Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1883-01-05
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 05 janvier 1883 05 janvier 1883
Description : 1883/01/05 (N4683). 1883/01/05 (N4683).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine commune
Description : Collection numérique : La Commune de Paris Collection numérique : La Commune de Paris
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7540542s
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 26/11/2012
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v ADMINISTRATIOH
f3, HUE DE VALOIS. 48
ABONNEMENTS
PARIS
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DEPARTEMENT j
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Trois mois
Six mois.fa 2< Jt
Adresser lettres et majiSats (
(a1 M. ERNEST LEFÈVRB
iADMINISTRAïETO. GÉjBAtîï
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S'adressfer au Secrétaire ae la RéhcHa," - ,
De & à 6 heures du soin
18, RUE DE VALOIS, 1& t
lifis manuscrits non insères ne serontpas renBjQl
ANNONCES
D. Ch. tAGRANGE. CERF et C.
6, plaoe de la Bourse, G
ILLUSIONS RÉACTIONNAIRES
Quand M. Gambetta vivait, il était,
four tous les journaux réactionnaires,le
'danger de la République.
Ce « fou furieux » n'était capable
que de folies. Il avait perdu la France
en prolongeant la guerre ; il perdrait la
République également. A l'intérieur,
c'était lui qui, en disant : le cléricalisme
c'est l'ennemi i et en faisant réclamer par
la Chambre l'exécution de la loi con-
tre les congrégations, avait allumé
dans laine de tous les honnêtes gens
une colère que satisferait à peine l'a-
néantissement de tous les républicains.
A l'extérieur, c'était lui qui était l'in-
quiétude de l'Europe; il personnifiait'la
revanche; il la préparait par de petites
• guerres préalables; il avait essayé de
nous faire battre pour la Grèce; il était
le véritable auteur de l'expédition de
Tunisie; il était en train de nous aven-
turer en Egypte, quand la Chambre lui
avait préféré M. de Freycinet. Qu'il
eût duré, et non-seulement il y aurait
en un soulèvement de toute la France
honnête contre cette République dont
cet ennemi de Dieu était le chef moral,
mais il y aurait eu de plus une coalition
de l'Europe contre cette République
dont le chef moral était une menace
permanente pour la paix. Insurrection
et invasion à la fois ; une seule aurait
suffi. La vie de M. Gambetta, c'était, à
brève échéance, la mort de la Répu-
blique.
Aujourd'hui que M. Gambetta s'en
est allé dans l'inconnu, c'est sa mort
qui est la mort de la République. Sans
celui qui allait infailliblement la tuer
un de ces matins, la République n'a
pas un jour à vivre. Son meurtrier était
nécessaire à son existence.
Dans les derniers temps, les réaction-
naires avaient trouvé mieux contre ce-
lui qu'on va enterrer demain. Il était
au bout de son rôle ; il était fini, usé,
.vidé. Son ministère l'avait tué. Bles-
sé à Belleville, il avait été achevé
à la Chambre. Les journaux hon-
nêtes n'avaient jamais eu d'illusions
sur son compte; quand on leur disait :
grand homme! ils avaient toujours
répondu : fantoche ! On voyait mainte-
nant qu'ils avaient eu bien raison.
Quelques semaines de ministère avaient
été trop pour lui. Il n'avait jamais été
grand'chose. Il n'était plus rien.
Et voici subitement qu'il était tout,
Mirabeau a emporté la monarchie dans
les plis de son suaire. Le « fantoche» em-
porte )a République dans les plis du
sien. JNous avons dit hier que le der-
nier projet de loi qu'il ait signé était un
projet de crémation des morts. Si on le
brûle, sa veuve, la République, se pré-
cipitera sur le bûcher ; si elle hésitait,
les prêtres seraient là, comme au Ma-
labar, pour l'y pousser. Sur le tom-
beau qu'on va ériger au Père-Lachaise,
on mettra cette inscription : - Ci-gît
la démocratie.
A ceux qui publient ces bêtises, il
n'y a qu'une chose à faire : leur faire
relire leurs articles depuis douze ans.
Peine féroce, mais méritée.
Si M. Gambetta était la guerre civile
et la guerre étrangère à brève échéance,
s'il était la fin de la République par
l'insurrection et par l'invasion, sa mort
est donc une double garantie de paix
pour la France et de sécurité pour la
République. Si, depuis sa demi-chute
électorale et sa chute ministérielle,
M. Gambetta n'existait plus morale-
ment, qu'est-ce que sa mort maté-
rielle peut faire à l'état des choses? -
Il est tout simple que des partis qui
depuis tant d'années souffrent de la
faim ne regardent pas à ce qui leur
tombe sous la dent; on a vu des nau-
fragés sucer avec ravissement des se-
melles de bottes. Depuis douze ans les
bonapartistes, les orléanistes depuis
trente-quatre, les. légitimistes depuis
cinquante-deux, se jettent avec une
avidité bien naturelle sur tout ce qui
ressemble de loin à une chance pour
eux. Une mauvaise récolte les ravit ;
une inondation, c'est la royauté ; le
phylloxéra, c'est l'empire.
Il n'y a donc rien de surprenant à ce
qu'ils se soient rués sur le cadavre de
l'ardent patriote et du puissant ora-
teur que la République vient de perdre.
Mais ils s'abusent prodigieusement en
espérant que la balle qui l'a frappé
ricochera sur la République. Nous qui
n'avons jamais surfait M. Gambetta
pendant sa vie, nous ne le déprécierons
certes pas après sa mort. Mais il n'est
pas le premier grand républicain qui
nous quitte. Depuis Ledru-Rollin jus-
qu'à Michelet, depuis Edgar Quinet
jusqu'à Louis Blanc, combien nous en
avons vu partir de vaillants et illustres
serviteurs de la République ! Et la Ré-
publique est restée. Elle est restée
après M. Thiers, elle restera après M.
Gambetta. La force des institutions ac-
tuelles est qu'elles n'ont pas besoin des
individus et qu'elles subsistent par elles-
mêmes. Les plus fiers politiques n'y
sont que des passants ; le pays ne pas-
sant pas personne ne leur manque.
AUGUSTE VACQUERIE.
-
LEÇONS D'HISTOIRE
Il y a un an à peu près à cette même
époque, l'homme qui vient de dispa-
raître et qui a mérité, par un patrio-
tisme d'une admirable énergie, de vivre
dans le souvenir de tous les Français,
était engagé dans une lutte à outrance
contre la maj orité de la Chambre et,
nous le croyons aussi, contre la majo-
rité du pays républicain. Sans revenir
aujourd'hui sur des incidents que cha-
cun de nous a présents à la mémoire,
nous sommes certain de les résumer fi-
dèlement en disant que, d'un côté, il y
avait le pouvoir parlementaire et, de
l'autre, le pouvoir personnel.
Que M. Gambetta, dans ces circon-
stances, n'ait été entraîné par aucune
préoccupation vulgaire, qu'il ait obéi
aux considérations qu'il jugeait les plus
décisives et les plus hautes, on peut le
lui accorder, mais en ajoutant qu'il se
trompait certainement. Il n'y a, en
effet, aucun moyen de servir la Répu-
blique en s'appuyant sur un principe
qui en est la négation la plus évidente,
en s'appuyant sur le pouvoir personnel,
de quelque prestige qu'il soit environ-
né, sous quelques apparences qu'il soit
déguisé. La défaite de M. Gambetta, à
laquelle le pays a d'ailleurs applaudi,
était donc désirable et désirable au plus
haut point.
