Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-08-08
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 08 août 1876 08 août 1876
Description : 1876/08/08 (A6,N1703). 1876/08/08 (A6,N1703).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7557262z
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
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JOURNAL RÉPUBLICAJN CONSERVATEUR
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BULLETIN" -
Parts, le 7 août 1876.
Le Journal officiel d'hier matin publie
un décret rendu sur la proposition du mi-
nistre 'de l'agriculture et du commerce,
nommant M. Krantz commissaire général
pour l'exposition de 1878. -
Les nouvelles d'Orient font presque
complètement défaut aujourd'hui. D'après
une dépêche de Congtantinopla en date du
5 au soir, l'affaire de Salonique est défini-
tivement réglée. Le Times était donc bien
renseigné,et le gouvernement n'a cédé que
devant une menace.
La presse viennoise continue à discuter
sur le Livre bleu anglais, et y découvre,
selon ses préoccupations, des arguments
en faveur de la politique autrichienne ou
contre cette politique.
La Tages Press voit dans le Livre bleu
la preuve évidente que la politique autri-
chienne à heureusement résolu toutes les
questions qui lui étaient posées et qu'ainsi
elle mérite une entière confiance pour l'a-
venir.
« Que demandions-nous ? dit la Tages
Press, point d'intervention. Aujourd'hui
toute l'Europe partage cette manière de
voir. Point d'occupation. Il n'y en a pas
eu et tout porte à croire qu'il ne surgira
point d'événements qui nous forcent à
prendre parti. L'entente amicale avec la
Russie, nous l'avons. La paix n'a pas été
troublée, et ce fait nous garantit bien aussi
qu'elle ne le sera pai à l'avenir. Une ac-
tion commune de toutes les puissances si-
gnataires du traité de Paris : tous les cabi-
nets ont acquis la conviction qu'il faut
arriver à ce but. »
« Au contraire, la Nouvelle Presse libre
ne veut, dans ce recueil de pièces diplo-
matiques, voir autre chose que méprises
sur méprbe., fautes sur fautes, contradic-
tions sur contradictions dans la politique
de l'Autriche en Orient.
Il n'est pas sans intérêt de signaler l'en
thousiasme des Russes pour la cause
serbe. Tous les journaux russes sont pleins
de détails de souscriptions et de fê es orga-
nisées pour venir au secours des Slaves du
Sud.
«La Rûssie tout entière, dit la Voix, suit
avec une attention soutenue la marche de
la lutte dans la presqu'île dei Balkans. Qu'on
prête l'oreille à n'importe quelle conver-
sation, qu'on ouvre le premier journal ve-
nu, on trouvera toujours que les princi-
pales préoccupations du moment ae rap-
portent à la guerre, aux maux qu'elle
inflige aax infortunées populations chré-
tiennes de la Turquie, et surtout aux mesu-
res propres à soulager leurs souffrances et
à mitiger les horreurs de la lutte.
« A peine le télégraphe nous avait-il
transmis hier U nouvelle-de l'offrande des
vieux croyants de MQiCOU, que nous ren-
contrions aujourd'hui dans les ruas de no-
tre ville de" mombres de la société de la
Croix-Rouga faisunt la quê:e au profii deg
victimes de la guerre. Parmi eux il se
trouvait des dames du monde, quelques-
unes d'en âge déjà avancé, et l'on se sen-
tait saisi d'un reconnaissant respect en les
voyant faire,pendant de longues heures, et
malgré la chaleur accablante, leurs tour-
nées dans le quartier que chacune d'elles
.'était atikigné.»
X PETITE BOURSE DU DIMANCHE
Boulevard des Italiens.
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-
LA QUESTION D'ORIENT
Le malaise augmente, la situation
devient plus sombre à mesure que la
lutte se prolonge dans la presqu'île des
Balkhans. Chaque jour. en effet, on
comprend mieux la difficulté qu'il y
a à localiser la guerre, chaque jour
on s'attend à voir surgir tel incident
de nature à mettre l'Europe en feu.
Examinons brièvement la situation,
Les Serbes, victorieux au début, ont
récemment subi quelques revers; mais,
animés qu'ils sont par leur patriotisme,
surexcités par leur haine séculaire
contre les Turcs, ces revers n'ont fait
que développer chez eux un nouvel
enthousiasme et une plus grande
bravoure, et il est impossible de dé-
couvrir en Serbie, malgré les corres-
pondances intéressées de quelques
journaux turcophiles, la moindre trace
d'épuisement ou de découragement. En
outre, les récents succès de leurs al-
liés les Monténégrins ont ravivé toutes
leurs espérances. Rien donc de. ce côté
ne peut faire prévoir la fin de la guerre.
Du côté des Turcs, même enthou-
siasme. Le gouvernement ottoman n'a
plus d'argent, plus de crédit ; il est si
pauvre qu'il ne peut acquitter les indem-
nités promises aux familles des consuls
allemand et français assassinés à Sa-
lonique; il est si faible qu'il n'ose pu
nir publiquement les autorités mili-
taires qui ont participé à ces assassi-
nats, ou qui, tout au moins, n'ont rien
fait pour les empêcher. Et cela, à tel
point qu'il se laissa menacer d'une
rupture de rapports diplomatiques avec
la France et l'Allemagne. Mais il lui
restait une ressource : le fanatisme
religieux. Le sultan Mourad est ma-
lade ou idiot, incapable en tout cas
de prendre une décision. Les ministres,
qui gouvernent en son nom, n'ont pas
hésité à faire appel à ce fanatisme, et
on voit accourir à Constantinople des
volontaires venus de toutes les parties
du monde : les nègres du haut Nil et
les fanatiques de l'Asie centrale, qui
viennent s'enrôler, pour la défense de
la foi, sous la bannière verte du pro-
phète qu'ont arborée les softas.
Y a-t-il lieu de s'étonner que, dans
ces conditions, la guerre se transforme
en boucherie, que quiconque tombe
sur le champ de bataille soit massacré,
que les villages soient brûlés, les
femmes violées et les enfants vendus
comme esclaves? Non, sans doute. De
chaque côté on a fait appel aux pas-
sions de nature à enflammer à pousser
jn$qu'à la furie des populations sau-
vages ou à demi civilisées. Quel autre
résultat pouvait on espérer?
Comment se terminera la lutte? Peu
importerait à l'Europe civilisée, qui con-
tinuerait d'assister égoïste et impassible
à ces scènes de meurtre et de pillage, si
ses intérêts les plus chers n'étaient en
jeu. Mais, en même temps, ces intérêts
sont si contraires qu'on semble même,
faute de pouvoir s'entendre, avoir aban-
donné toute idée de médiation entre les
belligérants.
Trois puissances, l'Autriche, la Rus-
sie et l'Angleterre, sont tout particu-
lièrement intéressées à la solution de
la question d'Orient. L'Autriche, à
cause de son voisinage immédiat; la
Russie, à cause de sa nationalité et de
sa politique séculaire; l'Angleterre, à
cause de son prestige en Orient.
L'empire d'Autriche, composé de na-
tionalités disparates, souvent ennemies,
ne peut tolérer longtemps la guerre
qu'elle a en partie provoquée. En efikt,
les causes de l'insurrection de l'Herzé-
govine, origine des difficultés actuelles,
sont encore fort obscures ; mais ce fait
est acquis tout au moins que cette insur-
rection a éclaté au lendemain de la vi-
site de l'empereur François Joseph en
Dalmatie et que le mouvement insur-
rectionnel naissant n'a pu s'étendre et
subsister qu'à l'aide des secours et des
connivences qu'il trouvait dans les
provinces slaves autrichiennes. Nous
n'avons certes pas l'intention de faire
l'historique de l'insurrection de l'Her-
zégovine, la place nous manquerait;
nous constatons un fait. Nous ne vou-
lons pas discuter non plus la question
de savoir si l'Autriche n'était pas
poussée en avant par ses alliées l'Alle-
magne et la Russie. Cela nous entraî-
nerait trop loin.
