Titre : L'Aurore : littéraire, artistique, sociale / dir. Ernest Vaughan ; réd. Georges Clemenceau
Éditeur : L'Aurore (Paris)
Date d'édition : 1898-08-08
Contributeur : Vaughan, Ernest (1841-1929). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 08 août 1898 08 août 1898
Description : 1898/08/08 (Numéro 294). 1898/08/08 (Numéro 294).
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Demrième Année. -Numéro 294
Cinq Centimes
LUNDI 8 AOPT 18|8 [^5'
Directeur-
ERNEST VAUGHAN
ABOITiroeMBlITS
Six Trois
Ua an mois mois
PARIS 20 » 10 » & *
DÉPARTEMENTS ET ALGÉRIE. 3-4 * 13 ? « »
ÉïiîAJNQttïî^UKioHPOSTALE). 35 » 18 » W .
POUR LA RÉDACTION :
S'adresser à M. A. BERTHIER
Secrétaire de la Rédaction
ADRESSE T&légrapbiqck : AURORE-PARIS
L'AURORE
Littéraire, Artistique, Sociale
Directeur ^HÉHBCS
ERNEST VAUGHAN
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142 - Rue Montmartre - 143
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dresse ou réclamations.
A ffl PROLÉTAIRE
On t'a dit :
r- Cette affaire Dreyfus ne te regarde
pas et tu n'as rien à y voir. Que t'importe
l'injustice dont Dreyfus est Victime ? Que
t'importe qu'il agonise de douleur et de
rage,là-bas, dans son île? S'il.n'a pas
commis le crime dont on l'accusa et pour
lequel il fut condamné à la plus atroce
des tortures, tant pis... Il en a commis
d'antres envers toi, et de plus impardon-
nables... ceux d^être un riche, un officier,
ton éternel ennemi, par conséquent. Il
expie tout cela, aujourd'hui. Cette injus-
tice, par rapport à lui, devient une justice
par rapport à toi... Tout est bien... Passe
ton chemin, prolétaire, et, si le coeur t'en
dit, passe en chantant...
C'est M* guesde qui t'apporte ce géné-
reux conseil, et M. Guesde s'y connaît.
C'est un logicien implacable, a ce qu'on
prétend, et il a une belle barbe. A toutes
les indignités sociales qui vouent Drey-
fus, sinon à ta haine - car on te permet
de ne pas le haïr - du moins à ton indif-
férence, M. Guesde, pour un peu, eût
ajouté celle-ci, que, étant juif par sur-
croît, Dreyfus ne saurait mériter ta pitié.
Ne sondons pas trop avant les raisons de
M. Guesde ; elles ne sont peut-être pas
très pures.
M. Guesde Ce dit encore, ou à peu près,
ceci :
- Mais considère tous ces ^ens qui dé-
fendent Dreyfus.,. Il y aTrarieux, sous le.
ministère de qui furent votées ces fa-
meuses lois scélérates qui vous reléguaient
un homme aux marais putrides de la
Guyane, en un rien de temps... 11 y a
Reinach qui. jadis ne parlait, lui aussi,
que de proscrire, fusiller, guillotiner... Il y
a Scheurer-Kestner,un patron d'usines !...
Et les autres?... Il y a oien Zola, qui est
révolutionnaire, sans doute, mais pas se-
lon l'Evangile de Kari Marx, en oui règne
la vérité unique, et que je représente!.,.
Ce qu'ils défendent en Dreyfus, ce n'est
même pas Dreyfus innocent, c'est, les
uns, une caste sociale, dont tu n'es pas,les
autres, une race qui n'est pas la tienne,...
ceux-là, enfin, un méprisable idéal de lit-
térateur où tu ne comptes pour rien, où
tu n'es qu'un décor illusoire. Est-ce qu'ils
te défendent, toi ?... Est-ce qu'ils te con-
naissent seulement ? Quand, misérable et
anonyme soldat, tu pourrissais dans les
silos d'Afrique, quand, pour un mot, pour
un geste, pour rien, on te traînait devant
les conseils de guerre, et qu'on te ligotait
au poteau, est-ce qu'ils ont protesté?...
Quand on te pourchassait et qu'on te tuait
à Môntceau-les-Mines et à Fourmies, où
étaient-ils donc?... Ils t'ignorent... Fais
comme eux... Ignore-les aussi... Et passe
ton chemin !
Et tu n'as pas songé en toi-même :
»- Les hommes, sont des hommes après
tout!... Et c'est toujours la même his-
toire!... Au pouvoir, leur oeuvre est mau-
vaise; contre le pouvoir, elle est souvent
admirable... Profitons-en...Quem'importe
d'où vient la parole de justice, si elle vient,
et si elle retentit, en moi, et dans les att-
ires, pour le bien de l'humanité?,.. Est-ce
que je vais demander ses papiers à qui me
console et me réconforte?
Non, tu n'as songé à rien de tout cela,
et, comme le voulait M. Guesde, tu as
pDassé ton chemin, sans écouter aucune
ie ces voix qui te parlaient, pourtant, un
langage noble, fier et humain, et comme
';u n'en entendis jamais sortir de la bou-
she de M. Guesde.
Indifférent, d'abord, tu répondais à
ceux qui s'inquiétaient, cette: leçon ap-
prise : « Moquons-nous de ce qu'ils font
et disent,,. Ce sont des bourgeois qui se
battent entre eux. Ce n'est pas noire af-
faire. » Puis ton atavisme de servitudes
reprenant le dessus, je t'ai entendu, Lier,
qui proclamais: « Oui, faut pas être un
homme! Faut être un fameux lâche pour
crier : Vive Zola f... Tas de gourdes ! » Et,
demain, peut-être, au nom de la belle lo-
gique de M. Guesde, tu feras cortège à
judet, digne acolyte d'Esterhazy !
Eh bien, tu commets un véritable
crime, toi aussi, non seulement envers un
malheureux qui souffre, mais envers toi-
même, car vous êtes solidaires l'un de
l'autre.
L'Injustice qui frappe un être vivant -
fût-il ton ennemi - te frappe du même
coup. Par elle, l'Humanité est lésée en
vous deux. Tu dois en poursuivre la répa-
ration, sans relâche, l'imposer par ta vo-
lonté, et si on te la refuse, l'arracher par
la force, au besoin. En le défendant, celui
qu'oppriment toutes les forces brutales,
toutes les passions d'une société décli-
nante, c'est toi que tu défends en lui, ce
sont les tiens, c'est ton droit à la liberté,
et à la vie, si précairement conquis, au
prix de combien de sang ! Il n'est donc
pas bon que tu te désintéresses d'un abo-
minable conflit où c'est la Justice, où c'est
la Liberté, où c'est la Vie qui sont en jeu
et qu'on égorge ignominieusement, dans
un autre. Demain, c'est en toi qu'on les
égorgera une fois de plus...
Et puis, regarde où cette affaire Dreyfus
nous a amenés les uns et les autres.
Aujourd'hui, elle surpasse le malheur
effroyable d'un innocent. En se générali-
sant, et par tout ce que nous avons décou-
vert de mensonges accumulés sur des in-
famies, elle est devenue une question de
vie ou de mort pour tout un peuple. C'est
de l'histoire, et ton histoire qui se fait en
ce moment. Grâce à elle, nous sentons que
l'armée est mortellement atteinte - non
dans son principe de défense nationale, où
nous ne pouvons que la fortifier- mais
dans les antiques et tyranniques formes
de sa constitution, qui ne cadrent plus
avec nos libertés modernes, avec les nou-
velles expansions de nos moeurs publi-
ques. Non seulement l'armée, telle qu'elle
est restée, n'est plus une sauvegarde ; elle
est un péril. Qui donc l'acclame aujour-
d'hui? Les césariens, qui ne rêvent que
d'émeutes sanglantes. Sur qui s'appuie-
t-elle ? Sur les antisémites, qui ne rê vent
que de pillage. Lorsque quelqu^un, en ces
jours de folie furieuse, hurle : « Vive l'ar-
mée! » il hurle en même temps : « Mort à
quelque chose ! » Ces deux cris sont, dé-
sormais,associés dans les mêmes bouches.
Ils ne font qu'un. Ouvertement, admirati-
vement, ceux qui applaudissent l'armée
nous la représentent prête au massacre,
impatiente de tueries: elle est devenue le
point de ralliement de toutes les haines
sauvages, de tous les appétits barbares,de
toutes les violences insurgées... Volontai-
rement? Je ne veux pas le dire... Totale-
ment ? Certes. Et c'est encore au nom de
l'armée, que, dans les rues de Nantes,
où semble renaître l'ombre du hideux et
sanguinaire Carrier, de déshonorantes
brutes outragent, poursuivent, lapident,
menacent de mort, un grand et admirable
savant, gloire de la France et de l'huma-
nité... Que penses-tu de cela, toi, Sully
Prudhomme ?... Et trouves-tu pas que la
Justice ait suffisamment étendu son res-
sort, en attendant que la guillotine dé-
tende le sien, sur ta nuque ?
Nous en sommes arrivés à ce moment
décisif où il faut que ce soit l'armée .- je
dis l'armée, puisqu'il est convenu que
l'armée se résume exclusivement en ses
grands chefs - qui subisse la loi d'adap-
tation au milieu nouveau dans lequel
nous évoluons, ou que ce soit nous qui
nous soumettions àla domination factieuse
de l'armée.
Eh bien, nous ne nous soumettrons pas,
ça je te le dis 1 La résistance sera longue,
peut-être j peut-être se produîra-t-il de ter-
ribles convulsions sociales, comme il se
produit de grands remous sur la mer,
alors que sombre un transatlantique dé-
semparé ; peut-être, aussi, en coutera-t-il
à beaucoup d'entre npua leur liberté, et au
train dont vont les choses, leur vie. Il
n'importe,..Dès à présent, la vieille armée
des mercenaires est vaincue... Place à l'ar-
mée nationale !