Mais que voulait dire cet événement,
ce renversement inattendu d'un cabinet
formé depuis quelques semaines? Une
chose, avant tout. C'est que personne,
désormais, pas même un orateur hors
ligne, pas même un politique jouissant
d'une popularité mé ritée, ne pourrait,
fût-ce pour un. temps très court, faire
prédominer sa volonté sur la volonté
de tous, faire échec au pouvoir parle-
mentaire, au profit d'un pouvoir per-
sonnel ?
Ainsi, ni les services passés, ni une
confiance en partie légitime dans les
dons supérieurs de M. Gambetta, dans
sa sincérité, n'ont pu, il y a un an, faire
dévier l'opinion républicaine. M. Gam-
betta a été vaincu, malgré son immense
talent, et le pouvoir personnel a été
vaincu avec lui. Avait-il compris son
erreur? nous l'ignorons, mais, en tout
cas, l'entreprise dans laquelle il a
échoué, nul autre n'est en mesure de la
recommencer. Un seul homme aurait
pu peut-être la tenter de nouveau, pro-
bablement avec le même insuccès :
c'était lui. Et, lorsque cette mort,
brusque et tragique, vient rappeler
à tous des services que, pour no-
tre part, nous n'avions pas oubliés,
et jeter un voile sur des fautes dont
nous aimons mieux ne pas nous souve1-
nir,les royalistes nous disent : —Dans ce
cercueil il n'y a pas que M. Gambetta,
il y a aussi la République. Pauvres
gens ! mais M. Gambetta, plus habile,
plus fort que tous vos hommes d'Etat,
M. Gambetta n'est pas tombé pour
avoir voulu exagérer le principe répu-
blicain; il est tombé pour avoir voulu
imposer — ou parce qu'on a cru qu'il
voulait imposer — à la France une di-
rection qu'elle entendait ne pas accep-
ter. Ce qui disparaît avec lui, ce n'est
donc pas la République, c'est le dernier
vestige , c'est la dernière manifesta-
tion, aujourd'hui possible, du pou-
voir personnel. Après ce lamentable
échec d'un homme qui avait, pour lui,
tant de chances de succès,qui ne se pro-
posait pas d'ailleurs de substituer indé-
finiment ses caprices à la volonté du
pays, mais seulement de faire fléchir un
peu cette volonté, dans un moment
donné, du côté où il croyait voir le sa-
lut, allez donc, royalistes, allez donc
redire au monde que la France revient
à vous et que vous voilà aujourd'hui
plus forts que vous ne l'étiez hier!
Si c'est ainsi que vous comprenez les le-
çons de l'histoire contemporaine, vous
ferez lire de vous.
A. GAULIKR.
»
COULISSES DES CHAMBRES
Durant toute l'après-midi d'hier, la plus
vive animation a régné au palais Bourbon.
Quoique la Chambre ne fût pas en session,
les députés étaient venus en grand nom-
bre pour s'informer des mesures prises
pour les obsèques de M. Gambetta.
C'est à la Chambre qu'on a réglé hier
toutes les dispositions à prendre pour or-
ganiser ces grandes funérailles.
Le ministre de l'intérieur et son sous-
secrétaire d'Etat, le préfet de police, les
questeurs de la Chambre et les amis de
M. Gambetta chargés de cette douloureuse
mission, se sont concertés. D'abord on a
décidé, pour permettre à toutes les délé-
gations de province dont la venue à Paris
est annoncée d'arriver à temps, de reculer
jusqu'à après-demain samedi le jour des
obsèques. Ensuite on a décidé qu'elles
commenceraient à 10 heures du matin;
sans quoi, la longueur du cortège et la
lenteur de la marche, retarderaient l'inhu-
mation jusqu'à la nuit.
Le corps a été ramené hier soir de Ville-
d'Avray à Paris, dans un fourgon des pom-
pes funèbres pour être placé sur un splen-
didè catafalque, au milieu de la salle des
fêtes de la présidence. M. Brisson a offert
avec empressement cette salle pour cette
destination funèbre. Durant toute l'après-
midi d'hier, les employés des pompes fu-
nèbres ont procédé à l'aménagement de
cette salle. Qh ad4in6nagé les grands vases
¡,de Sèvres, les lùstte énormes et les meu-
bles de prix qui l'ornent habituellement.
Les murs et le plafond ont été tendus
d'immenses draperies noires lamées d'ar-
gent et l'on a dressé au milieu le catafal-
que sur lequel le cercueil va reposer du-
rant deux jours. En attendant que les
travaux soient terminés, le cercueil a été
placé cette nuit dans un petit salon où
une escouade de garçons de la Chambre a
veillé le corps.
Ce matin le catafalque sera monté et le
public sera admis, à partir de midi, à le
visiter. La visite sera interrompue à la
nuit et reprise durant toute l'après-midi
de demain vendredi.
- Des mesures d'ordre particulières ont
été prises pour le jour des obsèques : le
corps diplomatique et les grands corps de
l'Etat se grouperont dans les salons de la
présidence, mis à leur disposition par
M. Brisson. Les associations et délégations
de toute espèce, de Paris ou de la pro-
vince, se grouperont sur l'esplanade des
Invalides.
L'accès du palais Bourbon et des abords
de ce monument sera interdit pendant
les obsèques au public. Le cortège défilera
par le pont et la place de la Concorde, la
rue Royale et les grands boulevards jus-
qu'au cimetière du Père-Lachaise, où aura
lieu l'inhumation provisoire de l'illustre
défunt dans le caveau de la ville de Paris.
On n'est pas encore fixé sur le lieu où aura
lieu l'inhumation définitive; M. Gambetta
père, en effet, insiste pour que le corps de
son fils repose à Nice, dans le caveau de
famille où est déjà inhumée la mère du
grand orateur et que celui-ci avait fait éle-
ver lui-même.
Rien n'est encore décidé au sujet des
discours qui seront prononcés sur la
tombe du député de Paris; toutes les in-
dications données jusqu'ici sont erronées.
C'est le gouvernement qui, ordonnateur
exclusif de la cérémonie, s'est réservé le
droit absolu de prendre les décisions défi-
nitives à cet égard.
Le conseil des ministres se réunit ce
matin même à l'Elysée pour arrêter ses
impositions.
- Toutefois, nous croyons pouvoir dire
que l'idée qui domine est de limiter stric-
tement le nombre des discours et de le
réduire à quatre, si c'est possible.
Il y aurait un discours au nom de la
Chambre des députés, un au nom du gou-
vernement actuel, un au nom du gouver-
nement de la Défense nationale et un au
nom de l'ordre des avocats. Selon toutes
probabilités, le premier sera prononcé par
M. Brisson, le second par M. Faillières, le
troisième par M. Jules Ferry et le dernier
par le bâtonnier ou un ancien bâtonnier.
Les députés républicains sans distinc-
tion de groupes sont convoqués à une
réunion plénière qui aura lieu aujourd'hui
à 3 heures, au palais Bourbon, pour aviser
aux mesures à prendre au sujet des obsè-
ques de M. Gambetta.