-Nous nous bornerons donc à ajouter
que la guerre turco serbe a fait à l'Au.
triche une position intolérable. Plusieurs
provinces de l'empire s'agitent ; les
Croates et les Dalmates veulent courir
au secours de leurs frères slaves de la
Serbie et de la Bosnie. La haine contre
les Hongrois, aujourd'hui maîtres de
l'empire, haine qui guidait Jellaohich
en 1849, se réveille de toutes parts, et la
continuation de la guerre dans la pres-
qu'île des Balkhans met en péril la mo-
narchie autrichenne. La cour de Vienne
comprend si bien le danger qu'elle a été
sur le point d'intervenir. Mais cette in-
tervention serait faite au profit des
Turcs, et la Russie s'est dressée devant
elle. Tiraillée d'un côté par les popula-
tions hongroises, de l'autre par les po-
pulations slaves, la cour de Vienne
ne sait que résoudre, et sa politique
depuis des mois peut se résumer en
un mot : l'indécision. Il y a quel-
ques jours à peine, elle a songé à en
finir et à s'annexer la Bosnie. Nous
avons dit ici même quel émoi cette pro-
position a excité en Hongrie et com-
ment on a dû y renoncer.
La Russie, de son côté, poursuit
sa politique séculaire. Dapuis deux
siècles elle se pose en champion des
chrétiens d'Orient ; depuis deux siècles
elle hâte de tous ses vœux, de tous
ses efforts, la ruine de l'empire otto-
man. A la veille de la guerre de
Crimée, elle déclarait ouverte la suc-
cession de « l'homme malade. » Vain-
cue par la France et l'Angleterre,
elle a cherché à obtenir par la ruse ce
qu'elle n'avait pu obtenir par la force.
Qui na se râtelle ses agissements à
Constantinople depuis vingt ans ? En
1871, elle a commencé à déchirer le
traité de Paris. Eile veut aujourd'hui
l'annihiler complétement. Elle fait
d'ailleurs parade de sa modération.
Que demande-t-ella ? Rien ou presque
rien. L'autonomie administrative de la
Bosnie et de l'Herzégovine ; l'indépen-
dance absolue de la Serbie et de la
Roumanie ; une légère augmentation
de territoire pour le Monténégro. Tout
au plus s'agit-il. on le voit, du démem-
brement de la Turquie; mais la Russie
proteste que si elle fait ces demandes,
c'est uniquement en faveur des chré-
tiens d'Orient. Quant à elle, elle se con-
tenterait d'une légère rectification de
frontières en Bessarabie et du droit
pour ses flottes de traverser les Darda-
nelles et le Bosphore.
On ne saurait être plus désintéressé.
Mais l'autonomie des provinces dont
nous venons de parler équivaut à la
création d'une grande confédération
slave sur les frontières de l'Autriche ;
confédération placée sous le patronage
de la Russie, et par conséquent menace
permanente pour l'Autriche. Le droit
pour ses flottes de traverser le Bos-
phore équivaut à la possession de
Constantinople, c'est-à-dire à la ruine
du prestige anglais, en Asie. De là, an-
tagonisme avec 1 Autriche et avec l'An-
gleterre, qui ne peuvent à aucun prix
permettre la réalisation des visses de
la Russie.
L'Angleterre a répondu par l'envoi
d'une flotte formidable, qu'elle a sta-
tionnée dans la baie de Besika, et par
la déclaration qu'elle soutiendrait la
Turquie.
Voilà quelle est la situation des trois
puissances particulièrement intéressées
à la solution de la question d Orient.
L'Autriche ne demanderait pas mieux
que de démembrer la Turquie à son
profit. La Russie veut le protectorat
des Slaves de la presqu'île des Balkhans
et la possession de fait de Constanti-
nople. L'Angleterre veut le statu quo.
Et chacun de ces trois pays s'est telle-
ment avancé, chacun d'eux a si bien
pris soin de surexciter les passions et
les espérances de«î populations que la
solution de la question d'Orient n'est
plus dans le domaine de la diplomatie,
mais qu'elle appartient aux peuples eux-
mêmes.
Aussi, quelle que soit l'issue de la
lutte aujourd'hui engagée entre les
chétiens et les mulsuimans, les trois
puissances dont nous venons de parler
se retrouveront en présence quand il
s'agira de faire la paix. Leurs in-
térêts seront alors les mêmes que ceux
qui les guident aujourd'hui. Or, ces in-
térêts sont de nature si différente, et
on a si bien su intéresser le sentiment
populaire à ces intérêts, qu'entraînés
malgré eux peut-être, les gouverne-
ments seront forcés d'en appeler à la
force. C'est là notre conviction absolue ;
et, nous ne saurions trop le dire et le
répéter, les difficultés actuelles ne
peuvent se terminer sans une guerre
européenne.
Or, quelle est, en vue de cette guerre
que chacun prévoit et à laquelle chacun
se prépare, l'attitude des autres gran-
des puissances, l'Italie, l'Allemagne et
la France ?
L'Italie coquette avec la Russie qui
lui promet le Tyrol et une partie
de la Dalmatie. Faut-il admettre que
le voyage récent des princes ita-
liens à Saint-Pétersbourg ait eu pour
objet la conclusion d'une alliance entre
les deux pays? Nos renseignements à cet
égard ne nous laissent guère de doutes.
Quant à l'attitude de l'Allemagne,elle
continue à être fort énigmatique: M. de
Bismarck s'isole à Warzin comme il
s'est isolé à Kissingen,et jusqu'ici pas
un acte, pas une parole même, ne sont
venus trahir la pensée intime du gou-
vernement de Berlin. Est-il d'accord
avec la Russie? Est-il d'accord avec
l'Angleterre ? Ou bien, laissant aux
prises ces deux puissances, travaille t-
il, avec l'Autriche et ses chers amis les
Hongrois, au maintien du statu quo en
Turquie ? Nul ne saurait le dire. Et ce-
pendant, il n'est pas douteux que le
gouvernement allemand n'ait sa poli-
tique arrêtée. — Que! le est-elle?—L'Al-
lemagne n'ayant pas, dans la question
d'orient, un intérêt direct comme la
Russie et l'Autriche, ne se décidera
pour une solution plutôt que pour une
autre qu'en vue d'un résultat tout à
fait général.
Or, le résultat qu'elle vise, c'est tou-
jours l'isolement de la France ; sa poli-
tique n'a pas d'autre objectif, et dans la
situation que lui ont faite les événe-
ments, on peut même dire qu'elle ne
peut guèreen avoir d'autre. Etie observe
donc fiévreusement ce qui se passe et
attend que la France sorte de sa ré-
serve.
Ne serait-il pas superflu, après les
remarques que nous venons de faire.
de discuter quelle doit-être la politique
de la France au milieu des complica-
tions qui se préparent? En 1870, elle
n'a trouvé chez toutes les puissances
qu'égoïsme étroit, que préoccupation
de leurs propres intérêts. Nous ne dé-
sirons certes pas que la France, égoïste
à' son tour, s'isole du concert européen ;
mais elle doit achever et mener à
bonne fin l'œuvre de régénération
qu elle a entreprise ; elle doit se con-
tenter de surveiller, vigilante et tou-
jours prête, les événements qui vont
bouleverser l'Europe ; elle doit, en un
mot, s'appliquer les paroles célèbres
prononcées quelque temps après la
guerre de Crimée par le prince Gort-
hchakoff et dire à son exemple : La
France se recueille !
