Titre : Les Ailes : journal hebdomadaire de la locomotion aérienne / directeur, rédacteur en chef, Georges Houard
Éditeur : [s.n. ?] (Paris)
Date d'édition : 1936-03-12
Contributeur : Houard, Georges (1893-1964). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb326846379
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 12 mars 1936 12 mars 1936
Description : 1936/03/12 (A16,N769). 1936/03/12 (A16,N769).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6555209r
Source : Musée Air France, 2013-273367
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 28/10/2013
N° 769 2-3-36 — PAGE el
NOS REPORTAGES
LES -
- - - -
OU EN EST L'AVIATION DE LA MARINE?
IV.. A Saint-Raphaël, source de puissance aérienne
Los postes de l'équipage d'un Cams-37.
D
E Berrc à Saint-Raphaël où gite le
Centre d'Expériences de l'Aérona-
vale, il n'y avait qu'un saut à faire.
Je pouvais le faire a bord d'un otiori. Le
mauvais temps me le lit faire par le train.
Afin de bien placer le lecteur dans mon
« atmosphère », je lui dis tout de suite que
je suis revenu assez inquiet de Saint-
Haphaël et cela, pour des causes minimes
que je ferai apparaître en cheminant et
pour une raison plus générale, plus pro-
fonde que je tiens à exprimer sans, tarder.
Penché depuis dix ans sur les tribula-
tions de nos Forces de l'Air, je crois avoir
discerné le fort et le faible de l'Aérona-
vale. Le fort est fait des qualités morales
de la vieille Marine française, de fa soli-
dité de son armature technique de la
valeur de ses chefs; le faible, c'est une
certaine conception du problème aérien
qui a engendré une tactique et des pro-
grammes de matériels encore réticents.
Or, si ma rapide visite à bord de
l'Algérie et à Berre m'a montré de façon
éclatante la solidité des parties fortes, il
m'est apparu à Saint-Raphaël, un des
nolnbrils de la puissance aérienne de notre
pays, que les parties faibles sont bien plus
laiblcs que je le supposais.
Le mal est fait
Je n'épiloguerai pas sur la question de
savoir s'il .était bon de placer un Centre
d'Expériences Aériennes en façade d'une
côte très accessible, et à quelques kilomè-
!res d'une frontière. Le mal est fait. Sous
l'angle de la géographie et du climat,
Saint-Haphaël est un lieu du monde aimé
des dieux et des hommes. Du point de vue
ile la politique étrangère, il est certain, au
contraire, que le Centre d'Expériences de
l'Aéronavale serait beaucoup plus étroite-
mont soudé, sur les rivages atlantiques,
avec celui de l'Aimée de l'Air qui se
trouve, lui aussi, en porte-il-faux à Heirns.
On éviterait ainsi le double emploi tou-
jours si onéreux et l'attaque éventuelle
par surprise.
Car eniin, la guerre n'arrêtera point le
fonctionnement du dispositif d'expérience.
Elle l'exaspérera plutôt. Les Centres spé-
ciaux rassembleront, interpréteront, filtre-
ront les enseignements acquis sur tous les
points du vaste front de l'Air, et c'est eux
— je l'imagine du moins — qui les tradui-
ront rapidement en progrès techniques
précis. Ils devraient même être pourvus, en
temps de guerre, d'un personnel de tout
premier ordre. En tout cas, il convient de
les éloigner des régions frontières. Cela
est si vrai que, pendant longtemps, l'incer-
titude de nos relations avec l'Italie nous a
fait négliger d'aménager convenablement
Saint-Raphaël. Demain, les .mêmes causes
produiront peut-être les mêmes effets : on
ne doit point l'oublier.