LA GRATUITE MUNICIPALE
Continuons l'étude du rapport de M. de
Marcère. La commission municipale, qui
admet la publicité des séances, maintient
par contre, pour les officiers et conseillers
municipaux, le principe de la gratuité.
Elle estime que l'élu est suffisamment payé
de sa peine et de son temps par l'honneur
que lui font ses compatriotes en le dési-
gnant.
Drôle de raisonnement. S'il est glorieux
d'être conseiller municipal, adjoint ou
maire de sa commune, le titre de député,
de sénateur est plus flatteur encore. Et
cependant ceux-là mômes qni se pronon-
cent avec tant d'énergie en faveur de la
gratuité du mandat municipal ne font
aucune difficulté de toucher chaque mois
leur indemnité parlementaire, pensant
avec raison qu'on ne vit pas d'honneurs et
qu'il faut, pour payer ses fournisseurs,
autre chose que de la notoriété.
Mais, nous dit le rapport, « entre les
fonctions de l'Etat, à quelque ordre
qu'elles appartiennent, déléguées ou élec-
tives, et les services rendus par les mu-
nicipalités, il n'y a aucune assimilation à
établir. » L'assimilation est telle, au con-
traire, qu'on peut regarder la commune
comme un Etat en raccourci, l'Etat comme
une commune agrandie. La commune,
ainsi que l'Etat, a sa représentation, son
pouvoir exécutif, son parlement et son
président. Pourquoi, si un Français peut
légitimement émarger au budget de la
France, est-il interdit à un Marseillais
d'émarger au budget de Marseille, à un
Parisien d'émarger au budget de Paris? Le
temps n'a-t-il pas son prix dans le Midi
comme dans le Nord, au pavillon de Flore
comme au Luxembourg ou au palais
Bourbon ?
C'est que l'administration des commu-
nes doit être une « école de la vie publi-
que M, et quelle est la qualité civique par
excellence? « le désintéressement ». Je ne
vois pas bien la nécessité d'enseigner aux
hommes publics, à leur entrée dans la
carrière, une vertu qu'on les met en droit
d'oublier une fois montés en grade. Ce
que le suffrage universel peut et doit exi-
ger de ses mandataires, ce n'est pas une
abnégation héroïque, qui dans bien des
cas ne serait qu'un égoïsme raffiné, c'est
de l'intelligence et de l'intégrité.
Le médecin vit de ses malades et l'écri-
vain de ses lecteurs; l'argent qu'ils ga-
gnent n'enlève rien à leur mérite ni à
leur dévouement. Quand nous avons ges
intérêts personnels à défendre, nous allons
chez l'avocat qui nous paraît le plus ha-
bile, non chez celui qui plaide au rabais.
La question n'est pas de savoir si
les communes trouveront des gens dispo-
sés à gérer pour rien leurs affaires : leur
dignité leur interdit d'accepter ce sacrifice.
Elles payent les gardes champêtres qui
veillent à la sécurité de leurs chemins;
elles doivent une indemnité aux conseils
qui débrouillent leurs budgets. Les ser-
vices s'échangent contre les services, et
l'humiliation est presque égale pour la dé-
mocratie de demander crédit à qui l'oblige
et de faire banqueroute à ses engagements.
FRFDÉRIC MONTARGIS.
LES ON-DIT
':' - '- - ,r.-.--
La mode de s'envoyer au jour de l'an
des petits cartons appelés cartes de visite
est loin de disparaître si nous en croyons
la statistique dressée par le ministère des
postes.
Lundi soir, 1er janvier, l'augmentation
de cette année était déjà de 713 mille
cartes.
«
o.
Voulez-vous savoir comment les JapÕ
nais se souhaitent la bonne année , en
famille ?
Voici à quelle étiquette s'astreignent les
familles japonaises.
Dès le matin, la famille entière revêt ses
habits de fête, et les félicitations commen-
cent. L'épouse a déposé sur les nattes du
salon les étrennes qu'elle offre à son mari.
Aussitôt qu'il se présente, elle se prosterne
à trois reprises, puis, se relevant à demi,
elle lui adresse son compliment, le corps
penché en avant et appuyé surles poignets
et sur les paumes de ses mains, dont les
doigts restent allongés dans la direction
des genoux.
La pose n'est pas des plus gracieuses,
mais ainsi le veut la civilité japonaise.
L'époux, de son côté, s'accroupit en
face de sa compagne, les mains pendantes
sur les genoux, jusqu'à toucher du bout
de ses doigts le sol, inclinant légèrement
la tête comme pour prêter d'autant mieux
l'oreille. Il témoigne de temps en temps
son approbation par quelques sons guttu-
raux entrecoupés d'un long soupir ou
d'un sifflement étouffé.
Madame ayant fini, à son tour il prend
la parole, et de part et d'autre on échange
solennellement les cadeaux. Vient ensuite
le tour des enfants, puis celui des grands
parents. Enfin, l'on déjeune en commun,
et le reste de la matinée se passe à rece-
voir et à faire des visites.
C
ce
A propres de la neuvainede sainte Gene-
viève, qui a lieu en ce moment à Saint-
Etienne-du-Mont, rappelons un souvenir.
C'est pendant cette neuvaine que le prê-
tre Verger tua d'un coup de couteau l'ar-
chevêque de Paris Sibour.
*
? ?
Les pauvres lapins et les infortunés per-
dreaux qui vivent dans des transes effroya
bles depuis que les vaillants chasseurs
leur font la guerre, vont pouvoir bientôt
dormir tranquilles, s'ils échappent à la
mort, car on annonce la fermeture de la
chasse pour le dimanche 21 janvier.
S
00
La question du bœuf gras préoccupa
beaucoup de Parisiens, et notamment le
syndicat de la boucherie.
La population parisienne ne déteste pas
les spectacles, les promenades dans les
rues, et pour ma part je ne verrais aucun
inconvénient à ce qu'on ressuscitât cette
fête populaire qui ne fait de mal à per-
sonne, — qu'au bœuf, qui aimerait mieux,
sans doute, qu'on le promenât un peu
moins.
Une commission est chargée de deman- -
der le concours de l'administration pour
rétablir dans des conditions nouvelles et
permanentes la traditionnelle promenade
du bœuf gras.
.110
00
Hier, à l'Académie des sciences, M. Ro-
land a été élu vice-président par 35 voix
contre 7 données à M. Dupuy de Lôme et
6 à M. Philips.
Le bureau est composé de MM. Em.
Blanchard, président; Roland, vice-prési-
dent; Bertrand et J.-B. Dumas, secrétaires
perpétuels.
La commission administrative est com-
posée de MM. A. Milne Edwards et Bec-
querel.
9
« fit
Dans sa dernière séance, l'Académie des
inscriptions et belles-lettres a nommé la
commission du prix Gobert pour 1883.
Peuilleton du RAPPEL
DU 5 JANVIER
t Il —^——
69
LA .PATTE
TROISIÈME PARTIE
r.
VI
r
Malgré l'envie qu'il avait de rester près
ûePauicLtc, Badtche avait été obligé de
sortir.
