Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-11-21
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32757974m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 68249 Nombre total de vues : 68249
Description : 21 novembre 1876 21 novembre 1876
Description : 1876/11/21 (A6,N1806). 1876/11/21 (A6,N1806).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7557365j
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Sixième Année - no 1806 .., Prix du Numéro à Paris : 15 Centimes - Départements ! 20 Centimes
Mardi 21 Novembre 1876
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
ADMINISTRATION
Adresser les Lettres et Mandats à l'Administra icar
:r-u:.e d.e JLjGbîsxsy&tr&e* •E3CZ*
Les Manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 13 fr.
Six mo's. 25 »
Un an. 50 »
DEPARTEMENTS
Trois mois : Hg fr,
Six mois. Z*
Un an. /4 /.;
ANNONCES : Chez MM. LAôRANGI^èiijJ it c
- O, pince de la BOlfrs fTÎ}* 1) il
r", f. - J
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
E5 SS9 rue de ILiafayetto
Les Lettres non affranchies seront refusées.
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six moi? 25 »
Un an. 50 »;
DEPARTEMENTS
Trois mois 16 fr.
Six mois 32 1)
Un an. 63 *
ANNONCES : Chez MM. LAGRANGE, CERF et Cie
9f place de la Bout-tey 6
ÉLECTION D'UN DÉPUTÉ --
Drôme
2e circonscription de V'Arrondis, de Valence
A la dernière heure nous recevons une
dépêche qui annonce que l'élection de M.
Christophle, candidat républicain, paraît as-
surée. -
ÉLECTION D'UN SÉNATEUR
';' ■ r>ottbs
Ihscrifs. -. '-. 701
~~7 an : 700 @
** Votants : 700
MM. deMérode, monar. 395 voix (élu)
- Fermer, répub 302
'',,': 't..1LLETIN"
; tEaris, 20 novembre 1876.
, Deux élections ont eu lieu hier. Une élé-
tion sénatoriale dans le Doubs. M. de Mé-
rpde, ancien membre de l'Assemblée natio-
nale;,, a été élu. Les électeurs de la Drôme
Oyaient aussi à élire leur représentant à la
, Chambre des députés. Deux candidats
étaient en présence, M. Christophle, répu-
blicain, et M. Monier de la Sizerane, fils..iJ.e.
,1'ancien sénateur de l'empire. Nous ne con-
naissons pas encore le résultat de cette élec-
tion.. •.. : :.
Malgré l'armistice, la lutte semble conti-
nuer tout au moins en Herzégovine. En effet,
une dépêche de Raguse nous annonce qu'un
détachement du corps de Despotovitch com-
jnandé par Simon Kragl, a battu hier,, à
Unaç, les Turcs, qui se sont retirés à Gla-
moc.
Une dépêche de Constantinople, adressée
à l'agence Havas, nous apprend que le
grand conseil a décidé d'adhérer à la réu-
nion de la conférence proposée par l'Angle-
terre. D'après la même dépêche, Midhat-
Pacha ét Savfet-Pacha seraient nommés
plénipotentiaires turcs près la conférence.
Enfin; d'après une dépêche adressée de
Constantinople à Rome, la Turquie adhére-
rait sans conditions à la conférence. Ce
deEnier point, qui est le plus essentiel, mé-
rite confirmation. D'ailleurs, comme nous
l'avons déjà fait remarquer, l'adhésion de
lia Turquie ne change rien à la situation, si
cette adhésion ne signifie pas en même
temps que le gouvernement turc est résolu
à souscrire aux conditions que croira de-
voir lui imposer l'Europe dans l'intérêt du
rétablissement de la tranquillité en Orient.
Nous nous expliquons peu aussi le choix de
deux, ministres plénipotentiaires, puisque
la Turquie sera exclue des délibérations de
la conférence..
La Gazette de l'Allemagne du Nord dé-
ment la nouvelle que nous avons donnée
d'après le Temps, relativement à la conclu-
sion d'un traité entre la Grèce et la Russie.
il est évident toutefois que le gouvernement
grèc se prépare à une action prochaine, au
jnoins sous forme diplomatique. D'après le
Nord, l'objet visé par cette action serait la
situation de l'Epire, de la Thessalie et aussi
de la Crète. Le peuple hellène proteste
énergiquement à l'avance contre l'omission
qui mettrait ses compatriotes de Turquie en
dehors du règlement de la question d'Orient
èî de là protection de l'Europe, et nous ne
saurions nous en étonner « Une omission
de ce genre, dit le Nord, impliquerait en
effet une injustice et un danger, — une in-
justice, puisque les Grecs de Turquie sont
aussi soumis au régime qui a provoqué l'in-
tervention de l'Eurôpe, - un danger, parce
qu'à peine éteint sur les rives du Danube,
l'incendie oriental pourrait éclater de nou-
veau dans les provinces helléniques. »
D'autre part, le Messager d'Athènes, tout
en démentant la nouvelle qu'un traité d'al-
liance offensive et défensive a été conclu
entre la Serbie et la Grèce, ajoute : « La
Grèce ne peut songer à contracter des al-
liances avant d'avoir terminé ses arme-
ments et complété son organisation mili-
taire. Elle ne sortira, ainsi que nous l'avons
dit souvent, de sa position expectante que
si l'Europe sacrifiait les Grecs de Turquie à
des nationalités rivales ou hostiles, mais
elle espère que la justice des puissances
garantes écartera une pareille éventualité. »
1 , ,
; Petite Bourse du Dimanche
Boulevard des Italiens
Trois heures
» O/O, 70 fr. 12 1/2, 20.
5 O/O, 104 fr. 17 1/2, 35, 31 1/4.
5 0/0 turc, 11 fr. 05, 10.
Banque Ottomane, 367 fr. 50.
Egypte, 243 fr. 75, 243 12.
- - ,
L'élection sénatoriale du Doubs n'a
pas été heureuse. Le candidat de la
réaction cléricale, M. le comte de Méro-
de, est élu avec une majorité de 93
voix sur son concurrent républicain.
Que penser de ce résultat? Nos ordinai-
res contradicteurs ne manqueront pas
de l'attribuer à un revirement politique ;
ils s'écrieront que le département du
Doubs, de républicain qu'il était, est
subitement devenu ultramontain et
royaliste. Bref, un miracle, un vrai mi-
racle, dû sans doute à quelque neuvaine
des Veuillot et des Dupanloup.
Nous verrons bien. Qu'on nous per-
mette, en attendant, de ne ne pas nous
émouvoir plus que de raison d'un ha-
sard fâcheux. L'élection du Doubs,
quelles qu'en soient les causes parti-
culières, ne nous paraît pas destinée à
donner beaucoup plus d'autorité ni de
puissance à la coalition des droites du
Sénat. On aura beau tourner et retour-
ner les trois partis soi-disant conserva-
teurs, ce seront toujours le parti roya-
liste, l'orléaniste et l'impérialiste. Pour
être de sincères alliés, ils ont trop de
suiets de se haïr.
Ce qui se passe à présent sous nos
yeux en est une preuve. Nous voulons
parler des deux sièges de sénateurs ina-
movibles auxquels il s'agit de pourvoir.
Deux sénateurs de droite à faire élire
par une coalition des trois droites, voilà
le problème. Problème incommode à
résoudre, parce qu'il y aura toujours, à
quelque combinaison qu'on s'arrêtet
un des trois partis qui sera lésé. Sans
doute on s'accorderait pour trois sièges,
et peut-être même pour un ; mais on ne
peut se tirer de ce nombre deux.
C'est d'abord le centre droit du Sénat
qui ne veut plus entendre parler de M.
le général Vinoy. Il est évident que le
centre droit du Sénat n'a aucun intérêt
.à compléter la collection d'impérialistes
qui s'épanouit dans la plate-bande voi-
sine, tout au contraire. On garde un
grand secret sur ce qui s'est passé dans
la réunion tenue samedi chez le géné-
ral Changarnier; mais, ce que personne
n'ignore, c'est que l'objet de la réunion
était de discuter à nouveau la candida-
ture Vinoy, que plusieurs membres du
centre droit déclaraient bien haut ne
pouvoir admettre.
Et d'un! Maintenant en voici bien
d'une autre ! M. le général de Chabaud-
Latour, le candidat orléaniste de la coa-
lition, fait annoncer par le Soleil «qu'il
çefuse, dans les circonstances présen-
tes, la candidature sénatoriale qui lui
était offerte. » La raison? La raison,
c'est qu'il ne veut pas « que son nom
puisse être l'objet d'un désaccord entre
les membres de l'ancienne réunion
Colbert et les membres du centre droit.»
