. On ne vous
demande rien de plus : et si vous re-
fusez, c'est que vous avez peur, non pas
âu radicalisme, mais de la France ; c'est
que c'est contre la France même que vous
luttez.
Les réflexions que nous suggèrent les
lettres de MM. Sebert et André se peu-
vent appliquer aussi à l'excellente allo-
cution que prononçait hier M. Vautrain,
dans la séance d'ouverture de la session
du conseil général de la Seine. Le sincère
- respect de la légalité, entendu au sens le
plus strict, mais- aussi le sentiment pro-
fond de ses devoirs de représentant du
pays, voilà ce qu'on trouve et ce qu'on
louera dans les paroles de M. Vautrain.
Ajoutons que, l'honorable président du
conseil général a été réélu sans que la
gauche du conseil opposât aucune candi-
dature à la sienne ; conduite conciliante et
sage, dont le public lui saura gré.
Il y a peu d'autres faits à signaler dans
la politique intérieure. Il court cependant
mille bruits, dont le plus vraisemblable a
trait à la prochaine démission de M. Ma-
gne. Le ministre actuel des finances ne
psut plus rester, en effet, honorablement
dans le ministère. Nous ne mentionnons
que pour mémoire d'autres rumeurs qui
prêtent au gouvernement les projets les
plus ridicules : toute la France en état de
siège ; tous les journaux qui déplaisent
supprimés ; enfin, M. le général Ducrot
reprenant au ministère de l'intérieur le
rôle créé jadis par le général Espinasse.
Nous ferons l'honneur au gouvernement
de ne pas croire un mot de ces extrava-
gances; il mérite cependant qu'on l'en ait
supposé capable.
Nous renonçons à enregistrer tous les
acte» dé tyranniqùe arbitraire auxquels il
se livre. La presse est chaque jour frappée
avec acharnement ; et les municipalités ne
sont pas traitées mieux. Les conseillers
municipaux de Saint-Quentin ont écrit à
leurs députés une lettre politique, qu'on
avoue en elle-même irréprochable, pour
leur demander quel sera leur vote ; mais i's
n'avaient pas, paraît-il, le droit de 1 écrire
parce qu'ils sont conseillers municipaux.
Les voilà suspendus, le maire et les ad-
joints en tête. Quatre journaux avaient re-
produit leur adresse aux députés de l'Aili ne;
un arrêté du préfet interdit à ces quatre
journaux la vente sur la voie publique. Ce
qui précède n'est qu'un exemple entre
cent. Du reste, MM. les ministres et la
plupart de leurs préfets appartiennent au
parti qui, d'accord avec le prétendant, ga-
rantit à la France l'usage de ses libertés et
l'exercice de ses droits.
Eue. LIÉBERT.
; — —♦ —
M. Léon Say vient d'adresser à M. Scherer,
vice-président du centre gauche, la lettre sui-
vante :
20 octobre 1873.
Mon cher vice-président,
Je recois de nos collègues, MM. Max Ri-
card, Leeamus et Salvandy une acmêsion
complète au programme de notre dernière
réunion. Ils sont, comme nous, convaincus
doela nécessité de maintenir et d'organiser
la République conservatrice. Le centre gau-
che sera unanime, et une majorité dans
notre sens ne parait pas douteuse. Toutes
les affirmatiolis contraires sont hasardées,
quand elles ne sont pas simplement une
manœuvre de nos adversaires.
Recevez l'assurance de mes sentiments
bien dévoués.
LÉON SAY.
-—— ♦ ———————
M. le marquis de Plœuc, représentant
de la Seine, nous fait l'honneur de nous
communiquer la pièce que voici :
NOTE
«Le marquis de Plœuc a reçu une lettre
circulaire qui paraît avoir été adressée à
tous les députés de la Seine et qui était
signée de 2 7 membres du conseil général.
Il n'a pas cru devoir y répondre.
