Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-12-31
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 31 décembre 1876 31 décembre 1876
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Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
4« Atmés » M* 1846
Prix dia lfaméro à Parte i 15 Centimes - Départements i IOGnifa..
Dimanche 31 Décembre 1876
E
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
ADMINISTRATION
Adresser les Lettres et Mandats à l'Administrateur
e c3.e> aa,;s-e"tl;e, 5a:.
V
Les Manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mais 13 fr.
Six mois —?» »
Un an. 50 s
DEPARTEMENTS
Trois mois îBfpr"
Six mois
Un an. ,.'>
mONtES: Chez MM. LAGRANGE, CERCèt Cf
9, place de (n fiourte, 8
RÉDACTION
S'adresser^ au Secrétaire d? la Rédaction
de 2 heures à minuit
ESt , me de JI:.,afayelï1:e
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Six mois 25 »
Un an. 50 »
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AMORCES : Chez MM. LAGRANGE, CERF et Cie
fi, place de la S £ <*ar$ef fi
91 M. les Souserlpteurti dokkt
l'abonnement expire le 38 Dé-
cembre sont priés de le renoa*
YeJr issMi'édiateiâieœt, s'il» ne
Tenleisi point éprouver de re-
tard dans la réception du jour-
nal.
BULiLETIN -
Paris, 30 décembre 1876.
Le Sénat, dans sa séance d'hier, a adopté
l'ensemble du budget des dépenses tel qu'il
a été,voté par la Chambre des députés.
La conférence plénière devait tenir jeudi
matin, à dix heures, sa seconde séance.
Au moment où nous écrivons, le télégraphe
ne nous a encore apporté aucun détail sur ce
qui a pu se passer dans cette réunion. Bien
plus, nous ne savons même pas si la confé-
rence s'est réunie.
Quelques feuilles qui se prétendent mieux
informées ont annoncé, il est vrai, que
Savfet-Pacha aurait déclaré que provisoi-
rement le Divan accepte la majorité des ré-
formes proposées par les puissances, sous
la réserve de les soumettre aux Chambres
turques et de ne mettre en exécution que
celles votées par les Chambres. Se non è
tero, è bene trovato.
Malheureusement ce qu'on nous présente
comme une dernièr^ nouvelle est tout sim-
plement la reproduction d'un télégramme
expédié de Constantinople à la Gazette de
Cologne, avant que la séance de la confé-
rence ait pu avoir lieu. Ce télégramme dit
en effet que les nouvelles reçues à l'ambas-
sade de Turquie à Vienne permettent d'af-
firmer que le gouvernement ottoman « n'a-
gira pas d'une manière précipitée, mais
examinera avant tout les résolutions de la
conférence préliminaire et les comparera
avec les prescriptions de la constitution. S'il
est possible de les mettre en harmonie avec
ces prescriptions, la Porte acceptera provi-
soirement la plus grande pa rtie des propo-
sitions des puissances, en promettant de les
soumettre au Parlement turc et de les faire
adopter par cette assemblée. Les hommes
d'Etat ottoman sont persuadés qu'ils pour-
ront ainsi éviter un conflit avec les puissan-
ces et maintenir en môme temps l'intégrité
de la censtitution. »
Tout cela peut être vrai, mais le moindre
renseignement certain aurait bien mieux
fait notre affaire. Le gouvernement turc,
dit-on, met l'embargo sur toutes les dépê-
ches. Cela peut excuser dans une certaine
mesure le silence-de l'agence Havas. Nous
croyons pouvoir affirmer, cependant, que
le Divan ,si méticuleux qu'il soit, ne se se-
rait pas opposé à l'envoi d'une dépêche an-
nonçant la seconde réunion de la confé-
rence. Faut-il donc en conclure que cette
réunion n'a pas eu lieu, parce que l'attitude
de la Turquie l'aurait rendue inutile? En
tout cas, le Divan n'a pas le droit d'arrêter
les dépêches des ambassadeurs, et il est
impossible d'admettre que notre ministère
des affaires étrangères ne soit pas rensei-
gné. Or, il nous semble que les préoccupa-
tions causées par la situation actuelle en
Orient sont assez vives pour faire com-
prendre au ministère qu'il était de son de-
voir de publier ce qu'il sait.
Il ne l'a pas fait et nous le regrettons d'au-
tant plus que des intérêts qui n'ont rien de
politique profitent du silence du gouverne-
ment pour exploiter la situation à leur pro-
fit et cela à l'époque d'une fin de mois qui se
trouve en même temps une'fin d'année.
L'agence russe nous communique une
dépêche que l'on trouvera plus loin. Cette
dépêche confirme les renseignements que
nous avons donnés hier sur l'entrevue du
marquis de Salisbury avec le sultan.
Bourse de Paris
Cîôlt!~© le 28 déc. Ie29dée. Héuris Balrise
3 O/O
Comptant.. 70 85 70 S"» fô
Tinerrar 70 75 7067 1/2 071/2
4r 1/2 ©/©
Comptant. loi 25 101 50 25 .1.
60/0
- C.) 20 03
Cosiptafit.. 105 15 105 20 05
Fin cour 15 15 1C5 12 1/2 02 1/2
PETITS BOURSE DU SOIK
Emprunt 3 0/0 7 fr. 7» 1/2,77 1/2.
Kmpruat 5 0/0 1£5 fr. 12 1/2, 17112.
11 5 fr. 12 112, 17 1/2.
S 0/0 tire lift, f'2 1/2, 57 1/2.
Banque Ottomane 372 fr. 5", 3-S 15.
Egypte. 250 fr., 251 25.
.1.
La théorie de « la navette » qui avait
tenu une si grande place, la veille, dans
Ja discussion de la Chambre, n'a pas
même été examinée un instant par le
Sénat. A l'unanimité de 260 votants, il a
adopté le budget tel qu'il l'a reçu, pour
la seconde fois, de la Chambre. Toute
paenace de conflit est donc écartée ;
mais nous avouons sans nul embarras
que si le résultat nous satisfait, nous
eussions souhaité l'obtenir d'une façon
un peu différente.
Cette explication que la Chambre
avait demandée à M. le président du
conseil et que nous l'avons loué de n'a-
voir pas fournie, il ne l'a pas donnée
non plus au Sénat, et cela nous paraît
profondément regrettable. En somme,
il faut bien le reconnaître, la question
n'a été résolue que provisoirement ; car
il n'a pas été prononcé une parole qui
permette de croire ou seulement
d'espérer que les choses se passeront
dans l'avenir comme elles se sont pas-
sées hier, et que la solution de 1876 sera
celle de 1877.
Encore un coup, il nous avait paru
très-naturel que M. le président du con-
seil évitât de répondre aux députés qui
*
le pressaient de dire ce que ferait ou
devrait faire le Sénat dans telle ou telle
circonstance. Il ne pouvait convenir à
un ministre d'avoir l'air de dicter son
devoir au Sénat du haut de la tribune
de la Chambre. Mais au Sénat lui-
même, rien ne l'empêchait de donner
nettement son avis et d'offrir même ses
conseils comme il l'avait fait, la veille,
à la Chambre.
Le vote, après une pareille déclara-
tion, eût pris alors une importance
bien plus grande et surtout une signifi-
cation beaucoup plus précise. Il eût
établi une sorte de précédent légal et
créé jurisprudence sur la matière. Au
lieu de cela, vous verrez soutenir que le
vote du Sénat ne veut rien dire autre
chose que ceci : « Je vous fais grâce du
conflit pour cette année, mais cela ne
m'engage à rien pour l'avenir. »
En somme, nous avons l'intime per-
suasion que le Sénat a donné gain ile
cause à M. Jules Simon et à la théorie
qu'il avait soutenue la veille devant
la Chambre ; mais il a parfaitement
le droit de le nier, et cela parce
que M. Jules Simon a négligé de
faire au Sénat ce qu'il avait fait à la
Chambre, et d'enfermer dans un dis-
cours le commentaire du vote que le Sé-
nat s'apprêtait à émettre. Si nous avons
biensaisi la pensée du ministre de l'inté-
rieur,elle peut se résumer ainsi : le Sénat
a le droit d'amender le budget, mais la
Chambre peut fort bien ne tenir nul
compte de sesamendements,car son vote
est définitif à partir de la seconde délibé-
ration.Le Sénat n'a plusqu'à l'enregistrer
ou à recourir aux mesures extrêmes indi-
quées par la constitution. —Et, de fait,
le Sénat s'est incliné ; il n'a pas même
discuté ; il a donné son bon à promul-
guer. Mais l'an prochain? Sur quoi nous
appuierons-nous pour demander la
même chose, et quelle autorité s'atta-
chera aux précédents?
