Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1878-12-15
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 15 décembre 1878 15 décembre 1878
Description : 1878/12/15 (N3201). 1878/12/15 (N3201).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine commune
Description : Collection numérique : La Commune de Paris Collection numérique : La Commune de Paris
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7530113d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 21/08/2012
r~r 3201 Dimanche 15 pêcemhre 1873
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25 Frimaire an 37 —
BÉDACTIOir ",,,,
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
De i à G heures du soir
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18, RUE DE ™tois ^l8
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PARIS O^^RTBMEXTÏ 1
Trois frmis 10 » T/oiS^nois. r? 591
Six mois. 20 » S X mois 27 "J
Adresser lettres et mîiqtfats
A M. ERNEST LEFEVRE
U
ÈLECTIONS SÉNATORIALES
Vans avez affaire dans une maison de
commerce: Au moment où vous allez y
entrer, vous y entendez un vacarme de
voix :
:— Je vous dis que l'opération est
excellente.
— Je vous dis qu'elle est exécrable.
— Nous la ferons !
- — Nous ne la ferons pas !
- Vous êtes un imbécille ?
- Veus en êtes un autre !
Sur quoi, il vous semble qu'on passe
des paroles aux gestes, qu'on se jette
Ses choses à la tête, qu'on casse les
pitres, etc.
- Ne faites pas attention, vous dit
la portière, c'est les deux associés qui
causent.
Cette manière de causer vous donne
envie d'avoir affaire ailleurs. Mais ce
n'est pas tout. Brusquement, la porte
s'ouvre, et vous recevez dans l'estomac
un des deux associés expulsé par l'au-
tre qui, furieux, crie :
— A la porte! et, si tu reviens ja-
mais, par la fenêtre !
Les passants se sont attroupés. Un
d'eux vous dit :
- Hein ! n'est-ce pas là l'idéal de
l'association ?
Vous vous demandez quel peut être
Itet idiot ou ce fou ?
C'est un sénateur de la droite.
Le Parlément est l'association des
âeux Chambres. Les sénateurs de la
droite ont prouvé déjà plusieurs fois,
et prouvent encore dans leurs adjura-
tions aux électeurs sénatoriaux, com-
ment ils comprennent cette association.
Le Sénat s'opposant à toutes les opé-
rations de la Chambre des députés,
telle est l'association de leurs rêves. Si
les députés s'entêtent, les flanquer à la
porte. Ceci n'est pas une supposition,
c'est un fait. Les députés ont été flan-
qués à la porte par le Sénat l'an-
née dernière, et si, lorsqu'ils sont
revenus, ils n'ont pas été flanqués par
la fenêtre, ce n'est pas la faute de
M. de Lareinty et de ses amis : ils l'au-
- raient été sans la résistance d'un cer-
tain nombre d'officiers comme le major
Lahordère et, rendons-lui cette justice,
du maréchal de Mac-Mahon.
Oronte lui-même dit à la belle Phy-
lis qu'on désespère à force d'espérer
toujours. M. de Lareinty est plus
Oronte qu'Oronte, il n'a pas désespéré,
même après le 14 octobre; il a retenu
- tin poste de combat pour la première
occasion qui se présenterait. Eh bien,
quoi? on n'a pas réussi du premier
coup — c'est-à-dire du second, puis-
qu'avant le Seize-Mai il y avait eu le
Vingt-quatre-Mai — eh bien, on réus-
sira du troisième! Les légitimistes ont
l'espérance dure, et même coriace.
Dame! ils ont l'habitude d'attendre,
depuis quarante-huit ans qu'ils font
antichambre chez le hasard.
Les orléanistes, qui n'ont, eux, que
trente ans d'attente, et les chislehurs-
tiens, qui n'en ont que huit ans, sont
naturellement moins découragés en,
core. Il est donc tout simple que les
trois partis dont le 14 octobre a si mal
exaucé les vœux se coalisent dans
l'expectative d'une revanche et colla-
borent à la conservation d'un Sénat
capable de réaliser, un jour ou l'autre,
l'aimable projet de flanquer la Chambre
par la fenêtre.
Malheureusement pour cet aimable
projet, il sera difficile de persuader aux
électeurs sénatoriaux que la perfection
des relations du Sénat avec la Cham-
bre est dans ce vers du « législateur du
Parnasse » :
Dissolvez-la sans cesse et la redissolvez,
et que la beauté des associations,
commerciales ou parlementaires , est
dans les gros mots qu'on échange et
dans les meubles qu'on se lance à la
tête. Et si les sénateurs de la droite ne
parviennent pas à leur persuader cela,
les électeurs sénatoriaux se diront ceci :
Pour qu'il y ait accord entre les deux
Chambres, il faut de deux choses
l'une : ou que toutes deux soient mo-
narchistes, ou que toutes deux soient
républicaines.
Or, la Chambre des députés est répu-
blicaine, et le restera. On a fait tout
ce qu'on a pu pour l'empêcher de le
rester. Personne ne reprochera au
Seize-Mai de n'avoir pas employé tous
les moyens. Les affiches blanches, le
Bulletin des communes, l'intimidation,
la corruption, la tricherie, les neuvai-
nes, les indulgences du pape, il n'a
rien négligé. Une nouvelle dissolution
fût-elle possible, il ne pourrait pas faire
pis. Donc, il faut que les ennemis de la
République s'y résignent, la Chambre
est et sera républicaine.
Par conséquent,. tous ceux qui veu-
lent qu'il y ait accord entre les deux
Chambres doivent vouloir que le Sénat
soit républicain.
Il n'y a qu'une question à poser aux
électeurs sénatoriaux :
— Etes-vous pour l'accord des deux
Chambres ou pour leur désacco rd?
Etes-vous pour l'harmonie ou pour le
conflit? Etes-vous pour la paix ou pour
la guerre ?
Ceux qui sont pour le désaccord,
pour le conflit et pour la guerre, ceux
qui, ne pouvant rien, veulent tout em-
pêcher, ceux qui aspirent à voir sortir
ce qu'ils appellent le bien de l'excès du
mal, ceux qui spéculent sur le malaise
public, sur la souffrance du commerce
et de l'industrie, sur la cessation du
travail, sur la misère et sur la faim,
ceux pour qui le dernier mot de la po-
litique est: « Enfin, nous avons fait
faillite ! » peuvent voter pour des mo-
narchistes. Les autres voteront pour
des républicains.
AUGUSTE VACQUERIE.
A PROPOS DU BUDGET
Quelles charges effroyables pèsent
sur notre budget! On se demande par-
fois comment nous n'avons pas fait
sept fois banqueroute depuis sept ans,
et il est vraiment miraculeux que, non-
seulement la richesse publique ne soit
pas profondément atteinte, mais en-
core qu'elle s'accroisse chaque année.
La guerre de 70, qui devait être une
maladie mortelle, n'aura eu que l'effet
d'une crise passagère. La France a
terminé sa convalescence. Elle est gué-
rie. Et même elle se porte mieux qu'au-
paravant.
