Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-11-19
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 19 novembre 1876 19 novembre 1876
Description : 1876/11/19 (A6,N1804). 1876/11/19 (A6,N1804).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
Sixième Année — No 1804
Prix du Numéro à Paris : 15 Centimes — Départements : 20 Centimes
Dimanche 19 Novembre 1876
E
ADMINISTRATION
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rue de X_iEa,: £ £ a.y€2t;-Ê©, SES
Les Manuscrits non insérés ne seront pas rendus-
ABONNEMENTS
RÉDACTION
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de 2 heures à minuit
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Les Lettres non affranchies seront refusées.
ABONNEMENTS
JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six mo'S. 25 »
Un an. ::;0 »
DEPARTEMENTS
: Trois mois 1<» fr
; Six mois a2 *
! Un an .J&&—
1 Y,
ANNONCES : Chez MM. LAGRANGE, jd^itF et (>
0j place de la Bourse J 0; y -1
':.=' /, J
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six mois 25 »
Un an. 50 »
DEPARTEMENTS
Trois mois 16 fr.
Six mois. 32 »
Un an. 62 »
ANNONCES : Chez MM. LAGRANGE, CERF et Cie
e, place de la nout-se, e
BULLETIN
Paris, 18 novembre 1876.
La Chambre des députés, dans sa séance
d'hier, a discuté le budget de l'Algérie.
On ne sait pas encore si la Turquie a
donné son adhésion au. projet de conférence.
D'après une dépêche de l'Agence russe, cette
adhésion ne serait pas encore acquise, mais
la pression de l'Angleterre la rend proba-
bable. Le Times, de son côté, publie une dé-
pèche de son correspondant de Vienne d'a-
près laquelle la Porte serait sur le point de
céder. Ce correspondant ajoute que le gou-
vernement turc se serait adressé au cabinet
de Saint-James pour savoir quelles sont
exactement les demandes de l'Angleterre.
On suppose que la Porte aurait voulu rendre
la conférence inutile en accordant proprio
motu tout ce qu'on aurait demandé, comme
elle l'a fait lors de la note Andrassy. De
cette façon elle aurait évité que l'exécution
des réformes décrétées fùt placée sous la
garantie des puissances, et elle se serait ar-
rangée de façon à ce qu'elle restassent let-
tre morte, comme toutes celles qu'elle a dé-
crétées déjà.
Le Nord s'occupe des conditions qu'il y
aura lieu d'imposer à la Turquie. Il appelle
l'attention sur les différentes garanties indi-
quées par la Correspondance politique de
Vienne et que nous avons reproduites d'après
ce journal. L'organe officieux russe déclare
que toutes ces garanties sont indipensables,
mais qu'il en est quelques autres qui sont
non moins indispensables et non moins lé-
gitimes. Il insiste surtout sur le désarme-
ment des populations dans les provinces
insurgés, point sur lequel notre correspon-
dant de Constanti'nople a déjà appelé l'atten-
tion. Notre correspondant nous disait que
jamais la Porte ne céderait sur ce point. Le
Nord partage cet avis. Cependant il regarde
ce désarmement comme la condition sine
quâ non du rétablissement de la tranquillité
et-de la sécuritédes populations chrétiennes.
« Le gouvernement turc, continue le
Nord, voudra-t-il, pourra-t-il, à supposer
qu'il le veuille, exécuter cette mesure? Evi-
demment non. Le concours matériel de
l'Europe lui est indispensable pour cela; la
présence de forces militaires étrangères en
quantité suffisante pour imposer le respect
à la population et assurer sa soumission
pourra seule permettre le désarmement sans
nouvelle effusion de sang. »
Il est évident que cette question du dé-
sarmement des populations constituera une
des principales difficultés qu'aura à sur-
monter la conférence qui va s'ouvrir, et
que, si la Russie insiste sur ce point, la
guerre entre elle et la Turquie est inévi-
table.
Les dépêches qui nous parviennent de
Russie s'occupent uniquement des prépa-
ratifs de guerre qui se poursuivent avec la
plus grande activité. Le gouvernement an-
glais parait disposé à ne pas vouloir rester
en arriére. Le Standard nous apprend qu'il
règne à l'arsenal de Woolwich une activité
extraordinaire. Des ordres précis ont été
donnés hier pour élever à deux millions par
semaine la fabrication de cartouches à balle
• pour fusils. La fabrication, en temps ordi-
naire, n'est que d'un demi-million. A De-
vonport, on prépare deux nouveaux cui-
rassés pour un service immédiat. Il n'est
plus bruit, en outre, que du rappel des
hommes en congé, que de la.formation d'un
corps d'armée tout prêt à s'embarquer, que
de l'expédition de gros canons à Malte.
La presse hongroise, de son côté, de-
mande à grands cris la mobilisation dé l'ar-
mée austro-hongroise. Enfin, le Tempsreçoit
de son correspondantde Vienne, unedépèche
qui lui annonce qu'un traité d'alliance a été
conclu entre la Russie.et la Grèce. Un des
points de ce traité assurerait à la Grèce
l'annexion de l'Epire et d'une partie de la
Thessalie où les Grecs sont en majorité. Il
faut avouer que jamais conférence ne se
sera réunie au milieu de préparatifs plus
belliqueux. Il faut avouer aussi que si,
comme certains journaux le prétendent,
tous les préparatifs de la Russie n'ont eu
qu'un but, exercer une pression sur les dé-
libérations futures de la conférence, et que
si ceux de l'Angleterre sont uniquement
destinés à exercer une contre-pression sur
la Russie, la démonstration a été poussée
assez loin.
C'est là, en effet, un jeu dangereux, car
il se pourrait bien faire que les deux
Etats aient si bien achevé leurs préparatifs
et dépensé tant d'argent que l'un ou l'autre
saisisse le premier prétexte venu pour vider,
une fois pour toutes, leurs vieilles querelles
et s'assurer la possession incontestée de l'A-
sie. En tout cas, c'est un singulier moyen
pour se préparer à l'œuvre pacifique d'une
conférence.
Rien n'est encore décidé quant à l'élec-
tion présidentielle aux Etats-Unis. Répu-
blicains et démocrates prétendent* chacun
de leur côté avoir obtenula majorité, et, pour
la première fois dans l'histoire de l'Union,
il faudra attendre le vote définitif. Il est à
craindre que cette élection si contestée ne
soit le présage de difficultés considérables
aux Etats-Unis.
:Bo'U..rse d.e- Paris
Clôture le 16 nov. le Ii nov. Hausse Baisse
3 O/O
Comptant.. 70 55 70 Il ; t !..I
Fineour.. 70 35 70 35
4 1/2 O/O f f -.
Ctlmptant.. 100 <:10 !/. \) .f. 50
lL>/
/O
Comptant.. 104 50 104 20 30
Fin cour 104 40 104 05 35
PETITE BOURSE DU SOIR
Emprunt 3 0/0. 70 fr. 15, 20, f7 1/2.
Emprunt 5 0/0. 104 fr. 22 1/2, 25, 12 1/2,
104 fr. 17 1/2,
5 0/0 turc. 11 fr. 02 1/2,( 5.
Egypte. 241 fr. 87.
Banque Ottomane 367 fr. 5 >.
---
« Oh ! ces républicains ! toujours les
mêmes ! Il réclament la liberté de la
presse, mais ils sont les premiers à s'en
plaindre dés qu'ils en font les frais. »
C'est pourtant vrai ; seulement nous de-
mandons la permission de traduire en
langage courant ce que cela signifie
dans la bouche des monarchistes de
toutes couleurs.
On connaît la théorie des royalistes ;
ils disent ( qu'en leur accordant toutes
les libertés, les républicains ne font que
conformer leurs actes à leurs principes,
et que les monarchistes font de même
en nous refusant, quandils sont au pou-
voir, toutes les libertés.
Quant aux bonapartistes, ils ne se
donnent même pas la peine d'invoquer
les principes ; ils avouent, dans leurs
heures d'épanchement, qu'ils seraient
bien sots de ne point abuser de la naï-
veté des républicains, qui leur permet-
tent d'attaquer impunément les institu-
tions du pays.
Et lorsque, par hasard, à bout de pa-
tience, la presse républicaine signale à
l'indignation publique certains articles
où sont dépassées les limites de l'o-
dieux, il se trouve de bons apôtres pour
lui dire : Fi ! c'est mal, ce que vous fai-
tes là. N'êtes vous point des partisans
de la liberté de la presse ? Et, d'ailleurs,
est-ce que la simple prudence ne vous
conseille pas de ne point vous faire les
instigateurs de poursuites « qui consti-
tuent toujours une restriction à la li-
berté de penser et d'écrire ? »
Tout cela parce qu'on dit que le gou-
vernement vient d'ordonner des pour-
suites contre le moniteur officiel de la
pornocratie, qui s'est permis d'insulter
l'armée dans la personne des illustres
représentants qu'elle compte au Sénat
et à la Chambre ! C'est fort regrettable,
assurément, et nous convenons volon-
tiers que le journal en question n'est
guère justiciable que de la police des
mœurs. Mais ce qui nous étonne, c'est
que l'accès de libéralisme dont certains
de nos confrères viennent d'être saisis
ait tout justement pour origine les dé-
sagréments qui arrivent au journal de
la rue Drouot.