Cependant, pour tout dire, je ne crois
pas que les vicissitudes de la politique
étrangère suffisent à expliquer la grande
misère des moyens d'expériences de l'Aéro-
navale. Les porte-paroles officiels ou offi-
deux de la Marine répètent à l'envi que
le Haut-Commandement a l'exact souci de
la conjoncture aérienne. Je les crois. Mais
l'aviateur-journaliste qui connaît son mé-
tier et ses devoirs envers l'opinion publi-
que, désire autre chose que des affirma-
tions. 11 cherche des preuvés et ne peut
en trouver de plus convaincantes ailleurs
qu'en un lieu où une élite professionnelle
s'efforce de discerner en pleine paix et
dans la vivante réalité du vol, les exigen-
ces de la guerre future.
Or, pour le moment, le Centre de Saint-
Haphaël n'apporte point à l'observateur
impartial un témoignage bien éloouent de
Le fort et le faible de l'Aéronavale
Le fort, c'est le personnel et les magnifiques traditions
de la Marine. Le faible, particulièrement perceptible à
Saint-Raphaël, est fait de l'insuffisance de l'équipement
d'expériences et de l'insuffisance des études tactiques.
l'excitation passée et présente de la Ma-
rine pour les choses de l'Air.. Telle est la
cause de mon inquiétude.
Une toute petite chose
C'est une petite chose, en effet, que le
Capitaine de Frégate Boulleau dirige avec
une compétence, un dévouement, un allant
hors de pair : une trentaine d'officiers,
3 ingénieurs de l'Aéronautique, 350 sous-
officiers et troupiers, 1*00 ouvriers civils,
une escadrille, la 3 E-3, une quarantaine
d'avions en tout.
Petite chose encore par la médiocrité, le
caractère inachevé des installations mari-
times et terrestres. Le terrain d'atterris-
sage est mauvais, insuffisant; le quai de
mise à l'eau est tout à fait précaire. Seul,
un grand hangar échappe à l'ambiance
cahotique. Il comporte même une réalisa-
tion ingénieuse. Tous les bureaux du Cen-
tre sont installés sur le toit, dans le point
de raccordement des voûtes. Par contre,
les laboratoires, les éléments du travail
technique sont on ne peut plus sommaires.
Un gros effort d'aménagement de ce
centre vital est donc à faire. Il devrait
être relativement aisé. L'Armée de l'Air
s'intéresse au terrain terrestre. La Direc-
tion des Constructions Aéronautiques du
Ministère de l'Air est disposée à fournir les
crédits. Il faut agir, et rapidement. Toute-
Vue en Vol d'un Gourdou-Leseurre de l'Aviation embarquée.
fois, attention! Il est bien évident que les
millions nécessaires ne doivent être inves-
tis à Saint-Raphaël que si nous sommes
sûrs de la persistance en Méditerranée
d'une situation internationale favorable.
Mais je dois, à la vérité, d'ajouter que le
Centre est, peut-être déjà, une grande
chose par la qualité du personnel qui y est
concentré et par l'excellence de la beso-
gne. Nombre d'officiers de marine et d'of-
ficiers mariniers, collaborateurs du Com-
mandant Boulleau, approchent les 2.000
heures de vol. Il y a là un cadre très re-
marquable, bien adapté à une tâche déli-
cate. Je note sur une feuille journalière de
travail le petit tableau suivant : Matin :
Lat. 4 T.16 : essais; Leo-43 : bombarde-
ment; Leo-259 : décollage par vent nul et
bombardement réel; P.L.201 : essais de
mise au point, qualités de vol; Leo-23 :
entraînement; S.R. : tir, bombardement à
3.000 mètres, essais d'antennes, essais de
photos obliques. Après-midi : Laté-582 :
mise au point des hélices; Léo-258 : es-
sais de viseur. Une vingtaine de missions,
toutes délicates, sont faites dans la journée.
L'organisation interne, toujours en ges-
tation, comporte essentiellement deux
organes bloqués : le Centre d'essais des
matériels nouveaux qui comprend une
section de mesures et de performances, et
la Commission d'études pratiques d'Avia-
tion maritime à quatre sections : Torpille,
Armement et Bombardement, Transmis-
sion, Navigation.