Cette vitalité extraordinaire est due
à la République. C'est ce que les ora-
teurs du Sénat prouvent en ce mo-
ment, tout en s'efforçant de prouver le
contraire. Aucun gouvernement n'au-
rait pu réparer tant et de si grandes
brèches faites à notre fortune en si peu
d'années. Et, ce qui le démontre irré-
futablement, c'est que ce sont les enne-
mis de la République : orléanistes, bo-
~napartister. et cléricaux, qui sont cause
de nos désastres et qui ont failli nous
ruiner.
Cette dette immense qui grève nos
budgets et qui pèse si lourdement sur
le pays, à qui la devons-nous! Si nous
avons un milliard cinq cents millions à
rembourser à la Banque, s'il faut pour-
voir aux dépenses du compte de liqui-
dation, si la guerre nous prend chaque
année une si grosse part de nos reve-
nus, si, pour des travaux nécessaires,
nous sommes obligés de recourir à
l'emprunt, si l'excédant de nos recettes
n'est pas aussi considérable qu'il de-
vrait l'être, à qui la faute? Si nous
avons à payer l'intérêt des cinq milliards
que nous a pris l'Allemagne, à qui la
faute? La faute n'est-elle pas à ceux
qui ont soutenu l'empire, qui ont fait
voter le plébiscite, qui ont voulu la
guerre et qui nous ont jetés dans les
aventures ?
Mais ceux-là, qui sont-ils? 0 sur-
prise ! ceux-là sont précisément ceux
qui viennent aujourd'hui condamner à
la tribune le système financier de la
commission du budget. Ce sont les
hommes d'Etat que l'empire avait ral-
liés. Ce sont ces mêmes gens que nous
avons vus, les uns après le 2 décembre,
les autres après le 2 janvier, traiter
Napoléon III de sauveur. L'empire, qui
avait commencé par s'appuyer sur les
cléricaux et sur les ratapoils, avait fini
par s'annexer le parti orléaniste. M.
Buffet n'a-t-il pas été ministre avec
M. Emile Ollivier? Tout ce qui n'était
pas républicain s'était fait impérialiste,
et c'est tout ce qui a été impérialiste
qui s'acharne aujourd'hui sur les fi-
nances républicaines !
Le procès est fait au-ministère et à
la Chambre des députés par les coupa-
bles. Situation curieuse. Sans l'adhé-
sion des orléanistes, MM. Buffet et
Daru en tête, sans l'enthousiasme des
cléricaux, l'empire croulait au mois de
mai 1870. Nous évitions la guerre,
nous économisions cinq milliards, nous
ne perdions point l'Alsace. Alors on
n'entendait jamais parler ni d'emprunt
à la Banque, ni de compte de liquida-
tion. Le budget s'équilibrait naturelle-
ment, et les excédants qui devenaient
considérables servaient à doter l'ins-
truction et les travaux publics !
Que de choses utiles et admirables
on aurait pu faire ! Supposez, un ins-
tant, que nous ayons à notre disposi-
tion l'argent qu'a mangé la guerre et
qu'a coûté la rançon: notre réseau de
chemins de fer est complété et achevé ;
nos canaux sont creusés, nos routes
établies; la production augmente dans
des proportions colossales; l'ouvrier
travaille ; le' paysan s'enrichit. En
même temps on crée des écoles dans
toutes les communes, et l'instruction
devient gratuite. Le personnel ensei-
gnant, mieux rétribué, est partout à la
hauteur de sa tâche ; on rend à la char-
rue ou à la caserne tous ces frères plus
ignorants qu'Ignorantins qui abêtissent
les enfants quand ils ne font rien de
pis ; on remplace par des personnes
instruites les sœurs munies de lettres
d'obédience ; on complète notre arme-
ment; on approvisionne nos places
fortes; on double notre flotte. Per-
sonne n'ose plus nous attaquer. Et la
France devient la plus riche, la plus
puissante et la plus pacifique nation de
l'Europe. x
Au lieu de cela. Hélas! au lieu de
cela, nous avons à rembourser nos
créanciers et à combler le trou du
compte de liquidation. Nous sommes
gênés dans toutes nos entreprises. Et
la prospérité à laquelle nous avions
droit nous échappe parce qu'il y a dix
ans il a plu au parti de M. Buffet
et de M. Bocher, et parce qu'il y a
vingt-huit ans il a plji au parti de M.
Chesnelong, de collaborer à un empire !
Voilà ce que coûte l'ambition et la
rage de domination de ces messieurs !
Voilà ce que nous vaut leur amour des
portefeuilles ! Voilà où nous a conduits
leur absence d'idées politiques, de
convictions et de sens moral. Ah ! que
les électeurs sénatoriaux s'en souvien-
nent !
ÉDOUARD LOCKROV.
————————— —————————
AU SÉNAT
Cette fameuse attaque des droites du
Sénat, annoncée, promise, la voilà;
elle est passée, et l'on s'en est à peine
aperçu. Quelle peur soudai ne a arrêté,
dans la gorge des orateurs, des dis-
cours tout préparés? La discussion est
close, et M. de Broglie est resté muet
et M. Buffet n'a pas trahi sa présence.
Prudente modestie! Ils savaient, ou
plutôt on avait fini par leur faire com-
prendre qu'ils ruinaient les candidatu-
res de leurs amis en disant quelque
chose. Le compliment est tout à fait
flatteur.
M. Bocher seul a parlé, et il a dit à la
gauche ces mots textuels (je les ai re-
cueillis avec soin, je garantis le texte) :
« Dans quelques jours, vous serez ici la
majorité nouvelle. » Et plus tard :
« Quand vous serez cette majorité nou-
velle. » A la bonne heure! Il parait
que tout le monde sait à quoi s'en te-
nir. Vous jugez si ces paroles ont ca-
ressé agréablement les oreilles de cer-
tains amis de M. Bocher, ceux qui vont
comparaître devant leurs électeurs, et
à qui l'orateur orléaniste promettait si
gracieusement un échec certain.
On raconte que l'un d'eux, célèbre
par ses formes colossales (il ne descend
pas du singe, mais du mastodonte, et
c'est tout le portrait de son ancêtre ; ce
qui ne l'a pas empêché, au temps jadis,
d'être en coquetterie avec le « lion
populaire ») on raconte, dis-je, que
l'un d'eux alla trouver M. Bocher pour
l'avertir qu'il avait eu le plus grand
tort d'annoncer la défaite électorale des
droitiers en général, et du plus lourd
d'entre eux en particulier. Sur quoi M.
Bocher aurait promis de corriger sa
phrase à l'Officiel.
Nous verrons s'il le fera, — et s'il le
fait, nous espérons qu'un sénateur
républicain en fera l'observation au
procès-verbal. Ce qui est dit, est dit.
Pour une fois que M. Bocher aura été
bon prophète, il ne faut pas lui en enle-
ver l'honneur.
aef le
Le sénateur du Calvados s'est mon-
tré, jusqu'ici, un politique déplorable,
nerveux, indécis, changeant, agité par
des quintes de réaction, fort infidèle à
ses promesses libérales, — mais c'était
un orateur financier de premier ordre.