Et vois encore combien tu es injuste et
malprévoyant î
Grâce à l'affaire Dreyfus, dontM. Guesde
te supplie de te désintéresser^ on. s'occupe
de toi davantage, on t'aime un peu plus.
Certes, dans le tumulte des intérêts et des
passions, tu étais toujours oublié. Tu
étais si petit, si petit qu'on n'apercevait
pas, souvent, dans la mêlée, ta face de
douleur et de misère... Aujourd'hui, elle
apparaît mieux, sur la face lointaine de
l'autre... Les cris du pauvre damné font
mieux entendre les tiens... De tous côtés,
on dénonce les abus de pouvoir, les injus-
tices, les férocités, les crimes, dont tu es,
sans cesse, la victime... Et, en quelques
mois, voici, arrachés au poteau des con-
seils de guerre, quatre de tes frères, qui
eussent subi l'infâme supplice... C'est au
martyre de Dreyfus qu'ils doivent de
vivre encore!... Tout cela n'est pas beau-
coup, soit!... Il ne tient qu'à ton courage,
à ta ténacité, à ton intelligence d'avoir
davantage!... Ne passe plus ton chemin,
prolétaire... Arrête-toi... Tends l'oreille
aux voix douloureuses, aux voix enfer-
mées, aux voix suppliciées, qui te vien-
nent, à travers la mer, du fond de la vérité
en deuil et de la justice es exil! Tu sen-
tiras ton coeur se gonfler d'une pitié fra-
ternelle, Et la pitié est féconde !
Et écoute Jaurès*.. C'est un grand logi-
cien, lui aussi, et ç'est utl grand poète, un
grand apôtre, une grande Parole, et une
grande Ame de Justice!... Il te dira pour-
quoi tu peux, pourquoi tu dois crier ar-
demment et sans remords :
- Vive Zola!...
Octave Mirbeau.
L'Aurore publiera demain un
article d'URBAIN GOHIER.
Léon Bourgeois expliqué par lui-même
C'est dans un discours prononcé le7 décem-
bre 1897, à. rassemblée générale d'une oeuvre
de charité très intéressante, la Maison ma-
ternelle de la rue Fessait, fondée par Mme
Louise Koppe, sous le patronage de quelques
gens de bien, parmi lesquels nous remar-
quons nombre de dreyfusards qualifiés, no-
tamment l'un des anciens collaborateurs do
M. Léon Bourgeois à l'Instruction publique,
celui-là même qui doit être « suspendu » à
l'hèure où nous écrivons ces lignes; nous
avons nommé M. Ferdinand Buisson.
A cette assemblée de la Maison maternelle,
M, Léon Bourgeois se lève et, après avoir
énumérè tous les bienfaits de l'oeuvre, en-
tame une éloquente dissertation sur l'éduca-
timqu'on d- it aux petits enfants, à ces pe-
tit! êtres qui seront les Français de demain :
* Oui ! s'écrie-t-il, quand vous voyez, dans
une réunion d'hommes, les visages rester
fermés et muets à certaines idées élevées et
généreuses, quand la face "ne s'éclaire pas
rte la lumière intérieure, vous avez le droit
de vous dire : « Ces hommes qui restent
froids devant les grands problèmes moraux
et sociaux, qui donc les a élevés ? »
» C'est en effet dans l'enfance qu'il faut
commencer à donner cet ébranlement inté-
rieur de la conscience qui produira plus tard
l'action bienfaisante. Il est trop tard lors-
qu'on s'adresse à l'homme fait ; si on veut
lui persuader qu'il a des devoirs, il est pris
par ses passions, ses intérêts, les habitudes
de sa vie. Il est trop tard pour en faire un
humain. C'est tout petit qu'il faut le pren-
dre. »
Il est certain que M, Bourgeois n'avait plus
quatre ans quand [il est entré dans la vie
publique...
C'est dommage I
A. D.
Mm nu enterrement
Un beau signe des temps, la lettre de
M. Salle à M. Arthur Meyer. M. Salle est
cet ancien avocat à qui un membre du
conseil de guerre de 1894 a confié que
Dreyfus avait été condamné sur une
pièce secrète soustraite à son examen.
Quelques jours après la publication, dans
VEclair, de cette pièce, d'ailleurs falsi-
fiée, M. Salle rencontra M. Démangé sur
le pont de Melun et lui Ht l'aveu de cette
confidence. L'Eclair annonçant, avec
force détails, que le document avait été
montré aux juges sans avoir passé sous
les yeux de l'accusé, M, Salle se considéra
dès iors comme libre de parler, et parla.
Telle est son aventure. Nous l'avons vu
comparaître en qualité de témoin au pro-
cès de Zola. Chacun sait qu'il fut empê-
ché de dire un seul mot par le président
Delegorgue qui, d'avance,connaissait trop
bien son témoignage. Il fut décidé par ce
« magistrat » Zola s'était fait poursuivre ne serait pas
posée. C'est ainsi que l'on put, grâce à
ce déshonorant subterfuge, obtenir du
jury une condamnation.
Depuis ce temps, M. Salle n'avait pas
fait parler de lui. Ce n'est point un cher-
cheur de réclame. On le dit le plus brave
homme du monde, avec des sentiments
qui ne sont point d'un réformateur. C'est
sans doute ce qui explique qu'il fut parti-
culièrement choqué, l'autre, jour, lorsqu'il
sé vit l'objet des attentions peu bienveil-
lantes du Gaulois. On le représentait
comme ayant «. apporté des obstacles » à
la fête du drapeau du 131e de ligne, célé-
brée à Maisons-Laffitte.Et, pour expliquer
ce manque de patriotisme, le journal ajou-
tait ces simples mots, pleins de perfidie : .
« On se rappelle l'intervention de M. Salle
au début du procès Zola ».
L'honorable avocat ne voulut point res-
ter là-dessus, et nul ne l'en blâmera, je
suppose. Il se justifia donc en quelques
explications abondantes auprès d'Arthur
Meyer. Mais la vérité rétablie ne lu i suffit
Sas : il voulut s'expliquer sur l'affaire
dreyfus. C'était encore son droit, à la seule
condition de parler net et de tout dire.
Hélas ! Il avait sur le coeur les injures des
amis d'Esterhazy et tenait surtout à se
disculper. De là, le paragraphe final de
l'épitre, où M. Salle dit qu'il n'est pas le
complice de Zola (j'ignorais qu'on eût
émis cette idée saugrenue) et que « rien
dans ses actes ni dans ses paroles n'a ja-
mais permis et ne permet encore dë pen-
ser qu'il ait pu croire à l'innocence du 1
condamné ».
C'est là, paraît-il, ce qu'il se proposait
de dire à la Cour d'assises. Kien de
mieux. Mais M. Salle, qui a certainement
conservé le souvenir de sa confidence à
M. Démangé, ne peut pas avoir oublié la
question c[ui lui fut posée sur ce point par
M0 Labori. Il ne s'agissait pas du tout de
savoir s'il était d'avis que Dreyfus est in-
nocent ou coupable. Ce qu'on voulait
avoir de lui, c'est la reproduction fidèle du
propos qui lui fut tenu par un membre du
conseil de guerre. Il ne l'ignore pas da-
vantage à cette heure. Comment se fait-il
donc qu'il soit muet là-dessus? Puisque
l'idée lui est venue d'ouvrir son coeur à
Arthur Meyer, pourquoi n'a-1-il pas « là- !
ché tout le morceau » bravement? C'est, là
qu'on voit à plein le succès de la terreur
organisée parla presse d'Esterhazy.
Les braves gens qui n'aiment pas à se
voir couvrir de boue,tous les matins dans
les feuilles publiques, n'osent dire ce
qu'ils savent, ou, s'ils annoncent qu'ils
vont parler, n'en disent que la moitié.Les
opinions de M. Salle sont assurément
fort loin des nôtres. Eh bien, cela même-
no lui assure pas l'indulgence des jou -
naux de l'Etat-Major. Il est supposé détre
nir quelque fragment de vérité. C'est
assez : on le honnit et l'infortuné ne songe
qu'à se confondre en excuses. Peine fort
inutile. Tous ceux qui connaissent M.
Salle déclarent qu'il est incapable de
mentir à sa conscience. Le jour viendra
où il sera mis en demeure de s'expliquer
I en présence de M. Démangé. Alors la vé-
; rite sera connue. M. Salle, d'ailleurs,
| n'est peut-être ças sans savoir que d'autres
: juges du conseil de guerre ont fait à di-
; verses personnes la même confidence, M.
1 Stock, à la Cour d'assises, a vainement
| proposé d'en faire la preuve,
j Dans ces conditions, comment ne pas
admirer la naïve roublardise du Gaulois,
annonçant que la lettre de M. Salle est « la
fin d'une légende ». Ce journal est, vrai-
ment, le dernier à pouvoir feindre tant
d'ignorance. Car nulle part l'histoire de
la pièce secrète communiquée aux juges
| ne fut plus explicitement racontée que
dans ses propres colonnes. Qu'il se relise.
Et son informateur, et l'informateur de
Bon informateur, qui ne m'est point in-
connu, lui diront que la vérité ne se laisse
S oint enterrer par voie d'escamotage. Que
e « légendes » enterrées, depuis le com-
mencement de l'affaire Dreyfus! On ne les
a pas plutôt mises au tombeau en céré-
monie, qu'elles se dressent plus vivantes
que jamais sur la dalle funèbre. Il y eut
jadis, en Israël, une histoire pareille. Un
Nazaréen, envolé du sépulcre ouvert. M,
Arthur Meyer qui est, je crois, de la tribu
de Juda, doit avoir deft aa^tres qui se
frottaient les mains en disant ; « Il est
mort. Bonne affaire! » Pour un mort, il a
fait beaucoup de bruit depuis dix-huit
cents"ans.
