Titre : Le Rappel / directeur gérant Albert Barbieux
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1869-10-06
Contributeur : Barbieux, Albert. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328479063
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 06 octobre 1869 06 octobre 1869
Description : 1869/10/06 (N141). 1869/10/06 (N141).
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine commune
Description : Collection numérique : La Commune de Paris Collection numérique : La Commune de Paris
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k7529859b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-43
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 27/08/2012
* au 79. -- lq" 1416
N* 141, — Mercredi 6 octobre 1869 Le numéro : Il c. - Départements : 20 o. 15 vendémiaire an 78. 141*
RÉDACTION
S'adrewer au SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION
De 3 à 5 h. du soir
(0, rue du Faubourg-Montmartre, 10
Lsl: manuscrits non insérés ne sont pas rendus,
ANNONCES
MM. CH. LA GRANGE, CERF et Cf 1
6, place de la Bourse, 6.
\ç l :L'I~.(~~
({rt~ Cf,> p
ADMINISTRATION
S'adresser à M. AUGUSTE PANIS
ABONNEMENTS
CARIS
Un motl. 9 M
Trois nto!e. <3 50
DÉPARTEMENTS
Un moI.
Trois Id tl
) BUFKAO*
) t3, rue du Faubourg-Montmartre, t&
CHRONlQUE RÉVOLUTIONNAIRE
LE 26 OCTOBRE
1
Pour la première fois depuis dix-huit
ans, le peuple est en train de donner un
ordre à l'empire.
La France est le seul pays du monde
qui ait deux souverains. Nous avons d'a-
bord sa majesté Napoléon III et ensuite
sa majesté le peuple. Napoléon 111 est
souverain par la volonté du peuple, le
peuple est souverain par la volonté de
Napoléon III. Nous donnons au monde
cette comédie d'un souverain qui com-
mande à un autre souverain qui obéit.
Entre Charlemagne qui tenait le globe
et Napoléon 1er qui tenait l'épée, Napo-
léon 111 apparaît à l'histoire ayant dans
une main l'urne du suffrage universel et
dans l'autre le casse-tête de décembre.
Il est élu, mais il est maître. Il est res-
ponsable, mais il est auguste. Il a un
sénat pour concilier l'empereur justi-
ciable avec l'empereur tout puissant et
pour mettre d'accord, dans la même
apothéose, le banc de la haute-cour et le
fauteuil de la salle du trône.
C'est bien.
En attendant, sorti d'une conspiration
militaire et nocturne, le pouvoir person-
nel se plait à ignorer ses propres lois et
à substituer à sa légalité sa volonté.
L'empire s'est donné le luxe d'un pacte
fondamental. A quoi bon? puisque nous
avons aux Tuileries un homme tellement
habitué à violer les constitutions qu'en
ce moment il ne peut s'empêcher de vio-
ler la sienne et de manquer de parole,
même à son coup d'état.
La Constitution dictatoriale de 1852
nous est connue tout juste assez pour que
nous sachions que, le 26 octobre pro-
chain, le corps législatif doit se réunir,
- à peine de forfaiture de l'empe-
reur à l'empire. Or, Napoléon III, rétif
même à la dictature, refuse son consen-
tement à la date constitutionnelle du 26
octobre et paraphe, au bas d'un décret,
la date illégale du 29 novembre.
La Constitution règne, mais Napo-
léon III gouverne. Quant au peuple sou-
verain il est là potrr obéir.
Jusqu'ici, il a toujours obéi.
Il a obéi, eu décembre 51, à la canon-
nade du boulevard Montmartre. Il a
., obéi, en décembre 52, au Te Deum du
couronnement. Pendant dix-sept ans, on
lui a imposé silence et il s'est tu. On lui
a demandé son argent, et il a payé. On
lui a demandé son sang, et, en Crimée
comme en Chine, en Italie comme au
Mexique, il a donné son sang. Il a obéi
à Canrobert maréchal du massacre, à
Montauban général du pillage , à Pé-
lissier duc de la mort. Est-ce tout ?
Non. Il a subi Troplong président et
Espinasse ministre. Il a toléré Morny
sur le siège de Boissy-d'Anglas, et Rou-
her sur le banc de Turgot. Il a été do-
N
cile à Persigny, souple à Pinard, gou-
vernable à Baroche. Il a subi, pendant
une génération, la presse bâillonnée, le
~vote esc r !t&,-.1._1L 8JLl JhAIJÓt'
sans limite, le budget sans contrôle, l'in-
trigue sans frein. Il a permis à la stra-
tégie d'Haussmann de construire un Pa-
ris somptueux et menaçant, fait à
souhait pour la promenade et pour la
mitraille, une place de guerre masquée
en ville de plaisir, une Babylone moitié
caserne et moitié prison. Il a toléré la
toute-puissance de la police et la baston-
nade de l'argousin. La loi de sûreté gé-
nérale a pu, sous ses yeux, remplir Mazas
de suspects, comme le Deux-Décembre
avait rempli Cayenne de proscrits. Il a
laissé passer, sans mot dire, la justice de
césar, et lui, le peuple de 92, de 1830 et
de 48, après avoir été trois fois formi-
dable, sous Louis XVI, sous Charles X
et sous Louis-Philippe, il a été immobile
sous Napoléon 111.
Pourquoi ?
Parce qu'il dormait.
Au mois de mai dernier, il s'est ré-
veillé.
Ce qu'on prenait pour la mort n'était
que la lassitude. Lassitude de son pro-
pre droit mal compris par février et sub-
tilement confisqué par l'empire. On était
fatigué d'une marche si rapide. Le coup
d'Etat ouvrait ses bras. On s'y est af-
faissé, on s'y est endormi, et le second
empire s'est trouvé de taille à garotter ce
sommeil; et c'est à peine si, pendant dix-
huit ans, le peuple a senti les menottes
et les poucettes que lui mettait, dans
l'ombre, Napoléon III dit le Grand, neveu
de Napoléon Ier dit le Petit.
Enfin, il s'est réveillé.
Quatre millions d'électeurs, c'est à dire
les deux tiers des électeurs libres, ont
tout à coup donné à l'Europe monarchi-
que stupéfaite un effrayant signe de vie.
— La France a voté la liberté et Paris la
révolution.
Ne pouvant annuler le vote, l'empire,
pris lui-même au dépourvu, n'a rien
trouvé de mieux que de proroger la
chambre, et, comme le peuple de 89 de-
vant Louis XVI, le peuple de 1869 s'est
trouvé brusquement face à face avec
l'em pereur-véto.