Depuis moins de six mois qu'ils exis-
tent, les Droits de l'Homme ont été
poursuivis et condamnés onze fois; et
nous pourrions citer vingt autres jour-
naux républicains de Paris ou de pro-
vince qui sont ou ont été récemment
l'objet de poursuites. On nous dira qu'it
s'agit d'organes radicaux, de journaux
« rouges. » « En effet; et même il ne nous
coûte rien de dire que ces journaux
font, à notre avis, plus de tort à la Ré-
publique en la défendant que les jour-
naux monarchistes en l'attaquant. Mais
enfin les poursuites dont ils sont l'objet
n'en constituent pas moins « une res-
triction à la liberté de penser et d'écri-
re. » Comment donc ée fait-il que la Li-
berté, car c'est elle que nous venons de
citer, n'ait pris fait et cause pour le
droit de penser et d'écrire que le jour où
elle a pu craindre qu'il ne fût plus per-
mis au Figaro d'outrager des généraux
français ? Pourquoi tant de sollicitude
d'un côté, tant d'indifférence de l'autre?
S'il ne s'agit réellement que d'une ques-
tion de liberté, pourquoi ne point la ré-
clamer aussi ardemment pour le jour-
nal qui fait de mauvaise politique et
pour celui qui fait de bonnes affaires
parce qu'il a trouvé le moyen d'élever
le proxénétisme à la hauteur d'une ins-
titution ?
Ils nous la baillent belle, en vérité,
ces prétendus libéraux qui ne se réveil-
lent de leur torpeur que par intermit-
tence ! Ils sont d'étranges républicains,
ces rédacteurs de la Liberté, qui se dé-
clarent prêts à défendre la République,
mais à la condition qu'on donnera toute
licence à ses ennemis de l'attaquer, de
la diffamer, de l'avilir aux yeux du
pays, aux yeux de l'Europe !
Nous aussi, nous aimons la Républi-
que, etnous voulons qu'elle vive. Or pour
cela, il ne faut pas donner aux uns la li-
berté de l'étrangler, et refuser aux autres
la liberté de la défendre ; il ne faut
pas que, sous prétexte de liberté, il soit
permis d'écrire chaque jour, comme le
font les feuilles chères à la Liberté, que
la République est une honte et que les
républicains sont des canailles : que la
constitution du 25 février donne des
nausées à la magistrature; à l'armée,
aux prêtres ; qu'il est temps que , le ma-
réchal de Mac-Mahon balaie ces écuries
d'Augias qui s'appellent la Chambre des
députés. Tout cela et bien d'autres
choses s impriment couramment dans
les feuilles qui se vantent de représenter
l'opinion des honnêtes gens, et jusqu'à
ce jour l'impunité leur était assurée.
Au contraire, qu'un journal républi-
cain s'écarte tant soit peu de la mesure,
qu'il exprime sa pensée « avec une cer-
taine vivacité, » comme dit la Liberté en
parlant de l'article du Figaro sur le
demi-monde militaire, et le papier tim-
bré tombe sur lui dru comme grêle. Et
la Liberté 11e souffle mot; elle trouve
cela tout naturel. A quoi bon du bruit?
Ce n'est rien, c'est un journal républi-
cain qu'on écorche !
Eh bien, non; ce n'est pas ainsi que
nous comprenons la liberté. Nous la
voulons tout entière, nous la voulons
absolue, mais nous l'exigeons égale
pour tout le monde. Et même dans ces
conditions nous n'éprouvons aucun
embarras à déclarer que, pour nous, la
liberté de penser et d'écrire ne saurait
jamais aller pour personne jusqu'à la
liberté d'en appeler à la violence, à la
force, au crime, contre le gouverne-
ment établi. Nous avons répété cent
fois et nous répéterons sans cesse qu'en
matière de presse il n'est nul besoin
d'une législation spéciale ; le droit com-
mun suffit ; or, c'est un crime de droit
commun sous la République comme
sous la monarchie, sous un gouverne-
ment libre comme sous un gouverne-
ment despotique, de faire appel aux pa-
vés ou aux sabres pour renverser les
institutions établies. Or, c'est ce que fait
tous les jours, en toute liberté et toute
impunité, la presse qui s'appelle con-
servatrice et qui n'est que factieuse.
E. SCHNERB.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Versailles, 17 novembre 1876.
Nos représentants semblent avoir pris
un bain russe. Hier, jets de vapeur étouf-
fante et douches d'eau glacée; les transi-
tions les plus brusques qui brisent le corps.
Aujourd'hui, la sensation bienfaisante de la
chambre de repos qui, après tant de secous-
ses, pousse à l'assoupissement. La droite
soigne l'enrouement qu'elle a dû attraper
hier; elle est sage, tranquille, sans voix.
La gauche se laisse aller à la détente des
nerfs.
Le budget de l'Algérie n'a rien d'ailleurs
qui puisse nous passionner. La commission,
séduite par la franchise des explications que
lui a fournies sur tous les points le général
Chanzy, s'est facilement entendue avec M.
le gouverneur général de l'Algérie, et, par-
tant, n'a pas à batailler avec le gouverne-
ment. De temps à autre les représentants de
l'Algérie se rappellent au bon souvenir des
Algériens par quelque petit amendement
pas méchant, qui ne s'obstine point; c'est
une politesse ne tirant pas à conséquence,
comme qui dirait la carte du député envoyée
à ses électeurs.
L'intérêt est si secondaire que la salle
est quelque peu dégarnie. Aussi, du haut
de la tribune des journalistes, surveille-
t-on M. de Gasté; on attend un éclat. Il est
clair que la monomanie du député du Finis-
tère commence ses ravages ; M. de Gasté
lorgne minutieusement tous les coins de la
salle, s'agite fiévreusement, fait des addi-
tions ; il pointe.
Le service de bateaux à vapeur de Port-
Vendres à Oran nous occupe quelque temps.
M. Jacques semble tenir beaucoup à ce
service.
Personnellement, vous ne devez pas avoir
de raisons pour vous y opposer, n'est-ce
pas ?
Quant au gouvernement, il est admira-
ble dans son rôle tout paternel : « Certai-
nement. NousJ verrons. dans quelque
temps. » C'est à croire qu'un ministère est
un enfer pour être à ce point pavé de bon-
nes intentions!
Toutefois, grâce à un amendement de M.
Gastu et à l'intervention de M. Victor Le-
franc, un crédit pour une école profession-
nelle à Delhys n'a pas été remis à l'an pro-
chain.
Là, quand nous le disions ! M. de Gasté
éclate.
— Nous ne sommes pas en nombre ! Je
demande qu'on applique le règlement.
— C'est moi qui vais vous l'appliquer, si
vous ne gardez pas le silence.
Et le colloque traditionnel s'établit entre
le président et M. de Gasté.
« Je vous invite, termine M. Grévy, à ne
pas troubler presque quotidiennement la
délibération par des incidents dont je n'ai
pas à rechercher le but, mais dont l'effet
certain est de nuire à la considération de la
Chambre. »
C'est parfaitement juste; mais il ne fau-
drait pas non plus être trop sévère pour ce
pauvre homme. Vous savez: les monomanies,
ça ne se raisonne pas.
PAUL LAKÀRGUE.
Échos de la Chambre
Journée nulle au point de vue des informa-
tions parlementaires. La plus grande partie
des députés s'étant rendue à Sèvres pour assis-
ter à l'inauguration officielle de la nouvelle
manufacture, aucune des commissions actuel-
lement en fondions n'a pu tenir séance, à l'ex-
ceplion toutefois de la commission chargée
d'examiner le projet Ferry relatif à la sup-
pression des sous-préfectures de Sceaux et de
Saint-Denis, dont l'urgence a été votée par la
Chambre dans une de ses dernières séances.
Celte commission a nommé M. Jules Ferrv
président, et M. Camille Sée secrétaire. Elle a
résolu d'entendre au plus tôt le ministre de
l'intérieur, le préfet de la Seine, ainsi que des
délégués du conseil général de la Seine et des
conseils d'arrondissement de Sceaux et de Saint-
'Deuis.
*
Jf *
Notons en passant un incident comique qui a
légèrement égayé les couloirs avant la séan-
ce. Un individu assez bien mis, gras et rasé,
tournure d'ecclésiastique en bourgeois, a voulu
pénétrer sans carte dans une tribune publique,
affirmant à l'huissier ébahi qu'il était Napo-
léon III, fils de Dieu, envoyé par le ciel pour
parler sur les affaires d'Orient. »
Inutile d'ajouter que le pauvre diable a été
aussitôt conduit à l'hôpital militaire avec tous
les égards dus à son état mental.
