Sixième Année - N* 1498 Prix du Numéro à Paris : 15 Centimes — Départements : 20 Centimes Vendredi 14 Janvier 1870
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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de chaque mois.
BULLETIN
Paris, 13 janvier 1876.
On peut dire que la crise ministérielle
est arrivée à une solution, en ce sens qu'une
décision a été prise hier matin en conseil
des ministres. Mais quelle est cette déci-
sion ? C'est le Journal officiel de ce matin
qui l'apprendra au public. Il contiendra,
c'est le gouvernement qui l'annonce par
son organe officieux habituel, un manifeste
du maréchal-président de la République au
peuple français. Personne, sans doute, en
dehors du ministère, ne connaît, à l'heure
où nous écrivons, le sens précis de cette
grave déclaration. Les personnes qui se
donnent comme les mieux informées
croient savoir qu'elle sera la résultante et
l'écho d'un accord rétabli entre les diffé-
rents membres du ministère, et que le ca-
binet, en conséquence, pourra se trainer
jusqu'aux élections dans l'état d'homogé-
néité relative où il a cherché à se mainte-
nir depuis qu'il existe. Nous le souhaitons
et n'en dirons pas davantage aujourd'hui.
Les commentaires seraient vagues à l'heure
où nous écrivons, et les prévisions inutile.
à l'heure où nous paraîtrons.
Les nouvelles étrangères font d'un inté-
rêt médiocre, au moment surtout où la
nouvelle équipée de M. Buffet a jeté le
pays dans un pénible état d'anxiété au su-
jet de ses affaires intérieures. La Prusse
fait démentir la nouvelle donnée par un,
journal étranger de la mise en activité de
plusieurs bâtiments de guerre prussiens.
Use lettre du grand-vizir, publiée dans
les journaux de l'empire ottoman, rassure
les porteur* de la Dette turque et affirme
que le Trésor a pris des mesures pour le
payement du coupon de janvier.
La Ohambre des représentants des Etats-
Unis a repoussé la motion d'amnistie com-
plète en faveur des individus qui ont pris
part à l'insurrection du Sud.
Enfin l'approbation du projet Andrassy
par le gouvernement anglais est attendue
incessamment. Quand elle sera arrivée,
le concours des grandes puissances euro-
péennes sera unanime lur ce point, et les
prolégomènes de la grande affaire seront
terminés,. les prolégomènes seulement.
Des bruits, mais pas de nouvelles.
C'est la meilleure preuve que les négo-
ciations n'ont pas abouti et que la crise
continue. Nous ne voyons guère que M.
Buffet pour se féliciter d'un tel résul-
tat. Le pays était tranquille, et la
- France donnait à l'Europe ce specta-
cle d'une grande nation où dix millions
de citoyens peuvent être mis en mouve-
ment pour décider de leur avenir sans
qu'apparaisse sur aucun point la plus
légère trace d'agitation. Mais on avait
compté sans M. Buffet. Il était sans
doute entré dans ses calculs de ne point
laisser passer la période électorale sans
rappeler au pays, qui ne demandait
qu'à l'oublier, sa préseace au minis-
tère. Depuis quelques jours, les feuil-
les à sa dévotion faisaient entendre des
doléances sur ce qu'elles appelaient l'a-
pathie des conservateurs. On les accu-
sait de trop compter sur la candida-
ture officielle, de trop considérer leurs
arrondissements comme autant de Ca-
poues où l'élection vient en dormant.
Aidez-vous, nos fonctionnaires vous ai-
deront, criaient les hérauts de M. Buf-
fet. Mais les conservateurs ne se ré-
veillaient pas.
M. Buffet comprit alors qu'il fallait
frapper un grand coup. Et la crise mi-
nistérielle éclata. Elle dure encore.
Le conseil des ministres tenu dans
la séance de mardi n'avait abouti à au-
cun résultat. Celui d'hier matin n'a pas
amené non plus de solution défini-
tive. Ou avait parlé d'un programme
que les ministres devaient rédiger
en collaboration et qui serait devenu,
pendant les deux mois de période élec-
torale, le bréviaire ministériel. M. Baf-
fet a apporté son programme, M. Du-
- faure le sien, et l'on s'est aperçu, après
mûr examen, qu'il était impossible de
fondre les deux en un. Une négation et
une affirmation mariées ensemble n'ont
jamais rien produit; or, M. Dufaure
affiime la constitution, et M. Buffet la
nie dans ses parties essentielles ; là où
M. Dufaure voit tout un système de
gouvernement, M. Buffet persiste à ne
voir qu'un homme. Le moyen de s'en-
tendre ?
Cette situation ne peut cependant
pas se prolonger indéfiniment. Il peut
entrer dans les vues des conservateurs
d'entretenir une crise de nature à lais-
ser croire que le principe d'autorité est
en péril, et que décidément la consti-
tution du 25 février a besoin d'être ré-
visée le plus tôt possible. Mais la ma-
nœuvre, cette fois, est trop grossière;
et ce serait à désespérer de notre pays
si l'on pouvait lui faire admettre que
des hommes tels que MM. Dufaure et
Léon Say, MM. Wallon, Caillaux et
Decazes effarouchent les susceptibilités
conservatrices de M. Buffet.
Il serait question, assure-t-on, d'une
proclamation du président de la Répu-
blique au peuple français. A quel pro-
pos, grands dieux? On n'aurait trouvé
que ce moyen de sortir d'embarras.
Nous voulons bien croire qu'on n'avait
pas le choix, mais on ne pouvait assu-
rément imaginer un expédient plus re-
grettable. Toutefois il ne faut point
s'étonner. Depuis que l'on voit se suc-
céder au pouvoir des ministres « con-
servateurs, » c'est toujours ainsi que
toutes les difficultés ont été tranchées,
et elles ne pouvaient l'être autrement.
Quand des ministres n'obéissent à d'au-
tre principe politique que de tout con-
fondre, de tout embrouiller, de prendre
toutes les questions à rebours, et tous
les problèmes à contre-sens, la moin-
dre difficulté se change en nœud gor-
dien ; il faut l'épée d'Alexandre pour
en venir à bout. Aussi les Broglie, les
Fourtou, les Chabaud-Latour, les Buffet
n'ont-ils jamais manqué d'y avoir re-
cours. Le maréchal de Mac-Mahon a
servi constamment d'ultima ratio aux
ministres de combat.
On regrettera que M. le président de
la République ait cru devoir intervenir
dans cette circonstance, et avec tant
de solennité. Une proclamation au
peuple français, sous quelque régime
que ce soit, suppose des événements
d'une gravité exceptionnelle ; mais bien
plus encore sous un gouvernement
constitutionnel et parlementaire, sous
un gouvernement républicain comme
celui du 25 février, où les ministres
sont individuellement responsables de
leurs actes et ne peuvent ni ne doi-
vent jamais engager la responsabilité
du chef de l'Etat.
Cette réserve faite, il reste à savoir
ce que sera cette proclamation. Les
officieux ont pris les devants et assu-
rent qu'elle ne sera rien autre chose
qu'une nouvelle édition revue et aggra-
vée du programme ministériel du 12
mars. Nous souhaitons qu'ils se trom-
pent, et c'est le témoignage le plus
sincère que nous puissions donner de
notre respect pour ces pouvoirs que
M. Buffet prétend menacés par les ré-
publicains. Jusqu'ici le parti républi-
cain, prenant au sérieux la constitu-
tion tout entière, résolu à la respecter
dans toutes ses parties et à la défen-
dre contre toutes les attaques, s'est
donné pour règle invariable d'élever
au-dessus de tout débat la personne
et les pouvoirs du président de la
République. En revanche, ils avaient
le droit d'espérer que le chef de
l'Etat, cédant à des conseils aveugles,
ne sortirait pas du rôle que lui at-
tribue la constitution. Mais M. Buffet
en a décidé autrement ; à bout de res-
sources et se sentant incapable de lut-
ter seul plus longtèmpfl, il appelle le
maréchal à son secours. Que lui importe
de le compromettre pourvu qu'il se
sauve, lui ! v
Mais se sauvera-t-il, seulement ? S'il
était vrai que le chef de l'Etat eût con-
senti à couvrir de son nom les fautes
de M. Buffet, s'il paraissait aujourd'hui
une proclamation comme celle qu'on
annonce, nous allions dire dont on nous
menace, il est certain que l'élément li-
béral et vraiment constitutionnel du
cabinet n'hésiterait plus à se retirer.
