Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-12-27
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Description : 27 décembre 1876 27 décembre 1876
Description : 1876/12/27 (A6,N1842). 1876/12/27 (A6,N1842).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
ftîzUiK* Anném — M* 1842 fris dw ïfwuoaéro à Parif 1 16 jGenlimea — Dépfirtftmeati 1 20 Contim»
Mercredi 27 Décembre 1876
JI jB F E OTFPITP
1
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
ADMINISTRATION
Adresser les Lettres et Mandats à l'Administrateur
-vxio c2.o Lafayetie, 53
Les Manuscrits non inséres-nc seront pas rendus.
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. t 3 ft'.
S'x mo's. iS5 »
Un an. 50 »
DEPARTEMENTS
Trois mois f <5 fr.
Six mois.
Un an.jvea >7^
- r -1 ,
umonCES : Chez MM. LAGRANGEASRF et C).'
---- A
, place de la SONr. - \l.
Z S - :¡.
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
SS, rixe cie H.afayette
r -
Les Lettres non affranchies seront refusées.
ABONNEMENTS
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Six mois 25 »
Un an. 50 »
DEPARTEMENTS
Trois mois 1G fr.
Six mois. 32 »
Un an. 62 »
âMONCES : Chez MM. LAGiRANGE, CERF et Cia
0t place de fa JBoursef 0
MSf. les Souscripteurs dost
l'afooonentani expire le 31 Dé-
eembre sont priés de le reaon-
veier Immédiatemeut, s'ils ne
veolcasi polnf éprouver de re-
tard dans la réception du Jour-
nal,
Les abonnements pour la France
et l'étranger partent du 1er et du 15
de chaque mois.
:SU'LLETIN
Paris, 26 décembre 1876.
Il ne semble pas que les habitants de
Constantinople soient bien enchantés de
leur nouvelle constitution. On devait s'at-
tendre à une explosion d'enthousiasme, et
une dépèche de Constantinople, en date du
24 décembre, se borne à signaler plusieurs
manifestations favorables à la nouvelle cons-
titution. Il faut avouer que c'est bien mai-
gre, et que les Ottomans, pour employer
la nouvelle désignation officielle, ne sont
que des ingrats. Sans doute ils ont compris
que, comme le pense le Nord et-comme nous
le pensons nous-mêmes, « la nouvelle cons-
titution turque n'est rien autre chose qu'une
machine de guerre, inventée pour faire
avorter les décisions de la conférence. »
Puis le Nord ajoute que la promulgation
de cette constitution est un indice des dis-
positions de la Turquie à résister à la vo-
lonté de l'Europe et un présage de guerre.
Midhat-Pachaavec sa constitution n'aura
d'ailleurs trompé que ceux qui sont décidés
à ne pas voir et qui placent leurs sentiments
turcophiles au-dessus de leur bon sens. Le
Times n'a pas meilleure opinion de la nou-
velle constitution que le Nord ou que nous.
«- La constitution de Midhat-Pacha, dit la
feuille de la Cité, permettra encore l'o-
ligarchie des pachas turcs et n'empêchera
pas les fonctionnaires de garder une
autorité absolue ; cette constitution est
simplement une série de déclarations
qui donnent à la Turquie un plus grand
nombre de réformes constitutionnelles
dans une période de quarante-huit heures
que la France n'en a eu en quatre-vingt-dix
ans. Si la Porte déclare que sa constitution
est sa dernière concession, la continuation
des débats est inutile et la Turquie doit en
subir la responsabilité. »
D'après une dépêche de Constantinople,
Savfet-Pacha aurait déclaré en ouvrant la
conférence que la Porte est prête à accorder
a ses sujets des privilèges, pourvu que ces
privilèges ne soient pas contraires à la di-
gnité et à l'intégrité de la Turquie.
De son côté, le Daily News croit savoir
que le projet de réformes soumis à la Porte
comprend les dispositions suivantes : La
Bulgarie sera divisée en deux provinces.
Les maires seront élus par les habitants.
Le gouverneur général aura à sa disposi-
tion une force armée suffisante pour répri-
mer les abus. L'organisation des cours de
justice sera laissée en grande partie à la
commission internationale; les étrangers
seront éligibles aux fonctions judiciaires,
si la commission estime que leur nomina-
tion à ces fonctions est nécessaire.
Il ne sera payé à la Porte que 30 0/0 du
produit intégral des taxes actuelles. Il n'y
aura pas plus d'un pour cent de la popula-
tion obligé au service de la milice.
Les mots « occupation étrangère » ont été
supprimés dans le projet. La force armée
employée pour garantir l'exécution des ré-
formes Rappellera « gendarmerie » et ne
comprendra que trois ou quatre mille sol-
dats étrangers.
Les arrangements faits pour la Bosnie et
l'Herzégovine sont presque identiques.
En Serbie, le statu quo est maintenu,
sauf ce point que la Drina servira de ligne
ifrontière; de cette façon, le petit Zvornik
fera partie du territoire serbe. *
Le territoire du Monténégro sera consi-
dérablement augmenté, et il aura des ports
de mer.
La Porte acceptera-t-elle ces conditions,
ou faut-il croire avec la Gazette de Cologne
qu'une rupture entre la Rùssie et la Tur-
quie est imminente dans les trois jours? La
prochaine séance officielle nous l'appren-
dra sans doute.
: -
Petite Bourse du Dimanche
Boulevard des Italiens
Trois heures
■ # 0/0,70 fr. 67, 70 70.
a 0 0, 104 fr. 93 3/4, 105 fr. 03 3/4.
5 0/6 turc,xl 1 fr. 02 1/2.
Egypte, 251 fr. 25, 250 62 1/2.
-
On discutait l'autre jour au Sénat le
budget des affaires étrangères, et M. de
Saint-Vfillier y lit un discours sur le
maintien de l'influence française en
Orient. Tout le monde partagerait l'avas
de l'honorable sénateur s'il ne s'agis-
sait que du fond même de la question:
oui, la France a le plus grand intérêt à
ne pas laisser dépérir en Orient son in-
fluence. Mais faut-il s'en tenir à l'uni-
que moyen proposé par M. de Saint-
Vallier ?
Ce moyen consisterait à rétablir quel-
ques crédits, peu importants d'ailleurs,
supprimés par la Chambre des députés,
dont certains établissements religieux
bénéficiaient. Je no dirai rien ni pour
ni contre les couvents dont M. de Saint-
Vailier a pris la défeIle, ne ies connais-
sant pas. Mais j'ai été frappé, durant la
guerre de Serbie, d'autres réflexi ons,
que me suggéraient les événements.
f
1876, l'influence française a certai-
nement décru, au sud du Danube,
parmi les populations chrétiennes et
slaves ; et ce n'est pas d'une question
de budget qu'il s'agit, comme on va le
voir.
Lorsque j'arrivai en Serbie au mois
de juillet dernier, j'y trouvai le nom de
la France non seulement honoré, mais
chéri. Les quelques journalistes fran-
çais qui parcoururent en ce moment-là
le pays y reçurent partout un accueil
qui les toucha profondément. Tandis
que les Anglaiset les Allemands n'étaient
entourés que de défiance, les cœurs
s'ouvraient pour nous,- et c'était pres-
que en compatriotes que les officiers
de l'armée serbe nous traitaient. La
plupart parlaient notre langue ; beau-
coup étaient venus à Paris achever
leurs études, et quelques-uns même
sortaient de l'Ecole polytechnique ou de
Saint-Cyr.
Si l'on parle surtout allemand dhez
les commerçants de Belgrade, de Scha-
batz, de Semendria et des autres villes
riveraines du Danube, le français est
bien plus répandu que l'allemand à l'in-
térieur. Quant à la langue anglaise, elle
est complétement ignorée. Aux quar-
tiers généraux de Tchernaïeff et de
Tcholaksntisch, les correspondances
envoyées aux journaux étaient soumises
à l'examen de l'état-major, et je me sou-
viens que les correspondants anglais
se virent forcés d'écrire en français
leurs dépêches parce que, si les officiers
d'état-major parlaient français, aucun
d'eux en revanche ne savait un seul
mot d'anglais. Enfin, presque partout
j'ai trouvé des livres français.
Les plus grossiers des paysans con-
naissaient au moins le nom de la France,
et le simple mot de Franzowski était
notre meilleur passeport auprès d'eux.
Je no sais pas au juste en quelle estime
nous sommes tenus dans le reste de
l'Orient ; mais, en Serbie, notre nation
n'avait rien perdu de sa renommée de
générosité chevaleresque, et c'est par
cette renommée que notre influence se
soutenait. Combien de fois ne m'a-t-on
pas dit : « Le peuple français, c'est le
grand peuple qui s'enflamme et qui se
bat pour une idée ! » Voilà bien, en effet,
la vraie cause de notre ancien prestige,
et j'ai de plus constaté que la sympathie
vouée par les Serbes à la France n'a-
vait pas été diminuée par ses revers.