L'ancienne réunion Colbert! Quel par-
fum cela vous exhale ! Qu'on reconnaît
bien là les gens qui ne vivent que des
souvenirs de l'ancienne Assemblée de
1871 et restent imprégnés de son odeur!
Mais revenons au fait, qui est bien clair :
c'est que M. de Chabaud-Latour, en
cette aventure, ne veut plus être candi-
dat parce qu'il est trop certain de n'être
pas nommé. Il n'aurait que les voix de
ses amis orléaaistes. Et combien sont-
ils?
Reste le seul M. Chesnelong, candidat
à trois fins, candidat de tous les partis,
sauf, bien entendu, du parti libéral ou
simplement constitutionnel. L'ex-am-
bassadeur des fusionnistes près M. le
comte de Chambord n'est pas homme à
lâcher une candidature : mais il pourrait
être entraîné dans la débâcle de ses deux
compétiteurs. Nous saurons le 24 no-
vembre ce que deviendra M. Chesne-
long ; pour le quart d'heure, on n'en
parle pas, on n'en parle plus.
Par ces nouvelles, que nous emprun-
tons à la presse conservatrice, le public
peut voir aisément où en est, au Sénat,
la coalition des droites. Or, il ne s'agit
que de nommer deux sénateurs inamo-
vibles. Que deviendrait-elle s'il était ques-
tion de réviser la constitution du pays ?
Encore convient-il de rappeler que cette
opération délicate ne saurait s'accom-
plir sans le concours de la seconde
Chambre, devant qui M. le duc de Bro-
glie, et M. Buffet, et tous les amis de
ces deux hommes d'Etat, pèsent assez
peu.
Nous avons donc bien des raisons
d'assister sans inquiétude et sans trop
d'ennui au spectacle qui nous est of-
fert à la Chambre haute. Et que M. le
duc de Broglie et les personnages se-
condaires dont il tient les fils ne s'a-
visent point de chanter victoire pour
quelques recrues que ferait au Sénat
le « grand parti conservateur ! » Nous
ne savons guère où pense aller la droite
du Sénat, mais nous savons exactement
où elle irait si la politique de M. de
Broglie devait triompher.
Le dessein de M. de Broglie est de
composer, de pièces et de morceaux,
dans le Sénat, une majorité réaction-
naire, pareille à celle qui, dans l'an-
cienne Assemblée, a rebuté et révolté
la France. Qu'en résulterait-il, sinon
que le Sénat soulèverait alors la même
réprobation, née des mêmes causes? Or,
il faut qu'on y prenne garde, l'institu-
tion même en pourrait souffrir. Dans
un pays où la constitution est révisable,
et où un grand nombre de citoyens
n'ont accueilli au début qu'avec défiance
l'institution de la Chambre haute, il
peut importera la Chambre haute d'être
populaire, ou tout au moins de ne pas
exciter le cri public.
EUG. LIÉBERT.
- — ■ - ■■ M II.I11
Nouvelles d'Orient
Saint-Pétersbourg, 19 novembre.
Conformément à un décret impérial du 6[18
novembre, la Banque d'Etat ouvre la souscrip-
tion à la quatrième émission des billets de
banque 5 pour cent d'une valeur nominale de
100 à 500 roubles émis au cours de 92. Les
souscriptions seront reçues à la Banque de St-
Pétersbourg les 9[21, 10i22, 11 ^23 et 12[24 cou-
rant.
Le Messager officiel dit que cet emprunt est
fait pour couvrir les frais extraordinaires oc-
casionnès par les circonstances politiques du
moment.
Le ministre des finances exprime l'espoir
que cet emprunt sera accueilli avec sympathie
par toutes les classes de la société.
Londres, 19 novembre.
VObsêmeç se dit autorisé à déclarer dénué
de fondement le bruit que la loi sur les fabri-
ques serait suspendue à l'Arsenal, et que les
jeunes garçons qui y sont employés seraient
empêchés d'assister aux écoles à cause des de-
mandes urgentes de munitions.
L'augmentation de la fabrication des cartou-
ches, dit encore 1 "Observer, est simplement
causée par l'introduction aux Indes du fusil
Martini Henri.
Constantinople, 18 novembre.
Ainsi qu'on l'avait annoncé, le grand conseil
a tenu, aujourd'hui, nne réunien ex-traordi-
naire pour prendre une décision relativement
à la conférence.
Constantinople, 18 novembre, 7 h. s.
Le grand conseil, réuni extraordinairement
aujourd'hui, a décidé d'adhérer à la réunion
de la conférence proposée par l'Angleterre.
Midhat-Pacha et Savfet-Pacha seraient les
plénipotentiaires turcs à la conférence.
Le général Chavket-Pacha a été envoyé à
Philippopoli pour y être jugé par la commis-
sion relative aux massacres de Bulgarie.
La loi relative à la réunion du Parlement
ottoman sera promulguée incessamment.
Belgrade, 18 novembre.
M. Marinovich, ancien premier ministre en
Serbie, est envoyé par le prince Milan en mis-
sion auprès du czar; il partira demain matin.
Il sera accompagné jusqu'à Saint-Pétersbourg
par le consul russe à Belgrade.
Le prince Milan a demandé préalablement
au czar l'autorisation d'envoyer àSaint-Péters-
bourg un délégué chargé d'une mission confi-
dentielle. Le czar a répondu affirmativement
en désignant M. Marinovich.
M. de Bersolles, le nouveau consul général
et agent diplomatique de France, est arrivé
ici.
Le sabre précieux envoyé par la Russie pour
être décerné au soldat le plus brave de l'ar-
mée serbe a été donné, par un vote unanime
de l'armée, à M. Megeninoff.
Raguse, 18 novembre, 6 h. soir.
Un détachement du corps de Despotovitch,
commandé par Simon Kragl, a battu, hier, à
Unac, les Turcs, qui se sont retirés à Glamoc.
Le lieutenant-colonel Seebeck, plénipoten-
tiaire militaire allemand, est arrivé aujour-
d'hui.
Rome, 18 novembre.
Une dépêche de Constantinople, arrivée
dans la soirée, annonce que la Turquie adhère
sans conditions à la conférence.
L'agence russe nous communique la dépêche
suivante
St-Pétersbourg, 18 novembre,
11 h. 30 soir.
L'adhésion de la Porte aux conférences des
puissances n'est pas encore officiellement don-
née.
Relativement à la dépêche de lord Derby à
lord Loftus, un article de l'agence explique
que l'Angleterre, ayant accepté l'armistice de
six semaines, n'avait plus le droit d'accepter
celui de six mois sans consulter les puissances
avec lesquelles elle agissait.
D'après les dépêches reçues par les journaux,
M. Marinovitch serait parti pour Saint-Péters-
bourg avec une mission du prince Milan.
Le comité des représentants de la Bourse de
Saint-Pétersbourg propose de former les fonds
des dépenses nécessaires a la guerre.
La province fait un accueil enthousiaste à
la mobilisation.
Saint-Pétersbourg, 19 novembre.
Le Journal de Saint-Pétersbourg publie un
article de fond manifestant l'espérance que,
grâce à la pression unanime de l'Europe, la
Turquie se conformera aux exigences de la si-
tuation. Les armements de la Russie, dit-il, ne
sont point une menace pour la paix, mais un
sacrifice bien lourd que l'empire s'impose en
vue d'assurer les bienfaits de la paix et de
mettre les chrétiens à l'abri d'un régime sau-
vage. Mais si la guerre devenait inévitable,
elle serait soutenue par la nation avec vi-
gueur, car elle aurait auparavant épuisé tous
lés moyens pour l'éviter.
Bucharest, 13 novembre.
Le prince, répondant à la députation qui lui
présentait l'adresse de la Chambre des dépu-
tés, a dit que, si grave que soit la situation,
les Roumains surmonteront toutes les diffi-
cultés en restant unis ; appuyés sur les puis-
sances garantes, ils sauvegarderont les droits
et l'intégrité de leur pays.
-'-------+---
Les Circulaires
Ce n'est pas le tout de donner un
ordre ; les maîtresses de maison le sa-
vent bien. Il faut encore veiller à la fa-
con dont il est exécuté. Ce soin est
d'autant plus nécessaire si l'on se trouve
par maie fortune en désaccord avec
sa cuisinière ou avec son valet de
chambre.
Avez-vous jamais, vous qui me lisez,
éprouvé ce petit désagrément ? Il y a un
ingrédient que vous n'aimez pas, que
votre estomac ne peut supporter. Vous
faites venir votre cordon-bleu, et vous
lui dites :
--- -
- Virginie, songez-y bien ; je ne veux
d'oignon dans aucun des ragoûts que
vous me servirez.
— Mais, monsieur, il n'y a pas moyen
de faire de bonne cuisine sans oignon.