Ce n'est pas la première fois, d'ailleurs, "que
pareil incident se produit a la Chambre. Déjà,
pendant la session dernière, un habitant de
Versailles, subitement devenu fou, se lit ex-
pulser de la salle pour avoir crié : « Vive Na-
poléon IV ! » Celui d'hier, beaucoup plus réussi,
ressuscite Napoléon III.
Celte sympathie que paraissent avoir les
fous pour l'ex-famille impériale est au moins
singulière et mérite d'être signalée.
EMMANUEL ARÈNE.
--- —————————————
C'est demain dimanche qu'a lieu une dou-
ble élection politique. Une élection sénato-
riale dans le département de Tarn-et-Ga-
ronne. Une élection de députés dans le dé-
partement de la Drôme pour la deuxième
circonscription de l'arrondissement de Va-
lence.,
Le candidat républicain dans Tarn-et-
Garonne est M. II. Rous, et dans la Drôme
M. Christophle. Nous faisons des vœux sin-
cères pour le succès de l'un et de l'autre.
Tous deux sont des hommes d'ordre et de
liberté et qui iront défendre au Parlement la
République qui donne à la France la paix et
la sécurité. Le succès de M. Rous, ancien
représentant à la Constituante, semble, d'a-
près les nouvelles qui nous viennent du Sud-
Ouest, assuré d'avance. Ce choix d'un dé-
partement qui au mois de janvier dernier
avait élu sénateur M. de Limayrac sera une
patriotique réponse aux intrigues de cou-
lisses qui en ce moment même s'efforcent
d'ouvrir la porte du Sénat, gardien de la
constitution à deux ennemis déclarés de
cette constitution, M. Chesnelong et M. Vinoy
ou M. de Chabaud-Latour.
Quant à M. Christophle, déjà conseiller
général de Saint-Vallier, c'est à l'unanimité
qu'il a été choisi comme candidat par les
délégués républicains à Romans. M. Chris-
tophle avait déjà été candidat républicain
aux élections du 20 février, concurremment
avec le regretté M. Servan. Il se retira de-
vant lui par esprit de discipline. Il recevra
cette fois la récompense méritée de ce pa-
triotique désistement.
LA CONFÉRENCE INUTILE
Nous souhaitons sincèrement avec
tous les Français et avec la presque una-
nimité de l'Europe que la conférence
appelée à Constantinople puisse fonder
une honnête et solide paix. Mais il nous
est difficile de partager les illusions de
ceux qui croient à l'efficacité d'une con-
versation diplomatique tenue autour
d'un tapis vert.
Les conférences ou les congrès (peu
importe le nom) étaient de véritables
puissances au temps de l'équilibre eu-
ropéen, lorsque notre vieux continent
était savamment partagé en Etats petits et
grands dont pas un, si grand qu'il fût, ne
pouvait imposer sa volonté aux autres.
Il semble que l'on parle de l'âge d'or,
lorsqu'on rappelle aux hommes de 1876
l'organisation qui sortit des traités de
1815. A part le droit divin, qu'on peut
considérer comme une fiction surannée
et partant peu viable, il y avait quel-
que chose de très-beau et de très-bon
dans cette espèce de société coopérative
où tous les Etats s'engageaient à proté-
ger l'indépendance et l'intégrité de
chacun.
C'était une assurance mutuelle con-
tre l'ambition du plus fort : un contrat
synallagmatique sanctionné par une
coalition toujours prête. Quiconque
était poussé par son mauvais génie à
empiéter sur la frontière du voisin sa-
vait à quoi il s'exposait. Les plus en-
treprenants devenaient sages en pen-
sant au :danger d'une exécution fédé-
rale.
Sans engager des querelles rétros-
pectives, ni traiter une question de res-
ponsabilité que l'histoire saura bien ré-
soudre, nous avons la douleur de
constater aujourd'hui qu'il n'y a plus
d'équilibre européen, ou, pour parler
crûment, plus d'Europe. L'unité ita-
lienne, l'invasion ?du Danemark, la
campagne de Sadowa, la guerre de 1870
ont créé parmi nous au moins une
puissance assez forte pour fermer l'o-
reille aux observations de toutes les
autres. Ce n'est pas seulement l'Alle-
magne qui peut tout ce qu'elle veut,
c'est aussi la Russie, pourvu qu'elle se
soit assuré ra neutralité allemande. Ce
serait demain l'Italie si elle avait le
prince de Bismarck ou le prince Gorts-
chakof dans son jeu.
En 1870, lorsque les troupes de l'em-
pereur Guillaume assiégeaient Paris, il
y avait peut-être encore en Europe les
éléments d'une coalition. Grâce à M.
- .., 11"
Gladstone eta nosbonsamis les Anglais
qui organisèrent au profit du plus fort
la ligue des neutres, cette coalition n'a
pas été possible et ne le sera plus de
longtemps. La France mutilée et ran-
çonnée manque et manquera fatale-
ment, Dieu sait jusqu'à quel jour ! à tou-
tes les combinaisons fondées sur la re-
vendication du droit international.
On le sait au. nord comme au sud, et
il est de notoriété publique que sans
nous la balance est folle ; que la plus
juste cause peut être le jouet du ha-
sard.
Quelle leçon pour les puissances eu-
ropéennes que ce programme diploma-
tique affiché par l'empereur Alexandre
à Moscou ! La Russie veut bien assister
à une conférence, mais elle prend soin
d'avertir tousceuxqui y prendront place
avec elle que si la majorité n'est pas de
son avis, elle agira seule, c'est-à-dire
avec l'Allemagne en réserve !
Une assemblée qui va siéger dans ces
conditions, sous cette menace, est frap-
pée d'impuissance. C'est en vain que les
cabinets protestent à qui mieuxmieux de
leurs intentions pacifiques. D'abord, les
cabinets ne mènent pas les peuples, ils
les suivent, grâce aux progrés de la dé-
mocratie dans les Etats les plus monar-
chiques. Ensuite, que sert de voter dans
une réunion de personnes morales
où l'unité armée en guerre annule par
avance les décisions de la majorité ?
Nous n'accusons personne; nous
croyons au désintéressement de l'em-
pereur Alexandre, à ses intentions pa-
cifiques, à son incontestable grandeur
d'âme. Nous croyons que le sultan ne
demanderait pas mieux que d'inau-
gurer dans son empire un gouverne-
ment tolérable aux chrétiens. Nous
avons foi dans la loyauté des Anglais,
dans la sincérité des Grecs, dans la
sagesse des Madgyarg, dans ce renon-
cement philosophique et poétique qui
fait comme une couronne de roses au-
tour du casque de M. de Bismarck. Mais
nous croyons aussi que l'heure des liqui-
dations terribles va sonner, et que, bon
gré, mal gré, le dix-neuvième siècle
finira comme il a commencé, dans le
sang.
Personne ne veut la guerre, et tout
le monde la fera.
Excepté nous ! Car la France veut vi-
vre, et elle n'a de salut que dans une
paix énergique, obstinée, hérissée con-
tre les menaces et même contre les ten-
tations. Ainsi soit-il !
ABOUT.
----- +
On trouvera plus loin une importante
circulaire de M. le ministre de l'inté-
rieur : elle est adressée aux préfets,
mais elle a surtout été écrite à l'inten-
tion des maires. Elle rappelle à ceux-ci
l'esprit de la loi du 12 août et indique à
ceux qui pourraient les ignorer leurs
principaux devoirs.
Cette circulaire se divise en deux par-
ties : la seconde avertit les maires que
l'exécution d'un certain nombre de lois
d'intérêt général leur est confiée : c'est
ce que l'on pourrait appeler la partie ad-
ministrative de la circulaire. La pre-
mière partie est en somme la partie po-
litique ; elle les fait souvenir que, bien
qu'élus par les conseils municipaux, ils
n'en sont pas moins, par de certains
côtés, de véritables « représentants du
pouvoir central, agents de l'autorité
supérieure, ayant comme tels des rap-
ports de hiérarchie avec les divers pou-
voirs publics. » Elle leur recommande
de ne jamais chercher à administrer une
commune au profit d'un parti, alors
même qu'ils ont dû leur nomination
aux suffrages d'un parti. « Le magistrat
élu, dit avec grande raison M. le minis-
tre de l'intérieur, ne doit pas connaître
d'adversaires dans l'exercice de ses
fonctions. Plus le pouvoir municipal
est rapproché des administrés, plus il
serait insupportable s'il était partial et
tyrannique. Les minorités qui auraient
à en souffrir ne tarderaient pas à faire en-
tendre leurs réclamations, et elles cher-
cheraient une protection dans un retour
à la législation qui donnait au pouvoir
central le droit de choisir les maires. »
Ce sont là de sages conseils et qui,
nous n'en doutons pas, seront tendus.