J'estime très satisfaisantes la concentra-
tion et l'interpénétration des essais et des
expériences. Ainsi, sous un même chef, le
matériel présent se lie au matériel futur.
L'Air agit autrement. Il a dispersé sous des
commandements différents à Villacoublay,
à Reims, à Cazeaux, à Avord, l'ensemble
des opérations d'essais qui aboutissent à
l'achat en série d'un matériel par l'Etat et
l'établissement d'une méthode d'utilisation
tactique.
Les deux insuffisances
Je trouvais dans le Commandant Boul-
leau un homme fort averti des affaires
d'un Centre d'expériences aériennes. A
l'observer et sans qu'il s'en doute, ii m'a
même fourni un exemple typique de l'es-
prit marin. Saint-Raphaâl est,, à coup sur,
un poste sédentaire. Le Centre ne doit
point tout à coup s'envoler. Son chef pour-
rait avoir chez lui ses affaires personnel-
les. Pas du tout : elles sont « à bord ». Au
Centre, il revêt donc la tenue bourgeoise
pour aller, si j'ose dire, rendre visite à sa
femme, et prudemment reprend l'uniforme
pour monter sur « la passerelle », le toit
du hangar Caquot. en l'occurrence. C'est
admirable!
Par l'intermédiaire du Commandant
Boulleau, j'abordais enfin la grande préoc-
cupation secrète, présente et future, le
matériel, objet des dithyrambes des Mi-
nistres, de la lutte feutrée mais implacable
des cinq entités qui vont désormais par-
ler et s'agiter dans mon enquête : le Cons-
tructeur, l'Ingénieur de l'Etat, l'Utilisateur,
auxquels il faut ajouter : le Ministère de
l'Air et le Ministère de la Marine, deux
amis tendres l'un pour l'autre, comme
l'on sait!.
« Je commande ici depuis six mois, me
disait mon interlocuteur. Je voudrais que
« ça » sorte. Mais ça ne sort pas. Nos
constructeurs travaillent, certes, mais !a
mise au point de leurs matériels est tou-
jours difficile. Souvent ils ne savent guère
où ils vont, car l'hydravion est toujours
une machine plus ou moins empirique. »
Jugez de mon attention! Toutes les ob-
servations sur le matériel que j'avais faites
à Paris et dans ma rapide visite aux esca-
drilles, toutes les opinions doctrinales plus
ou moins officielles que j'avais entendues
me revenaient à Heur d'esprit, puis-je dire.
Quelles étaient donc ces observations limi-
naires?
Que toute la mécanique actuellement en
service dans l'Aéronavale manque de pro-
fil, de vitesse, de défense et, qu'à tous
égards, elle est en retard de dix ans, non
peut-être sur les matériels de telle ou ld le
puissance étrangère — on fait toujours
dire ce que l'on veut aux comparaisons —
mais plutôt sur les solutions dès à présent
sûres et réalisables que l'art de l'ingénieur
propose à l'œil et à la raison de l'aviateur.
Quant à la doctrine, j'observais que,
même lorsqu'il s'agit de la coopération de
l'avion et du navire dans l'Escadre, les
idées émises, les aphorismes peremptoires
manquent de base expérimentale et ceci
dans un milieu où, comme l'Amiral Mouget
me l'affirmait avec tant de force, le chef et
l'exécutant soumettent volontiers leur es-
prit à l'expérience. Constatation grave
entre toutes. En effet, pour diverses rai-
sons la grande Guerre n'a point fourni à
la Marine la mine riche d'expérience dans
laquelle, pour sa part, l'Armée de l'Air,
peut puiser. Depuis, aucune campagne
coloniale, aucun conflit n'a permis quel-
ques profitables extrapolations. Enfin,
beaucoup d'officiers de marine ayant fait
la guerre dans l'Aviation, sont morts,
hélas!.