« Pendant votre lutte héroïque de
1870 et 1871, me disait-on souvent,
nous n'avons guère pu vous assister
que de nos vœux, car nous ne sommes
qu'un petit peuple et un peuple pauvre,
Mais nous vous avons cependant en-
voyé le peu que nous avons pu de vo
lontaires. » Et l'on me citait avec or-
gueil, au milieu d'un assez grand nom-
bre d'autres, Garachanine blessé sous
Metz, Constantinovich tué sous Paris.
A Paratchin, le brave et bon Vélitch-
.kovich me dit un jour: « Les Serbes,
voyez-vous, ont deux patries : la Serbie
et la France. »
Ceci date du mois de juillet ; mais
quelques semaines plus tard, la Serbie
était bien refroidie dans ses sentiments.
C'est que, sans le savoir, nous avions
trompé l'espoir qu'elle avait mis en
nous. Elle avait compté sur la France,
et la France, cependant, ne donnait pas
signe de vie. Je n'ai pas besoin de le
dire, ce n'était pas une intervention of-
ficielle qu'elle attendait de notre pays,
mais des volontaires, des médecins et
un peu d'argent ou des secours en na-
ture pour ses ambulances. Or, l'argent,
les médecins, les volontaires lui sont
venus de partout, excepté denotrepays.
Je ne parle pas de la Russie, qui a
joué dans la guerre turco-serbe un rôle
tout spécial. Mais l'Allemagne, mais
l'Italie, mais l'Angleterre ont envoyé à
la Serbie des officiers, des chirurgiens
et des secours. J'ai rencontré-des hom-
mes de toutes nations dans les camps,
dans les ambulances, mois pas un seul
Français. Un jour, à l'armée de la Dri-
na, j'avais cru trouver un compatriote :
je l'aborde ; ce n'était qu'un Canadien,
A mesure que le temps s'écoulait, la
déception de nos amis de Serbie deve-
nait plus amére, et je me rappelle le pé-
nible embarras que me causaient sou-
vent les questions dont j'étais assailli :
« Que fait donc la France? quand nous
vÍendra.t,.il une marque de bon souve-
nir de la France? »
Il ne vint, hélas ! rien du tout, si ce
n'est un manifeste de M. Victor Hugo,
beaucoup trop flamboyant. Le dernier
coup nous tut porté par les Anglais : au
mois d'août, les délégués d'un comité
de Londres arrivèrent avec 250,000 fit. ;
500,000 fr. avaient été souscrits en An-
gleterre pour les ambulances, moitié
de la somme était envoyée aux Serbes
cet moitié aux Turcs. J'ajouterai que les
chirurgiens anglais furent admirables.
Un revirement d'opinion tout naturel
exalta les Anglais, qu'on ayaitjusquo-Ià
tenus en quarantaine. Quant aux jour-
nalistes français, ils sentirent cruelle-
ment alors le vide qui commençait à se
faire autour d'eux. L'emprunt de la
ville de Paris fut couvert je ne sais plus
combien de fois sur ces entrefaites, et je
me souviendrai toujours du mélange de
tristesse et d'ironie avec lequel un des
officiers serbes les plus sympathiques'à
notre pays me l'annonça.
L'influence française aura donc subi,
par notre fait même, un grave échec,
sinon d3 toUl l'Orient, nu moins chez
les Slaves de Turquie. Le ministère des
affaires étrangères a dù recevoir plu-
sieurs rapports sur ce sujet du consufl
de France à Belgrade, car je sais par
lui-même à quel point il en était frappé.
La moralité qu'il convient de tirer de
ceci,c'est que depuis 1870 noussommes
tombés d'un excès dans un autre. S'il
a pu nuire à nos aînés de s'éprendre
autrefois de brûlantes passions pour
l'Italie, pour la Pologne, pour la .Grèce,
il nous serait plus fatal, peut-être de
nous vouer systématiquement à l'indif-
férence et de nous renfermer dans un
égoïsme voulu.
Renoncer brusquement à toutes les
idées généreuses à qui, nous avons dû
notre grandeur, c'est un conseil que ne
peut nous donner la sagesse ni le sim-
ple intérêt -bien entendu. Nous sommes
trop enclins à nous dire depuis cinq ans:
Ne pensons qu'à nous-mêmes; les cho-
ses du dehors ne nous regardent plus.
Il y a deux ou trois jours la gravure du
Charivari nous montrait la France ren-
trant chez elle pour s'y bien enfermer,
avec cette légende : L'orage va éclater;
restons chez nous C'est la note du mo-
ment. Le caricaturiste n'a pas eu tort
s'il a voulu dire que nous ne devons
point prendre part à la guerre immi-
nente dont l'Europe est maintenant me-
nacée. Mais nous perdrions notre raison
d'être dans le monde si ce sentiment
du : Restons chez nous! devenait trop
général et trop absolu. Il lui faut cer-
tainement attribuer l'indifférence où
nous sommes restés, croyant être sur-
tout prudents, pendant la guerre turco-
serbe.
Autrefois, — comme en Grèce et plus
tard en Crète, —l a France eût envoyé
en Serbie unelégion de volontaires, sans
parler de l'argent, et elle n'aurait certes
pas laissé aux Anglais le plaisir de ver-
ser aux malades et aux blessés notre
vin de Bordeaux. Nous nous sommes
laissé entraîner à un mouvement de
réaction trop absolue contre ce qu'on
appelle quelquefois le fol enthousiasme
de nos ainés et de nos pères. Ce sont
eux qui précisément ont porté jadis
chez les chrétiens d'Orient l'influence
française à son apogée ; avec notre nou-
vella politique, elle a naturellement dé-
cliné. A quoi donc serviront nos calculs
et notre sagesse, si la grandeur de notre
pays dans le monde, œuvre de ces en-
thousiastes et de ces fous, risque à pré-
sent d'être si fort diminuée ?
La France initiatrice des idées. libé-
rales, la France marchant à la tête de
la civilisation, la France amoureuse de
progrès, de justice et d'humanité, ce ne
sont pas là seulement de vains mots, de
vides formules, puisque, depuis la Ré-
volution, nous leur avons dû le plus
clair de notre crépit. Certes, la prudence
et la modestie nous étaient imposées
après nos désastres; mais il reste des
traditions qui ne doivent pas périr et
que, peut-être, nous avons eu tort de
trop oublier.
EUG. LIÉBERT.
—
En réponse à un communiqué qu'il a
reçu ce matin, le journal la République
française publie une lettre de démis-
sion de M. Méline pour démontrer que
M. Méline a assisté à la première séance
de la Commune.
J'affirme que M. Méline n'a pas as-
sisté à cette première séance.
Comme moi et avec moi il a assisté le
mardi 28 mars à une réunion prépara-
toire, à laquelle les élus municipaux
avaient été officiellement convoqués.
Nous avions une grande répugnance,
Méline et moi, à répondre à cette convo-
cation,et ce ne fut que sur les pressantes
sollicitations d'amis politiques que nous
consentîmes à nous présenter dans une
réunion composée en immense majo-
rité des membres du comité central
que nous avions combattus pendant
huit jours.
A peine étions-nous entrés que ma
mise en accusation fut demandée ; Mé-
line demanda la parole, mais ie ne lui
laissai pas le temps de la prendre, je
me levai, et dans une improvisation vio-
lente, je jetai à la face des hommes qui
m'accusaient une démission motivée
dont les assistants ont conservé le sou-
venir.
Peu d'instants après, je sortis et Mé-
line resta courageusement pour s'oppo-
ser à toute proposition de violence con-
tre moi.
Il vint me rejoindre dans la nuit à
mon domicile, et nous convînmes de
partir le lendemain matin, moi, député,
pour Versailles, et lui qui ne l'était pas
encore pour les Vosges, où sa femme
l'attendait dans de mortelles angoisses.
Il rédigea sa lettre de démission;
elle était violente, je la lui fis refaire,
pensant qu'il était inutile, puisqu'elle
devait être rendue publique, d'ajouter
de nouveaux ferments de discorde à
ceux qui existaient déjà.
Si cette lettre porte la qate du 30, ce
ne peut être que par erreur, car elle
a été écrite le 29 au matin peu d'heures
avant notre départ de Paris.
Méline n'a donc pas plus que moi as-
sisté à la première séance de la Com-
mune, comme on l'affirme à tort.
Nous avons accompli jusqu'au bout
un pqtriolicme devoir, et nou.s n'avons à
nous qisGufper ni liui, m rtHtrc. Je ré-
tablis la vérité, voilà tout. - -
P. TIRARD
Député de la Soinç,
r LIS .FRAUDES PIEUSES
Je fus vraiment bien aise de le voir,
ce grand garçon-là. Il avait l'air mar-
tial, et le costume militaire lui seyait à
merveille. Il y avait trois ou quatre ans
que je n'avais eu occasion de tailler avec
lui une bonne bavette. Il me conta sur
la vie de régiment toutes sortes de dé-
tails, dont je ferai peut-être usage un
de ces jours.
