Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-01-13
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 68249 Nombre total de vues : 68249
Description : 13 janvier 1876 13 janvier 1876
Description : 1876/01/13 (A6,N1497). 1876/01/13 (A6,N1497).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7557417t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/03/2013
Sixième Année — N* 1495 Prix du Numéro A Paris : 15 Centimes - Départemental : 0O Centimes
Jeudi 13 Janvier Iowa
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
53, rue de Lafayette» 53
Les lettres non affranchies seront refusées
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois 13 fir.
8ix mois. 25
Un an 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 16 (t.
Six mois. 32
Unan. 62
ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
53* rue de Laflnyettei 53
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus
ABONNEMENTS
PARIS
Trois ruois 13 fr.
Six juois 25
Un an. 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois .16 fr.
Six mais. 32
Un an. 62
JOURNAL RÉPUBLICAIN, CONSERVATEUR
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et G"
6, place de la Bourse, 6
Rédacteur en chef-Gérant: E. ÀBOUT 6.
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et Ci%
6, place de la Bonnet 6
-
Imp. A. CHAIX ET C", rue Bergère, iO, à Paris
1 --
BULLETIN
Paris, 12 janvier 1876.
On annonce de toutes parts que la crise
ministérielle est terminée. Disons, pour
plus de prudence, qu'elle est suspendue. Le
ministre de l'intérieur s'est empressé, dès
avant-hier au soir, de rassurer le public
sur l'issue de la complication qui s'était
produite. Hier, la conviction générale était
« qu'il n'y aurait rien. » Pourtant, faisons
deux réserves. D abord certains journaux,
en mesure d'être bien informés, croient
savoir que tous les points du débat pendant
entre les ministres ne sont point vidés.
Ensuite, d'autres feuilles donnent comme
raison de la réconciliation telles détermi-
nations de l'honorable M. Léon Say qui
n'ont rien d'absolument authentique, et
peuvent même paraitre invraisemblables.
Il convient donc de se rassurer sans doute,
mais d'attendre encore avant de se per-
mettre une pleine quiétude.
M. le garde des sceaux a adressé aux
procureurs généraux une circulaire im-
portante, relative à la loi de la presse. On
trouvera plus loin une appréciation.
La clarté tarde à se faire sur l'état des
négociations entre le gouvernement turc
et les divers gouvernements qui ont décidé
d'intervenir dans les affaires de l'empire
ottoman, et l'on en est encore à se deman-
der si ces négociations ont été engagées
avec un caractère officiel. Le correspon-
dant parisien du Times croit bien savoir
que le gouvernement turc se montre moins
rebelle à une sage condescendance, tout en
repousiant encore l'idée d'intervention di-
recte des puissances étrangères dans sa
politique intérieure. C'est une nuance, et
qui ne laisse pas d'être assez difficile à sai-
sir. De plus on sent qu'il y a là plutôt l'in-
tuition du vraisemblable que l'écho d'une
information authentique. Il faudra sans
doute attendre quelque temps pour se ren-
dre un compte exact de la tournure que
doivent prendre les choses en Orient.
Le Landtag prussien est convoqué pour
le 16 de ce mois,
—
Plus de crise
Beaucoup de bruit pour rien. Il y a
replâtrage. M. Buffet a reculé devant
les conséquences de la crise si impru-
demment provoquée en pleine période
électorale. Comment cela s'est-il fait ?
Les journaux à informations ne sont
pas d'accord, par l'exeellente raison
que chacun donne le récit le plus con-
forme à sa politique. Quant au Fran-
çais, sur qui l'on devait compter pour
découvrir la vérité, à la condition de
prendre le contre-pied de ce qu'il aurait
dit, il ne souffle mot. Quelques allusions
par ci, par là, à la crise ministérielle,
où perce une pointe de mauvaise hu-
meur, mais c'est tout. Cette réserve en
dit peut-être plus que de longs articles.
Pour qui connaît les allures de la mai-
son, il est clair que le maître a ordon-
né le silence. C'est que le maître eût
été sans doute fort en peine de se ti-
rer du mauvais pas où il s'est volontai-
rement engagé.
Les fantaisistes, ceux qui prennent
leurs informations chez M. Rouher,
annoncent que le ministre des finan-
ces a obtenu son pardon du président
de la République à la condition d'aban-
donner ses collègues de candidature,
MM. Feray et Gilbert-Boucher, pour
passer de la liste républicaine à la liste
< gouvernementale » en compagnie de
MM. Darblay et Victor Duruy. On ne
sait, en vérité, à qui l'injure s'adresse
le plus directement. Est-ce à l'honora-
ble M. Léon Say ou au maréchal de
Mac-Mahon? Ce que l'un refuserait
avec indignation, l'autre, à coup sûr,
rougirait de le proposer. Mais les bona-
partistes ont une morale à eux, et
quand par hasard ils ont à parler de
questions qui touchent à l'honneur, il
faut leur pardonner beaucoup, car ils
ne savent ce qu'ils disent.
On assure, d'autre part, que M. le
vice-président du conseil a donné lec-
ture, dans le dernier conseil des minis-
tres, de la circulaire qu'il vient d'a-
dresser aux préfets au sujet des élec-
tions. Ua baume, il paraît, que cette
circulaire ! M. Léon Say, M. Dufaure,
M. Wallon l'ont trouvée si constitution-
nelle qu'ils n'ont pu retenir leurs ap-
plaudissements, et du même coup tou-
tes les difficultés ont été aplanies. Est-
ce vrai ? Nous l'ignorons. Vraisembla-
ble? Hélas! non. Nous nous garderons
bien, toutefois, d'exprimer un avis sur
une circulaire encore inédite ; mais il
est permis de concevoir quelques doutes
en présence des déclarations réitérées
de la presse ministérielle, et surtout
des faits trop nombreux qui les confir-
ment.
La presse bonapartiste, en particu-*
lier, persiste à dire que M. Buffet est
plus disposé que jamais à combattre
les constitutionnels de la nuance de M.
Léon Say, gt à favoriser de tout son
pouvoir les candidatures uniquement
mac-mahoniennos. On sait ce que cela
signifie. Ayant à choisir entre des ré-
publicains de toutes nuances qui ont
voté pour la constitution et pour le
maréchal, M. le vice-président du con-
seil accorde la préférence aux monar-
t 1,
chistes de toutes couleurs qui ont voté
ou auçajént voté contre la consiitu-
Ji6irii>afais qui déclarent accepter,
parmi les articles de la loi, celui qui
concerne les pouvoirs du maréchal.
Aux yeux de M. Buffet, avoir voté la
constitution est une tare. Il trouve
scandaleux qu'un ministre de la Répu-
blique se présente au suffrage univer-
sel comme républicain, et promette de
ne pas combattre, comme député, le
gouvernement qu'il a le devoir de dé-
fendre comme ministre.
Voilà ce que dit la presse bonapar-
tiste en particulier et la presse « con-
servatrice » en général. Or, les faits
prouvent assez qu'on ne calomnie pas
M. Buffet en lui attribuant cette politi-
que électorale. Quels sont les candidats
sénatoriaux patronnés officiellement?
Dans le Cantal, M. de Parieu, un bona-
partiste; dans les Côtes-du-Nord, MM.
de Kerjégu et de Tréveneuc, deux légi-
timistes ; dans le Doubs, MM. de Mérode
et Mettetal, un orléaniste et un bona-
partiste; dans le Gard, MM. de Larcy
et de Chabaud-Latour, deux orléanistes ;
dans la Vienne, MM. Bourbeau et de
Ladmirault, un bonapartiste et un lé-
gitimiste. Il faudrait citer les 86 dé-
partements, sans oublier Seine-et-Oise,
où trois républicains des plus modérés,
en possession de l'estime générale,
sont combattus officiellement ou dans
l'ombre, au profit de deux candidats
bonapartistes et d'un orléaniste.
On comprendra sans peine que nous
ne puissions attribuer que sous toutes
réserves à la circulaire éleetorale de
M. Buffet l'heureuse terminaison de la
crise ministérielle. M. Buffet n'a pas
changé; M. Léon Say et ses collègues
républicains ne changeront pas; mais
il nous semble raisonnable de croire
que le premier a puisé dans une intel-
ligence plus nette de ses intérêts, et
les autres dans leur patriotisme, la ré-
solution d'éviter à tout prix une crise
en ce moment. Nous voulons espérer
aussi que l'intervention du président de
la République n'aura pas été inutile à
l'apaisement des irritations légitimes
et des colères intempestives. Ce que
peut souhaiter le plus ardemment, à
cette heure, le chef de l'Etat, c'est que
rien ne vienne troubler cette « sérénité
électorale » que M. Buffet a failli com-
promettre. Le maréchal de Mac-Mahon
n'ignore pas que si les élections mena-
cent quelqu'un, c'est le ministre impru-
dent et vantard à qui n'a point suffi
la rude leçon qu'il a reçue de l'Assem-
blée.