Je discernais donc, eii, tout cela, de
solides, d'impérieuses raisons à l'équipe-
ment d'un puissant système d'expériences.
Or, on ne peut douter que la Commission
d'Etudes si pauvrement dotée et son esca-
drille de travail — 7 avions — ne consti-
tuent nullement un tel système. D'abord
les excellents aviateurs-marins du Centre
doivent vivre sur leur acquis. Je veux dire
que les officiers ne passent là que deux ou
trofs ans. Ils n'ont pas le temps de repren-
dre et de suivre les questions en profon-
deur. En second lieu, si on ne m'a pas
communiqué le programme de la Com-
mission - la Marine sait garder ses
secrets - à voir l'équipement général du
Centre, on est bien obligé de penser que
ce programme ne saurait aller bien loin.
Les expériences méthotiques de tactiques
aéronavales n'ont pas été poussées dans le
passé, elles continuent à ne pas l'être dans
Je présent. Et pour cause.
Ici, m'affirmait le Commandant Boul-
leau, nous ne taisons pas de doctrine.
C'est le 3e Bureau qui est chargé de cek). »
Soit, pouvais-je répondre : la doctrine ré-
sulte de la synthèse des expériences.
C'est en effet une affaire de 3e Bureau. Mais
y a-t-il au moins une équipe qualifiée
d'aviateurs-marins doublés de stratèges?
Nous verrons cela plus tard.
Je viens d'énoncer, sans y prendre gaine
peut-être, deux vérités, deux insuffisances
qu'il faut placer au premier plandn drame
de l'Aéronavale: l'insuffisance de l'équi-
pement expérimental; l'insuffisance des
études de l'expérimentation tactique.
Voilà sur quoi je demande qu'en liant
lieu l'on mérite au plus vite. Car d'autres
sujets de réflexions viendront s'ajouter
bientôt. A Saint-Raphaël, en effet, j'ai pu
contempler tout à mon aise cette aiitre di-
vinité si cruelle qui se nomme : Le Temps
qu'il Faut pour Mettre un Ilydmvion en
Service.
André LANGERON.
�> - Le personnel volant de l'Escadrille du C. E. P. A.
NOS REPORTAGES
LES -
- - - -
OU EN EST L'AVIATION DE LA MARINE?
IV.. A Saint-Raphaël, source de puissance aérienne
Los postes de l'équipage d'un Cams-37.
D
E Berrc à Saint-Raphaël où gite le
Centre d'Expériences de l'Aérona-
vale, il n'y avait qu'un saut à faire.
Je pouvais le faire a bord d'un otiori. Le
mauvais temps me le lit faire par le train.
Afin de bien placer le lecteur dans mon
« atmosphère », je lui dis tout de suite que
je suis revenu assez inquiet de Saint-
Haphaël et cela, pour des causes minimes
que je ferai apparaître en cheminant et
pour une raison plus générale, plus pro-
fonde que je tiens à exprimer sans, tarder.
Penché depuis dix ans sur les tribula-
tions de nos Forces de l'Air, je crois avoir
discerné le fort et le faible de l'Aérona-
vale. Le fort est fait des qualités morales
de la vieille Marine française, de fa soli-
dité de son armature technique de la
valeur de ses chefs; le faible, c'est une
certaine conception du problème aérien
qui a engendré une tactique et des pro-
grammes de matériels encore réticents.
Or, si ma rapide visite à bord de
l'Algérie et à Berre m'a montré de façon
éclatante la solidité des parties fortes, il
m'est apparu à Saint-Raphaël, un des
nolnbrils de la puissance aérienne de notre
pays, que les parties faibles sont bien plus
laiblcs que je le supposais.