M. le président du conseil avait pour-
tant une occasion toute naturelle de
prendre la parole. M. Pouyer-Quertier,
président de la commission des finances
du Sénat, a donné lecture d'une décla-
ration dont il est trop tard maintenant
pour discuter les termes ; mais nous
estimons que M. Jules Simon eût pu le
faire avec profit pour tout le monde.
Puisque M. Pouyer-Quertier croyait né-
cessaire de réitérer l'affirmation de ce
qu'il appelle le droit constitutionnel
du Sénat, le gouvernement n'avait au-
cune raison de garder le silence, et
ce droit dont il s'était déclaré, la veille,
le partisan et le défenseur si énergique,
il lui restait à dire de quelle façon, à ses
yeux, il pouvait et devait s'exercer.
Puisque M. Pouyer-Quertier avait parlé
de l'esprit de modération et de con-
corde du Sénat, peut-être le gouverne-
ment aurait-il dû rendre témoignage à
la Chambre pour l'esprit de conciliation,
pour la sagesse et le patriotisme dont
elle a fait preuve.
Mais la victoire était gagnée d'avance,
et M. Jules Simon n'a sans doute pas
voulu se donner l'air d'un enfonceur de
portes ouvertes.
E. SCHNERB.
LE PARLEMENT
COURRIER DU SÉNAT
Versailles, 29 décembre 1876.
Après une absence de deux jours qui l'a
légèrement maigri, le budget est rentré au
Sénat, où, grâce au ciel et à la fin de l'an-
née, on ne l'a pas retenu longtemps.
Nous avons eu pourtant des inquiétudes.
Les alarmistes promettaient un fort discours
de M. de Belcastel et quelque chose aussi
de M. Dupanloup, sur les bourses des sémi-
naires. D'autres nous annonçaient une dis-
cussion détaillée sur chaque article, et nous
menaçaient de M. Clément, le plus insup-
portable des orateurs, soit dit sans vouloir
faire du tort à M. Pâris. On allait même jus-
qu'à parler tout bas d'une séance da nuit.
On calomniait le Sénat. Nous n'avons eu ni
discours, ni discussion, ni M. Clément, ni
séance de nuit. A peine quelques votes par
assis et levé, un scrutin sur l'ensemble, et
le budget a pris congé, cette fois pour tout
de bon.
Il était impossible cependant d'éviter M.
Pouyer-Quertier. C'eût été trop beau. Sa-
chons-lui gré d'ailleurs d'avoir été si bref.
Le président de la commission du budget
s'est borné à présenter au Sénat un exposé
de l'état du budget tel qu'il était renvoyé
par la Chambre, en priant ses collègues, au
nom de la commission et dans un intérêt
patriotique, de se contenter des satisfactions
reçues sur certains points, et d'accepter
cette fois, sans discussion, les suppressions
de crédits votées de nouveau par la Chambre
des députés.
La Sénat, que toutes ees histoires de
budget commençaient déjà à rendre ma-
ladé, s'est prêté à ce désir de la meilleure
grâce du monde ; en moins de dix minutes
260 sénateurs ont levé cinquante fois la
main, et c'est ainsi qu'après deux ou trois
voyages passablement accidentés, le bud-
get de l'an 1877 a pu enfin toucher au
port.
Emmanuel Arènb.
---"--------
Se souvient-on d'un certain procès en
diffamation intenté au maire de Lam-
besc (Bouches-du-Rhône) par M. l'ar-
chevêque d'Aix ? Non seulement le pré-
lat perdit son procès, mais les deux té-
moins qu'il avait cités furent, au cours
même de l'audience, convaincus de
faux témoignage, condamnés aussitôt
par le tribunal à quatre mois d'empri-
sonnement, et, séance tenante, arrêtés
pour être conduits en prison.
Cette affaire fit assez de bruit le mois
dernier, et nous regrettâmes qu'il ne
fût pas permis de rendre compte des
procès en diffamation. L'incident des
deux faux témoins avait dû être, en
effet, curieux. Vous jugez s'il avait fallu
que leur déposition causât du scandale,
pour que le tribunal les fit appréhender
par la gendarmerie à l'instant même !
Il est rare qu'un faux témoignage soit
assez nettement avéré pour être ainsi
puni sur-le-champ, et nous pensions
tous qu'il fallait que le cas fût bien
grave pour que le tribunal d'Aix eût fait
cet exemple.
Mais Aix ne possède pas seulement
un tribunal; Aix est doté d'une cour
d'appel, dont les lumières ont paru
sans doute très-supérieures aux deux
individus condamnés pour flagrant dé-
lit de faux témoignage par les juges
correctionnels. Toujours est-il que ces
deux individus, si vertement châtiés par
le tribunal, rwont pas craint d'en appe-
ler à la cour. Et ce qu'il y a de plus
extraordinaire, c'est que la cour, par
son arrêt, vient de justifier pleinement
leur confiance.
L'Union nous apprend en effet qu'ils
ont été acquittés par la cour, et acquit-
tés « avec éloges. » Ce n'est pas tout ; la
cour, par la même occasion, aurait dé-
claré dans un des attendu de son arrêt
que c'est contre la sincérité des témoins
du maire de Lambesc, au contraire,
que de graves présomptions s'élèvent.
Admirons ici, une fois de plus, la diffé-
rence des jugements qui peuvent être
rendus Fur le même objet. Aux yeux du
tribunal d'Aix, les deux témoins de l'ar-
chevêque sont d'effrontés menteurs
qu'il faut jeter en prison sans plus atten-
dre ; aux yeux de la cour d'Aix, ce sont
des héros, des martyrs dignes d'édifier
le monde, qu'il importe de réhabiliter
sans perdre de teml- s et qui devraient
être décorés pour leur courage civil.
Il est certain que l'une des deux ap-
préciations est erronée, et nous com-
prendrions que l'on se demandât : Est-ce
celle du tribunal ou celle de la cour ?
Hiérarchiquement, on n'ignore point
que c'est la cour qui est en possession de
la vérité. Soit, mais il y a pourtant des
cas où cette grande raison de la hiérar-
chie ne peut dissiper tous les doutes.
Au moins voudrait-on qu'il pût être
expliqué comment le tribunal de pre-
mière instance s'est si gravement et si
grossièrement trompé.
L'opinion publique, uniquement frap-
pée des contradictions inouïes de l'ar-
rêt de la cour et du jugement du tribu-
nal, serait sans doute plus satisfaite si
les comptes-rendus des débats avaient
pu être publiés. Mais il s'agit d'un cas
de diffamation; ce n'est pas permis.
C'est une loi qu'on serait fort empêché
d'étayer de bonnes raisons, mais c'est la
loi. Pour nous, nous voudrions bien
qu'elle fût changée.
- N'est-il pas évident qu'il faut que l'un
de ces deux jugements si contraires ait
été dicté par le parti pris ? Mais lequel
des deux ? C'est ce que le défaut de
publicité rend impossible de détermi-
ner. Il y aurait à signaler bien d'autres
inconvénients; mais le respect que nous
devons professer pour la magistrature
nous arrête. On assure que ce respect
s'en va ; ce serait un grand mal, mais
il faut convenir que la façon dont la
cour d'Aix annule les jugements du tri-
bunal n'est pas faite pour ramener le
respect, encore moins pour l'accroître.
Cela dit, nous n'empêchons point nos
confrères conservateurs, Union et Co,
de triompher.
EUG. Liébert.
♦
ACCORD TOUCHANT !
L'accord touchant dont je veux par-
ler, c'est celui qui règne dans le camp
bonapartiste. On ouvre le Pays, on y
rencontre un dithyrambe enthousiaste
sur les résultats de la séance où M. Ju-
les Simon l'a emporté sur M. Gambetta.
Le dithyrambe sort de la plume lyrique
de M. Paul de Cassagnac, 11 mériterait
d'être chanté sur le mode dorien. Le
rédacteur en chef du Pays nous invite
à monter au Capitole et à rendre grâces
aux dieux. Grâce au vote de jeudi, les
périls sont conjurés, le radicalisme est
vaincu, la France est sauvée :
Il s'agissait de savoir purement et simple-
ment si la France révolutionnaire représentée
par les députés l'emporlerait sur Ii, France
conservatrice représentée par les sénateurs.
Tout était là.
Eh bien, nous avons le plaisir de constater
la défaite de nos ennemis, des ennemis de la
religion, de l'autorité, de l'ordre, de tout ce
que nous aimons et respectons.
Que nous importe que M. Jules Simon soit
associé à notre joie ?
L'important pour nous, c'est d'avoir enrayé
la marche vers l'abîme, c'est d'avoir refréné
la passion révolutionnaire.
Et un peu plus loin :
Nous ne saurions mais le dire trop sou-
vent, la Chambre des députés représente
beaucoup moine la France que le Sénat.
Eile représente moins la France, non pas au
point de vue de l'origine électorale, mais au
point de vue des doctrines et des principes.