E. SCHNERB.
POST-SORIPTUM
Tout recommence. Après le conseil
des ministres qui s'est terminé à six
heures, nous étions derechef en pleine
crise ministérielle.
M. le vice-président du conseil a re-
fait un de ses discours bien connus sur
la nécessité de l'union conservatrice,
d'où il persiste à exclure les républi-
cains les plus modérés. Il n'a jamais
été, il ne veut pas être, il ne sera ja-
mais l'allié du centre gauche.
Est-il besoin de dire que sur ce ter-
rain M. Buffet ne pouvait être suivi ni
par M. Dufaure ni par M. Léon Say?
Tous deux ont énergiquement protesté,
tous deux ont refusé de sanctionner
plus longtemps par leur présence une
politique qu'ils considèrent avec raison
comme anti-constitutionnelle, c'est-à-
dire anti-conservatrice.
Nous devons ajouter que M. le duc
Decazes et M. Wallon se sont rangés,
sans hésitation, du côté de MM. Du-
faure et Léon Say.
Aujourd'hui, à neuf heures du ma-
tin, nouveau conseil des ministres.
Qu'en sortira-t-il? Tout dépend du ma-
réchal de Mac-Mahon. Mais ce que l'on
peut affirmer dès maintenant c'est que
M. Buffet, quoi qu'il arrive, est jugé,
irrévocablement jugé.
E. S.
e
Le Journal des Débats publiait hier la
note suivante :
M. Léon Say, ministre des finances, a
donné hier sa démission, sur. la demande du
maréchal-président de la République. Cette
démission n'a pas paru ce matin à Y Officiel,
et nous apprenons que, dans la journée, de
nouveaux pourparlers ont été engagés. Nous
n'en connaissons pas encore le résultat.
Le Temps donnait à son tour quelques
renseignements sur l'état de la crise, hier.
avant le conseil des ministres qui s'est réuni
à trois heures :
Dans le conseil des ministres, qui a été
tenu hier lundi et qui a duré de trois heu-
res et demie à cinq heures et demie, il n'a
presque point été question de la démission
provoquée de M. Léon Say et de la démis-
sion annoncée de M. Dufaure.
On a considéré que la crise n'était ouverte
que par les graves dissentiments de plu-
sieurs membres du cabinet au sujet de la
politique électorale, et on s'est demandé s'il
n'y aurait pas lieu d'éclaircir la situation
par un manifeste collectif accepté par tous
les membres du cabinet.
Dans le conseil qui a lieu aujourd'hui a
trois heures et demie, les membres du cabi-
net doivent apporter, dit-on, des projets de
rédaction qui seraient débattus et seraient
fondus en un seul programme, lequel serait
rédigé définitivement par M. Dufaure et lu
une dernière fois dans un conseil demain ou
aprôs-demaîn.
M. Buffet paraît néanmoins avoir compris
la gravité de la démarche qu'il avait faite en
provoquant gratuitement la démission de M.
Léon Say. Ce dernier a été convoqué au con-
seil hier et aujourd'hui. Or, M. Buffet connaît
assez son collègue pour savoir qu'il se consi-
dèra comme engagé d'honneur à ne renier ni
ses amitiés, ni ses opinions. Il espère donc
que le programme collectif qu'on élabore en
ce moment donnera à M. Léon Say une satis
fictien.
- On voit que jusqu'à présent, dans cette
crie ouverte par son fait et par son fait seul,
M. Buffet ne fait pas une bien brillante figure
puisqu'il convoque aujourd'hui le collègue
dont il a demandé avant-hier la démission.
Tous ceux qui se réjouissaient de voir la pé-
riode électorale s'ouvrir sous les plus heu-
reux et les plus pacifiques auspices feront
des vœux pour que M. Léon Say demeure à
son poste et qu'on puisse conjarer une crise
qui n'aurait certainement pas profité, en se
prolongeant, aux idées modérées et conser-
vatrices dont le chef du cabinet se figure
fort à tort avoir le monopole.
M. le garde des sceaux a commenté
si libéralement la loi de la presse que
l'on oublierait presque qu'il en est le
principal auteur. Nous donnons ailleurs
les parties les plus importantes de sa
circulaire aux procureurs généraux.
On y remarquera, à propos de l'arti-
cle 1er de la loi, la distinction que M.
Dufaure établit entre les discussions
permises, dont la constitution peut être
l'objet, et « les attaques violentes et
passionnées » que doit réprimer le gou-
vernement. Un peu plus loin, à propos
de l'article 2, on sera frappé de l'insis-
tance du ministre de la justice à bien
établir que la loi ne saurait avoir
pour effet d'étendre les responsabi-
lités outre mesure en matière de
colportage illicite : « Vous poursui-
vrez ceux, écrit-il, qui, sciemment, au-
ront aidé ou assisté les agents de la
distribution ; mais les auteurs qui se
seront bornés à livrer leurs écrits à la
publicité, les imprimeurs qui les au-
ront fait - sortir - - de - leurs presses, ne - de-
vront pas être mis en cause. » La cir-
culaire a soin de rappeler aussi qu'on
ne peut songer à interdire aux candi-
dats de faire distribuer leurs profes-
sions de foi et leurs bulletins sans autre
formalité que le dépôt préalable au
parquet. Sur l'article 3, qui n'est autre
que l'amendement Janzé, tout le com-
mentaire du garde des sceaux se réduit
à ces quatre lignes, que l'on prendrait
volontiers pour un épigramme : « Je
n'ai pas à vous parler de l'article 3,
qui a eu pour but de régler une attri-
bution de l'autorité administrative,
mais qui ne concerne en rien l'autorité
judiciaire. »
Mais ce qui s'impose surtout à l'at-
tention du lecteur, ce sont les recom-
mandations générales dont M. le garde
des sceaux veut que les parquets soient
bien pénétrés. Il ne se lasse point de
répéter que « l'intention du législateur
n'a pas été de sacrifier la juridiction
du jury en matière de presse, et qu'il
ne faudrait pas chercher dans la loi un
moyen de supprimer la juridiction du
jury. » Aux magistrats des tribunaux
correctionnels, il rappelle « tout ce
qu'ils auraient à perdre à redevenir
juges des procès ayant un caractère ou
une tendance purement politique. » Il
les exhorte à toujours observer dans
la répression une juste mesure, et à
ne pas oublier surtout « qu'en ma-
tière de presse, comme en toute au-
tre matière, les condamnations n'ont
d'effet durable qu'à condition d'ê-
tre approuvées par l'opinion publi-
que. » Il invite enfin les parquets à se
mettre en garde contre les instances
des fonctionnaires publics prêts à in-
tenter contre les journaux avec trop
d'ardeur des procès en diffamation ou
en injures. « Vous les engagerez,
écrit-il, à ne pas paraître trop sensi-
bles aux attaques de peu d'importance
et à ne saisir les tribunaux que lors-
que leur honneur sera véritablement
mis en jeu ». En terminant, M. le gar-
de des sceaux revient encore sur la
nécessité de ne pas faire de la loi nou-
velle un instrument de réaction : « Vous
vous pénétrerez de cette idée que la
loi qui vient d'être adoptée n'est ni
une loi de réaction dirigée contre la
presse ou contre le droit d'examen et
de discussion, dont la presse est l'ins-
trument merveilleux et nécessaire, ni
une loi d'exception. »
Tel est ce commentaire de la loi,
infiniment plus libéral que la loi même.
M. le garde des sceaux veut-il savoir
ce que nous pensons ? Nous aurions
préféré, tout en rendant hommage aux
nobles intentions de la circulaire, que
le libéralisme fût dans la loi, non dans
le commentaire. Les loig restent; et les
circulaires, qui passent, sont ce que
les ministres les font. Supposez un in-
stant que la crise ministérielle qui
éclatait hier eût tourné au profit de la
politique réactionnaire. Supposez que
M. Dufaure eût été remplacé par un
autre ministre de la justice, choisi de
la main de M. Buffet. Supposez que le
document que vient de publier le Jour-
nal officiel n'y eût pas encore été in-
séré et que les procureurs généraux
ne l'eussent pas reçu. Supposez que
ce nouveau garde des sceaux, - peut-
être un Ernoul, un Tailhand, - se fût
alors chargé d'enrichir la loi de la
presse de ses commentaires. Qu'aurait-
il écrit? Quant à nous, nous éprou-
vons un certain frémissement lorsque
nous pensons aux explications- aux
instructions que, sur ce même texte de
loi, un garde des sceaux tel que nous
en avons connu aurait données.