Carlsbad.
G. Clemenceau.
cÉchos et Nouvelles
CALENDRIeR - Lundi 8 août.
Lever da soleil : 4 h. 44, coucher : 7 h. 26.
Temps d'hier ; Orageux.
Thermomètre do l'Aurore ; MaXimum, 24*
au-dessus; minimum, 18» au-dessus.
Baromètre de l'ingénieur Secretan : A midi,
76Ôw ; à rainait, 766"'.
Temps probable : Beau.
Ephémêrides. - Mort de Rouget de Lisle (1836).
Abolition dea justices seigneuriales (1789),
DÉBARQUÉ
Félix et son phoque (que le petit Berge
avait déjà baptise Nicolas) se sont brusque-
ment séparés hier soir.
Après une vive discussion entre l'ancien
tanneur et le chien de mer, Félix a congédié
son nouvel hôte, qui a été immédiatement
expulsé du bassin de la villa de la Côte et re-
conduit à la mer.
On ignoré les motif» de la rupture entre
notre président et son jeune phoque.
A SULLY PRUDHOMME.
Dans une des visions de son poème le Bon-
heur, Sully Prudhomme,poète vengeur, nous
décrit ainsi le bonheur des anciens esclaves,
libérés par la mort :
Leurs couples, par la race et l'amour assortis.
Heurtent d'un paa égal l'étincelante arène ;
La même fougue errante en avant les entraîne
Dans 3a même aventure éperdument lancés.
Us aiment la ?vitesse et les bond» cadencés .
Bes chevaux généreux qu'anime an sang vivace,
Et, Mira m o quKJ fous et pleins dt Vigueur et d'audace,
Par-deSsUs les buissons, Ses rochers, les ruisseaux,
nu geste et de la voix précipitent leurs sauts ;?
Ils aiment, tout le jour, à voir sur leur passage
Apparaître, onduler et fuir le paysage,
À troubler des forêts le ténébreux sommeil
Poux replonger soudain de l'ombre en plein soleil,
A changer d'air, do sol, et de ciel.,.
Faustus, le héros du poème, salue en ces
ardents centaures les esclaves
Mis par la tombe en liberté,
Tremblants jadis, aujourd'hui brades,
Qui sOulagés de leurs entraves
Prouvèrent ici leur fierté.
Dans son prochain poème. Sully Pru-
dhomme trouvera-t-il quelque allégorie pour
nous rassurer sur le sort ultra-terrestrè des
innocents condamnés,.... et sur celui des poè-
tes épris de justice, devenus « des hommes
d'Etat hors cadre « et accablés à ce titre
d'obligations spéciales, et si délicates, qu'ils
sont incapables de les expliquer en bon fran-
çais.
MQST HORRIBLE
Le Temps - nous avons le chagrin de le
dire - le Temps devient un journal absolu-
ment cochon. Absolument f Voyez un peu sur
quels objets il retient l'attention de ses lec-
trices, sans songer que dans le nombre il en
est d'enceintes, peut-être. Voici ce qu'écrit
Sarcey au cours de son feuilleton d'hier, con-
sacré au Conservatoire :
Je regretterai cette vieille salle pompéienne où
j'ai souvent entendu les fureurs d'Oreste et la dé-
claration de Phèdre, le front ruisselant de sueur
et le fond du -pantalon collé à la moleskine, d'où
il fallait ensuite s'arracher avec effort.
Le derrière de Sarcey ruisselant de sueur!
- Ahî c'est dégoûtant, comme disait Baron
dans la Femme d Papa.
LEÇON OUBLIÉE
Ces mots figuraient hier, en première page
du Petit Journal,
C'était le titre d'un assez long article.
Nous nous sommes précipités, croyant qu'il
s'agissait de l'affaire Norton.
- Enfin 1 disions- nous, sa condamnation
en police correctionnelle a rappelé à Mari-
noni qu'il avait dû - pas lier ! - déposer
comme témoin dans le procès du nègre. Cette
première leçon, qu'il avait oubliée, il s'en sou-
vient enûn.
Hélas! l'article parlait de toute autre chose :
du blé, du biscuit de mer, etc.
Marinoni n'a rien appris, il a tout oublié.
LA CASERNE ET L'HYGIÉNE
-J'accuse la casera e d'être un foyer de mort.
C'est la statistique qui parle ainsi ! Dans ce
lieu de pourriture, les jeunes gens tombent
comme des mouches empoisonnées d'arsenic.
Et cela progresse tous les jours. Lisez :
Hommes entrés à l'infirmerie ou à l'hôpi-
tal : 502 pour 1,000 en 1894 ; 631 en 1805.
Décés : 6.19 pour 1,000 en 1893; 6.26 en 1894 ;
6.8Q en 1895.
C'est la viande putréfiée, l'eau insalubre,
c'est l'incurie administrative, sources de ty-
phus et de tuberculose, qui emportent le plus
de victimes :
On compte 4,875 entrées à l'hôpital pour
fièvre typhoïde, soit 8.95 pour 1,000; *3,886
tuberculeux, soit 7.03 pour 1,000. En 1898, la
proportion n'était encore que de 5.88; en
1894, de 6.13.
Les décès se chiffrent, en 1895, par 618,
soit 1.14 pour 1,000, contre 0.94 en 1893 et
1.01 en 1894.
Les pertes totales de l'armée f&r tubercu-
lose (décès, réformes et retraites) ont été de
10 pour 1,000, proportion supérieure à celle
des années précédentes.
À l'absence d'hygiène s'ajoutent comme
causes homicides les fatigues excessives qu'il
serait facile de réduire sans nuire à l'éduca-
tion du soldat, le manque de vigilance et
d'humanité des conseils de revision, qui ac-
ceptent tout sans y voir.
L'INQUISITION
L'Inquisition a été mise à l'ordre du jour
par le père Didon.
Or, on a fait le relevé de l'OEuvre des
grands inquisiteurs, Inquisidores maiores,
et l'on a trouvé que :
Torquemada lit brûler... 114.431 hérétiques
Diego Deza 36.378 -
Le cardinal de Cesneros. 53-855 --
Adriano de Florencia... 24,010 -
Total 228.669 -
Un joli chiffre à mettre au tableau do la
chasse à l'hérétique que Didon voudrait voir
rouverte.
L'ESPRIT DES MORTS
C'est de Zadig que les nations tiennent ce
grand principe qu'il vaut mieux hasarder de
sauver un coupable que de condamner un in-
nôcent; il croyait que les lois étaient faites
pour secourir les citoyens autant que pour les
intimider.
Son principal talent était do démêler la vé-
rité que tous les hommes cherchent à ob-
scurcir.
VOLTAIRE - Zadig.
BALIVERNES
A la correctionnelle.
Le Président» avec bienveillance. - Com-
ment avez-vous pu vous laisser entraîner,
vous, bon fils, employé laborieux, jusqu'à ce
jour honnête, à commettre ce vol avec un
récidiviste tel que votre complice f
L'Accusé. - J'aurais mieux aimé un hon-
nête homme, mais je n'avais pas le chois,
Scaramouche,
TOUS RÉPUBLICAINS
Dédié à Henri Rochefort.
Elirait d'un article de M. J. Cornély :
.. .Ce qui m'a frappé principalement,.c'est
que les partisans de la revision sont tous des
républicains, et non pas des républicains de
fantaisie et de sentiment, mais des répu-
blicains de profession et d'intérêt. La mèche
a été attachée par le clan des amis de Gam-
betta, et dans la campagne sont entrés peu à
peu tous les hommes tjui ont fondé la Répu-
blique et qui en ont vécu, depuis M. Clemen-
ceau jusqu'aux socialistes, en passant par le
Sénat, jusqu'aux universitaires, auxquels
nous devons l'école non confessionnelle, c'est-
à-dire l'école neutre, c'est-à-dire l'école ins-
tituée en dehors de l'idée de Dieu, c'est-à-
dire l'école sans base morale, puisque, jus-
qu'ici, les hommes n'ont pas encore pu trou-
ver à la morale un fondement autre que l'i-
dée de la Divinité.
Donc ce que l'on appelle les dreyfusards -
qu'il serait nien plus poli d'appeler les parti-
sans de la revision- sont tous recrutés par-
mi les Français qui travaillent depuis vingt-
huit ans a débarrasser leur pays de ses habi-
tudes et de ses traditions religieuses, après
avoir réussi à le débarrasser de ses habitudes
et de ses traditions monarchiques.
Et cela est si vrai que, lorsqu'ils ont à par-
ler des manifestations plus ou moins vio-
lentes organisées contre leur entreprise, ils
les attribuent d'eux-mêmes aux cercles catho-
liques, aux élèves des jésuites, aux cléri-
caux. Cela est si vrai qu'ils ont été conduits
fiar la fatalité même de leur entreprise à
aire un bloc de leurs adversaires et à lui
donner pour emblèmes le sabre et le gou-
pillon.
L'affaire Dreyfus est tout simplement de-
venue un champ de bataille où la Républi-
que laïcisatrice et antimilitaire livre un com-
bat suprême au prêtre et au soldat.
M. Rochefort défend aujourd'hui le prêtre et le
soldat.
La Chanson de/'Aurore
BERCEUSE ALLEMANDE
Dans le fond de la Si lé si e.
Une grand'mère aux doigts tremblants
Veillait un aoir, pâle et transie,
Près de ses deux petits-enfants.