MM. Dufaure et Léon Say, peut-être
MM. Wallon, Decazes et Caiilaux quit-
teraient le ministère. Et par qui se-
raient-ils remplacés ? Peu importent les
noms; mais on voit assez que la lutte
électorale, si pacifique et si calme, se
changerait aussitôt en une véritable
bataille, non moins correcte et régu-
lière, mais plus ardente, plus passion-
née, et forcément la conciliation y au-
rait moins de part.
Est-ce là que-tendent les efforts de M.
le vice-président du conseil? Veut-il,
jusqu'au bout, tenir la gageure de re-
monter un courant où de plus forts que
lui se sont vus submergés ? C'est son
affaire. Mais son droit s'arrête là, et il
fait quelque chose de plus qu'un acte
de mauvais ministre en essayant d'a-
briter sa responsabilité, qui, seule,
doit rester en jeu, derrière la personne
du chef de l'Etat.
1 E. SCHNERB.
———————— «#.
L'agence Havas donnait hier, sur la
suite de la crise, les renseignements sui-
vants : -
Leconseildes ministres a tenu, cette après-
mIdI, une séance qui M'est prolysgée jusque
vers les six heures.
Il a discuté les termes d'an programme
électoral.
Dans une séance qui se tiendra demain à
neuf heures et demia du matin, il contiauera
fexamen de ce programme.
; On pense qu'à ce conseil une solution, que
| ¡ r.. ;.i ":
Ion espère favorable au maintien intégral du
cabinet, interviendra aux questions actuelle-
ment pendantes.
Le Journal de Paris publiait en DER-
NIÈRE HEURE les nouvelles suivantes :
La Crise ministérielle.
Proclamation du Maréchal-Président
au Peuple français.
Le conseil des ministres s'est réuni ce ma-
tin, à neuf heures et demie.
Il s'est séparé à midi.
L'accord s'est fait sur la plupart des ques-
tions.
Tous les ministres restent à leur poste, au
moins quant à présent.
Toutefois la démission de M. Léon Say
n'est pas encore officiellement retirée.
D « main matin paraîtra, au Journal officiel,
une proclamation du maréchal de M&c-
Mabon, président de la République, au peu-
ple français.
Cette proclamation est contresignée par
M. Buffet, vice-président du conseil, ministre
de l'intérieur.
Elle est approuvée par le cabinet.
Elle ne touche qu'aux questions sur les-
quelles l'accord s'est établi.
Les autres questions, d'un commun accord,
sont réservées.
Enfin, nous lisons dans le Moniteur:
A la dernière heure, nous apprenons que
le conseil des ministres n'a pu prendre de ré-
solution définitive au svj at du message élec-
toral du président de la République. Jusqu à
présent, ce message n'a encore obtenu que la
signature de M. le vice-président du conseil.
Un conseil de cabinet a lieu ce soir. Il n'est
pas encore certain qu'il amène une solution
définitive des questions pendantes.
En tout état de cause, tous les ministres
qui ne contre-signeraient pas le message se-
raient démissionnaires, et il convient d'a-
jouter que c'est la majorité.
♦
Le Constitutionnel, dans un article trèg-
bien fait, ma foi ! et tourné en bon style,
dit qu'il ne faut que lire les circulaires des
candidats pour connaître l'opinion du
pays, les candidats ayant pour habitude
de faire de leurs circulaires des miroirs
où puissent amoureusement se regarder
lei électeuri.
Le Constitutionnel a raison. D'ordinaire
quand un candidat écrit sa circulaire, il
fait comme M. Darblay. C'est une photo-
graphie qu'il envoie à ses électeuri. Seule-
ment M. Darrblay s'est trompé. Il leur en-
voie la tienne. Tout candidat qui sait son
métier leur envoie la leur.
Le Constitutionnel dit encore qu'à en
juger par les circulaires qui, à cette heure,
courent les rues et les chemins vicinaux,
le pays est constitutionnel, énergiquement
et exclusivement constitutionnel.
Le Constitutionnel a raison.
Mais le Constitutionnel, ainsi qu'il est
juste, met en garde les électeurs contre
tous ces ajustements constitutionnels, et
il recommande aux électeurs « d'éplucher »
curieusement tous ces constitutionnels qui
prennent le costume de la saison, à sa-
voir : le nez de carton peint. Il promet même
de prêcher d'exemple et il épluchera quel-
ques candidatures de carnaval dont le
masque enfariné ne lui dit rien qui vaille.
Le Constitutionnel a bien raison. C'est
une charité bien entendue que d'ôter à
certains personnages l'accoutrement em-
prunté qui les ridiculise. Et comme cha-
rité bien entendue commence par soi-
même, nous ne doutons pas que le Consti-
tutionnel ne commence son épluchage par
la circulaire de M. Gibiat, qui assure avec
aplomb que les journaux qu'il dirige ont
toujours défendu l'ordre et la liberté. Or,
ces journaux sont le Constitutionnel et le
Pays. Il y a peut-être la quelque exagéra-
tion, et M. Gibiat nous semble avoir-un
peu tendu le miroir aux électeurs, le mi-
roir aux alouettes. Nous nous en rappor-
tons au Constitutionnel sur ce point. C'est
affaire à lui, puisqu'il s'est établi dans l'of-
fice d'éplucheur électoral.
* FABRICE.
♦
LES LIAISONS DANGEREUSES
Nous recevons de Grenoble une cir-
culaire imprimée, dont nous détachons
les premières lignes, en leur conservant
leur disposition typographique :
CONFÉRENCE DE DROIT
RÈGLEMENT
Article premier.
Une conférence de droit a été fondée
à Grenoble, sous la direction de M. le
doyen de la Faculté.
Article 2.
La conférence se réunit le mercredi
de chaque semaine, à sept heures et
demie, dans un des salons de l'évêché,
que monseigneur a bien voulu mettre
à sa disposition.
Avouez que M. le doyen de la Faculté
de droit de Grenoble a choisi là un
singulier endroit pour y établir la con-
férence qu'il organisait !
Il semble qu'une conférence fondée
pour exercer au talent de la parole les
élèves de la faculté de droit aurait dû
avoir son siége dans les bâtiments de
cette même faculté.
Ces conférences se tiennent d'ordi-
naire le soir : on me fera malaisément
croire qu'il ne se trouvait pas dans
toute la semaine à la faculté une salle
inoccupée et vide, que l'on pût aisé-
ment affecter à cet usage. Je sais bien
que la faculté de Grenoble n'est" pas
grandement logée; cependant les sal-
les y sont assez nombreuses et a&sez
vastes pour que l'en n'eût pas besoin
de recourir à ce moyen extrême.
A supposer même que l'impossibilité
d'ouvrir aux étudiants dans les bâti-
ments mêmes de la Faculté un lieu pro-
pro à ces exercices eût été dûment
constatée, est-ce qu'il n'était pas plus
simple et plus rationnel en même temps
de demander à M. le premier président
qu'il leur ouvrît quelques heures par
semaine une de ses salles d-audience ?
Il ne s'y fût pas refusé assurément. La
magistrature et le barreau ont toujours
fait bon ménage, et le premier intérêt
d'un tribunal est d'avoir pour plaider
à sa barre des avocats instruits et élo-
quents.
Si M. le doyen de la Faculté de droit
de Grenoble a cru devoir accepter l'of-
fre de monseigneur, ce n'est certes pas
qu'il y fût réduit par une nécessité qui
lui pourrait servir d'excuse. C'est qu'il
lui a plu de devoir ce service à un évê-
que, c'est qu'il a cru bon de mettre
cette institution dans la dépendance ou,
si vous aimez mieux, sous la surveil-
lance du clergé.