Il a été aujourd'hui au-dessous du mé-
diocre. Constatons, pour être impar-
tial, qu'il semblait très souffrant. On
voyait l'effort qu'il faisait sur lui-même
pour parler. A chaque phrase, il s'ar-
rêtait, portait son mouchoir à ses lè-
vres. Que son débit fût moins pressant,
sa parole moins nette, cela n'avait donc
rien d'étonnant. Mais ses arguments
étaient d'une faiblesse extrême; on a
pu démontrer sans peine l'inexactitude
de ses assertions; ses raisonnements
aussi étaient malades. Voilà où une
mauvaise cause mène un orateur de ta-
lent!
Le lecteur nous dispensera de suivre,
dans ses détails, une discussion exclu-
sivement financière. En somme, M. Bo-
cher n'a fait que recommencer la pre-
mière partie du discours de M. Ches-
nelong. Suivant lui, le budget ne s'é-
quilibre qu'à l'aide de trois emprunts.
Emprunt pour les travaux publics : ce-
lui-là est incontestable, mais il est né-
cessaire, la Chambre et le Sénat l'ont
déjà reconnu; il faut choisir, ou les
travaux indispensables et l'emprunt,
ou ni emprunt ni travaux. Emprunt
consistant en ce que l'on paye, sur la
dette contractée à. la Banque, quatre-
vingts millions au lieu de cent cin-
quante; comme si c'était emprunter
que d'éteindre une portion moindre de
sa dette qu'on n'avait d'abord projeté de
le faire. Emprunt parce qu'on emploie
dix-neuf millions des excédants de re-
cettes de 1876 : comme si c'était em-
prunter que d'employer une somme sur
laquelle on ne comptait pas, mais qu'on
n'en a pas moins dans ses caisses, parce
que les revenus ont dépassé les prévi-
sions.
Puis M. Bocher raisonne comme ceci :
Supposons que le phylloxéra détruise
toutes nos vignes, que la concurrence
américaine tue notre industrie, en un
mot, que tous les malheurs fondent sur
nous, où en sera le budget? - Assti-
rément, et pour peu que les rivières
débordent, qu'un volcan surgisse au
milieu de Paris, que le choléra étende
ses ravages sur toute la surface du
pays, qu'une guerre malheureuse dé-
vaste en outre notre pauvre patrie,
qu'enfin la France soit entièrement rui-
née, dévastée et déserte. on aura tou-
tes les peines du monde, non-seule-
ment à faire tous les travaux projetés
par M. de Freycinet et à payer le reste de
la dette de la Banque y mais même à
solder les notes que les princes d'Or-
léans peuvent se réserver de présenter
encore !
, M. Bocher a les humeurs noires. Mais,
si l'on partageait ses idées sinistres, il
serait insuffisant de réformer le bud-
get; le mieux serait de se faire trap-
piste, et de se promener dans un préau
de cloître, en répétant : Frère, il faut
mourir!. Nous n'en sommes pas là,
heureusement.
sa»
Le discours do M. Bocher, ici, est
d'un esprit malade, mais ailleurs il est
tout simplement d'un droitier. Nous
entendons exposer un programme fi-
nancier. M. Bocher finit par convenir,
malgré ses prévisions funèbres, qu'il
pourra se rencontrer des ressources dis-
ponibles, que la France pourra rester
riche, que les impôts peuvent rapporter
beaucoup. Que faire de ces grosses re-
cettes? Diminuer les impôts? Ce serait
se conduire comme la commission
du budget de la Chambre! Construire
des chemins de fer, des canaux? Cela
est bon pour des républicains ! Il
faudrait, au gré de M. Bocher et de la
droite qui l'applaudit : 1° augmenter
le traitement des employés, magistrats,
etc.; 20 reconstruire le monument du
quai d'Orsay, acheter des tableaux pour
le Louvre, étendre l'Ecole des char-
tes. etc.
Je cite ces quelques exemples pour
montrer quel parti-pris puéril M. Bo-
cher laisse voir. L'Ecole des Chartes
coûte cinquante mille francs à l'Etat:
elle occupe un local qui semblerait
étroit à une modeste famille bourgeoise;
les achats du Louvre ont un budget fort
minime. Si l'on doublait les deux cré-
dits, cela coûterait le prix.., d'un kilo-
mètre de chemin de fer. Voyez-vous
cette dépense alléguée pour prouver
qu'il est impossible de faire de grands
travaux ou de diminuer les impôts?
Mais ce que nous retenons, c'est le
système. S'il y a de l'argent, qu'il aille
aux bureaux, à l'administration, aux
constructious de luxe, à la réédification
des palais! Pas de dépenses producti-
ves ! pas de ces allégements qui aug-
menteraient la prospérité du commerce
et de l'industrie ! Pas de ces extensions
de nos réseaux de railways et de canaux
qui peuvent augmenter les échanges !
Voilà le programme financier exposé
au nom des droites, la veille des élec-
tiens!
Nous en prenons acte.
M. Bocher termine en exprimant
l'espoir que, quand les deux Chambres
seront républicaines, la mauvaise in-
telligence ne cessera pas pour cela do
régner entre elles. Quand vous serez
la majorité, dit-il, « soyez une vraie
majorité de résistance»! Vœu naïf, ex-
primé sans déguisement. O i croirait
que, pour M. Bocher, il serait imnoral
que les deux moitiés du Parlement vé-
cussent en bonne intelligence. ;
<~
M. Léon Say a répondu. M. Léon
Say a un incontestable talent de pa-
role : mais ce talent est fort singulier.
Le ministre parle sans un trait, sans
dire un mot plus haut que l'autre, par
petites phrases tranquilles. Il ne dis-
cute pas, il explique et il prouve. Si
force est faite de clarté et de compé-
tence. Comme tous les hommes qui
connaissent une question à fond, et la
comprennent parfaitement, il sait être
sobre et aller droit à l'argument vrai.
La brièveté, chez lui, complète la luci-
dité.
C'est une chose curieuse de le voir
détruire les objections une à une, sans
colère, sans effort, posément, rectifiant
les erreurs, retournant les sophismes
et en montrant le faible. Il n'a rien
laissé subsister de tout ce qui avait été
dit avant lui. Et personne n'a été tenté
de venir lui répondre. La discussion
générale a été close.
On peut discuter le système de M.
Léon Say. Il a rappelé lui-même qu'il
était opposé aux dégrèvements, et la
Chambre a eu raison contre lui, à notre
avis. Mais il est incontestablement un
des orateurs les plus financiers, les plus
nets qui soient.
Décidément, la droite aurait mieux
Feuilleton du RAPPEL
PU i5 DÉCEMBRE
20
LES
PETITES ÉTOILES
1#>
V
Le ménage Vauthier
(Suite)
Au lendemain du pâté de veilles, les ate-
liers étaient encore déserts. On* ne se
presse jamais, aux premiers jours d'un
nouvel an, de reprendre le collier de mi-
sère. Avec l'insouciance gaie du travailleur
qui, pour une fois, se sent heureux de dé-
penser comme les riches, les peintres,
Voir le Rappel du 25 novembre au 14 dé-
cembre.
avant de retourner à la banquette, prome-
naient dans Paris le désœuvrement heu-
reux des journées de fête.