— A la bonne heure, Virginie. Vous
me ferez donc de la mauvaise cuisine,
mais je défends que vous la rendiez
meilleure en y mettant de l'oignon,
sous quelque forme que vous le dégui-
siez. Voilà qui est bien entendu, n'est-
ce pas? Le jour où l'oignon entrera chez
moi, vous en sortirez. Est-ce dit?
— Très bien, monsieur, on ne vous
servira pas d'oignon puisque vous n'en
voulez pas ; mais il n'y a pas moyen de
faire de la bonne cuisine sans oignon.
Et elle descend à sa cuisine, et si
vous ne l'y suivez point, si vous ne
vous tenez pas derrière son dos, vous
pouvez être sûr de votre affaire, elle
vous empoisonnera d'oignon toutes vos
casseroles. Elle vous en fourrerait jus-
que dans un poulet en broche.
Que voulez-vous ? elle est persuadée,
convaincue ; elle tient pour axiome in-
discutable, pour principe antérieur et
supérieur, qu'il n'y a pas de bonne cui-
sine sans oignon.
Eh bien ! du petit au grand, c'est tou-
jours la même chose.
On signale un abus à un ministre.
Supposons qu'il soit dans un jour de
bonne humeur, et qu'il ne déchaîne pas
la magistrature debout contre l'impru-
dent dénonciateur, comme j'ai moi-mê-
me déchaîné le phylloxera sur les vignes
de M. de Lansade ; il juge qu'en effet il y
a, selon l'expression consacrée, quel-
que chose à faire.
Que fait-il?
Il écrit une circulaire.
Les secrétaires la copient et l'envoient
à tous les subordonnés qu'elle touche ;
parfois même, si elle n'est pas d'un ca-
ractére trop confidentiel, Y Officiel l'en-
registre. Lesdits subordonnés la lisent
pieusement, en font de jolies boules de
papier, et continuent leur train comme
s'il n'y avait jamais eu de circulaire au
monde.
Eux aussi, ils lîbTllTênt à l'oignon.
Tenez ! un exemple, et un exemple
qui est tout récent.
On signale à M. le ministre de l'ins-
truction publique une violation perma-
nente de la loi, une atteinte à. l'équité
commise par les congréganistes.
L'abus est si flagrant qu'il ne peut
faire autrement que d'écrire une circu-
laire à tous les recteurs.
Il leur rappelle que les établissements
constitués en vue de l'enseignement
primaire n'ont le droit d'empiéter ni
directement, ni indirectement sur l'en-
seignement secondaire.
C'est qu'en effet il y a dans ce mo-
ment-ci en France une foule de pension-
nats ecclésiastiques, d'écoles de frères,
qui, profitant de la tolérance, de la com-
plicité ou de la faiblesse des inspecteurs
nommés par l'Etat, pratiquent l'ensei-
gnement secondaire spécial, voird même
l'enseignement supérieur, et conduisent
leurs élèves jusqu'au baccalauréat és-
sciences inclusivement.
Vous allez me dire : Qu'importe ! —
Pardon ! pardon ! il importe beaucoup,
Car, si vous, simple laïque, vous vous
avisiez d'ouvrir un établissement d'ins-
truction secondaire, on exigerait de vous,
le règlement à la main, des diplômes
particuliers; et non pas seulement de
vous, mais de vos professeurs.
Les congréganistes sont exempts, ou
plutôt ils s'exemptent de ces obligations
gênantes. Ce sont là formalités sans im-
portance, dont ils ne tiennent aucun
compte, et ils ont bien raison, puisque
personne ne les rappelle à l'ordre.
Ils ouvrent une école primaire, et
sous le couvert de cette école, pour
laquelle on ne leur demande qu'une
lettre d'obédience, ils constituent sour-
noisement un véritable enseignement
secondaire. - -
Quel peut bien être cet enseignement ?
Nous n'en savons rien, puisque ces gens.
là ne souffrent point que l'on vienne
mettre le nez dans leurs petites affaires.
Feuilleton du XIX* SIÈCLE
'; "r Du 21 novembre 1876.
Causerie Dramatique
• Notre collaborateur M. de la Rounat
continue à être absent, et c'est le sur-
numéraire qui, cette fois encore, le
remplace. ,.' ': - >.;
Le remplacement n'a pas été une siné
cure. Lundi soir, première représenta-
tion à l'Athénée-Comique de Ma Cousine
Octacie et de la Fille du Clown; mer-
credi soir; Paul et Virginie, au Théâ-
tre-Lyrique; jeudi, au Gymnase, la
Comtesse Romani ; vendredi, au Troi-
sième - Théâtre - Français, reprise de
François-le-Champi, accompagné de
Y Hôte, un long acte en vers ; samedi,
enfin, à l'Odéon, Deïdamia de M. Théo-
dore de Banville, accompagnée d'une
reprise du Diplomate, de Scribe : tel
est le bulletin des nouveautés de la se-
maine; on voit que les théâtres n'ont
pas perdu leur temps.
e Le grand et franc succès a été celui
de Paul et Virginie; il faut s'en réjouir
pour le Théâtre-Lyrique, qui en avait
grand besoin. Il peut maintenant affron-
ter l'hiver avec confiance et regarder
l'avenir avec un peu de tranquillité. On
avait déjà plusieurs fois transporté sur
la scène le sujet de Paul et Virginie; et,
en effet, il est bien fait pour tenter un
musicien : pourtant, même après l'é-
preuve de cette semaine qui a réussi, je
ne suis pas bien convaincu qu'il soit très
propre au théâtre. Il tient tout entier
dans un duo d'amour enfantin et inno-
cent, dans une douloureuse séparation,
dans une catastrophe tragique : tout ce
que l'on essaiera d'y ajouter sera tou-
jours étranger au sujet et risquera de le
gâter ; et il faudra toujours y ajouter
beaucoup pour en tirer, ne fût-ce que
trois actes.
Les auteurs du librettoont développé
l'épisode de l'esclave fugitive; ils ont
fait des personnages de premier plan
de l'esclave Méala et de son maître, qui
naturellement s'éprend de Virginie et
devient pour Paul un farouche rival. Je
ne vois pas trop l'utilité de cette inven-
tion, si ce n'est qu'elle tient de la place,
à l'inverse du fameux soulier de l'Au-
vergnat. Il ne sort rien pour l'action de
cette rivalité et il n'en peut rien sortir,
bien que l'on voie, à la fin du second
acte, les deux rivaux, sortant chacun un
fusil à la main, et prêts à se chercher
l'un l'autre à travers les bois. Faire tuer
par une balle ou Paul, ou son rival, ou
Virginie, c'est à quoi naturellement les
auteurs ne pouvaient penser, et les fu-
sils qu'on nous montre n'ont jamais dû
être chargés.
Après tout, le libretto est chose assez
secondaire dans un opéra. On peut
toujours chanter ce qui ne mériterait
pas d'être dit, et l'essentiel est que le
chant soit bon. Celui de M. Massé a beau-
coup plu au public de la première re-
présentation, et ne plaira pas moins au
public des représentations suivantes.
M. Victor Massé n'est peut-être pas ce
que la postérité appellera un grand mu-
sicien, mais il est un musicien aimable.
Son œuvre ne se distingue ni par une
grande originalité ni par une grande
puissance ; mais elle est facile, agréa-
ble, elle s'entend sans efforts et ne fati-
gue pas. On n'en sort pas profondément
ému, mais on en sort avec de gracieu-
ses mélodies dans l'oreille, et en remer-
ciant l'auteur de la gentille soirée
qu'on lui doit. Il n'a point voulu faire
verser trop de larmes sur cette pauvre
Virginie et son amant, séparés par la
mort au moment même où ilsvont être
pour la vie réunis. Il s'est appliqué à
adoucir ce que cette tragédie a de trop
navrant, et il y a parfaitement réussi.
Son dernier acte n'a point de ces accents
déchirants qui brisent le cœur.
Le décor qui encadre la mort de Vir-
ginie est si merveilleux d'ailleurs de cou-
leur, de lumière, d'arrangement scé-
nique, qu'il vient ici parfaitement en
aide au musicien : il est bien difficile
en le voyant de ne pas être tout entier
au plaisir des yeux et de penser à autre
chose qu'à cette tempête si savamment
machinée et à ce superbe vaisseau qui, à
chaque secousse de la vague, incline et
s'enfonce. Vous pouvez en toute sécu-
rité, mesdames, aller voir Paul et Vir-
ginie sans craindre d'v rougir désagréa-
blement vos yeux ; vous pouvez, mè-
res de famille, y mener vos filles, sans
craindre que cette musique agite leurs
jeunes cœurs et en trouble l'inno-
cence..