Le ministre rappelle aux préfets que
dans les cas où ils rencontreraient l'in-
subordination ou la résistance à la loi,
ils restent armés des pouvoirs nécessai-
res pour faire respecter l'autorité supé-
rieure, mais il a soin d'ajouter : « J'es-
père que ces cas, s'ils se présentent,
seront rares, et que les communes de
France tiendront à honneur de prouver
qu'elles sont dignes de la liberté qui
leur est rendue. » Nous sommes de
l'avis de M. le ministre, et nous nous
portons forts d'avance, au moins pour
les municipalités républicaines. Ce n'est
pas seulement parce que le respect des
lois et des autorités du pays est le pre-
mier article du programme républicain ;
c'est aussi parce que tous les amis des
libertés municipales sentent que rien ne
pourrait mieux compromettre ces liber-
tés et réjouir leurs adversaires'que l'a-
bus qui en serait fait.
La - circulaire est donc excellente en
tout ce qui touche les maires : peut-
être quelque chose eût-il pu y être a-
jouté, et qui n'eût point été superflu,
en ce qui concerne messieurs les pré-
fets, auxquels elle est d'abord adressée.
Bon nombre des conflits auxquels nous
avons assisté en ces dernières années
sont arrivés, non par la faute des mai-
res, mais par celle des préfets. C'est le
plus souvent la préfecture qui a com-
mencé les hostilités contre les munici-
palités républicaines : c'est elle qui a
volontairement poursuivi, exaspéré les
maires et adjoints en qui elle ne trouvait
pas des complaisants, jusqu'au jour où
elle rencontrait pour les briser le pré-
texte longtemps cherché. Assurément
il importe que les maires élus n'ou-
blient jamais les devoirs que leur im-
pose la hiérarchie envers l'autorité pré-
fectorale; mais il importe également
que celle-ci n'oublie jamais, à son tour,
ce qu'elle doit à leur indépendance là
où elle est légitime.
Nous savons que nous pouvons comp-
ter sur le libéralisme de M. le'ministre
et son désir de voir appliquée dans son
véritable esprit la loi du 12 août; nous
sommes malheureusement beaucoup
moins assurés du libéralisme de plu-
sieurs préfets actuels de la République.
Il en est, parmi les meilleurs, naguère
dévoués serviteurs de l'ordre moral, qui
ont considéré comme un amoindrisse-
lllentÙleurautoritéd'avoirperdu le droit
de choisir partout les maires et de les ré-
voquer à leur gré : il se pourrait qu'ils
se voulussent venger d'une écha-rpe por-
tée sans leur permission sur ceux qui
la portent, et M. le ministre sera sage
peut-être plus d'une fois de n'eu croire
que sous bénéfice d'inventaire les rap-
ports qui lui viendront d'ici ou là contré
tel ou tel maire élu.
CHARLES BIGOT.
— —————
PETITES COPNERIES CLÉRICALES
On lit dans l'Univers d'hier soir :
Le XIXe Siècle, qui ne dit mot de son dé-
mêlé avec le substitut de Provins, déclare
que « la rédaction » de sa feuille est « une
famille étroitement unie. » Tous les corres-
pondants qui envoient leurs communica-
tions à M. Sarcey, même le correspondant
de Provins, forment cette famille dont le
XIXe Siècle se tient solidaire.
Pichon, le voleur de bagues des filles de
joie de Nimes, ne serait à aucun titre com-
pris dans cette solidarité, au dire de MM;
About et Sarcey, qui ont vraiment intérêt à
parler de la sorte. Mais Pichon, sans avoir
rien à y gagner, soutient, lui, qu'il appar-
tient à la feuille normalienne et qu'ilesi, bien
un des membres de cette belle famille dont
MM. About et Sarcey sont les chefs reconnus.
Avant-hier, le XIXe Siècle disait avoir
entre les mains un moyen assuré de con-
fondre Pichon et son assertion. Aujourd'hui
MM. About et Sarcey paraissent renoncer
à ce moyen et déclarent s'en rapporter à la
justice. Tout au plus se réservent-ils, dans
un lointain éloigné et éventuel, de trouver
un jour le dernier mot de la machination si
bien conduite par les honnêtes gens, disent-
ils, de la Gazette de Nîmes, du Messager dit
Midi et de l'Univers.
Au lieu de chercher le dernier mot d'une
machination qui n'existe pas, les deux nor-
maliens feraient bien de confondre Pichon,
dont l'assertion subsiste et qui, dans l'hu-
miliation de sa prison, ne veut pas démor-
dre de la gloire et de la bonne fortune d'avoir
collaboré avec MM. About et Sarcey.
Parbleu ! Voilà un plaisant drôle. Ce
n'est pas de Pichon que je parle.
J'ai le plaisir de vous apprendre,
saint homme et honoré monsieur, que
votre entrefilet d'hier soir nous a fait
découvrir Pichon, Pichon lui-même,
notre collaborateur selon vous, voleur,
à vous en croire, et prisonnier de votre
grâce.
Ce prisonnier, qui n'est pas plus pri-
sonnier que le pape, s'est présente
spontanément dans mon bureau. Il est,
de son état, ouvrier typographe ; il a
travaillé quelque temps, comme rem-
plaçant, dans nos ateliers, mais en re-
vanche il a passé plusieurs années dé
sa vie à composer le Français et la
Gazette des Tribunaux.
Aucune erreur possible dans la per-
sonne, car ce Pichon, votre Pichon, qua
vous avez si heureusement inventé, était
naguère encore à Nîmes, pour sa santé.
Il n'y a été ni condamné, ni arrêté, ni
poursuivi, et si quelqu'un des vôtres.
dans l'ardeur d'une rivalité amoureuse,
a fait dresser procés-verbal contre lui à
propos d'une bague ou de quelque autre
gage d'amour échangé avec une pé-
ronnelle, il ne le sait que par la lecture
édifiante de l'Univers.
J'ose espérer, doux Veuillot de mon
âme, que vous accorderez à ces modes-
tes lignes l'hospitalité que je donne, lar-
ge. et complète, à vos petitescoquineris
de par Dieu.
ABOUT.
————— ————
CIRCULAIRE DE M. DE MARCÈRE
Le ministre de l'intérieur a adressé aux
préfets la circulaire suivante :
Mon'sieur le préfet,
La loi du 12 août 1876 a été exécutée sur
tous les points du territoire de la République,
et le mouvement électoral auquel a donné lieu
l'organisation des nouvelles municipalités s'est
produit avec un ordre et un esprit de sagesse
qui honorent le pays.
Le gouvernement, en se félicitant d'un ré-
sultat aussi heureux, a pensé qu'il n'était pas
inutile de faire connaître aux nouveaux fonc-
tionnaires municipaux le sens et la portée de
la loi qui a rendu aux communes le droit de
choisir leurs magistrats.
Quoique cette législation ne change rien à
nos institutions, elle apporte pourtant une
modification profonde dans notre régime inté-
rieur : elle est une des applications les plus
larges de la théorie du gouvernement du pays
par lui-même. Le succès de la réforme dépend
des hommes qui vont avoir entre leurs mains
la responsabilité de cette épreuve: et le gou-
vernement, qui en désire le succès, doit faire
connaître aux nouveaux élus les conditions
auxquelles il croit qu'elle peut réussir.
Le pouvoir législatif a voulu restituer aux
communes une liberté qui leur était chère•
mais il n'a pas voulu les rendre indépendantes
de l'Etat. Il n'a pas eu l'idée de briser les liens
qui rattachent les uns aux autres tous les élé-
ments de la puissance nationale; ce serait
étrangement méconnaître sa volonté que de
laisser les maires se méprendre sur les obliga-
tions de leur charge, et se persuader qu'ils
sont, de par leur origine, relevés de leur devoir
de subordination et du respect dû aux lois.
Les maires sont, dans les communes, lès re-
présentants du pouvoir central ; ils sont aussi
les agents de l'autorité supérieure, et, comme
tels, ils ont des rapports de hiérarchie avec les
divers pouvoirs publics. Ils sont, enfin, 1 espé-
rants des intérêts de la commune et les tuteurs
naturels de leurs administrés. A ces divers ti-
tres, ils ont des devoirs à remplir que ne sau-
rait en rien modifier le mode de leur nomina-
tion. Maires élus ou maires nommés par le
gouvernement, leurs pouvoirs sont les niêmes:
et le témoignage direct qu'ils reçoivent désor-
mais de la confiance publique ne change rien
à leur autorité, si ce n'est que, sans doute,
elle la rendra plus légère a supporter.