Maurice attendait avec une sorte d'im-
patience que le travail reprît. Ces longues
journées passées auprès des ateliers vides
lui semblaient interminables. Il avait soif
du bruit, des chansons, d'habitude chez
les peintres et les brunisseuses. Urfe sorte
d'obsession nerveuse l'agitait, lui enlevait,
la nuit, des heures de sommeil, l'enfiévrait
comme s'il eût couvé quelque maladie, et
cet énervement il essayait de le cacher
comme s'il eût redouté de s'avouer à lui-
même quelle en était la cause inexpli-
auée.
Bien évidemment, l'image éclatante
de beauté de Léa, avec son exubérance de
vie ardente traversait, quoi qu'il fît pour la
chasser, le fond troublé de ses insomnies.
La tête enfoncée dans son oreiller, se
tournant et se retournant pour chercher
le repos qui fuyait, il apercevait toujours
cette belle fille aux cheveux drus, avec ses
petits yeux gris, faisant trou où ils se po-
saient, et qui s'agrandissaient étrangement
lorsqu'elle les fixait sur quelqu'un. Et le
rictus narquois des lèvres fraîches 1 Et la
sonore gaieté de la rieuse ! Il l'entendait
aussi ce rire, semblable à un collier de
perles, au fil rompu, tombant dans une
coupe d'orl La prise de possession cruelle,
implacable de Maurice par la vision éter-
nelle de cette femme commençait, et, pour
s'étourdir, lui qui sortait très souvent d'or-
dinaire, allant traiter lui-même ses affaires
avec les clients, il s'enfonçait avec une vo-
lupté de reclus dans une solitude presque
farouche, le front dans ses écritures, le
regard sur ses livres, comme s'il eût voulu
harasser son esprit et s'empêcher de pen-
ser à la grande fille.
Mais, chaque jour, inévitablement, lors-
qu'il traversait le petit salon où Pauline
avait mis, dans un vase de Delft aux rin-
ceaux bleus, le bouquet rapporté par lui,
il se sentait ramené vers la songerie
secouée ; ces fl'eurs lui rappelaient obsti-
nément Léa, il lui semblait revoir la main
grasse, chaude et satinée qui se posait,
là-bas, sur ces roses, et, à son oreille, la
voix caressante répétait encore la prière
murmurée.
Il se trouvait décidément bien niais de
n'avoir pas donné l'humble fleur qu'on
lui demandait. Mlle Thibault se moquait
de lui certainement et elle avait raison. Si
elle s'avisait de raconter que Maurice
avait, pour si peu, fait le puritain, de qui
rirait-on? d'elle ou de lui? N'y avait-il pas
eu comme une affectation et comme une
pose dans son refus. Il était irrité profon-
dément contre lui-même.
Pauline le surprit, un matin, debout de-
vant ces fleurs à demi fanées, déjà jaunies,
les pétales mordues comme par une sorte
de rouille. Elle s'avança doucement, le
voyant pensif, et. nar derrière, lui passant
ses bras sur les épaules, elle coula sa tête
vers lui, et il tressaillit en s'entendant ap-
peler par son nom; il devint tout rouge,
regarda brusquement devant lui, l'œil ef-
frayé. Dans la glace, le front, les cheveux
châtains de Pauline apparaissaient, et,
dans la figure fine de la jeune femme, les
yeux brillaient, doucement malicieux,
pleins d'une tendresse qui souriait.
— Ah 1 c'est toi ? dit-il en lui prenant
les mains.
Il les tenait serrées dans les siennes, les
appuyant instinctivement sur sa poitrine,
et Pauline, sentant le cœur de son mari
battre violemment, épiait maintenant dans
la glace l'expression du regard de son mari
— leurs deux têtes se réflétant l'une à
côté de l'autre, celle de Maurice, devenue
par réaction légèrement pâle, celle de Pau-
line, la joue sur l'épaule de l'époux, les
yeux levés et un peu inquiets.
— Tu n'as rien qui t'ennuie, Maurice?
— Rien. Pourquoi me demandes-tu
cela?
— Parce que je te trouve l'air soucieux.
Tu regardais ce bouquet? Il est joli. Et
sais-tu ce qu'il me rappelle, ce beau bou-
quet de roses toutes blanches, avec du
lilas perlé de rosée ? — mon bouquet de
fiançailles, Maurice !. Il est fané depuis
longtemps, et le parfum m'en est resté
pourtant. Je nous revois toujours, le re-
gardant ensemble, dans le salon de mon
père. Il était bien' beau! mais, là, dans
le porte-bouquet de Venise où on l'avait
mis, il ne me semblait pas assez à moi, à
moi toute seule. Tout le monde pouvait le
regarder, l'admirer, le respirer. La moin-
dre branchette de ces lilas donnée à moi
par toi m'eût semblé plus belle. Alors,
quand tu as été parti, le soir, et que, dans
la maison, tout le monde était couché, je
me suis levée doucement, j'ai ouvert sans
bruit la porte de ma chambre, j'ai traversé
le salon et, presque à tâtons, allant au bou-
quet qui embaumait, à ton bouquet, Mau-
rice, j'en ai pris une rose, une rose que
j'ai emportée, que j'ai posée sur mon
chevet, dans ma chambre de jeune fille,
que j'ai embrassée, le lendemain, en
m'éveillant, et qui, depuis, ne m'a point
quittée et ne me quittera pas. Elle est
bien desséchée depuis, mais j'y tiens
comme à un bijou. Tu ne me trouves
pas romanesque et sotte de te parler en-
core de ces chers enfantillages, après neuf
ans ?
— Non, dit Maurice qui écoutait avec
une sorte de volupté amère, comme s'il
eût éprouvé une joie cruelle à retourner
vers ce passé.
— C'est que nous avons toujours nos
poupées, nous autres, comme lorsque
nous étions petites filles. C'est vrai, va,
Maurice, chacune de nous garde comme
des reliques des boucles de cheveux et des
fleurs fanées, et il n'y a pas une femme
dont on ne reconstruirait la vie, avec de
petits médaillons ornés de diamants, si
elle est riche, ou des brins de fleurettes
pliées dans une enveloppe de papier
jauni, si elle est pauvre. Et puis, avec la
vie monotone que nous menons, j'ai
peur que tu ne t'habitues peu à peu à
voir en moi une amie, une camarade, une
sorte de commis qui travaille à ses côtés,
et que tu n'oublie que celle qui est là
t'adore comme au premier jour, plus
qu'au premier jour, et que si tu ne l'ai-
mais plus par hasard. Ah! si tu ne
m'aimais plus, Maurice, je crois que je
mourrais, tiens !
- Es-tu folle? dit-il en portant à ses
lèvres les deux mains qui s'appuyaient sur
lui, entrecroisées.
C'était par un mouvement instinctif
plein de passsion qu'il attirait à lui ces
doigts où, parmi des bagues, le cercle d'or
de l'anneau de mariage apparaissait, et
pourtant, dans une sorte d'ironique vision
qui l'irritait violemment, il comparait, en
appuyant sa bouche sur les mains de Pau-
line, ces phalanges délicates et minces
avec les doigts gras et paresseux de Léa.
Il en éprouvait comme de la colère. Cela
tournait à l'obsession et à l'ennui!