C'est M. Dufaure, heureusement, qui
envoie aux procureurs généraux cette
première circulaire. Mais dans l'appli-
ditiou, combien darera-t-elle ? Autant
que lui. Le premier vent de réaction
qui peut souffler emportera tout ce libé-
ralisme ; et nous resterons face à faee
avec la loi, la dure loi. Il nous restera
bien la ressource d'exhumer du Journal
officiel quelques beaux fragments de la
circulaire du 7 janvier 1876. Voilà, vous
le voyez bien, dirons-nous, voilà dans
quel esprit l'honorable M. Dufaure avait
conçu, proposé la loi de la presse ; voilà ce
qui confond les interprétations réaction-
naires, etc., etc. Oui, mais à quoi nos
citations serviront-elles? Sujet d'arti-
cles pour les journaux de l'avenir; et
puis c'est tout. Nous l'avons trop bien
vu, quand, si souvent, nous avons re-
cherché les discours et les circulaires
des anciens rapporteurs ou des anciens
gardes des sceaux sur la loi de l'état
de siège ou sur cet article fameux dont
les préfets de l'ordre moral ont tant
profité pour interdire les feuilles répu-
blicaines sur la voie publique. Nous
avons démontré, prouvé qu'on fai-
sait de ces lois un usage excessif, que
l'on en donnait les interprétations les
plus abusives. Oui, mais nous avions
beau compulser, citer, attester, les com-
mandants d'état de siége ne nous en
suspendaient pas moins, et M. Léo ne
nous en expulsait pas avec moins de
sé«&ûté,dô la voie publique. Tous ces
commentaires libéraux n'étaient que de
l'histoire ancienne; les ministres, les
préfets, les chefs de bureau, bref, les
autorités contemporaines, en jugeaient
autrement, et nous le faisaient assa-
voir. Nous en portons les marques.
Ces souvenirs sont assez récents et
assez cuisants pour tempérer aujour-
d'hui notre enthousiasme. Sachons gré
cepondant à M. Dufaure d'avoir écrit
ces pages, sincèrement libérales sur la
loi nouvelle. Tel le vieux Corneille, qui
sut mettre un si grand sentiment de
poésie dans M Examen de son Agésilas.
Mais le parterre, ne jugeant que la tragé-
die, s'écriait : Hélas ! Nous aussi, c'est
à l'œuvre que nous pensons, non point
à la préface ou à la post-face. Il y a
des beautés dans la circulaire; mais
quel dommage que les beautés ne soient
pas dans la loi !
Eue. LIÉBERT.
—.
Où l'amour d'un siége au Sénat entraine-
t-il M. de Rainneville ?
Nous lisons dans sa circulaire :
Je n'ai pas hésité, vous le savez, à
voter les lois constitutionnelles.
Cela est aussi. vrai que les allégations
du même M. de Rainneville sur la Défense
nationale, ces fameusel allégations qui lui
valurent une si verte réplique de M. le gé-
néral Trochu.
Quoi ! M. de Rainneville n'a pas hésité,
— nouù le savons! - à voter les lois con-
stitutionnelles ?
Ce que nous savons et ce dont le Jour-
nal officiel fait foi, c'est que, le 30 janvier
1875, M. de Rainneville a repoussé, —
d'ailleurs sans hésitation aucune, — l'a-
mendement Wallon dont le rejet entraî-
nait la ruine des propositions constitu-
tionnelles. Ce ne fut certes pas sa faute si
cet amendement fut adopté à la majorité
à'une voix.
Et c'est à l'abri de son vote, de son vote
constitutionnel, que le député de la Somme
voudrait se mettre à l'heure qu'il est !
Il n'y a là-deasus qui mot qui soit en si-
tuation :
C'est raide !
E. L.
—-♦
Dossier de l'Union conservatrice
Il existe à Arles un cercle qui se nomme
le Cercle des Amis réunis. Rten jusqu'ici
qui distingue ce cercle de tous les autres.
Mais les amis réunis d'Arles sont surtout
unis dans les sentiments légitimistes les
plus fervents et les plus purs. Aussi se
sont-ils donné la douce satisfaction d'écrire
à M. de la Rochette une adresse de félici-
tations chaleureuses à propos de son atti-
tude à l'Assemblée lors de l'élection des
sénateurs. Il n'y vont pas de main légère,
les amis réunis d'Arles, et ils veus dra-
pent les conservateurs centre-droit de la
belle manière. J agez-en un peu : « Par une
tactique parlementaire tout d'abord in-
comprise, mais à laquelle on a bientôt ap-
plaudi, vous avez fait justice des téné-
breuses intrigues de quelques ducs trico-
lores, et mis, enfin, un terme à leurs au-
dacieux complots, qui ont provoqué jus-
qu'ici dans nos rangs les plus ameres dé-
ceptions et produit le vote du 22 février
dernier. »
« Les quelques ducs tricolores, » est-ce
assez hautain? est-ce assez impertinent?
« Ténébreuses intrigues » est juste ; « au-
dacieux complot » est un peu hasardé: car
ce n'est pas toujours par une audace té-
méraire que s'est distingué le parti des
ducs. Mais « ducs tricolores » est d'un ton
cavalier et fringant qui sied aux « ducs
blancs > le mieux du monde.
Maintenant, voici le cri de triomphe, le
Te Deum lyrique :
« A cette heure, l'orléanisme est vaincu
et enterré, et au milieu de cette défaite,
les princes d'Orléans, jusqu'ici très-sobrofi
en paroles et en écrits, protestent de leur
dévouement au pays et déclarent renoncer
à la vie politique, après avoir essayé de
rétablir la monarchie constitutionnelle. »
Après les ducs tricolores, les princes in-
colores devaient venir; c'était justice, et
on leur fait une place d'honneur dans l'é-
pi ta pfe s,
Et yoiiâ Ou ils en sont venu?, les boas
alliés, et voilà où il en restent ! Et quand
on songe qu'ils ont pendant cinq ans crié
sur tous les tons à la France que la con-
corde, exilée du reste de la terre, s'étâtt
réfugiée dans les bras enlacés des légiti-
mistes orléanisants et des orléanistes fleur-
delysés! C'étaient eux, à les entendre,
qui faisaient le cercle des amis réunh, et,
en vérité, par ci, par là, ils avaient réussi
à le faire croire.
Et quand on songe qu'à l'heure actuelle,
on en parle encore, de cette union conser
vatrice, qui aura été, en fait d'invention
fantastique, le digne pendant du pavé con-
servateur de Mercadet ! Quand on songe
qu'on la retrouve, plus modeste à la vé-
rité, mais chantant encore sa vieille an-
tienne, de temps en temps, d'habitude
prise, dans quelques coins écartés et quel-
ques journaux solitaires l Ah ! les faux
ménages ! les faux ménages ! Voulez-vous
en savoir l'histoire en deux mots : Pen-
dant deux ans on se fait des promesses,
pendant trois ans on se fait des reproches ;
et pourtant, devant le monde, on conti-
nue à se montrer à peu près d'accord.
Il faut des formes. Mais tout à coup,
une récrimination perce, un mot dur
échappe, une scène éclate. C'est la débâ-
cle. Ces spectacles sont toujours pénibles.
Franchement, nous aimerions mieux qu'en
se séparât avec dignité. Mais il est trop
tard. Il n'est même plus temps de tout ar-
ranger par un mariage in extreJnis.
Pour contracter un mariage, même de
cette sorte, il faudrait encore être vivants.
FABRICB.
———————— ————————
Pour la troisième fois, dit le Français,
nous affirmons que M. Dufaure ne se laisse
point porter sur la liste républicaine de la
Charente-Inférieure.
Pour la seconde fois, le Courrier de La
Rochelle publie la liste suivante :
ÉLECTIONS SÉNATORIALES
Liste constitutionnelle
MM. DüFAURE, ministre de la justice et
garde des sceaux.
Colonel DEXFERT.
Anatole LEMERCIER, vice-président
du conseil général
Et nulle part M. Dufaure n'a protesté
contre l'insertion de son nom dans cette
liste. Il serait bon que le Français, quand
il niera l'évidence pour la quatrième fois,
produisît une preuve quelconque de ce
qu'il avance. Car il est difficile de croire,
sur a seule foi du Français t que M.
Dufaure repousse la candidature si hono-
rable qui lui est offerte. IL y a deux hom-
mes qui « s'appellent Belfort » : c'est M.
Denfert, d'al 1, et M. Thiers ensuite. M.
Dufaure a eu 1 honneur d'approcher l'un
de très-près, il n'a aucune raison de fuir
la compagnie de l'autre.
F.
--- ---+----.---
TOUJOURS LE CŒUR LÉGER !
Plaisante lettre, dans l'Ordre, à l'a-
dresse des électeurs du Var. Elle est de M.
Emile Ollivier. Nous y lisons :
Je n'ai pas désiré ou recherché le conflit
avec la Prusse. Je n'ai cessé de revendiquer
pour tous les peuples le droit de se constituer
librement. Après les événements de 1866, en
Allemagne, je n'ai pas enflammé les esprits
en présentant Sadowa comme une défaite
française. En juillet 1870, j'ai tenté tout ce
qu'il est humainement et honnêtement possi-
ble de faire pour conserver la paix. Malgré
les eneouragements passionnés du Parlement,
des journaux, de l'opinion publique, des
chefs de l'armée, nous ne nous sommes déci-
dés à courir les hasards des batailles, à ac-
cepter la guerre qu'on avait préméditée et à
laquelle on nous provoquait, que lorsque
l'honneur l'a impérieusement exigé. Alors
nous avons pensé, avec ChAteaubriand. que
les peuples périssent par la lâcheté, et que
la défaite même est préférable à la honte.