Aujourd'hui, comme alors, la situa-
tion politique est solennelle et décisive.
Aux termes de la Constitution de l'em-
pire, la représentation nationale ne peut
être suspendue plus de six mois. Ce dé-
lai légal va expirer.
Le peuple, fort de son droit, a donné
au pouvoirTorJre de convoquer la cham-
bre le 26 octobre prochain.
Le pouvoir a désobéi au peuple.
Au lira drr-âtf rœl0frf67"1î~a~ fixé le
29 novembre.
Pourquoi pas le 2 décembre ?
II
Quatre courageux députés ont annon-
cé publiquement leur résolution formelle
de passer outre à la décision du pouvoir
et de se présenter à la porte du Corps
législatif le 26 octobre, la Constitution
à la main.
//*- k >
n' ant, on les raille. Les jour-
naïTSTSmcieux leur prodiguent les sar-
casmes ; le Public rit a gorge déployée
de MM. Kératry, Marion, Giraud et Ras-
pail, et le Journal des Débats, qi i sait
parfois être agréable, dit que ces quatre
députés feront plus aisément une partie
de whist qu'une révolution.
Le mot est peut-être un peu gai pour
la situation. Car il est possible que la rue
applaudisse les joueurs, si la partie de
whist a lieu dans la salle du Jeu de
Paume.
* *
Soit, ils sont quatre. Pas plus.
Ils suffisent.
Le nombre n'est rien, là où est le
droit.
Un seul homme, Camille Desmoulins,
a fait le 14 Juillet. Un seul homme, La-
fayette, a décidé 1830. Un seul homme,
Lagrange, a précipité 48.
Toute la question se réduit à ceci :
Ces quatre députée ont-ils le peuple
avec eux?"
Oui.
Ils sont quatre, mais ils pourraient
être quarante, si, en présence de cette
manifestation solennellement annoncée,
en présence de cette date attendue com-
me une sommation par la liberté et
comme une échéance par le pouvoir, —
la gauche faisait son devoir.
Elle est peu héroïque, nous l'avoue-
rons. On la cherche et on a peine à la
trouver. Elle s'est laissé proroger avec
une docilité malheureuse. Le peuple lui
en garde une rancune profonde. Il n'ai-
me guère ce silence et cette absence. Il a
voulu des combattants, non des muets,
et, en nommant la gauche, il lui a mon-
tré, comme exemple, plutôt la Conven-
tion que le Corps législatif et plutôt Dan-
ton que Morny. -
Impopulaire aujourd'hui, la gauche a
une éclatante occasion de redevenir po-
pulaire.
Cette occasion, c'est le 26 octobre.
Que va-t-elle faire ?
Ou elle va agir, ou elle va s'abstenir.
Si elle s'abstient, elle trahit. Si elle
trahit, elle se perd. Le peuple ne se sou-
viendra plus des hommes qui la compo-
sent que pour inscrire leurs noms sur la
liste des habiles et pour leur décerner
les honneurs funèbres de l'épitaphe po-
litique.
Si elle agit, son devoir est simple.
Le 20 juin 1789, à Versailles, le tiers-
état trouva la porte de la salle de ses
séances fermée par ordre de Louis XVI.
Il ne se dispersa pas.
Il se rendit au Jeu de paume.
Là, sur la proposition de Monnier, le
président Bailly monta sur une chaise, et
dit à haute voix cette parole mémorable :
« Vous prêtez le serment solennel de ne
jamais vous séparer. »
Trois jours après, Louis XVI donna
l'ordre à l'Assemblée de se séparer, fit
approcher des troupes, et Mirabeau jeta
au marquis de Dreux-Brézé ce cri célè-
bre :
( Allez dire à votre maître que nous
sommes ici par la volonté du peuple. »
Or, Bailly, c'était le droit ; Mirabeau
c'était la nation.
.- -.:t.-<;.: '-*oc-~f.--.
Ce que le tiers-état fit à Versailles le
20 juin 1789, que la gauche le fasse à
Paris le 26 octobre 1869.
< Que les quarante députés qui la com-
posent se donnent rendez-vous sur la
place de la Bastille.
Qu'ils aient, visible sur leur poitrine,
non pas l'écharpe des représentants du
peuple, puisqu'elle est restée sur le ca-
davre de Baudin, mais le ruban trico-
lore.
Qu'ils se réunissent, sur cette place
d'où sont sorties toutes les délivrances,
impassibles, déterminés, pacifiques, in-
violables, sans même avoir dans leur
poche, pour se défendre contre la police,
le pistolet factieux dont s'est servi à
Boulogne l'insurgé Louis-Bonaparte, ni
le pistolet légal qu'avaient sous la main
les représentants Charras et Changarnier
dans la nuit du deux-décembre.
A l'heure dite, qu'ils se mettent en
marche, à pied, à travers Paris. Qu'ils
descendent les boulevards en silence,
comme fit le tiers-état traversant Ver-
sailles, avec la fermeté et la gravité du
droit. Et qu'on ait ce spectacle magni-
fique d'un groupe d'hommes forts.de
leur conscience et de leur mandat, don-
nant à la fois à la loi cette preuve de
fidélité et au peuple cette preuve d'obéis-
sance.
Partis quarante de la place de la Bas-
tile, ils arriveront cent mille sur la place
de la Concorde.
L'acclamation de Paris les suivra.
# *
Si la gauche agit ainsi, si le peuple
s'unit à la presse radicale pour le lui
conseiller et au besoin pour le lui ordon-
ner, qu'arrivera-t-il ?
l-,~ En supposant que la seule crainte de
cette manifestation imposante et solen-
nelle ne fasse pas revenir le pouvoir sur
sa décision arbitraire, en supposant que
le pouvoir veuille attendre la gauche à
l'œuvre, que pent-il contre elle ?
Pas autre chose qu'une arrestation en
masse. f
C'est-à-dire un coup d'Etat. 1
De qui ?
De l'empire.
Contre qui?
Contre l'empire. ,
On peut dire que, ce jour-là, le meur-
tre de la République serait vengé par le
suicide du Deux-Décembre.
(
Charles Hugo.
Henri Rochefort répond à l'adresse des dé-
légués de la première circonscription, que nous
avons publiée :
Chers concitoyens,
En voyant le gouvernement personnel
s'effondrer, je m'étais demandé un in-
stant s'il était bien utile que je fisse par-
tie d'une chambre destinée, non plus à
combattre, mais à enterrer cet ordre de
choses.