Paul et Virginie est, à vrai dire, un
opéra-comique, élevé par son cadre et
ses huit tableaux au rang de grand
opéra ; c'est un opéra-comique de bonne
et heureuse facture, où se retrouve l'élé-
gance d'inspiration de l'auteur applaudi
des Noces de Jeannette et de Galathée
avec tout ce que la maturité lui a fait
découvrir des secrets de l'art et des
ressources savantes de l'orchestration.
Il est certaine mélodie chantée par
Bouhy, représentant le fidèle nègre
Domingo, au moment où Virginie que
l'on veut envoyer en France vient le con-
sulter,
L'oiseau s'envole,
Là-bas, là-bas,
L'oiseau s'envole,
Ne revient pas,
qui sera vite populaire et que l'on
chantera cet hiver dans tous les salons.
On ne l'y chantera pas, il est vrai, com-
me la chante Bouhy.
Il faut faire dans le succès de Paul et
Virginie la part qui leur revient aux in-
terprètes, et puisque j'ai nommé Bouhy,
je dirai tout de suite que cette création
du vieux Dominique est de celles qui
font le plus grand honneur à ce talent
qui grandit tous les jours. On a peine à
le reconnaitre d'abord sous le noir dont
il s'est consciencieusement barbouillé
le visage et sous ses cheveux blanchis ;
mais il suffit qu'il ouvre la bouche pour
se trahir. Sa voix admirablement tim-
brée, son style large et franc révèlent le
chanteur bien doué par la nature et l'ar-
tiste intelligent. Il ne serait pas éton-
nant qu'il prît sur nos scènes lyriques.
dans un prochain avenir, la place que
Faure y a occupée dans ces dernières
années et qu'il dédaigne aujourd'hui,
satisfait de gloire, ou abandonne de lui-
même, n'y voulant point déchoir.
Il y a bien longtemps que l'on n'avait
*
eu le plaisir d'entendre Capoul. Il n'a
fallu rien moins pour le ramener parmi
noue que le rôle de Paul, qui depuis lon-
gues années déjà le tentait. Paris a fait
un accueil enthousiaste à celui qui fut
son enfant gâté, et un accueil mérité. Si
la fraîcheur de la voix de Capoul a un
peu perdu à courir l'Europe à travers
tous tes climats, l'artiste a fait de sérieux
progrés. Il est impossible de jouer le rôle
de Paul avec plus de chaleur, d'entrain,
parfois même de passion, qu'il ne l'a
fait : l'auditoire ne résiste pas à cette
émotion communicative. Peut-être y
a-t-il parfois excès dans le geste et dans
le mouvement. C'est un excès trop rare
parmi les chanteurs pour qu'il faille son-
ger à s'en plaindre. Les deux scènes
avec Virginie, le duo avec son rival,
le long monologue surtout où Paul, qui
pleure Virginie absente, relit une lettre
d'elle et l'entrevoit dans son rêve amou-
reux, ont enlevé le public et assuré le
succès de l'ouvrage,
Mlle Cécile Ritter, qui porte un nom
cher aux amis de la musique, débutait
dans le rôle de Virginie. Elle a à peu
près l'âge de Virginie; sa jeunesse, sa
physionomie aimable, sa bonne volonté,
les qualités de sa voix lui ont conquis
de suite les sympathies de tous. Mlle
Engalli, dans le rôle de l'esclave fugiti-
ve, a obtenu et mérité sa légitime part
dans le succès de l'ouvrage. — N'ou-
blions pas les auteurs des décors : eux
aussi sont pour quelque chose dans le
triomphe.
J'ai hâte d'en venir à la Comtesse
Romani. Une nouvelle pièce de M. Du-
mas, de ce grand vainqueur qui s'ap-
pelle Alexandre, est toujours un évé-
nement pour la' critique littéraire.
Même quand M. Dumas se trompe, ses
oeuvres sont bien à lui ; et peut-être ses
batailles douteuses sont-elles encore
plus fécondes en enseignements que ses
victoires pour ceux qu'intéresse l'art
dramatique.
La Comtesse Romani est faite pour
embarrasser ceux qui aiment à catalo-
guer les ouvrages littéraires dans des
cadres tout faits. Ce n'est pas une co-
médie, car on y voit des coups de poi-
gnards. Ce n'est pas un drame, «arelle
finit par un mariage, le mariage du
principal personnage avec l'art qui est
au fond sa seule passion. Mettons
que la Comtesse Romani est simplement
une pièce de théâtre, et tâchons de voir
ce qu'elle vaut.
Il n'est pas douteux que le public a
été passablement embarrassé pour la
juger. Le jour de la première représen-
tation, le premier acte a été accueilli
avec une bienveillance incontestée; le se-
cond acte a fini au milieu des témoigna-
ges d'une sympahie qui était proche
voisine de l'enthousiasme ; le troisième
acte a surtout étonné, et quand la toile
est tombée, il ne semblait pas à la plu
part que la pièce fût finie; il a fallu pour
en bien convaincre l'assistance que le
rideau se relevât, et que Landrol vînt
lui jeter le nom de l'auteur : c'est presque
au milieu du silence que ce nom a été
prononcé.
Ce nom, il est vrai, n'était pas celui de
M. Alexandre Dumas. Vous savez déjà
que la Comtesse Romani n'est pas l'œu-
vre de M. Dumas seul. Les journaux
vous ont appris qu'il s'agit d'un ou-
vrage analogne aux Danicheff. Un
amateur, M. Gustave Fould, avait conçu
l'idée de la pièce et l'avait écrite : mais
écrite comme elle l'était, la pièce était
injouable. M. Alexandre Dumas s'est
chargé de la revoir et de l'arranger à
l'optique de la scène. Le nom livré au
public et qui figure sur l'affiche est ce-
lui de Gustave de Jalin. L'inventeur a
fourni le nom de baptême : l'arrangeur
a fourni le nom de famille sous le pseu-
donyme du personnage de son théâtre
où il a certainement mis le plus de lui-
même.
Ce qu'il y a peut-être de plus ex-
traordinaire chez M. Alexandre Du-
mas, c'est sa connaissance de son mé-
tier et son intelligence de l'art de la
scène. Une demi-douzaine de ses pièces
sont à ce point de vue de véritables chefs-
d'œuvre ; il a, par son habileté, fait ac-
cepter au public des sujets qui eussent
sûrement échoué aux mains de tout
autre ; personne ne sait aussi bien que
lui comment on déroule une action dra-
matique. comment on prépare un coup
de théâtre, et comment on rend possi-
ble le plus impossible des dénouements;
il tourne les écueils avec une prodi-
gieuse adresse. On comprend qu'avec
ce talent il lui plaise de temps en temps
d'accepter l'idée d'une pièce, de prendre
d'un autre un sujet tout fait et de se
donner le plaisir de prouver à lui-même
et aux autres combien il est un habile
pilote dramatique.
Il a tenté plus d'une fois ce rôle et
sans doute 'le tentera plus d'une fois
encore : ce ne doit pas être une mince
satisfaction d'amour-propre de monter
sur un vaisseau en pleine tempêté et
de le si bien mener qu'à travers vents
et marées, en louvoyant parmi les
écueils, on le conduise sûrement au
port.
Et pourtant il me semble que dans
le succès assez incertain de la Com-
tesse Romani, jeudi dernier, il y a eu
quelque peu, passablement même, de la
mute du pilote. C'est là précisément l'in-
térêt de cette représentation, et c'est là
surtout ce que je voudrais faire toucher
au doigt. Mais pour le montrer il faut
d'abord raconter brièvement la pièce.
Au premier acte, nous sommes à
Florence, chez la comtesse Romani.
Qu'est-ce que la comtesse Romani?
La comtesse Romani était il y a trois
ans une actrice, laCécilia, la plus illus-
tre tragédienne de l'Italie. Le comte
Romani s'est épris d'elle ; il l'a épousée
et l'a faite comtesse. Mais la nostalgie
du théâtre l'a prise. Bohémienne dans
son enfance, puis cabotine de troupes va-
gabondes, élevée enfin au premier rang
de la troupe que dirige la Rossaura par
son talent, elle n'a pas résisté à l'attrait
nouveau d'un rôle de grande dame quand
le comte lui a offert son nom avec sa
main. Mais bientôt ce rôle de grande
dame l'a ennuyée, et les grandes dames
d'ailleurs, une seule exceptée, ne l'ont
accueillie qu'avec défiance et hostilité.
Elle s'ennuyait, elle a pris un amant,
et cet amant est justement le baron, le
mari de la seule femme du monde qui
lui ait témoigné de la bienveillance.