Et c'est là la véritable représentation.
C'est -le Sénat, en effet, qui était venu re-
mettre l'ordre dans le budget désorganisé par
la Chambre, et qui s'était fait le protecteur des
intérêts de l'armée, de la magistrature, du
clergé, menacés par les républicains de la
Chambre.
Encore une fois, la France conservatrice
était tout entière avec le Sénat.
Si le Sénat n'est pas satisfait de M.
Paul de Cassagnac, il sera exigeant.
Tournons maintenant la page. c'est-
à-dire ouvrons Y Estafette ; nous allons
entendre un autre son. M. Robert Mit-
chell est aussi abattu que M. Paul de
Cassagnac est joyeux. Après Démocrite,
voici Héraclite. Celui-là voyait tout en
rose, celui-ci voit tout en noir. Selon
M. Robert Mitchell, il n'y a plus de vo-
lonté de la nation, il n'y a plus de suf-
frage universel, puisque ceux qui le
représentent se sont inclinés devant un
Sénat composé de 75 inamovibles, de
225 sénateurs désignés par un suffrage
restreint. Et M. Robert Mitchell intitule
tristement sa lamentation : la Fin, du
suffrage universel. Il faut citer quel-
ques fragments de cette oraison funè-
bre émue :
Le défunt avait toutes les qualités : l'éner-
gie, le tact, le patriotisme et môme la résigna-
tion lorsque l'exigeaient les circonstances.
En 1852, fonctionnant sous la forme plébis-
citaire, il avait sauvé la France de l'anar-
chie.
Eff 1871, il avait conjuré le péril de la guerre
à outrance et donné au pouvoir la force néces-
saire pour réprimer l'insurrection communa-
liste.
En tout temps, à toutes les époques, il avait
accompli son devoir, se laissant quelquefois
tromper par de fallacieuses promesses, mais
se retrouvant aisément et corrigeant, sans
qu'il fût besoin de l'endoctriner, ses erreurs
involontaires.
Il méritait mieux qu'un assassinat vulgaire,
et les républicains et les orléanistes qui l'é-
tranglèrent sans bruit, dans la Cour du Ma-
roc, lui devaient assurément un traitement
plus équitable.
Et après avoir énuniéré les atteintes
qu'avait déjà subies le pauvre suffrage
universel en ces derniers temps, l'ora-
teur funèbre continue :
Au moins, nous dira-t-on, le suffrage univer-
sel, qui paye tous les impôts, a-t-il conservé
la faculté de régler les dépenses publiques ?
Hélas! nous l'avions pensé jusqu'à ce que
M. le président du conseil nous ait fort élo-
quemment démontré le contraire.
Le pays paye et le Sénat dépense. Voilà,
sous une forme nette, le résumé des stipu-
lations économiques de notre incomparable
constitution.
Les soixante-quinze sénateurs inamovibles,
irresponsables, élus par une Assemblée natio-
nale dont le mandat, souvent contesté, est en
tous cas expiré depuis longtemps, pourront à
un moment donné tenir en échec les repré-
sentants du suffrage universel et modifier à
leur gré le budget qu'ils auront établi.
Jérémie, on le voit, n'était pas plus
affligé que ne l'est M. Robert Mitchell.
Si le présent est triste, l'avenir est plus
triste encore :
La constitution du 25 février est un premier
pas ; ce qui s'est fait hier, une première cons-
tatation.
On noua réserve d'autres surprises ; ceux
qui ont paralysé le suffrage universel ne se
tiendront pas pour satisfails tant qu'il lui res-
tera le souffle, les apparences de la vie.
On a fait d'abord un roi fainéant, puis on le
déposera lorsque l'heure sera venue.
Eh ! n'avons-nous pas entendu, hier, M. Jules
Simon effrayer la Chambre d'un appel à la na-
tion, comme on menace un enfant turbulent
du loup ou de Croquernitaine?
N'avons-nous pas recueilli de sa bouche cette
phrase propre à terrifier tous ceux qui ne re-
connaissent pas le suffrage universe', directe-
ment consulté, comme la source légitime de
tous les droits :
« Si vous no cédez pas au Sénat, le Sénat
vous dissoudra, et le pays sera appelé à se pro-
noncer sur la constitution.' »
Le centre gauche et la gauche, épouvantés,
révoltés à la pensée que le pays pourrait exa-
miner la constitution républicaine, ont couvert
la voix du ministre do leurs applaudissements
répétés.
Voilà donc ce que l'on redoute, voilà donc
ce que l'on veut éviter : le jugement du pays !
A vrai dire, les conclusions de M. Ro-
bert Mitchell ne nous paraissent pas
briller par la logique, car, enfin, faire
un appel au pays, fût-ce par la dissolu-
tion, à laquelle du reste personne n'a
songé sérieusement, ne serait précisé-
ment, ce semble, ni détruire le suffrage
universel, ni prouver que l'on redoute
le jugement du pays. Mais - passons. Il
ne faut pasdemander au beau style, non
plus qu'à la poésie, la précision du rai-
sonnement.
Revenons à la question, c'est-à-dire
au langage de M. Paul de Cassagnac
comparé à celui de M. Robert Mitchell.
Voilà pour un parti qui se pique de dis-
cipline deux flûtes bien peu d'accord.
C'est l'affaire de ces messieurs, après
tout, et pour nous, nous pouvons dire
comme la servante du bonhomme Chry-
sale. -
Qu'ils s'accordent entre eux ou sa gouraient, qu'im-
porte !
Plus les bonapartistes se gourmeront,
mieux se portera la République.
- CHARLES BIGOT.
:
Parmi les discours de rentrée prononcés
par les avocats généraux près les diverses
cour d'appel, il s'en trouve un que nous
avons reçu un peu tardivement sans doute,
mais que nous ne résistons pas au plaisir de
signaler. C'est celui de M. Jouvion, avocat
général à Montpellier. L'honorable magis-
trat avait choisi un sujet historisque ; il a
conté la révolution communale qui s'est ac-
complie au treizième siècle, quand les ha-
bitants de Montpellier conquirent leurs
franchises municicipales et installèrent, sur
les ruines de l'autorité seigneuriale, leur
autonomie consulaire. Tout ce récit a été
fait par M. Jouvion avec une grande clarté
et un grand charme de parole. Mais ce qui
nous a frappé particulièrement, ce sont quel-
quesréflexions générales de la nature de
celle-ci :
Quant à nous, magistrats, nous ne demandons
uniquement à l'histoire, ni la satisfaction d'une
vaine curiosité d'esprit, ni même l'oubli du pré-
sent, toujours si plein de misères. Ce que
nous voulons, avant tout, rapporter de nos
excursions dans le passé, c'est, pour l'appliquer
aux faits contemporains, une règle d'apprécia-
tions toujours plus apaisées, de jugements tou-
jours plus équitables.
Et je no crains pas d'ajouter que l'exercice
de nos fonctions est la meilleure de toutes les
préparations à l'étude du passé. L'une de nos
plus puissantes habitudes d'esprit n'est-elle
pas la constante recherche des précédents, de
la chose anciennement jugée : Sériés rcram
perpetuo similiter judicatarum t Personne ici
n'est tenté de méconnaître les enseignements
du passé et l'importance de la tradition dans
les sociétés humaines.
Voilà un langage que nous sommes heu-
reux d'entendre, et un grand progrès serait
opéré dans l'application des règles de la
justice si la magistrature française adoptait
ces idées. Comparer les faits contemporains
aux faits analogues que déroule sous nos
yeux l'histoire du passé, ce serait une
excellente condition pour les envisager avec
plus de calme et les apprécier avec plus
d'équité. Il va sans dire qu'il faudrait ap-
porter dans l'étude de l'histoire les senti-
ments libéraux de M. Jouvion. Nous recom-
mandons la lecture de son discours à tous
ses collègues. Il a paru, sous forme de bro-
chure, chez Jean Martel aîné, imprimeur
de la cour d'appel, à Montpellier.
————————— —————————
Nouvelles d'Orient
Bucharest, 28 décembre, soir.
La Chambre des députés a voté presque à
l'unanimité le projet de budget présenté par
le ministère.
M. Bratiano, dans un discours fort applaudi,
a fait ressortir la nécessité de réduire les dé-
penses sans faire d'emprunt ni augmenter
les impôts.
Le président du conseil des ministres a in-
sisté sur l'avenir de l'industrie de la Roumanie
et assuré qu'en peu d'années les finances du
pays seront sur un pied régulier.
Londres, 29 décembre.
Dépêches reçues par les journaux anglais :
Berlin, 28 décembre.
On n'appréhende pas une rupture immé-
diate entre la Russie et la Turquie. Il est pro-
bable que l'armistice sera prolongé pour ga-
gner le temps nécessaire à la poursuite des
--négociations. En attendant, la mobilisation
s'étend peu à peu à des districts qui ne sont
pas compris dans le décret originel. Les éco-
les et les prisons sont fermées à Odessa et
dans les villes voisines, et les locaux en sont
appropriés aux services médicaux de l'ar-
mée. — Times.