Mais cette sorte d'allégeance môme ne pourra
se faire sentir dans la vie municipale qu'à une
condition, qu'il serait inutile de rappeler ù des
hommes imbus, comme on l'est généralement
en France, de l'esprit de justice, si nos luttes
de partis n'entretenaient encore des défiances
et des appréhensions qu'une longue pratiqua
Prix du Numéro à Paris : 15 Centimes — Départements : 20 Centimes
Dimanche 19 Novembre 1876
E
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Les Manuscrits non insérés ne seront pas rendus-
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
PARIS
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Six mo'S. 25 »
Un an. ::;0 »
DEPARTEMENTS
: Trois mois 1<» fr
; Six mois a2 *
! Un an .J&&—
1 Y,
ANNONCES : Chez MM. LAGRANGE, jd^itF et (>
0j place de la Bourse J 0; y -1
':.=' /, J
PARIS
Trois mois 13 fr.
Six mois 25 »
Un an. 50 »
DEPARTEMENTS
Trois mois 16 fr.
Six mois. 32 »
Un an. 62 »
ANNONCES : Chez MM. LAGRANGE, CERF et Cie
e, place de la nout-se, e
BULLETIN
Paris, 18 novembre 1876.
La Chambre des députés, dans sa séance
d'hier, a discuté le budget de l'Algérie.
On ne sait pas encore si la Turquie a
donné son adhésion au. projet de conférence.
D'après une dépêche de l'Agence russe, cette
adhésion ne serait pas encore acquise, mais
la pression de l'Angleterre la rend proba-
bable. Le Times, de son côté, publie une dé-
pèche de son correspondant de Vienne d'a-
près laquelle la Porte serait sur le point de
céder. Ce correspondant ajoute que le gou-
vernement turc se serait adressé au cabinet
de Saint-James pour savoir quelles sont
exactement les demandes de l'Angleterre.
On suppose que la Porte aurait voulu rendre
la conférence inutile en accordant proprio
motu tout ce qu'on aurait demandé, comme
elle l'a fait lors de la note Andrassy. De
cette façon elle aurait évité que l'exécution
des réformes décrétées fùt placée sous la
garantie des puissances, et elle se serait ar-
rangée de façon à ce qu'elle restassent let-
tre morte, comme toutes celles qu'elle a dé-
crétées déjà.
Le Nord s'occupe des conditions qu'il y
aura lieu d'imposer à la Turquie. Il appelle
l'attention sur les différentes garanties indi-
quées par la Correspondance politique de
Vienne et que nous avons reproduites d'après
ce journal. L'organe officieux russe déclare
que toutes ces garanties sont indipensables,
mais qu'il en est quelques autres qui sont
non moins indispensables et non moins lé-
gitimes. Il insiste surtout sur le désarme-
ment des populations dans les provinces
insurgés, point sur lequel notre correspon-
dant de Constanti'nople a déjà appelé l'atten-
tion. Notre correspondant nous disait que
jamais la Porte ne céderait sur ce point. Le
Nord partage cet avis. Cependant il regarde
ce désarmement comme la condition sine
quâ non du rétablissement de la tranquillité
et-de la sécuritédes populations chrétiennes.
« Le gouvernement turc, continue le
Nord, voudra-t-il, pourra-t-il, à supposer
qu'il le veuille, exécuter cette mesure? Evi-
demment non. Le concours matériel de
l'Europe lui est indispensable pour cela; la
présence de forces militaires étrangères en
quantité suffisante pour imposer le respect
à la population et assurer sa soumission
pourra seule permettre le désarmement sans
nouvelle effusion de sang. »
Il est évident que cette question du dé-
sarmement des populations constituera une
des principales difficultés qu'aura à sur-
monter la conférence qui va s'ouvrir, et
que, si la Russie insiste sur ce point, la
guerre entre elle et la Turquie est inévi-
table.
Les dépêches qui nous parviennent de
Russie s'occupent uniquement des prépa-
ratifs de guerre qui se poursuivent avec la
plus grande activité. Le gouvernement an-
glais parait disposé à ne pas vouloir rester
en arriére. Le Standard nous apprend qu'il
règne à l'arsenal de Woolwich une activité
extraordinaire. Des ordres précis ont été
donnés hier pour élever à deux millions par
semaine la fabrication de cartouches à balle
• pour fusils. La fabrication, en temps ordi-
naire, n'est que d'un demi-million. A De-
vonport, on prépare deux nouveaux cui-
rassés pour un service immédiat. Il n'est
plus bruit, en outre, que du rappel des
hommes en congé, que de la.formation d'un
corps d'armée tout prêt à s'embarquer, que
de l'expédition de gros canons à Malte.
La presse hongroise, de son côté, de-
mande à grands cris la mobilisation dé l'ar-
mée austro-hongroise. Enfin, le Tempsreçoit
de son correspondantde Vienne, unedépèche
qui lui annonce qu'un traité d'alliance a été
conclu entre la Russie.et la Grèce. Un des
points de ce traité assurerait à la Grèce
l'annexion de l'Epire et d'une partie de la
Thessalie où les Grecs sont en majorité. Il
faut avouer que jamais conférence ne se
sera réunie au milieu de préparatifs plus
belliqueux. Il faut avouer aussi que si,
comme certains journaux le prétendent,
tous les préparatifs de la Russie n'ont eu
qu'un but, exercer une pression sur les dé-
libérations futures de la conférence, et que
si ceux de l'Angleterre sont uniquement
destinés à exercer une contre-pression sur
la Russie, la démonstration a été poussée
assez loin.
C'est là, en effet, un jeu dangereux, car
il se pourrait bien faire que les deux
Etats aient si bien achevé leurs préparatifs
et dépensé tant d'argent que l'un ou l'autre
saisisse le premier prétexte venu pour vider,
une fois pour toutes, leurs vieilles querelles
et s'assurer la possession incontestée de l'A-
sie. En tout cas, c'est un singulier moyen
pour se préparer à l'œuvre pacifique d'une
conférence.
Rien n'est encore décidé quant à l'élec-
tion présidentielle aux Etats-Unis. Répu-
blicains et démocrates prétendent* chacun
de leur côté avoir obtenula majorité, et, pour
la première fois dans l'histoire de l'Union,
il faudra attendre le vote définitif. Il est à
craindre que cette élection si contestée ne
soit le présage de difficultés considérables
aux Etats-Unis.
:Bo'U..rse d.e- Paris
Clôture le 16 nov. le Ii nov. Hausse Baisse
3 O/O
Comptant.. 70 55 70 Il ; t !..I
Fineour.. 70 35 70 35
4 1/2 O/O f f -.
Ctlmptant.. 100 <:10 !/. \) .f. 50
lL>/
/O
Comptant.. 104 50 104 20 30
Fin cour 104 40 104 05 35
PETITE BOURSE DU SOIR
Emprunt 3 0/0. 70 fr. 15, 20, f7 1/2.
Emprunt 5 0/0. 104 fr. 22 1/2, 25, 12 1/2,
104 fr. 17 1/2,
5 0/0 turc. 11 fr. 02 1/2,( 5.
Egypte. 241 fr. 87.
Banque Ottomane 367 fr. 5 >.
---
« Oh ! ces républicains ! toujours les
mêmes ! Il réclament la liberté de la
presse, mais ils sont les premiers à s'en
plaindre dés qu'ils en font les frais. »
C'est pourtant vrai ; seulement nous de-
mandons la permission de traduire en
langage courant ce que cela signifie
dans la bouche des monarchistes de
toutes couleurs.
On connaît la théorie des royalistes ;
ils disent ( qu'en leur accordant toutes
les libertés, les républicains ne font que
conformer leurs actes à leurs principes,
et que les monarchistes font de même
en nous refusant, quandils sont au pou-
voir, toutes les libertés.
Quant aux bonapartistes, ils ne se
donnent même pas la peine d'invoquer
les principes ; ils avouent, dans leurs
heures d'épanchement, qu'ils seraient
bien sots de ne point abuser de la naï-
veté des républicains, qui leur permet-
tent d'attaquer impunément les institu-
tions du pays.
Et lorsque, par hasard, à bout de pa-
tience, la presse républicaine signale à
l'indignation publique certains articles
où sont dépassées les limites de l'o-
dieux, il se trouve de bons apôtres pour
lui dire : Fi ! c'est mal, ce que vous fai-
tes là. N'êtes vous point des partisans
de la liberté de la presse ? Et, d'ailleurs,
est-ce que la simple prudence ne vous
conseille pas de ne point vous faire les
instigateurs de poursuites « qui consti-
tuent toujours une restriction à la li-
berté de penser et d'écrire ? »
Tout cela parce qu'on dit que le gou-
vernement vient d'ordonner des pour-
suites contre le moniteur officiel de la
pornocratie, qui s'est permis d'insulter
l'armée dans la personne des illustres
représentants qu'elle compte au Sénat
et à la Chambre ! C'est fort regrettable,
assurément, et nous convenons volon-
tiers que le journal en question n'est
guère justiciable que de la police des
mœurs. Mais ce qui nous étonne, c'est
que l'accès de libéralisme dont certains
de nos confrères viennent d'être saisis
ait tout justement pour origine les dé-
sagréments qui arrivent au journal de
la rue Drouot.