Je pensais que garder mon indépen-
dance absolue me donnerait plus de force
pour surveiller ceux qui guettent la suc-
cession au détriment de la république, et
mon rôle me paraissait être plutôt dans
la rue qu'au corps législatif
Les excellentes raisons que me don-
neat les honorables délégués qui ontbien
voulu venir jusqu'à Bruxelles, m'ont dé-
cidé à accepter définitivement la candi-
dature dans la première circonscription.
Je ferai mon devoir au corps législa-
tif, avec l'espérance de le faire bientôt à
la Convention
Salut et fraternité.
HENRI ROCHEFORT.
3 octobre 1869.
LA MISE EN ACCUSATION DES MINISTRES
Le citoyen Raspail a adressé la lettre su i-
vante au Réveil:
Mon cher concitoyen,
Je vous prie de donner place dans vos co-
lonnes à la présente réclamation auprès du mi-
nistère.
F.-V. RASPAIL.
« Messieurs les ministres,
« Le Journal officiel du 3 octobre 1869 vient
d'insérer le décret de convocation du Sénat et
du CoffS législatif pour le 29 novembre 1869.
« Pourquoi pas pour le 26 octobre 1869, jour
signalé comme limite du délai dans la Consti-
tution oclroyée par le pouvoir dont vous êtes
redevenus les gérants responsables ?
« Serait-ce par un caprice de mauvaise hu-
meur et de nature valétudinaire, et pour con-
server l'idée du pouvoir personnel, qui désor-
mais n'existe plus?
« Mais alors pourquoi n'avoir pas indiqué
une date antérieure au 26 octobre, jour de la
limite légale, au lieu de reporter l'ouverture
de la chambre au 29 novembre, sans motif ap-
parent?
« En jurant obéissance à la Constitution,
nous l'avions élevée à la hauteur de notre
mandat populaire; vous nous apprenez à la
considérer comme une lettre morte, puisque
c'est vous qui la violez les premiers.
Dès que la chambre se sera organisée, vous
devez vous attendre à être interpellés à ce su-
jet ; et ensuite, sur les raisons que vous invo-
querez, une demande de mise en accusation
sera formulée par la majorité, en violation de
la Constitution, si la majorité se montre digne
de ses prérogatives.
vous pouvez éviter cette flétrissure en con-
voquant l'assemblée pour une date antérieure
au 26 octobre 1869.
F.-V. RASPAIL.
Arcueil-Cachan (Seine), 3 octobre 1869.
Le moyen de protestation et de répres-
sion que l'honorable député de ; yon pro-
pose dans cette lettre n'exclut certaine-
ment pas l'acte plus prochain qu'il a an-
noncé pour le 26 octobre.
Une mise en accusation du ministère qui
viole la Constitution serait, en effet, une
conséquence logique de la manifestation à
laquelle plusieurs députés, et le citoyen
Raspail lui-môme, se sont engagés.
Seulement, le Sénat y a mis bon ordre en
refusant au Corpsjégislatif le droit d'accuser
les ministres. Il a gardé ce droit pour lui
tout seul et, franchement, nous ne pensons
pas qu'en cette occasion il en use.
Si jamais le Sénat met les ministres en
accusation, Ce ne sera guèreqtïe pôWéri-
te*v «a faisant fa part thr feu, d'y être mig,
lui-même : en pareil cSts, nous ne serions
même pas surpris qu'il requît contre l'em-
pereur en personne, ainsi qu'on l'a vu
en 1814. -.
Mais, encore une fois, il n'y faut pas
compter pour le décret inconstitutionnel de
la convocation tardive des Chambres.
La réunion spontanée du 26 octobre est
une forme de protestation plus naturelle,
un acte de résistance légale moins éloigné,
plus pratique et plus sûr.
~E. La
L'INDISCIPLINE
La Pairie nous reproche aigrement d'a.
voir critiqué la déclaration de M. Pelletan,
relative au 26 octobre. Elle voit dans ces
critiques la preuve d'une absence complète
de discipline au sein du parti républicain.
Les jeunes discuter les actes des vétérans
de la démocratie ! Quel scandale pour la
feuille bonapartiste !
Que la Patrie se rassure ! « L'indiscipline »
qui ferait de si grands ravages dans les
rangs des officieux a moins d'inconvénients
dans les nôtres.
Autant il serait désastreux pour une
feuille ministérielle de résister à l'enrégi-
mentation, d'enfreindre la consigne et d'ou-
blier le mot d'ordre, autant c'est chose
naturelle chez nous, par la raison bien sim-
ple que nous n'avonsni mot d'ordre ni con-
signe.
Aucun de nos vétérans ne nous reproche-
rait d'avoir une opinion différente de la
sienne, et tous nous reprocheraient de ne
pas l'exprimer quand nous l'avons conçue.
Nos libres contradictions ne sont point une
révolte contre ceux qui ont été nos guides,
mais qui n'ont jamais aspiré à être nos maî-
tres ; elles leur prouvent au contraire, que
nous savons pratiquer l'indépendance, la
mâle et nécessaire indiscipline que leurs
propres exemples nous ont appris à aimer.
Nous n'avons pas besoin, dans notre parti
républicain, d'être enregiinentés pour être
unis, et d'avoir un numéro matricule pour ?
savoir à quel rang nous devons nous tenir,
et quels chefs nous devons suivre à l'heure
où il faut des chefs. Le moment n'est peut
être pas loin où la Patrie et ses amis, l'ap-
prendront à leurs dépens. 'Y
✓ II. i tiii i i-;re.
LES ON-DIT nu BOULEVARD
Les habitants de Pantin, exaspérés de
voir que leur territoire sert d'atelier de tra-
vail à tous les gredinsde la grande ville,ont
pris le parti de s'organiser en patrouilles, à
l'instar des régulateurs de l'Amérique, et
font des rondes de nuit. Ils ont déjà arrêté
plusieurs malfaiteurs.
On ne saurait trop recommander à la po-
lice l'exemple des régulateurs de Pantin.
* <
La prédiction qu'a faite l'astronome
royal de Greenwich sur les marées et tem-
pêtes du 6 octobre, a déterminé sur les
côtes et dans les îles anglaises une véritable
panique.
Les riverains déménagent.
Chez nous, les astronomes patentés inspi-
rent moins de confiance.
On trouve que souvent ce sont eux qui.
déménagent.
Le maréchal Bazaine se fait construire
en ce moment, à l'angle de l'avenue d'Iéna
et de la rue Dumont-d'Urville, près des In-
valides, un hôtel où il viendra se reposer
sur ses lauriers du Mexique, en quittant
son grand commandement de Nancy.