Une histoire entre autres me frappa.
J'étais l'année dernière, me dit-il, en-
gagé conditionnel au 9ge de ligne, à
Lyon. Parmi les soldats qui étaient ap-
pelés à suivre nos cours, j'en remarquai
un dont l'instruction me parut très-va-
riée et fort au-dessus de la moyenne. Je
lui demandai, non sans quelque sur-
prise, pourquoi il n'avait point préféré
le volontariat d'un an aux cinq ans de
service qui lui incombaient.
Voici ce qu'il me raconta.
Il avait fait ses éludes dans une jé-
suitière du département du Jura. Il se
trouvait, comme un assez grand nom-
bre de ses camarades, en rhétorique,
lorsqu'arriva l'âge du tirage au sort.
Le numéro qui lui échut le plaçait par-
mi ceux qui ne sont tenus de faire que
six mois-de service actif.
Baptaillard. il y a des noms prédes-
tinés, mon ami s'appelait Baptaillard.
annonça au frère supérieur son inten-
tion de solliciter un sursis, afin de pou-
voir terminer ses études avant de satis-
faire à la loi. Le frère supérieur lui as-
sura qu'il n'avait à s'occuper de rien ;
que lui, supérieur, il se chargeait d'ob-
tenir, par l'entremise de l'évêché, le
sursis nécessaire.
Vous savez que Baptaillard appar-
tient à une des bonnes familles de son
pays, et que les révérends pères eus-
sent souhaité de l'agréger à leur ordre.
Ils lui firent à ce sujet des ouvertures
assez pressantes; il répondit qu'il était
parfaitement décidé à faire ses études
de médecine, et qu'il ne suivrait jamais
d'autre carrière.
Les révérends pères n'insistèrent plus;
mais quelque temps après. Imaginez
la surprise de Baptaillard. il reçut une
dépêche de l'autorité qui lui enjoignait
d'opter entre cinq années de service ac-
tif ou l'ordination.
L'honorable frère supérieur avait usé
de ce moyen, que je qualifierai de fraude
pieuse ou de supercherie dévote,, pour
retenir le jeune homme par la crainte
de cinq années de service.
Au lieu de demander un sursis pour
lui, il l'avait placé dans la catégorie de
ceux qui se destinent à l'état ecclésias-
tique, et il avait combiné sa petite af-
faire de façon à ce que l'infortuné Bap-
taillard se trouvât, comme on dit, au
pied du mur.
Il avait compté sans l'opiniâtreté de
Baptaillard. Baptaillard aimait la méde-
cine et détestait le sacerdoce. Chacun
a ses goûts. Il aima mieux se résoudre
à manœuvrer cinq années le chassepqt
que déporter la soutane toute sa vie.
Il voulut cependant en avoir le cœur
net. Il fit demander par son maire à la
préfecture s'il ne lui serait pas possible
de passer six mois sous les drapeaux,
comme le numéro tiré par lui lui en
donnait le droit. Voici la réponse du
préfet.
Lons-le-Saulnier, 20 septembre 1875.
PREFECTURE
BU JURA
Monsieur le maire,
En réponse ù votre lettre du 10 courant, j'ai
l'honneur de vous faire connaître que confor-
mément aux prescriptions de la circulaire mi-
nistérielle du 29 novembre 1873, les jeunes
gens dispensés du service, enjjvertu de l'arti-
cle 20 de la loi du 27 juillet 1872, sont tenus,
lorsqu'ils renoncent à la dispense, d'accomplir
dans l'armée cinq ans de service actif, quel
que soit le numéroqu'ils aient obtenu au tirage
au sort, et quelle que soit au moment de leur
renonciation la position militaire de la classe
dont ils font partie.
A l'expiration des cinq années, ils passent
suivant leur âge dans les réserves de la classe
à laquelle ils appartiennent.
En conséquence le nommé Baptaillard (Char-
les-Joseph), de la deuxième portion de la clas-
so de 1873 sera mis en route avec les jeunes
gens de la classe 1874, à moins qu'irhe de-
mande à partir immédiatement, pour accom-
plir cinq ans de service actif, à partir du jour
où il a fait sa renenciation.
Recevez, monsieur le maire, etc.
Pour le préfet : A THOIRETTE.
PaIvre Baptaillard ! malheureux Bap-
taillard ! voilà ce que c'est que de se
fier aux hommes en robe noire !
Baptaillard est aujourd'hui sergent-
major dans son régiment. C'est un grade
flatteur. N'importe! Baptaillard aimerait
mieux qu'on ne l'eût pas pris à ce tra-
quenard.
Et certes il n'y fut point tombé si les
supérieurs des séminaires n'avaient pas
le droit d'arranger avec les évêques les
listes des-jeunes gens qu'ils peuvent
exempter dju devoir de servir leur pa-
trie les armes à la main.
FRANCISQUE SARCEY.
—
Nouvelles d'Orient
24 décembre, soir.
Constantinople, 24 décembre, soir. »
Dans le discours que Stwfct-Pacha il pronon
cé en ouvr:in! hier LI couforence, il a déclaré
que ln Pç»--!.c est fil pIe a îiceoï dei-à ses-sujets
des }':ivt!egei-', pourvu quo ces privilèges ne
soient pas contraires ù la dignité et à i'ifiLc-
gritô de la Turquie.
La prochaine séance de la conférence aura
Heu mardi.
On signale plusieurs manifestations favo-
rables à la nouvelle constitution.
Sir Henry Elliot retourne en Angleterre pour
cause de mauvaise santé.
Berlin, 24 décembre.
Le gouvernement belge ayant décliné la pro-
position d'occuper lt Bulgarie, les plénipoten-
tiaires ont résolu de ne rien décider pour le
moment, en ce qui concerne les arrangements
à prendre pour l'occupation et de notiner à la
Porte que les garanties seraient réglées après
la conférence.
Le programme de réformes qui a été adopté
par la conférence préliminaire a reçu l'appro-
bation du sultan. Ce programme a été aussi
communiqué à Midhat-Pacha, qui ne l'a encore
ni accepté ni rejeté en entier, malgré les télé-
grammes alarmants répandus à ce sujet. Il est
a croire que pour gagner du temps, ou bien
l'armistice sera prolongé, ou les hostilités ne
reprendront que pour la forme comme à une
certaine période de la guerre serbe.
On ne croit pas communément que la Russie
veuille risquer la destruction de son armée en
entreprenant une campagne d'hiver en Bul-
garie. Il se peut que les troupes russes traver-
sent le Pruth, mais il n'est guère probable
qu aucune force soit envoyée au-dcbdu Danube
avant le printemps.
Saint-Pétersbourg, 24 décembre,
La nouvelle publiée par un journal de Berlin
d'après laquelle l'empereur Alexandre serait
malade est complètement dénuée de fonde-
ment. Il est avéré que cette nouvelle est in-
exacte, puisque les habitants de Saint-Péters-
bourg voient à chaque instant leur souverain
se montrer en public.
Constantinople, 25 décembre.
Le sultan a reçu hier en audience privée le
plénipotentiaire autrichien, M. Calice.
On assure qu'Abdul-Hamid recevra demain
le marquis do..Salisbury en audience spéciale.
La deuxième réunion de la conférence plé-
niêreest ajournée à jeudi.
Sir H. Elliot partirait seulement après la fin
de la conférence.
—————————— » ———————————
Lettres d'Orient
Bucharest, 18 décembre.
Je causais hier soir avec un général rou-
main, dans les salons du Cercle de la jeu-
nesse, où les Français présentés sont reçus
à bras ouverts, et cet officier supérieur me
donnait sur la détente actuelle de la situa-
tion - détente dont on pressent déjà la fin,
— une explication qui, toute baroque et ori-
ginale qu'elle semble au. premier, abord,
n'en est pas moins au fond très-sérieuse et
digne, en tous cas, d'être rapportée.
— Savez-vous, me disait-il, pourquoi le
général Ignatieff temporise, semble céder,
a l'air tout prêt à faire des concessions,
qu'il ne fait pas, en somme? Uniquement
parce que le climat est d'une température
exceptionnelle pour l'époque de l'année où
nous nous trouvons. Ordinairement le mois
de décembre est très-froid dans notre pays,
la terre est glacée à une certaine profon-
deur et peut supporter les canons et les
mille voitures* de toutes sortes qui suivent
une armée et servent à son approvisionne-
ment. Cette année, au contraire, nous n'a-
vons que des pluies, la terre est détrempée
et ce serait folie, en ce moment, que de
vouloir envahir la Bulgarie.
Peut-être souriez-vous en me voyant at-
tacher quelque crédit à l'assertion de cet
officier ?