Londres, 29 décembre.
Un journal médical, le Lancet, dit qu'une
maladie contagieuse, probablement la peste,
a éclaté aux environs de Bagdad. La Porte pro-
poserait une action internationale à ce sujet.
L'agence russe nous communique la dépêche
suivante :
St-Pétersbourg, 28 décembre, Il h. s.
Les nouvelles qu'on a répandues que la Porte
aurait, avant la seconde conférence pléniére,
refusé d'adhérer au programme des puissances
et qu'elle aurait déclaré la guerre, sont
inexactes.
Ce qui est vrai, c'est que Midhat-Pacha a dit
au général Ignatiefï que, pour le gouverne-
ment turc, étant donnée sa situation actuelle,
une guerre serait moins désavantageuse qu'une
insurrection musulmane.
Le su Itan a dit à lord Salisbury que l'adhésion
aux décisions de la conférence lui coûterait la
vie.
Néanmoins, il est probable qu'aujourd'hui la
Porte aura fait des contre-propositions. Si elles
sont sérieuses, les plénipotentiaires des six
puissances garantes les examineront.
Dans la cas contraire, ils présenteront un
ultimatum et les ambassadeurs ordinaires de-
manderont leurs passeports.
La nouvelle que le général Nikitine prendrait
le commandement en chef de l'armée serbe
est fausse.
Belgrade, 29 décembre.
Officiel. — Le prince Milan a définitivement
décidé que les ministres actuels resteront à
leur poste.
db
NOUVELLE-CALÉ- DOîîiE
1 es évasions recommencent en Nouvelle-
Calédonie. Les déportés sont calmes, car
ils attendent l'effet de la lettre présiden-
tielle. Mais les forçats, qui n'ont pas les
mêmes raisons d'espérer , continuent à
s'évader avec une habileté et une audace
qui démontrent de plus en plus à quel point
d'incapacité sénile en est arrivé M. Char-
rière, le directeur des pénitenciers, l'ami
et le protégé de M. Bcnoist-d'Azy.
C'est d'abord le grand canot à douze avi-
rons du chantier de la baie du sud qui est
enlevé par les forçats de ce chantier sans
qu'on en ait de nouvelles.
Quelques jours après ce sont cinq con-
damnés de la vallée des Colons qui s'échap-
pent pendant la nuit. Ils vont d'abord à la
boulangerie, qu'ils trouvent ouverte. Ils en
emportent autant de pain qu'ils peuvent en
prendre et se dirigent vers une embarcation
amarrée sur la plage. Malheureusement
pour eux, un nègre mollement bercé parla
lame dort au fond du canot, ils se précipi-
tent sur lui, et comme il crie, ils cher-
chent à le bâillonner. Mais ils procèdent
trop brutalement et ne réussissent qu'à lui
déchirer la bouche d'une oreille à l'autre,
ce qui fait que 16 nègre crie beaucoup plus
fort et qu'on arrive enfin à son secours;
mais il est trop tard les condamnés ont pris
le large en débarquant violemment le mal-
heureux noir, qu'on transporte à l'hôpital.
Ces évasions seront les seuls faits sail-
lants de l'administration de M. de Pritz-
buer.
On avait espéré .un moment que la dé-
couverte des mines de nickel permettrait
à la Nouvelle-Calédonie de se relever mal-
gré ses administrateurs. Mais on avait
compté sans M. Benoist-d'A.zy, l'homme des
Comores.
Les priviléges financiers accordés par
M. Benoist-d'Azy à quelques capitalistes
ont causé une crise sur laquelle nous n'in-
sisterons pas, mais qu'il était facile de pré-
voir.
Aujourd'hui il n'y a pas d'argent en Nou-
velle-Calédonie pour exploiter les richesses
du pays et la responsabilité en incombe
tout entière à M. Benoist-d'Azy. M. de Pritz-
buer est beaucoup trop ignorant de toutes
ces questions pour pouvoir y apporter un
remède.
Et voilà comment une de plus nos belles
colonies, arrêtée un moment dans son es-
sor par le trop célèbre amiral Ribourt, voit
son existence de nouveau compromise,
parce que le directeur des colonies est tou-
jours le Benoist-d'Azy que tout le monde
connaît en France aujourd'hui, sauf peut-
être l'amiral Fourichon.
-—————— ——— .—————————
INFORMATIONS
Au moment de mettre sous presse — une
heure du matin — nous apprenons qu'un
violent incendie vient d'éclater à St-Ouen,
route des Epinettes.
Le ciel au nord de Paris est tout éclairé
d'immenses lueurs rougeâtres.
On dit que c'est une fabrique de pianos qui
brûle.
Le décret prorogeant les deux Chambres
jusqu'au 8 janvier 1877, sera lu aujourd'hui
au Sénat par M. le président du conseil et
à la Chambre des députés par M. le duc De-
cazes.
Les nouveaux forts autour de Lyon s'é-
lèvent rapidement; ils sont très-avancés
en ce qui regarde les constructions et les
mouvements de terrain. Leur relief est peu
élevé au dessus du sol qui les supporte,
mais leur front est très-étendn. Le système
adopté consiste en de longues batteries de-
mi-circulaires ayant des vues Îùrt-ëtendues
sur la campagne environnante, et armées
de pièces d'un calibre très-puissant, qui
sont placées séparément dans une rangée d&
casemates où elles sont complètement à
l'abri.
L'Académie d'Amiens vient d'être recon-
nue apte, par le conseil d'Etat, à être clas-
sée parmi les institutions d'utilité publique.
La semaine dernière, elleaadmis M. René
Goblet, maire d'Amiens.
Le bruit court que le vice-amiral Jauré-
guiberry serait bientôt appelé à remplacer
M. Fourichon comme ministre de la ma-
rine.
L'amiral Pothuau serait nommé à un
grand commandement maritime.
La distribution des prix aux élèves in-
ternes et externes des hôpitaux de Paris
qui ont concouru en 1876 a eu lieu hier, à
une heure, dans l'amphithéâtre de l'Ecole
de médecine.
Dans cette séance a eu lieu également la
proclamation des internes et externes, nom-
més à la suite du concours de cette année.
La réunion des hommes de la deuxième
portion de la classe 1875 a eu lieu jeudi
dans les quatre posteo-casernes dépendant
du bureau de recrutement.
Après un appel, les hommes ont été réu-
nis par groupes, d'après les corps auxquels
ils appartiennent, et ont reçu les ordres con-
cernant leur départ par les voies ferrées.
Pendant toute la soirée, une grande ani-
mation a régné dans les différentes gares.
Le vaisseau le Tage, conduisant à la Nou-
velle-Calédonie 400 condamnés à la trans-
portation, des détachements de troupes d'in-
fanterie de marine et divers employés et
agents du service colonial, est parti de l'île
d'Aix le 20 décembre à 5 heures 35 du soir.
Par suite des vacances du jour de l'an, le
conseil municipal de Paris a suspendu ses
séances jusqu'au mardi 9 janvier.
A partir de cette époque, les séances au-
ront lieu une fois par semaine jusqu'à la
session ordinaire de février.
M. Herbette, rédacteur à la direction po-
lique du ministère des affaires étrangères,
vient d'être nommé premier secretaire
d'ambassade et attaché à la commission du
Danube. L'avancement de M. HerLette est
des plus réguliers, mais nous devons ce-
pendant féliciter M. le ministre des affaires
étrangères de cette nomination. M. Her-
bette, frère du préfet de Tarn-et-Garonne,
est un excellent républicain.
Nous avons annoncé qu'une révolte avait
éclaté la veille, à l'Ecole des arts-et-mé-
tiers d'Angers. C'est à la suite d'une que-
relle entre les élèves de deux diviions,
dans laquelle la direction avait dù interve-
nir, qu'a eu lieu cette mutinerie. Voici l'o-
rigine de la querelle. Une division avait en-
voyé à une autre une carcasse d'oie. A. cet
envoi, il avait été répondu par une lettre un
peu vive.
M. le préfet, M. le procureur de la Répu-
blique et M. le commissaire central se sont
rendus à l'école, qu'occupent en ce moment
une centaine d'hommes appartenant au 77*
de ligne. Onze élèves ont été renvoyés à
leurs familles. La révolte est maintenant à
peu près terminée, et on pense que tout ne
tardera pas à rentrer dans l'ordre.
La session du conseil supérieur de l'in-
struction publique est close. Le conseil a
notamment voté la création de lycées à
Charleville eb à Constantine. Il s'est livré
également à une discussion des programmes
de l'école normale de Cluny pour l'ensei-
gnement spécial et des programmes de ren-
seignement du dessin dans les lycées, les
collèges et les écoles normales primaires,
enseignement qu'on se propose de recon-
stituer.