Le mal est fait
Je n'épiloguerai pas sur la question de
savoir s'il .était bon de placer un Centre
d'Expériences Aériennes en façade d'une
côte très accessible, et à quelques kilomè-
!res d'une frontière. Le mal est fait. Sous
l'angle de la géographie et du climat,
Saint-Haphaël est un lieu du monde aimé
des dieux et des hommes. Du point de vue
ile la politique étrangère, il est certain, au
contraire, que le Centre d'Expériences de
l'Aéronavale serait beaucoup plus étroite-
mont soudé, sur les rivages atlantiques,
avec celui de l'Aimée de l'Air qui se
trouve, lui aussi, en porte-il-faux à Heirns.
On éviterait ainsi le double emploi tou-
jours si onéreux et l'attaque éventuelle
par surprise.
Car eniin, la guerre n'arrêtera point le
fonctionnement du dispositif d'expérience.
Elle l'exaspérera plutôt. Les Centres spé-
ciaux rassembleront, interpréteront, filtre-
ront les enseignements acquis sur tous les
points du vaste front de l'Air, et c'est eux
— je l'imagine du moins — qui les tradui-
ront rapidement en progrès techniques
précis. Ils devraient même être pourvus, en
temps de guerre, d'un personnel de tout
premier ordre. En tout cas, il convient de
les éloigner des régions frontières. Cela
est si vrai que, pendant longtemps, l'incer-
titude de nos relations avec l'Italie nous a
fait négliger d'aménager convenablement
Saint-Raphaël. Demain, les .mêmes causes
produiront peut-être les mêmes effets : on
ne doit point l'oublier.
Cependant, pour tout dire, je ne crois
pas que les vicissitudes de la politique
étrangère suffisent à expliquer la grande
misère des moyens d'expériences de l'Aéro-
navale. Les porte-paroles officiels ou offi-
deux de la Marine répètent à l'envi que
le Haut-Commandement a l'exact souci de
la conjoncture aérienne. Je les crois. Mais
l'aviateur-journaliste qui connaît son mé-
tier et ses devoirs envers l'opinion publi-
que, désire autre chose que des affirma-
tions. 11 cherche des preuvés et ne peut
en trouver de plus convaincantes ailleurs
qu'en un lieu où une élite professionnelle
s'efforce de discerner en pleine paix et
dans la vivante réalité du vol, les exigen-
ces de la guerre future.
Or, pour le moment, le Centre de Saint-
Haphaël n'apporte point à l'observateur
impartial un témoignage bien éloouent de
Le fort et le faible de l'Aéronavale
Le fort, c'est le personnel et les magnifiques traditions
de la Marine. Le faible, particulièrement perceptible à
Saint-Raphaël, est fait de l'insuffisance de l'équipement
d'expériences et de l'insuffisance des études tactiques.
l'excitation passée et présente de la Ma-
rine pour les choses de l'Air.. Telle est la
cause de mon inquiétude.
Une toute petite chose
C'est une petite chose, en effet, que le
Capitaine de Frégate Boulleau dirige avec
une compétence, un dévouement, un allant
hors de pair : une trentaine d'officiers,
3 ingénieurs de l'Aéronautique, 350 sous-
officiers et troupiers, 1*00 ouvriers civils,
une escadrille, la 3 E-3, une quarantaine
d'avions en tout.
Petite chose encore par la médiocrité, le
caractère inachevé des installations mari-
times et terrestres. Le terrain d'atterris-
sage est mauvais, insuffisant; le quai de
mise à l'eau est tout à fait précaire. Seul,
un grand hangar échappe à l'ambiance
cahotique. Il comporte même une réalisa-
tion ingénieuse. Tous les bureaux du Cen-
tre sont installés sur le toit, dans le point
de raccordement des voûtes. Par contre,
les laboratoires, les éléments du travail
technique sont on ne peut plus sommaires.