E. BARBIER.
LE BUDGET DE L'AGRICULTURE
Pauvre petit budget, qui se glisse
modestement, je dirais presque honteu-
sement, au milieu des gros chiffres at-
tribués aux autres ministères !
Il coûte à la France 10,724,499 fr.! il
ne possède même pas les centimes qui
font toujours sourire; 10,724 499 francs
sur un budget général de près de 3 mil-
liards!
Et encore, on comprend dans le bud-
get de l'agriculture toute sorte de ser-
vices. qui n'ont aucun rapport avec elle :
le Conservatoire et les écoles dès Arts-
et Métiers, les encouragements aux ma-
nufactures, aux pêches maritimes, aux
écoles de commerce et d'horlogerie ; les
frais de vérification des poids et me-
sures ; l'entretien et la surveillance des
établissements thermaux, le service sa-
nitaire, la visite annuelle des pharma-
cies, les secours aux codons de St-Do-
mingue ; les frais de surveillance de la
Ce des omnibus, de la Ce du gaz pari-
sien, des docks, etc., etc.
Que reste-t-il pour l'agriculture? Pas
grand chose.
Mais l'agriculture tient si peu de
place dans le pays, elle contribue pour
une part si mince à la prospérité géné-
rale de la France, que ce n'est vraiment
pas la peine d'en parler.
Songez donc ! sur 36 millions de Fran-
çais, il n'y a que 24 millions de culti-
vateurs ou réputés comme tels.
L'agriculture a une production an-
nuelle évaluée par la statistique offi-
cielle à plus de 8 milliards pour les vé-
gétaux, sans compter la production
animale et ses dérivés ; — nous avons
importé en Angleterre, l'année der-
nière, pour 66 millions de beurre! —
Vous voyez à quels chiffres peuvent at-
teindre les produits de cette industrie,
à qui on marchande quelques centaines
de mille francs.
J'ai dit qu'on- lui marchandait son mi-
croscopique budget, à ce malheureux
ministère de l'agriculture, et cela m'a
surpris et affligé. Evidemment, la com-
mission du budget n'a pas eu le temps
d'étudier ces modestes questions.
Le ministère de l'agriculture avait
pris, cette année, une initiative à la-
quelle nous avions tous applaudi; il
avait créé une direction de la statisti-
que,et cela, sans augmentation des cré-
dits alloués au personnel. Pourquoi le
rapporteur, M. Tirard, qui est un hom-
me de progrès cependant, après avoir
paru approuver cette création nouvelle,
croit-il devoir ajouter : « Mais votre
commission n'entend rien préjuger pour
l'avenir et proteste d'avance contre
toute augmentation de crédit qui aurait
pour objet de pourvoir aux dépenses
occasionnées par ces promotions ? >
Ne dirait on pas que « ces promo-
tions » cachent une faveur, quand elles
ne sont que la conséquence forcée d'une
création utile au premier chef! La com-
mission méconnaîtrait elle l'importance
qu'on attache dans tous les pays à ces
renseignements statistiques qui servent
à dégager les lois économiques de là
production et à éclairer sur leurs véri-
tables intérêts les producteurs eux mê.
mes ? Non, heureusement, car, quelques
pages plus loin, le rapporteur, à propos
de travaux statistiques, fait une juste
observation, que tous les hommes pra-
tiques approuveront avec moi :
< Nous voudrions, dit-il, que les pu-
blications, comme toutes celles qui
émanent de nos administrations, fus-
sent mises à la portée du public, qui ne
soupçonne même pas l'existence de la
plupart d'entre elles. Editées avec un
grand luxe par l'Imprimerie nationale,
elles sont réservées aux Chambres, aux
bibliothèques des grandes villes et à
quelques rares privilégiés, En Angle-
terre, en Allemagne, en Suisse, en Bel-
gique, toutes les publications officielles
sont au contraire largement répandues
dans le commerce à des prix accessibles
et parviennent facilement ainsi aux
mains de ceux qu'elles intéressent. »
C'est parlér d or. Mais, alors, pour-
quoi protestez-vous contre le moyen si
vous applaudissez au but ? Pour faire de
sérieux et de rapides travaux de statis-
tique, - car, en ces matières, la promp-
titude est indispensable, — il faut de
bons employés, et pour avoir de bons
employés ii faut les payer. M. Tirard,
qui est un habile industriel, sait cela
tout aussi bien que moi.
Autre contradiction. A propos des
inspecteurs généraux, dQIH la mission
Feuilleton du XIXe SIÈCLE ,
8 août 1876
Causerie Dramatique
Dans je ne sais plus quel vieux vau-
deville, un brave commerçant qui ma-
riait sa fille,et à qui l'on vantait la jeu-
nesse vertueuse et immaculée de son
gendre, répondait en hochant la tête :
Quand on n'a pas fait un peu la noce
avant la noce, il arrive souvent qu'on
fait la noce- après la noce ! Cet axiôme
bourgeois, assez conforme en somme
aux lois de la nature, comme dirait M.
Prudhomme, s'applique de tout point
au cas de M. Thomassin, dont le Gym-
nase vient de nous montrer l'Aventure.
- - M. Thomassin s'est marié jeune sans
qu'aucune incartade, jusqu'au jour de
l'union légale et de la bénédiction nup-
tiale, ait compromis la blancheur de sa
robe d'innocence, semblable à Adam
enfin quand il possédait toutes ses
côtes. Donc, Thomassin était vertueux,
marié à une femme vertueuse et père
d'une fille vertueuse,au point de croire,
comme Agnès, que l'oreille joue le rôle
principal dans la propagation de l'es-
pèce. --
- Pourquoi faut-il que le serpent, sous
les traits séduisants de MmeLacassade,
se soit dressé sur le chemin si bien
sablé de sa candide existence! Tho-
massin ne réfléchit point ; mais il sentit
qu'il avait une côte de trop et n'eut plus
qu'une idée, celle de se faire extraire
cet os plat recourbé en forme d'arc, pour
en façonner son bonheur. Il ne se de,
manda pas si le père des humains était
né avec vingt cinq côtes, défaut de sy-
métrie tout-à-fait extraordinaire; car
nos côtes vont aujourd'hui deux à deux
et nous en avouS douze paires bien
comptées, ni ceci, ni cela,ni autre chose;
non, il aima, comme on aime, sans
savoir pourquoi. Il aima, et celle qu'il
aimait s'appelait Mme de Valfieury,
veuve d'un général mort au champ
d'honneur. Vous connaissez le type,
n'est-ce pas ? Ce n'est pas d'aujourd'hui
qu'il sert.
La vérité, est qu'une espèce de
petit monsieur Sanscastel, follement
épris de Mme Thomassin, a eu l'idée,
pour rompre le faisceau de vertu
formé par cette famille idéale, de
pousser l'innocent Thomassin dans les
bras d'une aventurière ; car Mme de
Valfleury n'est autre que Mme Lacas-
sade en rupture de ban conjugal et
touriste acharnée du doux pays de
Tendre.
Rassurez-vous, tout s'arrange et la
vertu triomphe. Le commandant La-
cassade, pas du tout militaire, simple
éleveur de vers-à-soie et capitaine de
pompiers, finit par retrouver sa femme,
qu'il cherche depuis le commencement
de la pièce, après avoir administré dans
l'obscurité une verte correction à l'un
des poursuivants de cette épouse pro-
digue., Il va sans dire que c'est Tho-
massin qui a empoché l'aubaine ; il ne
s'en vante pas, et comme tout cela n'a
pas été sans s'ébruiter un peu, il tombe
repentant et corrigé aux pieds de Mme
Thomassin, qui lui accorde généreuse-
ment merci.