Si tout le monde avait rempli son devoir
comme nous avons rempli le nôtre ; si les me-
nées des irréconciliables n'avaient pas tra-
versé les plans de nos généraux et livré à
l'ennemi le secret de leurs mouvements; si
l'empereur, que la volonté de la nation avait
poussé sur le champ de bataille, n'eût pas été
trahi; si une révolution, complice de l'ennemi,
n'avait pas désorganisé et gaspillé nos res-
sources, l'admirable armée du Rhin, qui a
sauvé l'honneur, aurait peut être retrouvé la
victoire; dans tous les cas, notre défaite n'eût
été qu'un malheur passager, déjà réparé, non
un effondrement dont nous ne nous relève-
rons que par de longs et héroïques efforts.
Quant au « cœur léger », à la a guerre fol-
lement entreprise P, aux « dépêches inven-
tées », ces lieux communs, niais ou calom-
nieux, de la haine, ne résisteraient pas à une
discussion contradictoire A l, tribune avec J
ceux qai ne les ont lépétés avec tant d'au-
dace que parce que je n'étais pas eu présence
d eux pour les confondre.
Les attaques mêmes dont je suis l'objet me
créent un droit à vos suffrages. Lorsqu'un
homme, sur lequel on a depuis six ans re-
jeté d'aussi lourdes responsabilités, qu'on a
abreuvé d'aussi grossiers ootrages, demande
la parole à son pays, la lui refuser ne serait
ni équitable ni courageux; ce serait avouer
qu'on redoute d'entendre ce qu'il dira.
Eh ! monsieur, si vous avez l'envie de
vous justifier, il est inutile qu'on vous
nomme député pour cela. Vous demandez
la parole ; mais qui vous empêche de la
prendre ! Ne pouvez-vous publier votre
apologie 7 Est-il nécessaire que la tribune
d'une Assemblée législative s'ouvre devant
vous pour que vous y portiez votre dé-
fense ? Où en serions-nous si tous ceux qui
ont besoin de se justifier suivaient votre
exemple? Il nous faudrait voter bientôt
pour les candidats des maisons centrales,
au nom de ce nouveau droit à la justifi-
cation !
E. L.
Cette étrange circulaire de M. Ollivier,
qu'ont reniée autrefois la plupart des bo-
napartistes mêmes, nous remet en mémoire
une lettre que nous écrivait le 13 août der-
nier M. Dréolle, 011 se trouvaient les pas-
sages suivants •
Je lia cà stir. riaus la nu mai G dn XIX9 Siè,
cle dftté de demsin ?amedi: un passage do
Bullntin où i on rappelle le jugement (1) que
j'ai porté pur la guerre de 1870 et sur la poli-
tique du sieur Ollivier. Je n'ai rien à retirer de
(1) Nous rappelons le texte de cejugment,
porté par M Dréolle : Guerre insensée, 1UcJa-
vêe A l'aide de mensonges diplomatigl("S.
ce jugement, qui ne date pas seulement de
février 1871, alors que j'écrivais à la Gironde
de Bordeaux, mais qui remonte aux premier#
jours de juillet 1870, alors que toat le mat
n'était pas encore fait et que je dénonçais
comme une folie, dans mon journal Je Public,
l'œavre de MM. de Gramont et Ollivier, mi-
nistres constitutionnellement et réellement
responsables.
Je m'applaudirai toujours d'avoir instinc-
tivement condamné la politique extérieure
du 2 janvier, et je vous remercie de m'avoir
cité.
Bonapartiste depuis la première heure de
ma vie politique, il y a de cela vingt-cinq
ans, je suis et je resterai bonapartiste, — ce
qui me laisse toute liberté pour redire encore
une fois, avec une conviction inébranlable,
que la déclaration de guerre de 1870 fut un
acte insensé, inhabilement provoqué par des mi-
nistres insuffisants, et dont la responsabilité
tout entière incombe uniquement à MM. de
Gramont et Ollivier.
Le Pays d'hier, montrant plus de diplo-
matie que de coutume, condamnait en ces
termes la candidature de M. Emile Olli-
vier :
La candidature de M. Emile Ollivier est
une candidature profondément regrettable.
et elle accuse un certain* manque de sens mo-
ral chez l'ancien président du conseil des mi-
nistres.
--------.-
Reum conrÜcntem. « Il existe par mal-
heur, dit le Français, bien des points où
les candidatures conservatrices font dé-
faut. Est-ce stérilité du pays? » Ce pays
stérile en conservateurs, ces fleurs conser-
vatrices trop délicates pour s'épanouir en
terre française, il y a là quelque chose d'é
légiaque et d'attendri qui touchera tout
cœur un peu bien situé. « Adieu, trop in-
féconde terre ! » disait le poète. Ce n'est
pas faute pourtant d'avoir arrosé « ces vi-
laines fleurs-là, » et l'on a consacré deux
années de-foins préfectoraux et de sueurs
ministérielles à ce genre d horticulture,
beaucoup plus coûteux et beaucoup moins
riant que la production des tulipes hol.
landaises.
Mai* c'est ainsi que va le monde, et tou
jours une partie du bon grain tombe sur les
cailloux qui bordent la route. Que le Fran-
çais se console pourtant. Tout le travail
de ses amis ne sera pas perdu. Ils* ont
semé des circulaires Pascal, des suppres-
sions de journaux libéraux, des maires se-
lon le cœur de M. Rouher. Ils récolteront
un petit regain de sénateurs et de députes
bonapartistes. Pas beaucoup, je sais bien ;
mais assez pour attester leur zèle et l'ha-
bileté merveilleuse de leurs précédés hor-
ticoles.
F.
LE MOUVEMENT PHILOSOPHIQUE
(;:,,t un fait qui est consolant à
constater.
Tandis que le cleri¿ français afficha
la prétention de nous ramoner à la
vieille scolastique du moyen-àfcw et
qu'il fonde dans ce but des universités
exclusivement fermées à toute doctrine
qui n'est pas tirée du Syllabus, il m
produit de toutes parts un mouvemeut
philosophique qui est digne de remar-
que, et ces nobles études, si longtemps
négligées, semblent reprendre faveur
chez le public.
Il faut bien avouer que M. Cousin,
avec son faux libéralisme et son faux
spiritualisme, avait porté un coup sen-
sible au goût des recherches philosQ-
phiques. Il avait peu à peu réduit la
philosophie à n'être plus qu'un manuel
de morale et un recueil d'amplifications
de rhétorique.Le peu que l'on en faisait,
au lycée, dans la classe qui portait ce
nom, avait même encore inspiré quelques
craintes aux ministres du second em-
pire, et ils s'étaient arrangés pour que
l'année qui devait être consacrée à cette
étude fut dévorée tout entière par la.-.
préparation du baccalauréat.
Je me souviens du mot qui me fut
dit, à moi-même, par un des recteurs
de l'Université d'alors.
Je professais la seconde, et le chef
de l'instruction dans le département
s'avisa de faire de moi un maître de
philosophie. Il me manda dans son ca-
binet pour m'instruire de ses intentions.
— Mais, monsieur, objectais-je avec
quelque embarras, c'est que je ne me
suis jamais occupé spécialement de
philosophie ; j'en sais ce qu'on m'en M
appris à l'école, où j'étais dans la sec
tion des lettres pures, c'est-à-dire fort
peu de chose, et je crains de n avoir
pas assez de compétence ni de goût
pour cet enseignement.
— C'est justement ce qu'il nous faut,
me dit le recteur.
Et comme je le regardais, étonné :
— Nous ne tenons pas, ajoutat.il. à
ce que les élèves poussent bien avant
de ce côté. Vous transformerez les étu-
des philosophiques en exercices litté-
raires, et c'est ce que nous deman-
dons. Ce qui nous plaît en vous, c'est
précisément la préférence qu'entraîné
par la pente de votre esprit et de votre
éducation, vous donnerez invincible-
ment aux lettres.
Sur ce beau raisonnement, le fus
nommé professeur de philosophie.
Ce qu'il y eut de plaisant dans l'a-
venture, c'est que, sans y mettre de
rnalic, je trompai absolument itta; pré-
visions de M. radcaiDiâtrateur en chef.
Une fois ma première répugnance sur-
montée. je me jetai avec une incroya-
ble ardeur dans cette étude, qui, 3aas
être nouvelle pour moi, ne m'était pas
très-familière. '-
C'est alors que je fus épouvanté du
néant de l'enseignement que j'avais à
Jeudi 13 Janvier Iowa
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
53, rue de Lafayette» 53
Les lettres non affranchies seront refusées
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois 13 fir.
8ix mois. 25
Un an 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois. 16 (t.
Six mois. 32
Unan. 62
ADMINISTRATION
Adresser lettres et mandats à l'Administrateur
53* rue de Laflnyettei 53
Les manuscrits non insérés ne seront pas rendus
ABONNEMENTS
PARIS
Trois ruois 13 fr.