Un gros effort d'aménagement de ce
centre vital est donc à faire. Il devrait
être relativement aisé. L'Armée de l'Air
s'intéresse au terrain terrestre. La Direc-
tion des Constructions Aéronautiques du
Ministère de l'Air est disposée à fournir les
crédits. Il faut agir, et rapidement. Toute-
Vue en Vol d'un Gourdou-Leseurre de l'Aviation embarquée.
fois, attention! Il est bien évident que les
millions nécessaires ne doivent être inves-
tis à Saint-Raphaël que si nous sommes
sûrs de la persistance en Méditerranée
d'une situation internationale favorable.
Mais je dois, à la vérité, d'ajouter que le
Centre est, peut-être déjà, une grande
chose par la qualité du personnel qui y est
concentré et par l'excellence de la beso-
gne. Nombre d'officiers de marine et d'of-
ficiers mariniers, collaborateurs du Com-
mandant Boulleau, approchent les 2.000
heures de vol. Il y a là un cadre très re-
marquable, bien adapté à une tâche déli-
cate. Je note sur une feuille journalière de
travail le petit tableau suivant : Matin :
Lat. 4 T.16 : essais; Leo-43 : bombarde-
ment; Leo-259 : décollage par vent nul et
bombardement réel; P.L.201 : essais de
mise au point, qualités de vol; Leo-23 :
entraînement; S.R. : tir, bombardement à
3.000 mètres, essais d'antennes, essais de
photos obliques. Après-midi : Laté-582 :
mise au point des hélices; Léo-258 : es-
sais de viseur. Une vingtaine de missions,
toutes délicates, sont faites dans la journée.
L'organisation interne, toujours en ges-
tation, comporte essentiellement deux
organes bloqués : le Centre d'essais des
matériels nouveaux qui comprend une
section de mesures et de performances, et
la Commission d'études pratiques d'Avia-
tion maritime à quatre sections : Torpille,
Armement et Bombardement, Transmis-
sion, Navigation.
J'estime très satisfaisantes la concentra-
tion et l'interpénétration des essais et des
expériences. Ainsi, sous un même chef, le
matériel présent se lie au matériel futur.
L'Air agit autrement. Il a dispersé sous des
commandements différents à Villacoublay,
à Reims, à Cazeaux, à Avord, l'ensemble
des opérations d'essais qui aboutissent à
l'achat en série d'un matériel par l'Etat et
l'établissement d'une méthode d'utilisation
tactique.
Les deux insuffisances
Je trouvais dans le Commandant Boul-
leau un homme fort averti des affaires
d'un Centre d'expériences aériennes. A
l'observer et sans qu'il s'en doute, ii m'a
même fourni un exemple typique de l'es-
prit marin. Saint-Raphaâl est,, à coup sur,
un poste sédentaire. Le Centre ne doit
point tout à coup s'envoler. Son chef pour-
rait avoir chez lui ses affaires personnel-
les. Pas du tout : elles sont « à bord ». Au
Centre, il revêt donc la tenue bourgeoise
pour aller, si j'ose dire, rendre visite à sa
femme, et prudemment reprend l'uniforme
pour monter sur « la passerelle », le toit
du hangar Caquot. en l'occurrence. C'est
admirable!
Par l'intermédiaire du Commandant
Boulleau, j'abordais enfin la grande préoc-
cupation secrète, présente et future, le
matériel, objet des dithyrambes des Mi-
nistres, de la lutte feutrée mais implacable
des cinq entités qui vont désormais par-
ler et s'agiter dans mon enquête : le Cons-
tructeur, l'Ingénieur de l'Etat, l'Utilisateur,
auxquels il faut ajouter : le Ministère de
l'Air et le Ministère de la Marine, deux
amis tendres l'un pour l'autre, comme
l'on sait!.