Reportez-vous alors, je vous prie,à ce que
je vous ai dit déjà de l'état des routes en
Bessarabie eten Roumanie, routes qui n'ont
jamais été empierrées et qui sont seulement
indiquées sur un sol gras et friable par les
roues des voitures de paysans circulant
d'un village à l'autre. Les canons enfonce-
raient là-dedans comme dans du beurre
sans qu'on put les en retirer; les gelées
viendraient ensuite et il faudrait les y lais-
ser, jusqu'au printemps prochain, ensevelis
sous les neiges. Etcependant, s'il yaguerre,
il faudra, - au moment où elle sera décla-
rée, arriver au Danube le plus rapide-
ment possible. Il est donc parfaitement vrai-
semblable que le général Ignatieff soit obli-
gé de céder tant que son gouvernement se
trouvera dans l'impossibilité de soutenir
ses prétentions par les armes. L'hiver est,
la chose est certaine, un grand auxiliaire
pour une armée russe ; mais encore faut-il
que cet hiver existe autrement que sur le
calendrier.
Je m'acharne, vous le voyez, à vous par-
ler guerre, alors que les bruits de paix do-
minent. C'est que je ne puis croire celle-ci
possible, c'est que je ne puis admettre que
la Turquie permette l'envahissement de son
territoire, pas plus par des troupes belges
ou suisses que par des régiments russes.
Quel peuple accepterait ainsi une occupa-
tion étrangère sans résister, sans prenare
les armes'? Aucun, La Turquie moins que
tout autre, grâce au fanatisme qui anime la
population musulmane. -
On a parlé de troupes belges ou suisses;
Eh ! croit-on -donc que cette opération dou-
loureuse de l'occupation se ferait avec quel-
ques régiments ? Ce serait ne se rendre au-
cun compte de l'état des esprits dans l'em-
pire ottoman, car si l'on veut empêcher une
épouvantable effusion de sang, un massacre
presque général des chrétiens, il faudra
entrer dans les provkices chrétiennes par
tous les côtés à la fois, pénétrer aussi rapi-
dement que possible dans l'intérieur du pays
et s'emparer sur-le-champ des moindres
bourgades. Quelqu'un a proposé l'armée
roumaine. Suppose-t-on que la Porte accep-
terait jamais cette intrusion chez elle des
régiments d'une puissance tributaire ?
Un journal annonçait hier le départ pour
Kicheneff du prince de Charles de Rouma-
nie. Quoique je ne visse guère ce qui, en
ce moment, pouvait pousser le prince à une
visite aussi impolitique, je crus prudent de
me renseigner et j'acquis la certitude qu'il
n'avait pas quitté Bucharest et n'avait nulle-
ment le désir d'aller voir le grand duc Ni-
colas. Ce qui a pu donner lieu à ce faux.
bruit, c'est le départ pour Kicheneff du fo<
lonel Penkovitch, du septième régiment de
ligne. Spqs 1G prétexte que la sœur du colo-
nel Penkovitch a épousé M. Jaçohae»n, con-
sul de Russie à Jqgsy, on a prétendu que
cet of^cior' avait des opinions russophiles
t et qu'il se roudait auprès
du grand-duc Nicolas avec une mission des
plus secrètes.
J'ai l'honneur de connaître pcrsonnelle-
ment M. Penkovitch, et je puis certifier
qu'il est d'abord Roumain par la naissance
et le cœur, ensuite Français par sympa-
thie et éducation, et que la grande affection
qui lui est prêtée pour la Russie est des
plus modérées. La mission qu'il remplit en
ce moment est toute militaire et il s'est
rendu à Kichenefï pour y étudier sur place
les opérations de la concentration et de
l'approvisionnement des troupes russes.
Un autre départ a préoccupé la popula-
tion de Bucharest — car tout est ici sujet à
préoccupation; — c'est celui de M. le baron.
Stuart, consul général de Russie. Je ne vois
pas qu'il y aitencore matière à révolutionner
l'Europe. M. le baron Stuart est allé à Ki-
cheneff mettre le grand-duc au courant de
ce qui se dit et se fait, au point de vue po-
litique et militaire, dahs toute la Roumanie :
quoi de plus naturel !
Au reste, le moindre fait se produisant
en Orient est tellement discuté, étudié, re-
tourné, qu'il prend de suite les proportions
d'un événement considérable. Ainsi chaque
année, à cette époque, la compagnie de na-
vigation du Danube, qui possède un matériel
de quatre cents vapeurs et remorqueurs et
compte par milliers ses barques et chalou-
pes de transport, prend sfcs précautions*
pour éviter que cette immense flottille ne
soit prise et endommagée par les glaces ;
tous ces navires, grands et petits, à part
ceux indispensables pour faire un service
hebdomadaire depuis les Portete-de-Fer jus-
qu'à la mer Noire, sont, chaque année, ra-
menés à Vienne et à Pesth et garés le long
des quais de ces deux capitales. Cette me-
sure de précaution vient d'être prise depuis
le 15 courant comme toutes les annéespré-
cédentes ; on a tiré de ce fait la conclusion
que c'était un moyen pour l'Autriche-Hon-
grie de manifester ses sentiments; franche-
ment, c'est trop fort.
On parle également beaucoup de Widdin
depuis quelque temps. Il est évident que les
Turcs ne peuvent pas laisser sans défense
cette place forte, d'une importance extrême
par suite de sa proximité de la frontière
serbe; et qu'ils doivent la mettre en état
complet de défense, mais on a tort d'ajeuter
que de nombreuses batteries sont construi-
tes par l'armée roumaine à Kalàfat, en face
de Widdin, et qu'il s'est fait sur ce point
des envois considérables d'artillerie. Ce qui
est vrai, jusqu'à nouvel ordre, c'est que
deux batteries roumaines seulement sont
réunies à Kalafat, non pas pour commencer
le siège de la place turque, ce qui serait une
amère plaisanterie, mais tout simplement
pour défendre la côte roumaine et pour en
interdire l'approche à une flottille de débar-
quement.
Des travaux de défense considérables se
font à Routschouk et à Silistrie, sur le Da-
nube, et dans ces deux villes viennent d'ar-
river, paraît-il, de nombreux régiments de
nizams et de rédifs; cela n'a, parbleu ! rien
d'étonnant. Je vais demain, au reste, en'
Bulgarie voir ces points et je pénétrerai jus-
qu'à Chumla, au pied des Balkans, où sont
les grandes concentrations de troupes tur-
ques. Je pourrai donc vous dire, en toute
connaissance de cause, ce qui se fait de ce
côté, comme je l'ai déjà fait pour les mou-
vements militaire russes dans la Bessarabie
et le long des rives du Pruth.
Ctaine RENAULT.
-*—■—1——«—«—•
LES (MISSIONS MIXTES
Aux avocats qtli défendent les com-
missions mixtes et aux magistrats qui
ne craignent pas de leur donner gain de
cause en déclarant qu'elles ont fait leur
devoir, nous recommandons la lecture
de quelques admirables pages écrites
sous la Restauration, au lendemain des
iniquités prévôtales, par un juriscon-.
suite aussi çourageux que savant, 1\1.
Bérenger. ,
De la Justice criminelle en France
• D'APRÈS LES LOIS PERMANENTES
LES LOIS D'EXCEPTION ET LES DOCTRINES
DES TRIBUNAUX
Par M. BÉ R EN GER
(L'IIuillier, libraire-diteul', rue Serpente. n.. 16,
à Pari», 1818.) 1
SECONDE PARTIE
Des tribunaux d'exception temporaires
ou des commissions
(Section première)
IDIIE GÉNÉRALE DE CES TRIBUNAUX
François ICI- étant à Marcoussi, devant le
tombeau de Montagu, décapité sous Charles
VI, il lui échappa de dire: « Que c'était
dommage qu'un tel homme fut mort par
justice. » Un moine, qui était présent, lui
répondit : « Sire, il ne fut pas condamné par
justice, mais par commissaires. » Frappé
de ces paroles, le roi jura de ne jamais faire
mourir personne par commission.
La réponse du moine de Marcoussi ren-
fermait une profonde pensée; elle-devait
germer dans le cœur d'un prince qui unis-
sait à un si haut degré la passion de la
gloire à l'amour des lettres et de la justice,
et le serment prononcé dans un lieu aussi
solennel ne pouvait être violé sous son
règne.
Les prince qui substitue des juges forcés
aux organes ordinaires de la loi annonce
le dessein de satisfaire des vengeances;
et la seule différence qu'on puisse aper-
cevoir entre les commissaires qu'il nomme
et des assassins, c'est que les premiers'
se chargent d'infliger la mort en la faisant
précéder de la cérémonie d'une sentence, et
que les derniers la donnent eux-mêmes et
sur-le-champ.
,.
§ I". — DESTINATION. - -
La destination des tribunaux d'exception
spéciaux ou temporaires est donc mise
dans tout son jour.