♦
JULES CLARETIE
(A suivre}
Le fiisi»3r6 f$0 s. - I25;?:srlemcnt| s «S 4M
25 Frimaire an 37 —
BÉDACTIOir ",,,,
S'adresser au Secrétaire de la Rédaction
De i à G heures du soir
! 8, RUE DB VALOIS, 18
J.eS manuscrits non insérés né seront pas rendus
ANNONCES
MM. Ch. LAGRANGE, CERF et C«
6, place de la Bourse, 6
ADMINISTRATION
18, RUE DE ™tois ^l8
ABONNEMENTS
PARIS O^^RTBMEXTÏ 1
Trois frmis 10 » T/oiS^nois. r? 591
Six mois. 20 » S X mois 27 "J
Adresser lettres et mîiqtfats
A M. ERNEST LEFEVRE
U
ÈLECTIONS SÉNATORIALES
Vans avez affaire dans une maison de
commerce: Au moment où vous allez y
entrer, vous y entendez un vacarme de
voix :
:— Je vous dis que l'opération est
excellente.
— Je vous dis qu'elle est exécrable.
— Nous la ferons !
- — Nous ne la ferons pas !
- Vous êtes un imbécille ?
- Veus en êtes un autre !
Sur quoi, il vous semble qu'on passe
des paroles aux gestes, qu'on se jette
Ses choses à la tête, qu'on casse les
pitres, etc.
- Ne faites pas attention, vous dit
la portière, c'est les deux associés qui
causent.
Cette manière de causer vous donne
envie d'avoir affaire ailleurs. Mais ce
n'est pas tout. Brusquement, la porte
s'ouvre, et vous recevez dans l'estomac
un des deux associés expulsé par l'au-
tre qui, furieux, crie :
— A la porte! et, si tu reviens ja-
mais, par la fenêtre !
Les passants se sont attroupés. Un
d'eux vous dit :
- Hein ! n'est-ce pas là l'idéal de
l'association ?
Vous vous demandez quel peut être
Itet idiot ou ce fou ?
C'est un sénateur de la droite.
Le Parlément est l'association des
âeux Chambres. Les sénateurs de la
droite ont prouvé déjà plusieurs fois,
et prouvent encore dans leurs adjura-
tions aux électeurs sénatoriaux, com-
ment ils comprennent cette association.
Le Sénat s'opposant à toutes les opé-
rations de la Chambre des députés,
telle est l'association de leurs rêves. Si
les députés s'entêtent, les flanquer à la
porte. Ceci n'est pas une supposition,
c'est un fait. Les députés ont été flan-
qués à la porte par le Sénat l'an-
née dernière, et si, lorsqu'ils sont
revenus, ils n'ont pas été flanqués par
la fenêtre, ce n'est pas la faute de
M. de Lareinty et de ses amis : ils l'au-
- raient été sans la résistance d'un cer-
tain nombre d'officiers comme le major
Lahordère et, rendons-lui cette justice,
du maréchal de Mac-Mahon.
Oronte lui-même dit à la belle Phy-
lis qu'on désespère à force d'espérer
toujours. M. de Lareinty est plus
Oronte qu'Oronte, il n'a pas désespéré,
même après le 14 octobre; il a retenu
- tin poste de combat pour la première
occasion qui se présenterait. Eh bien,
quoi? on n'a pas réussi du premier
coup — c'est-à-dire du second, puis-
qu'avant le Seize-Mai il y avait eu le
Vingt-quatre-Mai — eh bien, on réus-
sira du troisième! Les légitimistes ont
l'espérance dure, et même coriace.
Dame! ils ont l'habitude d'attendre,
depuis quarante-huit ans qu'ils font
antichambre chez le hasard.
Les orléanistes, qui n'ont, eux, que
trente ans d'attente, et les chislehurs-
tiens, qui n'en ont que huit ans, sont
naturellement moins découragés en,
core. Il est donc tout simple que les
trois partis dont le 14 octobre a si mal
exaucé les vœux se coalisent dans
l'expectative d'une revanche et colla-
borent à la conservation d'un Sénat
capable de réaliser, un jour ou l'autre,
l'aimable projet de flanquer la Chambre
par la fenêtre.
Malheureusement pour cet aimable
projet, il sera difficile de persuader aux
électeurs sénatoriaux que la perfection
des relations du Sénat avec la Cham-
bre est dans ce vers du « législateur du
Parnasse » :
Dissolvez-la sans cesse et la redissolvez,
et que la beauté des associations,
commerciales ou parlementaires , est
dans les gros mots qu'on échange et
dans les meubles qu'on se lance à la
tête. Et si les sénateurs de la droite ne
parviennent pas à leur persuader cela,
les électeurs sénatoriaux se diront ceci :
Pour qu'il y ait accord entre les deux
Chambres, il faut de deux choses
l'une : ou que toutes deux soient mo-
narchistes, ou que toutes deux soient
républicaines.
Or, la Chambre des députés est répu-
blicaine, et le restera. On a fait tout
ce qu'on a pu pour l'empêcher de le
rester. Personne ne reprochera au
Seize-Mai de n'avoir pas employé tous
les moyens. Les affiches blanches, le
Bulletin des communes, l'intimidation,
la corruption, la tricherie, les neuvai-
nes, les indulgences du pape, il n'a
rien négligé. Une nouvelle dissolution
fût-elle possible, il ne pourrait pas faire
pis. Donc, il faut que les ennemis de la
République s'y résignent, la Chambre
est et sera républicaine.
Par conséquent,. tous ceux qui veu-
lent qu'il y ait accord entre les deux
Chambres doivent vouloir que le Sénat
soit républicain.
Il n'y a qu'une question à poser aux
électeurs sénatoriaux :
— Etes-vous pour l'accord des deux
Chambres ou pour leur désacco rd?
Etes-vous pour l'harmonie ou pour le
conflit? Etes-vous pour la paix ou pour
la guerre ?
Ceux qui sont pour le désaccord,
pour le conflit et pour la guerre, ceux
qui, ne pouvant rien, veulent tout em-
pêcher, ceux qui aspirent à voir sortir
ce qu'ils appellent le bien de l'excès du
mal, ceux qui spéculent sur le malaise
public, sur la souffrance du commerce
et de l'industrie, sur la cessation du
travail, sur la misère et sur la faim,
ceux pour qui le dernier mot de la po-
litique est: « Enfin, nous avons fait
faillite ! » peuvent voter pour des mo-
narchistes. Les autres voteront pour
des républicains.
AUGUSTE VACQUERIE.
A PROPOS DU BUDGET
Quelles charges effroyables pèsent
sur notre budget! On se demande par-
fois comment nous n'avons pas fait
sept fois banqueroute depuis sept ans,
et il est vraiment miraculeux que, non-
seulement la richesse publique ne soit
pas profondément atteinte, mais en-
core qu'elle s'accroisse chaque année.
La guerre de 70, qui devait être une
maladie mortelle, n'aura eu que l'effet
d'une crise passagère. La France a
terminé sa convalescence. Elle est gué-
rie. Et même elle se porte mieux qu'au-
paravant.