» Voici sps motifs :
» M. de PloeuG ne.reconnaît à personne
le droit de le mettre en demeure de s'ex-
pliquer sur tel ou tel de ses votes futurs à
l'Assemblée. — Il n'a pas accepté de man-
dat impératif.
x » Il ne se reconnaîtrait pas à lui-même
le droit d'aliéner son indépendance. Il
sait quel grand honneur il a reçu des élec-
teurs dé la Seine. Lé moment venu, il leur
rendra compte de son mandat, avec l'assu^
rance de qui n'a- obéi qu'à la voix de sa
conscience et à l'intérêt du pays. »
C'est fièrement parlé, et les notables
électeurs qui ont osé questionner leur
représentant reconnaîtront sans doute
avec nous qu'il n'a point mâché sa ré-
ponse. Indépendance, conscience, intérêt
du pays, tout y est, rien ne manque à la
formule. M. Johnston et M. Target pro-
fessent la même doctrine, mais d'un ton
moins assuré. Ils ont envoyé paître,
eux aussi, le vil troupeau des électeurs,
mais dans un paysage moins grandiose.
Nous préserve le ciel d'entrer en lice
avec un homme qui chevauche sur son
droit et fdit litière du nôtre ! Tout au
plus nous permettroRs-nous quelques
timides doléances.
Comment, diable ! M. le marquis de
Plœuc, qui ne se reconnaît pas à lui-
même le droit d'aliéner son indépen-
dance, fait-il si bon marché de l'indé-
pendance de 36 millions de Français?
C'est trop et trop peu de scrupule.
M. de Plœuc veut bien nous dire
que, le moment venu, il rendra compte
aux électeurs du mandat qu'ils lui ont
donné. A merveille! Mais quand vien-
dra-t-il, ce moment précieux pour nous ?
Nous faudra-t-il attendre les bras croi-
sés que M. de Plœuc et ses amis soient
las de nous représenter à Versailles et
qu'ils se mutent spontanément à la re-
traite?
C'est en vertu d'une fiction bien res-
pectable à coup sûr que M. de Piceuc
et quelques autres royalistes personni-
fient un département républicain comme
est la Seine.
La dernière élection n'a donné que
27,000 voix au candidat de la coalition
légitimiste, orléaniste et bonapartiste.
L'échec du colonel Stoffel a dû faire com-
prendre à l'honorable M. de Plœuc qu'il
ne représentait plus qu'une infime mi-
norité, ou, pour parler poliment, une
élite, un simple dessus de panier. Dans
les pays où la logique n'a pas perdu
..droit de cité, il ne faudrait pas d'autres
signes pour indiquer à M. le marquis de
Plœuc que le moment est venu. Il n'en
veut rien croire et il fait la sourde oreille
comme tant d'autres, parce que tel est
son bon plaisir, et les souverains ne
connaissent ,pas d'autre loi.
0 bonnes bêtes d'électeurs, mes très-
chers frères, tâchez que cette leçon vous
.profite 1 Quand vous donnerez un man-
dat, ayez soin d'en définir les termes et
d'en limiter la durée.
Et surtout ne souffrez jamais qu'on
vous impose un roi, car les rois sont des
marquis irresponsables, qui n'ont point
de comptes à rendre et qui ne relèvent
que de l'histoire f
- ABOUT.
e
Oa lit dans l'estimable Français, dirigé
par le fils Beslay :
On nous annonce que l'escadre insurgée sor-
tie de Garthagèae se disposerait à bombarder
Valence. Le droit des gens oblige nos vaisseaux
à assister en spectateurs à ce sinistre brigan-
dage. L'Europe ne nous ferait pas crédit si nous
nous laissions aller à un mouvement do géné-
reuse aolère. Et d'ailleurs, nous entendons d'ici
les cris que pousserait la presse radicale, nous
accusant d'intervention. Ne sont-ce pas ses al-
liés, ses compères, qui sont à Carthagène ? Ce
sont les émigrés de la Commune parisienne ;
leur conduite, c'est la Commuue en action;
cette Commune — ne l'oublions pas — que M.