Efitre les mains dos tyrans,c'est une arme
infaillible pour se défaire des hommes qui
les effarouchent.
Ces tribunaux servent également d'auxi-
liaires aux révolutions; ils en deviennent
Mercredi 27 Décembre 1876
JI jB F E OTFPITP
1
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
ADMINISTRATION
Adresser les Lettres et Mandats à l'Administrateur
-vxio c2.o Lafayetie, 53
Les Manuscrits non inséres-nc seront pas rendus.
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. t 3 ft'.
S'x mo's. iS5 »
Un an. 50 »
DEPARTEMENTS
Trois mois f <5 fr.
Six mois.
Un an.jvea >7^
- r -1 ,
umonCES : Chez MM. LAGRANGEASRF et C).'
---- A
, place de la SONr. - \l.
Z S - :¡.
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
SS, rixe cie H.afayette
r -
Les Lettres non affranchies seront refusées.
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six mois 25 »
Un an. 50 »
DEPARTEMENTS
Trois mois 1G fr.
Six mois. 32 »
Un an. 62 »
âMONCES : Chez MM. LAGiRANGE, CERF et Cia
0t place de fa JBoursef 0
MSf. les Souscripteurs dost
l'afooonentani expire le 31 Dé-
eembre sont priés de le reaon-
veier Immédiatemeut, s'ils ne
veolcasi polnf éprouver de re-
tard dans la réception du Jour-
nal,
Les abonnements pour la France
et l'étranger partent du 1er et du 15
de chaque mois.
:SU'LLETIN
Paris, 26 décembre 1876.
Il ne semble pas que les habitants de
Constantinople soient bien enchantés de
leur nouvelle constitution. On devait s'at-
tendre à une explosion d'enthousiasme, et
une dépèche de Constantinople, en date du
24 décembre, se borne à signaler plusieurs
manifestations favorables à la nouvelle cons-
titution. Il faut avouer que c'est bien mai-
gre, et que les Ottomans, pour employer
la nouvelle désignation officielle, ne sont
que des ingrats. Sans doute ils ont compris
que, comme le pense le Nord et-comme nous
le pensons nous-mêmes, « la nouvelle cons-
titution turque n'est rien autre chose qu'une
machine de guerre, inventée pour faire
avorter les décisions de la conférence. »
Puis le Nord ajoute que la promulgation
de cette constitution est un indice des dis-
positions de la Turquie à résister à la vo-
lonté de l'Europe et un présage de guerre.
Midhat-Pachaavec sa constitution n'aura
d'ailleurs trompé que ceux qui sont décidés
à ne pas voir et qui placent leurs sentiments
turcophiles au-dessus de leur bon sens. Le
Times n'a pas meilleure opinion de la nou-
velle constitution que le Nord ou que nous.
«- La constitution de Midhat-Pacha, dit la
feuille de la Cité, permettra encore l'o-
ligarchie des pachas turcs et n'empêchera
pas les fonctionnaires de garder une
autorité absolue ; cette constitution est
simplement une série de déclarations
qui donnent à la Turquie un plus grand
nombre de réformes constitutionnelles
dans une période de quarante-huit heures
que la France n'en a eu en quatre-vingt-dix
ans. Si la Porte déclare que sa constitution
est sa dernière concession, la continuation
des débats est inutile et la Turquie doit en
subir la responsabilité. »
D'après une dépêche de Constantinople,
Savfet-Pacha aurait déclaré en ouvrant la
conférence que la Porte est prête à accorder
a ses sujets des privilèges, pourvu que ces
privilèges ne soient pas contraires à la di-
gnité et à l'intégrité de la Turquie.
De son côté, le Daily News croit savoir
que le projet de réformes soumis à la Porte
comprend les dispositions suivantes : La
Bulgarie sera divisée en deux provinces.
Les maires seront élus par les habitants.
Le gouverneur général aura à sa disposi-
tion une force armée suffisante pour répri-
mer les abus. L'organisation des cours de
justice sera laissée en grande partie à la
commission internationale; les étrangers
seront éligibles aux fonctions judiciaires,
si la commission estime que leur nomina-
tion à ces fonctions est nécessaire.
Il ne sera payé à la Porte que 30 0/0 du
produit intégral des taxes actuelles. Il n'y
aura pas plus d'un pour cent de la popula-
tion obligé au service de la milice.
Les mots « occupation étrangère » ont été
supprimés dans le projet. La force armée
employée pour garantir l'exécution des ré-
formes Rappellera « gendarmerie » et ne
comprendra que trois ou quatre mille sol-
dats étrangers.
Les arrangements faits pour la Bosnie et
l'Herzégovine sont presque identiques.
En Serbie, le statu quo est maintenu,
sauf ce point que la Drina servira de ligne
ifrontière; de cette façon, le petit Zvornik
fera partie du territoire serbe. *
Le territoire du Monténégro sera consi-
dérablement augmenté, et il aura des ports
de mer.
La Porte acceptera-t-elle ces conditions,
ou faut-il croire avec la Gazette de Cologne
qu'une rupture entre la Rùssie et la Tur-
quie est imminente dans les trois jours? La
prochaine séance officielle nous l'appren-
dra sans doute.
: -
Petite Bourse du Dimanche
Boulevard des Italiens
Trois heures
■ # 0/0,70 fr. 67, 70 70.
a 0 0, 104 fr. 93 3/4, 105 fr. 03 3/4.
5 0/6 turc,xl 1 fr. 02 1/2.
Egypte, 251 fr. 25, 250 62 1/2.
-
On discutait l'autre jour au Sénat le
budget des affaires étrangères, et M. de
Saint-Vfillier y lit un discours sur le
maintien de l'influence française en
Orient. Tout le monde partagerait l'avas
de l'honorable sénateur s'il ne s'agis-
sait que du fond même de la question:
oui, la France a le plus grand intérêt à
ne pas laisser dépérir en Orient son in-
fluence. Mais faut-il s'en tenir à l'uni-
que moyen proposé par M. de Saint-
Vallier ?
Ce moyen consisterait à rétablir quel-
ques crédits, peu importants d'ailleurs,
supprimés par la Chambre des députés,
dont certains établissements religieux
bénéficiaient. Je no dirai rien ni pour
ni contre les couvents dont M. de Saint-
Vailier a pris la défeIle, ne ies connais-
sant pas. Mais j'ai été frappé, durant la
guerre de Serbie, d'autres réflexi ons,
que me suggéraient les événements.
f
1876, l'influence française a certai-
nement décru, au sud du Danube,
parmi les populations chrétiennes et
slaves ; et ce n'est pas d'une question
de budget qu'il s'agit, comme on va le
voir.
Lorsque j'arrivai en Serbie au mois
de juillet dernier, j'y trouvai le nom de
la France non seulement honoré, mais
chéri. Les quelques journalistes fran-
çais qui parcoururent en ce moment-là
le pays y reçurent partout un accueil
qui les toucha profondément. Tandis
que les Anglaiset les Allemands n'étaient
entourés que de défiance, les cœurs
s'ouvraient pour nous,- et c'était pres-
que en compatriotes que les officiers
de l'armée serbe nous traitaient. La
plupart parlaient notre langue ; beau-
coup étaient venus à Paris achever
leurs études, et quelques-uns même
sortaient de l'Ecole polytechnique ou de
Saint-Cyr.
Si l'on parle surtout allemand dhez
les commerçants de Belgrade, de Scha-
batz, de Semendria et des autres villes
riveraines du Danube, le français est
bien plus répandu que l'allemand à l'in-
térieur. Quant à la langue anglaise, elle
est complétement ignorée. Aux quar-
tiers généraux de Tchernaïeff et de
Tcholaksntisch, les correspondances
envoyées aux journaux étaient soumises
à l'examen de l'état-major, et je me sou-
viens que les correspondants anglais
se virent forcés d'écrire en français
leurs dépêches parce que, si les officiers
d'état-major parlaient français, aucun
d'eux en revanche ne savait un seul
mot d'anglais. Enfin, presque partout
j'ai trouvé des livres français.
Les plus grossiers des paysans con-
naissaient au moins le nom de la France,
et le simple mot de Franzowski était
notre meilleur passeport auprès d'eux.
Je no sais pas au juste en quelle estime
nous sommes tenus dans le reste de
l'Orient ; mais, en Serbie, notre nation
n'avait rien perdu de sa renommée de
générosité chevaleresque, et c'est par
cette renommée que notre influence se
soutenait. Combien de fois ne m'a-t-on
pas dit : « Le peuple français, c'est le
grand peuple qui s'enflamme et qui se
bat pour une idée ! » Voilà bien, en effet,
la vraie cause de notre ancien prestige,
et j'ai de plus constaté que la sympathie
vouée par les Serbes à la France n'a-
vait pas été diminuée par ses revers.