Depuis moins de six mois qu'ils exis-
tent, les Droits de l'Homme ont été
poursuivis et condamnés onze fois; et
nous pourrions citer vingt autres jour-
naux républicains de Paris ou de pro-
vince qui sont ou ont été récemment
l'objet de poursuites. On nous dira qu'it
s'agit d'organes radicaux, de journaux
« rouges. » « En effet; et même il ne nous
coûte rien de dire que ces journaux
font, à notre avis, plus de tort à la Ré-
publique en la défendant que les jour-
naux monarchistes en l'attaquant. Mais
enfin les poursuites dont ils sont l'objet
n'en constituent pas moins « une res-
triction à la liberté de penser et d'écri-
re. » Comment donc ée fait-il que la Li-
berté, car c'est elle que nous venons de
citer, n'ait pris fait et cause pour le
droit de penser et d'écrire que le jour où
elle a pu craindre qu'il ne fût plus per-
mis au Figaro d'outrager des généraux
français ? Pourquoi tant de sollicitude
d'un côté, tant d'indifférence de l'autre?
S'il ne s'agit réellement que d'une ques-
tion de liberté, pourquoi ne point la ré-
clamer aussi ardemment pour le jour-
nal qui fait de mauvaise politique et
pour celui qui fait de bonnes affaires
parce qu'il a trouvé le moyen d'élever
le proxénétisme à la hauteur d'une ins-
titution ?
Ils nous la baillent belle, en vérité,
ces prétendus libéraux qui ne se réveil-
lent de leur torpeur que par intermit-
tence ! Ils sont d'étranges républicains,
ces rédacteurs de la Liberté, qui se dé-
clarent prêts à défendre la République,
mais à la condition qu'on donnera toute
licence à ses ennemis de l'attaquer, de
la diffamer, de l'avilir aux yeux du
pays, aux yeux de l'Europe !
Nous aussi, nous aimons la Républi-
que, etnous voulons qu'elle vive. Or pour
cela, il ne faut pas donner aux uns la li-
berté de l'étrangler, et refuser aux autres
la liberté de la défendre ; il ne faut
pas que, sous prétexte de liberté, il soit
permis d'écrire chaque jour, comme le
font les feuilles chères à la Liberté, que
la République est une honte et que les
républicains sont des canailles : que la
constitution du 25 février donne des
nausées à la magistrature; à l'armée,
aux prêtres ; qu'il est temps que , le ma-
réchal de Mac-Mahon balaie ces écuries
d'Augias qui s'appellent la Chambre des
députés. Tout cela et bien d'autres
choses s impriment couramment dans
les feuilles qui se vantent de représenter
l'opinion des honnêtes gens, et jusqu'à
ce jour l'impunité leur était assurée.
Au contraire, qu'un journal républi-
cain s'écarte tant soit peu de la mesure,
qu'il exprime sa pensée « avec une cer-
taine vivacité, » comme dit la Liberté en
parlant de l'article du Figaro sur le
demi-monde militaire, et le papier tim-
bré tombe sur lui dru comme grêle. Et
la Liberté 11e souffle mot; elle trouve
cela tout naturel. A quoi bon du bruit?
Ce n'est rien, c'est un journal républi-
cain qu'on écorche !
Eh bien, non; ce n'est pas ainsi que
nous comprenons la liberté. Nous la
voulons tout entière, nous la voulons
absolue, mais nous l'exigeons égale
pour tout le monde. Et même dans ces
conditions nous n'éprouvons aucun
embarras à déclarer que, pour nous, la
liberté de penser et d'écrire ne saurait
jamais aller pour personne jusqu'à la
liberté d'en appeler à la violence, à la
force, au crime, contre le gouverne-
ment établi. Nous avons répété cent
fois et nous répéterons sans cesse qu'en
matière de presse il n'est nul besoin
d'une législation spéciale ; le droit com-
mun suffit ; or, c'est un crime de droit
commun sous la République comme
sous la monarchie, sous un gouverne-
ment libre comme sous un gouverne-
ment despotique, de faire appel aux pa-
vés ou aux sabres pour renverser les
institutions établies. Or, c'est ce que fait
tous les jours, en toute liberté et toute
impunité, la presse qui s'appelle con-
servatrice et qui n'est que factieuse.
E. SCHNERB.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Versailles, 17 novembre 1876.
Nos représentants semblent avoir pris
un bain russe. Hier, jets de vapeur étouf-
fante et douches d'eau glacée; les transi-
tions les plus brusques qui brisent le corps.
Aujourd'hui, la sensation bienfaisante de la
chambre de repos qui, après tant de secous-
ses, pousse à l'assoupissement. La droite
soigne l'enrouement qu'elle a dû attraper
hier; elle est sage, tranquille, sans voix.
La gauche se laisse aller à la détente des
nerfs.
Le budget de l'Algérie n'a rien d'ailleurs
qui puisse nous passionner. La commission,
séduite par la franchise des explications que
lui a fournies sur tous les points le général
Chanzy, s'est facilement entendue avec M.
le gouverneur général de l'Algérie, et, par-
tant, n'a pas à batailler avec le gouverne-
ment. De temps à autre les représentants de
l'Algérie se rappellent au bon souvenir des
Algériens par quelque petit amendement
pas méchant, qui ne s'obstine point; c'est
une politesse ne tirant pas à conséquence,
comme qui dirait la carte du député envoyée
à ses électeurs.
L'intérêt est si secondaire que la salle
est quelque peu dégarnie. Aussi, du haut
de la tribune des journalistes, surveille-
t-on M. de Gasté; on attend un éclat. Il est
clair que la monomanie du député du Finis-
tère commence ses ravages ; M. de Gasté
lorgne minutieusement tous les coins de la
salle, s'agite fiévreusement, fait des addi-
tions ; il pointe.
Le service de bateaux à vapeur de Port-
Vendres à Oran nous occupe quelque temps.
M. Jacques semble tenir beaucoup à ce
service.
Personnellement, vous ne devez pas avoir
de raisons pour vous y opposer, n'est-ce
pas ?
Quant au gouvernement, il est admira-
ble dans son rôle tout paternel : « Certai-
nement. NousJ verrons. dans quelque
temps. » C'est à croire qu'un ministère est
un enfer pour être à ce point pavé de bon-
nes intentions!
Toutefois, grâce à un amendement de M.
Gastu et à l'intervention de M. Victor Le-
franc, un crédit pour une école profession-
nelle à Delhys n'a pas été remis à l'an pro-
chain.
Là, quand nous le disions ! M. de Gasté
éclate.
— Nous ne sommes pas en nombre ! Je
demande qu'on applique le règlement.
— C'est moi qui vais vous l'appliquer, si
vous ne gardez pas le silence.
Et le colloque traditionnel s'établit entre
le président et M. de Gasté.
« Je vous invite, termine M. Grévy, à ne
pas troubler presque quotidiennement la
délibération par des incidents dont je n'ai
pas à rechercher le but, mais dont l'effet
certain est de nuire à la considération de la
Chambre. »
C'est parfaitement juste; mais il ne fau-
drait pas non plus être trop sévère pour ce
pauvre homme. Vous savez: les monomanies,
ça ne se raisonne pas.
PAUL LAKÀRGUE.
Échos de la Chambre
Journée nulle au point de vue des informa-
tions parlementaires. La plus grande partie
des députés s'étant rendue à Sèvres pour assis-
ter à l'inauguration officielle de la nouvelle
manufacture, aucune des commissions actuel-
lement en fondions n'a pu tenir séance, à l'ex-
ceplion toutefois de la commission chargée
d'examiner le projet Ferry relatif à la sup-
pression des sous-préfectures de Sceaux et de
Saint-Denis, dont l'urgence a été votée par la
Chambre dans une de ses dernières séances.
Celte commission a nommé M. Jules Ferrv
président, et M. Camille Sée secrétaire. Elle a
résolu d'entendre au plus tôt le ministre de
l'intérieur, le préfet de la Seine, ainsi que des
délégués du conseil général de la Seine et des
conseils d'arrondissement de Sceaux et de Saint-
'Deuis.
*
Jf *
Notons en passant un incident comique qui a
légèrement égayé les couloirs avant la séan-
ce. Un individu assez bien mis, gras et rasé,
tournure d'ecclésiastique en bourgeois, a voulu
pénétrer sans carte dans une tribune publique,
affirmant à l'huissier ébahi qu'il était Napo-
léon III, fils de Dieu, envoyé par le ciel pour
parler sur les affaires d'Orient. »
Inutile d'ajouter que le pauvre diable a été
aussitôt conduit à l'hôpital militaire avec tous
les égards dus à son état mental.