La pièce ne décroche pas les étoiles ;
mais elle est gaie et amusante, et
pleine de détails bien ajustés : l'exé-
cution en est honnête et modérée..
Ah! j'oubliais : la pièce dont je viens
d'avoir l'honneur de m'occuper quelques
instants est de M. Verconsin, un homme
d'esprit, un talent ingénieux et agréable,
que le public a toujours accueilli avec
faveur.
Lundi dernier, à propos du Mariage
de Figaro, j'ai cité, en parlant du cha-
pitre consacré à cet ouvrage dans l'His-
toire de l'Odéon de MM. Porel et Mon-
val, les avantages matériels qu'en re-
tira le théâtre à une époque où les re-
cettes dépassaient de beaucoup celles
qu'on pouvait réaliser au. temps de Mo-
lière.
Peut-être n'est il pas sans intérêt de
mettre sous les yeux de mes lecteurs,
d'après le Registre de La Grange, les
recettes proiuites par les principaux
chefs d'oeuvre de l'illustre comique.
La matière dramatique étant peu
abondante, le temps ne saurait être
mieux employé qu'à causer un peu de
ce Molière dont Sainte-Beuve dit avec
raison qu'on ne se lasse jamais en
France d'entendre parler.
L'ouvrage qui se place en première li-
gne, comme succès, parmi les œuvres de
Molière, c'est le Tartuffe: la première re-
présentation qui fut suivie de l'inter-
diction de la pièce avait produit 1,890 1.;
après la reprise, qui eut lieu le mardi
5 février 1669, les vingt-et-une premiè-
res représentations données consécuti-
vement produisirent 27,6301. 10 s.
Les quinze premières donnent pour
moyenne 1,536 1.
Aprè3 le Tartuffe, vient le Festin, de
Pierre, qui obtint un succès très-con-
sidérable : il n'eut pourtant que quinze
représentations consécutives qui firent
114 1. de recette.
Interrompu par le carême de 1665,
l'ouvrage ne fut pas repris! Cette co.
médie froissa par sa hardiesse un
grand nombre de gens,et des influences
souterraines en déterminèrent l'aban-
don.
La moyenne des quinze représenta-
tions du Festin de Pterre fut de
1,340 1.
L'Ecole des Femmes vient en troi-
sième avec 22,781 1. de recette pour
les vingt-et-une premières représenta-
tions et une moyenne de 1.158 1. pour
les quinze premières.
Le Bourgeois gentilhomme fut joué
à Paris le dimanche 23 novembre 1670
et la Bérénice de Corneille le vendredi
28 du même mois. En vingt-et-un'e re-
présentations 1 Bourgeois gentilhomme
produisit 21,374 1. et Bérénice
15,170 1. 10 s. C'est, pour les quinze
premières représentations de la pièce
de Molière, 1,094 1. de moyenne.
Les Femmes savantes ne furent
jouées que dix-neuf fois consécutive-
ment et donnèrent, comme moyenne
des quinze premières représentations,
981 1.
Le Misanthrope, assez froidement
accueilli, ne présente pour ses quinze
premières que 699 1. de moyenne. Les
deux premières recettes' seules dépas-
sent 1: 000 1., toutes les autres restent
au-dessous. Le total des vingt et-une
premières représentations n'atteint que
12,543 1. 10 s.
Enfin VAvare n'obtient qu'un succès
d'estime : la pièce est jouée huit fois,
et ces huit fois donnent un moyenne
de 480 livres.
Voici donc, selon la moyenne calcu-
lée sur quinze représentations, l'ordre
de ces divers ouvrages :
Le Tartuffe. 1.536 1.
Le Festin de Pierre 1.340
L'ECO le des Femmes. 1.158
Le Bourgeois gentilhomme. 1.094
Lei Femmes savantes. 981
Le Misanthrope. 699
VAvare (8 représentations).. 480
La Bérénice (de Racine). 884
Molière joua quatre fois le Malade
imaginaire, et ces quatre représenta-
tions donnèrent une recette totale de
6 549 1. 10 s., soit en chiffres ronds
1,637 livres de moyenne.
L'École des Femmes, jouée le 26 dé-
cembre 1662, fut renforcée de la Cri-
tique le 1er juin 1663 et fit de fort belles
recettes.
Les Fâcheux en 1661 fournirent aussi
une belle carrière.
Le Festin de Pierre, mis en vers
par M. de Corneille le jeune, fit une
douzaine de belles représentations ;
mais, interrompu par le carême, il ne
put se soutenir à la reprise.
Voilà, certes, des recettes qui sont
loin de celles que les théâtres réalisent
aujourd'hui ; mais si les œuvres n'ont
pas été payées en argent, la postérité
les paie en gloire et ne la leur mar-
chande pas. Le contraire se produit
de nos jours.
Je m'explique mieux l'insuccès de
l'Avare que celui du Misanthrope.
L'A vare n'offrait au public rien de nou-
veau ni d'original, et je dois confesser
que c'est peut-être de tout le réper-
toire de Molière, l'ouvrage qui me pa-
raît le moins intéressant à la représen-
tation. Mais le Misanthrope, que j'ose-
rai appeler une actualité philosophique,
où les sentiments sont développés et
mis en lumière avec l'art de la plus
haute et de la plus délicate comédie !
Comment expliquer le peu d'effet qu'il
produisit ?
Hélas! je suis convaincu que la cause
principale de l'ennui qu'y trouva le pu-
blic contemporain venait de l'absence
du comique. Le Misanthrope est d'une
tenue de ton qui dépassait de beaucoup
la portée d'esprit de la majorité des
spectateurs et qui n'était pas pour égayer
nos marquis.
Je m'étonne, aujourd'hui qu'on ap-
porte aux choses historiques une curio-
sité et une religion qui sont un des
titres de notre esprit moderne, je
m'étonne, dis-je, que pour les représen-
tations des pièces de Molière à la Comé-
die-Française. — ce Musée dramatique,
- on n'ait pas tenu plus exactement
compte des renseignements qui nous sont
fournis par les documents authentiques
sur les costumes que portait Molière.
L'inventaire fait après son dérès
nous donne en effet une série de
costumes très-intéressants : ce sont
ceux qui lui servaient dans le Bourgeois
gentilhomme, Pourctaugnac, Amphi-
tryon, Tartuffe, George Dandin, le
Mariage forcé,le Misanthrope, les Mé-
decins (l'Amour médecin), L'Avare,
les Fâcheux, les Femmes savantes, les
Amants magnifiques (Clitidas), le Sici-
lien, le Festin de Pierre.
Nous trouvons là aussi quelques cos-
tumes d'Armande et particulièrement
Ci lui qui lui servait dans Psyché; puis
ceux de la PrzncessedtElide, du Méde-
cin malgré lui, etc.
Ceux-ci me semblent d'un intérêt
médiocre et, malgré les efforts de quel-
ques bonnes âmes pour réhabiliter la
mémoire de cette intéressante personne
aux dépens de celle de Molière, je ne
pense pas qu'il y ait lieu de faire à Ar-
mande Béjart la moindre place dans le
culte de nos souvenirs.
Mais la Comédie-Française devrait,
ne fût-ce que par une sorte de coquette-
rie, qui aurait son petit côté touchant,
ne pas dédaigner ce détail archaïque et
tâcher de se tenir le plus près possible
d'une tradition qui n'a pas été cultivée
avec assez de soin : quand il s'agit de
Molière, rien ne doit être indifférent.
Je eai--, bien que cette manière de voir
n'est pas celle de M. le préfet de la
Prix ta Ruiért h Pari* : M eemtlaief. — lépurtclieiti 1.. C]e.",..
Mardi 8 AotaC Ilr.