« Pendant votre lutte héroïque de
1870 et 1871, me disait-on souvent,
nous n'avons guère pu vous assister
que de nos vœux, car nous ne sommes
qu'un petit peuple et un peuple pauvre,
Mais nous vous avons cependant en-
voyé le peu que nous avons pu de vo
lontaires. » Et l'on me citait avec or-
gueil, au milieu d'un assez grand nom-
bre d'autres, Garachanine blessé sous
Metz, Constantinovich tué sous Paris.
A Paratchin, le brave et bon Vélitch-
.kovich me dit un jour: « Les Serbes,
voyez-vous, ont deux patries : la Serbie
et la France. »
Ceci date du mois de juillet ; mais
quelques semaines plus tard, la Serbie
était bien refroidie dans ses sentiments.
C'est que, sans le savoir, nous avions
trompé l'espoir qu'elle avait mis en
nous. Elle avait compté sur la France,
et la France, cependant, ne donnait pas
signe de vie. Je n'ai pas besoin de le
dire, ce n'était pas une intervention of-
ficielle qu'elle attendait de notre pays,
mais des volontaires, des médecins et
un peu d'argent ou des secours en na-
ture pour ses ambulances. Or, l'argent,
les médecins, les volontaires lui sont
venus de partout, excepté denotrepays.
Je ne parle pas de la Russie, qui a
joué dans la guerre turco-serbe un rôle
tout spécial. Mais l'Allemagne, mais
l'Italie, mais l'Angleterre ont envoyé à
la Serbie des officiers, des chirurgiens
et des secours. J'ai rencontré-des hom-
mes de toutes nations dans les camps,
dans les ambulances, mois pas un seul
Français. Un jour, à l'armée de la Dri-
na, j'avais cru trouver un compatriote :
je l'aborde ; ce n'était qu'un Canadien,
A mesure que le temps s'écoulait, la
déception de nos amis de Serbie deve-
nait plus amére, et je me rappelle le pé-
nible embarras que me causaient sou-
vent les questions dont j'étais assailli :
« Que fait donc la France? quand nous
vÍendra.t,.il une marque de bon souve-
nir de la France? »
Il ne vint, hélas ! rien du tout, si ce
n'est un manifeste de M. Victor Hugo,
beaucoup trop flamboyant. Le dernier
coup nous tut porté par les Anglais : au
mois d'août, les délégués d'un comité
de Londres arrivèrent avec 250,000 fit. ;
500,000 fr. avaient été souscrits en An-
gleterre pour les ambulances, moitié
de la somme était envoyée aux Serbes
cet moitié aux Turcs. J'ajouterai que les
chirurgiens anglais furent admirables.
Un revirement d'opinion tout naturel
exalta les Anglais, qu'on ayaitjusquo-Ià
tenus en quarantaine. Quant aux jour-
nalistes français, ils sentirent cruelle-
ment alors le vide qui commençait à se
faire autour d'eux. L'emprunt de la
ville de Paris fut couvert je ne sais plus
combien de fois sur ces entrefaites, et je
me souviendrai toujours du mélange de
tristesse et d'ironie avec lequel un des
officiers serbes les plus sympathiques'à
notre pays me l'annonça.
L'influence française aura donc subi,
par notre fait même, un grave échec,
sinon d3 toUl l'Orient, nu moins chez
les Slaves de Turquie. Le ministère des
affaires étrangères a dù recevoir plu-
sieurs rapports sur ce sujet du consufl
de France à Belgrade, car je sais par
lui-même à quel point il en était frappé.
La moralité qu'il convient de tirer de
ceci,c'est que depuis 1870 noussommes
tombés d'un excès dans un autre. S'il
a pu nuire à nos aînés de s'éprendre
autrefois de brûlantes passions pour
l'Italie, pour la Pologne, pour la .Grèce,
il nous serait plus fatal, peut-être de
nous vouer systématiquement à l'indif-
férence et de nous renfermer dans un
égoïsme voulu.
Renoncer brusquement à toutes les
idées généreuses à qui, nous avons dû
notre grandeur, c'est un conseil que ne
peut nous donner la sagesse ni le sim-
ple intérêt -bien entendu. Nous sommes
trop enclins à nous dire depuis cinq ans:
Ne pensons qu'à nous-mêmes; les cho-
ses du dehors ne nous regardent plus.
Il y a deux ou trois jours la gravure du
Charivari nous montrait la France ren-
trant chez elle pour s'y bien enfermer,
avec cette légende : L'orage va éclater;
restons chez nous C'est la note du mo-
ment. Le caricaturiste n'a pas eu tort
s'il a voulu dire que nous ne devons
point prendre part à la guerre immi-
nente dont l'Europe est maintenant me-
nacée. Mais nous perdrions notre raison
d'être dans le monde si ce sentiment
du : Restons chez nous! devenait trop
général et trop absolu. Il lui faut cer-
tainement attribuer l'indifférence où
nous sommes restés, croyant être sur-
tout prudents, pendant la guerre turco-
serbe.
Autrefois, — comme en Grèce et plus
tard en Crète, —l a France eût envoyé
en Serbie unelégion de volontaires, sans
parler de l'argent, et elle n'aurait certes
pas laissé aux Anglais le plaisir de ver-
ser aux malades et aux blessés notre
vin de Bordeaux. Nous nous sommes
laissé entraîner à un mouvement de
réaction trop absolue contre ce qu'on
appelle quelquefois le fol enthousiasme
de nos ainés et de nos pères. Ce sont
eux qui précisément ont porté jadis
chez les chrétiens d'Orient l'influence
française à son apogée ; avec notre nou-
vella politique, elle a naturellement dé-
cliné. A quoi donc serviront nos calculs
et notre sagesse, si la grandeur de notre
pays dans le monde, œuvre de ces en-
thousiastes et de ces fous, risque à pré-
sent d'être si fort diminuée ?
La France initiatrice des idées. libé-
rales, la France marchant à la tête de
la civilisation, la France amoureuse de
progrès, de justice et d'humanité, ce ne
sont pas là seulement de vains mots, de
vides formules, puisque, depuis la Ré-
volution, nous leur avons dû le plus
clair de notre crépit. Certes, la prudence
et la modestie nous étaient imposées
après nos désastres; mais il reste des
traditions qui ne doivent pas périr et
que, peut-être, nous avons eu tort de
trop oublier.
EUG. LIÉBERT.
—
En réponse à un communiqué qu'il a
reçu ce matin, le journal la République
française publie une lettre de démis-
sion de M. Méline pour démontrer que
M. Méline a assisté à la première séance
de la Commune.
J'affirme que M. Méline n'a pas as-
sisté à cette première séance.
Comme moi et avec moi il a assisté le
mardi 28 mars à une réunion prépara-
toire, à laquelle les élus municipaux
avaient été officiellement convoqués.
Nous avions une grande répugnance,
Méline et moi, à répondre à cette convo-
cation,et ce ne fut que sur les pressantes
sollicitations d'amis politiques que nous
consentîmes à nous présenter dans une
réunion composée en immense majo-
rité des membres du comité central
que nous avions combattus pendant
huit jours.
A peine étions-nous entrés que ma
mise en accusation fut demandée ; Mé-
line demanda la parole, mais ie ne lui
laissai pas le temps de la prendre, je
me levai, et dans une improvisation vio-
lente, je jetai à la face des hommes qui
m'accusaient une démission motivée
dont les assistants ont conservé le sou-
venir.
Peu d'instants après, je sortis et Mé-
line resta courageusement pour s'oppo-
ser à toute proposition de violence con-
tre moi.
Il vint me rejoindre dans la nuit à
mon domicile, et nous convînmes de
partir le lendemain matin, moi, député,
pour Versailles, et lui qui ne l'était pas
encore pour les Vosges, où sa femme
l'attendait dans de mortelles angoisses.
Il rédigea sa lettre de démission;
elle était violente, je la lui fis refaire,
pensant qu'il était inutile, puisqu'elle
devait être rendue publique, d'ajouter
de nouveaux ferments de discorde à
ceux qui existaient déjà.
Si cette lettre porte la qate du 30, ce
ne peut être que par erreur, car elle
a été écrite le 29 au matin peu d'heures
avant notre départ de Paris.
Méline n'a donc pas plus que moi as-
sisté à la première séance de la Com-
mune, comme on l'affirme à tort.
Nous avons accompli jusqu'au bout
un pqtriolicme devoir, et nou.s n'avons à
nous qisGufper ni liui, m rtHtrc. Je ré-
tablis la vérité, voilà tout. - -
P. TIRARD
Député de la Soinç,
r LIS .FRAUDES PIEUSES
Je fus vraiment bien aise de le voir,
ce grand garçon-là. Il avait l'air mar-
tial, et le costume militaire lui seyait à
merveille. Il y avait trois ou quatre ans
que je n'avais eu occasion de tailler avec
lui une bonne bavette. Il me conta sur
la vie de régiment toutes sortes de dé-
tails, dont je ferai peut-être usage un
de ces jours.