Gambetta n'a jamais osé désavouer. Il est bon,
en tout cas, de voir ainsi où aboutit le dernier
mot du progrès révolutionnaire : l'incendie de
Paris, le bombardement d'Alicante et de Va-
lence.
Bon courtisan, le fils Beslay; mais bien
mauvais fils I
Nous prions nos lecteurs de bien remar-
quer le conditionnel que nous avons souli-
gné dans les lignes qui précèdent. Toute
cette belle colère du fils Beslay vient du
« brigandage » que les insurgés espagnols
pourraient bien avoir l'intention de se dis-
poser à commettre! Trop de zèle, fils Bes-
lay; trop de zèle! 1
, E. g,
Léurs promesses
.- La bonne foi est à l'ordre du jour; on
ne parle que d'engagements pris, de
serments reçus, et le premier comme le
dernier mot du programme rapporté en
train express par ces deux parangons de
vertu nommés Lucien Brun et Chesne-
long, c'est: Confiance ! confiance ! Le roi
vous promet tottt ce que vous voudrez ;
il a un moyen à lui de tout vous accor-
der sans sacrifier rien; seulement, il ne
tiendra sa promesse que le jour où vous
lui aurez mis la couronne sur la tète et
la force armée dans la main. Mais ne
craignez point qu'il en abuse ; le roi n'a
qu'une parole, chacun sait ça.
Confiance ! confiance ! nous dit-on en-
coral; le roi en personne n'a point parlé ;
mais MM. Lucien Brun et Chesnelong se
sont engagés pour lui; c'est tout comme.
Et, en effet, nous avons montré hier
comme quoi la parole de M. Brun est
d'argent; comme quoi son silence eût
été d'or le 19 janvier 1872, alors qu'il
trompait l'Assemblée en lui donnant lec-
ture d'une pièce soi-disant recouverte
des meilleures et des plus solides signa-
tures, mais qu'il eut bien soin de ne plus
jamais exhiber depuis. - --
Si nous insistons sur ce fait, c'est
pour répondre au Français, qui, avec sa
loyauté habituelle, dénature absolument
la portée du reproche que nous adres-
sions hier à M. Lucien Brun. Suivant
cet estimable journal, nous tenons pour
suspects les renseignements rapportés
de Salzbourg par M. Lucien Brun, « par
cette raison que M. Lucien Brun aurait
présenté, lors de la discussion sur les
matières premières, un système d'im-
pôts qui n'a pas répondu à son attente. »
Les lecteurs du Français vont s'imaginer,
après cela, que le système d'impôts de
M. Brun a été essayé et n'a point réussi,
ce qui ne constituerait pas un cas pen-
dable. Mais le Français n'ignore pas que
ce système d'impôts n'a jamais existé, n'a
jamais été qu'un système de tromperie
destiné à convaincre la Chambre de ne
point voter l'impôt demandé par M.
Thiers.
M. Lucien Brun n'avait point parlé
d'impôts ; il avait dit : Ne votez pas les
matières premières ; j'ai dans la main
un engagement formel, signé des plus
hauts noirs du commerce et de l'indus-
trie, de fournir los 165 millions néces-
saires à l'équilibra du budget. — Et
l'on ne vota point les matières premières;
mais jamais M. Lucien Brun ne reparla
des 165 millions qu'il avait formellement
affirmé avoir dans sa main.
Voilà pourquoi, malgré les excellents
certificats que lui délivre le Français,
nous ne croyons plus, et nous avons le
droit de ne plus croire à la parole de M.
Lucien Brun.