Et, lentement, la bonne vieille,
Sur un vieux air de menuet,
A l'heure où le grillon s'éveille,
Chantait en tournant son rouet :
Voici que l'étoile rayonne;
Dors, mon mignonI dors, ma mignonne!
Et toi chante, bon vent d'hiver;
Il n'est plus là, l'homme de fer f
Devant les yeux j'ai son image :
Son regard, dur comme l'acier,
Brillait d'une lueur sauvage
Sous I aigle d'or de son cimier.
Cet oeil rusé, ce sourcil fauve.
Celte bouche au rictus amer,
Cet air hautain et ce front chauve,
C'est lui, lot qu'il était hier!
PaT tous les temps, neige ou tempête,
Debout sur ses lourds étriers,
Il chevauchait le casque en tête,
Avide d'or et de lauriers.
Portant le glaive et la besace,
Moitié soldat, moitié bandit,
Une nuit il vola l'Alsace,
C'est pour cela qu'il fut maudit!
Sourd à la peur comme aux prières.
N'ayant ni pitié ni remords,
Il allait rougissant les pierres
Et sans jamais compter les morts.
Puis, ayant assouvi sa rage,
Il rentrait le soir dans sa tour.
Ivre de bière et de carnage,
Gorgé de sang comme un vautour!
C'était un coeur dur et stérile,
Un détrousseur de grand chemin;
Un jour, il prenait une ville,
Puis un hameau le lendemain.
Ce descendant des vieux burgraves.
Heureux d'inspirer la terreur,
Soua Bea pieds avait des esclaves
Et sur sa tête un empereur!
Comme le meilleur et le pire,
Il va pou rrir, en proie aux vers,
Mais l'Allemagne enân respire,
Espérant voir briser ses fers.
Le régne des tyrans s'achève :
Oui, bientôt, dana l'humanité.
Chacun aura sa part de rêve,
De soleil et de liberté I
Pendant que l'étoile rayonne,
Dors, mon mignon! dors, ma mignonne!
lit toi chante, bon vent d'hiver;
II n'est plus là, l'homme "de fer t
Camille SoubisE,
(Hors concours.)
lihe
En deuxième page
M. Bourgeois, parlons français, par
UN UNIVERSITAIRE. - Le Respect do
la loi» par M. DELPECH. - Manifesta-
tion ail monument d'Etienne Dolet.
En troisième page:
Ecole professionnelle, par G. Lher-
MITTE.
ra CRI SEDUCTIEUX
L'imposable manifestation, qui a eu lieu
hier devant la statue d'Etienne Dolet, place
Maubert, a été signalée par un incident tout
à fait significatif. t
La police s'était bornee à interdire tout
discours ; mais, en somme, elle avait laissé,
pendant le défilé, les membres des groupes
pousser des cris à leur convenance.
Après le défilé, les manifestants, qui re-
montaient la rue des Carmes, se dirigeant
sur la rue des Ecoles, se permirent de crier :
« A bas Rochefort ! A bas Vascagat ! »'A peine
eurent-ils ouvert la bouche que les sergots,
jusque lâ impassibles, se ruèrent sur eux, les
poings en avant. Uns violente bousculade se
produisit st des arrestations furent opérées.
Depuis que le commandant Pauma de
saint-Morel est allé déposer ïe drapeau d<
l'Etat-Major rue Pergolèse, le cri de : « A bai
Rochefort ! » est devenu le plus séditieux da
tous, Conspuer le vieux renégat, c'est s'expo-
ser aux pires violences des professionnel!*
du casse-tête.
Ph. D.
L'HONNEUR DU COLONEL
M. du Paty de Clam est blanc comme
neige! Gela résulte, parait-il, des considé-
rants d'un arrêt qu'on ne publie pas, et que
les intéressés mêmes n'ont pu ni entendre ni
voir!
M. du Paty de Clam devrait bien se procu-^
rer ce document et la communiquer aux;*"
journaux.
Gela sera, d'abord fort utile aux mala-
droits amis qui, au lieu de plaider pour lui
non coupable, invoquent en sa faveur les
circonstances atténuantes. Tel, après d'au-
tres, le Journal, écrivant hier :
M. du Paty de Clam, dont le caractère un peu
sentimental (qu'en pense Mmç Dreyfus IJ est
plutôt porté â la mansuétude, à l'indulgence, a
payé, par ce qui vient d'arriver, un élan du coeur,
te désir de rendre service à quelqu'un qui< 1m
méritait si peu.
M. du Paty de Clam ferait vraiment bien
de nous faire savoir si la Cour a, oui ou non,
considéré qu'il y eût eu de sa part « élan de
coeur ».
Quant au public, tant qu'il n'aura pas
été convaincu par les arguments de la Cham-
bre d'accusation, voici ce qu'il devra rete-
nir :
En janvier dernier, Zola a écrit que M. du
Paty de Clara, colonel d'Etat-Major, avait été
« l'ouvrier diabolique de l'erreur judiciaire »
dont Dreyfus est victime. Zola l'accusait d'a-
voir « défendu son oeuvre par les machina-
tions les plus coupables »... M. du Paty de
Clam est blanc comme neige, mais il n'a pas
reçu l'ordre de poursuivre Zola, Il s'est con-
tenté d'organiser la claque de l'Etat-Major à
la Cour d'assises de la Seine.
Depuis juillet dernier, le Siècle imprime
cette phrase : « M. du Paty de Clam, colonel
d'Etat-Major, est complice d'Esterhazy', faus-
saire et traître »... M. du Paty de Clam est
blanc comme neige, mais il n'a pas reçu l'or-
dre de porter plainte contre le Siècle.
M. Christian Este l^y a fait, sous la foi
du serment, contre M. du Paty de Clam une
déposition que M. Bertulus déclare corrobo-
rée par des pièces saisies chez Marguerite
Pays... M. du Paty de Clam est blanc comme
neige, mais on n'a pas arrêté, on ne pour-
suit pas pour faux témoignage le jeune cou-
sin du « Cher Commandant »,
Dans une interview, M. Christian Ester-
hazy a renouvelé ses accusations ; et celui
qu'il a diffamé, quoique plus blanc que
l'hermine, n'a pas reçu de ses chefs l'ordre de
porter plainte.
On accuse les partisans de la revision d'at-
taquer l'honneur de l'armée. Que dire de la
façon dont les ministres de la guerre défen-
dent l'honneur des officiers ? C'est à huis clos
qu'ils les font blanchir, alors que les accusa-
tions sont précises, publiques, répétées.
Quant aux accusateurs, on se garde de rele-
ver leurs défis ; par tous les moyens on re-
pousse leurs offres de preuves.
Ou a trouvé pour caractériser la façon don!
la justice fonctionne en ce moment cette
bonne formule : c'est l'impunité modérée par
l'arbitraire et le déni de justice tempéré par
le huis clos.
Ça va bien, pourvu que ça dure.
H. V.
Monsieur te Maire
ïly a aux environs de Nantes un pays qu*
s'appelle Clisson et qui possède un maire ré-
Êondant au nom harmonieux de B range r p-
erraud. Ce maire, ayant appris que « l'Asso-
ciation française pour l'avancement des
sciences » désirait visiter sa ville, a décidé
que M. Grimaux ne franchirait pas les mnrs
de la cité clissonnaise. Cette décision n'au-
rait qu'une importance médiocre si M. Brau-
gerp-Erraud (ouf!) ne l'avait signifiée en
es termes qui méritent de passer à la pos-
térité. Ecoutez-moi cela :
Je pais voua assurer qu'un dreyfusard n'entrera
pas dans les Garennes et ne franchira pas la po-
terne pour pénétrer dans le château du Conné-
table.
De son temps les félons élaient pendus « haut et
court », La sévérité des lois s'est adoucie, mais la
noblesse da coeur est restée la même chez les clis-
sonnais.
M. Grimaux n'a pas insisté pour entrer
dans « les Garennes » et il a posé un lapin
au maire féroce qui menaçait de le faire pen-
dre haut et court. C'était la meilleure leçon
à donner à ce personnage ridicule.
L'Instruction contre le colonel Picpari
L'ARTICLE DU MATIN
Autre accusation absurde. -? Condition
dans lesquelles lo bordereau fut publié.
- « Is fecit cui prodest. a - L.' « ex-
périence » de M. du Paty de Clam.
- Ua© remarque et une révé-
lation du colonel Plcquart.
- Conséquences d'une
indiscrétion.
Ce n'est paa seulement la paternité du fa-
meux article de lEclair - dont nous noui
sommes occupé avant-hier - qui, contre
toute vraisemblance, est attribué a M. le lieu-
tenant-colonel Picquar t par l'Etat-Major.Ces!
également celle de l'article du Matin du 10
novembre 1896, qui encadrait le fac-similé du
bordereau. Pour se rendre compte de l'absur-
dité de cette autre accusation articulée con-
tre le colonel Picquart, il suffit de se repor-
ter à l'article lui-même. Mais, auparavant,
examinons rapidement les circonstances dans
lesquelles eut lieu cette publication.
Au commencement du mois de septembre
1896, l'enquête du colonel Pîçquart contre
Esterhazy promettait de donnera bref délai
des résultats probants. L'expert Bertillon et
M. du Paty de Clam avaient spontanément
reconnu ï'ecriture du bordereau quand le co-
lonel Picquart leur avait mis sous les yeua
une lettre d'EsterhazyDes renseignements __
déplorables avaient été fournie-, d'autre part, ~
sur la conduite et ïa moralité de l'officier
soupçonné. Le colonel Picquart, enûn, était
encouragé dans ses recherches par ses
chefs : le général .Gonse et le général du
Boisdeffre,
À ce moment, tout à coup, une nouvelle et
violente campagne est commencée dans la
presse contre la famille de Dreyfus et les
rares amis qui croient à son innocence. De?
bruits d'évasion ont été répandus et provo-
quent des attaques passionnées - alors qua
des bruits analogues n'avaient en précédem-
ment aucun écho.