M rraiaieton dn RAl'I'H
013 6 OCTOBRE 1869
L'HOMME OUI RIT
DEUXIEME PARTIE
P A H OtimtK B lJ H 01
LIVRE SIXIEME
ASPECTS VARIÉS O'UkSl}s
V
La raison d'Etat travaille en petit
comme en grand.
Ursus, il s'en vantait, hélas! n'avait
jamais pleuré. Le réservoir des pleurs
était plein. Une telle plénitude, où s'est
Reproduction interdite.
Voir les nauaércH du omai an fi jUllI (i -olunie),
du 30 juin an 44 noûl. 12" volume); du 19 aoùt au
30 septembre (3e volume); des 1*% 2, i et 5 octobre
4e volume).
accumulée goutte à goutte, douleur à
douleur, toute une longue existence, na
se vide pas en un instant. Ursus sanglota
longtemps.
La première larme est une ponction.
.11 pleura sur Gwynplaine, sur Dea, sur
lui Ursus, sur Homo. Il pleura comme
un enfant. Il pleura comme un vieillard.
Il pleura de tout ce dont il avait ri. Il ac-
quitta l'arriéré. Le droit de l'homme aux
larmes ne se périme pas.
Du reste, le mort qu'on venait de
mettre en terre, c'était Hardquanonne ;
mais Ursus n'était pas forcé de le sa-
voir.
Plusieurs heures s'écoulèrent.
Le jour commença à poindre; la pâle
nappe du matin s'étala, vaguement plis-
sée d'ombre, sur le bowling-green.
L'aube vint blanchir la façade de l'inn
Tadcastcr.
Maître Nicless ne s'était pas couché ;
car parfois le même fait produit plusieurs
insomnies.
Les catastrophes rayonnent en tout
sens. Jetez une pierre dans l'eau et
comptez les éclaboussures.
Maître Nicless se sentait atteint. C'est
fort désagréable, des aventures chez
vous. Maître Nicless, peu rassuré et en-
trevoyant des complications, méditait. Il
regrettait d'avoir reçu chez lui « ces
gens-là. » — S'il avait su ! — Ils finiront
par lui attirer quelque mauvaise affaire.
Comment les mettre dehors maintenant ?
— Il avait bail avec Ursus. — Quel bon-
heur s'il en était débarrassé ! — Com-
ment s'y prendre pour les chasser ?
Brusquement il y eut à la porte de
l'inn un de ces frappements tumultueux
qui, en Angleterre, annoncent « quel-
qu'un ». La gamme du frappement cor-
respond à l'échelle de la hiérarchie.
Ce n'était point tout à fait le frappe-
ment d'un lord, mais c'était le frappe-
ment d'un magistrat.
Le tavernier, fort tremblant, entre-
bâilla son vasistas.
Il y avait magistrat en effet. Maitre
Nicless aperçut à sa porte, dans le petit
jour, un groupe de police, en tète duquel
se détachaient deux hommes, dont l'un
était le justicier-quorum.
Maitre Nicless avait vu le matin le ius-
ticier-quorum, et il le connaissait.
Il ne connaissait pas l'autre homme.
C'était un gentleman gras, au visage
couleur cire, en perruque mondaine et
en cape de voyage.
Maitre Nicless avait grand peur du
premier de ces personnages, le justicier-
quorum.
Si maître Nicless eût été de la cour,
il eût eu plus peur encore du second,
car c'était Barkilphedro.
Un des hommes du groupe cogna une
seconde fois la porte, violemment.
Le tavernier, 'avec une grosse sueur
d'anxiété au front, ouvrit.
Le justicier-quorum, du ton d'un
homme qui a charge de police et qui est
est très au fait du personnel des vaga-
bonds, éleva la voix et demanda sévère-
ment :
— Maître Ursus ?
L'hôtelier, bonnet bas, répondit :
— Votre Honneur, c'est ici.
— Je le sais, dit le justicier.
! f 1 Sans doute, votre Honneur.
- Qu'il vienne.
- Votre Honneur, il n'est pas là.
-.- Où est-il ?
- Je l'ignore.
- Comment ?
- Il n'est pas rentré.
- 11 est donc sorti de bien bonne
heure ?
— Non. Mais il est sorti bien tard.
— Ces vagabonds ! reprit le justicier.
— Votre Honneur, dit doucement
maître Nicless, le voilà.
Ursus, en effet, venait de paraitre à un
détour de mur. Il arrivait à l'inn. Il avait
passé presque toute la nuit entre la geôle
où, à midi, il avait vu entrer GWYll-
plaine, et le cimetière où, à minuit, il
avait entendu combler une fosse. Il était
pâle de deux pâleurs, de sa tristesse et
du crépuscule.
Le petit jour, qui est de la lueur à
l'état de larve, laisse les formes, même
celles qui se meuvent, mêlées à la diffu-
sion de la nuit. Ursus, blême et vague,
marchant lentement, ressemblait à une
figure de songe.
Dans cette distraction farouche que
donne l'angoisse, il s'en était allé de
l'inn tête nue. Il ne s'était pas même
aperçu qu'il n'avait point de chapeau.
Ses quelques cheveux gris remuaient au
vent.
Ses yeux ouverts ne paraissaient pas
regarder. Souvent, éveillé on est en-
dormi, de même qu'il arrive qu'endor-
mi on est éveillé.
Ursus avait un air fou.
— Maitre Ursus, cria le tavernier, ve-
nez. Leurs Honneurs désirent vous par-
ler.
Maître Nicless, occupé uniquement
d'amadouer l'incident, lâcha, et en même
temps eût voulu retenir ce pluriel, Leurs
Honneurs, respectueux pour le groupe,
mais blessant peut-être pour le chef, con-
fondu de la sorte avec ses subordonnés.
Ursus eut le sursaut d'un homme pré-
cipité à bas d'un lit où il dormirait pro-
fondément.
— Qu'est-ce ? dit-il.
Et il aperçut la police, et en tète de la
police le magistrat.
Nouvelle et rude secousse.
Tout à l'heure le wapentake, mainte-
nant le justicier-quorum. L'un semblait
le jeter à l'autre. Il y a de vieilles histoi-
res d'écueils comme cela.
Le justicier-quorum lui lit signe d'en-
trer dans la taverne.
Ursus obéit.
Govicum, qui venait de se lever et qui
balayait la salle, s'arrêta, se rencogna
derrière les tables, mit son balai au re-
pos, et retint son souffle. Il plongea son
poing dans ses cheveux et se gratta va-
guement, ce qui indique l'attention aux
événements.