Le mensonge, d'ailleurs — il est grand
temps d'appeler les choses par leur nom
— est la monnaie courante du grand
parti de l'ordre. N'est-ce point sous le
masque menteur de la conservation so-
ciale que, depuis quatre-vingts ans, il re-
vient sans cesse à la charge, semant le
trouble dans les consciences et récoltant
les révolutions dans la rue ? Qu'ont fait
Napoléon Ier, Louis XVIII, Charles X,
Louis Philippe et Napoléon III ? Ils ont
tous fait des promesses, ils ont tous fait
des serments; tous ont menti, menti,
menti.
Et s'il nous est permis
Après tant de héros do citer Childebraud,
nous demanderons à l'incorruptible
Français de nous dire ce qu'il pense d'un
certain M. Target, dont la réputation a
dû parvenir jusqu'à lui. M. Target est un
homme d'ordre ; M. Target fait partie
de la ligue des gens de bien ; M. Target
votera la monarchie : il le dit, ou le
laisse entendre, et cette fois, nous l'en
croyons volontiers sur parole. Pourtant
M. Target avait déclaré solennellement,
dans la deuxième séance du samedi
24 mai 1873, qu'il voterait la Républi-
que.
« Au nom d'un certain nombre de mes
collègues, dit-il, je viens faire une décla-
ration pour qu'il n'y ait point d'ambiguïté
dans notre vote. (Il s'agissait de renver-
ser ou de maintenir M. Thiers.)
» Tout en nous associant à l'ordre du
jour, nous nous déclarons résolus à accepter
la solution républicaine telle qu'elle résulte
de Vensemble des lois constitutionnelles pré-
sentées par le gouvernement, et à mettre fin
à un provisoire qui compromet les inté-
rêts moraux et matériels du pays. »
M. Paul Target votera la monarchie ,
et il fera bien, car autrement il -donne-
rait à supposer que le parti républicain
met un trop grand prix à son vote.
On nous dira que si M. Target tient si
mal ses promesses, cela ne veut point
dire que M. le comte de Chambord fera
de même. Dùt Sa Majesté ne point se
trouver flattée du rapprochement, nous
répondrons : Pourquoi pas? Tout se tient
dans cette affaire : M. le comte de Cham-
bord jure de ne jamais faire de conces-
sions; M. Lucien Brun jure qu'il en fera;
M. Target jure de voter la République,
et il votera la monarchie; tous deux,
au même litre que ceux de leurs collè-
gues qui voteront dans le même sens,
deviendront solidaires et garants de la
parole royale. Or, nous avons vu com-
ment M. Lucien Brun tient ses engage-
ments; nous voyons comment M. Tar-
get fait honneur à ses déclarations les
plus solennelles; nous savons enfla gjh
Henri V fait bon marché des serments
du tfomte de Chambord !
Confiance! confiance !
E. SCHNERB.
*
Voici la lettre de M. Target, à laquelle il
vient d'être fait allusion :
Messieurs,
Je viens de recevoir votre lettre chargée du 13
octobre ; quoique je sois d'habitude un corres-
pondant exact, j'ai été tenté un instant de ne
vous répondre que par le silence. Vous parais-
sez vous arroger le droit de me dicter mes ac-
tes et mes votes fllturg ; à tort ou à raison, je
ne reconnais ce droit à personne.
Quant à l'engagement que, d'après vous, j'au-
rais pris en septembre 1870 de mettre la Répu-
blique, toujours et quand même, au-dessus de ce
qui apparaît, aujourd'hui, à plus d'un honnête
homme, comme le seul moyen de sauver la
France et de lui rendre des alliés en Europe, je
la nie de la manière la plus formelle. Je n'ac-
cepterai jamais de mandat impératif, et si j'a-
vais eu la faiblessç d'en accepter un en 1870, je
me défierais des obligations qu'il m'imposerait,
en donnant, sans ratard, ma démission.
Je n'hésite cependant pas à vous dire que je'
serai à la place que les électeurs du Calvados
m'ont permis d'occuper, au moment où s'enga-
gera le grand et solsnnel débat qui décidera de
l'avenir de la France. Vous trouverez bon que
je ne réponde pas à certaines autres parties de
votre lettre et vous voudrez bien, j'ose l'espé-
rer, attendre mes actes et mes votes, pour les
apprÈcwf et içs jug#r. .h - -.-.