Six juois 25
Un an. 50
DÉPARTEMENTS
Trois mois .16 fr.
Six mais. 32
Un an. 62
JOURNAL RÉPUBLICAIN, CONSERVATEUR
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et G"
6, place de la Bourse, 6
Rédacteur en chef-Gérant: E. ÀBOUT 6.
Annonces, chez MM. LAGRANGE, CERF et Ci%
6, place de la Bonnet 6
-
Imp. A. CHAIX ET C", rue Bergère, iO, à Paris
1 --
BULLETIN
Paris, 12 janvier 1876.
On annonce de toutes parts que la crise
ministérielle est terminée. Disons, pour
plus de prudence, qu'elle est suspendue. Le
ministre de l'intérieur s'est empressé, dès
avant-hier au soir, de rassurer le public
sur l'issue de la complication qui s'était
produite. Hier, la conviction générale était
« qu'il n'y aurait rien. » Pourtant, faisons
deux réserves. D abord certains journaux,
en mesure d'être bien informés, croient
savoir que tous les points du débat pendant
entre les ministres ne sont point vidés.
Ensuite, d'autres feuilles donnent comme
raison de la réconciliation telles détermi-
nations de l'honorable M. Léon Say qui
n'ont rien d'absolument authentique, et
peuvent même paraitre invraisemblables.
Il convient donc de se rassurer sans doute,
mais d'attendre encore avant de se per-
mettre une pleine quiétude.
M. le garde des sceaux a adressé aux
procureurs généraux une circulaire im-
portante, relative à la loi de la presse. On
trouvera plus loin une appréciation.
La clarté tarde à se faire sur l'état des
négociations entre le gouvernement turc
et les divers gouvernements qui ont décidé
d'intervenir dans les affaires de l'empire
ottoman, et l'on en est encore à se deman-
der si ces négociations ont été engagées
avec un caractère officiel. Le correspon-
dant parisien du Times croit bien savoir
que le gouvernement turc se montre moins
rebelle à une sage condescendance, tout en
repousiant encore l'idée d'intervention di-
recte des puissances étrangères dans sa
politique intérieure. C'est une nuance, et
qui ne laisse pas d'être assez difficile à sai-
sir. De plus on sent qu'il y a là plutôt l'in-
tuition du vraisemblable que l'écho d'une
information authentique. Il faudra sans
doute attendre quelque temps pour se ren-
dre un compte exact de la tournure que
doivent prendre les choses en Orient.
Le Landtag prussien est convoqué pour
le 16 de ce mois,
—
Plus de crise
Beaucoup de bruit pour rien. Il y a
replâtrage. M. Buffet a reculé devant
les conséquences de la crise si impru-
demment provoquée en pleine période
électorale. Comment cela s'est-il fait ?
Les journaux à informations ne sont
pas d'accord, par l'exeellente raison
que chacun donne le récit le plus con-
forme à sa politique. Quant au Fran-
çais, sur qui l'on devait compter pour
découvrir la vérité, à la condition de
prendre le contre-pied de ce qu'il aurait
dit, il ne souffle mot. Quelques allusions
par ci, par là, à la crise ministérielle,
où perce une pointe de mauvaise hu-
meur, mais c'est tout. Cette réserve en
dit peut-être plus que de longs articles.
Pour qui connaît les allures de la mai-
son, il est clair que le maître a ordon-
né le silence. C'est que le maître eût
été sans doute fort en peine de se ti-
rer du mauvais pas où il s'est volontai-
rement engagé.
Les fantaisistes, ceux qui prennent
leurs informations chez M. Rouher,
annoncent que le ministre des finan-
ces a obtenu son pardon du président
de la République à la condition d'aban-
donner ses collègues de candidature,
MM. Feray et Gilbert-Boucher, pour
passer de la liste républicaine à la liste
< gouvernementale » en compagnie de
MM. Darblay et Victor Duruy. On ne
sait, en vérité, à qui l'injure s'adresse
le plus directement. Est-ce à l'honora-
ble M. Léon Say ou au maréchal de
Mac-Mahon? Ce que l'un refuserait
avec indignation, l'autre, à coup sûr,
rougirait de le proposer. Mais les bona-
partistes ont une morale à eux, et
quand par hasard ils ont à parler de
questions qui touchent à l'honneur, il
faut leur pardonner beaucoup, car ils
ne savent ce qu'ils disent.
On assure, d'autre part, que M. le
vice-président du conseil a donné lec-
ture, dans le dernier conseil des minis-
tres, de la circulaire qu'il vient d'a-
dresser aux préfets au sujet des élec-
tions. Ua baume, il paraît, que cette
circulaire ! M. Léon Say, M. Dufaure,
M. Wallon l'ont trouvée si constitution-
nelle qu'ils n'ont pu retenir leurs ap-
plaudissements, et du même coup tou-
tes les difficultés ont été aplanies. Est-
ce vrai ? Nous l'ignorons. Vraisembla-
ble? Hélas! non. Nous nous garderons
bien, toutefois, d'exprimer un avis sur
une circulaire encore inédite ; mais il
est permis de concevoir quelques doutes
en présence des déclarations réitérées
de la presse ministérielle, et surtout
des faits trop nombreux qui les confir-
ment.
La presse bonapartiste, en particu-*
lier, persiste à dire que M. Buffet est
plus disposé que jamais à combattre
les constitutionnels de la nuance de M.
Léon Say, gt à favoriser de tout son
pouvoir les candidatures uniquement
mac-mahoniennos. On sait ce que cela
signifie. Ayant à choisir entre des ré-
publicains de toutes nuances qui ont
voté pour la constitution et pour le
maréchal, M. le vice-président du con-
seil accorde la préférence aux monar-
t 1,
chistes de toutes couleurs qui ont voté
ou auçajént voté contre la consiitu-
Ji6irii>afais qui déclarent accepter,
parmi les articles de la loi, celui qui
concerne les pouvoirs du maréchal.
Aux yeux de M. Buffet, avoir voté la
constitution est une tare. Il trouve
scandaleux qu'un ministre de la Répu-
blique se présente au suffrage univer-
sel comme républicain, et promette de
ne pas combattre, comme député, le
gouvernement qu'il a le devoir de dé-
fendre comme ministre.
Voilà ce que dit la presse bonapar-
tiste en particulier et la presse « con-
servatrice » en général. Or, les faits
prouvent assez qu'on ne calomnie pas
M. Buffet en lui attribuant cette politi-
que électorale. Quels sont les candidats
sénatoriaux patronnés officiellement?
Dans le Cantal, M. de Parieu, un bona-
partiste; dans les Côtes-du-Nord, MM.
de Kerjégu et de Tréveneuc, deux légi-
timistes ; dans le Doubs, MM. de Mérode
et Mettetal, un orléaniste et un bona-
partiste; dans le Gard, MM. de Larcy
et de Chabaud-Latour, deux orléanistes ;
dans la Vienne, MM. Bourbeau et de
Ladmirault, un bonapartiste et un lé-
gitimiste. Il faudrait citer les 86 dé-
partements, sans oublier Seine-et-Oise,
où trois républicains des plus modérés,
en possession de l'estime générale,
sont combattus officiellement ou dans
l'ombre, au profit de deux candidats
bonapartistes et d'un orléaniste.
On comprendra sans peine que nous
ne puissions attribuer que sous toutes
réserves à la circulaire éleetorale de
M. Buffet l'heureuse terminaison de la
crise ministérielle. M. Buffet n'a pas
changé; M. Léon Say et ses collègues
républicains ne changeront pas; mais
il nous semble raisonnable de croire
que le premier a puisé dans une intel-
ligence plus nette de ses intérêts, et
les autres dans leur patriotisme, la ré-
solution d'éviter à tout prix une crise
en ce moment. Nous voulons espérer
aussi que l'intervention du président de
la République n'aura pas été inutile à
l'apaisement des irritations légitimes
et des colères intempestives. Ce que
peut souhaiter le plus ardemment, à
cette heure, le chef de l'Etat, c'est que
rien ne vienne troubler cette « sérénité
électorale » que M. Buffet a failli com-
promettre. Le maréchal de Mac-Mahon
n'ignore pas que si les élections mena-
cent quelqu'un, c'est le ministre impru-
dent et vantard à qui n'a point suffi
la rude leçon qu'il a reçue de l'Assem-
blée.
E. SCHNERB.
POST-SORIPTUM
Tout recommence. Après le conseil
des ministres qui s'est terminé à six
heures, nous étions derechef en pleine
crise ministérielle.
M. le vice-président du conseil a re-
fait un de ses discours bien connus sur
la nécessité de l'union conservatrice,
d'où il persiste à exclure les républi-
cains les plus modérés. Il n'a jamais
été, il ne veut pas être, il ne sera ja-
mais l'allié du centre gauche.
Est-il besoin de dire que sur ce ter-
rain M. Buffet ne pouvait être suivi ni
par M. Dufaure ni par M. Léon Say?