Cinq Centimes
LUNDI 8 AOPT 18|8 [^5'
Directeur-
ERNEST VAUGHAN
ABOITiroeMBlITS
Six Trois
Ua an mois mois
PARIS 20 » 10 » & *
DÉPARTEMENTS ET ALGÉRIE. 3-4 * 13 ? « »
ÉïiîAJNQttïî^UKioHPOSTALE). 35 » 18 » W .
POUR LA RÉDACTION :
S'adresser à M. A. BERTHIER
Secrétaire de la Rédaction
ADRESSE T&légrapbiqck : AURORE-PARIS
L'AURORE
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dresse ou réclamations.
A ffl PROLÉTAIRE
On t'a dit :
r- Cette affaire Dreyfus ne te regarde
pas et tu n'as rien à y voir. Que t'importe
l'injustice dont Dreyfus est Victime ? Que
t'importe qu'il agonise de douleur et de
rage,là-bas, dans son île? S'il.n'a pas
commis le crime dont on l'accusa et pour
lequel il fut condamné à la plus atroce
des tortures, tant pis... Il en a commis
d'antres envers toi, et de plus impardon-
nables... ceux d^être un riche, un officier,
ton éternel ennemi, par conséquent. Il
expie tout cela, aujourd'hui. Cette injus-
tice, par rapport à lui, devient une justice
par rapport à toi... Tout est bien... Passe
ton chemin, prolétaire, et, si le coeur t'en
dit, passe en chantant...
C'est M* guesde qui t'apporte ce géné-
reux conseil, et M. Guesde s'y connaît.
C'est un logicien implacable, a ce qu'on
prétend, et il a une belle barbe. A toutes
les indignités sociales qui vouent Drey-
fus, sinon à ta haine - car on te permet
de ne pas le haïr - du moins à ton indif-
férence, M. Guesde, pour un peu, eût
ajouté celle-ci, que, étant juif par sur-
croît, Dreyfus ne saurait mériter ta pitié.
Ne sondons pas trop avant les raisons de
M. Guesde ; elles ne sont peut-être pas
très pures.
M. Guesde Ce dit encore, ou à peu près,
ceci :
- Mais considère tous ces ^ens qui dé-
fendent Dreyfus.,. Il y aTrarieux, sous le.
ministère de qui furent votées ces fa-
meuses lois scélérates qui vous reléguaient
un homme aux marais putrides de la
Guyane, en un rien de temps... 11 y a
Reinach qui. jadis ne parlait, lui aussi,
que de proscrire, fusiller, guillotiner... Il y
a Scheurer-Kestner,un patron d'usines !...
Et les autres?... Il y a oien Zola, qui est
révolutionnaire, sans doute, mais pas se-
lon l'Evangile de Kari Marx, en oui règne
la vérité unique, et que je représente!.,.
Ce qu'ils défendent en Dreyfus, ce n'est
même pas Dreyfus innocent, c'est, les
uns, une caste sociale, dont tu n'es pas,les
autres, une race qui n'est pas la tienne,...
ceux-là, enfin, un méprisable idéal de lit-
térateur où tu ne comptes pour rien, où
tu n'es qu'un décor illusoire. Est-ce qu'ils
te défendent, toi ?... Est-ce qu'ils te con-
naissent seulement ? Quand, misérable et
anonyme soldat, tu pourrissais dans les
silos d'Afrique, quand, pour un mot, pour
un geste, pour rien, on te traînait devant
les conseils de guerre, et qu'on te ligotait
au poteau, est-ce qu'ils ont protesté?...
Quand on te pourchassait et qu'on te tuait
à Môntceau-les-Mines et à Fourmies, où
étaient-ils donc?... Ils t'ignorent... Fais
comme eux... Ignore-les aussi... Et passe
ton chemin !
Et tu n'as pas songé en toi-même :
»- Les hommes, sont des hommes après
tout!... Et c'est toujours la même his-
toire!... Au pouvoir, leur oeuvre est mau-
vaise; contre le pouvoir, elle est souvent
admirable... Profitons-en...Quem'importe
d'où vient la parole de justice, si elle vient,
et si elle retentit, en moi, et dans les att-
ires, pour le bien de l'humanité?,.. Est-ce
que je vais demander ses papiers à qui me
console et me réconforte?
Non, tu n'as songé à rien de tout cela,
et, comme le voulait M. Guesde, tu as
pDassé ton chemin, sans écouter aucune
ie ces voix qui te parlaient, pourtant, un
langage noble, fier et humain, et comme
';u n'en entendis jamais sortir de la bou-
she de M. Guesde.
Indifférent, d'abord, tu répondais à
ceux qui s'inquiétaient, cette: leçon ap-
prise : « Moquons-nous de ce qu'ils font
et disent,,. Ce sont des bourgeois qui se
battent entre eux. Ce n'est pas noire af-
faire. » Puis ton atavisme de servitudes
reprenant le dessus, je t'ai entendu, Lier,
qui proclamais: « Oui, faut pas être un
homme! Faut être un fameux lâche pour
crier : Vive Zola f... Tas de gourdes ! » Et,
demain, peut-être, au nom de la belle lo-
gique de M. Guesde, tu feras cortège à
judet, digne acolyte d'Esterhazy !
Eh bien, tu commets un véritable
crime, toi aussi, non seulement envers un
malheureux qui souffre, mais envers toi-
même, car vous êtes solidaires l'un de
l'autre.
L'Injustice qui frappe un être vivant -
fût-il ton ennemi - te frappe du même
coup. Par elle, l'Humanité est lésée en
vous deux. Tu dois en poursuivre la répa-
ration, sans relâche, l'imposer par ta vo-
lonté, et si on te la refuse, l'arracher par
la force, au besoin. En le défendant, celui
qu'oppriment toutes les forces brutales,
toutes les passions d'une société décli-
nante, c'est toi que tu défends en lui, ce
sont les tiens, c'est ton droit à la liberté,
et à la vie, si précairement conquis, au
prix de combien de sang ! Il n'est donc
pas bon que tu te désintéresses d'un abo-
minable conflit où c'est la Justice, où c'est
la Liberté, où c'est la Vie qui sont en jeu
et qu'on égorge ignominieusement, dans
un autre. Demain, c'est en toi qu'on les
égorgera une fois de plus...
Et puis, regarde où cette affaire Dreyfus
nous a amenés les uns et les autres.
Aujourd'hui, elle surpasse le malheur
effroyable d'un innocent. En se générali-
sant, et par tout ce que nous avons décou-
vert de mensonges accumulés sur des in-
famies, elle est devenue une question de
vie ou de mort pour tout un peuple. C'est
de l'histoire, et ton histoire qui se fait en
ce moment. Grâce à elle, nous sentons que
l'armée est mortellement atteinte - non
dans son principe de défense nationale, où
nous ne pouvons que la fortifier- mais
dans les antiques et tyranniques formes
de sa constitution, qui ne cadrent plus
avec nos libertés modernes, avec les nou-
velles expansions de nos moeurs publi-
ques. Non seulement l'armée, telle qu'elle
est restée, n'est plus une sauvegarde ; elle
est un péril. Qui donc l'acclame aujour-
d'hui? Les césariens, qui ne rêvent que
d'émeutes sanglantes. Sur qui s'appuie-
t-elle ? Sur les antisémites, qui ne rê vent
que de pillage. Lorsque quelqu^un, en ces
jours de folie furieuse, hurle : « Vive l'ar-
mée! » il hurle en même temps : « Mort à
quelque chose ! » Ces deux cris sont, dé-
sormais,associés dans les mêmes bouches.
Ils ne font qu'un. Ouvertement, admirati-
vement, ceux qui applaudissent l'armée
nous la représentent prête au massacre,
impatiente de tueries: elle est devenue le
point de ralliement de toutes les haines
sauvages, de tous les appétits barbares,de
toutes les violences insurgées... Volontai-
rement? Je ne veux pas le dire... Totale-
ment ? Certes. Et c'est encore au nom de
l'armée, que, dans les rues de Nantes,
où semble renaître l'ombre du hideux et
sanguinaire Carrier, de déshonorantes
brutes outragent, poursuivent, lapident,
menacent de mort, un grand et admirable
savant, gloire de la France et de l'huma-
nité... Que penses-tu de cela, toi, Sully
Prudhomme ?... Et trouves-tu pas que la
Justice ait suffisamment étendu son res-
sort, en attendant que la guillotine dé-
tende le sien, sur ta nuque ?
Nous en sommes arrivés à ce moment
décisif où il faut que ce soit l'armée .- je
dis l'armée, puisqu'il est convenu que
l'armée se résume exclusivement en ses
grands chefs - qui subisse la loi d'adap-
tation au milieu nouveau dans lequel
nous évoluons, ou que ce soit nous qui
nous soumettions àla domination factieuse
de l'armée.
Eh bien, nous ne nous soumettrons pas,
ça je te le dis 1 La résistance sera longue,
peut-être j peut-être se produîra-t-il de ter-
ribles convulsions sociales, comme il se
produit de grands remous sur la mer,
alors que sombre un transatlantique dé-
semparé ; peut-être, aussi, en coutera-t-il
à beaucoup d'entre npua leur liberté, et au
train dont vont les choses, leur vie. Il
n'importe,..Dès à présent, la vieille armée
des mercenaires est vaincue... Place à l'ar-
mée nationale !