Le justicier-quorum s'assit sur un
banc, devant une table; Barkilphedro
prit une chaise. Ursus et maitre Nicless
demeurèrent debout. Les gens de pnl;:-o..
laissés dehors, se masisèrept deva
porte refermée. i (l,,,
* 1 t. - <•
(La kwite à demaf^
(La stt't e lt tMStlfta,
N* 141, — Mercredi 6 octobre 1869 Le numéro : Il c. - Départements : 20 o. 15 vendémiaire an 78. 141*
RÉDACTION
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De 3 à 5 h. du soir
(0, rue du Faubourg-Montmartre, 10
Lsl: manuscrits non insérés ne sont pas rendus,
ANNONCES
MM. CH. LA GRANGE, CERF et Cf 1
6, place de la Bourse, 6.
\ç l :L'I~.(~~
({rt~ Cf,> p
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CHRONlQUE RÉVOLUTIONNAIRE
LE 26 OCTOBRE
1
Pour la première fois depuis dix-huit
ans, le peuple est en train de donner un
ordre à l'empire.
La France est le seul pays du monde
qui ait deux souverains. Nous avons d'a-
bord sa majesté Napoléon III et ensuite
sa majesté le peuple. Napoléon 111 est
souverain par la volonté du peuple, le
peuple est souverain par la volonté de
Napoléon III. Nous donnons au monde
cette comédie d'un souverain qui com-
mande à un autre souverain qui obéit.
Entre Charlemagne qui tenait le globe
et Napoléon 1er qui tenait l'épée, Napo-
léon 111 apparaît à l'histoire ayant dans
une main l'urne du suffrage universel et
dans l'autre le casse-tête de décembre.
Il est élu, mais il est maître. Il est res-
ponsable, mais il est auguste. Il a un
sénat pour concilier l'empereur justi-
ciable avec l'empereur tout puissant et
pour mettre d'accord, dans la même
apothéose, le banc de la haute-cour et le
fauteuil de la salle du trône.
C'est bien.
En attendant, sorti d'une conspiration
militaire et nocturne, le pouvoir person-
nel se plait à ignorer ses propres lois et
à substituer à sa légalité sa volonté.
L'empire s'est donné le luxe d'un pacte
fondamental. A quoi bon? puisque nous
avons aux Tuileries un homme tellement
habitué à violer les constitutions qu'en
ce moment il ne peut s'empêcher de vio-
ler la sienne et de manquer de parole,
même à son coup d'état.
La Constitution dictatoriale de 1852
nous est connue tout juste assez pour que
nous sachions que, le 26 octobre pro-
chain, le corps législatif doit se réunir,
- à peine de forfaiture de l'empe-
reur à l'empire. Or, Napoléon III, rétif
même à la dictature, refuse son consen-
tement à la date constitutionnelle du 26
octobre et paraphe, au bas d'un décret,
la date illégale du 29 novembre.
La Constitution règne, mais Napo-
léon III gouverne. Quant au peuple sou-
verain il est là potrr obéir.
Jusqu'ici, il a toujours obéi.
Il a obéi, eu décembre 51, à la canon-
nade du boulevard Montmartre. Il a
., obéi, en décembre 52, au Te Deum du
couronnement. Pendant dix-sept ans, on
lui a imposé silence et il s'est tu. On lui
a demandé son argent, et il a payé. On
lui a demandé son sang, et, en Crimée
comme en Chine, en Italie comme au
Mexique, il a donné son sang. Il a obéi
à Canrobert maréchal du massacre, à
Montauban général du pillage , à Pé-
lissier duc de la mort. Est-ce tout ?
Non. Il a subi Troplong président et
Espinasse ministre. Il a toléré Morny
sur le siège de Boissy-d'Anglas, et Rou-
her sur le banc de Turgot. Il a été do-
N
cile à Persigny, souple à Pinard, gou-
vernable à Baroche. Il a subi, pendant
une génération, la presse bâillonnée, le
~vote esc r !t&,-.1._1L 8JLl JhAIJÓt'
sans limite, le budget sans contrôle, l'in-
trigue sans frein. Il a permis à la stra-
tégie d'Haussmann de construire un Pa-
ris somptueux et menaçant, fait à
souhait pour la promenade et pour la
mitraille, une place de guerre masquée
en ville de plaisir, une Babylone moitié
caserne et moitié prison. Il a toléré la
toute-puissance de la police et la baston-
nade de l'argousin. La loi de sûreté gé-
nérale a pu, sous ses yeux, remplir Mazas
de suspects, comme le Deux-Décembre
avait rempli Cayenne de proscrits. Il a
laissé passer, sans mot dire, la justice de
césar, et lui, le peuple de 92, de 1830 et
de 48, après avoir été trois fois formi-
dable, sous Louis XVI, sous Charles X
et sous Louis-Philippe, il a été immobile
sous Napoléon 111.
Pourquoi ?
Parce qu'il dormait.
Au mois de mai dernier, il s'est ré-
veillé.
Ce qu'on prenait pour la mort n'était
que la lassitude. Lassitude de son pro-
pre droit mal compris par février et sub-
tilement confisqué par l'empire. On était
fatigué d'une marche si rapide. Le coup
d'Etat ouvrait ses bras. On s'y est af-
faissé, on s'y est endormi, et le second
empire s'est trouvé de taille à garotter ce
sommeil; et c'est à peine si, pendant dix-
huit ans, le peuple a senti les menottes
et les poucettes que lui mettait, dans
l'ombre, Napoléon III dit le Grand, neveu
de Napoléon Ier dit le Petit.
Enfin, il s'est réveillé.
Quatre millions d'électeurs, c'est à dire
les deux tiers des électeurs libres, ont
tout à coup donné à l'Europe monarchi-
que stupéfaite un effrayant signe de vie.
— La France a voté la liberté et Paris la
révolution.
Ne pouvant annuler le vote, l'empire,
pris lui-même au dépourvu, n'a rien
trouvé de mieux que de proroger la
chambre, et, comme le peuple de 89 de-
vant Louis XVI, le peuple de 1869 s'est
trouvé brusquement face à face avec
l'em pereur-véto.
Aujourd'hui, comme alors, la situa-
tion politique est solennelle et décisive.
Aux termes de la Constitution de l'em-
pire, la représentation nationale ne peut
être suspendue plus de six mois. Ce dé-
lai légal va expirer.
Le peuple, fort de son droit, a donné
au pouvoirTorJre de convoquer la cham-
bre le 26 octobre prochain.