Il est certain que cette conférence se
tenant dans un des salons de l'évêché,
prêté pour cet usage, on n'aura pas le
droit d'en tenir écarté le propriétaire
ou l'un de ses ayant-droit. Je ne vois
pas trop comme on s'y prendrait pour
lui en fermer l'entrée et le mettre, pour
ainsi dire, à la porte de chez lui.
Je veux bien que monseigneur, ni au-
cun de ses vicaires généraux, ni aucun
de ses chanoines ou curés, n'use de
cette licence ; mais l'aspect seul de la
salle où ces réunions auront lieu n'im-
posera-t-il point ?
Ces murs mêmes, seigneur, peuvent avoir des yeux.
Se sentira-t-on aussi libre sous ces
voûtes sacrées?
Ne craint-on pas même que nombre
d'étudiants ne sentent quelque répu-
gnance à se rendre à l'archevêché, à
parler dans un endroit qu'ils pourront
croire imprégné de sentiments ultra-
montains, et qui le sera en effet, selon
toute vraisemblance? Tous les étudiants
n'appartiennent pas au culte catholi-
que : l'élément protestant, sans être
considérable à Grenoble, n'y manque
point. Il s'y rencontre même quelques
israélites, et ce qu'on y trouvait encore
plus aisément, à l'époque où j'y ai
vécu, c'était des libres-penseurs. Gre-
noble a toujours passé pour une cité
libérale, et le cléricalisme y est dé-
testé.
M. le doyen de la faculté a-t-il songé
à tous ces inconvénients, quand il a
pris la résolution qui nous étonne ?
Probablement non; mais au moins
aurait-il dû être arrêté par cette con-
sidération fort simple, qu'il représente
l'enseignement de l'Etat, et qu'en cette
qualité il lui est permis, moins qu'à
tout autre, d'accepter les présents d'un
adversaire, qui est un ennemi.
Timeo Danaos et dona ferentes..
L'évêque de Grenoble ne s'est pas
tenu en dehors du mouvement clérical
qui vient d'aboutir à la création de
nombreuses universités catholiques.
On aura beau soutenir hypocritement
que l'enseignement fondé par l'épisco-
pat français n'est pas organisé contre
celui de l'Etat, qu'il n'a d'autre but que
de lui venir en aide et de le compléter.
Nous savons que penser de ces asser-
tions patelines. La vérité à cet égard,
personne ne l'ignore : c'est que ces deux
enseignements frères sont des frères
ennemis, et que l'un d'eux surtout, le
cadet, est animé contre l'autre d'une hai-
ne implacable. C'est qu'en retour, dans
toutes les villes de province où le clergé
a institué des facultés nouvelles, le mi-
nistre s'est hâté d'en opposer de simi-
laires-, qui pussent faire contre-poids. -
C'est la guerre; la guerre sans mer-
ci, la guerre inexpiable.
D'un côté l'esprit laïque avec son
goût de recherche scientifique, son
amour de la vérité, sa liberté et sa to-
lérance d'opinions; de l'autre, l'esprit
clérical avec son dogmatisme hautain,
sa défiance des nouveautés, son infa-
tuation et son fanatisme.
Entre eux, point d'arrangement ni
de conciliation possible.
Et c'est le moment qu'un doyen de
faculté choisit pour demander à un
évêque un asile pour les élèves de l'E-
tat, pour les jeter lui-même dans la
gueule du loup.
Il y a là une inconvenance ou une
sottise.
Il serait facile aux étudiants de la
réparer en refusant le bienfait que M.
le doyen a eu la faiblesse d'accepter en
leur nom, en ne se rendant pas A cette
conférence.
Mais l'entente ici est impossible, on
le sent bien.
Parmi eux il s'en trouve nécessaire-
ment qui ne sentent aucune répugnance
à discuter sous la férule de l'évêque.
Leurs opinions leur permettent de ne
voir dans cette férule de surveillant
qu'une houlette de pasteur.
Si les autres ne suivaient pas l'exem-
ple donné par les Eliaeins de la bonne
causer, ils pourraient craindre que le
mécontentement de M. le doyen ne se
traduisît, à la fin de l'année, en boules
noires.
ils se tromperaient, j'en suis con-
vaincu. Mais, vous le savez, défiance
est, dit le proverbe, mère de la sû-
reté.
Ils iront donc, en maugréant, chez
monseigneur. Et ce qu'il y aura de plus
cruel pour eux, c'est qu'ils le remer-
cieront, malgré eux, par la bouche de
leur doyen, de ce prétendu service.
FRANCISQUE SARCEY.
C'est fait ! M. Batbie est entré preste-
ment dans le giron de l'église impérialiste.
Le voilà baptisé et plus ferme en sa foi
qu'un Cassagnac même. Ses journaux sont
Y Appel au peuple à Auch, le Pays à Pa-
ris. Non-seulement il se porte et se fait
porter sur la même liste que M. Peraldi,
mais il signe, avec ce bonapartiste de
vieille roche, une circulaire collective, et
il la publie. Nous l'avions bien prévu que
M. Batbie tournerait mal. Rien d'étonnant
d'ailleurs. Il va où l'ordre moral l'a porté;
il finit en collègue de M. de Broglie, pour
tout dire. Allons ! De profundis 1 si pour-
tant la chose en vaut la peine. Comme dit
l'autre, après tout, ce n'est rien. C'est un
orléaniste qui se noie.
E. L.
CHRONIQUE ÉLECTORALE
ÉLECTIONS SÉNATORIALES
AVEYRON. — Trois sénateurs.
Ce département n'a pas habitué les ré-
publicains à des succèi, car sur huit dé-
putés qu'il compte, sept sont monarchistes;
il est vrai que le huitième est mort. Ces
messieurs n'avaient entre eux que l'em-
barras du choix.
M. Pradié, l'homme du fameux groupe,
s'est vu dédaigné par le comité de « l'U-
nion conservatrice, » encore plus qu'il ne
l'avait été par la Chambre ; il n'est même
pas porté. MM. Delsol, député sortant,
Mayran, vice-président du conseil général,
et Boisse, député sortant, forment la liste,
qui nous a l'air d'avoir une teinte marquée
centre droit, à l'exclusion de MM. de Bo-
nald et de Valady, les forts légitimistes du
crû.
La liste républicaine se compose de MM.
Clausel de Coussergues, avocat, vice-pré-
sident du conseil général, Galteyries, né-
gociant à Rodez, et Médal, ancien repré-
sentant, conseiller général.
CHARENTE. — Deux sénateurs.
Dimanche, une réunion privée à laquelle
assistaient plus de deux cents personnes
venues des divers points du département a
eu lieu à Angoulême chez un membre du
conseil municipal. Après une discussion
approfondie, la réunion a décidé qu'elle
recommanderait au corps électoral sénato-
rial comme candidats républicains :
MM. Broquisse, ancien président du tri-
bunal de commerce et maire d'Angoulême,
et Bellamy, dont nous donnons la profes-
sion de foi, ausfei conservatrice, mais plus
courte que celle, de son compagnon.
Dévoué à la constitution, je veux l'affer.
missement de la République, sous la prési-
dence respectée du maréchal de Mac-Mahon,
et, comme M. le garde des sceaux et M. le
ministre des finances, comme MM. Dufaure
et Léon Say, je n'entends interpréter la clause
de révision ne notre pacte fondamental que
dans le sens du perfectionnement de nos in-
stitutions républicaines.
C'est vous dire que ma candidature est
conservatrice, gouvernementale, anti-ré rolu-
tionnaire.
Je veux le maintien intégral dn suffrage
universel, la diffusion de plus en plus large
de l'instructioa, et la restitution aux con-
seils municipaux du droit de nommer les
maires, au moins dans les limites de la loi de
1871.
Respectueux de toutes les croyances, je
veux la liberté religieuse la plus complète.
Je veux enfin une République ouverte à
tous les honnêtes gens, et qui tende à former,
des débris des anciens partis, le grand parti
national où les hommes de convictions répu-
blicaines soient cordialement unis à ceux
dont la raison et le patriotisme ont accepté
le fait accompli.
Messieurs les électeurs, mon programme
se résume en ees mots :
Ordre, liberté et prospérité au dedans ; paix
et influence au dehors ; c'est-à-dire : maintien
de la constitution et de la République.