Et vois encore combien tu es injuste et
malprévoyant î
Grâce à l'affaire Dreyfus, dontM. Guesde
te supplie de te désintéresser^ on. s'occupe
de toi davantage, on t'aime un peu plus.
Certes, dans le tumulte des intérêts et des
passions, tu étais toujours oublié. Tu
étais si petit, si petit qu'on n'apercevait
pas, souvent, dans la mêlée, ta face de
douleur et de misère... Aujourd'hui, elle
apparaît mieux, sur la face lointaine de
l'autre... Les cris du pauvre damné font
mieux entendre les tiens... De tous côtés,
on dénonce les abus de pouvoir, les injus-
tices, les férocités, les crimes, dont tu es,
sans cesse, la victime... Et, en quelques
mois, voici, arrachés au poteau des con-
seils de guerre, quatre de tes frères, qui
eussent subi l'infâme supplice... C'est au
martyre de Dreyfus qu'ils doivent de
vivre encore!... Tout cela n'est pas beau-
coup, soit!... Il ne tient qu'à ton courage,
à ta ténacité, à ton intelligence d'avoir
davantage!... Ne passe plus ton chemin,
prolétaire... Arrête-toi... Tends l'oreille
aux voix douloureuses, aux voix enfer-
mées, aux voix suppliciées, qui te vien-
nent, à travers la mer, du fond de la vérité
en deuil et de la justice es exil! Tu sen-
tiras ton coeur se gonfler d'une pitié fra-
ternelle, Et la pitié est féconde !
Et écoute Jaurès*.. C'est un grand logi-
cien, lui aussi, et ç'est utl grand poète, un
grand apôtre, une grande Parole, et une
grande Ame de Justice!... Il te dira pour-
quoi tu peux, pourquoi tu dois crier ar-
demment et sans remords :
- Vive Zola!...
Octave Mirbeau.
L'Aurore publiera demain un
article d'URBAIN GOHIER.
Léon Bourgeois expliqué par lui-même
C'est dans un discours prononcé le7 décem-
bre 1897, à. rassemblée générale d'une oeuvre
de charité très intéressante, la Maison ma-
ternelle de la rue Fessait, fondée par Mme
Louise Koppe, sous le patronage de quelques
gens de bien, parmi lesquels nous remar-
quons nombre de dreyfusards qualifiés, no-
tamment l'un des anciens collaborateurs do
M. Léon Bourgeois à l'Instruction publique,
celui-là même qui doit être « suspendu » à
l'hèure où nous écrivons ces lignes; nous
avons nommé M. Ferdinand Buisson.
A cette assemblée de la Maison maternelle,
M, Léon Bourgeois se lève et, après avoir
énumérè tous les bienfaits de l'oeuvre, en-
tame une éloquente dissertation sur l'éduca-
timqu'on d- it aux petits enfants, à ces pe-
tit! êtres qui seront les Français de demain :
* Oui ! s'écrie-t-il, quand vous voyez, dans
une réunion d'hommes, les visages rester
fermés et muets à certaines idées élevées et
généreuses, quand la face "ne s'éclaire pas
rte la lumière intérieure, vous avez le droit
de vous dire : « Ces hommes qui restent
froids devant les grands problèmes moraux
et sociaux, qui donc les a élevés ? »
» C'est en effet dans l'enfance qu'il faut
commencer à donner cet ébranlement inté-
rieur de la conscience qui produira plus tard
l'action bienfaisante. Il est trop tard lors-
qu'on s'adresse à l'homme fait ; si on veut
lui persuader qu'il a des devoirs, il est pris
par ses passions, ses intérêts, les habitudes
de sa vie. Il est trop tard pour en faire un
humain. C'est tout petit qu'il faut le pren-
dre. »
Il est certain que M, Bourgeois n'avait plus
quatre ans quand [il est entré dans la vie
publique...
C'est dommage I
A. D.
Mm nu enterrement
Un beau signe des temps, la lettre de
M. Salle à M. Arthur Meyer. M. Salle est
cet ancien avocat à qui un membre du
conseil de guerre de 1894 a confié que
Dreyfus avait été condamné sur une
pièce secrète soustraite à son examen.
Quelques jours après la publication, dans
VEclair, de cette pièce, d'ailleurs falsi-
fiée, M. Salle rencontra M. Démangé sur
le pont de Melun et lui Ht l'aveu de cette
confidence. L'Eclair annonçant, avec
force détails, que le document avait été
montré aux juges sans avoir passé sous
les yeux de l'accusé, M, Salle se considéra
dès iors comme libre de parler, et parla.
Telle est son aventure. Nous l'avons vu
comparaître en qualité de témoin au pro-
cès de Zola. Chacun sait qu'il fut empê-
ché de dire un seul mot par le président
Delegorgue qui, d'avance,connaissait trop
bien son témoignage. Il fut décidé par ce
« magistrat »
posée. C'est ainsi que l'on put, grâce à
ce déshonorant subterfuge, obtenir du
jury une condamnation.
Depuis ce temps, M. Salle n'avait pas
fait parler de lui. Ce n'est point un cher-
cheur de réclame. On le dit le plus brave
homme du monde, avec des sentiments
qui ne sont point d'un réformateur. C'est
sans doute ce qui explique qu'il fut parti-
culièrement choqué, l'autre, jour, lorsqu'il
sé vit l'objet des attentions peu bienveil-
lantes du Gaulois. On le représentait
comme ayant «. apporté des obstacles » à
la fête du drapeau du 131e de ligne, célé-
brée à Maisons-Laffitte.Et, pour expliquer
ce manque de patriotisme, le journal ajou-
tait ces simples mots, pleins de perfidie : .
« On se rappelle l'intervention de M. Salle
au début du procès Zola ».
L'honorable avocat ne voulut point res-
ter là-dessus, et nul ne l'en blâmera, je
suppose. Il se justifia donc en quelques
explications abondantes auprès d'Arthur
Meyer. Mais la vérité rétablie ne lu i suffit
Sas : il voulut s'expliquer sur l'affaire
dreyfus. C'était encore son droit, à la seule
condition de parler net et de tout dire.
Hélas ! Il avait sur le coeur les injures des
amis d'Esterhazy et tenait surtout à se
disculper. De là, le paragraphe final de
l'épitre, où M. Salle dit qu'il n'est pas le
complice de Zola (j'ignorais qu'on eût
émis cette idée saugrenue) et que « rien
dans ses actes ni dans ses paroles n'a ja-
mais permis et ne permet encore dë pen-
ser qu'il ait pu croire à l'innocence du 1
condamné ».
C'est là, paraît-il, ce qu'il se proposait
de dire à la Cour d'assises. Kien de
mieux. Mais M. Salle, qui a certainement
conservé le souvenir de sa confidence à
M. Démangé, ne peut pas avoir oublié la
question c[ui lui fut posée sur ce point par
M0 Labori. Il ne s'agissait pas du tout de
savoir s'il était d'avis que Dreyfus est in-
nocent ou coupable. Ce qu'on voulait
avoir de lui, c'est la reproduction fidèle du
propos qui lui fut tenu par un membre du
conseil de guerre. Il ne l'ignore pas da-
vantage à cette heure. Comment se fait-il
donc qu'il soit muet là-dessus? Puisque
l'idée lui est venue d'ouvrir son coeur à
Arthur Meyer, pourquoi n'a-1-il pas « là- !
ché tout le morceau » bravement? C'est, là
qu'on voit à plein le succès de la terreur
organisée parla presse d'Esterhazy.
Les braves gens qui n'aiment pas à se
voir couvrir de boue,tous les matins dans
les feuilles publiques, n'osent dire ce
qu'ils savent, ou, s'ils annoncent qu'ils
vont parler, n'en disent que la moitié.Les
opinions de M. Salle sont assurément
fort loin des nôtres. Eh bien, cela même-
no lui assure pas l'indulgence des jou -
naux de l'Etat-Major. Il est supposé détre
nir quelque fragment de vérité. C'est
assez : on le honnit et l'infortuné ne songe
qu'à se confondre en excuses. Peine fort
inutile. Tous ceux qui connaissent M.
Salle déclarent qu'il est incapable de
mentir à sa conscience. Le jour viendra
où il sera mis en demeure de s'expliquer
I en présence de M. Démangé. Alors la vé-
; rite sera connue. M. Salle, d'ailleurs,
| n'est peut-être ças sans savoir que d'autres
: juges du conseil de guerre ont fait à di-
; verses personnes la même confidence, M.
1 Stock, à la Cour d'assises, a vainement
| proposé d'en faire la preuve,
j Dans ces conditions, comment ne pas
admirer la naïve roublardise du Gaulois,
annonçant que la lettre de M. Salle est « la
fin d'une légende ». Ce journal est, vrai-
ment, le dernier à pouvoir feindre tant
d'ignorance. Car nulle part l'histoire de
la pièce secrète communiquée aux juges
| ne fut plus explicitement racontée que
dans ses propres colonnes. Qu'il se relise.
Et son informateur, et l'informateur de
Bon informateur, qui ne m'est point in-
connu, lui diront que la vérité ne se laisse
S oint enterrer par voie d'escamotage. Que
e « légendes » enterrées, depuis le com-
mencement de l'affaire Dreyfus! On ne les
a pas plutôt mises au tombeau en céré-
monie, qu'elles se dressent plus vivantes
que jamais sur la dalle funèbre. Il y eut
jadis, en Israël, une histoire pareille. Un
Nazaréen, envolé du sépulcre ouvert. M,
Arthur Meyer qui est, je crois, de la tribu
de Juda, doit avoir deft aa^tres qui se
frottaient les mains en disant ; « Il est
mort. Bonne affaire! » Pour un mort, il a
fait beaucoup de bruit depuis dix-huit
cents"ans.