Mais cet amdur même n'a pu lui don-
ner l'émotion qu'elle cherchait, car le
comte Romani, qui l'adore et qui s'est
ruiné pour la distraire, a été, dans un
Mardi 21 Novembre 1876
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
ADMINISTRATION
Adresser les Lettres et Mandats à l'Administra icar
:r-u:.e d.e JLjGbîsxsy&tr&e* •E3CZ*
Les Manuscrits non insérés ne seront pas rendus.
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois. 13 fr.
Six mo's. 25 »
Un an. 50 »
DEPARTEMENTS
Trois mois : Hg fr,
Six mois. Z*
Un an. /4 /.;
ANNONCES : Chez MM. LAôRANGI^èiijJ it c
- O, pince de la BOlfrs fTÎ}* 1) il
r", f. - J
RÉDACTION
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
E5 SS9 rue de ILiafayetto
Les Lettres non affranchies seront refusées.
ABONNEMENTS
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six moi? 25 »
Un an. 50 »;
DEPARTEMENTS
Trois mois 16 fr.
Six mois 32 1)
Un an. 63 *
ANNONCES : Chez MM. LAGRANGE, CERF et Cie
9f place de la Bout-tey 6
ÉLECTION D'UN DÉPUTÉ --
Drôme
2e circonscription de V'Arrondis, de Valence
A la dernière heure nous recevons une
dépêche qui annonce que l'élection de M.
Christophle, candidat républicain, paraît as-
surée. -
ÉLECTION D'UN SÉNATEUR
';' ■ r>ottbs
Ihscrifs. -. '-. 701
~~7 an : 700 @
** Votants : 700
MM. deMérode, monar. 395 voix (élu)
- Fermer, répub 302
'',,': 't..1LLETIN"
; tEaris, 20 novembre 1876.
, Deux élections ont eu lieu hier. Une élé-
tion sénatoriale dans le Doubs. M. de Mé-
rpde, ancien membre de l'Assemblée natio-
nale;,, a été élu. Les électeurs de la Drôme
Oyaient aussi à élire leur représentant à la
, Chambre des députés. Deux candidats
étaient en présence, M. Christophle, répu-
blicain, et M. Monier de la Sizerane, fils..iJ.e.
,1'ancien sénateur de l'empire. Nous ne con-
naissons pas encore le résultat de cette élec-
tion.. •.. : :.
Malgré l'armistice, la lutte semble conti-
nuer tout au moins en Herzégovine. En effet,
une dépêche de Raguse nous annonce qu'un
détachement du corps de Despotovitch com-
jnandé par Simon Kragl, a battu hier,, à
Unaç, les Turcs, qui se sont retirés à Gla-
moc.
Une dépêche de Constantinople, adressée
à l'agence Havas, nous apprend que le
grand conseil a décidé d'adhérer à la réu-
nion de la conférence proposée par l'Angle-
terre. D'après la même dépêche, Midhat-
Pacha ét Savfet-Pacha seraient nommés
plénipotentiaires turcs près la conférence.
Enfin; d'après une dépêche adressée de
Constantinople à Rome, la Turquie adhére-
rait sans conditions à la conférence. Ce
deEnier point, qui est le plus essentiel, mé-
rite confirmation. D'ailleurs, comme nous
l'avons déjà fait remarquer, l'adhésion de
lia Turquie ne change rien à la situation, si
cette adhésion ne signifie pas en même
temps que le gouvernement turc est résolu
à souscrire aux conditions que croira de-
voir lui imposer l'Europe dans l'intérêt du
rétablissement de la tranquillité en Orient.
Nous nous expliquons peu aussi le choix de
deux, ministres plénipotentiaires, puisque
la Turquie sera exclue des délibérations de
la conférence..
La Gazette de l'Allemagne du Nord dé-
ment la nouvelle que nous avons donnée
d'après le Temps, relativement à la conclu-
sion d'un traité entre la Grèce et la Russie.
il est évident toutefois que le gouvernement
grèc se prépare à une action prochaine, au
jnoins sous forme diplomatique. D'après le
Nord, l'objet visé par cette action serait la
situation de l'Epire, de la Thessalie et aussi
de la Crète. Le peuple hellène proteste
énergiquement à l'avance contre l'omission
qui mettrait ses compatriotes de Turquie en
dehors du règlement de la question d'Orient
èî de là protection de l'Europe, et nous ne
saurions nous en étonner « Une omission
de ce genre, dit le Nord, impliquerait en
effet une injustice et un danger, — une in-
justice, puisque les Grecs de Turquie sont
aussi soumis au régime qui a provoqué l'in-
tervention de l'Eurôpe, - un danger, parce
qu'à peine éteint sur les rives du Danube,
l'incendie oriental pourrait éclater de nou-
veau dans les provinces helléniques. »
D'autre part, le Messager d'Athènes, tout
en démentant la nouvelle qu'un traité d'al-
liance offensive et défensive a été conclu
entre la Serbie et la Grèce, ajoute : « La
Grèce ne peut songer à contracter des al-
liances avant d'avoir terminé ses arme-
ments et complété son organisation mili-
taire. Elle ne sortira, ainsi que nous l'avons
dit souvent, de sa position expectante que
si l'Europe sacrifiait les Grecs de Turquie à
des nationalités rivales ou hostiles, mais
elle espère que la justice des puissances
garantes écartera une pareille éventualité. »
1 , ,
; Petite Bourse du Dimanche
Boulevard des Italiens
Trois heures
» O/O, 70 fr. 12 1/2, 20.
5 O/O, 104 fr. 17 1/2, 35, 31 1/4.
5 0/0 turc, 11 fr. 05, 10.
Banque Ottomane, 367 fr. 50.
Egypte, 243 fr. 75, 243 12.
- - ,
L'élection sénatoriale du Doubs n'a
pas été heureuse. Le candidat de la
réaction cléricale, M. le comte de Méro-
de, est élu avec une majorité de 93
voix sur son concurrent républicain.
Que penser de ce résultat? Nos ordinai-
res contradicteurs ne manqueront pas
de l'attribuer à un revirement politique ;
ils s'écrieront que le département du
Doubs, de républicain qu'il était, est
subitement devenu ultramontain et
royaliste. Bref, un miracle, un vrai mi-
racle, dû sans doute à quelque neuvaine
des Veuillot et des Dupanloup.
Nous verrons bien. Qu'on nous per-
mette, en attendant, de ne ne pas nous
émouvoir plus que de raison d'un ha-
sard fâcheux. L'élection du Doubs,
quelles qu'en soient les causes parti-
culières, ne nous paraît pas destinée à
donner beaucoup plus d'autorité ni de
puissance à la coalition des droites du
Sénat. On aura beau tourner et retour-
ner les trois partis soi-disant conserva-
teurs, ce seront toujours le parti roya-
liste, l'orléaniste et l'impérialiste. Pour
être de sincères alliés, ils ont trop de
suiets de se haïr.
Ce qui se passe à présent sous nos
yeux en est une preuve. Nous voulons
parler des deux sièges de sénateurs ina-
movibles auxquels il s'agit de pourvoir.
Deux sénateurs de droite à faire élire
par une coalition des trois droites, voilà
le problème. Problème incommode à
résoudre, parce qu'il y aura toujours, à
quelque combinaison qu'on s'arrêtet
un des trois partis qui sera lésé. Sans
doute on s'accorderait pour trois sièges,
et peut-être même pour un ; mais on ne
peut se tirer de ce nombre deux.
C'est d'abord le centre droit du Sénat
qui ne veut plus entendre parler de M.
le général Vinoy. Il est évident que le
centre droit du Sénat n'a aucun intérêt
.à compléter la collection d'impérialistes
qui s'épanouit dans la plate-bande voi-
sine, tout au contraire. On garde un
grand secret sur ce qui s'est passé dans
la réunion tenue samedi chez le géné-
ral Changarnier; mais, ce que personne
n'ignore, c'est que l'objet de la réunion
était de discuter à nouveau la candida-
ture Vinoy, que plusieurs membres du
centre droit déclaraient bien haut ne
pouvoir admettre.
Et d'un! Maintenant en voici bien
d'une autre ! M. le général de Chabaud-
Latour, le candidat orléaniste de la coa-
lition, fait annoncer par le Soleil «qu'il
çefuse, dans les circonstances présen-
tes, la candidature sénatoriale qui lui
était offerte. » La raison? La raison,
c'est qu'il ne veut pas « que son nom
puisse être l'objet d'un désaccord entre
les membres de l'ancienne réunion
Colbert et les membres du centre droit.»
L'ancienne réunion Colbert! Quel par-
fum cela vous exhale ! Qu'on reconnaît
bien là les gens qui ne vivent que des
souvenirs de l'ancienne Assemblée de
1871 et restent imprégnés de son odeur!
Mais revenons au fait, qui est bien clair :
c'est que M. de Chabaud-Latour, en
cette aventure, ne veut plus être candi-
dat parce qu'il est trop certain de n'être
pas nommé. Il n'aurait que les voix de
ses amis orléaaistes. Et combien sont-
ils?