On voit que ces candidats appartiennent
à la nuance centre gauche la plus modérée.
M. Broquisse notamment est même un ral-
lié à la République, mais un de ces ralliés
loyaux que le parti républicain doit être
heureux d'accueillir.
Il avait été question, un instant, de por-
ter sur la liste républicaine M. Hennessy
(une des grandes maisons d'eau-de-vie de
la Charente), au cas où cet ancien député
du département irait jusqu'à la profession
de foi républicaine. M. Hennessy, qui nage
dans les mêmes eaux — de vie — que M.
Martell de la Charente, n'a voulu faire
qu'une circulaire incolore, qu'on ne peut
même pas qualifier de constitutionnelle.
C'est que, il faut le dire, le département
est infesté de bonapartisme, à ce point que
M. Mathieu Bodet, le vice-président du
groupe Lavergne, semble ne pas oser ten-
ter l'aventure sénatoriale. Et cependant
les bonapartistes hésitent; jusqu'ici ils
n'ont arrêté de résolution que sur le nom
de M. André, député sortant (ne pas con-
fondre avec M. Alfred André, de la Seine),
ex-candidat officiel de l'empire, complai-
sant approbateur de la guerre de 1870, et
sénateur manqué par suite de nos désas-
tres.
FINISTÈRE. — Quatre sénateurs.
Quoique le département soit riche en re-
présentants archi-monarchistes, la liste
républicaine est faite la première, grâce à
l'activité que déploient nos amis et à la
discipline qu'ils savent observer.
Des délégués de cantons, des conseillers
d'arrondissement, des conseillers géné-
raux, des députés, tous sincèrement dé-
voués à la République, c'est-à-dire au grand
parti national de l'ordre et de la paix, li-
sons-nous dans YElecteur du Finistère,
se sont réunis à diverses reprises et sur
différents points du département, en vue
de s'entendre sur le choix des candidats
au Sénat. A la suite de ces réunions, dont
la dernière a eu lieu à Châteaulin, lundi
dernier, on s'est arrêté définitivement et
d'un commun accord à une liste compre-
nant MM. Morvan, Th. de Pompéry, Rous-
seau et Penquer, d'autres noms également
sympathiques ayant été réservés pour
d'autres luttes électorales. ":'
MM. Morvan, Th. de Pompéry et Rous-
seau sont trois députés actuels du départe-
ment, les deux premiers membres de la
gauche républicaine, le troisième membre
du centre gauche. Quant au quatrième
candidat, M. Penquer, c'est le maire élu
de la ville de Brest, choisi à l'unanimité
par son conseil, universellement aimé de
ses administrés et grandement estimé dans
tout le département autant pour sa droiture
de caractère que pour son talent de mé-
decin.
La liste est bonne et nous comprenons
que les monarchistes blancs, qui craignent
d'effaroucher les électeurs bretons, y re.
gardent à deux fois avant de ranger quatre
noms en bataille.
D'après les derniers renleigoementl, les
partis réactionnaires porteraient : M. Mon-
jaret de Kerjégu, député sortant, qui a eu
quelques variations dans sa vie politique,
mais qui, pour l'instant, est légitimiste ;
M. l'amiral de la Grandière ; M. Soubigou,
un républicain de 1848, qui a renié ses an-
ciens principes; M. de Forsanz, député
sortant, ultra-légitimiste. On voit, d'après
cette liste, que les royalistes blancs ont
tâché de faire quelques petites concessions
« aux idées modernes > pour ne pas être
complétement écrasés ; mais la Bretagne a
secoué le joug, elle sait maintenant qu'elle
n'a que faire de ce qu'on a l'air de lui of. ,-
frir, elle n'a qu'à prendre. -
D'autre part, M. Louis du Temple, ex-
cellent général de brigade dans l'armée
auxiliaire pendant la guerre, actuellement
capitaine de frégate en retraite (an du
Temple qu'il ne faudrait pas confondre
avec son frère le député), a déclaré qu'il
accepterait une candidature nettement ré-
publicaine dans le Finistère, soit pour le
Sénat, soit pour la députation. En pré-
sence de la décision du comité, nous som-
mes convaincus que M. Louis du Temple
se réserve pour la députation.
BASSES-PYRÉNÉES.- Trois sénateurs.
Il se passe quelque chose de fort intéres-
sant dans ce département ; c'est la lutte
de M. Chesnelong contre les républicains
et des républicains contre M. Chesnelong
Jugez-en.
Le comité républicain constitutionnel
composé des délégués des comités des cinq
arrondissements des Basses-Pyrénées, s'est
réuni avant-hier à Pau, à l'occasion des
élections sénatoriales.
M. Marcel Barthe, député, a donné con-
naissance d'une lettre par laquelle l'ami-
ral Jauréguiberry déclare accepter la can-
didature au Sénat qui lui a été offerte par
les comités réunis, et d'une déclaration
par laquelle MM. Duclerc, Barthe, La Caze
et Renaud, députés, proposent au choix
des électeurs sénatoriaux les candidatures
de MM. l'amiral Jauréguiberry, de Lesta-
pis et Daguenet.
Le comité républicain constitutionnel,
après examen et discussion, « pénétré du
sentiment du pays conservateur et de la
nécessité d'assurer l'avenir de nos institu-
tions, a adopté ces candidatures à l'unani-
mité, déclarant que la liste proposée par *'
les députés est empreinte de cet esprit de
conciliation qui a fondé la RéDubliaua At
qui doit la consolider. » -.
M. l'amiral Jauréguibôrry, membre du
conseil d'amirauté, fut nommé député
après la paix, pour sa belle conduite
pendant la guerre, et donna sa démission
de député pour se consacrer tout entier à
la marine. L'amiral Jauréguiberry est de
la nuance contre gauche. >
M. de Lestapis, vice-président du conseil
général, est un député du centre gauche,
qui, toutes les fois que la question de
République ou de monarchie a été posée
devant 1 Assemblée, s'est prononcé pour la
République, mais qui s'est séparé des gau-
ches en mainte autre occasion.
M. Daguenet, président du conseil gé-
néral, est un membre du centre droit qui
a fini par voter la constitution.
On voit, par cet exposé succinct, que la
liste patronnée par des républicains aussi
éprouvés que MM. Duclerc, Marcel Bar-
the, Louis La Caze et Michel Renaud est
des plus anodines. C'est que, disent-ils :
Guidés par l'amour de notre patrie et par
le désir d assurer son repos et son avenir
nous prenons la liberté de vous conseiller
d imiter la sagesse de l'Assemblée nationale
et de vous placer, pour le choix que vous
allez faire, sur le terrain de la constitution
Ce terrain est celui d'une République libé-
rale et conservatrice, ayant à sa tête, pour
président, le maréchal de Mao-Mahon, a la
loyauté duquel tous les partis rendent hom-
mage, et dont le po avoir, issu des votes des
représentants de la France, n'est contesté par
personne.
C'est qu'aussi M. Chesnelong, député en-
core plus clérical que royaliste, accomplit
des prodiges de souplesse dans son dépar-
tement. M. Chesnelong sait qu'il effraie
les gens, il ne se porte pas au Sénat; non
seulement il ne se porte pas, mais il exige
le désistement de son ami Xavier Dufaur
un autre royaliste clérical, et il présente :
M. Daguenet, M. le vicomte de Gontaut-
Biron, député, ambassadeur de France en
Allemagne ; M. de Lestapis. C'elt-à dire un
membre du centre droit, un membre de la
droite modérée, un membre du centre
gauche.
M. Chesnelong le coupe un bras pour
tâcher de sauver le reste et n'avoir pas
tout le corps broyé dans l'engrenage.
TARN-ET-GARONNE. - Deux
sénateurs.
Nous avons pu craindre un instant que
la campagne électorale sénatoriale fût
compromise dans ce département : d'un
coté M. Hippolyte Rous, ancien représen-
tants du peuple à la constituante, juge,
honoraire du tribunal civil de Montauban
ne croyait pas devoir faire de profession
de foi ; de l'autre, M. Gustave Garrissen -
également désigné par le comité, ne vou-
■4.
ipjB igjs i m 6i-j» bisl m fe^jj H^Ê ■ m RJ| m ■E. S I
E j^HK ! *8 H
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et l'étranger partent du 1er et du 15
de chaque mois.