Tous deux ont énergiquement protesté,
tous deux ont refusé de sanctionner
plus longtemps par leur présence une
politique qu'ils considèrent avec raison
comme anti-constitutionnelle, c'est-à-
dire anti-conservatrice.
Nous devons ajouter que M. le duc
Decazes et M. Wallon se sont rangés,
sans hésitation, du côté de MM. Du-
faure et Léon Say.
Aujourd'hui, à neuf heures du ma-
tin, nouveau conseil des ministres.
Qu'en sortira-t-il? Tout dépend du ma-
réchal de Mac-Mahon. Mais ce que l'on
peut affirmer dès maintenant c'est que
M. Buffet, quoi qu'il arrive, est jugé,
irrévocablement jugé.
E. S.
e
Le Journal des Débats publiait hier la
note suivante :
M. Léon Say, ministre des finances, a
donné hier sa démission, sur. la demande du
maréchal-président de la République. Cette
démission n'a pas paru ce matin à Y Officiel,
et nous apprenons que, dans la journée, de
nouveaux pourparlers ont été engagés. Nous
n'en connaissons pas encore le résultat.
Le Temps donnait à son tour quelques
renseignements sur l'état de la crise, hier.
avant le conseil des ministres qui s'est réuni
à trois heures :
Dans le conseil des ministres, qui a été
tenu hier lundi et qui a duré de trois heu-
res et demie à cinq heures et demie, il n'a
presque point été question de la démission
provoquée de M. Léon Say et de la démis-
sion annoncée de M. Dufaure.
On a considéré que la crise n'était ouverte
que par les graves dissentiments de plu-
sieurs membres du cabinet au sujet de la
politique électorale, et on s'est demandé s'il
n'y aurait pas lieu d'éclaircir la situation
par un manifeste collectif accepté par tous
les membres du cabinet.
Dans le conseil qui a lieu aujourd'hui a
trois heures et demie, les membres du cabi-
net doivent apporter, dit-on, des projets de
rédaction qui seraient débattus et seraient
fondus en un seul programme, lequel serait
rédigé définitivement par M. Dufaure et lu
une dernière fois dans un conseil demain ou
aprôs-demaîn.
M. Buffet paraît néanmoins avoir compris
la gravité de la démarche qu'il avait faite en
provoquant gratuitement la démission de M.
Léon Say. Ce dernier a été convoqué au con-
seil hier et aujourd'hui. Or, M. Buffet connaît
assez son collègue pour savoir qu'il se consi-
dèra comme engagé d'honneur à ne renier ni
ses amitiés, ni ses opinions. Il espère donc
que le programme collectif qu'on élabore en
ce moment donnera à M. Léon Say une satis
fictien.
- On voit que jusqu'à présent, dans cette
crie ouverte par son fait et par son fait seul,
M. Buffet ne fait pas une bien brillante figure
puisqu'il convoque aujourd'hui le collègue
dont il a demandé avant-hier la démission.
Tous ceux qui se réjouissaient de voir la pé-
riode électorale s'ouvrir sous les plus heu-
reux et les plus pacifiques auspices feront
des vœux pour que M. Léon Say demeure à
son poste et qu'on puisse conjarer une crise
qui n'aurait certainement pas profité, en se
prolongeant, aux idées modérées et conser-
vatrices dont le chef du cabinet se figure
fort à tort avoir le monopole.
M. le garde des sceaux a commenté
si libéralement la loi de la presse que
l'on oublierait presque qu'il en est le
principal auteur. Nous donnons ailleurs
les parties les plus importantes de sa
circulaire aux procureurs généraux.
On y remarquera, à propos de l'arti-
cle 1er de la loi, la distinction que M.
Dufaure établit entre les discussions
permises, dont la constitution peut être
l'objet, et « les attaques violentes et
passionnées » que doit réprimer le gou-
vernement. Un peu plus loin, à propos
de l'article 2, on sera frappé de l'insis-
tance du ministre de la justice à bien
établir que la loi ne saurait avoir
pour effet d'étendre les responsabi-
lités outre mesure en matière de
colportage illicite : « Vous poursui-
vrez ceux, écrit-il, qui, sciemment, au-
ront aidé ou assisté les agents de la
distribution ; mais les auteurs qui se
seront bornés à livrer leurs écrits à la
publicité, les imprimeurs qui les au-
ront fait - sortir - - de - leurs presses, ne - de-
vront pas être mis en cause. » La cir-
culaire a soin de rappeler aussi qu'on
ne peut songer à interdire aux candi-
dats de faire distribuer leurs profes-
sions de foi et leurs bulletins sans autre
formalité que le dépôt préalable au
parquet. Sur l'article 3, qui n'est autre
que l'amendement Janzé, tout le com-
mentaire du garde des sceaux se réduit
à ces quatre lignes, que l'on prendrait
volontiers pour un épigramme : « Je
n'ai pas à vous parler de l'article 3,
qui a eu pour but de régler une attri-
bution de l'autorité administrative,
mais qui ne concerne en rien l'autorité
judiciaire. »
Mais ce qui s'impose surtout à l'at-
tention du lecteur, ce sont les recom-
mandations générales dont M. le garde
des sceaux veut que les parquets soient
bien pénétrés. Il ne se lasse point de
répéter que « l'intention du législateur
n'a pas été de sacrifier la juridiction
du jury en matière de presse, et qu'il
ne faudrait pas chercher dans la loi un
moyen de supprimer la juridiction du
jury. » Aux magistrats des tribunaux
correctionnels, il rappelle « tout ce
qu'ils auraient à perdre à redevenir
juges des procès ayant un caractère ou
une tendance purement politique. » Il
les exhorte à toujours observer dans
la répression une juste mesure, et à
ne pas oublier surtout « qu'en ma-
tière de presse, comme en toute au-
tre matière, les condamnations n'ont
d'effet durable qu'à condition d'ê-
tre approuvées par l'opinion publi-
que. » Il invite enfin les parquets à se
mettre en garde contre les instances
des fonctionnaires publics prêts à in-
tenter contre les journaux avec trop
d'ardeur des procès en diffamation ou
en injures. « Vous les engagerez,
écrit-il, à ne pas paraître trop sensi-
bles aux attaques de peu d'importance
et à ne saisir les tribunaux que lors-
que leur honneur sera véritablement
mis en jeu ». En terminant, M. le gar-
de des sceaux revient encore sur la
nécessité de ne pas faire de la loi nou-
velle un instrument de réaction : « Vous
vous pénétrerez de cette idée que la
loi qui vient d'être adoptée n'est ni
une loi de réaction dirigée contre la
presse ou contre le droit d'examen et
de discussion, dont la presse est l'ins-
trument merveilleux et nécessaire, ni
une loi d'exception. »
Tel est ce commentaire de la loi,
infiniment plus libéral que la loi même.
M. le garde des sceaux veut-il savoir
ce que nous pensons ? Nous aurions
préféré, tout en rendant hommage aux
nobles intentions de la circulaire, que
le libéralisme fût dans la loi, non dans
le commentaire. Les loig restent; et les
circulaires, qui passent, sont ce que
les ministres les font. Supposez un in-
stant que la crise ministérielle qui
éclatait hier eût tourné au profit de la
politique réactionnaire. Supposez que
M. Dufaure eût été remplacé par un
autre ministre de la justice, choisi de
la main de M. Buffet. Supposez que le
document que vient de publier le Jour-
nal officiel n'y eût pas encore été in-
séré et que les procureurs généraux
ne l'eussent pas reçu. Supposez que
ce nouveau garde des sceaux, - peut-
être un Ernoul, un Tailhand, - se fût
alors chargé d'enrichir la loi de la
presse de ses commentaires. Qu'aurait-
il écrit? Quant à nous, nous éprou-
vons un certain frémissement lorsque
nous pensons aux explications- aux
instructions que, sur ce même texte de
loi, un garde des sceaux tel que nous
en avons connu aurait données.
C'est M. Dufaure, heureusement, qui
envoie aux procureurs généraux cette
première circulaire. Mais dans l'appli-
ditiou, combien darera-t-elle ? Autant
que lui. Le premier vent de réaction
qui peut souffler emportera tout ce libé-
ralisme ; et nous resterons face à faee
avec la loi, la dure loi. Il nous restera
bien la ressource d'exhumer du Journal
officiel quelques beaux fragments de la
circulaire du 7 janvier 1876. Voilà, vous
le voyez bien, dirons-nous, voilà dans
quel esprit l'honorable M. Dufaure avait
conçu, proposé la loi de la presse ; voilà ce
qui confond les interprétations réaction-
naires, etc., etc. Oui, mais à quoi nos
citations serviront-elles? Sujet d'arti-
cles pour les journaux de l'avenir; et
puis c'est tout. Nous l'avons trop bien
vu, quand, si souvent, nous avons re-
cherché les discours et les circulaires
des anciens rapporteurs ou des anciens
gardes des sceaux sur la loi de l'état
de siège ou sur cet article fameux dont
les préfets de l'ordre moral ont tant
profité pour interdire les feuilles répu-
blicaines sur la voie publique. Nous
avons démontré, prouvé qu'on fai-
sait de ces lois un usage excessif, que
l'on en donnait les interprétations les
plus abusives. Oui, mais nous avions
beau compulser, citer, attester, les com-
mandants d'état de siége ne nous en
suspendaient pas moins, et M. Léo ne
nous en expulsait pas avec moins de
sé«&ûté,dô la voie publique. Tous ces
commentaires libéraux n'étaient que de
l'histoire ancienne; les ministres, les
préfets, les chefs de bureau, bref, les
autorités contemporaines, en jugeaient
autrement, et nous le faisaient assa-
voir. Nous en portons les marques.