Cette vitalité extraordinaire est due
à la République. C'est ce que les ora-
teurs du Sénat prouvent en ce mo-
ment, tout en s'efforçant de prouver le
contraire. Aucun gouvernement n'au-
rait pu réparer tant et de si grandes
brèches faites à notre fortune en si peu
d'années. Et, ce qui le démontre irré-
futablement, c'est que ce sont les enne-
mis de la République : orléanistes, bo-
~napartister. et cléricaux, qui sont cause
de nos désastres et qui ont failli nous
ruiner.
Cette dette immense qui grève nos
budgets et qui pèse si lourdement sur
le pays, à qui la devons-nous! Si nous
avons un milliard cinq cents millions à
rembourser à la Banque, s'il faut pour-
voir aux dépenses du compte de liqui-
dation, si la guerre nous prend chaque
année une si grosse part de nos reve-
nus, si, pour des travaux nécessaires,
nous sommes obligés de recourir à
l'emprunt, si l'excédant de nos recettes
n'est pas aussi considérable qu'il de-
vrait l'être, à qui la faute? Si nous
avons à payer l'intérêt des cinq milliards
que nous a pris l'Allemagne, à qui la
faute? La faute n'est-elle pas à ceux
qui ont soutenu l'empire, qui ont fait
voter le plébiscite, qui ont voulu la
guerre et qui nous ont jetés dans les
aventures ?
Mais ceux-là, qui sont-ils? 0 sur-
prise ! ceux-là sont précisément ceux
qui viennent aujourd'hui condamner à
la tribune le système financier de la
commission du budget. Ce sont les
hommes d'Etat que l'empire avait ral-
liés. Ce sont ces mêmes gens que nous
avons vus, les uns après le 2 décembre,
les autres après le 2 janvier, traiter
Napoléon III de sauveur. L'empire, qui
avait commencé par s'appuyer sur les
cléricaux et sur les ratapoils, avait fini
par s'annexer le parti orléaniste. M.
Buffet n'a-t-il pas été ministre avec
M. Emile Ollivier? Tout ce qui n'était
pas républicain s'était fait impérialiste,
et c'est tout ce qui a été impérialiste
qui s'acharne aujourd'hui sur les fi-
nances républicaines !
Le procès est fait au-ministère et à
la Chambre des députés par les coupa-
bles. Situation curieuse. Sans l'adhé-
sion des orléanistes, MM. Buffet et
Daru en tête, sans l'enthousiasme des
cléricaux, l'empire croulait au mois de
mai 1870. Nous évitions la guerre,
nous économisions cinq milliards, nous
ne perdions point l'Alsace. Alors on
n'entendait jamais parler ni d'emprunt
à la Banque, ni de compte de liquida-
tion. Le budget s'équilibrait naturelle-
ment, et les excédants qui devenaient
considérables servaient à doter l'ins-
truction et les travaux publics !
Que de choses utiles et admirables
on aurait pu faire ! Supposez, un ins-
tant, que nous ayons à notre disposi-
tion l'argent qu'a mangé la guerre et
qu'a coûté la rançon: notre réseau de
chemins de fer est complété et achevé ;
nos canaux sont creusés, nos routes
établies; la production augmente dans
des proportions colossales; l'ouvrier
travaille ; le' paysan s'enrichit. En
même temps on crée des écoles dans
toutes les communes, et l'instruction
devient gratuite. Le personnel ensei-
gnant, mieux rétribué, est partout à la
hauteur de sa tâche ; on rend à la char-
rue ou à la caserne tous ces frères plus
ignorants qu'Ignorantins qui abêtissent
les enfants quand ils ne font rien de
pis ; on remplace par des personnes
instruites les sœurs munies de lettres
d'obédience ; on complète notre arme-
ment; on approvisionne nos places
fortes; on double notre flotte. Per-
sonne n'ose plus nous attaquer. Et la
France devient la plus riche, la plus
puissante et la plus pacifique nation de
l'Europe. x
Au lieu de cela. Hélas! au lieu de
cela, nous avons à rembourser nos
créanciers et à combler le trou du
compte de liquidation. Nous sommes
gênés dans toutes nos entreprises. Et
la prospérité à laquelle nous avions
droit nous échappe parce qu'il y a dix
ans il a plu au parti de M. Buffet
et de M. Bocher, et parce qu'il y a
vingt-huit ans il a plji au parti de M.
Chesnelong, de collaborer à un empire !
Voilà ce que coûte l'ambition et la
rage de domination de ces messieurs !
Voilà ce que nous vaut leur amour des
portefeuilles ! Voilà où nous a conduits
leur absence d'idées politiques, de
convictions et de sens moral. Ah ! que
les électeurs sénatoriaux s'en souvien-
nent !
ÉDOUARD LOCKROV.
————————— —————————
AU SÉNAT
Cette fameuse attaque des droites du
Sénat, annoncée, promise, la voilà;
elle est passée, et l'on s'en est à peine
aperçu. Quelle peur soudai ne a arrêté,
dans la gorge des orateurs, des dis-
cours tout préparés? La discussion est
close, et M. de Broglie est resté muet
et M. Buffet n'a pas trahi sa présence.
Prudente modestie! Ils savaient, ou
plutôt on avait fini par leur faire com-
prendre qu'ils ruinaient les candidatu-
res de leurs amis en disant quelque
chose. Le compliment est tout à fait
flatteur.
M. Bocher seul a parlé, et il a dit à la
gauche ces mots textuels (je les ai re-
cueillis avec soin, je garantis le texte) :
« Dans quelques jours, vous serez ici la
majorité nouvelle. » Et plus tard :
« Quand vous serez cette majorité nou-
velle. » A la bonne heure! Il parait
que tout le monde sait à quoi s'en te-
nir. Vous jugez si ces paroles ont ca-
ressé agréablement les oreilles de cer-
tains amis de M. Bocher, ceux qui vont
comparaître devant leurs électeurs, et
à qui l'orateur orléaniste promettait si
gracieusement un échec certain.
On raconte que l'un d'eux, célèbre
par ses formes colossales (il ne descend
pas du singe, mais du mastodonte, et
c'est tout le portrait de son ancêtre ; ce
qui ne l'a pas empêché, au temps jadis,
d'être en coquetterie avec le « lion
populaire ») on raconte, dis-je, que
l'un d'eux alla trouver M. Bocher pour
l'avertir qu'il avait eu le plus grand
tort d'annoncer la défaite électorale des
droitiers en général, et du plus lourd
d'entre eux en particulier. Sur quoi M.
Bocher aurait promis de corriger sa
phrase à l'Officiel.
Nous verrons s'il le fera, — et s'il le
fait, nous espérons qu'un sénateur
républicain en fera l'observation au
procès-verbal. Ce qui est dit, est dit.
Pour une fois que M. Bocher aura été
bon prophète, il ne faut pas lui en enle-
ver l'honneur.
aef le
Le sénateur du Calvados s'est mon-
tré, jusqu'ici, un politique déplorable,
nerveux, indécis, changeant, agité par
des quintes de réaction, fort infidèle à
ses promesses libérales, — mais c'était
un orateur financier de premier ordre.