Ce n'est pas la première fois, d'ailleurs, "que
pareil incident se produit a la Chambre. Déjà,
pendant la session dernière, un habitant de
Versailles, subitement devenu fou, se lit ex-
pulser de la salle pour avoir crié : « Vive Na-
poléon IV ! » Celui d'hier, beaucoup plus réussi,
ressuscite Napoléon III.
Celte sympathie que paraissent avoir les
fous pour l'ex-famille impériale est au moins
singulière et mérite d'être signalée.
EMMANUEL ARÈNE.
--- —————————————
C'est demain dimanche qu'a lieu une dou-
ble élection politique. Une élection sénato-
riale dans le département de Tarn-et-Ga-
ronne. Une élection de députés dans le dé-
partement de la Drôme pour la deuxième
circonscription de l'arrondissement de Va-
lence.,
Le candidat républicain dans Tarn-et-
Garonne est M. II. Rous, et dans la Drôme
M. Christophle. Nous faisons des vœux sin-
cères pour le succès de l'un et de l'autre.
Tous deux sont des hommes d'ordre et de
liberté et qui iront défendre au Parlement la
République qui donne à la France la paix et
la sécurité. Le succès de M. Rous, ancien
représentant à la Constituante, semble, d'a-
près les nouvelles qui nous viennent du Sud-
Ouest, assuré d'avance. Ce choix d'un dé-
partement qui au mois de janvier dernier
avait élu sénateur M. de Limayrac sera une
patriotique réponse aux intrigues de cou-
lisses qui en ce moment même s'efforcent
d'ouvrir la porte du Sénat, gardien de la
constitution à deux ennemis déclarés de
cette constitution, M. Chesnelong et M. Vinoy
ou M. de Chabaud-Latour.
Quant à M. Christophle, déjà conseiller
général de Saint-Vallier, c'est à l'unanimité
qu'il a été choisi comme candidat par les
délégués républicains à Romans. M. Chris-
tophle avait déjà été candidat républicain
aux élections du 20 février, concurremment
avec le regretté M. Servan. Il se retira de-
vant lui par esprit de discipline. Il recevra
cette fois la récompense méritée de ce pa-
triotique désistement.
LA CONFÉRENCE INUTILE
Nous souhaitons sincèrement avec
tous les Français et avec la presque una-
nimité de l'Europe que la conférence
appelée à Constantinople puisse fonder
une honnête et solide paix. Mais il nous
est difficile de partager les illusions de
ceux qui croient à l'efficacité d'une con-
versation diplomatique tenue autour
d'un tapis vert.
Les conférences ou les congrès (peu
importe le nom) étaient de véritables
puissances au temps de l'équilibre eu-
ropéen, lorsque notre vieux continent
était savamment partagé en Etats petits et
grands dont pas un, si grand qu'il fût, ne
pouvait imposer sa volonté aux autres.
Il semble que l'on parle de l'âge d'or,
lorsqu'on rappelle aux hommes de 1876
l'organisation qui sortit des traités de
1815. A part le droit divin, qu'on peut
considérer comme une fiction surannée
et partant peu viable, il y avait quel-
que chose de très-beau et de très-bon
dans cette espèce de société coopérative
où tous les Etats s'engageaient à proté-
ger l'indépendance et l'intégrité de
chacun.
C'était une assurance mutuelle con-
tre l'ambition du plus fort : un contrat
synallagmatique sanctionné par une
coalition toujours prête. Quiconque
était poussé par son mauvais génie à
empiéter sur la frontière du voisin sa-
vait à quoi il s'exposait. Les plus en-
treprenants devenaient sages en pen-
sant au :danger d'une exécution fédé-
rale.
Sans engager des querelles rétros-
pectives, ni traiter une question de res-
ponsabilité que l'histoire saura bien ré-
soudre, nous avons la douleur de
constater aujourd'hui qu'il n'y a plus
d'équilibre européen, ou, pour parler
crûment, plus d'Europe. L'unité ita-
lienne, l'invasion ?du Danemark, la
campagne de Sadowa, la guerre de 1870
ont créé parmi nous au moins une
puissance assez forte pour fermer l'o-
reille aux observations de toutes les
autres. Ce n'est pas seulement l'Alle-
magne qui peut tout ce qu'elle veut,
c'est aussi la Russie, pourvu qu'elle se
soit assuré ra neutralité allemande. Ce
serait demain l'Italie si elle avait le
prince de Bismarck ou le prince Gorts-
chakof dans son jeu.
En 1870, lorsque les troupes de l'em-
pereur Guillaume assiégeaient Paris, il
y avait peut-être encore en Europe les
éléments d'une coalition. Grâce à M.
- .., 11"
Gladstone eta nosbonsamis les Anglais
qui organisèrent au profit du plus fort
la ligue des neutres, cette coalition n'a
pas été possible et ne le sera plus de
longtemps. La France mutilée et ran-
çonnée manque et manquera fatale-
ment, Dieu sait jusqu'à quel jour ! à tou-
tes les combinaisons fondées sur la re-
vendication du droit international.
On le sait au. nord comme au sud, et
il est de notoriété publique que sans
nous la balance est folle ; que la plus
juste cause peut être le jouet du ha-
sard.
Quelle leçon pour les puissances eu-
ropéennes que ce programme diploma-
tique affiché par l'empereur Alexandre
à Moscou ! La Russie veut bien assister
à une conférence, mais elle prend soin
d'avertir tousceuxqui y prendront place
avec elle que si la majorité n'est pas de
son avis, elle agira seule, c'est-à-dire
avec l'Allemagne en réserve !
Une assemblée qui va siéger dans ces
conditions, sous cette menace, est frap-
pée d'impuissance. C'est en vain que les
cabinets protestent à qui mieuxmieux de
leurs intentions pacifiques. D'abord, les
cabinets ne mènent pas les peuples, ils
les suivent, grâce aux progrés de la dé-
mocratie dans les Etats les plus monar-
chiques. Ensuite, que sert de voter dans
une réunion de personnes morales
où l'unité armée en guerre annule par
avance les décisions de la majorité ?
Nous n'accusons personne; nous
croyons au désintéressement de l'em-
pereur Alexandre, à ses intentions pa-
cifiques, à son incontestable grandeur
d'âme. Nous croyons que le sultan ne
demanderait pas mieux que d'inau-
gurer dans son empire un gouverne-
ment tolérable aux chrétiens. Nous
avons foi dans la loyauté des Anglais,
dans la sincérité des Grecs, dans la
sagesse des Madgyarg, dans ce renon-
cement philosophique et poétique qui
fait comme une couronne de roses au-
tour du casque de M. de Bismarck. Mais
nous croyons aussi que l'heure des liqui-
dations terribles va sonner, et que, bon
gré, mal gré, le dix-neuvième siècle
finira comme il a commencé, dans le
sang.
Personne ne veut la guerre, et tout
le monde la fera.
Excepté nous ! Car la France veut vi-
vre, et elle n'a de salut que dans une
paix énergique, obstinée, hérissée con-
tre les menaces et même contre les ten-
tations. Ainsi soit-il !
ABOUT.
----- +
On trouvera plus loin une importante
circulaire de M. le ministre de l'inté-
rieur : elle est adressée aux préfets,
mais elle a surtout été écrite à l'inten-
tion des maires. Elle rappelle à ceux-ci
l'esprit de la loi du 12 août et indique à
ceux qui pourraient les ignorer leurs
principaux devoirs.
Cette circulaire se divise en deux par-
ties : la seconde avertit les maires que
l'exécution d'un certain nombre de lois
d'intérêt général leur est confiée : c'est
ce que l'on pourrait appeler la partie ad-
ministrative de la circulaire. La pre-
mière partie est en somme la partie po-
litique ; elle les fait souvenir que, bien
qu'élus par les conseils municipaux, ils
n'en sont pas moins, par de certains
côtés, de véritables « représentants du
pouvoir central, agents de l'autorité
supérieure, ayant comme tels des rap-
ports de hiérarchie avec les divers pou-
voirs publics. » Elle leur recommande
de ne jamais chercher à administrer une
commune au profit d'un parti, alors
même qu'ils ont dû leur nomination
aux suffrages d'un parti. « Le magistrat
élu, dit avec grande raison M. le minis-
tre de l'intérieur, ne doit pas connaître
d'adversaires dans l'exercice de ses
fonctions. Plus le pouvoir municipal
est rapproché des administrés, plus il
serait insupportable s'il était partial et
tyrannique. Les minorités qui auraient
à en souffrir ne tarderaient pas à faire en-
tendre leurs réclamations, et elles cher-
cheraient une protection dans un retour
à la législation qui donnait au pouvoir
central le droit de choisir les maires. »
Ce sont là de sages conseils et qui,
nous n'en doutons pas, seront tendus.