E m
RÉDACTION
ffadresser au Secrétaire de la RédacUoll
de 2 heures à minuit
SSs rue de i~e
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PAME
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Six mois.s.6.i 25
Un 8Jl.o. W
BBPARTBMËMTS
Trois mois. 16 (f,
Six mois 32
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Adresser lettres et mandats irAdminissrttftft*
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JOURNAL RÉPUBLICAJN CONSERVATEUR
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hIIIIGllIl朡:). chez MM. LAGRANGE, CERF et G4
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âauoiicea, chez MM. LAGRANGE, CERF 0% i
et plae* de la Mokitm, lt3
BULLETIN" -
Parts, le 7 août 1876.
Le Journal officiel d'hier matin publie
un décret rendu sur la proposition du mi-
nistre 'de l'agriculture et du commerce,
nommant M. Krantz commissaire général
pour l'exposition de 1878. -
Les nouvelles d'Orient font presque
complètement défaut aujourd'hui. D'après
une dépêche de Congtantinopla en date du
5 au soir, l'affaire de Salonique est défini-
tivement réglée. Le Times était donc bien
renseigné,et le gouvernement n'a cédé que
devant une menace.
La presse viennoise continue à discuter
sur le Livre bleu anglais, et y découvre,
selon ses préoccupations, des arguments
en faveur de la politique autrichienne ou
contre cette politique.
La Tages Press voit dans le Livre bleu
la preuve évidente que la politique autri-
chienne à heureusement résolu toutes les
questions qui lui étaient posées et qu'ainsi
elle mérite une entière confiance pour l'a-
venir.
« Que demandions-nous ? dit la Tages
Press, point d'intervention. Aujourd'hui
toute l'Europe partage cette manière de
voir. Point d'occupation. Il n'y en a pas
eu et tout porte à croire qu'il ne surgira
point d'événements qui nous forcent à
prendre parti. L'entente amicale avec la
Russie, nous l'avons. La paix n'a pas été
troublée, et ce fait nous garantit bien aussi
qu'elle ne le sera pai à l'avenir. Une ac-
tion commune de toutes les puissances si-
gnataires du traité de Paris : tous les cabi-
nets ont acquis la conviction qu'il faut
arriver à ce but. »
« Au contraire, la Nouvelle Presse libre
ne veut, dans ce recueil de pièces diplo-
matiques, voir autre chose que méprises
sur méprbe., fautes sur fautes, contradic-
tions sur contradictions dans la politique
de l'Autriche en Orient.
Il n'est pas sans intérêt de signaler l'en
thousiasme des Russes pour la cause
serbe. Tous les journaux russes sont pleins
de détails de souscriptions et de fê es orga-
nisées pour venir au secours des Slaves du
Sud.
«La Rûssie tout entière, dit la Voix, suit
avec une attention soutenue la marche de
la lutte dans la presqu'île dei Balkans. Qu'on
prête l'oreille à n'importe quelle conver-
sation, qu'on ouvre le premier journal ve-
nu, on trouvera toujours que les princi-
pales préoccupations du moment ae rap-
portent à la guerre, aux maux qu'elle
inflige aax infortunées populations chré-
tiennes de la Turquie, et surtout aux mesu-
res propres à soulager leurs souffrances et
à mitiger les horreurs de la lutte.
« A peine le télégraphe nous avait-il
transmis hier U nouvelle-de l'offrande des
vieux croyants de MQiCOU, que nous ren-
contrions aujourd'hui dans les ruas de no-
tre ville de" mombres de la société de la
Croix-Rouga faisunt la quê:e au profii deg
victimes de la guerre. Parmi eux il se
trouvait des dames du monde, quelques-
unes d'en âge déjà avancé, et l'on se sen-
tait saisi d'un reconnaissant respect en les
voyant faire,pendant de longues heures, et
malgré la chaleur accablante, leurs tour-
nées dans le quartier que chacune d'elles
.'était atikigné.»
X PETITE BOURSE DU DIMANCHE
Boulevard des Italiens.
Trois heures.
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-
LA QUESTION D'ORIENT
Le malaise augmente, la situation
devient plus sombre à mesure que la
lutte se prolonge dans la presqu'île des
Balkhans. Chaque jour. en effet, on
comprend mieux la difficulté qu'il y
a à localiser la guerre, chaque jour
on s'attend à voir surgir tel incident
de nature à mettre l'Europe en feu.
Examinons brièvement la situation,
Les Serbes, victorieux au début, ont
récemment subi quelques revers; mais,
animés qu'ils sont par leur patriotisme,
surexcités par leur haine séculaire
contre les Turcs, ces revers n'ont fait
que développer chez eux un nouvel
enthousiasme et une plus grande
bravoure, et il est impossible de dé-
couvrir en Serbie, malgré les corres-
pondances intéressées de quelques
journaux turcophiles, la moindre trace
d'épuisement ou de découragement. En
outre, les récents succès de leurs al-
liés les Monténégrins ont ravivé toutes
leurs espérances. Rien donc de. ce côté
ne peut faire prévoir la fin de la guerre.
Du côté des Turcs, même enthou-
siasme. Le gouvernement ottoman n'a
plus d'argent, plus de crédit ; il est si
pauvre qu'il ne peut acquitter les indem-
nités promises aux familles des consuls
allemand et français assassinés à Sa-
lonique; il est si faible qu'il n'ose pu
nir publiquement les autorités mili-
taires qui ont participé à ces assassi-
nats, ou qui, tout au moins, n'ont rien
fait pour les empêcher. Et cela, à tel
point qu'il se laissa menacer d'une
rupture de rapports diplomatiques avec
la France et l'Allemagne. Mais il lui
restait une ressource : le fanatisme
religieux. Le sultan Mourad est ma-
lade ou idiot, incapable en tout cas
de prendre une décision. Les ministres,
qui gouvernent en son nom, n'ont pas
hésité à faire appel à ce fanatisme, et
on voit accourir à Constantinople des
volontaires venus de toutes les parties
du monde : les nègres du haut Nil et
les fanatiques de l'Asie centrale, qui
viennent s'enrôler, pour la défense de
la foi, sous la bannière verte du pro-
phète qu'ont arborée les softas.
Y a-t-il lieu de s'étonner que, dans
ces conditions, la guerre se transforme
en boucherie, que quiconque tombe
sur le champ de bataille soit massacré,
que les villages soient brûlés, les
femmes violées et les enfants vendus
comme esclaves? Non, sans doute. De
chaque côté on a fait appel aux pas-
sions de nature à enflammer à pousser
jn$qu'à la furie des populations sau-
vages ou à demi civilisées. Quel autre
résultat pouvait on espérer?
Comment se terminera la lutte? Peu
importerait à l'Europe civilisée, qui con-
tinuerait d'assister égoïste et impassible
à ces scènes de meurtre et de pillage, si
ses intérêts les plus chers n'étaient en
jeu. Mais, en même temps, ces intérêts
sont si contraires qu'on semble même,
faute de pouvoir s'entendre, avoir aban-
donné toute idée de médiation entre les
belligérants.
Trois puissances, l'Autriche, la Rus-
sie et l'Angleterre, sont tout particu-
lièrement intéressées à la solution de
la question d'Orient. L'Autriche, à
cause de son voisinage immédiat; la
Russie, à cause de sa nationalité et de
sa politique séculaire; l'Angleterre, à
cause de son prestige en Orient.