Il a été aujourd'hui au-dessous du mé-
diocre. Constatons, pour être impar-
tial, qu'il semblait très souffrant. On
voyait l'effort qu'il faisait sur lui-même
pour parler. A chaque phrase, il s'ar-
rêtait, portait son mouchoir à ses lè-
vres. Que son débit fût moins pressant,
sa parole moins nette, cela n'avait donc
rien d'étonnant. Mais ses arguments
étaient d'une faiblesse extrême; on a
pu démontrer sans peine l'inexactitude
de ses assertions; ses raisonnements
aussi étaient malades. Voilà où une
mauvaise cause mène un orateur de ta-
lent!
Le lecteur nous dispensera de suivre,
dans ses détails, une discussion exclu-
sivement financière. En somme, M. Bo-
cher n'a fait que recommencer la pre-
mière partie du discours de M. Ches-
nelong. Suivant lui, le budget ne s'é-
quilibre qu'à l'aide de trois emprunts.
Emprunt pour les travaux publics : ce-
lui-là est incontestable, mais il est né-
cessaire, la Chambre et le Sénat l'ont
déjà reconnu; il faut choisir, ou les
travaux indispensables et l'emprunt,
ou ni emprunt ni travaux. Emprunt
consistant en ce que l'on paye, sur la
dette contractée à. la Banque, quatre-
vingts millions au lieu de cent cin-
quante; comme si c'était emprunter
que d'éteindre une portion moindre de
sa dette qu'on n'avait d'abord projeté de
le faire. Emprunt parce qu'on emploie
dix-neuf millions des excédants de re-
cettes de 1876 : comme si c'était em-
prunter que d'employer une somme sur
laquelle on ne comptait pas, mais qu'on
n'en a pas moins dans ses caisses, parce
que les revenus ont dépassé les prévi-
sions.
Puis M. Bocher raisonne comme ceci :
Supposons que le phylloxéra détruise
toutes nos vignes, que la concurrence
américaine tue notre industrie, en un
mot, que tous les malheurs fondent sur
nous, où en sera le budget? - Assti-
rément, et pour peu que les rivières
débordent, qu'un volcan surgisse au
milieu de Paris, que le choléra étende
ses ravages sur toute la surface du
pays, qu'une guerre malheureuse dé-
vaste en outre notre pauvre patrie,
qu'enfin la France soit entièrement rui-
née, dévastée et déserte. on aura tou-
tes les peines du monde, non-seule-
ment à faire tous les travaux projetés
par M. de Freycinet et à payer le reste de
la dette de la Banque y mais même à
solder les notes que les princes d'Or-
léans peuvent se réserver de présenter
encore !
, M. Bocher a les humeurs noires. Mais,
si l'on partageait ses idées sinistres, il
serait insuffisant de réformer le bud-
get; le mieux serait de se faire trap-
piste, et de se promener dans un préau
de cloître, en répétant : Frère, il faut
mourir!. Nous n'en sommes pas là,
heureusement.
sa»
Le discours do M. Bocher, ici, est
d'un esprit malade, mais ailleurs il est
tout simplement d'un droitier. Nous
entendons exposer un programme fi-
nancier. M. Bocher finit par convenir,
malgré ses prévisions funèbres, qu'il
pourra se rencontrer des ressources dis-
ponibles, que la France pourra rester
riche, que les impôts peuvent rapporter
beaucoup. Que faire de ces grosses re-
cettes? Diminuer les impôts? Ce serait
se conduire comme la commission
du budget de la Chambre! Construire
des chemins de fer, des canaux? Cela
est bon pour des républicains ! Il
faudrait, au gré de M. Bocher et de la
droite qui l'applaudit : 1° augmenter
le traitement des employés, magistrats,
etc.; 20 reconstruire le monument du
quai d'Orsay, acheter des tableaux pour
le Louvre, étendre l'Ecole des char-
tes. etc.
Je cite ces quelques exemples pour
montrer quel parti-pris puéril M. Bo-
cher laisse voir. L'Ecole des Chartes
coûte cinquante mille francs à l'Etat:
elle occupe un local qui semblerait
étroit à une modeste famille bourgeoise;
les achats du Louvre ont un budget fort
minime. Si l'on doublait les deux cré-
dits, cela coûterait le prix.., d'un kilo-
mètre de chemin de fer. Voyez-vous
cette dépense alléguée pour prouver
qu'il est impossible de faire de grands
travaux ou de diminuer les impôts?
Mais ce que nous retenons, c'est le
système. S'il y a de l'argent, qu'il aille
aux bureaux, à l'administration, aux
constructious de luxe, à la réédification
des palais! Pas de dépenses producti-
ves ! pas de ces allégements qui aug-
menteraient la prospérité du commerce
et de l'industrie ! Pas de ces extensions
de nos réseaux de railways et de canaux
qui peuvent augmenter les échanges !
Voilà le programme financier exposé
au nom des droites, la veille des élec-
tiens!
Nous en prenons acte.
M. Bocher termine en exprimant
l'espoir que, quand les deux Chambres
seront républicaines, la mauvaise in-
telligence ne cessera pas pour cela do
régner entre elles. Quand vous serez
la majorité, dit-il, « soyez une vraie
majorité de résistance»! Vœu naïf, ex-
primé sans déguisement. O i croirait
que, pour M. Bocher, il serait imnoral
que les deux moitiés du Parlement vé-
cussent en bonne intelligence. ;
<~
M. Léon Say a répondu. M. Léon
Say a un incontestable talent de pa-
role : mais ce talent est fort singulier.
Le ministre parle sans un trait, sans
dire un mot plus haut que l'autre, par
petites phrases tranquilles. Il ne dis-
cute pas, il explique et il prouve. Si
force est faite de clarté et de compé-
tence. Comme tous les hommes qui
connaissent une question à fond, et la
comprennent parfaitement, il sait être
sobre et aller droit à l'argument vrai.
La brièveté, chez lui, complète la luci-
dité.
C'est une chose curieuse de le voir
détruire les objections une à une, sans
colère, sans effort, posément, rectifiant
les erreurs, retournant les sophismes
et en montrant le faible. Il n'a rien
laissé subsister de tout ce qui avait été
dit avant lui. Et personne n'a été tenté
de venir lui répondre. La discussion
générale a été close.
On peut discuter le système de M.
Léon Say. Il a rappelé lui-même qu'il
était opposé aux dégrèvements, et la
Chambre a eu raison contre lui, à notre
avis. Mais il est incontestablement un
des orateurs les plus financiers, les plus
nets qui soient.
Décidément, la droite aurait mieux
Feuilleton du RAPPEL
PU i5 DÉCEMBRE
20
LES
PETITES ÉTOILES
1#>
V
Le ménage Vauthier
(Suite)
Au lendemain du pâté de veilles, les ate-
liers étaient encore déserts. On* ne se
presse jamais, aux premiers jours d'un
nouvel an, de reprendre le collier de mi-
sère. Avec l'insouciance gaie du travailleur
qui, pour une fois, se sent heureux de dé-
penser comme les riches, les peintres,
Voir le Rappel du 25 novembre au 14 dé-
cembre.
avant de retourner à la banquette, prome-
naient dans Paris le désœuvrement heu-
reux des journées de fête.