« Je commande ici depuis six mois, me
disait mon interlocuteur. Je voudrais que
« ça » sorte. Mais ça ne sort pas. Nos
constructeurs travaillent, certes, mais !a
mise au point de leurs matériels est tou-
jours difficile. Souvent ils ne savent guère
où ils vont, car l'hydravion est toujours
une machine plus ou moins empirique. »
Jugez de mon attention! Toutes les ob-
servations sur le matériel que j'avais faites
à Paris et dans ma rapide visite aux esca-
drilles, toutes les opinions doctrinales plus
ou moins officielles que j'avais entendues
me revenaient à Heur d'esprit, puis-je dire.
Quelles étaient donc ces observations limi-
naires?
Que toute la mécanique actuellement en
service dans l'Aéronavale manque de pro-
fil, de vitesse, de défense et, qu'à tous
égards, elle est en retard de dix ans, non
peut-être sur les matériels de telle ou ld le
puissance étrangère — on fait toujours
dire ce que l'on veut aux comparaisons —
mais plutôt sur les solutions dès à présent
sûres et réalisables que l'art de l'ingénieur
propose à l'œil et à la raison de l'aviateur.
Quant à la doctrine, j'observais que,
même lorsqu'il s'agit de la coopération de
l'avion et du navire dans l'Escadre, les
idées émises, les aphorismes peremptoires
manquent de base expérimentale et ceci
dans un milieu où, comme l'Amiral Mouget
me l'affirmait avec tant de force, le chef et
l'exécutant soumettent volontiers leur es-
prit à l'expérience. Constatation grave
entre toutes. En effet, pour diverses rai-
sons la grande Guerre n'a point fourni à
la Marine la mine riche d'expérience dans
laquelle, pour sa part, l'Armée de l'Air,
peut puiser. Depuis, aucune campagne
coloniale, aucun conflit n'a permis quel-
ques profitables extrapolations. Enfin,
beaucoup d'officiers de marine ayant fait
la guerre dans l'Aviation, sont morts,
hélas!.
Je discernais donc, eii, tout cela, de
solides, d'impérieuses raisons à l'équipe-
ment d'un puissant système d'expériences.
Or, on ne peut douter que la Commission
d'Etudes si pauvrement dotée et son esca-
drille de travail — 7 avions — ne consti-
tuent nullement un tel système. D'abord
les excellents aviateurs-marins du Centre
doivent vivre sur leur acquis. Je veux dire
que les officiers ne passent là que deux ou
trofs ans. Ils n'ont pas le temps de repren-
dre et de suivre les questions en profon-
deur. En second lieu, si on ne m'a pas
communiqué le programme de la Com-
mission - la Marine sait garder ses
secrets - à voir l'équipement général du
Centre, on est bien obligé de penser que
ce programme ne saurait aller bien loin.
Les expériences méthotiques de tactiques
aéronavales n'ont pas été poussées dans le
passé, elles continuent à ne pas l'être dans
Je présent. Et pour cause.
Ici, m'affirmait le Commandant Boul-
leau, nous ne taisons pas de doctrine.
C'est le 3e Bureau qui est chargé de cek). »
Soit, pouvais-je répondre : la doctrine ré-
sulte de la synthèse des expériences.
C'est en effet une affaire de 3e Bureau. Mais
y a-t-il au moins une équipe qualifiée
d'aviateurs-marins doublés de stratèges?
Nous verrons cela plus tard.
Je viens d'énoncer, sans y prendre gaine
peut-être, deux vérités, deux insuffisances
qu'il faut placer au premier plandn drame
de l'Aéronavale: l'insuffisance de l'équi-
pement expérimental; l'insuffisance des
études de l'expérimentation tactique.
Voilà sur quoi je demande qu'en liant
lieu l'on mérite au plus vite. Car d'autres
sujets de réflexions viendront s'ajouter
bientôt. A Saint-Raphaël, en effet, j'ai pu
contempler tout à mon aise cette aiitre di-
vinité si cruelle qui se nomme : Le Temps
qu'il Faut pour Mettre un Ilydmvion en
Service.
André LANGERON.
�> - Le personnel volant de l'Escadrille du C. E. P. A.
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