Reste le seul M. Chesnelong, candidat
à trois fins, candidat de tous les partis,
sauf, bien entendu, du parti libéral ou
simplement constitutionnel. L'ex-am-
bassadeur des fusionnistes près M. le
comte de Chambord n'est pas homme à
lâcher une candidature : mais il pourrait
être entraîné dans la débâcle de ses deux
compétiteurs. Nous saurons le 24 no-
vembre ce que deviendra M. Chesne-
long ; pour le quart d'heure, on n'en
parle pas, on n'en parle plus.
Par ces nouvelles, que nous emprun-
tons à la presse conservatrice, le public
peut voir aisément où en est, au Sénat,
la coalition des droites. Or, il ne s'agit
que de nommer deux sénateurs inamo-
vibles. Que deviendrait-elle s'il était ques-
tion de réviser la constitution du pays ?
Encore convient-il de rappeler que cette
opération délicate ne saurait s'accom-
plir sans le concours de la seconde
Chambre, devant qui M. le duc de Bro-
glie, et M. Buffet, et tous les amis de
ces deux hommes d'Etat, pèsent assez
peu.
Nous avons donc bien des raisons
d'assister sans inquiétude et sans trop
d'ennui au spectacle qui nous est of-
fert à la Chambre haute. Et que M. le
duc de Broglie et les personnages se-
condaires dont il tient les fils ne s'a-
visent point de chanter victoire pour
quelques recrues que ferait au Sénat
le « grand parti conservateur ! » Nous
ne savons guère où pense aller la droite
du Sénat, mais nous savons exactement
où elle irait si la politique de M. de
Broglie devait triompher.
Le dessein de M. de Broglie est de
composer, de pièces et de morceaux,
dans le Sénat, une majorité réaction-
naire, pareille à celle qui, dans l'an-
cienne Assemblée, a rebuté et révolté
la France. Qu'en résulterait-il, sinon
que le Sénat soulèverait alors la même
réprobation, née des mêmes causes? Or,
il faut qu'on y prenne garde, l'institu-
tion même en pourrait souffrir. Dans
un pays où la constitution est révisable,
et où un grand nombre de citoyens
n'ont accueilli au début qu'avec défiance
l'institution de la Chambre haute, il
peut importera la Chambre haute d'être
populaire, ou tout au moins de ne pas
exciter le cri public.
EUG. LIÉBERT.
- — ■ - ■■ M II.I11
Nouvelles d'Orient
Saint-Pétersbourg, 19 novembre.
Conformément à un décret impérial du 6[18
novembre, la Banque d'Etat ouvre la souscrip-
tion à la quatrième émission des billets de
banque 5 pour cent d'une valeur nominale de
100 à 500 roubles émis au cours de 92. Les
souscriptions seront reçues à la Banque de St-
Pétersbourg les 9[21, 10i22, 11 ^23 et 12[24 cou-
rant.
Le Messager officiel dit que cet emprunt est
fait pour couvrir les frais extraordinaires oc-
casionnès par les circonstances politiques du
moment.
Le ministre des finances exprime l'espoir
que cet emprunt sera accueilli avec sympathie
par toutes les classes de la société.
Londres, 19 novembre.
VObsêmeç se dit autorisé à déclarer dénué
de fondement le bruit que la loi sur les fabri-
ques serait suspendue à l'Arsenal, et que les
jeunes garçons qui y sont employés seraient
empêchés d'assister aux écoles à cause des de-
mandes urgentes de munitions.
L'augmentation de la fabrication des cartou-
ches, dit encore 1 "Observer, est simplement
causée par l'introduction aux Indes du fusil
Martini Henri.
Constantinople, 18 novembre.
Ainsi qu'on l'avait annoncé, le grand conseil
a tenu, aujourd'hui, nne réunien ex-traordi-
naire pour prendre une décision relativement
à la conférence.
Constantinople, 18 novembre, 7 h. s.
Le grand conseil, réuni extraordinairement
aujourd'hui, a décidé d'adhérer à la réunion
de la conférence proposée par l'Angleterre.
Midhat-Pacha et Savfet-Pacha seraient les
plénipotentiaires turcs à la conférence.
Le général Chavket-Pacha a été envoyé à
Philippopoli pour y être jugé par la commis-
sion relative aux massacres de Bulgarie.
La loi relative à la réunion du Parlement
ottoman sera promulguée incessamment.
Belgrade, 18 novembre.
M. Marinovich, ancien premier ministre en
Serbie, est envoyé par le prince Milan en mis-
sion auprès du czar; il partira demain matin.
Il sera accompagné jusqu'à Saint-Pétersbourg
par le consul russe à Belgrade.
Le prince Milan a demandé préalablement
au czar l'autorisation d'envoyer àSaint-Péters-
bourg un délégué chargé d'une mission confi-
dentielle. Le czar a répondu affirmativement
en désignant M. Marinovich.
M. de Bersolles, le nouveau consul général
et agent diplomatique de France, est arrivé
ici.
Le sabre précieux envoyé par la Russie pour
être décerné au soldat le plus brave de l'ar-
mée serbe a été donné, par un vote unanime
de l'armée, à M. Megeninoff.
Raguse, 18 novembre, 6 h. soir.
Un détachement du corps de Despotovitch,
commandé par Simon Kragl, a battu, hier, à
Unac, les Turcs, qui se sont retirés à Glamoc.
Le lieutenant-colonel Seebeck, plénipoten-
tiaire militaire allemand, est arrivé aujour-
d'hui.
Rome, 18 novembre.
Une dépêche de Constantinople, arrivée
dans la soirée, annonce que la Turquie adhère
sans conditions à la conférence.
L'agence russe nous communique la dépêche
suivante
St-Pétersbourg, 18 novembre,
11 h. 30 soir.
L'adhésion de la Porte aux conférences des
puissances n'est pas encore officiellement don-
née.
Relativement à la dépêche de lord Derby à
lord Loftus, un article de l'agence explique
que l'Angleterre, ayant accepté l'armistice de
six semaines, n'avait plus le droit d'accepter
celui de six mois sans consulter les puissances
avec lesquelles elle agissait.
D'après les dépêches reçues par les journaux,
M. Marinovitch serait parti pour Saint-Péters-
bourg avec une mission du prince Milan.
Le comité des représentants de la Bourse de
Saint-Pétersbourg propose de former les fonds
des dépenses nécessaires a la guerre.
La province fait un accueil enthousiaste à
la mobilisation.
Saint-Pétersbourg, 19 novembre.
Le Journal de Saint-Pétersbourg publie un
article de fond manifestant l'espérance que,
grâce à la pression unanime de l'Europe, la
Turquie se conformera aux exigences de la si-
tuation. Les armements de la Russie, dit-il, ne
sont point une menace pour la paix, mais un
sacrifice bien lourd que l'empire s'impose en
vue d'assurer les bienfaits de la paix et de
mettre les chrétiens à l'abri d'un régime sau-
vage. Mais si la guerre devenait inévitable,
elle serait soutenue par la nation avec vi-
gueur, car elle aurait auparavant épuisé tous
lés moyens pour l'éviter.
Bucharest, 13 novembre.
Le prince, répondant à la députation qui lui
présentait l'adresse de la Chambre des dépu-
tés, a dit que, si grave que soit la situation,
les Roumains surmonteront toutes les diffi-
cultés en restant unis ; appuyés sur les puis-
sances garantes, ils sauvegarderont les droits
et l'intégrité de leur pays.
-'-------+---
Les Circulaires
Ce n'est pas le tout de donner un
ordre ; les maîtresses de maison le sa-
vent bien. Il faut encore veiller à la fa-
con dont il est exécuté. Ce soin est
d'autant plus nécessaire si l'on se trouve
par maie fortune en désaccord avec
sa cuisinière ou avec son valet de
chambre.
Avez-vous jamais, vous qui me lisez,
éprouvé ce petit désagrément ? Il y a un
ingrédient que vous n'aimez pas, que
votre estomac ne peut supporter. Vous
faites venir votre cordon-bleu, et vous
lui dites :
--- -
- Virginie, songez-y bien ; je ne veux
d'oignon dans aucun des ragoûts que
vous me servirez.
— Mais, monsieur, il n'y a pas moyen
de faire de bonne cuisine sans oignon.
— A la bonne heure, Virginie. Vous
me ferez donc de la mauvaise cuisine,
mais je défends que vous la rendiez
meilleure en y mettant de l'oignon,
sous quelque forme que vous le dégui-
siez. Voilà qui est bien entendu, n'est-
ce pas? Le jour où l'oignon entrera chez
moi, vous en sortirez. Est-ce dit?