Une histoire entre autres me frappa.
J'étais l'année dernière, me dit-il, en-
gagé conditionnel au 9ge de ligne, à
Lyon. Parmi les soldats qui étaient ap-
pelés à suivre nos cours, j'en remarquai
un dont l'instruction me parut très-va-
riée et fort au-dessus de la moyenne. Je
lui demandai, non sans quelque sur-
prise, pourquoi il n'avait point préféré
le volontariat d'un an aux cinq ans de
service qui lui incombaient.
Voici ce qu'il me raconta.
Il avait fait ses éludes dans une jé-
suitière du département du Jura. Il se
trouvait, comme un assez grand nom-
bre de ses camarades, en rhétorique,
lorsqu'arriva l'âge du tirage au sort.
Le numéro qui lui échut le plaçait par-
mi ceux qui ne sont tenus de faire que
six mois-de service actif.
Baptaillard. il y a des noms prédes-
tinés, mon ami s'appelait Baptaillard.
annonça au frère supérieur son inten-
tion de solliciter un sursis, afin de pou-
voir terminer ses études avant de satis-
faire à la loi. Le frère supérieur lui as-
sura qu'il n'avait à s'occuper de rien ;
que lui, supérieur, il se chargeait d'ob-
tenir, par l'entremise de l'évêché, le
sursis nécessaire.
Vous savez que Baptaillard appar-
tient à une des bonnes familles de son
pays, et que les révérends pères eus-
sent souhaité de l'agréger à leur ordre.
Ils lui firent à ce sujet des ouvertures
assez pressantes; il répondit qu'il était
parfaitement décidé à faire ses études
de médecine, et qu'il ne suivrait jamais
d'autre carrière.
Les révérends pères n'insistèrent plus;
mais quelque temps après. Imaginez
la surprise de Baptaillard. il reçut une
dépêche de l'autorité qui lui enjoignait
d'opter entre cinq années de service ac-
tif ou l'ordination.
L'honorable frère supérieur avait usé
de ce moyen, que je qualifierai de fraude
pieuse ou de supercherie dévote,, pour
retenir le jeune homme par la crainte
de cinq années de service.
Au lieu de demander un sursis pour
lui, il l'avait placé dans la catégorie de
ceux qui se destinent à l'état ecclésias-
tique, et il avait combiné sa petite af-
faire de façon à ce que l'infortuné Bap-
taillard se trouvât, comme on dit, au
pied du mur.
Il avait compté sans l'opiniâtreté de
Baptaillard. Baptaillard aimait la méde-
cine et détestait le sacerdoce. Chacun
a ses goûts. Il aima mieux se résoudre
à manœuvrer cinq années le chassepqt
que déporter la soutane toute sa vie.
Il voulut cependant en avoir le cœur
net. Il fit demander par son maire à la
préfecture s'il ne lui serait pas possible
de passer six mois sous les drapeaux,
comme le numéro tiré par lui lui en
donnait le droit. Voici la réponse du
préfet.
Lons-le-Saulnier, 20 septembre 1875.
PREFECTURE
BU JURA
Monsieur le maire,
En réponse ù votre lettre du 10 courant, j'ai
l'honneur de vous faire connaître que confor-
mément aux prescriptions de la circulaire mi-
nistérielle du 29 novembre 1873, les jeunes
gens dispensés du service, enjjvertu de l'arti-
cle 20 de la loi du 27 juillet 1872, sont tenus,
lorsqu'ils renoncent à la dispense, d'accomplir
dans l'armée cinq ans de service actif, quel
que soit le numéroqu'ils aient obtenu au tirage
au sort, et quelle que soit au moment de leur
renonciation la position militaire de la classe
dont ils font partie.
A l'expiration des cinq années, ils passent
suivant leur âge dans les réserves de la classe
à laquelle ils appartiennent.
En conséquence le nommé Baptaillard (Char-
les-Joseph), de la deuxième portion de la clas-
so de 1873 sera mis en route avec les jeunes
gens de la classe 1874, à moins qu'irhe de-
mande à partir immédiatement, pour accom-
plir cinq ans de service actif, à partir du jour
où il a fait sa renenciation.
Recevez, monsieur le maire, etc.
Pour le préfet : A THOIRETTE.
PaIvre Baptaillard ! malheureux Bap-
taillard ! voilà ce que c'est que de se
fier aux hommes en robe noire !
Baptaillard est aujourd'hui sergent-
major dans son régiment. C'est un grade
flatteur. N'importe! Baptaillard aimerait
mieux qu'on ne l'eût pas pris à ce tra-
quenard.
Et certes il n'y fut point tombé si les
supérieurs des séminaires n'avaient pas
le droit d'arranger avec les évêques les
listes des-jeunes gens qu'ils peuvent
exempter dju devoir de servir leur pa-
trie les armes à la main.
FRANCISQUE SARCEY.
—
Nouvelles d'Orient
24 décembre, soir.
Constantinople, 24 décembre, soir. »
Dans le discours que Stwfct-Pacha il pronon
cé en ouvr:in! hier LI couforence, il a déclaré
que ln Pç»--!.c est fil pIe a îiceoï dei-à ses-sujets
des }':ivt!egei-', pourvu quo ces privilèges ne
soient pas contraires ù la dignité et à i'ifiLc-
gritô de la Turquie.
La prochaine séance de la conférence aura
Heu mardi.
On signale plusieurs manifestations favo-
rables à la nouvelle constitution.
Sir Henry Elliot retourne en Angleterre pour
cause de mauvaise santé.
Berlin, 24 décembre.
Le gouvernement belge ayant décliné la pro-
position d'occuper lt Bulgarie, les plénipoten-
tiaires ont résolu de ne rien décider pour le
moment, en ce qui concerne les arrangements
à prendre pour l'occupation et de notiner à la
Porte que les garanties seraient réglées après
la conférence.
Le programme de réformes qui a été adopté
par la conférence préliminaire a reçu l'appro-
bation du sultan. Ce programme a été aussi
communiqué à Midhat-Pacha, qui ne l'a encore
ni accepté ni rejeté en entier, malgré les télé-
grammes alarmants répandus à ce sujet. Il est
a croire que pour gagner du temps, ou bien
l'armistice sera prolongé, ou les hostilités ne
reprendront que pour la forme comme à une
certaine période de la guerre serbe.
On ne croit pas communément que la Russie
veuille risquer la destruction de son armée en
entreprenant une campagne d'hiver en Bul-
garie. Il se peut que les troupes russes traver-
sent le Pruth, mais il n'est guère probable
qu aucune force soit envoyée au-dcbdu Danube
avant le printemps.
Saint-Pétersbourg, 24 décembre,
La nouvelle publiée par un journal de Berlin
d'après laquelle l'empereur Alexandre serait
malade est complètement dénuée de fonde-
ment. Il est avéré que cette nouvelle est in-
exacte, puisque les habitants de Saint-Péters-
bourg voient à chaque instant leur souverain
se montrer en public.
Constantinople, 25 décembre.
Le sultan a reçu hier en audience privée le
plénipotentiaire autrichien, M. Calice.
On assure qu'Abdul-Hamid recevra demain
le marquis do..Salisbury en audience spéciale.
La deuxième réunion de la conférence plé-
niêreest ajournée à jeudi.
Sir H. Elliot partirait seulement après la fin
de la conférence.
—————————— » ———————————
Lettres d'Orient
Bucharest, 18 décembre.
Je causais hier soir avec un général rou-
main, dans les salons du Cercle de la jeu-
nesse, où les Français présentés sont reçus
à bras ouverts, et cet officier supérieur me
donnait sur la détente actuelle de la situa-
tion - détente dont on pressent déjà la fin,
— une explication qui, toute baroque et ori-
ginale qu'elle semble au. premier, abord,
n'en est pas moins au fond très-sérieuse et
digne, en tous cas, d'être rapportée.
— Savez-vous, me disait-il, pourquoi le
général Ignatieff temporise, semble céder,
a l'air tout prêt à faire des concessions,
qu'il ne fait pas, en somme? Uniquement
parce que le climat est d'une température
exceptionnelle pour l'époque de l'année où
nous nous trouvons. Ordinairement le mois
de décembre est très-froid dans notre pays,
la terre est glacée à une certaine profon-
deur et peut supporter les canons et les
mille voitures* de toutes sortes qui suivent
une armée et servent à son approvisionne-
ment. Cette année, au contraire, nous n'a-
vons que des pluies, la terre est détrempée
et ce serait folie, en ce moment, que de
vouloir envahir la Bulgarie.
Peut-être souriez-vous en me voyant at-
tacher quelque crédit à l'assertion de cet
officier ?