Deux arrêtés du préfet du Gers révoquent
de leurs fonctions : M. Denots, maire d'Er-
pos, condamné à 50 francs d'amende pour
avoir chassé sans permis, et M. Beros,
maire d'Orbessan, pour avoir refusé de ré-
voquer l'appariteur de la commune, con-
Prix dia lfaméro à Parte i 15 Centimes - Départements i IOGnifa..
Dimanche 31 Décembre 1876
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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l'abonnement expire le 38 Dé-
cembre sont priés de le renoa*
YeJr issMi'édiateiâieœt, s'il» ne
Tenleisi point éprouver de re-
tard dans la réception du jour-
nal.
BULiLETIN -
Paris, 30 décembre 1876.
Le Sénat, dans sa séance d'hier, a adopté
l'ensemble du budget des dépenses tel qu'il
a été,voté par la Chambre des députés.
La conférence plénière devait tenir jeudi
matin, à dix heures, sa seconde séance.
Au moment où nous écrivons, le télégraphe
ne nous a encore apporté aucun détail sur ce
qui a pu se passer dans cette réunion. Bien
plus, nous ne savons même pas si la confé-
rence s'est réunie.
Quelques feuilles qui se prétendent mieux
informées ont annoncé, il est vrai, que
Savfet-Pacha aurait déclaré que provisoi-
rement le Divan accepte la majorité des ré-
formes proposées par les puissances, sous
la réserve de les soumettre aux Chambres
turques et de ne mettre en exécution que
celles votées par les Chambres. Se non è
tero, è bene trovato.
Malheureusement ce qu'on nous présente
comme une dernièr^ nouvelle est tout sim-
plement la reproduction d'un télégramme
expédié de Constantinople à la Gazette de
Cologne, avant que la séance de la confé-
rence ait pu avoir lieu. Ce télégramme dit
en effet que les nouvelles reçues à l'ambas-
sade de Turquie à Vienne permettent d'af-
firmer que le gouvernement ottoman « n'a-
gira pas d'une manière précipitée, mais
examinera avant tout les résolutions de la
conférence préliminaire et les comparera
avec les prescriptions de la constitution. S'il
est possible de les mettre en harmonie avec
ces prescriptions, la Porte acceptera provi-
soirement la plus grande pa rtie des propo-
sitions des puissances, en promettant de les
soumettre au Parlement turc et de les faire
adopter par cette assemblée. Les hommes
d'Etat ottoman sont persuadés qu'ils pour-
ront ainsi éviter un conflit avec les puissan-
ces et maintenir en môme temps l'intégrité
de la censtitution. »
Tout cela peut être vrai, mais le moindre
renseignement certain aurait bien mieux
fait notre affaire. Le gouvernement turc,
dit-on, met l'embargo sur toutes les dépê-
ches. Cela peut excuser dans une certaine
mesure le silence-de l'agence Havas. Nous
croyons pouvoir affirmer, cependant, que
le Divan ,si méticuleux qu'il soit, ne se se-
rait pas opposé à l'envoi d'une dépêche an-
nonçant la seconde réunion de la confé-
rence. Faut-il donc en conclure que cette
réunion n'a pas eu lieu, parce que l'attitude
de la Turquie l'aurait rendue inutile? En
tout cas, le Divan n'a pas le droit d'arrêter
les dépêches des ambassadeurs, et il est
impossible d'admettre que notre ministère
des affaires étrangères ne soit pas rensei-
gné. Or, il nous semble que les préoccupa-
tions causées par la situation actuelle en
Orient sont assez vives pour faire com-
prendre au ministère qu'il était de son de-
voir de publier ce qu'il sait.
Il ne l'a pas fait et nous le regrettons d'au-
tant plus que des intérêts qui n'ont rien de
politique profitent du silence du gouverne-
ment pour exploiter la situation à leur pro-
fit et cela à l'époque d'une fin de mois qui se
trouve en même temps une'fin d'année.
L'agence russe nous communique une
dépêche que l'on trouvera plus loin. Cette
dépêche confirme les renseignements que
nous avons donnés hier sur l'entrevue du
marquis de Salisbury avec le sultan.
Bourse de Paris
Cîôlt!~© le 28 déc. Ie29dée. Héuris Balrise
3 O/O
Comptant.. 70 85 70 S"» fô
Tinerrar 70 75 7067 1/2 071/2
4r 1/2 ©/©
Comptant. loi 25 101 50 25 .1.
60/0
- C.) 20 03
Cosiptafit.. 105 15 105 20 05
Fin cour 15 15 1C5 12 1/2 02 1/2
PETITS BOURSE DU SOIK
Emprunt 3 0/0 7 fr. 7» 1/2,77 1/2.
Kmpruat 5 0/0 1£5 fr. 12 1/2, 17112.
11 5 fr. 12 112, 17 1/2.
S 0/0 tire lift, f'2 1/2, 57 1/2.
Banque Ottomane 372 fr. 5", 3-S 15.
Egypte. 250 fr., 251 25.
.1.
La théorie de « la navette » qui avait
tenu une si grande place, la veille, dans
Ja discussion de la Chambre, n'a pas
même été examinée un instant par le
Sénat. A l'unanimité de 260 votants, il a
adopté le budget tel qu'il l'a reçu, pour
la seconde fois, de la Chambre. Toute
paenace de conflit est donc écartée ;
mais nous avouons sans nul embarras
que si le résultat nous satisfait, nous
eussions souhaité l'obtenir d'une façon
un peu différente.
Cette explication que la Chambre
avait demandée à M. le président du
conseil et que nous l'avons loué de n'a-
voir pas fournie, il ne l'a pas donnée
non plus au Sénat, et cela nous paraît
profondément regrettable. En somme,
il faut bien le reconnaître, la question
n'a été résolue que provisoirement ; car
il n'a pas été prononcé une parole qui
permette de croire ou seulement
d'espérer que les choses se passeront
dans l'avenir comme elles se sont pas-
sées hier, et que la solution de 1876 sera
celle de 1877.
Encore un coup, il nous avait paru
très-naturel que M. le président du con-
seil évitât de répondre aux députés qui
*
le pressaient de dire ce que ferait ou
devrait faire le Sénat dans telle ou telle
circonstance. Il ne pouvait convenir à
un ministre d'avoir l'air de dicter son
devoir au Sénat du haut de la tribune
de la Chambre. Mais au Sénat lui-
même, rien ne l'empêchait de donner
nettement son avis et d'offrir même ses
conseils comme il l'avait fait, la veille,
à la Chambre.
Le vote, après une pareille déclara-
tion, eût pris alors une importance
bien plus grande et surtout une signifi-
cation beaucoup plus précise. Il eût
établi une sorte de précédent légal et
créé jurisprudence sur la matière. Au
lieu de cela, vous verrez soutenir que le
vote du Sénat ne veut rien dire autre
chose que ceci : « Je vous fais grâce du
conflit pour cette année, mais cela ne
m'engage à rien pour l'avenir. »
En somme, nous avons l'intime per-
suasion que le Sénat a donné gain ile
cause à M. Jules Simon et à la théorie
qu'il avait soutenue la veille devant
la Chambre ; mais il a parfaitement
le droit de le nier, et cela parce
que M. Jules Simon a négligé de
faire au Sénat ce qu'il avait fait à la
Chambre, et d'enfermer dans un dis-
cours le commentaire du vote que le Sé-
nat s'apprêtait à émettre. Si nous avons
biensaisi la pensée du ministre de l'inté-
rieur,elle peut se résumer ainsi : le Sénat
a le droit d'amender le budget, mais la
Chambre peut fort bien ne tenir nul
compte de sesamendements,car son vote
est définitif à partir de la seconde délibé-
ration.Le Sénat n'a plusqu'à l'enregistrer
ou à recourir aux mesures extrêmes indi-
quées par la constitution. —Et, de fait,
le Sénat s'est incliné ; il n'a pas même
discuté ; il a donné son bon à promul-
guer. Mais l'an prochain? Sur quoi nous
appuierons-nous pour demander la
même chose, et quelle autorité s'atta-
chera aux précédents?
M. le président du conseil avait pour-
tant une occasion toute naturelle de
prendre la parole. M. Pouyer-Quertier,
président de la commission des finances
du Sénat, a donné lecture d'une décla-
ration dont il est trop tard maintenant
pour discuter les termes ; mais nous
estimons que M. Jules Simon eût pu le
faire avec profit pour tout le monde.
Puisque M. Pouyer-Quertier croyait né-
cessaire de réitérer l'affirmation de ce
qu'il appelle le droit constitutionnel
du Sénat, le gouvernement n'avait au-
cune raison de garder le silence, et
ce droit dont il s'était déclaré, la veille,
le partisan et le défenseur si énergique,
il lui restait à dire de quelle façon, à ses
yeux, il pouvait et devait s'exercer.