Le pouvoir a désobéi au peuple.
Au lira drr-âtf rœl0frf67"1î~a~ fixé le
29 novembre.
Pourquoi pas le 2 décembre ?
II
Quatre courageux députés ont annon-
cé publiquement leur résolution formelle
de passer outre à la décision du pouvoir
et de se présenter à la porte du Corps
législatif le 26 octobre, la Constitution
à la main.
//*- k >
n' ant, on les raille. Les jour-
naïTSTSmcieux leur prodiguent les sar-
casmes ; le Public rit a gorge déployée
de MM. Kératry, Marion, Giraud et Ras-
pail, et le Journal des Débats, qi i sait
parfois être agréable, dit que ces quatre
députés feront plus aisément une partie
de whist qu'une révolution.
Le mot est peut-être un peu gai pour
la situation. Car il est possible que la rue
applaudisse les joueurs, si la partie de
whist a lieu dans la salle du Jeu de
Paume.
* *
Soit, ils sont quatre. Pas plus.
Ils suffisent.
Le nombre n'est rien, là où est le
droit.
Un seul homme, Camille Desmoulins,
a fait le 14 Juillet. Un seul homme, La-
fayette, a décidé 1830. Un seul homme,
Lagrange, a précipité 48.
Toute la question se réduit à ceci :
Ces quatre députée ont-ils le peuple
avec eux?"
Oui.
Ils sont quatre, mais ils pourraient
être quarante, si, en présence de cette
manifestation solennellement annoncée,
en présence de cette date attendue com-
me une sommation par la liberté et
comme une échéance par le pouvoir, —
la gauche faisait son devoir.
Elle est peu héroïque, nous l'avoue-
rons. On la cherche et on a peine à la
trouver. Elle s'est laissé proroger avec
une docilité malheureuse. Le peuple lui
en garde une rancune profonde. Il n'ai-
me guère ce silence et cette absence. Il a
voulu des combattants, non des muets,
et, en nommant la gauche, il lui a mon-
tré, comme exemple, plutôt la Conven-
tion que le Corps législatif et plutôt Dan-
ton que Morny. -
Impopulaire aujourd'hui, la gauche a
une éclatante occasion de redevenir po-
pulaire.
Cette occasion, c'est le 26 octobre.
Que va-t-elle faire ?
Ou elle va agir, ou elle va s'abstenir.
Si elle s'abstient, elle trahit. Si elle
trahit, elle se perd. Le peuple ne se sou-
viendra plus des hommes qui la compo-
sent que pour inscrire leurs noms sur la
liste des habiles et pour leur décerner
les honneurs funèbres de l'épitaphe po-
litique.
Si elle agit, son devoir est simple.
Le 20 juin 1789, à Versailles, le tiers-
état trouva la porte de la salle de ses
séances fermée par ordre de Louis XVI.
Il ne se dispersa pas.
Il se rendit au Jeu de paume.
Là, sur la proposition de Monnier, le
président Bailly monta sur une chaise, et
dit à haute voix cette parole mémorable :
« Vous prêtez le serment solennel de ne
jamais vous séparer. »
Trois jours après, Louis XVI donna
l'ordre à l'Assemblée de se séparer, fit
approcher des troupes, et Mirabeau jeta
au marquis de Dreux-Brézé ce cri célè-
bre :
( Allez dire à votre maître que nous
sommes ici par la volonté du peuple. »
Or, Bailly, c'était le droit ; Mirabeau
c'était la nation.
.- -.:t.-<;.: '-*oc-~f.--.
Ce que le tiers-état fit à Versailles le
20 juin 1789, que la gauche le fasse à
Paris le 26 octobre 1869.
< Que les quarante députés qui la com-
posent se donnent rendez-vous sur la
place de la Bastille.
Qu'ils aient, visible sur leur poitrine,
non pas l'écharpe des représentants du
peuple, puisqu'elle est restée sur le ca-
davre de Baudin, mais le ruban trico-
lore.
Qu'ils se réunissent, sur cette place
d'où sont sorties toutes les délivrances,
impassibles, déterminés, pacifiques, in-
violables, sans même avoir dans leur
poche, pour se défendre contre la police,
le pistolet factieux dont s'est servi à
Boulogne l'insurgé Louis-Bonaparte, ni
le pistolet légal qu'avaient sous la main
les représentants Charras et Changarnier
dans la nuit du deux-décembre.
A l'heure dite, qu'ils se mettent en
marche, à pied, à travers Paris. Qu'ils
descendent les boulevards en silence,
comme fit le tiers-état traversant Ver-
sailles, avec la fermeté et la gravité du
droit. Et qu'on ait ce spectacle magni-
fique d'un groupe d'hommes forts.de
leur conscience et de leur mandat, don-
nant à la fois à la loi cette preuve de
fidélité et au peuple cette preuve d'obéis-
sance.
Partis quarante de la place de la Bas-
tile, ils arriveront cent mille sur la place
de la Concorde.
L'acclamation de Paris les suivra.
# *
Si la gauche agit ainsi, si le peuple
s'unit à la presse radicale pour le lui
conseiller et au besoin pour le lui ordon-
ner, qu'arrivera-t-il ?
l-,~ En supposant que la seule crainte de
cette manifestation imposante et solen-
nelle ne fasse pas revenir le pouvoir sur
sa décision arbitraire, en supposant que
le pouvoir veuille attendre la gauche à
l'œuvre, que pent-il contre elle ?
Pas autre chose qu'une arrestation en
masse. f
C'est-à-dire un coup d'Etat. 1
De qui ?
De l'empire.
Contre qui?
Contre l'empire. ,
On peut dire que, ce jour-là, le meur-
tre de la République serait vengé par le
suicide du Deux-Décembre.
(
Charles Hugo.
Henri Rochefort répond à l'adresse des dé-
légués de la première circonscription, que nous
avons publiée :
Chers concitoyens,
En voyant le gouvernement personnel
s'effondrer, je m'étais demandé un in-
stant s'il était bien utile que je fisse par-
tie d'une chambre destinée, non plus à
combattre, mais à enterrer cet ordre de
choses.
Je pensais que garder mon indépen-
dance absolue me donnerait plus de force
pour surveiller ceux qui guettent la suc-
cession au détriment de la république, et
mon rôle me paraissait être plutôt dans
la rue qu'au corps législatif
Les excellentes raisons que me don-
neat les honorables délégués qui ontbien
voulu venir jusqu'à Bruxelles, m'ont dé-
cidé à accepter définitivement la candi-
dature dans la première circonscription.