Ces souvenirs sont assez récents et
assez cuisants pour tempérer aujour-
d'hui notre enthousiasme. Sachons gré
cepondant à M. Dufaure d'avoir écrit
ces pages, sincèrement libérales sur la
loi nouvelle. Tel le vieux Corneille, qui
sut mettre un si grand sentiment de
poésie dans M Examen de son Agésilas.
Mais le parterre, ne jugeant que la tragé-
die, s'écriait : Hélas ! Nous aussi, c'est
à l'œuvre que nous pensons, non point
à la préface ou à la post-face. Il y a
des beautés dans la circulaire; mais
quel dommage que les beautés ne soient
pas dans la loi !
Eue. LIÉBERT.
—.
Où l'amour d'un siége au Sénat entraine-
t-il M. de Rainneville ?
Nous lisons dans sa circulaire :
Je n'ai pas hésité, vous le savez, à
voter les lois constitutionnelles.
Cela est aussi. vrai que les allégations
du même M. de Rainneville sur la Défense
nationale, ces fameusel allégations qui lui
valurent une si verte réplique de M. le gé-
néral Trochu.
Quoi ! M. de Rainneville n'a pas hésité,
— nouù le savons! - à voter les lois con-
stitutionnelles ?
Ce que nous savons et ce dont le Jour-
nal officiel fait foi, c'est que, le 30 janvier
1875, M. de Rainneville a repoussé, —
d'ailleurs sans hésitation aucune, — l'a-
mendement Wallon dont le rejet entraî-
nait la ruine des propositions constitu-
tionnelles. Ce ne fut certes pas sa faute si
cet amendement fut adopté à la majorité
à'une voix.
Et c'est à l'abri de son vote, de son vote
constitutionnel, que le député de la Somme
voudrait se mettre à l'heure qu'il est !
Il n'y a là-deasus qui mot qui soit en si-
tuation :
C'est raide !
E. L.
—-♦
Dossier de l'Union conservatrice
Il existe à Arles un cercle qui se nomme
le Cercle des Amis réunis. Rten jusqu'ici
qui distingue ce cercle de tous les autres.
Mais les amis réunis d'Arles sont surtout
unis dans les sentiments légitimistes les
plus fervents et les plus purs. Aussi se
sont-ils donné la douce satisfaction d'écrire
à M. de la Rochette une adresse de félici-
tations chaleureuses à propos de son atti-
tude à l'Assemblée lors de l'élection des
sénateurs. Il n'y vont pas de main légère,
les amis réunis d'Arles, et ils veus dra-
pent les conservateurs centre-droit de la
belle manière. J agez-en un peu : « Par une
tactique parlementaire tout d'abord in-
comprise, mais à laquelle on a bientôt ap-
plaudi, vous avez fait justice des téné-
breuses intrigues de quelques ducs trico-
lores, et mis, enfin, un terme à leurs au-
dacieux complots, qui ont provoqué jus-
qu'ici dans nos rangs les plus ameres dé-
ceptions et produit le vote du 22 février
dernier. »
« Les quelques ducs tricolores, » est-ce
assez hautain? est-ce assez impertinent?
« Ténébreuses intrigues » est juste ; « au-
dacieux complot » est un peu hasardé: car
ce n'est pas toujours par une audace té-
méraire que s'est distingué le parti des
ducs. Mais « ducs tricolores » est d'un ton
cavalier et fringant qui sied aux « ducs
blancs > le mieux du monde.
Maintenant, voici le cri de triomphe, le
Te Deum lyrique :
« A cette heure, l'orléanisme est vaincu
et enterré, et au milieu de cette défaite,
les princes d'Orléans, jusqu'ici très-sobrofi
en paroles et en écrits, protestent de leur
dévouement au pays et déclarent renoncer
à la vie politique, après avoir essayé de
rétablir la monarchie constitutionnelle. »
Après les ducs tricolores, les princes in-
colores devaient venir; c'était justice, et
on leur fait une place d'honneur dans l'é-
pi ta pfe s,
Et yoiiâ Ou ils en sont venu?, les boas
alliés, et voilà où il en restent ! Et quand
on songe qu'ils ont pendant cinq ans crié
sur tous les tons à la France que la con-
corde, exilée du reste de la terre, s'étâtt
réfugiée dans les bras enlacés des légiti-
mistes orléanisants et des orléanistes fleur-
delysés! C'étaient eux, à les entendre,
qui faisaient le cercle des amis réunh, et,
en vérité, par ci, par là, ils avaient réussi
à le faire croire.
Et quand on songe qu'à l'heure actuelle,
on en parle encore, de cette union conser
vatrice, qui aura été, en fait d'invention
fantastique, le digne pendant du pavé con-
servateur de Mercadet ! Quand on songe
qu'on la retrouve, plus modeste à la vé-
rité, mais chantant encore sa vieille an-
tienne, de temps en temps, d'habitude
prise, dans quelques coins écartés et quel-
ques journaux solitaires l Ah ! les faux
ménages ! les faux ménages ! Voulez-vous
en savoir l'histoire en deux mots : Pen-
dant deux ans on se fait des promesses,
pendant trois ans on se fait des reproches ;
et pourtant, devant le monde, on conti-
nue à se montrer à peu près d'accord.
Il faut des formes. Mais tout à coup,
une récrimination perce, un mot dur
échappe, une scène éclate. C'est la débâ-
cle. Ces spectacles sont toujours pénibles.
Franchement, nous aimerions mieux qu'en
se séparât avec dignité. Mais il est trop
tard. Il n'est même plus temps de tout ar-
ranger par un mariage in extreJnis.
Pour contracter un mariage, même de
cette sorte, il faudrait encore être vivants.
FABRICB.
———————— ————————
Pour la troisième fois, dit le Français,
nous affirmons que M. Dufaure ne se laisse
point porter sur la liste républicaine de la
Charente-Inférieure.
Pour la seconde fois, le Courrier de La
Rochelle publie la liste suivante :
ÉLECTIONS SÉNATORIALES
Liste constitutionnelle
MM. DüFAURE, ministre de la justice et
garde des sceaux.
Colonel DEXFERT.
Anatole LEMERCIER, vice-président
du conseil général
Et nulle part M. Dufaure n'a protesté
contre l'insertion de son nom dans cette
liste. Il serait bon que le Français, quand
il niera l'évidence pour la quatrième fois,
produisît une preuve quelconque de ce
qu'il avance. Car il est difficile de croire,
sur a seule foi du Français t que M.
Dufaure repousse la candidature si hono-
rable qui lui est offerte. IL y a deux hom-
mes qui « s'appellent Belfort » : c'est M.
Denfert, d'al 1, et M. Thiers ensuite. M.
Dufaure a eu 1 honneur d'approcher l'un
de très-près, il n'a aucune raison de fuir
la compagnie de l'autre.
F.
--- ---+----.---
TOUJOURS LE CŒUR LÉGER !
Plaisante lettre, dans l'Ordre, à l'a-
dresse des électeurs du Var. Elle est de M.
Emile Ollivier. Nous y lisons :
Je n'ai pas désiré ou recherché le conflit
avec la Prusse. Je n'ai cessé de revendiquer
pour tous les peuples le droit de se constituer
librement. Après les événements de 1866, en
Allemagne, je n'ai pas enflammé les esprits
en présentant Sadowa comme une défaite
française. En juillet 1870, j'ai tenté tout ce
qu'il est humainement et honnêtement possi-
ble de faire pour conserver la paix. Malgré
les eneouragements passionnés du Parlement,
des journaux, de l'opinion publique, des
chefs de l'armée, nous ne nous sommes déci-
dés à courir les hasards des batailles, à ac-
cepter la guerre qu'on avait préméditée et à
laquelle on nous provoquait, que lorsque
l'honneur l'a impérieusement exigé. Alors
nous avons pensé, avec ChAteaubriand. que
les peuples périssent par la lâcheté, et que
la défaite même est préférable à la honte.
Si tout le monde avait rempli son devoir
comme nous avons rempli le nôtre ; si les me-
nées des irréconciliables n'avaient pas tra-
versé les plans de nos généraux et livré à
l'ennemi le secret de leurs mouvements; si
l'empereur, que la volonté de la nation avait
poussé sur le champ de bataille, n'eût pas été
trahi; si une révolution, complice de l'ennemi,
n'avait pas désorganisé et gaspillé nos res-
sources, l'admirable armée du Rhin, qui a
sauvé l'honneur, aurait peut être retrouvé la
victoire; dans tous les cas, notre défaite n'eût
été qu'un malheur passager, déjà réparé, non
un effondrement dont nous ne nous relève-
rons que par de longs et héroïques efforts.