Le ministre rappelle aux préfets que
dans les cas où ils rencontreraient l'in-
subordination ou la résistance à la loi,
ils restent armés des pouvoirs nécessai-
res pour faire respecter l'autorité supé-
rieure, mais il a soin d'ajouter : « J'es-
père que ces cas, s'ils se présentent,
seront rares, et que les communes de
France tiendront à honneur de prouver
qu'elles sont dignes de la liberté qui
leur est rendue. » Nous sommes de
l'avis de M. le ministre, et nous nous
portons forts d'avance, au moins pour
les municipalités républicaines. Ce n'est
pas seulement parce que le respect des
lois et des autorités du pays est le pre-
mier article du programme républicain ;
c'est aussi parce que tous les amis des
libertés municipales sentent que rien ne
pourrait mieux compromettre ces liber-
tés et réjouir leurs adversaires'que l'a-
bus qui en serait fait.
La - circulaire est donc excellente en
tout ce qui touche les maires : peut-
être quelque chose eût-il pu y être a-
jouté, et qui n'eût point été superflu,
en ce qui concerne messieurs les pré-
fets, auxquels elle est d'abord adressée.
Bon nombre des conflits auxquels nous
avons assisté en ces dernières années
sont arrivés, non par la faute des mai-
res, mais par celle des préfets. C'est le
plus souvent la préfecture qui a com-
mencé les hostilités contre les munici-
palités républicaines : c'est elle qui a
volontairement poursuivi, exaspéré les
maires et adjoints en qui elle ne trouvait
pas des complaisants, jusqu'au jour où
elle rencontrait pour les briser le pré-
texte longtemps cherché. Assurément
il importe que les maires élus n'ou-
blient jamais les devoirs que leur im-
pose la hiérarchie envers l'autorité pré-
fectorale; mais il importe également
que celle-ci n'oublie jamais, à son tour,
ce qu'elle doit à leur indépendance là
où elle est légitime.
Nous savons que nous pouvons comp-
ter sur le libéralisme de M. le'ministre
et son désir de voir appliquée dans son
véritable esprit la loi du 12 août; nous
sommes malheureusement beaucoup
moins assurés du libéralisme de plu-
sieurs préfets actuels de la République.
Il en est, parmi les meilleurs, naguère
dévoués serviteurs de l'ordre moral, qui
ont considéré comme un amoindrisse-
lllentÙleurautoritéd'avoirperdu le droit
de choisir partout les maires et de les ré-
voquer à leur gré : il se pourrait qu'ils
se voulussent venger d'une écha-rpe por-
tée sans leur permission sur ceux qui
la portent, et M. le ministre sera sage
peut-être plus d'une fois de n'eu croire
que sous bénéfice d'inventaire les rap-
ports qui lui viendront d'ici ou là contré
tel ou tel maire élu.
CHARLES BIGOT.
— —————
PETITES COPNERIES CLÉRICALES
On lit dans l'Univers d'hier soir :
Le XIXe Siècle, qui ne dit mot de son dé-
mêlé avec le substitut de Provins, déclare
que « la rédaction » de sa feuille est « une
famille étroitement unie. » Tous les corres-
pondants qui envoient leurs communica-
tions à M. Sarcey, même le correspondant
de Provins, forment cette famille dont le
XIXe Siècle se tient solidaire.
Pichon, le voleur de bagues des filles de
joie de Nimes, ne serait à aucun titre com-
pris dans cette solidarité, au dire de MM;
About et Sarcey, qui ont vraiment intérêt à
parler de la sorte. Mais Pichon, sans avoir
rien à y gagner, soutient, lui, qu'il appar-
tient à la feuille normalienne et qu'ilesi, bien
un des membres de cette belle famille dont
MM. About et Sarcey sont les chefs reconnus.
Avant-hier, le XIXe Siècle disait avoir
entre les mains un moyen assuré de con-
fondre Pichon et son assertion. Aujourd'hui
MM. About et Sarcey paraissent renoncer
à ce moyen et déclarent s'en rapporter à la
justice. Tout au plus se réservent-ils, dans
un lointain éloigné et éventuel, de trouver
un jour le dernier mot de la machination si
bien conduite par les honnêtes gens, disent-
ils, de la Gazette de Nîmes, du Messager dit
Midi et de l'Univers.
Au lieu de chercher le dernier mot d'une
machination qui n'existe pas, les deux nor-
maliens feraient bien de confondre Pichon,
dont l'assertion subsiste et qui, dans l'hu-
miliation de sa prison, ne veut pas démor-
dre de la gloire et de la bonne fortune d'avoir
collaboré avec MM. About et Sarcey.
Parbleu ! Voilà un plaisant drôle. Ce
n'est pas de Pichon que je parle.
J'ai le plaisir de vous apprendre,
saint homme et honoré monsieur, que
votre entrefilet d'hier soir nous a fait
découvrir Pichon, Pichon lui-même,
notre collaborateur selon vous, voleur,
à vous en croire, et prisonnier de votre
grâce.
Ce prisonnier, qui n'est pas plus pri-
sonnier que le pape, s'est présente
spontanément dans mon bureau. Il est,
de son état, ouvrier typographe ; il a
travaillé quelque temps, comme rem-
plaçant, dans nos ateliers, mais en re-
vanche il a passé plusieurs années dé
sa vie à composer le Français et la
Gazette des Tribunaux.
Aucune erreur possible dans la per-
sonne, car ce Pichon, votre Pichon, qua
vous avez si heureusement inventé, était
naguère encore à Nîmes, pour sa santé.
Il n'y a été ni condamné, ni arrêté, ni
poursuivi, et si quelqu'un des vôtres.
dans l'ardeur d'une rivalité amoureuse,
a fait dresser procés-verbal contre lui à
propos d'une bague ou de quelque autre
gage d'amour échangé avec une pé-
ronnelle, il ne le sait que par la lecture
édifiante de l'Univers.
J'ose espérer, doux Veuillot de mon
âme, que vous accorderez à ces modes-
tes lignes l'hospitalité que je donne, lar-
ge. et complète, à vos petitescoquineris
de par Dieu.
ABOUT.
————— ————
CIRCULAIRE DE M. DE MARCÈRE
Le ministre de l'intérieur a adressé aux
préfets la circulaire suivante :
Mon'sieur le préfet,
La loi du 12 août 1876 a été exécutée sur
tous les points du territoire de la République,
et le mouvement électoral auquel a donné lieu
l'organisation des nouvelles municipalités s'est
produit avec un ordre et un esprit de sagesse
qui honorent le pays.
Le gouvernement, en se félicitant d'un ré-
sultat aussi heureux, a pensé qu'il n'était pas
inutile de faire connaître aux nouveaux fonc-
tionnaires municipaux le sens et la portée de
la loi qui a rendu aux communes le droit de
choisir leurs magistrats.
Quoique cette législation ne change rien à
nos institutions, elle apporte pourtant une
modification profonde dans notre régime inté-
rieur : elle est une des applications les plus
larges de la théorie du gouvernement du pays
par lui-même. Le succès de la réforme dépend
des hommes qui vont avoir entre leurs mains
la responsabilité de cette épreuve: et le gou-
vernement, qui en désire le succès, doit faire
connaître aux nouveaux élus les conditions
auxquelles il croit qu'elle peut réussir.
Le pouvoir législatif a voulu restituer aux
communes une liberté qui leur était chère•
mais il n'a pas voulu les rendre indépendantes
de l'Etat. Il n'a pas eu l'idée de briser les liens
qui rattachent les uns aux autres tous les élé-
ments de la puissance nationale; ce serait
étrangement méconnaître sa volonté que de
laisser les maires se méprendre sur les obliga-
tions de leur charge, et se persuader qu'ils
sont, de par leur origine, relevés de leur devoir
de subordination et du respect dû aux lois.
Les maires sont, dans les communes, lès re-
présentants du pouvoir central ; ils sont aussi
les agents de l'autorité supérieure, et, comme
tels, ils ont des rapports de hiérarchie avec les
divers pouvoirs publics. Ils sont, enfin, 1 espé-
rants des intérêts de la commune et les tuteurs
naturels de leurs administrés. A ces divers ti-
tres, ils ont des devoirs à remplir que ne sau-
rait en rien modifier le mode de leur nomina-
tion. Maires élus ou maires nommés par le
gouvernement, leurs pouvoirs sont les niêmes:
et le témoignage direct qu'ils reçoivent désor-
mais de la confiance publique ne change rien
à leur autorité, si ce n'est que, sans doute,
elle la rendra plus légère a supporter.
Mais cette sorte d'allégeance môme ne pourra
se faire sentir dans la vie municipale qu'à une
condition, qu'il serait inutile de rappeler ù des
hommes imbus, comme on l'est généralement
en France, de l'esprit de justice, si nos luttes
de partis n'entretenaient encore des défiances
et des appréhensions qu'une longue pratiqua
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