BULLETIN
Paris, 13 janvier 1876.
On peut dire que la crise ministérielle
est arrivée à une solution, en ce sens qu'une
décision a été prise hier matin en conseil
des ministres. Mais quelle est cette déci-
sion ? C'est le Journal officiel de ce matin
qui l'apprendra au public. Il contiendra,
c'est le gouvernement qui l'annonce par
son organe officieux habituel, un manifeste
du maréchal-président de la République au
peuple français. Personne, sans doute, en
dehors du ministère, ne connaît, à l'heure
où nous écrivons, le sens précis de cette
grave déclaration. Les personnes qui se
donnent comme les mieux informées
croient savoir qu'elle sera la résultante et
l'écho d'un accord rétabli entre les diffé-
rents membres du ministère, et que le ca-
binet, en conséquence, pourra se trainer
jusqu'aux élections dans l'état d'homogé-
néité relative où il a cherché à se mainte-
nir depuis qu'il existe. Nous le souhaitons
et n'en dirons pas davantage aujourd'hui.
Les commentaires seraient vagues à l'heure
où nous écrivons, et les prévisions inutile.
à l'heure où nous paraîtrons.
Les nouvelles étrangères font d'un inté-
rêt médiocre, au moment surtout où la
nouvelle équipée de M. Buffet a jeté le
pays dans un pénible état d'anxiété au su-
jet de ses affaires intérieures. La Prusse
fait démentir la nouvelle donnée par un,
journal étranger de la mise en activité de
plusieurs bâtiments de guerre prussiens.
Use lettre du grand-vizir, publiée dans
les journaux de l'empire ottoman, rassure
les porteur* de la Dette turque et affirme
que le Trésor a pris des mesures pour le
payement du coupon de janvier.
La Ohambre des représentants des Etats-
Unis a repoussé la motion d'amnistie com-
plète en faveur des individus qui ont pris
part à l'insurrection du Sud.
Enfin l'approbation du projet Andrassy
par le gouvernement anglais est attendue
incessamment. Quand elle sera arrivée,
le concours des grandes puissances euro-
péennes sera unanime lur ce point, et les
prolégomènes de la grande affaire seront
terminés,. les prolégomènes seulement.
Des bruits, mais pas de nouvelles.
C'est la meilleure preuve que les négo-
ciations n'ont pas abouti et que la crise
continue. Nous ne voyons guère que M.
Buffet pour se féliciter d'un tel résul-
tat. Le pays était tranquille, et la
- France donnait à l'Europe ce specta-
cle d'une grande nation où dix millions
de citoyens peuvent être mis en mouve-
ment pour décider de leur avenir sans
qu'apparaisse sur aucun point la plus
légère trace d'agitation. Mais on avait
compté sans M. Buffet. Il était sans
doute entré dans ses calculs de ne point
laisser passer la période électorale sans
rappeler au pays, qui ne demandait
qu'à l'oublier, sa préseace au minis-
tère. Depuis quelques jours, les feuil-
les à sa dévotion faisaient entendre des
doléances sur ce qu'elles appelaient l'a-
pathie des conservateurs. On les accu-
sait de trop compter sur la candida-
ture officielle, de trop considérer leurs
arrondissements comme autant de Ca-
poues où l'élection vient en dormant.
Aidez-vous, nos fonctionnaires vous ai-
deront, criaient les hérauts de M. Buf-
fet. Mais les conservateurs ne se ré-
veillaient pas.
M. Buffet comprit alors qu'il fallait
frapper un grand coup. Et la crise mi-
nistérielle éclata. Elle dure encore.
Le conseil des ministres tenu dans
la séance de mardi n'avait abouti à au-
cun résultat. Celui d'hier matin n'a pas
amené non plus de solution défini-
tive. Ou avait parlé d'un programme
que les ministres devaient rédiger
en collaboration et qui serait devenu,
pendant les deux mois de période élec-
torale, le bréviaire ministériel. M. Baf-
fet a apporté son programme, M. Du-
- faure le sien, et l'on s'est aperçu, après
mûr examen, qu'il était impossible de
fondre les deux en un. Une négation et
une affirmation mariées ensemble n'ont
jamais rien produit; or, M. Dufaure
affiime la constitution, et M. Buffet la
nie dans ses parties essentielles ; là où
M. Dufaure voit tout un système de
gouvernement, M. Buffet persiste à ne
voir qu'un homme. Le moyen de s'en-
tendre ?
Cette situation ne peut cependant
pas se prolonger indéfiniment. Il peut
entrer dans les vues des conservateurs
d'entretenir une crise de nature à lais-
ser croire que le principe d'autorité est
en péril, et que décidément la consti-
tution du 25 février a besoin d'être ré-
visée le plus tôt possible. Mais la ma-
nœuvre, cette fois, est trop grossière;
et ce serait à désespérer de notre pays
si l'on pouvait lui faire admettre que
des hommes tels que MM. Dufaure et
Léon Say, MM. Wallon, Caillaux et
Decazes effarouchent les susceptibilités
conservatrices de M. Buffet.
Il serait question, assure-t-on, d'une
proclamation du président de la Répu-
blique au peuple français. A quel pro-
pos, grands dieux? On n'aurait trouvé
que ce moyen de sortir d'embarras.
Nous voulons bien croire qu'on n'avait
pas le choix, mais on ne pouvait assu-
rément imaginer un expédient plus re-
grettable. Toutefois il ne faut point
s'étonner. Depuis que l'on voit se suc-
céder au pouvoir des ministres « con-
servateurs, » c'est toujours ainsi que
toutes les difficultés ont été tranchées,
et elles ne pouvaient l'être autrement.
Quand des ministres n'obéissent à d'au-
tre principe politique que de tout con-
fondre, de tout embrouiller, de prendre
toutes les questions à rebours, et tous
les problèmes à contre-sens, la moin-
dre difficulté se change en nœud gor-
dien ; il faut l'épée d'Alexandre pour
en venir à bout. Aussi les Broglie, les
Fourtou, les Chabaud-Latour, les Buffet
n'ont-ils jamais manqué d'y avoir re-
cours. Le maréchal de Mac-Mahon a
servi constamment d'ultima ratio aux
ministres de combat.
On regrettera que M. le président de
la République ait cru devoir intervenir
dans cette circonstance, et avec tant
de solennité. Une proclamation au
peuple français, sous quelque régime
que ce soit, suppose des événements
d'une gravité exceptionnelle ; mais bien
plus encore sous un gouvernement
constitutionnel et parlementaire, sous
un gouvernement républicain comme
celui du 25 février, où les ministres
sont individuellement responsables de
leurs actes et ne peuvent ni ne doi-
vent jamais engager la responsabilité
du chef de l'Etat.
Cette réserve faite, il reste à savoir
ce que sera cette proclamation. Les
officieux ont pris les devants et assu-
rent qu'elle ne sera rien autre chose
qu'une nouvelle édition revue et aggra-
vée du programme ministériel du 12
mars. Nous souhaitons qu'ils se trom-
pent, et c'est le témoignage le plus
sincère que nous puissions donner de
notre respect pour ces pouvoirs que
M. Buffet prétend menacés par les ré-
publicains. Jusqu'ici le parti républi-
cain, prenant au sérieux la constitu-
tion tout entière, résolu à la respecter
dans toutes ses parties et à la défen-
dre contre toutes les attaques, s'est
donné pour règle invariable d'élever
au-dessus de tout débat la personne
et les pouvoirs du président de la
République. En revanche, ils avaient
le droit d'espérer que le chef de
l'Etat, cédant à des conseils aveugles,
ne sortirait pas du rôle que lui at-
tribue la constitution. Mais M. Buffet
en a décidé autrement ; à bout de res-
sources et se sentant incapable de lut-
ter seul plus longtèmpfl, il appelle le
maréchal à son secours. Que lui importe
de le compromettre pourvu qu'il se
sauve, lui ! v
Mais se sauvera-t-il, seulement ? S'il
était vrai que le chef de l'Etat eût con-
senti à couvrir de son nom les fautes
de M. Buffet, s'il paraissait aujourd'hui
une proclamation comme celle qu'on
annonce, nous allions dire dont on nous
menace, il est certain que l'élément li-
béral et vraiment constitutionnel du
cabinet n'hésiterait plus à se retirer.