Je ferai mon devoir au corps législa-
tif, avec l'espérance de le faire bientôt à
la Convention
Salut et fraternité.
HENRI ROCHEFORT.
3 octobre 1869.
LA MISE EN ACCUSATION DES MINISTRES
Le citoyen Raspail a adressé la lettre su i-
vante au Réveil:
Mon cher concitoyen,
Je vous prie de donner place dans vos co-
lonnes à la présente réclamation auprès du mi-
nistère.
F.-V. RASPAIL.
« Messieurs les ministres,
« Le Journal officiel du 3 octobre 1869 vient
d'insérer le décret de convocation du Sénat et
du CoffS législatif pour le 29 novembre 1869.
« Pourquoi pas pour le 26 octobre 1869, jour
signalé comme limite du délai dans la Consti-
tution oclroyée par le pouvoir dont vous êtes
redevenus les gérants responsables ?
« Serait-ce par un caprice de mauvaise hu-
meur et de nature valétudinaire, et pour con-
server l'idée du pouvoir personnel, qui désor-
mais n'existe plus?
« Mais alors pourquoi n'avoir pas indiqué
une date antérieure au 26 octobre, jour de la
limite légale, au lieu de reporter l'ouverture
de la chambre au 29 novembre, sans motif ap-
parent?
« En jurant obéissance à la Constitution,
nous l'avions élevée à la hauteur de notre
mandat populaire; vous nous apprenez à la
considérer comme une lettre morte, puisque
c'est vous qui la violez les premiers.
Dès que la chambre se sera organisée, vous
devez vous attendre à être interpellés à ce su-
jet ; et ensuite, sur les raisons que vous invo-
querez, une demande de mise en accusation
sera formulée par la majorité, en violation de
la Constitution, si la majorité se montre digne
de ses prérogatives.
vous pouvez éviter cette flétrissure en con-
voquant l'assemblée pour une date antérieure
au 26 octobre 1869.
F.-V. RASPAIL.
Arcueil-Cachan (Seine), 3 octobre 1869.
Le moyen de protestation et de répres-
sion que l'honorable député de ; yon pro-
pose dans cette lettre n'exclut certaine-
ment pas l'acte plus prochain qu'il a an-
noncé pour le 26 octobre.
Une mise en accusation du ministère qui
viole la Constitution serait, en effet, une
conséquence logique de la manifestation à
laquelle plusieurs députés, et le citoyen
Raspail lui-môme, se sont engagés.
Seulement, le Sénat y a mis bon ordre en
refusant au Corpsjégislatif le droit d'accuser
les ministres. Il a gardé ce droit pour lui
tout seul et, franchement, nous ne pensons
pas qu'en cette occasion il en use.
Si jamais le Sénat met les ministres en
accusation, Ce ne sera guèreqtïe pôWéri-
te*v «a faisant fa part thr feu, d'y être mig,
lui-même : en pareil cSts, nous ne serions
même pas surpris qu'il requît contre l'em-
pereur en personne, ainsi qu'on l'a vu
en 1814. -.
Mais, encore une fois, il n'y faut pas
compter pour le décret inconstitutionnel de
la convocation tardive des Chambres.
La réunion spontanée du 26 octobre est
une forme de protestation plus naturelle,
un acte de résistance légale moins éloigné,
plus pratique et plus sûr.
~E. La
L'INDISCIPLINE
La Pairie nous reproche aigrement d'a.
voir critiqué la déclaration de M. Pelletan,
relative au 26 octobre. Elle voit dans ces
critiques la preuve d'une absence complète
de discipline au sein du parti républicain.
Les jeunes discuter les actes des vétérans
de la démocratie ! Quel scandale pour la
feuille bonapartiste !
Que la Patrie se rassure ! « L'indiscipline »
qui ferait de si grands ravages dans les
rangs des officieux a moins d'inconvénients
dans les nôtres.
Autant il serait désastreux pour une
feuille ministérielle de résister à l'enrégi-
mentation, d'enfreindre la consigne et d'ou-
blier le mot d'ordre, autant c'est chose
naturelle chez nous, par la raison bien sim-
ple que nous n'avonsni mot d'ordre ni con-
signe.
Aucun de nos vétérans ne nous reproche-
rait d'avoir une opinion différente de la
sienne, et tous nous reprocheraient de ne
pas l'exprimer quand nous l'avons conçue.
Nos libres contradictions ne sont point une
révolte contre ceux qui ont été nos guides,
mais qui n'ont jamais aspiré à être nos maî-
tres ; elles leur prouvent au contraire, que
nous savons pratiquer l'indépendance, la
mâle et nécessaire indiscipline que leurs
propres exemples nous ont appris à aimer.
Nous n'avons pas besoin, dans notre parti
républicain, d'être enregiinentés pour être
unis, et d'avoir un numéro matricule pour ?
savoir à quel rang nous devons nous tenir,
et quels chefs nous devons suivre à l'heure
où il faut des chefs. Le moment n'est peut
être pas loin où la Patrie et ses amis, l'ap-
prendront à leurs dépens. 'Y
✓ II. i tiii i i-;re.
LES ON-DIT nu BOULEVARD
Les habitants de Pantin, exaspérés de
voir que leur territoire sert d'atelier de tra-
vail à tous les gredinsde la grande ville,ont
pris le parti de s'organiser en patrouilles, à
l'instar des régulateurs de l'Amérique, et
font des rondes de nuit. Ils ont déjà arrêté
plusieurs malfaiteurs.
On ne saurait trop recommander à la po-
lice l'exemple des régulateurs de Pantin.
* <
La prédiction qu'a faite l'astronome
royal de Greenwich sur les marées et tem-
pêtes du 6 octobre, a déterminé sur les
côtes et dans les îles anglaises une véritable
panique.
Les riverains déménagent.
Chez nous, les astronomes patentés inspi-
rent moins de confiance.
On trouve que souvent ce sont eux qui.
déménagent.
Le maréchal Bazaine se fait construire
en ce moment, à l'angle de l'avenue d'Iéna
et de la rue Dumont-d'Urville, près des In-
valides, un hôtel où il viendra se reposer
sur ses lauriers du Mexique, en quittant
son grand commandement de Nancy.
M rraiaieton dn RAl'I'H
013 6 OCTOBRE 1869
L'HOMME OUI RIT
DEUXIEME PARTIE
P A H OtimtK B lJ H 01
LIVRE SIXIEME
ASPECTS VARIÉS O'UkSl}s
V
La raison d'Etat travaille en petit
comme en grand.