Carlsbad.
G. Clemenceau.
cÉchos et Nouvelles
CALENDRIeR - Lundi 8 août.
Lever da soleil : 4 h. 44, coucher : 7 h. 26.
Temps d'hier ; Orageux.
Thermomètre do l'Aurore ; MaXimum, 24*
au-dessus; minimum, 18» au-dessus.
Baromètre de l'ingénieur Secretan : A midi,
76Ôw ; à rainait, 766"'.
Temps probable : Beau.
Ephémêrides. - Mort de Rouget de Lisle (1836).
Abolition dea justices seigneuriales (1789),
DÉBARQUÉ
Félix et son phoque (que le petit Berge
avait déjà baptise Nicolas) se sont brusque-
ment séparés hier soir.
Après une vive discussion entre l'ancien
tanneur et le chien de mer, Félix a congédié
son nouvel hôte, qui a été immédiatement
expulsé du bassin de la villa de la Côte et re-
conduit à la mer.
On ignoré les motif» de la rupture entre
notre président et son jeune phoque.
A SULLY PRUDHOMME.
Dans une des visions de son poème le Bon-
heur, Sully Prudhomme,poète vengeur, nous
décrit ainsi le bonheur des anciens esclaves,
libérés par la mort :
Leurs couples, par la race et l'amour assortis.
Heurtent d'un paa égal l'étincelante arène ;
La même fougue errante en avant les entraîne
Dans 3a même aventure éperdument lancés.
Us aiment la ?vitesse et les bond» cadencés .
Bes chevaux généreux qu'anime an sang vivace,
Et, Mira m o quKJ fous et pleins dt Vigueur et d'audace,
Par-deSsUs les buissons, Ses rochers, les ruisseaux,
nu geste et de la voix précipitent leurs sauts ;?
Ils aiment, tout le jour, à voir sur leur passage
Apparaître, onduler et fuir le paysage,
À troubler des forêts le ténébreux sommeil
Poux replonger soudain de l'ombre en plein soleil,
A changer d'air, do sol, et de ciel.,.
Faustus, le héros du poème, salue en ces
ardents centaures les esclaves
Mis par la tombe en liberté,
Tremblants jadis, aujourd'hui brades,
Qui sOulagés de leurs entraves
Prouvèrent ici leur fierté.
Dans son prochain poème. Sully Pru-
dhomme trouvera-t-il quelque allégorie pour
nous rassurer sur le sort ultra-terrestrè des
innocents condamnés,.... et sur celui des poè-
tes épris de justice, devenus « des hommes
d'Etat hors cadre « et accablés à ce titre
d'obligations spéciales, et si délicates, qu'ils
sont incapables de les expliquer en bon fran-
çais.
MQST HORRIBLE
Le Temps - nous avons le chagrin de le
dire - le Temps devient un journal absolu-
ment cochon. Absolument f Voyez un peu sur
quels objets il retient l'attention de ses lec-
trices, sans songer que dans le nombre il en
est d'enceintes, peut-être. Voici ce qu'écrit
Sarcey au cours de son feuilleton d'hier, con-
sacré au Conservatoire :
Je regretterai cette vieille salle pompéienne où
j'ai souvent entendu les fureurs d'Oreste et la dé-
claration de Phèdre, le front ruisselant de sueur
et le fond du -pantalon collé à la moleskine, d'où
il fallait ensuite s'arracher avec effort.
Le derrière de Sarcey ruisselant de sueur!
- Ahî c'est dégoûtant, comme disait Baron
dans la Femme d Papa.
LEÇON OUBLIÉE
Ces mots figuraient hier, en première page
du Petit Journal,
C'était le titre d'un assez long article.
Nous nous sommes précipités, croyant qu'il
s'agissait de l'affaire Norton.
- Enfin 1 disions- nous, sa condamnation
en police correctionnelle a rappelé à Mari-
noni qu'il avait dû - pas lier ! - déposer
comme témoin dans le procès du nègre. Cette
première leçon, qu'il avait oubliée, il s'en sou-
vient enûn.
Hélas! l'article parlait de toute autre chose :
du blé, du biscuit de mer, etc.
Marinoni n'a rien appris, il a tout oublié.
LA CASERNE ET L'HYGIÉNE
-J'accuse la casera e d'être un foyer de mort.
C'est la statistique qui parle ainsi ! Dans ce
lieu de pourriture, les jeunes gens tombent
comme des mouches empoisonnées d'arsenic.
Et cela progresse tous les jours. Lisez :
Hommes entrés à l'infirmerie ou à l'hôpi-
tal : 502 pour 1,000 en 1894 ; 631 en 1805.
Décés : 6.19 pour 1,000 en 1893; 6.26 en 1894 ;
6.8Q en 1895.
C'est la viande putréfiée, l'eau insalubre,
c'est l'incurie administrative, sources de ty-
phus et de tuberculose, qui emportent le plus
de victimes :
On compte 4,875 entrées à l'hôpital pour
fièvre typhoïde, soit 8.95 pour 1,000; *3,886
tuberculeux, soit 7.03 pour 1,000. En 1898, la
proportion n'était encore que de 5.88; en
1894, de 6.13.
Les décès se chiffrent, en 1895, par 618,
soit 1.14 pour 1,000, contre 0.94 en 1893 et
1.01 en 1894.
Les pertes totales de l'armée f&r tubercu-
lose (décès, réformes et retraites) ont été de
10 pour 1,000, proportion supérieure à celle
des années précédentes.
À l'absence d'hygiène s'ajoutent comme
causes homicides les fatigues excessives qu'il
serait facile de réduire sans nuire à l'éduca-
tion du soldat, le manque de vigilance et
d'humanité des conseils de revision, qui ac-
ceptent tout sans y voir.
L'INQUISITION
L'Inquisition a été mise à l'ordre du jour
par le père Didon.
Or, on a fait le relevé de l'OEuvre des
grands inquisiteurs, Inquisidores maiores,
et l'on a trouvé que :
Torquemada lit brûler... 114.431 hérétiques
Diego Deza 36.378 -
Le cardinal de Cesneros. 53-855 --
Adriano de Florencia... 24,010 -
Total 228.669 -
Un joli chiffre à mettre au tableau do la
chasse à l'hérétique que Didon voudrait voir
rouverte.
L'ESPRIT DES MORTS
C'est de Zadig que les nations tiennent ce
grand principe qu'il vaut mieux hasarder de
sauver un coupable que de condamner un in-
nôcent; il croyait que les lois étaient faites
pour secourir les citoyens autant que pour les
intimider.
Son principal talent était do démêler la vé-
rité que tous les hommes cherchent à ob-
scurcir.
VOLTAIRE - Zadig.
BALIVERNES
A la correctionnelle.
Le Président» avec bienveillance. - Com-
ment avez-vous pu vous laisser entraîner,
vous, bon fils, employé laborieux, jusqu'à ce
jour honnête, à commettre ce vol avec un
récidiviste tel que votre complice f
L'Accusé. - J'aurais mieux aimé un hon-
nête homme, mais je n'avais pas le chois,
Scaramouche,
TOUS RÉPUBLICAINS
Dédié à Henri Rochefort.
Elirait d'un article de M. J. Cornély :
.. .Ce qui m'a frappé principalement,.c'est
que les partisans de la revision sont tous des
républicains, et non pas des républicains de
fantaisie et de sentiment, mais des répu-
blicains de profession et d'intérêt. La mèche
a été attachée par le clan des amis de Gam-
betta, et dans la campagne sont entrés peu à
peu tous les hommes tjui ont fondé la Répu-
blique et qui en ont vécu, depuis M. Clemen-
ceau jusqu'aux socialistes, en passant par le
Sénat, jusqu'aux universitaires, auxquels
nous devons l'école non confessionnelle, c'est-
à-dire l'école neutre, c'est-à-dire l'école ins-
tituée en dehors de l'idée de Dieu, c'est-à-
dire l'école sans base morale, puisque, jus-
qu'ici, les hommes n'ont pas encore pu trou-
ver à la morale un fondement autre que l'i-
dée de la Divinité.
Donc ce que l'on appelle les dreyfusards -
qu'il serait nien plus poli d'appeler les parti-
sans de la revision- sont tous recrutés par-
mi les Français qui travaillent depuis vingt-
huit ans a débarrasser leur pays de ses habi-
tudes et de ses traditions religieuses, après
avoir réussi à le débarrasser de ses habitudes
et de ses traditions monarchiques.
Et cela est si vrai que, lorsqu'ils ont à par-
ler des manifestations plus ou moins vio-
lentes organisées contre leur entreprise, ils
les attribuent d'eux-mêmes aux cercles catho-
liques, aux élèves des jésuites, aux cléri-
caux. Cela est si vrai qu'ils ont été conduits
fiar la fatalité même de leur entreprise à
aire un bloc de leurs adversaires et à lui
donner pour emblèmes le sabre et le gou-
pillon.
L'affaire Dreyfus est tout simplement de-
venue un champ de bataille où la Républi-
que laïcisatrice et antimilitaire livre un com-
bat suprême au prêtre et au soldat.
M. Rochefort défend aujourd'hui le prêtre et le
soldat.
La Chanson de/'Aurore
BERCEUSE ALLEMANDE
Dans le fond de la Si lé si e.
Une grand'mère aux doigts tremblants
Veillait un aoir, pâle et transie,
Près de ses deux petits-enfants.
Et, lentement, la bonne vieille,
Sur un vieux air de menuet,
A l'heure où le grillon s'éveille,
Chantait en tournant son rouet :
Voici que l'étoile rayonne;
Dors, mon mignonI dors, ma mignonne!