— Très bien, monsieur, on ne vous
servira pas d'oignon puisque vous n'en
voulez pas ; mais il n'y a pas moyen de
faire de la bonne cuisine sans oignon.
Et elle descend à sa cuisine, et si
vous ne l'y suivez point, si vous ne
vous tenez pas derrière son dos, vous
pouvez être sûr de votre affaire, elle
vous empoisonnera d'oignon toutes vos
casseroles. Elle vous en fourrerait jus-
que dans un poulet en broche.
Que voulez-vous ? elle est persuadée,
convaincue ; elle tient pour axiome in-
discutable, pour principe antérieur et
supérieur, qu'il n'y a pas de bonne cui-
sine sans oignon.
Eh bien ! du petit au grand, c'est tou-
jours la même chose.
On signale un abus à un ministre.
Supposons qu'il soit dans un jour de
bonne humeur, et qu'il ne déchaîne pas
la magistrature debout contre l'impru-
dent dénonciateur, comme j'ai moi-mê-
me déchaîné le phylloxera sur les vignes
de M. de Lansade ; il juge qu'en effet il y
a, selon l'expression consacrée, quel-
que chose à faire.
Que fait-il?
Il écrit une circulaire.
Les secrétaires la copient et l'envoient
à tous les subordonnés qu'elle touche ;
parfois même, si elle n'est pas d'un ca-
ractére trop confidentiel, Y Officiel l'en-
registre. Lesdits subordonnés la lisent
pieusement, en font de jolies boules de
papier, et continuent leur train comme
s'il n'y avait jamais eu de circulaire au
monde.
Eux aussi, ils lîbTllTênt à l'oignon.
Tenez ! un exemple, et un exemple
qui est tout récent.
On signale à M. le ministre de l'ins-
truction publique une violation perma-
nente de la loi, une atteinte à. l'équité
commise par les congréganistes.
L'abus est si flagrant qu'il ne peut
faire autrement que d'écrire une circu-
laire à tous les recteurs.
Il leur rappelle que les établissements
constitués en vue de l'enseignement
primaire n'ont le droit d'empiéter ni
directement, ni indirectement sur l'en-
seignement secondaire.
C'est qu'en effet il y a dans ce mo-
ment-ci en France une foule de pension-
nats ecclésiastiques, d'écoles de frères,
qui, profitant de la tolérance, de la com-
plicité ou de la faiblesse des inspecteurs
nommés par l'Etat, pratiquent l'ensei-
gnement secondaire spécial, voird même
l'enseignement supérieur, et conduisent
leurs élèves jusqu'au baccalauréat és-
sciences inclusivement.
Vous allez me dire : Qu'importe ! —
Pardon ! pardon ! il importe beaucoup,
Car, si vous, simple laïque, vous vous
avisiez d'ouvrir un établissement d'ins-
truction secondaire, on exigerait de vous,
le règlement à la main, des diplômes
particuliers; et non pas seulement de
vous, mais de vos professeurs.
Les congréganistes sont exempts, ou
plutôt ils s'exemptent de ces obligations
gênantes. Ce sont là formalités sans im-
portance, dont ils ne tiennent aucun
compte, et ils ont bien raison, puisque
personne ne les rappelle à l'ordre.
Ils ouvrent une école primaire, et
sous le couvert de cette école, pour
laquelle on ne leur demande qu'une
lettre d'obédience, ils constituent sour-
noisement un véritable enseignement
secondaire. - -
Quel peut bien être cet enseignement ?
Nous n'en savons rien, puisque ces gens.
là ne souffrent point que l'on vienne
mettre le nez dans leurs petites affaires.
Feuilleton du XIX* SIÈCLE
'; "r Du 21 novembre 1876.
Causerie Dramatique
• Notre collaborateur M. de la Rounat
continue à être absent, et c'est le sur-
numéraire qui, cette fois encore, le
remplace. ,.' ': - >.;
Le remplacement n'a pas été une siné
cure. Lundi soir, première représenta-
tion à l'Athénée-Comique de Ma Cousine
Octacie et de la Fille du Clown; mer-
credi soir; Paul et Virginie, au Théâ-
tre-Lyrique; jeudi, au Gymnase, la
Comtesse Romani ; vendredi, au Troi-
sième - Théâtre - Français, reprise de
François-le-Champi, accompagné de
Y Hôte, un long acte en vers ; samedi,
enfin, à l'Odéon, Deïdamia de M. Théo-
dore de Banville, accompagnée d'une
reprise du Diplomate, de Scribe : tel
est le bulletin des nouveautés de la se-
maine; on voit que les théâtres n'ont
pas perdu leur temps.
e Le grand et franc succès a été celui
de Paul et Virginie; il faut s'en réjouir
pour le Théâtre-Lyrique, qui en avait
grand besoin. Il peut maintenant affron-
ter l'hiver avec confiance et regarder
l'avenir avec un peu de tranquillité. On
avait déjà plusieurs fois transporté sur
la scène le sujet de Paul et Virginie; et,
en effet, il est bien fait pour tenter un
musicien : pourtant, même après l'é-
preuve de cette semaine qui a réussi, je
ne suis pas bien convaincu qu'il soit très
propre au théâtre. Il tient tout entier
dans un duo d'amour enfantin et inno-
cent, dans une douloureuse séparation,
dans une catastrophe tragique : tout ce
que l'on essaiera d'y ajouter sera tou-
jours étranger au sujet et risquera de le
gâter ; et il faudra toujours y ajouter
beaucoup pour en tirer, ne fût-ce que
trois actes.
Les auteurs du librettoont développé
l'épisode de l'esclave fugitive; ils ont
fait des personnages de premier plan
de l'esclave Méala et de son maître, qui
naturellement s'éprend de Virginie et
devient pour Paul un farouche rival. Je
ne vois pas trop l'utilité de cette inven-
tion, si ce n'est qu'elle tient de la place,
à l'inverse du fameux soulier de l'Au-
vergnat. Il ne sort rien pour l'action de
cette rivalité et il n'en peut rien sortir,
bien que l'on voie, à la fin du second
acte, les deux rivaux, sortant chacun un
fusil à la main, et prêts à se chercher
l'un l'autre à travers les bois. Faire tuer
par une balle ou Paul, ou son rival, ou
Virginie, c'est à quoi naturellement les
auteurs ne pouvaient penser, et les fu-
sils qu'on nous montre n'ont jamais dû
être chargés.
Après tout, le libretto est chose assez
secondaire dans un opéra. On peut
toujours chanter ce qui ne mériterait
pas d'être dit, et l'essentiel est que le
chant soit bon. Celui de M. Massé a beau-
coup plu au public de la première re-
présentation, et ne plaira pas moins au
public des représentations suivantes.
M. Victor Massé n'est peut-être pas ce
que la postérité appellera un grand mu-
sicien, mais il est un musicien aimable.
Son œuvre ne se distingue ni par une
grande originalité ni par une grande
puissance ; mais elle est facile, agréa-
ble, elle s'entend sans efforts et ne fati-
gue pas. On n'en sort pas profondément
ému, mais on en sort avec de gracieu-
ses mélodies dans l'oreille, et en remer-
ciant l'auteur de la gentille soirée
qu'on lui doit. Il n'a point voulu faire
verser trop de larmes sur cette pauvre
Virginie et son amant, séparés par la
mort au moment même où ilsvont être
pour la vie réunis. Il s'est appliqué à
adoucir ce que cette tragédie a de trop
navrant, et il y a parfaitement réussi.
Son dernier acte n'a point de ces accents
déchirants qui brisent le cœur.
Le décor qui encadre la mort de Vir-
ginie est si merveilleux d'ailleurs de cou-
leur, de lumière, d'arrangement scé-
nique, qu'il vient ici parfaitement en
aide au musicien : il est bien difficile
en le voyant de ne pas être tout entier
au plaisir des yeux et de penser à autre
chose qu'à cette tempête si savamment
machinée et à ce superbe vaisseau qui, à
chaque secousse de la vague, incline et
s'enfonce. Vous pouvez en toute sécu-
rité, mesdames, aller voir Paul et Vir-
ginie sans craindre d'v rougir désagréa-
blement vos yeux ; vous pouvez, mè-
res de famille, y mener vos filles, sans
craindre que cette musique agite leurs
jeunes cœurs et en trouble l'inno-
cence..
Paul et Virginie est, à vrai dire, un
opéra-comique, élevé par son cadre et
ses huit tableaux au rang de grand
opéra ; c'est un opéra-comique de bonne
et heureuse facture, où se retrouve l'élé-
gance d'inspiration de l'auteur applaudi
des Noces de Jeannette et de Galathée
avec tout ce que la maturité lui a fait
découvrir des secrets de l'art et des
ressources savantes de l'orchestration.