Reportez-vous alors, je vous prie,à ce que
je vous ai dit déjà de l'état des routes en
Bessarabie eten Roumanie, routes qui n'ont
jamais été empierrées et qui sont seulement
indiquées sur un sol gras et friable par les
roues des voitures de paysans circulant
d'un village à l'autre. Les canons enfonce-
raient là-dedans comme dans du beurre
sans qu'on put les en retirer; les gelées
viendraient ensuite et il faudrait les y lais-
ser, jusqu'au printemps prochain, ensevelis
sous les neiges. Etcependant, s'il yaguerre,
il faudra, - au moment où elle sera décla-
rée, arriver au Danube le plus rapide-
ment possible. Il est donc parfaitement vrai-
semblable que le général Ignatieff soit obli-
gé de céder tant que son gouvernement se
trouvera dans l'impossibilité de soutenir
ses prétentions par les armes. L'hiver est,
la chose est certaine, un grand auxiliaire
pour une armée russe ; mais encore faut-il
que cet hiver existe autrement que sur le
calendrier.
Je m'acharne, vous le voyez, à vous par-
ler guerre, alors que les bruits de paix do-
minent. C'est que je ne puis croire celle-ci
possible, c'est que je ne puis admettre que
la Turquie permette l'envahissement de son
territoire, pas plus par des troupes belges
ou suisses que par des régiments russes.
Quel peuple accepterait ainsi une occupa-
tion étrangère sans résister, sans prenare
les armes'? Aucun, La Turquie moins que
tout autre, grâce au fanatisme qui anime la
population musulmane. -
On a parlé de troupes belges ou suisses;
Eh ! croit-on -donc que cette opération dou-
loureuse de l'occupation se ferait avec quel-
ques régiments ? Ce serait ne se rendre au-
cun compte de l'état des esprits dans l'em-
pire ottoman, car si l'on veut empêcher une
épouvantable effusion de sang, un massacre
presque général des chrétiens, il faudra
entrer dans les provkices chrétiennes par
tous les côtés à la fois, pénétrer aussi rapi-
dement que possible dans l'intérieur du pays
et s'emparer sur-le-champ des moindres
bourgades. Quelqu'un a proposé l'armée
roumaine. Suppose-t-on que la Porte accep-
terait jamais cette intrusion chez elle des
régiments d'une puissance tributaire ?
Un journal annonçait hier le départ pour
Kicheneff du prince de Charles de Rouma-
nie. Quoique je ne visse guère ce qui, en
ce moment, pouvait pousser le prince à une
visite aussi impolitique, je crus prudent de
me renseigner et j'acquis la certitude qu'il
n'avait pas quitté Bucharest et n'avait nulle-
ment le désir d'aller voir le grand duc Ni-
colas. Ce qui a pu donner lieu à ce faux.
bruit, c'est le départ pour Kicheneff du fo<
lonel Penkovitch, du septième régiment de
ligne. Spqs 1G prétexte que la sœur du colo-
nel Penkovitch a épousé M. Jaçohae»n, con-
sul de Russie à Jqgsy, on a prétendu que
cet of^cior' avait des opinions russophiles
t et qu'il se roudait auprès
du grand-duc Nicolas avec une mission des
plus secrètes.
J'ai l'honneur de connaître pcrsonnelle-
ment M. Penkovitch, et je puis certifier
qu'il est d'abord Roumain par la naissance
et le cœur, ensuite Français par sympa-
thie et éducation, et que la grande affection
qui lui est prêtée pour la Russie est des
plus modérées. La mission qu'il remplit en
ce moment est toute militaire et il s'est
rendu à Kichenefï pour y étudier sur place
les opérations de la concentration et de
l'approvisionnement des troupes russes.
Un autre départ a préoccupé la popula-
tion de Bucharest — car tout est ici sujet à
préoccupation; — c'est celui de M. le baron.
Stuart, consul général de Russie. Je ne vois
pas qu'il y aitencore matière à révolutionner
l'Europe. M. le baron Stuart est allé à Ki-
cheneff mettre le grand-duc au courant de
ce qui se dit et se fait, au point de vue po-
litique et militaire, dahs toute la Roumanie :
quoi de plus naturel !
Au reste, le moindre fait se produisant
en Orient est tellement discuté, étudié, re-
tourné, qu'il prend de suite les proportions
d'un événement considérable. Ainsi chaque
année, à cette époque, la compagnie de na-
vigation du Danube, qui possède un matériel
de quatre cents vapeurs et remorqueurs et
compte par milliers ses barques et chalou-
pes de transport, prend sfcs précautions*
pour éviter que cette immense flottille ne
soit prise et endommagée par les glaces ;
tous ces navires, grands et petits, à part
ceux indispensables pour faire un service
hebdomadaire depuis les Portete-de-Fer jus-
qu'à la mer Noire, sont, chaque année, ra-
menés à Vienne et à Pesth et garés le long
des quais de ces deux capitales. Cette me-
sure de précaution vient d'être prise depuis
le 15 courant comme toutes les annéespré-
cédentes ; on a tiré de ce fait la conclusion
que c'était un moyen pour l'Autriche-Hon-
grie de manifester ses sentiments; franche-
ment, c'est trop fort.
On parle également beaucoup de Widdin
depuis quelque temps. Il est évident que les
Turcs ne peuvent pas laisser sans défense
cette place forte, d'une importance extrême
par suite de sa proximité de la frontière
serbe; et qu'ils doivent la mettre en état
complet de défense, mais on a tort d'ajeuter
que de nombreuses batteries sont construi-
tes par l'armée roumaine à Kalàfat, en face
de Widdin, et qu'il s'est fait sur ce point
des envois considérables d'artillerie. Ce qui
est vrai, jusqu'à nouvel ordre, c'est que
deux batteries roumaines seulement sont
réunies à Kalafat, non pas pour commencer
le siège de la place turque, ce qui serait une
amère plaisanterie, mais tout simplement
pour défendre la côte roumaine et pour en
interdire l'approche à une flottille de débar-
quement.
Des travaux de défense considérables se
font à Routschouk et à Silistrie, sur le Da-
nube, et dans ces deux villes viennent d'ar-
river, paraît-il, de nombreux régiments de
nizams et de rédifs; cela n'a, parbleu ! rien
d'étonnant. Je vais demain, au reste, en'
Bulgarie voir ces points et je pénétrerai jus-
qu'à Chumla, au pied des Balkans, où sont
les grandes concentrations de troupes tur-
ques. Je pourrai donc vous dire, en toute
connaissance de cause, ce qui se fait de ce
côté, comme je l'ai déjà fait pour les mou-
vements militaire russes dans la Bessarabie
et le long des rives du Pruth.
Ctaine RENAULT.
-*—■—1——«—«—•
LES (MISSIONS MIXTES
Aux avocats qtli défendent les com-
missions mixtes et aux magistrats qui
ne craignent pas de leur donner gain de
cause en déclarant qu'elles ont fait leur
devoir, nous recommandons la lecture
de quelques admirables pages écrites
sous la Restauration, au lendemain des
iniquités prévôtales, par un juriscon-.
suite aussi çourageux que savant, 1\1.
Bérenger. ,
De la Justice criminelle en France
• D'APRÈS LES LOIS PERMANENTES
LES LOIS D'EXCEPTION ET LES DOCTRINES
DES TRIBUNAUX
Par M. BÉ R EN GER
(L'IIuillier, libraire-diteul', rue Serpente. n.. 16,
à Pari», 1818.) 1
SECONDE PARTIE
Des tribunaux d'exception temporaires
ou des commissions
(Section première)
IDIIE GÉNÉRALE DE CES TRIBUNAUX
François ICI- étant à Marcoussi, devant le
tombeau de Montagu, décapité sous Charles
VI, il lui échappa de dire: « Que c'était
dommage qu'un tel homme fut mort par
justice. » Un moine, qui était présent, lui
répondit : « Sire, il ne fut pas condamné par
justice, mais par commissaires. » Frappé
de ces paroles, le roi jura de ne jamais faire
mourir personne par commission.
La réponse du moine de Marcoussi ren-
fermait une profonde pensée; elle-devait
germer dans le cœur d'un prince qui unis-
sait à un si haut degré la passion de la
gloire à l'amour des lettres et de la justice,
et le serment prononcé dans un lieu aussi
solennel ne pouvait être violé sous son
règne.
Les prince qui substitue des juges forcés
aux organes ordinaires de la loi annonce
le dessein de satisfaire des vengeances;
et la seule différence qu'on puisse aper-
cevoir entre les commissaires qu'il nomme
et des assassins, c'est que les premiers'
se chargent d'infliger la mort en la faisant
précéder de la cérémonie d'une sentence, et
que les derniers la donnent eux-mêmes et
sur-le-champ.
,.
§ I". — DESTINATION. - -
La destination des tribunaux d'exception
spéciaux ou temporaires est donc mise
dans tout son jour.
Efitre les mains dos tyrans,c'est une arme
infaillible pour se défaire des hommes qui
les effarouchent.
Ces tribunaux servent également d'auxi-
liaires aux révolutions; ils en deviennent
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