Pour le déjeuner dont il avait combiné
le menu, il ne trouverait pas ses approvi-
sionnements dans le quartier. Il lui fau-
drait descendre à Paris; et peut-être
même aller jusqu'à la Bastille. Il connais-
sait là un fruitier qui recevait tous les
jours ses champignons, venant des car-
Traduclion interdite. — Reproduction auto-
risée pour les journaux qui ont un traité avec
Ja Société des gens de lettres, mais seulement
après la fin de la publication en feuilleton
dans le Hvppct.
VúÍr le fic/jipéfda 19& janvier
rières de Montreuil directement ; et, pour
sa sole au gratin, il n'admettait pas des
champignons cueillis de la veille. Si pour
avoir du raisin frais, il fallait aller jusqu'à
la Halle, il irait. C'était bien mieux que le
retour de l'enfant prodigue, c'était celui
de l'enfant perdue.
Et pendant ce temps, Paulette restée
seule avec son père qui travaillait active-
ment, ne levant les yeux que de temps en
temps pour la regarder, pour l'admirer,
lui avait raconté son existence à..pellag-
gio. Non celle de ses premières années,
car il ne l'avait interrogée là-dessus que
prudemment, de peur d'entendre pronon-
cer un nom qui lui faisait horreur; mais
celle qui avait commencé quand on l'avait
placée chez cette ancienne servante.
Et avec détails cette fois, Paulette avait
repris son récit, disant tout ce que ses
souvenirs d'enfant lui rappelaient.
Malheureusement, Cintrat poussant à
l'extrême la théorie de son talent, qui était
que l'artiste doit être l'homme de son
temps, n'avait jamais daigné faire un
voyage en Italie, — pour lui, la terre des
morts. Il ne connaissait donc ni Bellag-
gio, ni le lac de Côme, et ce n'était qu'avec
peine qu'il pouvait la voir dans ce récit,
où le milieu et le cadre lui manquaient à
chaque instant, car elle ne s'attardait pas
aux descriptions, cette enfant, ne disant
un mot des maison?* des arbres, du ciel,
des montagnes ou des eaux que lorsque
cela était indispensable, et encore briève-
ment.
— Quand j'ai quitté la villa pour aller
chez Theresila Vedano.
— Quelle villa? Où était-elle, cette villa?
comment était-elle?
— A Bellaggio, au bord du lac, en face
Cadenabbia, un peu après la villa Melzi.
C'était très joli. Il y avait de grands jar-
dins tout pleins de fleurs au printemps,
des azalées et des camélias; en été, d'o-
rangers ; et puis beaucoup de beaux ar-
bres, que les étrangers venaient voir le
jeudi et le dimanche, payant même un
franc pour cela. Mais ce que j'aimais en-
core mieux que le jardin, c'était un petit
bateau à vapeur sur lequel nous nous pro-
menions les soirs d'été, allant quelquefois
jusqu'à Colico, Como ou Lecco. Nous
avions aussi des chevaux et des voitures.
— Combien es-tu restée de-temps dans
cette villa?
— Je ne sais pas ; l'hiver nous allions à
Naples ou à Palerme, et celu me trompe.
Puis comme s'il lui en coûtait de parler
de ce temps, elle revint au moment où
elle s'était installée chez Theresita Vedano,
alors elle parla plus librement, et avec
plus do détails : — et de la vieille maison
sombre ; — et de la rue en escaliers où
elle se trouvait; — et de la fontaine auteur
de laquelle jouaient les enfants. Mais elle
n'avait pas longtemps joué; il avait fallu
travailler. Dans l'été cela n'était pas bien
dur, on avait encore le temps de jouer en at-
tendant les étrangers au débarcadère des
bateaux à vapeur, ou aux portes des villas.
Mais ce qui avait été dur pour elle et lui
avait mis les larmes aux yeux, c'avait été
quand, la première fois, elle avait conduit
des étrangers à la villa qu'elle avait habi-
tée, et qu'elle était restée à la porte. Ce
n'était pas pour la villa, elle la connaissait
bien. Mais c'était parce que les autres qui
attendaient à la porte se moquaient d'elle.
Et puis aussi t'était parce que.
Sur ce mot, elle s'était tue, et Cintrat
n'avait pas insisté, comprenant ce qu'elle
voulait dire et ce que, pir une délicatesse
instinctive, elle retenait, sentant bien, sa-
chant peut-être qu'elle ne devait pas parler
de sa mère. A coup sùr, ce ne serait pas
lui qui en parlerait le premier. Que ne
pouvait-il lui faire oublier qu'elle avait eu,
qu'elle avait une mère ? Que s'était-il
passé dans cette âme d'enfant qui savait
qu'elle avait un père, et qui voyait sa
mère courir le monde, s'amuser et bril-
ler à côté d'un homme riche, qui vi-
vait en mari avec elle sans être son
mari? Qu'avait-elle compris? Comment
aussi s'était-elle expliqué son enlèvement?
Il y avait là des points qu'il valait mieux
ne pas éclaircir. Pour lui l'essentiel était
que danj^sa conscience enfantine elle n'efyt
..rw-:jO,;- ':..:.
point condamné son père, puisqu'elle n'a-
vait pas cessé de penser à lui tendrement,
et que pour le rejoindre elle avait accompli
l'impossible. Les choses étant ainsi, rien
n'était perdu, et s'il est vrai que notre
vie soit faite pour beaucoup par les le-
çons et les impressions de la jeunesse,
c'était à lui d'effacer maintenant celles
qu'elle avait reçues dans son enfance et
qui avaient pu troubler son œuvre. Cela
lui traçait son devoir et sa route. Si
l'exemple donné par la mère avait été
mauvais, celui que donnerait le père de-
vait être bon. Elle n'était pas la fille, que
de sa mère, elle l'était aussi de son père,
Dieu merci, et même plus de celui-ci que
de celle-là, sûrement.
Comme il suivait cette pensée pendant
qu'elle continuait son récit, il posa tout à
coup sa pointe sur la table et prenant
Paulette par la main il l'amena, sans
qu'elle comprît ce qu'il voulait, devant un
vieux miroir accroché au mur.
— Regarde-toi dans cette glace, dit-il,
les yeux dans les yeux.
Et se baissant de façon à mettre au
même niveau leurs deux têtes sur le même
plan et se touchant, il se regarda comme
il lui avait recommandé de se regarder
elle-même, cherchant les points de res-
semblance qu'il pouvait y avoir entre
eux.
Ils 'étaient nombreux; c'était .bien 1$
même type brun au visage tranquille et
placide, aux yeux larges, au nez droit, à
la carnation sanguine. En elle rien de la
nature blonde de sa mère, rien qui rap-
pelât le nez aquilin de celle-ci, ni sa fraî-
cheur lactée, ni son sourire aux dents
pointues. En tout la fille du père; heureu-
sement, c'était bien sa fille.
Au moment où ils étaient ainsi devant
le miroir, la porte s'ouvrit et Badiche en-
tra suivi de Barbouillou qui ne manquait
jamais l'occasion d'une promenade. - -
— Que diable faites-vous là? s'écria Ba<
diche étonné; tu n'as donc pas vu tout de
suite que Paulette était ton portrait, au..
tant qu'une belle petite fille qui a la fleur
de jeunesse sur les joues peut être le por-
trait d'un.
Il hésita un moment :
— D'un vieux à cheveux blancs, acheva
Cintrât.
gECTOa MALOT.