Ursus, il s'en vantait, hélas! n'avait
jamais pleuré. Le réservoir des pleurs
était plein. Une telle plénitude, où s'est
Reproduction interdite.
Voir les nauaércH du omai an fi jUllI (i -olunie),
du 30 juin an 44 noûl. 12" volume); du 19 aoùt au
30 septembre (3e volume); des 1*% 2, i et 5 octobre
4e volume).
accumulée goutte à goutte, douleur à
douleur, toute une longue existence, na
se vide pas en un instant. Ursus sanglota
longtemps.
La première larme est une ponction.
.11 pleura sur Gwynplaine, sur Dea, sur
lui Ursus, sur Homo. Il pleura comme
un enfant. Il pleura comme un vieillard.
Il pleura de tout ce dont il avait ri. Il ac-
quitta l'arriéré. Le droit de l'homme aux
larmes ne se périme pas.
Du reste, le mort qu'on venait de
mettre en terre, c'était Hardquanonne ;
mais Ursus n'était pas forcé de le sa-
voir.
Plusieurs heures s'écoulèrent.
Le jour commença à poindre; la pâle
nappe du matin s'étala, vaguement plis-
sée d'ombre, sur le bowling-green.
L'aube vint blanchir la façade de l'inn
Tadcastcr.
Maître Nicless ne s'était pas couché ;
car parfois le même fait produit plusieurs
insomnies.
Les catastrophes rayonnent en tout
sens. Jetez une pierre dans l'eau et
comptez les éclaboussures.
Maître Nicless se sentait atteint. C'est
fort désagréable, des aventures chez
vous. Maître Nicless, peu rassuré et en-
trevoyant des complications, méditait. Il
regrettait d'avoir reçu chez lui « ces
gens-là. » — S'il avait su ! — Ils finiront
par lui attirer quelque mauvaise affaire.
Comment les mettre dehors maintenant ?
— Il avait bail avec Ursus. — Quel bon-
heur s'il en était débarrassé ! — Com-
ment s'y prendre pour les chasser ?
Brusquement il y eut à la porte de
l'inn un de ces frappements tumultueux
qui, en Angleterre, annoncent « quel-
qu'un ». La gamme du frappement cor-
respond à l'échelle de la hiérarchie.
Ce n'était point tout à fait le frappe-
ment d'un lord, mais c'était le frappe-
ment d'un magistrat.
Le tavernier, fort tremblant, entre-
bâilla son vasistas.
Il y avait magistrat en effet. Maitre
Nicless aperçut à sa porte, dans le petit
jour, un groupe de police, en tète duquel
se détachaient deux hommes, dont l'un
était le justicier-quorum.
Maitre Nicless avait vu le matin le ius-
ticier-quorum, et il le connaissait.
Il ne connaissait pas l'autre homme.
C'était un gentleman gras, au visage
couleur cire, en perruque mondaine et
en cape de voyage.
Maitre Nicless avait grand peur du
premier de ces personnages, le justicier-
quorum.
Si maître Nicless eût été de la cour,
il eût eu plus peur encore du second,
car c'était Barkilphedro.
Un des hommes du groupe cogna une
seconde fois la porte, violemment.
Le tavernier, 'avec une grosse sueur
d'anxiété au front, ouvrit.
Le justicier-quorum, du ton d'un
homme qui a charge de police et qui est
est très au fait du personnel des vaga-
bonds, éleva la voix et demanda sévère-
ment :
— Maître Ursus ?
L'hôtelier, bonnet bas, répondit :
— Votre Honneur, c'est ici.
— Je le sais, dit le justicier.
! f 1 Sans doute, votre Honneur.
- Qu'il vienne.
- Votre Honneur, il n'est pas là.
-.- Où est-il ?
- Je l'ignore.
- Comment ?
- Il n'est pas rentré.
- 11 est donc sorti de bien bonne
heure ?
— Non. Mais il est sorti bien tard.
— Ces vagabonds ! reprit le justicier.
— Votre Honneur, dit doucement
maître Nicless, le voilà.
Ursus, en effet, venait de paraitre à un
détour de mur. Il arrivait à l'inn. Il avait
passé presque toute la nuit entre la geôle
où, à midi, il avait vu entrer GWYll-
plaine, et le cimetière où, à minuit, il
avait entendu combler une fosse. Il était
pâle de deux pâleurs, de sa tristesse et
du crépuscule.
Le petit jour, qui est de la lueur à
l'état de larve, laisse les formes, même
celles qui se meuvent, mêlées à la diffu-
sion de la nuit. Ursus, blême et vague,
marchant lentement, ressemblait à une
figure de songe.
Dans cette distraction farouche que
donne l'angoisse, il s'en était allé de
l'inn tête nue. Il ne s'était pas même
aperçu qu'il n'avait point de chapeau.
Ses quelques cheveux gris remuaient au
vent.
Ses yeux ouverts ne paraissaient pas
regarder. Souvent, éveillé on est en-
dormi, de même qu'il arrive qu'endor-
mi on est éveillé.
Ursus avait un air fou.
— Maitre Ursus, cria le tavernier, ve-
nez. Leurs Honneurs désirent vous par-
ler.
Maître Nicless, occupé uniquement
d'amadouer l'incident, lâcha, et en même
temps eût voulu retenir ce pluriel, Leurs
Honneurs, respectueux pour le groupe,
mais blessant peut-être pour le chef, con-
fondu de la sorte avec ses subordonnés.
Ursus eut le sursaut d'un homme pré-
cipité à bas d'un lit où il dormirait pro-
fondément.
— Qu'est-ce ? dit-il.
Et il aperçut la police, et en tète de la
police le magistrat.
Nouvelle et rude secousse.
Tout à l'heure le wapentake, mainte-
nant le justicier-quorum. L'un semblait
le jeter à l'autre. Il y a de vieilles histoi-
res d'écueils comme cela.
Le justicier-quorum lui lit signe d'en-
trer dans la taverne.
Ursus obéit.
Govicum, qui venait de se lever et qui
balayait la salle, s'arrêta, se rencogna
derrière les tables, mit son balai au re-
pos, et retint son souffle. Il plongea son
poing dans ses cheveux et se gratta va-
guement, ce qui indique l'attention aux
événements.
Le justicier-quorum s'assit sur un
banc, devant une table; Barkilphedro
prit une chaise. Ursus et maitre Nicless
demeurèrent debout. Les gens de pnl;:-o..
laissés dehors, se masisèrept deva
porte refermée. i (l,,,
* 1 t. - <•
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