J'entends donc, messieurs, conserver la liberr
té absolue de mon vote, dussé-je perdre défi-
nitivement votre confiance. N'êtes-vous pas,
après tout, au nombre de ceux qui se sont in-
géniés, depuis quelques mois, à me prêter, des
pensées et des projets que n'ont motivés ni mon
langage, ni mon attitude?
Ceux qui me connaissent savent que, si je
suis rélolûment dévoué aux intérêts conserva-
teurs, à trop juste litre alarmés, je n'abandon-
nerai jamais le drapeau qui est le symbole de
toutes les conquêtes modernes. Pour tout le
reste, je garderai le silence, et vous m'approu-
verez de ne me pas départir d'une réserve à
laquelle je suis tenu et que je n'ai peut-être
pas conservée assez scrupuleusement aujour-
d'hui.
Je vous prie, à mon tour, messieurs, d'agréer
mes bien sincères salutations.
PAUL TARUET.
*1 1.1. —M. 0 — ll.l.l.»—^ ,
LES DÉPUTÉS DE PARIS
M. Sebert, député de la Seine, a adressé à la
Liberté la lettre suivante :
A monsieur Léonce Détroyat, directeur politique
de la Libené.
Paris, 20 octobre 1873.
Mon cher ami,
La Liberté d'hier, dans un article sur
M. Casimir Périer et ses amis, composant
la réunion de la « République conserva-
trice D, veut bien reconnaître que les dé-
putés de ce groupe sont honnêtes et sym-
pathiques; mais, en même temps, elle les
présente comme étant sans programme,
sans convictions arrêtées, sans volonté ni
fermeté et pleins d'hésitation.
J'ignore si cette sévère appréciation est
applicable à quelques membres de la réu-
nion dont je fais partie; j'espère que non;
mais elle ne peut certainement s'ppliquer
à moi, car j'ai depuis longtemps, quoique
je ne l'aie jamais fait connaître publique-
ment autrement que par mes votes, une
conviction bien arrêtée.
Je voterai sans hésitation contre les pro-
jets de restauration d'une monarchie tom-
bée, il y a plus de quarante ans, sous le
poids d'une impopularité et d'une antipa-
thie qui n'ont pas cessé depuis.
Les récentes élections, comme celles du
mois d'avril, en sont l'éclatante démons-
tration; car elles n'ont certainement été
aussi regrettableiÎ\ent accentuées que com-
me protestation anticipée du pays contre
les projets monarchiques attribués depuis
longtemps déjà à la droite de l'Assemblée.
J'ai la plus grande estime et le plus pro-
fond respect pour le caractère du prince
personnifiant le principe monarchique ; je
crois M. le comte de Chambord animé des
meilleures et des plus conciliantes inten-
tions, mais j'ai, en même temps, la con-
viction que le parti dont il s'entourerait
forcément le conduirait vite aux abîmes,
comme son aïeul y a été conduit par le
parti rétrograde et ultramontain d'alors.
La France, quoique essentiellement con-
servatrice, voudra, on n'en peut douter,
conserver la souveraineté nationale, la
plus grande et la plus importante des cou-
quêtes de la Révolution, son code immor-
tel qui a tant contribué à la démocratiser,
l'égalité civile, la liberté de conscience et
les autres bienfaits du droit publio mo-
derne.
Cependant les partisans de la monarchie,
qui se croient en majorité dans l'Assem-
blée, la disent faite.
J'en doute, parce que la France, par les
dernières manifestations de ses sentiments
politiques, aindiqué énergiquement qu'elle
n'est pas disposée à abdiquer sa souverai-
neté, ni à confier à la monarchie légitime
le dépôt de ses libertés et de ses autres
conquêtes.