MM. Dufaure et Léon Say, peut-être
MM. Wallon, Decazes et Caiilaux quit-
teraient le ministère. Et par qui se-
raient-ils remplacés ? Peu importent les
noms; mais on voit assez que la lutte
électorale, si pacifique et si calme, se
changerait aussitôt en une véritable
bataille, non moins correcte et régu-
lière, mais plus ardente, plus passion-
née, et forcément la conciliation y au-
rait moins de part.
Est-ce là que-tendent les efforts de M.
le vice-président du conseil? Veut-il,
jusqu'au bout, tenir la gageure de re-
monter un courant où de plus forts que
lui se sont vus submergés ? C'est son
affaire. Mais son droit s'arrête là, et il
fait quelque chose de plus qu'un acte
de mauvais ministre en essayant d'a-
briter sa responsabilité, qui, seule,
doit rester en jeu, derrière la personne
du chef de l'Etat.
1 E. SCHNERB.
———————— «#.
L'agence Havas donnait hier, sur la
suite de la crise, les renseignements sui-
vants : -
Leconseildes ministres a tenu, cette après-
mIdI, une séance qui M'est prolysgée jusque
vers les six heures.
Il a discuté les termes d'an programme
électoral.
Dans une séance qui se tiendra demain à
neuf heures et demia du matin, il contiauera
fexamen de ce programme.
; On pense qu'à ce conseil une solution, que
| ¡ r.. ;.i ":
Ion espère favorable au maintien intégral du
cabinet, interviendra aux questions actuelle-
ment pendantes.
Le Journal de Paris publiait en DER-
NIÈRE HEURE les nouvelles suivantes :
La Crise ministérielle.
Proclamation du Maréchal-Président
au Peuple français.
Le conseil des ministres s'est réuni ce ma-
tin, à neuf heures et demie.
Il s'est séparé à midi.
L'accord s'est fait sur la plupart des ques-
tions.
Tous les ministres restent à leur poste, au
moins quant à présent.
Toutefois la démission de M. Léon Say
n'est pas encore officiellement retirée.
D « main matin paraîtra, au Journal officiel,
une proclamation du maréchal de M&c-
Mabon, président de la République, au peu-
ple français.
Cette proclamation est contresignée par
M. Buffet, vice-président du conseil, ministre
de l'intérieur.
Elle est approuvée par le cabinet.
Elle ne touche qu'aux questions sur les-
quelles l'accord s'est établi.
Les autres questions, d'un commun accord,
sont réservées.
Enfin, nous lisons dans le Moniteur:
A la dernière heure, nous apprenons que
le conseil des ministres n'a pu prendre de ré-
solution définitive au svj at du message élec-
toral du président de la République. Jusqu à
présent, ce message n'a encore obtenu que la
signature de M. le vice-président du conseil.
Un conseil de cabinet a lieu ce soir. Il n'est
pas encore certain qu'il amène une solution
définitive des questions pendantes.
En tout état de cause, tous les ministres
qui ne contre-signeraient pas le message se-
raient démissionnaires, et il convient d'a-
jouter que c'est la majorité.
♦
Le Constitutionnel, dans un article trèg-
bien fait, ma foi ! et tourné en bon style,
dit qu'il ne faut que lire les circulaires des
candidats pour connaître l'opinion du
pays, les candidats ayant pour habitude
de faire de leurs circulaires des miroirs
où puissent amoureusement se regarder
lei électeuri.
Le Constitutionnel a raison. D'ordinaire
quand un candidat écrit sa circulaire, il
fait comme M. Darblay. C'est une photo-
graphie qu'il envoie à ses électeuri. Seule-
ment M. Darrblay s'est trompé. Il leur en-
voie la tienne. Tout candidat qui sait son
métier leur envoie la leur.
Le Constitutionnel dit encore qu'à en
juger par les circulaires qui, à cette heure,
courent les rues et les chemins vicinaux,
le pays est constitutionnel, énergiquement
et exclusivement constitutionnel.
Le Constitutionnel a raison.
Mais le Constitutionnel, ainsi qu'il est
juste, met en garde les électeurs contre
tous ces ajustements constitutionnels, et
il recommande aux électeurs « d'éplucher »
curieusement tous ces constitutionnels qui
prennent le costume de la saison, à sa-
voir : le nez de carton peint. Il promet même
de prêcher d'exemple et il épluchera quel-
ques candidatures de carnaval dont le
masque enfariné ne lui dit rien qui vaille.
Le Constitutionnel a bien raison. C'est
une charité bien entendue que d'ôter à
certains personnages l'accoutrement em-
prunté qui les ridiculise. Et comme cha-
rité bien entendue commence par soi-
même, nous ne doutons pas que le Consti-
tutionnel ne commence son épluchage par
la circulaire de M. Gibiat, qui assure avec
aplomb que les journaux qu'il dirige ont
toujours défendu l'ordre et la liberté. Or,
ces journaux sont le Constitutionnel et le
Pays. Il y a peut-être la quelque exagéra-
tion, et M. Gibiat nous semble avoir-un
peu tendu le miroir aux électeurs, le mi-
roir aux alouettes. Nous nous en rappor-
tons au Constitutionnel sur ce point. C'est
affaire à lui, puisqu'il s'est établi dans l'of-
fice d'éplucheur électoral.
* FABRICE.
♦
LES LIAISONS DANGEREUSES
Nous recevons de Grenoble une cir-
culaire imprimée, dont nous détachons
les premières lignes, en leur conservant
leur disposition typographique :
CONFÉRENCE DE DROIT
RÈGLEMENT
Article premier.
Une conférence de droit a été fondée
à Grenoble, sous la direction de M. le
doyen de la Faculté.
Article 2.
La conférence se réunit le mercredi
de chaque semaine, à sept heures et
demie, dans un des salons de l'évêché,
que monseigneur a bien voulu mettre
à sa disposition.
Avouez que M. le doyen de la Faculté
de droit de Grenoble a choisi là un
singulier endroit pour y établir la con-
férence qu'il organisait !
Il semble qu'une conférence fondée
pour exercer au talent de la parole les
élèves de la faculté de droit aurait dû
avoir son siége dans les bâtiments de
cette même faculté.
Ces conférences se tiennent d'ordi-
naire le soir : on me fera malaisément
croire qu'il ne se trouvait pas dans
toute la semaine à la faculté une salle
inoccupée et vide, que l'on pût aisé-
ment affecter à cet usage. Je sais bien
que la faculté de Grenoble n'est" pas
grandement logée; cependant les sal-
les y sont assez nombreuses et a&sez
vastes pour que l'en n'eût pas besoin
de recourir à ce moyen extrême.
A supposer même que l'impossibilité
d'ouvrir aux étudiants dans les bâti-
ments mêmes de la Faculté un lieu pro-
pro à ces exercices eût été dûment
constatée, est-ce qu'il n'était pas plus
simple et plus rationnel en même temps
de demander à M. le premier président
qu'il leur ouvrît quelques heures par
semaine une de ses salles d-audience ?
Il ne s'y fût pas refusé assurément. La
magistrature et le barreau ont toujours
fait bon ménage, et le premier intérêt
d'un tribunal est d'avoir pour plaider
à sa barre des avocats instruits et élo-
quents.
Si M. le doyen de la Faculté de droit
de Grenoble a cru devoir accepter l'of-
fre de monseigneur, ce n'est certes pas
qu'il y fût réduit par une nécessité qui
lui pourrait servir d'excuse. C'est qu'il
lui a plu de devoir ce service à un évê-
que, c'est qu'il a cru bon de mettre
cette institution dans la dépendance ou,
si vous aimez mieux, sous la surveil-
lance du clergé.