Et toi chante, bon vent d'hiver;
Il n'est plus là, l'homme de fer f
Devant les yeux j'ai son image :
Son regard, dur comme l'acier,
Brillait d'une lueur sauvage
Sous I aigle d'or de son cimier.
Cet oeil rusé, ce sourcil fauve.
Celte bouche au rictus amer,
Cet air hautain et ce front chauve,
C'est lui, lot qu'il était hier!
PaT tous les temps, neige ou tempête,
Debout sur ses lourds étriers,
Il chevauchait le casque en tête,
Avide d'or et de lauriers.
Portant le glaive et la besace,
Moitié soldat, moitié bandit,
Une nuit il vola l'Alsace,
C'est pour cela qu'il fut maudit!
Sourd à la peur comme aux prières.
N'ayant ni pitié ni remords,
Il allait rougissant les pierres
Et sans jamais compter les morts.
Puis, ayant assouvi sa rage,
Il rentrait le soir dans sa tour.
Ivre de bière et de carnage,
Gorgé de sang comme un vautour!
C'était un coeur dur et stérile,
Un détrousseur de grand chemin;
Un jour, il prenait une ville,
Puis un hameau le lendemain.
Ce descendant des vieux burgraves.
Heureux d'inspirer la terreur,
Soua Bea pieds avait des esclaves
Et sur sa tête un empereur!
Comme le meilleur et le pire,
Il va pou rrir, en proie aux vers,
Mais l'Allemagne enân respire,
Espérant voir briser ses fers.
Le régne des tyrans s'achève :
Oui, bientôt, dana l'humanité.
Chacun aura sa part de rêve,
De soleil et de liberté I
Pendant que l'étoile rayonne,
Dors, mon mignon! dors, ma mignonne!
lit toi chante, bon vent d'hiver;
II n'est plus là, l'homme "de fer t
Camille SoubisE,
(Hors concours.)
lihe
En deuxième page
M. Bourgeois, parlons français, par
UN UNIVERSITAIRE. - Le Respect do
la loi» par M. DELPECH. - Manifesta-
tion ail monument d'Etienne Dolet.
En troisième page:
Ecole professionnelle, par G. Lher-
MITTE.
ra CRI SEDUCTIEUX
L'imposable manifestation, qui a eu lieu
hier devant la statue d'Etienne Dolet, place
Maubert, a été signalée par un incident tout
à fait significatif. t
La police s'était bornee à interdire tout
discours ; mais, en somme, elle avait laissé,
pendant le défilé, les membres des groupes
pousser des cris à leur convenance.
Après le défilé, les manifestants, qui re-
montaient la rue des Carmes, se dirigeant
sur la rue des Ecoles, se permirent de crier :
« A bas Rochefort ! A bas Vascagat ! »'A peine
eurent-ils ouvert la bouche que les sergots,
jusque lâ impassibles, se ruèrent sur eux, les
poings en avant. Uns violente bousculade se
produisit st des arrestations furent opérées.
Depuis que le commandant Pauma de
saint-Morel est allé déposer ïe drapeau d<
l'Etat-Major rue Pergolèse, le cri de : « A bai
Rochefort ! » est devenu le plus séditieux da
tous, Conspuer le vieux renégat, c'est s'expo-
ser aux pires violences des professionnel!*
du casse-tête.
Ph. D.
L'HONNEUR DU COLONEL
M. du Paty de Clam est blanc comme
neige! Gela résulte, parait-il, des considé-
rants d'un arrêt qu'on ne publie pas, et que
les intéressés mêmes n'ont pu ni entendre ni
voir!
M. du Paty de Clam devrait bien se procu-^
rer ce document et la communiquer aux;*"
journaux.
Gela sera, d'abord fort utile aux mala-
droits amis qui, au lieu de plaider pour lui
non coupable, invoquent en sa faveur les
circonstances atténuantes. Tel, après d'au-
tres, le Journal, écrivant hier :
M. du Paty de Clam, dont le caractère un peu
sentimental (qu'en pense Mmç Dreyfus IJ est
plutôt porté â la mansuétude, à l'indulgence, a
payé, par ce qui vient d'arriver, un élan du coeur,
te désir de rendre service à quelqu'un qui< 1m
méritait si peu.
M. du Paty de Clam ferait vraiment bien
de nous faire savoir si la Cour a, oui ou non,
considéré qu'il y eût eu de sa part « élan de
coeur ».
Quant au public, tant qu'il n'aura pas
été convaincu par les arguments de la Cham-
bre d'accusation, voici ce qu'il devra rete-
nir :
En janvier dernier, Zola a écrit que M. du
Paty de Clara, colonel d'Etat-Major, avait été
« l'ouvrier diabolique de l'erreur judiciaire »
dont Dreyfus est victime. Zola l'accusait d'a-
voir « défendu son oeuvre par les machina-
tions les plus coupables »... M. du Paty de
Clam est blanc comme neige, mais il n'a pas
reçu l'ordre de poursuivre Zola, Il s'est con-
tenté d'organiser la claque de l'Etat-Major à
la Cour d'assises de la Seine.
Depuis juillet dernier, le Siècle imprime
cette phrase : « M. du Paty de Clam, colonel
d'Etat-Major, est complice d'Esterhazy', faus-
saire et traître »... M. du Paty de Clam est
blanc comme neige, mais il n'a pas reçu l'or-
dre de porter plainte contre le Siècle.
M. Christian Este l^y a fait, sous la foi
du serment, contre M. du Paty de Clam une
déposition que M. Bertulus déclare corrobo-
rée par des pièces saisies chez Marguerite
Pays... M. du Paty de Clam est blanc comme
neige, mais on n'a pas arrêté, on ne pour-
suit pas pour faux témoignage le jeune cou-
sin du « Cher Commandant »,
Dans une interview, M. Christian Ester-
hazy a renouvelé ses accusations ; et celui
qu'il a diffamé, quoique plus blanc que
l'hermine, n'a pas reçu de ses chefs l'ordre de
porter plainte.
On accuse les partisans de la revision d'at-
taquer l'honneur de l'armée. Que dire de la
façon dont les ministres de la guerre défen-
dent l'honneur des officiers ? C'est à huis clos
qu'ils les font blanchir, alors que les accusa-
tions sont précises, publiques, répétées.
Quant aux accusateurs, on se garde de rele-
ver leurs défis ; par tous les moyens on re-
pousse leurs offres de preuves.
Ou a trouvé pour caractériser la façon don!
la justice fonctionne en ce moment cette
bonne formule : c'est l'impunité modérée par
l'arbitraire et le déni de justice tempéré par
le huis clos.
Ça va bien, pourvu que ça dure.
H. V.
Monsieur te Maire
ïly a aux environs de Nantes un pays qu*
s'appelle Clisson et qui possède un maire ré-
Êondant au nom harmonieux de B range r p-
erraud. Ce maire, ayant appris que « l'Asso-
ciation française pour l'avancement des
sciences » désirait visiter sa ville, a décidé
que M. Grimaux ne franchirait pas les mnrs
de la cité clissonnaise. Cette décision n'au-
rait qu'une importance médiocre si M. Brau-
gerp-Erraud (ouf!) ne l'avait signifiée en
es termes qui méritent de passer à la pos-
térité. Ecoutez-moi cela :
Je pais voua assurer qu'un dreyfusard n'entrera
pas dans les Garennes et ne franchira pas la po-
terne pour pénétrer dans le château du Conné-
table.
De son temps les félons élaient pendus « haut et
court », La sévérité des lois s'est adoucie, mais la
noblesse da coeur est restée la même chez les clis-
sonnais.
M. Grimaux n'a pas insisté pour entrer
dans « les Garennes » et il a posé un lapin
au maire féroce qui menaçait de le faire pen-
dre haut et court. C'était la meilleure leçon
à donner à ce personnage ridicule.
L'Instruction contre le colonel Picpari
L'ARTICLE DU MATIN
Autre accusation absurde. -? Condition
dans lesquelles lo bordereau fut publié.
- « Is fecit cui prodest. a - L.' « ex-
périence » de M. du Paty de Clam.
- Ua© remarque et une révé-
lation du colonel Plcquart.
- Conséquences d'une
indiscrétion.
Ce n'est paa seulement la paternité du fa-
meux article de lEclair - dont nous noui
sommes occupé avant-hier - qui, contre
toute vraisemblance, est attribué a M. le lieu-
tenant-colonel Picquar t par l'Etat-Major.Ces!
également celle de l'article du Matin du 10
novembre 1896, qui encadrait le fac-similé du
bordereau. Pour se rendre compte de l'absur-
dité de cette autre accusation articulée con-
tre le colonel Picquart, il suffit de se repor-
ter à l'article lui-même. Mais, auparavant,
examinons rapidement les circonstances dans
lesquelles eut lieu cette publication.
Au commencement du mois de septembre
1896, l'enquête du colonel Pîçquart contre
Esterhazy promettait de donnera bref délai
des résultats probants. L'expert Bertillon et
M. du Paty de Clam avaient spontanément
reconnu ï'ecriture du bordereau quand le co-
lonel Picquart leur avait mis sous les yeua
une lettre d'EsterhazyDes renseignements __
déplorables avaient été fournie-, d'autre part, ~
sur la conduite et ïa moralité de l'officier
soupçonné. Le colonel Picquart, enûn, était
encouragé dans ses recherches par ses
chefs : le général .Gonse et le général du
Boisdeffre,
À ce moment, tout à coup, une nouvelle et
violente campagne est commencée dans la
presse contre la famille de Dreyfus et les
rares amis qui croient à son innocence. De?
bruits d'évasion ont été répandus et provo-
quent des attaques passionnées - alors qua
des bruits analogues n'avaient en précédem-
ment aucun écho.
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