Pour éviter de nouvelles révolutions,
que la France ne pourrait-plus supporter
et que ne manquerait pas de lui amener
dans un temps donné l'établissement d'u-
ne monarchie sans racines dans le pays,
je crois que la nation manquerait de pré-
voyance et de sagesse si elle ne conservait
pas elle-même avec un soin jaloux, le dé-
kôt précieux de sa souveraineté et de ses
libertés chèrement acquises.
Ja ne vois que le gouvernement du pays
par lui-même qui puisse réaliser cette con-
dition; je voterai donc pour le maintien
de la République et pour sa consolidation
par des lois sagement conservatrices, sous
l'égide desquelles les droits de chacun
trouvëront une énergique et légitime pro-
tection.
Vp rd bien affectionné,
Sebert,
D'ijuté de la Seine.
On lit dans le Bien public :
Nous croyous savoir que M. Denerman-
die, député de la Seine, entend rester fi
dftle au mandat qui lui avait été donné au
mois de juillet 1871, qu'il avait accepté et
dont le sens est : République conserva-
trice. C'est au surplus l'attitude que M.
Banormandie a toujours eue à la Chambre.
Sans être hostile en principe à la mo-
narchie, il aurait exprimé ce sentiment
que le parti conservateur eût agi sagement
en continuant l'œuvre dont il avait com-
mencé à suivre le programme après le 24
mai.
«
ALLOCUTION DE H. VAUTRAIN
AU CONSEIL GÉNÉRAL DE LA SEINE
Hier, à l'ouverture du conseil général de la
Seine, M. Vautrain, réélu président par 56
voix, a prononcé l'allocution suivante :
Messieurs, lorsque j'ai été appelé à l'hon-
neur de présider le conseil général de la
Seine, j'ai pris pour lègle ., de conduite le
respect absolu de la légalité et des attribu-
tions qui nous sont tracées par la loi. C est
ainsi qu'en -comprimant ies artlimrs peut-
être un peu trop vives au début, j'ai tou-
jours maintenu le conseil dans les limites
de la légalité. Nous avons iar là rendu les
plus grands services non-seulemenjt au dé-
partement de la Stine, mais au pays. La
France entière avait les yeux fixés sur le
conseil général du département de la Seine ,
dont la conduite a servi de règle aux
autres conseils géséraux.
Ce programme que j'ai constamment
suivi pendant trois années sera encore ce-
lui que je suivrai aujourd'hui. Vos suf-
frages m'en font une loi. Telle sera l'atti-
tude du président du conseil général de la
Seine..
Quant au député, il réglera sa ligne de
conduite à l'Assemblée natiotionale sur
les inspirations de sa conscience, sur ses
convictions, que chacun connaît, sur ses
anciennes déclarations, enfin, qui ont été
renouvelées sur sa profession de foi à ses
électeurs. »
D'unanimes applaudissements accueillent ces
paroles, prononcées d'un ton simple, mais ferme.
» —
ET APRÈS ?
Le duc d'Aumale a eu, dans l'interro-
gatoire qu'il a fait subir la semaine der-
nière au maréchal Bazaine, un mot bien
terrible :
— Qu'entendiezNvous,lui demanda-t-il,
par les honneurs de la guerre ?
— J'entendais, répondit le maréchal,
que je voulais sortir avec armes et ba-
gages.
— Sortir ? reprit le duc d'Aumale, et
après ?
Oui, après ? car c'est toujours à cette
question qu'il en faut revenir dans toutes
les affaires de ce monde. En toute chose,
disait jadis le fabuliste, il faut considé-
rer la fin.
C'est ce diable d'adverbe, suivi de son
obscur point d'interrogation, dont il me
semble que personne ne se soucie assez,
et qui m'inquiète fort, depuis qu'on nous
menace d'une restauration monarchi-
que.
Je suppose pour un instant, c'est une
hypothèse qui perd, Dieu merci, tous les
jours, quelque chance de succès, mais
enfin je suppose que les conspirateurs:
qui méditent le coup d'Etat parlemen-
taire que vous savez réussissent à mettre
sur le trône de France le comte de
Chambord proclamé roi.