Il est certain que cette conférence se
tenant dans un des salons de l'évêché,
prêté pour cet usage, on n'aura pas le
droit d'en tenir écarté le propriétaire
ou l'un de ses ayant-droit. Je ne vois
pas trop comme on s'y prendrait pour
lui en fermer l'entrée et le mettre, pour
ainsi dire, à la porte de chez lui.
Je veux bien que monseigneur, ni au-
cun de ses vicaires généraux, ni aucun
de ses chanoines ou curés, n'use de
cette licence ; mais l'aspect seul de la
salle où ces réunions auront lieu n'im-
posera-t-il point ?
Ces murs mêmes, seigneur, peuvent avoir des yeux.
Se sentira-t-on aussi libre sous ces
voûtes sacrées?
Ne craint-on pas même que nombre
d'étudiants ne sentent quelque répu-
gnance à se rendre à l'archevêché, à
parler dans un endroit qu'ils pourront
croire imprégné de sentiments ultra-
montains, et qui le sera en effet, selon
toute vraisemblance? Tous les étudiants
n'appartiennent pas au culte catholi-
que : l'élément protestant, sans être
considérable à Grenoble, n'y manque
point. Il s'y rencontre même quelques
israélites, et ce qu'on y trouvait encore
plus aisément, à l'époque où j'y ai
vécu, c'était des libres-penseurs. Gre-
noble a toujours passé pour une cité
libérale, et le cléricalisme y est dé-
testé.
M. le doyen de la faculté a-t-il songé
à tous ces inconvénients, quand il a
pris la résolution qui nous étonne ?
Probablement non; mais au moins
aurait-il dû être arrêté par cette con-
sidération fort simple, qu'il représente
l'enseignement de l'Etat, et qu'en cette
qualité il lui est permis, moins qu'à
tout autre, d'accepter les présents d'un
adversaire, qui est un ennemi.
Timeo Danaos et dona ferentes..
L'évêque de Grenoble ne s'est pas
tenu en dehors du mouvement clérical
qui vient d'aboutir à la création de
nombreuses universités catholiques.
On aura beau soutenir hypocritement
que l'enseignement fondé par l'épisco-
pat français n'est pas organisé contre
celui de l'Etat, qu'il n'a d'autre but que
de lui venir en aide et de le compléter.
Nous savons que penser de ces asser-
tions patelines. La vérité à cet égard,
personne ne l'ignore : c'est que ces deux
enseignements frères sont des frères
ennemis, et que l'un d'eux surtout, le
cadet, est animé contre l'autre d'une hai-
ne implacable. C'est qu'en retour, dans
toutes les villes de province où le clergé
a institué des facultés nouvelles, le mi-
nistre s'est hâté d'en opposer de simi-
laires-, qui pussent faire contre-poids. -
C'est la guerre; la guerre sans mer-
ci, la guerre inexpiable.
D'un côté l'esprit laïque avec son
goût de recherche scientifique, son
amour de la vérité, sa liberté et sa to-
lérance d'opinions; de l'autre, l'esprit
clérical avec son dogmatisme hautain,
sa défiance des nouveautés, son infa-
tuation et son fanatisme.
Entre eux, point d'arrangement ni
de conciliation possible.
Et c'est le moment qu'un doyen de
faculté choisit pour demander à un
évêque un asile pour les élèves de l'E-
tat, pour les jeter lui-même dans la
gueule du loup.
Il y a là une inconvenance ou une
sottise.
Il serait facile aux étudiants de la
réparer en refusant le bienfait que M.
le doyen a eu la faiblesse d'accepter en
leur nom, en ne se rendant pas A cette
conférence.
Mais l'entente ici est impossible, on
le sent bien.
Parmi eux il s'en trouve nécessaire-
ment qui ne sentent aucune répugnance
à discuter sous la férule de l'évêque.
Leurs opinions leur permettent de ne
voir dans cette férule de surveillant
qu'une houlette de pasteur.
Si les autres ne suivaient pas l'exem-
ple donné par les Eliaeins de la bonne
causer, ils pourraient craindre que le
mécontentement de M. le doyen ne se
traduisît, à la fin de l'année, en boules
noires.
ils se tromperaient, j'en suis con-
vaincu. Mais, vous le savez, défiance
est, dit le proverbe, mère de la sû-
reté.
Ils iront donc, en maugréant, chez
monseigneur. Et ce qu'il y aura de plus
cruel pour eux, c'est qu'ils le remer-
cieront, malgré eux, par la bouche de
leur doyen, de ce prétendu service.
FRANCISQUE SARCEY.
C'est fait ! M. Batbie est entré preste-
ment dans le giron de l'église impérialiste.
Le voilà baptisé et plus ferme en sa foi
qu'un Cassagnac même. Ses journaux sont
Y Appel au peuple à Auch, le Pays à Pa-
ris. Non-seulement il se porte et se fait
porter sur la même liste que M. Peraldi,
mais il signe, avec ce bonapartiste de
vieille roche, une circulaire collective, et
il la publie. Nous l'avions bien prévu que
M. Batbie tournerait mal. Rien d'étonnant
d'ailleurs. Il va où l'ordre moral l'a porté;
il finit en collègue de M. de Broglie, pour
tout dire. Allons ! De profundis 1 si pour-
tant la chose en vaut la peine. Comme dit
l'autre, après tout, ce n'est rien. C'est un
orléaniste qui se noie.
E. L.
CHRONIQUE ÉLECTORALE
ÉLECTIONS SÉNATORIALES
AVEYRON. — Trois sénateurs.
Ce département n'a pas habitué les ré-
publicains à des succèi, car sur huit dé-
putés qu'il compte, sept sont monarchistes;
il est vrai que le huitième est mort. Ces
messieurs n'avaient entre eux que l'em-
barras du choix.
M. Pradié, l'homme du fameux groupe,
s'est vu dédaigné par le comité de « l'U-
nion conservatrice, » encore plus qu'il ne
l'avait été par la Chambre ; il n'est même
pas porté. MM. Delsol, député sortant,
Mayran, vice-président du conseil général,
et Boisse, député sortant, forment la liste,
qui nous a l'air d'avoir une teinte marquée
centre droit, à l'exclusion de MM. de Bo-
nald et de Valady, les forts légitimistes du
crû.
La liste républicaine se compose de MM.
Clausel de Coussergues, avocat, vice-pré-
sident du conseil général, Galteyries, né-
gociant à Rodez, et Médal, ancien repré-
sentant, conseiller général.
CHARENTE. — Deux sénateurs.
Dimanche, une réunion privée à laquelle
assistaient plus de deux cents personnes
venues des divers points du département a
eu lieu à Angoulême chez un membre du
conseil municipal. Après une discussion
approfondie, la réunion a décidé qu'elle
recommanderait au corps électoral sénato-
rial comme candidats républicains :
MM. Broquisse, ancien président du tri-
bunal de commerce et maire d'Angoulême,
et Bellamy, dont nous donnons la profes-
sion de foi, ausfei conservatrice, mais plus
courte que celle, de son compagnon.
Dévoué à la constitution, je veux l'affer.
missement de la République, sous la prési-
dence respectée du maréchal de Mac-Mahon,
et, comme M. le garde des sceaux et M. le
ministre des finances, comme MM. Dufaure
et Léon Say, je n'entends interpréter la clause
de révision ne notre pacte fondamental que
dans le sens du perfectionnement de nos in-
stitutions républicaines.
C'est vous dire que ma candidature est
conservatrice, gouvernementale, anti-ré rolu-
tionnaire.
Je veux le maintien intégral dn suffrage
universel, la diffusion de plus en plus large
de l'instructioa, et la restitution aux con-
seils municipaux du droit de nommer les
maires, au moins dans les limites de la loi de
1871.
Respectueux de toutes les croyances, je
veux la liberté religieuse la plus complète.
Je veux enfin une République ouverte à
tous les honnêtes gens, et qui tende à former,
des débris des anciens partis, le grand parti
national où les hommes de convictions répu-
blicaines soient cordialement unis à ceux
dont la raison et le patriotisme ont accepté
le fait accompli.
Messieurs les électeurs, mon programme
se résume en ees mots :
Ordre, liberté et prospérité au dedans ; paix
et influence au dehors ; c'est-à-dire : maintien
de la constitution et de la République.
On voit que ces candidats appartiennent
à la nuance centre gauche la plus modérée.
M. Broquisse notamment est même un ral-
lié à la République, mais un de ces ralliés
loyaux que le parti républicain doit être
heureux d'accueillir.
Il avait été question, un instant, de por-
ter sur la liste républicaine M. Hennessy
(une des grandes maisons d'eau-de-vie de
la Charente), au cas où cet ancien député
du département irait jusqu'à la profession
de foi républicaine. M. Hennessy, qui nage
dans les mêmes eaux — de vie — que M.
Martell de la Charente, n'a voulu faire
qu'une circulaire incolore, qu'on ne peut
même pas qualifier de constitutionnelle.
C'est que, il faut le dire, le département
est infesté de bonapartisme, à ce point que
M. Mathieu Bodet, le vice-président du
groupe Lavergne, semble ne pas oser ten-
ter l'aventure sénatoriale. Et cependant
les bonapartistes hésitent; jusqu'ici ils
n'ont arrêté de résolution que sur le nom
de M. André, député sortant (ne pas con-
fondre avec M. Alfred André, de la Seine),
ex-candidat officiel de l'empire, complai-
sant approbateur de la guerre de 1870, et
sénateur manqué par suite de nos désas-
tres.
FINISTÈRE. — Quatre sénateurs.
Quoique le département soit riche en re-
présentants archi-monarchistes, la liste
républicaine est faite la première, grâce à
l'activité que déploient nos amis et à la
discipline qu'ils savent observer.
Des délégués de cantons, des conseillers
d'arrondissement, des conseillers géné-
raux, des députés, tous sincèrement dé-
voués à la République, c'est-à-dire au grand
parti national de l'ordre et de la paix, li-
sons-nous dans YElecteur du Finistère,
se sont réunis à diverses reprises et sur
différents points du département, en vue
de s'entendre sur le choix des candidats
au Sénat. A la suite de ces réunions, dont
la dernière a eu lieu à Châteaulin, lundi
dernier, on s'est arrêté définitivement et
d'un commun accord à une liste compre-
nant MM. Morvan, Th. de Pompéry, Rous-
seau et Penquer, d'autres noms également
sympathiques ayant été réservés pour
d'autres luttes électorales. ":'
MM. Morvan, Th. de Pompéry et Rous-
seau sont trois députés actuels du départe-
ment, les deux premiers membres de la
gauche républicaine, le troisième membre
du centre gauche. Quant au quatrième
candidat, M. Penquer, c'est le maire élu
de la ville de Brest, choisi à l'unanimité
par son conseil, universellement aimé de
ses administrés et grandement estimé dans
tout le département autant pour sa droiture
de caractère que pour son talent de mé-
decin.
La liste est bonne et nous comprenons
que les monarchistes blancs, qui craignent
d'effaroucher les électeurs bretons, y re.
gardent à deux fois avant de ranger quatre
noms en bataille.
D'après les derniers renleigoementl, les
partis réactionnaires porteraient : M. Mon-
jaret de Kerjégu, député sortant, qui a eu
quelques variations dans sa vie politique,
mais qui, pour l'instant, est légitimiste ;
M. l'amiral de la Grandière ; M. Soubigou,
un républicain de 1848, qui a renié ses an-
ciens principes; M. de Forsanz, député
sortant, ultra-légitimiste. On voit, d'après
cette liste, que les royalistes blancs ont
tâché de faire quelques petites concessions
« aux idées modernes > pour ne pas être
complétement écrasés ; mais la Bretagne a
secoué le joug, elle sait maintenant qu'elle
n'a que faire de ce qu'on a l'air de lui of. ,-
frir, elle n'a qu'à prendre. -
D'autre part, M. Louis du Temple, ex-
cellent général de brigade dans l'armée
auxiliaire pendant la guerre, actuellement
capitaine de frégate en retraite (an du
Temple qu'il ne faudrait pas confondre
avec son frère le député), a déclaré qu'il
accepterait une candidature nettement ré-
publicaine dans le Finistère, soit pour le
Sénat, soit pour la députation. En pré-
sence de la décision du comité, nous som-
mes convaincus que M. Louis du Temple
se réserve pour la députation.
BASSES-PYRÉNÉES.- Trois sénateurs.
Il se passe quelque chose de fort intéres-
sant dans ce département ; c'est la lutte
de M. Chesnelong contre les républicains
et des républicains contre M. Chesnelong
Jugez-en.
Le comité républicain constitutionnel
composé des délégués des comités des cinq
arrondissements des Basses-Pyrénées, s'est
réuni avant-hier à Pau, à l'occasion des
élections sénatoriales.
M. Marcel Barthe, député, a donné con-
naissance d'une lettre par laquelle l'ami-
ral Jauréguiberry déclare accepter la can-
didature au Sénat qui lui a été offerte par
les comités réunis, et d'une déclaration
par laquelle MM. Duclerc, Barthe, La Caze
et Renaud, députés, proposent au choix
des électeurs sénatoriaux les candidatures
de MM. l'amiral Jauréguiberry, de Lesta-
pis et Daguenet.
Le comité républicain constitutionnel,
après examen et discussion, « pénétré du
sentiment du pays conservateur et de la
nécessité d'assurer l'avenir de nos institu-
tions, a adopté ces candidatures à l'unani-
mité, déclarant que la liste proposée par *'
les députés est empreinte de cet esprit de
conciliation qui a fondé la RéDubliaua At
qui doit la consolider. » -.
M. l'amiral Jauréguibôrry, membre du
conseil d'amirauté, fut nommé député
après la paix, pour sa belle conduite
pendant la guerre, et donna sa démission
de député pour se consacrer tout entier à
la marine. L'amiral Jauréguiberry est de
la nuance contre gauche. >
M. de Lestapis, vice-président du conseil
général, est un député du centre gauche,
qui, toutes les fois que la question de
République ou de monarchie a été posée
devant 1 Assemblée, s'est prononcé pour la
République, mais qui s'est séparé des gau-
ches en mainte autre occasion.
M. Daguenet, président du conseil gé-
néral, est un membre du centre droit qui
a fini par voter la constitution.
On voit, par cet exposé succinct, que la
liste patronnée par des républicains aussi
éprouvés que MM. Duclerc, Marcel Bar-
the, Louis La Caze et Michel Renaud est
des plus anodines. C'est que, disent-ils :
Guidés par l'amour de notre patrie et par
le désir d assurer son repos et son avenir
nous prenons la liberté de vous conseiller
d imiter la sagesse de l'Assemblée nationale
et de vous placer, pour le choix que vous
allez faire, sur le terrain de la constitution
Ce terrain est celui d'une République libé-
rale et conservatrice, ayant à sa tête, pour
président, le maréchal de Mao-Mahon, a la
loyauté duquel tous les partis rendent hom-
mage, et dont le po avoir, issu des votes des
représentants de la France, n'est contesté par
personne.
C'est qu'aussi M. Chesnelong, député en-
core plus clérical que royaliste, accomplit
des prodiges de souplesse dans son dépar-
tement. M. Chesnelong sait qu'il effraie
les gens, il ne se porte pas au Sénat; non
seulement il ne se porte pas, mais il exige
le désistement de son ami Xavier Dufaur
un autre royaliste clérical, et il présente :
M. Daguenet, M. le vicomte de Gontaut-
Biron, député, ambassadeur de France en
Allemagne ; M. de Lestapis. C'elt-à dire un
membre du centre droit, un membre de la
droite modérée, un membre du centre
gauche.
M. Chesnelong le coupe un bras pour
tâcher de sauver le reste et n'avoir pas
tout le corps broyé dans l'engrenage.
TARN-ET-GARONNE. - Deux
sénateurs.
Nous avons pu craindre un instant que
la campagne électorale sénatoriale fût
compromise dans ce département : d'un
coté M. Hippolyte Rous, ancien représen-
tants du peuple à la constituante, juge,
honoraire du tribunal civil de Montauban
ne croyait pas devoir faire de profession
de foi ; de l'autre, M. Gustave Garrissen -
également désigné par le comité, ne vou-
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