Puisque M. Pouyer-Quertier avait parlé
de l'esprit de modération et de con-
corde du Sénat, peut-être le gouverne-
ment aurait-il dû rendre témoignage à
la Chambre pour l'esprit de conciliation,
pour la sagesse et le patriotisme dont
elle a fait preuve.
Mais la victoire était gagnée d'avance,
et M. Jules Simon n'a sans doute pas
voulu se donner l'air d'un enfonceur de
portes ouvertes.
E. SCHNERB.
LE PARLEMENT
COURRIER DU SÉNAT
Versailles, 29 décembre 1876.
Après une absence de deux jours qui l'a
légèrement maigri, le budget est rentré au
Sénat, où, grâce au ciel et à la fin de l'an-
née, on ne l'a pas retenu longtemps.
Nous avons eu pourtant des inquiétudes.
Les alarmistes promettaient un fort discours
de M. de Belcastel et quelque chose aussi
de M. Dupanloup, sur les bourses des sémi-
naires. D'autres nous annonçaient une dis-
cussion détaillée sur chaque article, et nous
menaçaient de M. Clément, le plus insup-
portable des orateurs, soit dit sans vouloir
faire du tort à M. Pâris. On allait même jus-
qu'à parler tout bas d'une séance da nuit.
On calomniait le Sénat. Nous n'avons eu ni
discours, ni discussion, ni M. Clément, ni
séance de nuit. A peine quelques votes par
assis et levé, un scrutin sur l'ensemble, et
le budget a pris congé, cette fois pour tout
de bon.
Il était impossible cependant d'éviter M.
Pouyer-Quertier. C'eût été trop beau. Sa-
chons-lui gré d'ailleurs d'avoir été si bref.
Le président de la commission du budget
s'est borné à présenter au Sénat un exposé
de l'état du budget tel qu'il était renvoyé
par la Chambre, en priant ses collègues, au
nom de la commission et dans un intérêt
patriotique, de se contenter des satisfactions
reçues sur certains points, et d'accepter
cette fois, sans discussion, les suppressions
de crédits votées de nouveau par la Chambre
des députés.
La Sénat, que toutes ees histoires de
budget commençaient déjà à rendre ma-
ladé, s'est prêté à ce désir de la meilleure
grâce du monde ; en moins de dix minutes
260 sénateurs ont levé cinquante fois la
main, et c'est ainsi qu'après deux ou trois
voyages passablement accidentés, le bud-
get de l'an 1877 a pu enfin toucher au
port.
Emmanuel Arènb.
---"--------
Se souvient-on d'un certain procès en
diffamation intenté au maire de Lam-
besc (Bouches-du-Rhône) par M. l'ar-
chevêque d'Aix ? Non seulement le pré-
lat perdit son procès, mais les deux té-
moins qu'il avait cités furent, au cours
même de l'audience, convaincus de
faux témoignage, condamnés aussitôt
par le tribunal à quatre mois d'empri-
sonnement, et, séance tenante, arrêtés
pour être conduits en prison.
Cette affaire fit assez de bruit le mois
dernier, et nous regrettâmes qu'il ne
fût pas permis de rendre compte des
procès en diffamation. L'incident des
deux faux témoins avait dû être, en
effet, curieux. Vous jugez s'il avait fallu
que leur déposition causât du scandale,
pour que le tribunal les fit appréhender
par la gendarmerie à l'instant même !
Il est rare qu'un faux témoignage soit
assez nettement avéré pour être ainsi
puni sur-le-champ, et nous pensions
tous qu'il fallait que le cas fût bien
grave pour que le tribunal d'Aix eût fait
cet exemple.
Mais Aix ne possède pas seulement
un tribunal; Aix est doté d'une cour
d'appel, dont les lumières ont paru
sans doute très-supérieures aux deux
individus condamnés pour flagrant dé-
lit de faux témoignage par les juges
correctionnels. Toujours est-il que ces
deux individus, si vertement châtiés par
le tribunal, rwont pas craint d'en appe-
ler à la cour. Et ce qu'il y a de plus
extraordinaire, c'est que la cour, par
son arrêt, vient de justifier pleinement
leur confiance.
L'Union nous apprend en effet qu'ils
ont été acquittés par la cour, et acquit-
tés « avec éloges. » Ce n'est pas tout ; la
cour, par la même occasion, aurait dé-
claré dans un des attendu de son arrêt
que c'est contre la sincérité des témoins
du maire de Lambesc, au contraire,
que de graves présomptions s'élèvent.
Admirons ici, une fois de plus, la diffé-
rence des jugements qui peuvent être
rendus Fur le même objet. Aux yeux du
tribunal d'Aix, les deux témoins de l'ar-
chevêque sont d'effrontés menteurs
qu'il faut jeter en prison sans plus atten-
dre ; aux yeux de la cour d'Aix, ce sont
des héros, des martyrs dignes d'édifier
le monde, qu'il importe de réhabiliter
sans perdre de teml- s et qui devraient
être décorés pour leur courage civil.
Il est certain que l'une des deux ap-
préciations est erronée, et nous com-
prendrions que l'on se demandât : Est-ce
celle du tribunal ou celle de la cour ?
Hiérarchiquement, on n'ignore point
que c'est la cour qui est en possession de
la vérité. Soit, mais il y a pourtant des
cas où cette grande raison de la hiérar-
chie ne peut dissiper tous les doutes.
Au moins voudrait-on qu'il pût être
expliqué comment le tribunal de pre-
mière instance s'est si gravement et si
grossièrement trompé.
L'opinion publique, uniquement frap-
pée des contradictions inouïes de l'ar-
rêt de la cour et du jugement du tribu-
nal, serait sans doute plus satisfaite si
les comptes-rendus des débats avaient
pu être publiés. Mais il s'agit d'un cas
de diffamation; ce n'est pas permis.
C'est une loi qu'on serait fort empêché
d'étayer de bonnes raisons, mais c'est la
loi. Pour nous, nous voudrions bien
qu'elle fût changée.
- N'est-il pas évident qu'il faut que l'un
de ces deux jugements si contraires ait
été dicté par le parti pris ? Mais lequel
des deux ? C'est ce que le défaut de
publicité rend impossible de détermi-
ner. Il y aurait à signaler bien d'autres
inconvénients; mais le respect que nous
devons professer pour la magistrature
nous arrête. On assure que ce respect
s'en va ; ce serait un grand mal, mais
il faut convenir que la façon dont la
cour d'Aix annule les jugements du tri-
bunal n'est pas faite pour ramener le
respect, encore moins pour l'accroître.
Cela dit, nous n'empêchons point nos
confrères conservateurs, Union et Co,
de triompher.
EUG. Liébert.
♦
ACCORD TOUCHANT !
L'accord touchant dont je veux par-
ler, c'est celui qui règne dans le camp
bonapartiste. On ouvre le Pays, on y
rencontre un dithyrambe enthousiaste
sur les résultats de la séance où M. Ju-
les Simon l'a emporté sur M. Gambetta.
Le dithyrambe sort de la plume lyrique
de M. Paul de Cassagnac, 11 mériterait
d'être chanté sur le mode dorien. Le
rédacteur en chef du Pays nous invite
à monter au Capitole et à rendre grâces
aux dieux. Grâce au vote de jeudi, les
périls sont conjurés, le radicalisme est
vaincu, la France est sauvée :
Il s'agissait de savoir purement et simple-
ment si la France révolutionnaire représentée
par les députés l'emporlerait sur Ii, France
conservatrice représentée par les sénateurs.
Tout était là.
Eh bien, nous avons le plaisir de constater
la défaite de nos ennemis, des ennemis de la
religion, de l'autorité, de l'ordre, de tout ce
que nous aimons et respectons.
Que nous importe que M. Jules Simon soit
associé à notre joie ?
L'important pour nous, c'est d'avoir enrayé
la marche vers l'abîme, c'est d'avoir refréné
la passion révolutionnaire.
Et un peu plus loin :
Nous ne saurions mais le dire trop sou-
vent, la Chambre des députés représente
beaucoup moine la France que le Sénat.
Eile représente moins la France, non pas au
point de vue de l'origine électorale, mais au
point de vue des doctrines et des principes.
Et c'est là la véritable représentation.
C'est -le Sénat, en effet, qui était venu re-
mettre l'ordre dans le budget désorganisé par
la Chambre, et qui s'était fait le protecteur des
intérêts de l'armée, de la magistrature, du
clergé, menacés par les républicains de la
Chambre.
Encore une fois, la France conservatrice
était tout entière avec le Sénat.
Si le Sénat n'est pas satisfait de M.
Paul de Cassagnac, il sera exigeant.