J'admets encore que, le coup fait, tout
le monde en prenne son parti, par las-
situde et par ennui, que nous évitions
les horreurs de la guerre civile, et que
la nation tienne pour bonne et valable
cette singulière fiction légale qui remet
les destinées d'un peuple au hasard d'une
majorité d'une voix.
Voilà la royauté constituée; voilà le
roi bien établi, et la machine gouverne-
mentale fonctionnant sous cette impul-
sion nouvelle comme elle a toujours
marché sous tous les régimes. Il n'y a
pas eu de révolte ; pas de sang répandu ;
tout s'est passé en dbuceur et pour le
mieux. Vous voyez que je leur fais la
partie belle.
Ils sont, eux aussi, sortis avec les
honneurs de la guerre ; ils ont emporté
armes et bagages. Mais c'est alors que se
dresse l'interrogation du duc d'Aumale :
— Et après ?
Le roi, tout légitime et si absolu qu'il
soit, ne s'ingérera pas, je suppose, de
gouverner sans une Chambre. Personne
n'y songe assurément. On l'aura moins
nombreuse ; on tripotera le suffrage uni-
versel d'où elle devra émaner ; il est
certain qu'il en faudra une, que, sor-
tant des entrailles mêmes du pays, elle
aura, sinon plus de puissance effective,
au moins plus d'autorité et de crédit que
le roi, né d'une assez pauvre majorité
parlementaire.
Et si cette Chambre allait ne pas
être royaliste !
C'est à quoi les meneurs de l'intrigue
qui s'agite et se démine sous nos yeux
n'ont pas l'air de prêter la moindre at-
tention. Ils se croient sûrs de la France.
Les villes nous échapperont toujours, se
disent-ils; mais les campagnes seront
pour nous; et le paysan, c'est le nombre
et la force.
Je crains qu'ils ne soient loin de
compte. Ce qui les trompe, c'est qu'en
effet, en 52 et depuis lors jusqu'en
1870, l'innombrable armée des électeurs
ruraux a voté pour l'empire avec un en-
semble et une ténacité admirables.
— Ils votaient pour Napoléon ; ils vo-
teront donc pour Hsnry.
Le raisonnement n'est pas fort con-
cluant. Il n'est pas 4u tout sûr que s'ils
votaient pour l'empire, c'était unique-
ment parce que l'empire était le gouver-
nement établi. Peut-être en avaient-ils
une autre raison, qui était bien plus
puissante sur leurs esprits.
Ils votaient pour Napoléon parce qu'il
s'appelait Napoléon.
Les hommes primitifs n'ont pas beau-
coup d'idées ; mais quand il y en a une
qui a pénétré jusqu'au fond de leur dur
cerveau, il n'est rien qui l'en puisse ar-
racher. Quand il s'agit de choisir entre
Napoléon et Cavaignac, les politiques du
temps n'avaient point compté sur cet
entraînement des masses. Ils croyaient
avoir fait beaucoup de besogne en dé-
montrant, sous toutes les formes, que
le neveu n'était point l'oncle, qu'il n'é-
tait célèbre que par deux échauffourées
ridicules, tandis que Cavaignac avait
sauvé la société en péril. Peine et encre
perdues ! Ce nom de Napoléon avait
exercé sur toutes ces imaginations sim-
ples une fascination magique, et des
millions de paysans l'avaient inscrit sur
leur bulletin sans distinguer si celui qui
le portait devait s'en montrer digne.
: C'était un préjugé, un préjugé fort
sot, j'en conviens. Mais le préjugé, c'est
une des forces sociales les plus considé-
rables qu'il y ait au monde, et c'est sur-
tout en politique qu'il en faut tenir
compte. - - -
Eh bien ! y a-t-il chez le paysan fran-
çais un préjugé à l'endroit de la légiti-
mité et de ce qu'on appelle le 'vieux
.régime?