Il est certaine mélodie chantée par
Bouhy, représentant le fidèle nègre
Domingo, au moment où Virginie que
l'on veut envoyer en France vient le con-
sulter,
L'oiseau s'envole,
Là-bas, là-bas,
L'oiseau s'envole,
Ne revient pas,
qui sera vite populaire et que l'on
chantera cet hiver dans tous les salons.
On ne l'y chantera pas, il est vrai, com-
me la chante Bouhy.
Il faut faire dans le succès de Paul et
Virginie la part qui leur revient aux in-
terprètes, et puisque j'ai nommé Bouhy,
je dirai tout de suite que cette création
du vieux Dominique est de celles qui
font le plus grand honneur à ce talent
qui grandit tous les jours. On a peine à
le reconnaitre d'abord sous le noir dont
il s'est consciencieusement barbouillé
le visage et sous ses cheveux blanchis ;
mais il suffit qu'il ouvre la bouche pour
se trahir. Sa voix admirablement tim-
brée, son style large et franc révèlent le
chanteur bien doué par la nature et l'ar-
tiste intelligent. Il ne serait pas éton-
nant qu'il prît sur nos scènes lyriques.
dans un prochain avenir, la place que
Faure y a occupée dans ces dernières
années et qu'il dédaigne aujourd'hui,
satisfait de gloire, ou abandonne de lui-
même, n'y voulant point déchoir.
Il y a bien longtemps que l'on n'avait
*
eu le plaisir d'entendre Capoul. Il n'a
fallu rien moins pour le ramener parmi
noue que le rôle de Paul, qui depuis lon-
gues années déjà le tentait. Paris a fait
un accueil enthousiaste à celui qui fut
son enfant gâté, et un accueil mérité. Si
la fraîcheur de la voix de Capoul a un
peu perdu à courir l'Europe à travers
tous tes climats, l'artiste a fait de sérieux
progrés. Il est impossible de jouer le rôle
de Paul avec plus de chaleur, d'entrain,
parfois même de passion, qu'il ne l'a
fait : l'auditoire ne résiste pas à cette
émotion communicative. Peut-être y
a-t-il parfois excès dans le geste et dans
le mouvement. C'est un excès trop rare
parmi les chanteurs pour qu'il faille son-
ger à s'en plaindre. Les deux scènes
avec Virginie, le duo avec son rival,
le long monologue surtout où Paul, qui
pleure Virginie absente, relit une lettre
d'elle et l'entrevoit dans son rêve amou-
reux, ont enlevé le public et assuré le
succès de l'ouvrage,
Mlle Cécile Ritter, qui porte un nom
cher aux amis de la musique, débutait
dans le rôle de Virginie. Elle a à peu
près l'âge de Virginie; sa jeunesse, sa
physionomie aimable, sa bonne volonté,
les qualités de sa voix lui ont conquis
de suite les sympathies de tous. Mlle
Engalli, dans le rôle de l'esclave fugiti-
ve, a obtenu et mérité sa légitime part
dans le succès de l'ouvrage. — N'ou-
blions pas les auteurs des décors : eux
aussi sont pour quelque chose dans le
triomphe.
J'ai hâte d'en venir à la Comtesse
Romani. Une nouvelle pièce de M. Du-
mas, de ce grand vainqueur qui s'ap-
pelle Alexandre, est toujours un évé-
nement pour la' critique littéraire.
Même quand M. Dumas se trompe, ses
oeuvres sont bien à lui ; et peut-être ses
batailles douteuses sont-elles encore
plus fécondes en enseignements que ses
victoires pour ceux qu'intéresse l'art
dramatique.
La Comtesse Romani est faite pour
embarrasser ceux qui aiment à catalo-
guer les ouvrages littéraires dans des
cadres tout faits. Ce n'est pas une co-
médie, car on y voit des coups de poi-
gnards. Ce n'est pas un drame, «arelle
finit par un mariage, le mariage du
principal personnage avec l'art qui est
au fond sa seule passion. Mettons
que la Comtesse Romani est simplement
une pièce de théâtre, et tâchons de voir
ce qu'elle vaut.
Il n'est pas douteux que le public a
été passablement embarrassé pour la
juger. Le jour de la première représen-
tation, le premier acte a été accueilli
avec une bienveillance incontestée; le se-
cond acte a fini au milieu des témoigna-
ges d'une sympahie qui était proche
voisine de l'enthousiasme ; le troisième
acte a surtout étonné, et quand la toile
est tombée, il ne semblait pas à la plu
part que la pièce fût finie; il a fallu pour
en bien convaincre l'assistance que le
rideau se relevât, et que Landrol vînt
lui jeter le nom de l'auteur : c'est presque
au milieu du silence que ce nom a été
prononcé.
Ce nom, il est vrai, n'était pas celui de
M. Alexandre Dumas. Vous savez déjà
que la Comtesse Romani n'est pas l'œu-
vre de M. Dumas seul. Les journaux
vous ont appris qu'il s'agit d'un ou-
vrage analogne aux Danicheff. Un
amateur, M. Gustave Fould, avait conçu
l'idée de la pièce et l'avait écrite : mais
écrite comme elle l'était, la pièce était
injouable. M. Alexandre Dumas s'est
chargé de la revoir et de l'arranger à
l'optique de la scène. Le nom livré au
public et qui figure sur l'affiche est ce-
lui de Gustave de Jalin. L'inventeur a
fourni le nom de baptême : l'arrangeur
a fourni le nom de famille sous le pseu-
donyme du personnage de son théâtre
où il a certainement mis le plus de lui-
même.
Ce qu'il y a peut-être de plus ex-
traordinaire chez M. Alexandre Du-
mas, c'est sa connaissance de son mé-
tier et son intelligence de l'art de la
scène. Une demi-douzaine de ses pièces
sont à ce point de vue de véritables chefs-
d'œuvre ; il a, par son habileté, fait ac-
cepter au public des sujets qui eussent
sûrement échoué aux mains de tout
autre ; personne ne sait aussi bien que
lui comment on déroule une action dra-
matique. comment on prépare un coup
de théâtre, et comment on rend possi-
ble le plus impossible des dénouements;
il tourne les écueils avec une prodi-
gieuse adresse. On comprend qu'avec
ce talent il lui plaise de temps en temps
d'accepter l'idée d'une pièce, de prendre
d'un autre un sujet tout fait et de se
donner le plaisir de prouver à lui-même
et aux autres combien il est un habile
pilote dramatique.
Il a tenté plus d'une fois ce rôle et
sans doute 'le tentera plus d'une fois
encore : ce ne doit pas être une mince
satisfaction d'amour-propre de monter
sur un vaisseau en pleine tempêté et
de le si bien mener qu'à travers vents
et marées, en louvoyant parmi les
écueils, on le conduise sûrement au
port.
Et pourtant il me semble que dans
le succès assez incertain de la Com-
tesse Romani, jeudi dernier, il y a eu
quelque peu, passablement même, de la
mute du pilote. C'est là précisément l'in-
térêt de cette représentation, et c'est là
surtout ce que je voudrais faire toucher
au doigt. Mais pour le montrer il faut
d'abord raconter brièvement la pièce.
Au premier acte, nous sommes à
Florence, chez la comtesse Romani.
Qu'est-ce que la comtesse Romani?
La comtesse Romani était il y a trois
ans une actrice, laCécilia, la plus illus-
tre tragédienne de l'Italie. Le comte
Romani s'est épris d'elle ; il l'a épousée
et l'a faite comtesse. Mais la nostalgie
du théâtre l'a prise. Bohémienne dans
son enfance, puis cabotine de troupes va-
gabondes, élevée enfin au premier rang
de la troupe que dirige la Rossaura par
son talent, elle n'a pas résisté à l'attrait
nouveau d'un rôle de grande dame quand
le comte lui a offert son nom avec sa
main. Mais bientôt ce rôle de grande
dame l'a ennuyée, et les grandes dames
d'ailleurs, une seule exceptée, ne l'ont
accueillie qu'avec défiance et hostilité.
Elle s'ennuyait, elle a pris un amant,
et cet amant est justement le baron, le
mari de la seule femme du monde qui
lui ait témoigné de la bienveillance.
Mais cet amdur même n'a pu lui don-
ner l'émotion qu'elle cherchait, car le
comte Romani, qui l'adore et qui s'est
ruiné pour la distraire, a été, dans un
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.96%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99.96%.
- Auteurs similaires Chadeuil Gustave Chadeuil Gustave /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Chadeuil Gustave" or dc.contributor adj "Chadeuil Gustave")
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k7557365j/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k7557365j/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k7557365j/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k7557365j/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k7557365j
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k7557365j
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k7557365j/f1.image × Aide