Tournons maintenant la page. c'est-
à-dire ouvrons Y Estafette ; nous allons
entendre un autre son. M. Robert Mit-
chell est aussi abattu que M. Paul de
Cassagnac est joyeux. Après Démocrite,
voici Héraclite. Celui-là voyait tout en
rose, celui-ci voit tout en noir. Selon
M. Robert Mitchell, il n'y a plus de vo-
lonté de la nation, il n'y a plus de suf-
frage universel, puisque ceux qui le
représentent se sont inclinés devant un
Sénat composé de 75 inamovibles, de
225 sénateurs désignés par un suffrage
restreint. Et M. Robert Mitchell intitule
tristement sa lamentation : la Fin, du
suffrage universel. Il faut citer quel-
ques fragments de cette oraison funè-
bre émue :
Le défunt avait toutes les qualités : l'éner-
gie, le tact, le patriotisme et môme la résigna-
tion lorsque l'exigeaient les circonstances.
En 1852, fonctionnant sous la forme plébis-
citaire, il avait sauvé la France de l'anar-
chie.
Eff 1871, il avait conjuré le péril de la guerre
à outrance et donné au pouvoir la force néces-
saire pour réprimer l'insurrection communa-
liste.
En tout temps, à toutes les époques, il avait
accompli son devoir, se laissant quelquefois
tromper par de fallacieuses promesses, mais
se retrouvant aisément et corrigeant, sans
qu'il fût besoin de l'endoctriner, ses erreurs
involontaires.
Il méritait mieux qu'un assassinat vulgaire,
et les républicains et les orléanistes qui l'é-
tranglèrent sans bruit, dans la Cour du Ma-
roc, lui devaient assurément un traitement
plus équitable.
Et après avoir énuniéré les atteintes
qu'avait déjà subies le pauvre suffrage
universel en ces derniers temps, l'ora-
teur funèbre continue :
Au moins, nous dira-t-on, le suffrage univer-
sel, qui paye tous les impôts, a-t-il conservé
la faculté de régler les dépenses publiques ?
Hélas! nous l'avions pensé jusqu'à ce que
M. le président du conseil nous ait fort élo-
quemment démontré le contraire.
Le pays paye et le Sénat dépense. Voilà,
sous une forme nette, le résumé des stipu-
lations économiques de notre incomparable
constitution.
Les soixante-quinze sénateurs inamovibles,
irresponsables, élus par une Assemblée natio-
nale dont le mandat, souvent contesté, est en
tous cas expiré depuis longtemps, pourront à
un moment donné tenir en échec les repré-
sentants du suffrage universel et modifier à
leur gré le budget qu'ils auront établi.
Jérémie, on le voit, n'était pas plus
affligé que ne l'est M. Robert Mitchell.
Si le présent est triste, l'avenir est plus
triste encore :
La constitution du 25 février est un premier
pas ; ce qui s'est fait hier, une première cons-
tatation.
On noua réserve d'autres surprises ; ceux
qui ont paralysé le suffrage universel ne se
tiendront pas pour satisfails tant qu'il lui res-
tera le souffle, les apparences de la vie.
On a fait d'abord un roi fainéant, puis on le
déposera lorsque l'heure sera venue.
Eh ! n'avons-nous pas entendu, hier, M. Jules
Simon effrayer la Chambre d'un appel à la na-
tion, comme on menace un enfant turbulent
du loup ou de Croquernitaine?
N'avons-nous pas recueilli de sa bouche cette
phrase propre à terrifier tous ceux qui ne re-
connaissent pas le suffrage universe', directe-
ment consulté, comme la source légitime de
tous les droits :
« Si vous no cédez pas au Sénat, le Sénat
vous dissoudra, et le pays sera appelé à se pro-
noncer sur la constitution.' »
Le centre gauche et la gauche, épouvantés,
révoltés à la pensée que le pays pourrait exa-
miner la constitution républicaine, ont couvert
la voix du ministre do leurs applaudissements
répétés.
Voilà donc ce que l'on redoute, voilà donc
ce que l'on veut éviter : le jugement du pays !
A vrai dire, les conclusions de M. Ro-
bert Mitchell ne nous paraissent pas
briller par la logique, car, enfin, faire
un appel au pays, fût-ce par la dissolu-
tion, à laquelle du reste personne n'a
songé sérieusement, ne serait précisé-
ment, ce semble, ni détruire le suffrage
universel, ni prouver que l'on redoute
le jugement du pays. Mais - passons. Il
ne faut pasdemander au beau style, non
plus qu'à la poésie, la précision du rai-
sonnement.
Revenons à la question, c'est-à-dire
au langage de M. Paul de Cassagnac
comparé à celui de M. Robert Mitchell.
Voilà pour un parti qui se pique de dis-
cipline deux flûtes bien peu d'accord.
C'est l'affaire de ces messieurs, après
tout, et pour nous, nous pouvons dire
comme la servante du bonhomme Chry-
sale. -
Qu'ils s'accordent entre eux ou sa gouraient, qu'im-
porte !
Plus les bonapartistes se gourmeront,
mieux se portera la République.
- CHARLES BIGOT.
:
Parmi les discours de rentrée prononcés
par les avocats généraux près les diverses
cour d'appel, il s'en trouve un que nous
avons reçu un peu tardivement sans doute,
mais que nous ne résistons pas au plaisir de
signaler. C'est celui de M. Jouvion, avocat
général à Montpellier. L'honorable magis-
trat avait choisi un sujet historisque ; il a
conté la révolution communale qui s'est ac-
complie au treizième siècle, quand les ha-
bitants de Montpellier conquirent leurs
franchises municicipales et installèrent, sur
les ruines de l'autorité seigneuriale, leur
autonomie consulaire. Tout ce récit a été
fait par M. Jouvion avec une grande clarté
et un grand charme de parole. Mais ce qui
nous a frappé particulièrement, ce sont quel-
quesréflexions générales de la nature de
celle-ci :
Quant à nous, magistrats, nous ne demandons
uniquement à l'histoire, ni la satisfaction d'une
vaine curiosité d'esprit, ni même l'oubli du pré-
sent, toujours si plein de misères. Ce que
nous voulons, avant tout, rapporter de nos
excursions dans le passé, c'est, pour l'appliquer
aux faits contemporains, une règle d'apprécia-
tions toujours plus apaisées, de jugements tou-
jours plus équitables.
Et je no crains pas d'ajouter que l'exercice
de nos fonctions est la meilleure de toutes les
préparations à l'étude du passé. L'une de nos
plus puissantes habitudes d'esprit n'est-elle
pas la constante recherche des précédents, de
la chose anciennement jugée : Sériés rcram
perpetuo similiter judicatarum t Personne ici
n'est tenté de méconnaître les enseignements
du passé et l'importance de la tradition dans
les sociétés humaines.
Voilà un langage que nous sommes heu-
reux d'entendre, et un grand progrès serait
opéré dans l'application des règles de la
justice si la magistrature française adoptait
ces idées. Comparer les faits contemporains
aux faits analogues que déroule sous nos
yeux l'histoire du passé, ce serait une
excellente condition pour les envisager avec
plus de calme et les apprécier avec plus
d'équité. Il va sans dire qu'il faudrait ap-
porter dans l'étude de l'histoire les senti-
ments libéraux de M. Jouvion. Nous recom-
mandons la lecture de son discours à tous
ses collègues. Il a paru, sous forme de bro-
chure, chez Jean Martel aîné, imprimeur
de la cour d'appel, à Montpellier.
————————— —————————
Nouvelles d'Orient
Bucharest, 28 décembre, soir.
La Chambre des députés a voté presque à
l'unanimité le projet de budget présenté par
le ministère.
M. Bratiano, dans un discours fort applaudi,
a fait ressortir la nécessité de réduire les dé-
penses sans faire d'emprunt ni augmenter
les impôts.
Le président du conseil des ministres a in-
sisté sur l'avenir de l'industrie de la Roumanie
et assuré qu'en peu d'années les finances du
pays seront sur un pied régulier.
Londres, 29 décembre.
Dépêches reçues par les journaux anglais :
Berlin, 28 décembre.
On n'appréhende pas une rupture immé-
diate entre la Russie et la Turquie. Il est pro-
bable que l'armistice sera prolongé pour ga-
gner le temps nécessaire à la poursuite des
--négociations. En attendant, la mobilisation
s'étend peu à peu à des districts qui ne sont
pas compris dans le décret originel. Les éco-
les et les prisons sont fermées à Odessa et
dans les villes voisines, et les locaux en sont
appropriés aux services médicaux de l'ar-
mée. — Times.
Londres, 29 décembre.
Un journal médical, le Lancet, dit qu'une
maladie contagieuse, probablement la peste,
a éclaté aux environs de Bagdad. La Porte pro-
poserait une action internationale à ce sujet.