Il faudrait ne l'avoir jamais nratiqué
pour ignorer l'aversion instinctive et
profonde qu'il garde au fond de son
cœur contre ce vague et monstrueux
fantôme. Cette aversion n'est pas rai-
sonnée, elle n'en est que plus forte.
Elle se nourrit de légendes absurdes;
elle n'en a que plus d'empire sur des
imaginations crédules.
Vous aurez beau lui répéter que les
libertés dont il jouit à cette heure ne
courent aucun risque ; qu'il ne sera nul-
lement obligé de battre l'eau des fossés
pour protéger le sommeil du seigneur
contre le coassement des grenouilles;
qu'il est ridicule de croire qu'on rétabli-
ra le droit de jambage, qui n'a proba-
blement jamais existé.
Raisonnez avec lui tant qu'il vous
plaira.. Patrocinez j usques à la Pentecôte,
comme dit Rabelais, vous serez tout
étonné, quand vous serez au bout, de
ne lui avoir rien persuadé du tout. Ce
qu'il redoute et ce qu'il hait dans l'ancien
régime, ce n'est pas telle ou telle insti-
tution qui n'est plus, ce n'est pas un
détail plutôt qu'un autre. Il n'est pas
analyste, lui; c'est un homme de sensa-
tion. Il a peur de je ne sais quel formi-
dable ensemble de choses, qui se meut
dans l'ombre des siècles révolus. La peur
se raisonne-t-elle?
Dites si vous voulez que cette peur
n'a pas le sens commun, que cette haine
est sans motif. Il ne s'agit point de tout
cela. Elle existe, cette peur; elle existe,
cette haine; toutes deux sont des leviers
d'une puissance énorme, qui mettent
mouvement des millions d'électeurs.
A cette force irrésistible qu'opposerez-
vous ?
Vous croyez toujours que le danger
viendra pour vous des villes, parce que
c'est de là qu'il est en effet venu dans
nos dernières révolutions. Mais c'est
que jusqu'à présent on ne s'était jamais
encore heurté à ce préjugé vivaee qui
anime le paysan contre l'ancien ré-
gime.
C'est lui qui nommera la proehaine
Assemblée.
Croit-on sérieusement qu'il nommera
beaucoup de royalistes ?
Et remarquez que je ne fais aucune
allusion à des bruits qui circulent par-
tout, et que pour ma part je crois très-
fondés. Tous ceux qui connaissent l'es-
prit des campagnes, surtout dans le Midi,
sont unanimes à déclarer qu'une restau-
ration monarchique sera le signal d'une
jacquerie formidable ; que les paysans
affolés de terreur et de vengeance brûle-
ront les châteaux et pendront les pro-
priétaires.
Il n'est pas que vous n'ayez entendu
faire ces prédictions sinistres. Elles
ne sont malheureusement pas irréali-
sables. Mais écartons ces images funes-
tes. J'aime mieux croire que la légalité
sera toujours respectée.
C'est par la nomination d'une Cham-
bre nouvelle que le paysan marquera son
mécontentement, qu'il exhalera sa frayeur
et sa haine.
Voilà un roi établi par dix voix de ma-
jorité dans une Assemblée dont le pres-
tige était déjà bien affaibli; voilà une
Assemblée nouvelle, qui tire son autorité
du pays même dont elle est l'expres-
sion.
Ces deux pouvoirs sont en présence
et ennemis 1 un de l'autre. -
Et agrès ?
FRANCISQUE SARCEY.
6 —————————————
L'Univers se débat à coups de poing
bien assénés contre le Français et la
Presse.
La Presse a reproché au journal de M.
Veuillot « de ne pas laisser croire que
M. comte de Chambord a renoncé à tou-
tes ses idées, à tous ses principes, pour
se rallier au parlementarisme, pour être
le roi légitime de la révolution. Il
Et r l/nwers répond que, s'il ne veut
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