L'empire d'Autriche, composé de na-
tionalités disparates, souvent ennemies,
ne peut tolérer longtemps la guerre
qu'elle a en partie provoquée. En efikt,
les causes de l'insurrection de l'Herzé-
govine, origine des difficultés actuelles,
sont encore fort obscures ; mais ce fait
est acquis tout au moins que cette insur-
rection a éclaté au lendemain de la vi-
site de l'empereur François Joseph en
Dalmatie et que le mouvement insur-
rectionnel naissant n'a pu s'étendre et
subsister qu'à l'aide des secours et des
connivences qu'il trouvait dans les
provinces slaves autrichiennes. Nous
n'avons certes pas l'intention de faire
l'historique de l'insurrection de l'Her-
zégovine, la place nous manquerait;
nous constatons un fait. Nous ne vou-
lons pas discuter non plus la question
de savoir si l'Autriche n'était pas
poussée en avant par ses alliées l'Alle-
magne et la Russie. Cela nous entraî-
nerait trop loin.
-Nous nous bornerons donc à ajouter
que la guerre turco serbe a fait à l'Au.
triche une position intolérable. Plusieurs
provinces de l'empire s'agitent ; les
Croates et les Dalmates veulent courir
au secours de leurs frères slaves de la
Serbie et de la Bosnie. La haine contre
les Hongrois, aujourd'hui maîtres de
l'empire, haine qui guidait Jellaohich
en 1849, se réveille de toutes parts, et la
continuation de la guerre dans la pres-
qu'île des Balkhans met en péril la mo-
narchie autrichenne. La cour de Vienne
comprend si bien le danger qu'elle a été
sur le point d'intervenir. Mais cette in-
tervention serait faite au profit des
Turcs, et la Russie s'est dressée devant
elle. Tiraillée d'un côté par les popula-
tions hongroises, de l'autre par les po-
pulations slaves, la cour de Vienne
ne sait que résoudre, et sa politique
depuis des mois peut se résumer en
un mot : l'indécision. Il y a quel-
ques jours à peine, elle a songé à en
finir et à s'annexer la Bosnie. Nous
avons dit ici même quel émoi cette pro-
position a excité en Hongrie et com-
ment on a dû y renoncer.
La Russie, de son côté, poursuit
sa politique séculaire. Dapuis deux
siècles elle se pose en champion des
chrétiens d'Orient ; depuis deux siècles
elle hâte de tous ses vœux, de tous
ses efforts, la ruine de l'empire otto-
man. A la veille de la guerre de
Crimée, elle déclarait ouverte la suc-
cession de « l'homme malade. » Vain-
cue par la France et l'Angleterre,
elle a cherché à obtenir par la ruse ce
qu'elle n'avait pu obtenir par la force.
Qui na se râtelle ses agissements à
Constantinople depuis vingt ans ? En
1871, elle a commencé à déchirer le
traité de Paris. Eile veut aujourd'hui
l'annihiler complétement. Elle fait
d'ailleurs parade de sa modération.
Que demande-t-ella ? Rien ou presque
rien. L'autonomie administrative de la
Bosnie et de l'Herzégovine ; l'indépen-
dance absolue de la Serbie et de la
Roumanie ; une légère augmentation
de territoire pour le Monténégro. Tout
au plus s'agit-il. on le voit, du démem-
brement de la Turquie; mais la Russie
proteste que si elle fait ces demandes,
c'est uniquement en faveur des chré-
tiens d'Orient. Quant à elle, elle se con-
tenterait d'une légère rectification de
frontières en Bessarabie et du droit
pour ses flottes de traverser les Darda-
nelles et le Bosphore.
On ne saurait être plus désintéressé.
Mais l'autonomie des provinces dont
nous venons de parler équivaut à la
création d'une grande confédération
slave sur les frontières de l'Autriche ;
confédération placée sous le patronage
de la Russie, et par conséquent menace
permanente pour l'Autriche. Le droit
pour ses flottes de traverser le Bos-
phore équivaut à la possession de
Constantinople, c'est-à-dire à la ruine
du prestige anglais, en Asie. De là, an-
tagonisme avec 1 Autriche et avec l'An-
gleterre, qui ne peuvent à aucun prix
permettre la réalisation des visses de
la Russie.
L'Angleterre a répondu par l'envoi
d'une flotte formidable, qu'elle a sta-
tionnée dans la baie de Besika, et par
la déclaration qu'elle soutiendrait la
Turquie.
Voilà quelle est la situation des trois
puissances particulièrement intéressées
à la solution de la question d Orient.
L'Autriche ne demanderait pas mieux
que de démembrer la Turquie à son
profit. La Russie veut le protectorat
des Slaves de la presqu'île des Balkhans
et la possession de fait de Constanti-
nople. L'Angleterre veut le statu quo.
Et chacun de ces trois pays s'est telle-
ment avancé, chacun d'eux a si bien
pris soin de surexciter les passions et
les espérances de«î populations que la
solution de la question d'Orient n'est
plus dans le domaine de la diplomatie,
mais qu'elle appartient aux peuples eux-
mêmes.
Aussi, quelle que soit l'issue de la
lutte aujourd'hui engagée entre les
chétiens et les mulsuimans, les trois
puissances dont nous venons de parler
se retrouveront en présence quand il
s'agira de faire la paix. Leurs in-
térêts seront alors les mêmes que ceux
qui les guident aujourd'hui. Or, ces in-
térêts sont de nature si différente, et
on a si bien su intéresser le sentiment
populaire à ces intérêts, qu'entraînés
malgré eux peut-être, les gouverne-
ments seront forcés d'en appeler à la
force. C'est là notre conviction absolue ;
et, nous ne saurions trop le dire et le
répéter, les difficultés actuelles ne
peuvent se terminer sans une guerre
européenne.
Or, quelle est, en vue de cette guerre
que chacun prévoit et à laquelle chacun
se prépare, l'attitude des autres gran-
des puissances, l'Italie, l'Allemagne et
la France ?
L'Italie coquette avec la Russie qui
lui promet le Tyrol et une partie
de la Dalmatie. Faut-il admettre que
le voyage récent des princes ita-
liens à Saint-Pétersbourg ait eu pour
objet la conclusion d'une alliance entre
les deux pays? Nos renseignements à cet
égard ne nous laissent guère de doutes.
Quant à l'attitude de l'Allemagne,elle
continue à être fort énigmatique: M. de
Bismarck s'isole à Warzin comme il
s'est isolé à Kissingen,et jusqu'ici pas
un acte, pas une parole même, ne sont
venus trahir la pensée intime du gou-
vernement de Berlin. Est-il d'accord
avec la Russie? Est-il d'accord avec
l'Angleterre ? Ou bien, laissant aux
prises ces deux puissances, travaille t-
il, avec l'Autriche et ses chers amis les
Hongrois, au maintien du statu quo en
Turquie ? Nul ne saurait le dire. Et ce-
pendant, il n'est pas douteux que le
gouvernement allemand n'ait sa poli-
tique arrêtée. — Que! le est-elle?—L'Al-
lemagne n'ayant pas, dans la question
d'orient, un intérêt direct comme la
Russie et l'Autriche, ne se décidera
pour une solution plutôt que pour une
autre qu'en vue d'un résultat tout à
fait général.
Or, le résultat qu'elle vise, c'est tou-
jours l'isolement de la France ; sa poli-
tique n'a pas d'autre objectif, et dans la
situation que lui ont faite les événe-
ments, on peut même dire qu'elle ne
peut guèreen avoir d'autre. Etie observe
donc fiévreusement ce qui se passe et
attend que la France sorte de sa ré-
serve.
Ne serait-il pas superflu, après les
remarques que nous venons de faire.
de discuter quelle doit-être la politique
de la France au milieu des complica-
tions qui se préparent? En 1870, elle
n'a trouvé chez toutes les puissances
qu'égoïsme étroit, que préoccupation
de leurs propres intérêts. Nous ne dé-
sirons certes pas que la France, égoïste
à' son tour, s'isole du concert européen ;
mais elle doit achever et mener à
bonne fin l'œuvre de régénération
qu elle a entreprise ; elle doit se con-
tenter de surveiller, vigilante et tou-
jours prête, les événements qui vont
bouleverser l'Europe ; elle doit, en un
mot, s'appliquer les paroles célèbres
prononcées quelque temps après la
guerre de Crimée par le prince Gort-
hchakoff et dire à son exemple : La
France se recueille !
E. BARBIER.
LE BUDGET DE L'AGRICULTURE
Pauvre petit budget, qui se glisse
modestement, je dirais presque honteu-
sement, au milieu des gros chiffres at-
tribués aux autres ministères !
Il coûte à la France 10,724,499 fr.! il
ne possède même pas les centimes qui
font toujours sourire; 10,724 499 francs
sur un budget général de près de 3 mil-
liards!
Et encore, on comprend dans le bud-
get de l'agriculture toute sorte de ser-
vices. qui n'ont aucun rapport avec elle :
le Conservatoire et les écoles dès Arts-
et Métiers, les encouragements aux ma-
nufactures, aux pêches maritimes, aux
écoles de commerce et d'horlogerie ; les
frais de vérification des poids et me-
sures ; l'entretien et la surveillance des
établissements thermaux, le service sa-
nitaire, la visite annuelle des pharma-
cies, les secours aux codons de St-Do-
mingue ; les frais de surveillance de la
Ce des omnibus, de la Ce du gaz pari-
sien, des docks, etc., etc.
Que reste-t-il pour l'agriculture? Pas
grand chose.
Mais l'agriculture tient si peu de
place dans le pays, elle contribue pour
une part si mince à la prospérité géné-
rale de la France, que ce n'est vraiment
pas la peine d'en parler.
Songez donc ! sur 36 millions de Fran-
çais, il n'y a que 24 millions de culti-
vateurs ou réputés comme tels.
L'agriculture a une production an-
nuelle évaluée par la statistique offi-
cielle à plus de 8 milliards pour les vé-
gétaux, sans compter la production
animale et ses dérivés ; — nous avons
importé en Angleterre, l'année der-
nière, pour 66 millions de beurre! —
Vous voyez à quels chiffres peuvent at-
teindre les produits de cette industrie,
à qui on marchande quelques centaines
de mille francs.
J'ai dit qu'on- lui marchandait son mi-
croscopique budget, à ce malheureux
ministère de l'agriculture, et cela m'a
surpris et affligé. Evidemment, la com-
mission du budget n'a pas eu le temps
d'étudier ces modestes questions.
Le ministère de l'agriculture avait
pris, cette année, une initiative à la-
quelle nous avions tous applaudi; il
avait créé une direction de la statisti-
que,et cela, sans augmentation des cré-
dits alloués au personnel. Pourquoi le
rapporteur, M. Tirard, qui est un hom-
me de progrès cependant, après avoir
paru approuver cette création nouvelle,
croit-il devoir ajouter : « Mais votre
commission n'entend rien préjuger pour
l'avenir et proteste d'avance contre
toute augmentation de crédit qui aurait
pour objet de pourvoir aux dépenses
occasionnées par ces promotions ? >
Ne dirait on pas que « ces promo-
tions » cachent une faveur, quand elles
ne sont que la conséquence forcée d'une
création utile au premier chef! La com-
mission méconnaîtrait elle l'importance
qu'on attache dans tous les pays à ces
renseignements statistiques qui servent
à dégager les lois économiques de là
production et à éclairer sur leurs véri-
tables intérêts les producteurs eux mê.
mes ? Non, heureusement, car, quelques
pages plus loin, le rapporteur, à propos
de travaux statistiques, fait une juste
observation, que tous les hommes pra-
tiques approuveront avec moi :
< Nous voudrions, dit-il, que les pu-
blications, comme toutes celles qui
émanent de nos administrations, fus-
sent mises à la portée du public, qui ne
soupçonne même pas l'existence de la
plupart d'entre elles. Editées avec un
grand luxe par l'Imprimerie nationale,
elles sont réservées aux Chambres, aux
bibliothèques des grandes villes et à
quelques rares privilégiés, En Angle-
terre, en Allemagne, en Suisse, en Bel-
gique, toutes les publications officielles
sont au contraire largement répandues
dans le commerce à des prix accessibles
et parviennent facilement ainsi aux
mains de ceux qu'elles intéressent. »
C'est parlér d or. Mais, alors, pour-
quoi protestez-vous contre le moyen si
vous applaudissez au but ? Pour faire de
sérieux et de rapides travaux de statis-
tique, - car, en ces matières, la promp-
titude est indispensable, — il faut de
bons employés, et pour avoir de bons
employés ii faut les payer. M. Tirard,
qui est un habile industriel, sait cela
tout aussi bien que moi.
Autre contradiction. A propos des
inspecteurs généraux, dQIH la mission
Feuilleton du XIXe SIÈCLE ,
8 août 1876
Causerie Dramatique
Dans je ne sais plus quel vieux vau-
deville, un brave commerçant qui ma-
riait sa fille,et à qui l'on vantait la jeu-
nesse vertueuse et immaculée de son
gendre, répondait en hochant la tête :
Quand on n'a pas fait un peu la noce
avant la noce, il arrive souvent qu'on
fait la noce- après la noce ! Cet axiôme
bourgeois, assez conforme en somme
aux lois de la nature, comme dirait M.
Prudhomme, s'applique de tout point
au cas de M. Thomassin, dont le Gym-
nase vient de nous montrer l'Aventure.
- - M. Thomassin s'est marié jeune sans
qu'aucune incartade, jusqu'au jour de
l'union légale et de la bénédiction nup-
tiale, ait compromis la blancheur de sa
robe d'innocence, semblable à Adam
enfin quand il possédait toutes ses
côtes. Donc, Thomassin était vertueux,
marié à une femme vertueuse et père
d'une fille vertueuse,au point de croire,
comme Agnès, que l'oreille joue le rôle
principal dans la propagation de l'es-
pèce. --
- Pourquoi faut-il que le serpent, sous
les traits séduisants de MmeLacassade,
se soit dressé sur le chemin si bien
sablé de sa candide existence! Tho-
massin ne réfléchit point ; mais il sentit
qu'il avait une côte de trop et n'eut plus
qu'une idée, celle de se faire extraire
cet os plat recourbé en forme d'arc, pour
en façonner son bonheur. Il ne se de,
manda pas si le père des humains était
né avec vingt cinq côtes, défaut de sy-
métrie tout-à-fait extraordinaire; car
nos côtes vont aujourd'hui deux à deux
et nous en avouS douze paires bien
comptées, ni ceci, ni cela,ni autre chose;
non, il aima, comme on aime, sans
savoir pourquoi. Il aima, et celle qu'il
aimait s'appelait Mme de Valfieury,
veuve d'un général mort au champ
d'honneur. Vous connaissez le type,
n'est-ce pas ? Ce n'est pas d'aujourd'hui
qu'il sert.
La vérité, est qu'une espèce de
petit monsieur Sanscastel, follement
épris de Mme Thomassin, a eu l'idée,
pour rompre le faisceau de vertu
formé par cette famille idéale, de
pousser l'innocent Thomassin dans les
bras d'une aventurière ; car Mme de
Valfleury n'est autre que Mme Lacas-
sade en rupture de ban conjugal et
touriste acharnée du doux pays de
Tendre.
Rassurez-vous, tout s'arrange et la
vertu triomphe. Le commandant La-
cassade, pas du tout militaire, simple
éleveur de vers-à-soie et capitaine de
pompiers, finit par retrouver sa femme,
qu'il cherche depuis le commencement
de la pièce, après avoir administré dans
l'obscurité une verte correction à l'un
des poursuivants de cette épouse pro-
digue., Il va sans dire que c'est Tho-
massin qui a empoché l'aubaine ; il ne
s'en vante pas, et comme tout cela n'a
pas été sans s'ébruiter un peu, il tombe
repentant et corrigé aux pieds de Mme
Thomassin, qui lui accorde généreuse-
ment merci.
La pièce ne décroche pas les étoiles ;
mais elle est gaie et amusante, et
pleine de détails bien ajustés : l'exé-
cution en est honnête et modérée..
Ah! j'oubliais : la pièce dont je viens
d'avoir l'honneur de m'occuper quelques
instants est de M. Verconsin, un homme
d'esprit, un talent ingénieux et agréable,
que le public a toujours accueilli avec
faveur.
Lundi dernier, à propos du Mariage
de Figaro, j'ai cité, en parlant du cha-
pitre consacré à cet ouvrage dans l'His-
toire de l'Odéon de MM. Porel et Mon-
val, les avantages matériels qu'en re-
tira le théâtre à une époque où les re-
cettes dépassaient de beaucoup celles
qu'on pouvait réaliser au. temps de Mo-
lière.
Peut-être n'est il pas sans intérêt de
mettre sous les yeux de mes lecteurs,
d'après le Registre de La Grange, les
recettes proiuites par les principaux
chefs d'oeuvre de l'illustre comique.
La matière dramatique étant peu
abondante, le temps ne saurait être
mieux employé qu'à causer un peu de
ce Molière dont Sainte-Beuve dit avec
raison qu'on ne se lasse jamais en
France d'entendre parler.
L'ouvrage qui se place en première li-
gne, comme succès, parmi les œuvres de
Molière, c'est le Tartuffe: la première re-
présentation qui fut suivie de l'inter-
diction de la pièce avait produit 1,890 1.;
après la reprise, qui eut lieu le mardi
5 février 1669, les vingt-et-une premiè-
res représentations données consécuti-
vement produisirent 27,6301. 10 s.
Les quinze premières donnent pour
moyenne 1,536 1.
Aprè3 le Tartuffe, vient le Festin, de
Pierre, qui obtint un succès très-con-
sidérable : il n'eut pourtant que quinze
représentations consécutives qui firent
114 1. de recette.
Interrompu par le carême de 1665,
l'ouvrage ne fut pas repris! Cette co.
médie froissa par sa hardiesse un
grand nombre de gens,et des influences
souterraines en déterminèrent l'aban-
don.
La moyenne des quinze représenta-
tions du Festin de Pterre fut de
1,340 1.
L'Ecole des Femmes vient en troi-
sième avec 22,781 1. de recette pour
les vingt-et-une premières représenta-
tions et une moyenne de 1.158 1. pour
les quinze premières.
Le Bourgeois gentilhomme fut joué
à Paris le dimanche 23 novembre 1670
et la Bérénice de Corneille le vendredi
28 du même mois. En vingt-et-un'e re-
présentations 1 Bourgeois gentilhomme
produisit 21,374 1. et Bérénice
15,170 1. 10 s. C'est, pour les quinze
premières représentations de la pièce
de Molière, 1,094 1. de moyenne.
Les Femmes savantes ne furent
jouées que dix-neuf fois consécutive-
ment et donnèrent, comme moyenne
des quinze premières représentations,
981 1.
Le Misanthrope, assez froidement
accueilli, ne présente pour ses quinze
premières que 699 1. de moyenne. Les
deux premières recettes' seules dépas-
sent 1: 000 1., toutes les autres restent
au-dessous. Le total des vingt et-une
premières représentations n'atteint que
12,543 1. 10 s.
Enfin VAvare n'obtient qu'un succès
d'estime : la pièce est jouée huit fois,
et ces huit fois donnent un moyenne
de 480 livres.
Voici donc, selon la moyenne calcu-
lée sur quinze représentations, l'ordre
de ces divers ouvrages :
Le Tartuffe. 1.536 1.
Le Festin de Pierre 1.340
L'ECO le des Femmes. 1.158
Le Bourgeois gentilhomme. 1.094
Lei Femmes savantes. 981
Le Misanthrope. 699
VAvare (8 représentations).. 480
La Bérénice (de Racine). 884
Molière joua quatre fois le Malade
imaginaire, et ces quatre représenta-
tions donnèrent une recette totale de
6 549 1. 10 s., soit en chiffres ronds
1,637 livres de moyenne.
L'École des Femmes, jouée le 26 dé-
cembre 1662, fut renforcée de la Cri-
tique le 1er juin 1663 et fit de fort belles
recettes.
Les Fâcheux en 1661 fournirent aussi
une belle carrière.
Le Festin de Pierre, mis en vers
par M. de Corneille le jeune, fit une
douzaine de belles représentations ;
mais, interrompu par le carême, il ne
put se soutenir à la reprise.
Voilà, certes, des recettes qui sont
loin de celles que les théâtres réalisent
aujourd'hui ; mais si les œuvres n'ont
pas été payées en argent, la postérité
les paie en gloire et ne la leur mar-
chande pas. Le contraire se produit
de nos jours.
Je m'explique mieux l'insuccès de
l'Avare que celui du Misanthrope.
L'A vare n'offrait au public rien de nou-
veau ni d'original, et je dois confesser
que c'est peut-être de tout le réper-
toire de Molière, l'ouvrage qui me pa-
raît le moins intéressant à la représen-
tation. Mais le Misanthrope, que j'ose-
rai appeler une actualité philosophique,
où les sentiments sont développés et
mis en lumière avec l'art de la plus
haute et de la plus délicate comédie !
Comment expliquer le peu d'effet qu'il
produisit ?
Hélas! je suis convaincu que la cause
principale de l'ennui qu'y trouva le pu-
blic contemporain venait de l'absence
du comique. Le Misanthrope est d'une
tenue de ton qui dépassait de beaucoup
la portée d'esprit de la majorité des
spectateurs et qui n'était pas pour égayer
nos marquis.
Je m'étonne, aujourd'hui qu'on ap-
porte aux choses historiques une curio-
sité et une religion qui sont un des
titres de notre esprit moderne, je
m'étonne, dis-je, que pour les représen-
tations des pièces de Molière à la Comé-
die-Française. — ce Musée dramatique,
- on n'ait pas tenu plus exactement
compte des renseignements qui nous sont
fournis par les documents authentiques
sur les costumes que portait Molière.
L'inventaire fait après son dérès
nous donne en effet une série de
costumes très-intéressants : ce sont
ceux qui lui servaient dans le Bourgeois
gentilhomme, Pourctaugnac, Amphi-
tryon, Tartuffe, George Dandin, le
Mariage forcé,le Misanthrope, les Mé-
decins (l'Amour médecin), L'Avare,
les Fâcheux, les Femmes savantes, les
Amants magnifiques (Clitidas), le Sici-
lien, le Festin de Pierre.
Nous trouvons là aussi quelques cos-
tumes d'Armande et particulièrement
Ci lui qui lui servait dans Psyché; puis
ceux de la PrzncessedtElide, du Méde-
cin malgré lui, etc.
Ceux-ci me semblent d'un intérêt
médiocre et, malgré les efforts de quel-
ques bonnes âmes pour réhabiliter la
mémoire de cette intéressante personne
aux dépens de celle de Molière, je ne
pense pas qu'il y ait lieu de faire à Ar-
mande Béjart la moindre place dans le
culte de nos souvenirs.
Mais la Comédie-Française devrait,
ne fût-ce que par une sorte de coquette-
rie, qui aurait son petit côté touchant,
ne pas dédaigner ce détail archaïque et
tâcher de se tenir le plus près possible
d'une tradition qui n'a pas été cultivée
avec assez de soin : quand il s'agit de
Molière, rien ne doit être indifférent.
Je eai--, bien que cette manière de voir
n'est pas celle de M. le préfet de la
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