- (À suty&
~V - **', «rr t'&We&ûï-Z li' 5' îknvïer 1S&3 : • - ]Le ntyir.., r ,,« - J)épâi4«iûents s f S? c. <; ■ - ; le Nivôse an 31 4883
v ADMINISTRATIOH
f3, HUE DE VALOIS. 48
ABONNEMENTS
PARIS
■ S'roîs mois. 10 1)
;.!O »
DEPARTEMENT j
T.. JÎ: 'l,;.
Trois mois
Six mois.fa 2< Jt
Adresser lettres et majiSats (
(a1 M. ERNEST LEFÈVRB
iADMINISTRAïETO. GÉjBAtîï
- ;. - ., .- , , - .,
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," BEDACTIOH ,." ,-
S'adressfer au Secrétaire ae la RéhcHa," - ,
De & à 6 heures du soin
18, RUE DE VALOIS, 1& t
lifis manuscrits non insères ne serontpas renBjQl
ANNONCES
D. Ch. tAGRANGE. CERF et C.
6, plaoe de la Bourse, G
ILLUSIONS RÉACTIONNAIRES
Quand M. Gambetta vivait, il était,
four tous les journaux réactionnaires,le
'danger de la République.
Ce « fou furieux » n'était capable
que de folies. Il avait perdu la France
en prolongeant la guerre ; il perdrait la
République également. A l'intérieur,
c'était lui qui, en disant : le cléricalisme
c'est l'ennemi i et en faisant réclamer par
la Chambre l'exécution de la loi con-
tre les congrégations, avait allumé
dans laine de tous les honnêtes gens
une colère que satisferait à peine l'a-
néantissement de tous les républicains.
A l'extérieur, c'était lui qui était l'in-
quiétude de l'Europe; il personnifiait'la
revanche; il la préparait par de petites
• guerres préalables; il avait essayé de
nous faire battre pour la Grèce; il était
le véritable auteur de l'expédition de
Tunisie; il était en train de nous aven-
turer en Egypte, quand la Chambre lui
avait préféré M. de Freycinet. Qu'il
eût duré, et non-seulement il y aurait
en un soulèvement de toute la France
honnête contre cette République dont
cet ennemi de Dieu était le chef moral,
mais il y aurait eu de plus une coalition
de l'Europe contre cette République
dont le chef moral était une menace
permanente pour la paix. Insurrection
et invasion à la fois ; une seule aurait
suffi. La vie de M. Gambetta, c'était, à
brève échéance, la mort de la Répu-
blique.
Aujourd'hui que M. Gambetta s'en
est allé dans l'inconnu, c'est sa mort
qui est la mort de la République. Sans
celui qui allait infailliblement la tuer
un de ces matins, la République n'a
pas un jour à vivre. Son meurtrier était
nécessaire à son existence.
Dans les derniers temps, les réaction-
naires avaient trouvé mieux contre ce-
lui qu'on va enterrer demain. Il était
au bout de son rôle ; il était fini, usé,
.vidé. Son ministère l'avait tué. Bles-
sé à Belleville, il avait été achevé
à la Chambre. Les journaux hon-
nêtes n'avaient jamais eu d'illusions
sur son compte; quand on leur disait :
grand homme! ils avaient toujours
répondu : fantoche ! On voyait mainte-
nant qu'ils avaient eu bien raison.
Quelques semaines de ministère avaient
été trop pour lui. Il n'avait jamais été
grand'chose. Il n'était plus rien.
Et voici subitement qu'il était tout,
Mirabeau a emporté la monarchie dans
les plis de son suaire. Le « fantoche» em-
porte )a République dans les plis du
sien. JNous avons dit hier que le der-
nier projet de loi qu'il ait signé était un
projet de crémation des morts. Si on le
brûle, sa veuve, la République, se pré-
cipitera sur le bûcher ; si elle hésitait,
les prêtres seraient là, comme au Ma-
labar, pour l'y pousser. Sur le tom-
beau qu'on va ériger au Père-Lachaise,
on mettra cette inscription : - Ci-gît
la démocratie.
A ceux qui publient ces bêtises, il
n'y a qu'une chose à faire : leur faire
relire leurs articles depuis douze ans.
Peine féroce, mais méritée.
Si M. Gambetta était la guerre civile
et la guerre étrangère à brève échéance,
s'il était la fin de la République par
l'insurrection et par l'invasion, sa mort
est donc une double garantie de paix
pour la France et de sécurité pour la
République. Si, depuis sa demi-chute
électorale et sa chute ministérielle,
M. Gambetta n'existait plus morale-
ment, qu'est-ce que sa mort maté-
rielle peut faire à l'état des choses? -
Il est tout simple que des partis qui
depuis tant d'années souffrent de la
faim ne regardent pas à ce qui leur
tombe sous la dent; on a vu des nau-
fragés sucer avec ravissement des se-
melles de bottes. Depuis douze ans les
bonapartistes, les orléanistes depuis
trente-quatre, les. légitimistes depuis
cinquante-deux, se jettent avec une
avidité bien naturelle sur tout ce qui
ressemble de loin à une chance pour
eux. Une mauvaise récolte les ravit ;
une inondation, c'est la royauté ; le
phylloxéra, c'est l'empire.
Il n'y a donc rien de surprenant à ce
qu'ils se soient rués sur le cadavre de
l'ardent patriote et du puissant ora-
teur que la République vient de perdre.
Mais ils s'abusent prodigieusement en
espérant que la balle qui l'a frappé
ricochera sur la République. Nous qui
n'avons jamais surfait M. Gambetta
pendant sa vie, nous ne le déprécierons
certes pas après sa mort. Mais il n'est
pas le premier grand républicain qui
nous quitte. Depuis Ledru-Rollin jus-
qu'à Michelet, depuis Edgar Quinet
jusqu'à Louis Blanc, combien nous en
avons vu partir de vaillants et illustres
serviteurs de la République ! Et la Ré-
publique est restée. Elle est restée
après M. Thiers, elle restera après M.
Gambetta. La force des institutions ac-
tuelles est qu'elles n'ont pas besoin des
individus et qu'elles subsistent par elles-
mêmes. Les plus fiers politiques n'y
sont que des passants ; le pays ne pas-
sant pas personne ne leur manque.
AUGUSTE VACQUERIE.
-
LEÇONS D'HISTOIRE
Il y a un an à peu près à cette même
époque, l'homme qui vient de dispa-
raître et qui a mérité, par un patrio-
tisme d'une admirable énergie, de vivre
dans le souvenir de tous les Français,
était engagé dans une lutte à outrance
contre la maj orité de la Chambre et,
nous le croyons aussi, contre la majo-
rité du pays républicain. Sans revenir
aujourd'hui sur des incidents que cha-
cun de nous a présents à la mémoire,
nous sommes certain de les résumer fi-
dèlement en disant que, d'un côté, il y
avait le pouvoir parlementaire et, de
l'autre, le pouvoir personnel.
Que M. Gambetta, dans ces circon-
stances, n'ait été entraîné par aucune
préoccupation vulgaire, qu'il ait obéi
aux considérations qu'il jugeait les plus
décisives et les plus hautes, on peut le
lui accorder, mais en ajoutant qu'il se
trompait certainement. Il n'y a, en
effet, aucun moyen de servir la Répu-
blique en s'appuyant sur un principe
qui en est la négation la plus évidente,
en s'appuyant sur le pouvoir personnel,
de quelque prestige qu'il soit environ-
né, sous quelques apparences qu'il soit
déguisé. La défaite de M. Gambetta, à
laquelle le pays a d'ailleurs applaudi,
était donc désirable et désirable au plus
haut point.
Mais que voulait dire cet événement,
ce renversement inattendu d'un cabinet
formé depuis quelques semaines? Une
chose, avant tout. C'est que personne,
désormais, pas même un orateur hors
ligne, pas même un politique jouissant
d'une popularité mé ritée, ne pourrait,
fût-ce pour un. temps très court, faire
prédominer sa volonté sur la volonté
de tous, faire échec au pouvoir parle-
mentaire, au profit d'un pouvoir per-
sonnel ?
Ainsi, ni les services passés, ni une
confiance en partie légitime dans les
dons supérieurs de M. Gambetta, dans
sa sincérité, n'ont pu, il y a un an, faire
dévier l'opinion républicaine. M. Gam-
betta a été vaincu, malgré son immense
talent, et le pouvoir personnel a été
vaincu avec lui. Avait-il compris son
erreur? nous l'ignorons, mais, en tout
cas, l'entreprise dans laquelle il a
échoué, nul autre n'est en mesure de la
recommencer. Un seul homme aurait
pu peut-être la tenter de nouveau, pro-
bablement avec le même insuccès :
c'était lui. Et, lorsque cette mort,
brusque et tragique, vient rappeler
à tous des services que, pour no-
tre part, nous n'avions pas oubliés,
et jeter un voile sur des fautes dont
nous aimons mieux ne pas nous souve1-
nir,les royalistes nous disent : —Dans ce
cercueil il n'y a pas que M. Gambetta,
il y a aussi la République. Pauvres
gens ! mais M. Gambetta, plus habile,
plus fort que tous vos hommes d'Etat,
M. Gambetta n'est pas tombé pour
avoir voulu exagérer le principe répu-
blicain; il est tombé pour avoir voulu
imposer — ou parce qu'on a cru qu'il
voulait imposer — à la France une di-
rection qu'elle entendait ne pas accep-
ter. Ce qui disparaît avec lui, ce n'est
donc pas la République, c'est le dernier
vestige , c'est la dernière manifesta-
tion, aujourd'hui possible, du pou-
voir personnel. Après ce lamentable
échec d'un homme qui avait, pour lui,
tant de chances de succès,qui ne se pro-
posait pas d'ailleurs de substituer indé-
finiment ses caprices à la volonté du
pays, mais seulement de faire fléchir un
peu cette volonté, dans un moment
donné, du côté où il croyait voir le sa-
lut, allez donc, royalistes, allez donc
redire au monde que la France revient
à vous et que vous voilà aujourd'hui
plus forts que vous ne l'étiez hier!
Si c'est ainsi que vous comprenez les le-
çons de l'histoire contemporaine, vous
ferez lire de vous.
A. GAULIKR.
»
COULISSES DES CHAMBRES
Durant toute l'après-midi d'hier, la plus
vive animation a régné au palais Bourbon.
Quoique la Chambre ne fût pas en session,
les députés étaient venus en grand nom-
bre pour s'informer des mesures prises
pour les obsèques de M. Gambetta.
C'est à la Chambre qu'on a réglé hier
toutes les dispositions à prendre pour or-
ganiser ces grandes funérailles.
Le ministre de l'intérieur et son sous-
secrétaire d'Etat, le préfet de police, les
questeurs de la Chambre et les amis de
M. Gambetta chargés de cette douloureuse
mission, se sont concertés. D'abord on a
décidé, pour permettre à toutes les délé-
gations de province dont la venue à Paris
est annoncée d'arriver à temps, de reculer
jusqu'à après-demain samedi le jour des
obsèques. Ensuite on a décidé qu'elles
commenceraient à 10 heures du matin;
sans quoi, la longueur du cortège et la
lenteur de la marche, retarderaient l'inhu-
mation jusqu'à la nuit.
Le corps a été ramené hier soir de Ville-
d'Avray à Paris, dans un fourgon des pom-
pes funèbres pour être placé sur un splen-
didè catafalque, au milieu de la salle des
fêtes de la présidence. M. Brisson a offert
avec empressement cette salle pour cette
destination funèbre. Durant toute l'après-
midi d'hier, les employés des pompes fu-
nèbres ont procédé à l'aménagement de
cette salle. Qh ad4in6nagé les grands vases
¡,de Sèvres, les lùstte énormes et les meu-
bles de prix qui l'ornent habituellement.
Les murs et le plafond ont été tendus
d'immenses draperies noires lamées d'ar-
gent et l'on a dressé au milieu le catafal-
que sur lequel le cercueil va reposer du-
rant deux jours. En attendant que les
travaux soient terminés, le cercueil a été
placé cette nuit dans un petit salon où
une escouade de garçons de la Chambre a
veillé le corps.
Ce matin le catafalque sera monté et le
public sera admis, à partir de midi, à le
visiter. La visite sera interrompue à la
nuit et reprise durant toute l'après-midi
de demain vendredi.
- Des mesures d'ordre particulières ont
été prises pour le jour des obsèques : le
corps diplomatique et les grands corps de
l'Etat se grouperont dans les salons de la
présidence, mis à leur disposition par
M. Brisson. Les associations et délégations
de toute espèce, de Paris ou de la pro-
vince, se grouperont sur l'esplanade des
Invalides.
L'accès du palais Bourbon et des abords
de ce monument sera interdit pendant
les obsèques au public. Le cortège défilera
par le pont et la place de la Concorde, la
rue Royale et les grands boulevards jus-
qu'au cimetière du Père-Lachaise, où aura
lieu l'inhumation provisoire de l'illustre
défunt dans le caveau de la ville de Paris.
On n'est pas encore fixé sur le lieu où aura
lieu l'inhumation définitive; M. Gambetta
père, en effet, insiste pour que le corps de
son fils repose à Nice, dans le caveau de
famille où est déjà inhumée la mère du
grand orateur et que celui-ci avait fait éle-
ver lui-même.
Rien n'est encore décidé au sujet des
discours qui seront prononcés sur la
tombe du député de Paris; toutes les in-
dications données jusqu'ici sont erronées.
C'est le gouvernement qui, ordonnateur
exclusif de la cérémonie, s'est réservé le
droit absolu de prendre les décisions défi-
nitives à cet égard.
Le conseil des ministres se réunit ce
matin même à l'Elysée pour arrêter ses
impositions.
- Toutefois, nous croyons pouvoir dire
que l'idée qui domine est de limiter stric-
tement le nombre des discours et de le
réduire à quatre, si c'est possible.
Il y aurait un discours au nom de la
Chambre des députés, un au nom du gou-
vernement actuel, un au nom du gouver-
nement de la Défense nationale et un au
nom de l'ordre des avocats. Selon toutes
probabilités, le premier sera prononcé par
M. Brisson, le second par M. Faillières, le
troisième par M. Jules Ferry et le dernier
par le bâtonnier ou un ancien bâtonnier.
Les députés républicains sans distinc-
tion de groupes sont convoqués à une
réunion plénière qui aura lieu aujourd'hui
à 3 heures, au palais Bourbon, pour aviser
aux mesures à prendre au sujet des obsè-
ques de M. Gambetta.
LA GRATUITE MUNICIPALE
Continuons l'étude du rapport de M. de
Marcère. La commission municipale, qui
admet la publicité des séances, maintient
par contre, pour les officiers et conseillers
municipaux, le principe de la gratuité.
Elle estime que l'élu est suffisamment payé
de sa peine et de son temps par l'honneur
que lui font ses compatriotes en le dési-
gnant.
Drôle de raisonnement. S'il est glorieux
d'être conseiller municipal, adjoint ou
maire de sa commune, le titre de député,
de sénateur est plus flatteur encore. Et
cependant ceux-là mômes qni se pronon-
cent avec tant d'énergie en faveur de la
gratuité du mandat municipal ne font
aucune difficulté de toucher chaque mois
leur indemnité parlementaire, pensant
avec raison qu'on ne vit pas d'honneurs et
qu'il faut, pour payer ses fournisseurs,
autre chose que de la notoriété.
Mais, nous dit le rapport, « entre les
fonctions de l'Etat, à quelque ordre
qu'elles appartiennent, déléguées ou élec-
tives, et les services rendus par les mu-
nicipalités, il n'y a aucune assimilation à
établir. » L'assimilation est telle, au con-
traire, qu'on peut regarder la commune
comme un Etat en raccourci, l'Etat comme
une commune agrandie. La commune,
ainsi que l'Etat, a sa représentation, son
pouvoir exécutif, son parlement et son
président. Pourquoi, si un Français peut
légitimement émarger au budget de la
France, est-il interdit à un Marseillais
d'émarger au budget de Marseille, à un
Parisien d'émarger au budget de Paris? Le
temps n'a-t-il pas son prix dans le Midi
comme dans le Nord, au pavillon de Flore
comme au Luxembourg ou au palais
Bourbon ?
C'est que l'administration des commu-
nes doit être une « école de la vie publi-
que M, et quelle est la qualité civique par
excellence? « le désintéressement ». Je ne
vois pas bien la nécessité d'enseigner aux
hommes publics, à leur entrée dans la
carrière, une vertu qu'on les met en droit
d'oublier une fois montés en grade. Ce
que le suffrage universel peut et doit exi-
ger de ses mandataires, ce n'est pas une
abnégation héroïque, qui dans bien des
cas ne serait qu'un égoïsme raffiné, c'est
de l'intelligence et de l'intégrité.
Le médecin vit de ses malades et l'écri-
vain de ses lecteurs; l'argent qu'ils ga-
gnent n'enlève rien à leur mérite ni à
leur dévouement. Quand nous avons ges
intérêts personnels à défendre, nous allons
chez l'avocat qui nous paraît le plus ha-
bile, non chez celui qui plaide au rabais.
La question n'est pas de savoir si
les communes trouveront des gens dispo-
sés à gérer pour rien leurs affaires : leur
dignité leur interdit d'accepter ce sacrifice.
Elles payent les gardes champêtres qui
veillent à la sécurité de leurs chemins;
elles doivent une indemnité aux conseils
qui débrouillent leurs budgets. Les ser-
vices s'échangent contre les services, et
l'humiliation est presque égale pour la dé-
mocratie de demander crédit à qui l'oblige
et de faire banqueroute à ses engagements.
FRFDÉRIC MONTARGIS.
LES ON-DIT
':' - '- - ,r.-.--
La mode de s'envoyer au jour de l'an
des petits cartons appelés cartes de visite
est loin de disparaître si nous en croyons
la statistique dressée par le ministère des
postes.
Lundi soir, 1er janvier, l'augmentation
de cette année était déjà de 713 mille
cartes.
«
o.
Voulez-vous savoir comment les JapÕ
nais se souhaitent la bonne année , en
famille ?
Voici à quelle étiquette s'astreignent les
familles japonaises.
Dès le matin, la famille entière revêt ses
habits de fête, et les félicitations commen-
cent. L'épouse a déposé sur les nattes du
salon les étrennes qu'elle offre à son mari.
Aussitôt qu'il se présente, elle se prosterne
à trois reprises, puis, se relevant à demi,
elle lui adresse son compliment, le corps
penché en avant et appuyé surles poignets
et sur les paumes de ses mains, dont les
doigts restent allongés dans la direction
des genoux.
La pose n'est pas des plus gracieuses,
mais ainsi le veut la civilité japonaise.
L'époux, de son côté, s'accroupit en
face de sa compagne, les mains pendantes
sur les genoux, jusqu'à toucher du bout
de ses doigts le sol, inclinant légèrement
la tête comme pour prêter d'autant mieux
l'oreille. Il témoigne de temps en temps
son approbation par quelques sons guttu-
raux entrecoupés d'un long soupir ou
d'un sifflement étouffé.
Madame ayant fini, à son tour il prend
la parole, et de part et d'autre on échange
solennellement les cadeaux. Vient ensuite
le tour des enfants, puis celui des grands
parents. Enfin, l'on déjeune en commun,
et le reste de la matinée se passe à rece-
voir et à faire des visites.
C
ce
A propres de la neuvainede sainte Gene-
viève, qui a lieu en ce moment à Saint-
Etienne-du-Mont, rappelons un souvenir.
C'est pendant cette neuvaine que le prê-
tre Verger tua d'un coup de couteau l'ar-
chevêque de Paris Sibour.
*
? ?
Les pauvres lapins et les infortunés per-
dreaux qui vivent dans des transes effroya
bles depuis que les vaillants chasseurs
leur font la guerre, vont pouvoir bientôt
dormir tranquilles, s'ils échappent à la
mort, car on annonce la fermeture de la
chasse pour le dimanche 21 janvier.
S
00
La question du bœuf gras préoccupa
beaucoup de Parisiens, et notamment le
syndicat de la boucherie.
La population parisienne ne déteste pas
les spectacles, les promenades dans les
rues, et pour ma part je ne verrais aucun
inconvénient à ce qu'on ressuscitât cette
fête populaire qui ne fait de mal à per-
sonne, — qu'au bœuf, qui aimerait mieux,
sans doute, qu'on le promenât un peu
moins.
Une commission est chargée de deman- -
der le concours de l'administration pour
rétablir dans des conditions nouvelles et
permanentes la traditionnelle promenade
du bœuf gras.
.110
00
Hier, à l'Académie des sciences, M. Ro-
land a été élu vice-président par 35 voix
contre 7 données à M. Dupuy de Lôme et
6 à M. Philips.
Le bureau est composé de MM. Em.
Blanchard, président; Roland, vice-prési-
dent; Bertrand et J.-B. Dumas, secrétaires
perpétuels.
La commission administrative est com-
posée de MM. A. Milne Edwards et Bec-
querel.
9
« fit
Dans sa dernière séance, l'Académie des
inscriptions et belles-lettres a nommé la
commission du prix Gobert pour 1883.
Peuilleton du RAPPEL
DU 5 JANVIER
t Il —^——
69
LA .PATTE
TROISIÈME PARTIE
r.
VI
r
Malgré l'envie qu'il avait de rester près
ûePauicLtc, Badtche avait été obligé de
sortir.
Pour le déjeuner dont il avait combiné
le menu, il ne trouverait pas ses approvi-
sionnements dans le quartier. Il lui fau-
drait descendre à Paris; et peut-être
même aller jusqu'à la Bastille. Il connais-
sait là un fruitier qui recevait tous les
jours ses champignons, venant des car-
Traduclion interdite. — Reproduction auto-
risée pour les journaux qui ont un traité avec
Ja Société des gens de lettres, mais seulement
après la fin de la publication en feuilleton
dans le Hvppct.
VúÍr le fic/jipéfda 19& janvier
rières de Montreuil directement ; et, pour
sa sole au gratin, il n'admettait pas des
champignons cueillis de la veille. Si pour
avoir du raisin frais, il fallait aller jusqu'à
la Halle, il irait. C'était bien mieux que le
retour de l'enfant prodigue, c'était celui
de l'enfant perdue.
Et pendant ce temps, Paulette restée
seule avec son père qui travaillait active-
ment, ne levant les yeux que de temps en
temps pour la regarder, pour l'admirer,
lui avait raconté son existence à..pellag-
gio. Non celle de ses premières années,
car il ne l'avait interrogée là-dessus que
prudemment, de peur d'entendre pronon-
cer un nom qui lui faisait horreur; mais
celle qui avait commencé quand on l'avait
placée chez cette ancienne servante.
Et avec détails cette fois, Paulette avait
repris son récit, disant tout ce que ses
souvenirs d'enfant lui rappelaient.
Malheureusement, Cintrat poussant à
l'extrême la théorie de son talent, qui était
que l'artiste doit être l'homme de son
temps, n'avait jamais daigné faire un
voyage en Italie, — pour lui, la terre des
morts. Il ne connaissait donc ni Bellag-
gio, ni le lac de Côme, et ce n'était qu'avec
peine qu'il pouvait la voir dans ce récit,
où le milieu et le cadre lui manquaient à
chaque instant, car elle ne s'attardait pas
aux descriptions, cette enfant, ne disant
un mot des maison?* des arbres, du ciel,
des montagnes ou des eaux que lorsque
cela était indispensable, et encore briève-
ment.
— Quand j'ai quitté la villa pour aller
chez Theresila Vedano.
— Quelle villa? Où était-elle, cette villa?
comment était-elle?
— A Bellaggio, au bord du lac, en face
Cadenabbia, un peu après la villa Melzi.
C'était très joli. Il y avait de grands jar-
dins tout pleins de fleurs au printemps,
des azalées et des camélias; en été, d'o-
rangers ; et puis beaucoup de beaux ar-
bres, que les étrangers venaient voir le
jeudi et le dimanche, payant même un
franc pour cela. Mais ce que j'aimais en-
core mieux que le jardin, c'était un petit
bateau à vapeur sur lequel nous nous pro-
menions les soirs d'été, allant quelquefois
jusqu'à Colico, Como ou Lecco. Nous
avions aussi des chevaux et des voitures.
— Combien es-tu restée de-temps dans
cette villa?
— Je ne sais pas ; l'hiver nous allions à
Naples ou à Palerme, et celu me trompe.
Puis comme s'il lui en coûtait de parler
de ce temps, elle revint au moment où
elle s'était installée chez Theresita Vedano,
alors elle parla plus librement, et avec
plus do détails : — et de la vieille maison
sombre ; — et de la rue en escaliers où
elle se trouvait; — et de la fontaine auteur
de laquelle jouaient les enfants. Mais elle
n'avait pas longtemps joué; il avait fallu
travailler. Dans l'été cela n'était pas bien
dur, on avait encore le temps de jouer en at-
tendant les étrangers au débarcadère des
bateaux à vapeur, ou aux portes des villas.
Mais ce qui avait été dur pour elle et lui
avait mis les larmes aux yeux, c'avait été
quand, la première fois, elle avait conduit
des étrangers à la villa qu'elle avait habi-
tée, et qu'elle était restée à la porte. Ce
n'était pas pour la villa, elle la connaissait
bien. Mais c'était parce que les autres qui
attendaient à la porte se moquaient d'elle.
Et puis aussi t'était parce que.
Sur ce mot, elle s'était tue, et Cintrat
n'avait pas insisté, comprenant ce qu'elle
voulait dire et ce que, pir une délicatesse
instinctive, elle retenait, sentant bien, sa-
chant peut-être qu'elle ne devait pas parler
de sa mère. A coup sùr, ce ne serait pas
lui qui en parlerait le premier. Que ne
pouvait-il lui faire oublier qu'elle avait eu,
qu'elle avait une mère ? Que s'était-il
passé dans cette âme d'enfant qui savait
qu'elle avait un père, et qui voyait sa
mère courir le monde, s'amuser et bril-
ler à côté d'un homme riche, qui vi-
vait en mari avec elle sans être son
mari? Qu'avait-elle compris? Comment
aussi s'était-elle expliqué son enlèvement?
Il y avait là des points qu'il valait mieux
ne pas éclaircir. Pour lui l'essentiel était
que danj^sa conscience enfantine elle n'efyt
..rw-:jO,;- ':..:.
point condamné son père, puisqu'elle n'a-
vait pas cessé de penser à lui tendrement,
et que pour le rejoindre elle avait accompli
l'impossible. Les choses étant ainsi, rien
n'était perdu, et s'il est vrai que notre
vie soit faite pour beaucoup par les le-
çons et les impressions de la jeunesse,
c'était à lui d'effacer maintenant celles
qu'elle avait reçues dans son enfance et
qui avaient pu troubler son œuvre. Cela
lui traçait son devoir et sa route. Si
l'exemple donné par la mère avait été
mauvais, celui que donnerait le père de-
vait être bon. Elle n'était pas la fille, que
de sa mère, elle l'était aussi de son père,
Dieu merci, et même plus de celui-ci que
de celle-là, sûrement.
Comme il suivait cette pensée pendant
qu'elle continuait son récit, il posa tout à
coup sa pointe sur la table et prenant
Paulette par la main il l'amena, sans
qu'elle comprît ce qu'il voulait, devant un
vieux miroir accroché au mur.
— Regarde-toi dans cette glace, dit-il,
les yeux dans les yeux.
Et se baissant de façon à mettre au
même niveau leurs deux têtes sur le même
plan et se touchant, il se regarda comme
il lui avait recommandé de se regarder
elle-même, cherchant les points de res-
semblance qu'il pouvait y avoir entre
eux.
Ils 'étaient nombreux; c'était .bien 1$
même type brun au visage tranquille et
placide, aux yeux larges, au nez droit, à
la carnation sanguine. En elle rien de la
nature blonde de sa mère, rien qui rap-
pelât le nez aquilin de celle-ci, ni sa fraî-
cheur lactée, ni son sourire aux dents
pointues. En tout la fille du père; heureu-
sement, c'était bien sa fille.
Au moment où ils étaient ainsi devant
le miroir, la porte s'ouvrit et Badiche en-
tra suivi de Barbouillou qui ne manquait
jamais l'occasion d'une promenade. - -
— Que diable faites-vous là? s'écria Ba<
diche étonné; tu n'as donc pas vu tout de
suite que Paulette était ton portrait, au..
tant qu'une belle petite fille qui a la fleur
de jeunesse sur les joues peut être le por-
trait d'un.
Il hésita un moment :
— D'un vieux à cheveux blancs, acheva
Cintrât.
gECTOa MALOT.
- (À suty&
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