Maurice attendait avec une sorte d'im-
patience que le travail reprît. Ces longues
journées passées auprès des ateliers vides
lui semblaient interminables. Il avait soif
du bruit, des chansons, d'habitude chez
les peintres et les brunisseuses. Urfe sorte
d'obsession nerveuse l'agitait, lui enlevait,
la nuit, des heures de sommeil, l'enfiévrait
comme s'il eût couvé quelque maladie, et
cet énervement il essayait de le cacher
comme s'il eût redouté de s'avouer à lui-
même quelle en était la cause inexpli-
auée.
Bien évidemment, l'image éclatante
de beauté de Léa, avec son exubérance de
vie ardente traversait, quoi qu'il fît pour la
chasser, le fond troublé de ses insomnies.
La tête enfoncée dans son oreiller, se
tournant et se retournant pour chercher
le repos qui fuyait, il apercevait toujours
cette belle fille aux cheveux drus, avec ses
petits yeux gris, faisant trou où ils se po-
saient, et qui s'agrandissaient étrangement
lorsqu'elle les fixait sur quelqu'un. Et le
rictus narquois des lèvres fraîches 1 Et la
sonore gaieté de la rieuse ! Il l'entendait
aussi ce rire, semblable à un collier de
perles, au fil rompu, tombant dans une
coupe d'orl La prise de possession cruelle,
implacable de Maurice par la vision éter-
nelle de cette femme commençait, et, pour
s'étourdir, lui qui sortait très souvent d'or-
dinaire, allant traiter lui-même ses affaires
avec les clients, il s'enfonçait avec une vo-
lupté de reclus dans une solitude presque
farouche, le front dans ses écritures, le
regard sur ses livres, comme s'il eût voulu
harasser son esprit et s'empêcher de pen-
ser à la grande fille.
Mais, chaque jour, inévitablement, lors-
qu'il traversait le petit salon où Pauline
avait mis, dans un vase de Delft aux rin-
ceaux bleus, le bouquet rapporté par lui,
il se sentait ramené vers la songerie
secouée ; ces fl'eurs lui rappelaient obsti-
nément Léa, il lui semblait revoir la main
grasse, chaude et satinée qui se posait,
là-bas, sur ces roses, et, à son oreille, la
voix caressante répétait encore la prière
murmurée.
Il se trouvait décidément bien niais de
n'avoir pas donné l'humble fleur qu'on
lui demandait. Mlle Thibault se moquait
de lui certainement et elle avait raison. Si
elle s'avisait de raconter que Maurice
avait, pour si peu, fait le puritain, de qui
rirait-on? d'elle ou de lui? N'y avait-il pas
eu comme une affectation et comme une
pose dans son refus. Il était irrité profon-
dément contre lui-même.
Pauline le surprit, un matin, debout de-
vant ces fleurs à demi fanées, déjà jaunies,
les pétales mordues comme par une sorte
de rouille. Elle s'avança doucement, le
voyant pensif, et. nar derrière, lui passant
ses bras sur les épaules, elle coula sa tête
vers lui, et il tressaillit en s'entendant ap-
peler par son nom; il devint tout rouge,
regarda brusquement devant lui, l'œil ef-
frayé. Dans la glace, le front, les cheveux
châtains de Pauline apparaissaient, et,
dans la figure fine de la jeune femme, les
yeux brillaient, doucement malicieux,
pleins d'une tendresse qui souriait.
— Ah 1 c'est toi ? dit-il en lui prenant
les mains.
Il les tenait serrées dans les siennes, les
appuyant instinctivement sur sa poitrine,
et Pauline, sentant le cœur de son mari
battre violemment, épiait maintenant dans
la glace l'expression du regard de son mari
— leurs deux têtes se réflétant l'une à
côté de l'autre, celle de Maurice, devenue
par réaction légèrement pâle, celle de Pau-
line, la joue sur l'épaule de l'époux, les
yeux levés et un peu inquiets.
— Tu n'as rien qui t'ennuie, Maurice?
— Rien. Pourquoi me demandes-tu
cela?
— Parce que je te trouve l'air soucieux.
Tu regardais ce bouquet? Il est joli. Et
sais-tu ce qu'il me rappelle, ce beau bou-
quet de roses toutes blanches, avec du
lilas perlé de rosée ? — mon bouquet de
fiançailles, Maurice !. Il est fané depuis
longtemps, et le parfum m'en est resté
pourtant. Je nous revois toujours, le re-
gardant ensemble, dans le salon de mon
père. Il était bien' beau! mais, là, dans
le porte-bouquet de Venise où on l'avait
mis, il ne me semblait pas assez à moi, à
moi toute seule. Tout le monde pouvait le
regarder, l'admirer, le respirer. La moin-
dre branchette de ces lilas donnée à moi
par toi m'eût semblé plus belle. Alors,
quand tu as été parti, le soir, et que, dans
la maison, tout le monde était couché, je
me suis levée doucement, j'ai ouvert sans
bruit la porte de ma chambre, j'ai traversé
le salon et, presque à tâtons, allant au bou-
quet qui embaumait, à ton bouquet, Mau-
rice, j'en ai pris une rose, une rose que
j'ai emportée, que j'ai posée sur mon
chevet, dans ma chambre de jeune fille,
que j'ai embrassée, le lendemain, en
m'éveillant, et qui, depuis, ne m'a point
quittée et ne me quittera pas. Elle est
bien desséchée depuis, mais j'y tiens
comme à un bijou. Tu ne me trouves
pas romanesque et sotte de te parler en-
core de ces chers enfantillages, après neuf
ans ?
— Non, dit Maurice qui écoutait avec
une sorte de volupté amère, comme s'il
eût éprouvé une joie cruelle à retourner
vers ce passé.
— C'est que nous avons toujours nos
poupées, nous autres, comme lorsque
nous étions petites filles. C'est vrai, va,
Maurice, chacune de nous garde comme
des reliques des boucles de cheveux et des
fleurs fanées, et il n'y a pas une femme
dont on ne reconstruirait la vie, avec de
petits médaillons ornés de diamants, si
elle est riche, ou des brins de fleurettes
pliées dans une enveloppe de papier
jauni, si elle est pauvre. Et puis, avec la
vie monotone que nous menons, j'ai
peur que tu ne t'habitues peu à peu à
voir en moi une amie, une camarade, une
sorte de commis qui travaille à ses côtés,
et que tu n'oublie que celle qui est là
t'adore comme au premier jour, plus
qu'au premier jour, et que si tu ne l'ai-
mais plus par hasard. Ah! si tu ne
m'aimais plus, Maurice, je crois que je
mourrais, tiens !
- Es-tu folle? dit-il en portant à ses
lèvres les deux mains qui s'appuyaient sur
lui, entrecroisées.
C'était par un mouvement instinctif
plein de passsion qu'il attirait à lui ces
doigts où, parmi des bagues, le cercle d'or
de l'anneau de mariage apparaissait, et
pourtant, dans une sorte d'ironique vision
qui l'irritait violemment, il comparait, en
appuyant sa bouche sur les mains de Pau-
line, ces phalanges délicates et minces
avec les doigts gras et paresseux de Léa.
Il en éprouvait comme de la colère. Cela
tournait à l'obsession et à l'ennui!
♦
JULES CLARETIE
(A suivre}
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