L'agence russe nous communique la dépêche
suivante :
St-Pétersbourg, 28 décembre, Il h. s.
Les nouvelles qu'on a répandues que la Porte
aurait, avant la seconde conférence pléniére,
refusé d'adhérer au programme des puissances
et qu'elle aurait déclaré la guerre, sont
inexactes.
Ce qui est vrai, c'est que Midhat-Pacha a dit
au général Ignatiefï que, pour le gouverne-
ment turc, étant donnée sa situation actuelle,
une guerre serait moins désavantageuse qu'une
insurrection musulmane.
Le su Itan a dit à lord Salisbury que l'adhésion
aux décisions de la conférence lui coûterait la
vie.
Néanmoins, il est probable qu'aujourd'hui la
Porte aura fait des contre-propositions. Si elles
sont sérieuses, les plénipotentiaires des six
puissances garantes les examineront.
Dans la cas contraire, ils présenteront un
ultimatum et les ambassadeurs ordinaires de-
manderont leurs passeports.
La nouvelle que le général Nikitine prendrait
le commandement en chef de l'armée serbe
est fausse.
Belgrade, 29 décembre.
Officiel. — Le prince Milan a définitivement
décidé que les ministres actuels resteront à
leur poste.
db
NOUVELLE-CALÉ- DOîîiE
1 es évasions recommencent en Nouvelle-
Calédonie. Les déportés sont calmes, car
ils attendent l'effet de la lettre présiden-
tielle. Mais les forçats, qui n'ont pas les
mêmes raisons d'espérer , continuent à
s'évader avec une habileté et une audace
qui démontrent de plus en plus à quel point
d'incapacité sénile en est arrivé M. Char-
rière, le directeur des pénitenciers, l'ami
et le protégé de M. Bcnoist-d'Azy.
C'est d'abord le grand canot à douze avi-
rons du chantier de la baie du sud qui est
enlevé par les forçats de ce chantier sans
qu'on en ait de nouvelles.
Quelques jours après ce sont cinq con-
damnés de la vallée des Colons qui s'échap-
pent pendant la nuit. Ils vont d'abord à la
boulangerie, qu'ils trouvent ouverte. Ils en
emportent autant de pain qu'ils peuvent en
prendre et se dirigent vers une embarcation
amarrée sur la plage. Malheureusement
pour eux, un nègre mollement bercé parla
lame dort au fond du canot, ils se précipi-
tent sur lui, et comme il crie, ils cher-
chent à le bâillonner. Mais ils procèdent
trop brutalement et ne réussissent qu'à lui
déchirer la bouche d'une oreille à l'autre,
ce qui fait que 16 nègre crie beaucoup plus
fort et qu'on arrive enfin à son secours;
mais il est trop tard les condamnés ont pris
le large en débarquant violemment le mal-
heureux noir, qu'on transporte à l'hôpital.
Ces évasions seront les seuls faits sail-
lants de l'administration de M. de Pritz-
buer.
On avait espéré .un moment que la dé-
couverte des mines de nickel permettrait
à la Nouvelle-Calédonie de se relever mal-
gré ses administrateurs. Mais on avait
compté sans M. Benoist-d'A.zy, l'homme des
Comores.
Les priviléges financiers accordés par
M. Benoist-d'Azy à quelques capitalistes
ont causé une crise sur laquelle nous n'in-
sisterons pas, mais qu'il était facile de pré-
voir.
Aujourd'hui il n'y a pas d'argent en Nou-
velle-Calédonie pour exploiter les richesses
du pays et la responsabilité en incombe
tout entière à M. Benoist-d'Azy. M. de Pritz-
buer est beaucoup trop ignorant de toutes
ces questions pour pouvoir y apporter un
remède.
Et voilà comment une de plus nos belles
colonies, arrêtée un moment dans son es-
sor par le trop célèbre amiral Ribourt, voit
son existence de nouveau compromise,
parce que le directeur des colonies est tou-
jours le Benoist-d'Azy que tout le monde
connaît en France aujourd'hui, sauf peut-
être l'amiral Fourichon.
-—————— ——— .—————————
INFORMATIONS
Au moment de mettre sous presse — une
heure du matin — nous apprenons qu'un
violent incendie vient d'éclater à St-Ouen,
route des Epinettes.
Le ciel au nord de Paris est tout éclairé
d'immenses lueurs rougeâtres.
On dit que c'est une fabrique de pianos qui
brûle.
Le décret prorogeant les deux Chambres
jusqu'au 8 janvier 1877, sera lu aujourd'hui
au Sénat par M. le président du conseil et
à la Chambre des députés par M. le duc De-
cazes.
Les nouveaux forts autour de Lyon s'é-
lèvent rapidement; ils sont très-avancés
en ce qui regarde les constructions et les
mouvements de terrain. Leur relief est peu
élevé au dessus du sol qui les supporte,
mais leur front est très-étendn. Le système
adopté consiste en de longues batteries de-
mi-circulaires ayant des vues Îùrt-ëtendues
sur la campagne environnante, et armées
de pièces d'un calibre très-puissant, qui
sont placées séparément dans une rangée d&
casemates où elles sont complètement à
l'abri.
L'Académie d'Amiens vient d'être recon-
nue apte, par le conseil d'Etat, à être clas-
sée parmi les institutions d'utilité publique.
La semaine dernière, elleaadmis M. René
Goblet, maire d'Amiens.
Le bruit court que le vice-amiral Jauré-
guiberry serait bientôt appelé à remplacer
M. Fourichon comme ministre de la ma-
rine.
L'amiral Pothuau serait nommé à un
grand commandement maritime.
La distribution des prix aux élèves in-
ternes et externes des hôpitaux de Paris
qui ont concouru en 1876 a eu lieu hier, à
une heure, dans l'amphithéâtre de l'Ecole
de médecine.
Dans cette séance a eu lieu également la
proclamation des internes et externes, nom-
més à la suite du concours de cette année.
La réunion des hommes de la deuxième
portion de la classe 1875 a eu lieu jeudi
dans les quatre posteo-casernes dépendant
du bureau de recrutement.
Après un appel, les hommes ont été réu-
nis par groupes, d'après les corps auxquels
ils appartiennent, et ont reçu les ordres con-
cernant leur départ par les voies ferrées.
Pendant toute la soirée, une grande ani-
mation a régné dans les différentes gares.
Le vaisseau le Tage, conduisant à la Nou-
velle-Calédonie 400 condamnés à la trans-
portation, des détachements de troupes d'in-
fanterie de marine et divers employés et
agents du service colonial, est parti de l'île
d'Aix le 20 décembre à 5 heures 35 du soir.
Par suite des vacances du jour de l'an, le
conseil municipal de Paris a suspendu ses
séances jusqu'au mardi 9 janvier.
A partir de cette époque, les séances au-
ront lieu une fois par semaine jusqu'à la
session ordinaire de février.
M. Herbette, rédacteur à la direction po-
lique du ministère des affaires étrangères,
vient d'être nommé premier secretaire
d'ambassade et attaché à la commission du
Danube. L'avancement de M. HerLette est
des plus réguliers, mais nous devons ce-
pendant féliciter M. le ministre des affaires
étrangères de cette nomination. M. Her-
bette, frère du préfet de Tarn-et-Garonne,
est un excellent républicain.
Nous avons annoncé qu'une révolte avait
éclaté la veille, à l'Ecole des arts-et-mé-
tiers d'Angers. C'est à la suite d'une que-
relle entre les élèves de deux diviions,
dans laquelle la direction avait dù interve-
nir, qu'a eu lieu cette mutinerie. Voici l'o-
rigine de la querelle. Une division avait en-
voyé à une autre une carcasse d'oie. A. cet
envoi, il avait été répondu par une lettre un
peu vive.
M. le préfet, M. le procureur de la Répu-
blique et M. le commissaire central se sont
rendus à l'école, qu'occupent en ce moment
une centaine d'hommes appartenant au 77*
de ligne. Onze élèves ont été renvoyés à
leurs familles. La révolte est maintenant à
peu près terminée, et on pense que tout ne
tardera pas à rentrer dans l'ordre.
La session du conseil supérieur de l'in-
struction publique est close. Le conseil a
notamment voté la création de lycées à
Charleville eb à Constantine. Il s'est livré
également à une discussion des programmes
de l'école normale de Cluny pour l'ensei-
gnement spécial et des programmes de ren-
seignement du dessin dans les lycées, les
collèges et les écoles normales primaires,
enseignement qu'on se propose de recon-
stituer.
Deux arrêtés du préfet du Gers révoquent
de leurs fonctions : M. Denots, maire d'Er-
pos, condamné à 50 francs d'amende pour
avoir chassé sans permis, et M. Beros,
maire d'Orbessan, pour avoir refusé de ré-
voquer l'appariteur de la commune, con-
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