Quant au « cœur léger », à la a guerre fol-
lement entreprise P, aux « dépêches inven-
tées », ces lieux communs, niais ou calom-
nieux, de la haine, ne résisteraient pas à une
discussion contradictoire A l, tribune avec J
ceux qai ne les ont lépétés avec tant d'au-
dace que parce que je n'étais pas eu présence
d eux pour les confondre.
Les attaques mêmes dont je suis l'objet me
créent un droit à vos suffrages. Lorsqu'un
homme, sur lequel on a depuis six ans re-
jeté d'aussi lourdes responsabilités, qu'on a
abreuvé d'aussi grossiers ootrages, demande
la parole à son pays, la lui refuser ne serait
ni équitable ni courageux; ce serait avouer
qu'on redoute d'entendre ce qu'il dira.
Eh ! monsieur, si vous avez l'envie de
vous justifier, il est inutile qu'on vous
nomme député pour cela. Vous demandez
la parole ; mais qui vous empêche de la
prendre ! Ne pouvez-vous publier votre
apologie 7 Est-il nécessaire que la tribune
d'une Assemblée législative s'ouvre devant
vous pour que vous y portiez votre dé-
fense ? Où en serions-nous si tous ceux qui
ont besoin de se justifier suivaient votre
exemple? Il nous faudrait voter bientôt
pour les candidats des maisons centrales,
au nom de ce nouveau droit à la justifi-
cation !
E. L.
Cette étrange circulaire de M. Ollivier,
qu'ont reniée autrefois la plupart des bo-
napartistes mêmes, nous remet en mémoire
une lettre que nous écrivait le 13 août der-
nier M. Dréolle, 011 se trouvaient les pas-
sages suivants •
Je lia cà stir. riaus la nu mai G dn XIX9 Siè,
cle dftté de demsin ?amedi: un passage do
Bullntin où i on rappelle le jugement (1) que
j'ai porté pur la guerre de 1870 et sur la poli-
tique du sieur Ollivier. Je n'ai rien à retirer de
(1) Nous rappelons le texte de cejugment,
porté par M Dréolle : Guerre insensée, 1UcJa-
vêe A l'aide de mensonges diplomatigl("S.
ce jugement, qui ne date pas seulement de
février 1871, alors que j'écrivais à la Gironde
de Bordeaux, mais qui remonte aux premier#
jours de juillet 1870, alors que toat le mat
n'était pas encore fait et que je dénonçais
comme une folie, dans mon journal Je Public,
l'œavre de MM. de Gramont et Ollivier, mi-
nistres constitutionnellement et réellement
responsables.
Je m'applaudirai toujours d'avoir instinc-
tivement condamné la politique extérieure
du 2 janvier, et je vous remercie de m'avoir
cité.
Bonapartiste depuis la première heure de
ma vie politique, il y a de cela vingt-cinq
ans, je suis et je resterai bonapartiste, — ce
qui me laisse toute liberté pour redire encore
une fois, avec une conviction inébranlable,
que la déclaration de guerre de 1870 fut un
acte insensé, inhabilement provoqué par des mi-
nistres insuffisants, et dont la responsabilité
tout entière incombe uniquement à MM. de
Gramont et Ollivier.
Le Pays d'hier, montrant plus de diplo-
matie que de coutume, condamnait en ces
termes la candidature de M. Emile Olli-
vier :
La candidature de M. Emile Ollivier est
une candidature profondément regrettable.
et elle accuse un certain* manque de sens mo-
ral chez l'ancien président du conseil des mi-
nistres.
--------.-
Reum conrÜcntem. « Il existe par mal-
heur, dit le Français, bien des points où
les candidatures conservatrices font dé-
faut. Est-ce stérilité du pays? » Ce pays
stérile en conservateurs, ces fleurs conser-
vatrices trop délicates pour s'épanouir en
terre française, il y a là quelque chose d'é
légiaque et d'attendri qui touchera tout
cœur un peu bien situé. « Adieu, trop in-
féconde terre ! » disait le poète. Ce n'est
pas faute pourtant d'avoir arrosé « ces vi-
laines fleurs-là, » et l'on a consacré deux
années de-foins préfectoraux et de sueurs
ministérielles à ce genre d horticulture,
beaucoup plus coûteux et beaucoup moins
riant que la production des tulipes hol.
landaises.
Mai* c'est ainsi que va le monde, et tou
jours une partie du bon grain tombe sur les
cailloux qui bordent la route. Que le Fran-
çais se console pourtant. Tout le travail
de ses amis ne sera pas perdu. Ils* ont
semé des circulaires Pascal, des suppres-
sions de journaux libéraux, des maires se-
lon le cœur de M. Rouher. Ils récolteront
un petit regain de sénateurs et de députes
bonapartistes. Pas beaucoup, je sais bien ;
mais assez pour attester leur zèle et l'ha-
bileté merveilleuse de leurs précédés hor-
ticoles.
F.
LE MOUVEMENT PHILOSOPHIQUE
(;:,,t un fait qui est consolant à
constater.
Tandis que le cleri¿ français afficha
la prétention de nous ramoner à la
vieille scolastique du moyen-àfcw et
qu'il fonde dans ce but des universités
exclusivement fermées à toute doctrine
qui n'est pas tirée du Syllabus, il m
produit de toutes parts un mouvemeut
philosophique qui est digne de remar-
que, et ces nobles études, si longtemps
négligées, semblent reprendre faveur
chez le public.
Il faut bien avouer que M. Cousin,
avec son faux libéralisme et son faux
spiritualisme, avait porté un coup sen-
sible au goût des recherches philosQ-
phiques. Il avait peu à peu réduit la
philosophie à n'être plus qu'un manuel
de morale et un recueil d'amplifications
de rhétorique.Le peu que l'on en faisait,
au lycée, dans la classe qui portait ce
nom, avait même encore inspiré quelques
craintes aux ministres du second em-
pire, et ils s'étaient arrangés pour que
l'année qui devait être consacrée à cette
étude fut dévorée tout entière par la.-.
préparation du baccalauréat.
Je me souviens du mot qui me fut
dit, à moi-même, par un des recteurs
de l'Université d'alors.
Je professais la seconde, et le chef
de l'instruction dans le département
s'avisa de faire de moi un maître de
philosophie. Il me manda dans son ca-
binet pour m'instruire de ses intentions.
— Mais, monsieur, objectais-je avec
quelque embarras, c'est que je ne me
suis jamais occupé spécialement de
philosophie ; j'en sais ce qu'on m'en M
appris à l'école, où j'étais dans la sec
tion des lettres pures, c'est-à-dire fort
peu de chose, et je crains de n avoir
pas assez de compétence ni de goût
pour cet enseignement.
— C'est justement ce qu'il nous faut,
me dit le recteur.
Et comme je le regardais, étonné :
— Nous ne tenons pas, ajoutat.il. à
ce que les élèves poussent bien avant
de ce côté. Vous transformerez les étu-
des philosophiques en exercices litté-
raires, et c'est ce que nous deman-
dons. Ce qui nous plaît en vous, c'est
précisément la préférence qu'entraîné
par la pente de votre esprit et de votre
éducation, vous donnerez invincible-
ment aux lettres.
Sur ce beau raisonnement, le fus
nommé professeur de philosophie.
Ce qu'il y eut de plaisant dans l'a-
venture, c'est que, sans y mettre de
rnalic, je trompai absolument itta; pré-
visions de M. radcaiDiâtrateur en chef.
Une fois ma première répugnance sur-
montée. je me jetai avec une incroya-
ble ardeur dans cette étude, qui, 3aas
être nouvelle pour moi, ne m'était pas
très-familière. '-
C'est alors que je fus épouvanté du
néant de l'enseignement que j'avais à
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 98.5%.
- Auteurs similaires Bibliothèque Diplomatique Numérique Bibliothèque Diplomatique Numérique /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MAEDIGen0"La reception faicte par les deputez du Roy d'Espaigne de la Royne leur souveraine Dame, à la delivrance qui leur en a esté faicte en la ville de Roncevaux , au pays de Navarrois, par les Roy de Navarre, & cardinal de Bourbon : et les triumphes, hõneurs & solennitez qui y furent faictes & observées, tant d'une part que d'autre /ark:/12148/bpt6k8705064s.highres Voyage faict en Italie par Monsieur le marquis de Fontenay-Mareuil, ambassadeur du Roy près de Sa Saincteté en l'année 1641 : où est compris tout ce qui se voit de remarquable, de Paris jusqu'à Rome, les noms des villes, des chasteaux,... / le tout recueilly par le Sr de Vologer Fontenay,... /ark:/12148/bpt6k8704033x.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7557417t/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7557417t/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7557417t/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7557417t/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7557417t
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7557417t
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7557417t/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest