Titre : Le Petit Parisien : journal quotidien du soir
Éditeur : Le Petit Parisien (Paris)
Date d'édition : 1911-01-24
Contributeur : Roujon, Jacques (1884-1971). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 24 janvier 1911 24 janvier 1911
Description : 1911/01/24 (Numéro 12505). 1911/01/24 (Numéro 12505).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France, Gr Fol-Lc2-3850
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/04/2008
la Le F*© Parisien
S
Dernière Heure
DEPÉCHES ET DES CORRESPONDANTS DU PETIT PARISIEN
Tamponnement de tra ns
dans le pays de Galles
ON COMPTE II MORTS ET 40 BLESSES
Londres, 23 janvier.
Pour la seconde fois, en un mois, une ter-
rible catastrophe de chemin de fer s'est pro-
duite aujourd'hui en Angleterre, sur la li-
du Taff Vale, dans le sud du pays de
Galles. Comme lors de ('accident de l'express
d'Ecosse survenu la veille de Noël, onze
personnes ont péri et une trentaine, disent
les uns, une quarantaine, disent les au-
tres, ont été plus ou moins grièvement
blessées.
Par suite du brouillard très épais qui ré-
gnait ce matin, le mécanicien d'un train de
voyageurs se rendant de Swansea à Car-
din ne vit vraisemblablement pas les si-
gnaux d'arrêt et alla jeter son convoi sur
un train chargé de charbon qui le précédait
sur la même ligne. Le choc fut épouvanta-
ble.
La locomotive du train tamponneur, qui
marchait à toute vitesse, monta littérale-
ment sur les derniers wagons du.train de
marchandises, tandis que les voitures sui-
vantes se télescopaient et s'écrasaient les
unes les autres. C'est à quelque cent mè-
tres de la petite station de Hopkinston, près
de Pantypridd, que la catastrophe a eu lieu.
Sans attendre des secours, qui eussent pu
être longs à venir, le personnel de la petite
gare et tous les voyageurs des derniers wa.
gons, qui avaient été seulement projetés' les
vus sur les autres et légèrement atteints
par des éclats de verre, se mirent en devoir
de dégager Ies malheureux plus grièvement
blessés et ceux qui avaient été rués sur le
Le spectacle était lamentable. Ici, c'était
la tête d'une jeune fille de dix-sept ans qui
émergeait à peine d'un amae inextricable
de débris. Là, un tronc d'homme entre les
deux montants d'une portière. Le malheu-
reux, qui sa trouvait probablement dans les
couloirs, avait dû, au moment du choc, vou-
loir ouvrir la portière et se sauver, mais
il n'en avait pas eu le temps et avait eu le
bas du corps écrasé. Ailleurs, une femme
couverte de sang, horriblement blessée,
poussant de petits cris plaintifs, demandait.
non pas qu'on la sauvât, mais qu'on secou-
rût sa fille et son mari qui, tous deux,
étaient mort.
En moins d'une demi-hourè, grâce au dé-
vouement de tous et à l'arrivée d'un déta-
de soldats et d'agents qui se trou-
vaient cantonnés à proximité, en raison des
récentes grèves minières, onze cadavres
avaient été retirés des débris et emportés
dans une des salles d'attente de la gare.
(,-étaient ceux de huit hommes, d'une fem-
me, d'une jeune fille de 17 ans et d'un gar-
çonnet de 9 ans. Une. dizaine de blessés,
Crii'îvement atteints, étaient d'autre part
transportés en toute hâte à l'hôpital, tandis
que d'autres, moins sérieusement blessés,
étaient pansés sur pla,·e.
Parmi les morts si trouvent trois mem-
bres du conseil exécutif de la fédération des
mineurs du pays de Galles qui se rendaient
à Cardiff où devait avoir lien aujourd'hui
rrrre réunion de mineurs et de là devaient
gagner Londres, tojjo irs peu: défendre les
Intérêt» de Hyurs camacrad-?2.
Par un hasard extraordinaire, ni le. chauf-
teur, ni le mécanici m du train tamponneur
ne furent tués. La violence du choc les pro-
jeta sur l'un des wagons suivants où on les
retrouva souffrant seulement de contusions.
Le mécanicien a expliqué que l'accident
était survenu à une courbe da la voie et qu'il
n'avait aperçu le convoi de charbon qu'en
arrivant dessus.
Cet après-midi, tous lis blessés ont été
transportés par train spécial à Cardiff et
immédiatement admis à l'hôpital.
Un débat sur Flessingue
au Parlement belge
Bruxelles, janvier.
La question des fortifications de Flessin-
gue va être porté8 devant le Parlement
belge.
En effet. M. Louis Frank, député d'An-
vers, vient d'informer le président de la
Chambre qu'il interpelleta le gouvernement
sur la situation qne le projet hollandais
créerait à la Belgique.
On prévoit un vif et intéressant débat.
UN BIPLAN TOMBE PRES DE PISE
L'aviateur et un général qui l'accompagnait
sont blessés
Pise, janvier.
Cet après- raidi a eu lieu, à l'aérodrome de
San Rossoic, un concours d'aviation.
Après plusieurs vols, Cobianchi ti fait un
vol avec un paasager, le général Dechau-
ra.nd, comandant la brigade de PLoc.
N8 38. Feuilleton du Petit Parisien.
Millions, Amour et Ce
GRAND ROMAN INEDIT
DEUXIÈME PARTIE
LE CALVAIRE
IV
Où un habile homme se trompe
Louise Desvaux n'était plus tout à fait une
jeune fille.
Elle comptait vingt-six printemps.
C'est déjà une sorte d'âge raisonnable où
on a généralement acquis une certaine expé-
rience.
Dans le défilé des gens de toutes condi-
tions qui avaient passé aux Rochers,mal-
tres, amis des maîtres, régisseurs, gardes
et serviteurs, il s'en trouvait d'entrepre-
nants jusqu'à l'audace.
On ne se privait de rien chez le baron
Claude et la morale des gens du monde,
quand il s'agit de la vertu d'une fille de jar-
dinier, ne les astreint pas souvent à une dé-
licate réserve.
Plus d'un chasseur, après un déjeuner ar-
rosé des champagnes les plus exquis et des
crus de Bourgogne les plus capiteux, avait
fait demi-tour pour s'écarter de ses compa-
gnons et revenu autour du pavillon de Des-
vaux roucouler à l'attrayante pensionnaire
quelques-uns de ces coupiets galants que les
oercleu.x parisiens, les officiers en congé et
les célibataires en quête d'amourettes ont
toujours dans la mémoire.
On ne les lui avait pas ménagés.
Sage et spirituelle, elle les écoutait en sou-
riant et les renvoyait à leurs affaires si dou-
cement que jamais aucun d'eux ne lui en
avait tenu rigueur.
Au contraire, par ses refus, elle avait con-
Le biplan sortit de l'aérodrome et s éleva
à une hauteur de cent mètres, se dirigeant
vers Pise, quand, à la suite d'un coup de
vent, il tomba.
Le général Decliaurand s'est fait une lé-
gère blessure à la figure. L'avateur Cobian-
chi a une fracture Je la jambe gauche il a
été transporté à l'hôpital. Le général De-
chaurand est rentré à Pise en voiture.
GRAVE INCENDIE A. METZ
Metz, janvier.
A trois heures quinze, le feu a éclaté dans
le pavillon intérieur de l'hôpital militaire
du fort de la .Vloselle, où sont emmagasi.
nées de grandes réserves de matériel pour
les ambulances en temps de mobilisation.
L'incendie a pris de grandes proportions.
Les pompiers civils et militaires travaillent
à l'éteindre.
Il n'y a pas eu d'accidents de personnes.
Les pertes paraissent élevées.
Les bandits cTHoundsditch
Londres, 'Il janvier.
Au moment d'enterrer aujourd'hui, dans
le cimetière d'Ilford, les deux assassins de
Houndsditch, Fritz et .Iosel h, le pasteur a
protesté énergiquement et a déclaré que c'é-
tait outrager la décence publique que de les
enterrer dans le même sol que les policiers
assassinés.
Les cercueils ont été laissés sur le corbil-
lard, sans sépulture, en attendant des ins-
tructions ultérieures. Mais deux heures
après, l'inhumation a eu lieu dans la partie
Il' -onsacrée du cimetière et sans céré-
monie.
L.. ministère public a commencé aujour-
d'hui à établir l'inculpation devant motiver
le renvoi devant les assises des cinq Rus-
ses dont deux femmes, impliqués dans les
meurtres d'Houndsditch.
Lundi janvier I0H.
Athènes. Le colonel Lapathotis, ancien rfii-
nistre de la Guerre, a été arrête avec quatre
sous-officiers.
Berlin, Le second procès de Moabit s'est terni
né par- la condamnation de quatorze accuses à
des peines de prison de un à quinze jours
A Spire, un soldat, qui avait pris la fuite et
qui- était poursuivi, a blessé un officier et un
sous-officier, puis il s'est tué d'un coup de fusil.
Bruxelles. Les délégués de la Fédération des
mineurs se sont réunis et ont voté la reprise du
travail par 15 voix contre L et 6 abstentions.
Metz. La nuit dernière, le mécanicien Peif
fer, employé d'une société minière de Sainte-Ma-
rie-aux-Chênes. a tué sa femme à coups de ra-
soir dans un accès de jalousie.
Le meurtrier a tenté ensuite de se suicider en
s'ouvrant les veines des poignets et du cou.
New-York. Un auteur américain bien connu,
M. Davis Graham Philips, a été tué d'un coup de
revolver alors qu'il passait devant le club Prin-
ceton. Son agresseur, se voyant sur le point d
tre arrêté, sest brûlé la, cervelle.
Rome. Le baron Pfytfer, lieutenant-colonel
de. la. garde suisse pontificale, est révoqué de
ses fonctions pour raisons graves.
Saint-Pétersbourg. Les autorités chinoises
et tes médecins européens se sont entendus pour
l'isolement sanitaire de Foudziadan, faubourg de
Kharbine.
Pendant les six derniers jours, il Foudziadan,
l.l.KXi personnes sont mortes de la peste.
Kne décision du conseil des ministres in-
terdit jusqu'à nouvel ordre, sous peine de rien-
voi immédiat des contrevenants, toute réunion
d'étudiants des universités n'ayant pas un ob-
jet, scientifique. Elle est justifiée par le désir
d'assurer aux étudiants la possibilité de pour-
suivre en paix leurs études.
Washington. Le ministre d'Haïti annonce
que Saint-Domingue a accepté officiellement l'ar-
bitrage offert par M. Taft.
LES REMERCIEMENTS^ L'ALLEMAGNE
M. de Schœn, ambassadeur d'Allemagne,
est venu apporter à M. Pichon, ministre
des Affaires étrangères, l'expression des re-
merciements du gouvernement impérial et
de la marine allemande pour les assurances
de sympathie et les condoléances du Prési-
dent de la République et du gouvernement
français à l'occasion de la catastrophe du
sous-marin C-3.
Assaillie dans sa maison
une femme est affreusement blessée
Angoulême, janvier.
Hier soir. à la nuit, M. Miche'.ot, institu-
teur à Amberac, actuellement en congé chez
sa mère, qui habite Camus, ayant eu be-
soin de s'absenter, sortit pendant quelques
minutes. Quand il revint, il trouva sa mère
étendue à terre et baignant dans son sang.
La malheureuse avait reçu trois coups de
bêche sur la tète qui lui' ava.ient fait une
horrible blessure un œil notamment était
sorti de l'orbite.
M. Miehelot appela aussitôt ses voisins,
et. un médecin prodigua ses soins k lit vic-
time, mais on ne croit pas que celle-ci sur-
vive ses blessures.
Une arrestation serait imminenlp.
qais ieur estime et presque toujours !eur
Ce qui la défendait. d'ailleurs plus sûre-
ment contre la tentation qui en e0t perdu
d'autres, c'était son amour pour Philippe
d'Ouville, amour qui ne laissait de place pour j
personne dans un cœur qu'il occupait tout
ent.ier.
Un entretien avec Joseph Sclïuler n'était
donc pas pour l'effrayer.
Quoi qu'il eut à lui dire, elle pouvait l'en-
tendre avec d'autant plus de tranquillité
qu'elle n'avait pour lui ni estime ni sympa-
thie.
Ce qui s'était passé depuis un an dans ce
pays si tranquille avant l'installation de ce
valet de chambre, personnage singulier d'à-
bord, à demi secrétaire, à" demi brosseur
d'habits, et cireur de bottes, promu soudai-
nement à ta dignité de régisseur de ce do-
maine princier, l'avait plongée souvent en
de longues et pénibles réllexions.
Elle aussi, comme Benjamin Guirec, le re-
receveur des rentes de Vannes, comme son
frère, le notaire, comme tous ceux qui avaient
connu les d'Ouvilie, qui les avaient aimés et
plaints, et oui leur restaient fidèles dans le
malheur, elle flairait un mystère dans ce
drame effarant ou, tout i1 coup, un jeune'
hcmne honnête jusqu'à la faiblesse, si facile
à duper qu'il était devenu la proie de toutes
les sangsues et de tous les rongeurs de Vau-
nes et des environs; si désintéressé qu'an
lieu d'épouser une héritière de millions sur
lesquels il n'avait qu'à étendre la main, il
avait lié sa destinée à celle d'une orpheüne
tombée au dernier degré de la pauvreté, si
doux enfin et si inoffensif, était arrivé sans
transition à concevoir l'idée d'un crime
exécrable et à l'exécuter aussitôt.
Presque un parricide
Comment l'admettre
Comment le croire
De quel accès de folie furieuse aurait-il
donc été frappé
C'était là une énigme indéchiffrable pour
elle.
Elle y pensait toujours, mais à qui en eut
elle parlé 1
Le calme est revenu
autour d/Epernay
Le lieutenant-colonel de Crousnilhon, com-
mandant les chasseurs chargés d'assu-
rer l'ordre, est mort subitement
à Damery
Epernay, 23. janvier.
La journée a été o*lme dans le vignoble
champenois.
Le bruit avait couru qu'un acte de sabo-
tage avait été commis la nuit dernière à
Ambonnay, mais ce bruit est démenti.
Une légère effervescence a été signalée à
Mesnil-sur-Oger.
Le pays a été attristé par la nouvelle de
la mort subite du lieutenant-colonel de
Crousnilhon, du 5° chasseurs, logé à Da-
mery.
Cet officier s'était couché à dix heures
vers une heure du matin, ressentant un vif
malaise, il prévint un lieutenant qui cou-
chait dans la même maison.
Celui-ci envoya chercheur un aide-major
qui, la gravité de l'état du lieute-
nant,-colon,el. fit prévenir le docteur Fer-
raud, de Damery.
En dépit des soins énergiques qui lui fu-
rent prodigués, le colonel de Crousnilhon
succombait à trois heures du matin il uiie
crise d'emphysème pulmonaire.
Le sous-préfet d'Epernay, le général com-
mandant la brigade, le maire et l'adjoint
de Damery sont allés saluer la dépouille
mortelle du lieutenant-colonel de Crousnil-
iion, et ils ont envoyé leurs condoléances
aux officiers de son régiment.
aujourd'hui, a été communiquée la liste
des secours qui seront. répartis dans les
communes viticoles de 1 arrondissement
d'Epernay sur le crédit de 20 millions voté
par le Parlement. 'i
Le total des sommes ainsi distribuées s'é-
lève à 10O.UOO francs.
L'aviateur Mollien évolue
sur la rade de Toulon
Toulon, 23 janvier.'
L'aviateur Mollien, sur monoplan Blériot,
a évolué, vers midi, au-dessus do la rade de
Toulon, venant d'Hyères.
Le temps était très propice. Mollien s'élan-
ça à 11 h. 35 de l'aérodrome de la plage
d'Hyères, sE dirigeant vers la mer puis,
suivant la cote, il passa au-dessus des Pes- p
quiers, Carqueir.anne, cap Brun, Toulon, la
Seyne et Bando!.
jl revint à Hyèras par le même chemin et
atterrit à midii-7. •̃
Mollien a déclaré avoir volé avec beau-;
coup d'aisance, tant l'air était calme. Au-
dessus de la rade de Toulon, la brume, en-
core assez cuaisse, l'empêcha de distinguer
les navires de l'escadre.
NOUVELLES EN DEUX MOTS
pîiquée dans les affaires d'avortement a été ar-
rêtép. (7,«et dans sa maison qu'avorta la fem-
ia .suiip de nombreux vols de marchan-
dises diverses, commis dans des wagons, en gare
de Lûmes 'Afdennesi, huit cheminots ont ctq ar-
Louis Piaf!. ru; Paris,. et-UertlMs- Bowlafi- j
ger. née il Lille, qui émettaient, des piéces faus-
ses d'un franc, nnt él.e arrêtas il Cjennont-Fer-
rand.
Un nïoefirig, auquel assistaient 1,200 ou-
vriers de toutes corporations, a été tenu à Bel-
fort et s'est terminé par le vote d'un ordre du
jour approuvatrt la. campagne de la C. G. T. pour
la revi,ion du procès de Rouen.
Un mineur, à Courrières, a été écrasé par
un éjiorme liloc. ̃
Un propriétaire d'Auray, nommé Arnoux,
a été arrêté à Lorient. à la suite d'une enquête
relative à d
w~ Un mandat d'arrêt a été lancé contre le
secrétaire du syndicat.agricole de Bailleul (Nord),
qui aurait détourné une vingtaine de mille francs.
POUR LA H. F».
Au Musée social une réunion plénière des
bureaux des groupements proportionnalistes
de Paris a eu lieu hier soir, sous la prési-
dence de M. Charles Benoist. L'objet de cette
réunion était l'examen de la situation faite
à la cause de la R. P. par la prise en con-
sidération. à la Chambre, de 1 amendement
de M. Painlevé.
L'auteur de l'amendement a pris la per
role et s'est excusé tout d'abord d'avoir pro-
vçqué déjà tant de discussions ft de passer
aux yeux des fidèles de la religion propor.
tkmnklist.3 un p^u. pour un schismatique.
Puis il est entré dans un-3 analysa pure-
ment arithmétique cie «m système qui fut en
même temps un; critique du système
d'Hondt.
D'antres discours ot:t étl prononcés par
MM. Yarenne, -'ose-pli Reinach et Jaurès,
puis la réunion a voté un ordre du jour dé-
favorable au principe ci? l'amandemeni
La, lettre de son ami, du capitaine Philip-
pe, lui donnait un désir plus vif encore de
l'éclaircir.
Que lui disait-il, en somme
Je ne reverrai ma Bretagne que le jour
où par un miracle notre nom sera lavé de
sa souillure.
Si ce n'étaient pas les termes de sa lettre
c'en était bien le sens.
.Ion frère est innocent. J'ai eu tort de
le supposer coupable d'un tel crime. C'était
l'outrager. Non, il n'est pas coupable. Il ne
peut pas l'être. J'aurais dû le crier à ses ju-
ges
Lui, qui, dans un moment d'affolement et
de douleur, frappé comme tant d'autres de
preuves qui semblaient flagrantes, avait
douté de son malheureux frère, il revenait
donc sur ses préventions et croyait à son in-
nocence.
Ah si elle pouvait l'aider dans cette œu-
vre de réhabilitation
Si elle pouvait le ramener dans sa Breta-
gne
Queite joie pour elle
Elle ne rentra pas dans sa maison comme
l'aurait voulu Joseph Schuler.
Elle !ni montra du doigt io siège où il s'é-
lait assis avant le déjeuner, et, prenant eile-
même une chaise dO jardin, elle se plaça de-
vant 1ui et dit d'une voix très douce
Eh bien psrlez, je vous écoule.
Vous vous doutez bien un peu de ce que
je vais vous dire*?.
Ma foi, non.
Alors mes yeux n'ont pas une grande
Elle haussa une épaule dans un petit mou- j
vement. coquettement rlérfaigne'ix. et dit
Vous voulez me débiter quelques lieux
communs. des c-ornsltes, des complirnents
que je ne mérite pas. Allez, je vous vois ve-
nir. le n'ai plus dix-huit ans J'en ai en-
tendu de fortes.. On ne se gêne pas avec:
une fille de la campagne. Faites comme les
autres. Parlez hardiment. Vous vous ^n-
nuyez dans cette propriété qui ne vous oftre
pas les amusements de Paris et vous cher-
L'Institut océanographique de Paris
Ce magnifique établissement, création du prince de Monaco,
a été inauguré hier par le Président de la République
Tout orgueilleux de sa façade de pierres
blanches et de briques rosés, de son haut
fronton à l'ample tympan de pierre lisse,
de son large bandeau où se déroule avec
noblesse, la sévère inscription qui le dédie
à la science, de sa haute tour carrée, mas-
sive comme un donjon féodal, l'Institut
océanographique, que la France doit à la
munificence éclairée du prince de Monaco,
dresse au cœur du quartier latin sa
silhouette imposante.
M. Nénot. ̃ l'éminent architecte de la nou-
velle Sorbonne, en conçut les plans, et son
oeuvre dont il a le droit d'être lier est
à la fois harmonieuse et forte.
On pénètre dans l'institut par un vestibule
dallé, de belles proportions. que clôt une
large porte de chêne à deux glaces sans
tuin. A gauche sont les bureaux du secré-
tariat général et de la direction, ainsi que
la salle du conseil dadrninistration. Au
fond, par deux couloirs on accède au grand
et au petit amphithéâtre au premier étagy
sont les burea ix dos professeurs au second
sont situés les laboratoires, auquels on ac-
cède par un escalier ou .par. un ascenseur au
choix. Deux autres étages comportent de
vastes 'ocaux, dont l'un sera une salle de
conseil et l'autre une salle d'archives.
Le grand amphithéâtre, en gradins de
chêne clair, au plafond en verrières, est
inondé de lumière. Six grands lustres de
cristal à soixante lampes, y répandront la
nuit venue, des flots de clarté.
Les laboratoires
Mais, le vrai luxe de l'institut réside dans
ses laboratoires. Les instrumentes les plus
perfectionnés, les microscopes les plus uuis
i scints, le matériel scientifique le pl.us récent
et le plus pratique sont mis à la disposition
des savants et de leurs aides. 11 y a actuel-
lement trois grands laboratoires celui de
[ iM. Berget, pour l'océanographie physiquc j
celui de M. Jonbin, professeur au -muséum
pour l'océanographie biologique, et celui de
du laboratoire de
physiologie à la Sorbonne, pour la physio-
lofie des êtres marins.
Déjà les hautes vitrines de chêne sont
garnies de bocaux, où l'én peut contempler
quelques échantillons curieux de la faune
et de la flore maritimes des crustacés aux
formes bizarres, des coquillages, minuscu-
les ou géants, des céphalopodes aux colora-
tions inattendues, des poissons inconnues du
public et qui semblent créés par le génie du
cauchemar.
Dans ces vitrines sévères, derrière ces
hautes glaces, se révèlent l'immense, Tinfi-
nie variété de la nature, son génie inventif,
et les miraculeuses facultés d'adaptation
des êtres vivants.
Et ce que la science océanographique
nous a révélé et nous décèle encore chaque
jour, en nous mettant face à face avec no-
tre ignorance, proclame, une fois de plus,
que l'obstiné génie de l'homme peut tout
tenter, tout vaincre, et tout chercher, jus-
qu'aux énigmes ensevelies depuis le début
des Ages dans la vase des océans.
lihaOgûratioh
la séance solennelle d'inauguration de
Flnstitnt a en lieu hier soir sous la prési-
dence de M. Armand Fallières, qu'accom-
pagnaient plusieurs membres du gouver-
nement.
Reçu, à son arrivée, par le prince de Mo-
naoo, le Président de la République se diri-
gea vers le grand a-mphithéàtre, où se trou-
vaient déjà réunis un très grand nombre de
notabilités scientifiques françaises et étran-
gères.
Le prince de Monaco, à la droite duquel
avait pris place M. Emile Loubet, paria le
premier.
chez une distraction. Soyez franc. Avouez-
le. Pourquoi pas ?
Il demeura quelques secondes interdit,
surpris d'une telle liberté de paroles che/
cette. Louise, d'ordinaire si réservée.
Elle continua
Pensez-vous que je ne me sois pas aper-
çue de votre manège?. Depuis quelques
jours, vous tournéz autour de moi, avec les
allures d'un faucon qui veut endormir une
perdrix.
EUe eut un rire nerveux.
Vous autres, Parisiens, vous ne doutez
de rien.
Elle regarda bien en face Joseph Schuler
et ajouta
\'ous avez sans doute raison car vous
trouvez peu de cruelles. Que vouler-vous
Moi, je suis peut-être originale.le me trou-
ve bien aux Rochers et. condamné a me-
ner une existence terre à terre, je m en con-
tente.
Faute de mieux?.
̃ Vous l'avez dit.
Peu il peu, il reprenait son apiomb ordi-
naire.
Il murmura
le ne vous supposais pas si vive, si
Où voyez-vous de la violence dans mes
paroles ? Vous voulez un entretien ?. Je
suis à vous. Je crois avoir deviné vos inten-
tions. Je vous le. dis pour aller plus vite.
Si je me suis trompée, vous n'avez qu'à me
l'apprendre. On m'a fait souvent des propo-
sition sans ménagements. J^ ne crois pas
qne vous ayez me parler d'affaires. Les
affaires ne regardent pas les jeunes filles.
Eh bien vous vous trompe/ c est d'u-
ne affaire que je veux vous entretenir
Elle secoua la tt;te.
Je suis curieuse de !a connaître.
Vous ne voulez pas veus marier?
Si cependant le futur vous offrait une
position asréable
ne quelle n-ilure ?
A Paris, par exerrple..
Vous vous moquez de moi J
Après avoir dit sa joie d'offrir à la Fran-
ce le monument qu'il vient de consacrer à
l'étude de l'océanographie et salué ses hôtes
illustres, il s'écria
Enfin, il se trouve parmi vous trois hommes
dont je veux lé' nom dans une pensée
affectueuse et admirative. Sir John Murray, qui
restera l'une des ligures les plus levées Je l'o-
céanographie. puisqu'il joua un rôle considérable
dans l'expédition anglaise du Challenger, lu
première qui fut consacrée il la science de la
mer. Nénot,. l'auteur de Ce monument. l'architecte
dont les œuvres magistrales rappelleront tou-
jours un grand progrès de l'enseignement dans
Paris. Charcot, l'explorateur audacieux qui re-
vient des régions antarctiques, où il conduisit,
pour le plus grand honneur du pavillon îran-
çais, un équipage de marins et d'océanographes.
Puis le grince indiqua quel serait l'esprit
d2 l'enseignement .professe dans l'inslitut
Dans l'édifice que vous inaugurez aujourd bui,
nous enseignerons les vérités élaMies par les
océanographes que j'appelle de tous les pays
pour collaborer a l'œuvre tout entière que j'ai
une solidarité aussi taste dans le travail devan-
ce nos nururs. je -ne la redoute point. car les
hommes, divisés dans leurs luttes pour ï existen-
ce, ne trouveront jamais un terrain .de rappro-
chement plus favorable que celui des conquêtes
intellectue!les.
L'institut recueillera là quintessence du tra-
vail élaboré par l'Océanographie, qui planera
idéalisée sur ce vaste domaine universitaire,' au
milieu du flot grandissant de la science. Et je
le confie cette Mlle de Paris qui m'a enseigné
le travail et dont l'esprit et le cœur ont si sou-
vent dirigé l'esprit et le cœur de l'humanité en-
tière.
Après ce discours, dont maints passages
furent salués par les applaudissements. NI.
Maurice f^ure, ministre de l'instruction
publique, prit la paroles.
Il remercia, au>noin de la République, le
prince de son don magnifique, parla- en ter-
nies éloqqents de :ses travaux scientifiques
et termina en .disant quels ser,vicus l'institut
était appelé, à rendre, à la science
Messieurs, en présence d'une institution aussi
nouvelle, peut-être quelques esprits timorés bu
sceptiques' méttront-ils en doute' le succès de ces
enseignements et craindront-ils que la jeunesse
studieuse s'en désfntértsse ? Que les émis de la
science pcéanograpinquii rasr-uivn!. Avant -de
prendre une décision ..définitive, le prince a tenu,
en organisant à fa Sorbonnc des cours régul'ers,
à se rendre compte -avec des résultats
quil était en droit dvespérer. Et c.'ist seulement
après une décisive expérience de six années qu'il
a résolu d 'édifier ce palais et d'y installer défini-
tivcment l'Institut océanographique. N'ayons au-
(,,une crainte pour son avenu-. Bten que ses fon-
dations reposent sur l'argue du sul ae l'Ile de
France, 1 institut de Paris est assis sur des bases
solides comme. le musée qui se dresse là-bas, au
bord de la mer bleue, sur le rocher de Monaco.
Ensuite, M. Armand Gautier, au nom de
l'Académie des sciences, fit un exposé des
découvertes faites sous la direction du
prince de Monaco, puis M. Liard, vjee-ree-
Leur de 4'Univarsité de Paris, prononça une
fort éloquente allocution dont, la péroraison
fut particulièrement applaudie.
Marin d'instinct et d'éducation premia;re, vite
vous avez reconnu que parallèlement ta des-
cription et il la science de la terre. de tout temps
appelée géographie, il y avait lieu de constituer
une description et une science de la mer. qui
serait l'océanographie, et pénètre d'un enthou-
siasme durable à la vision de cette œuvre im-
mense et, variée, entrevoyant des le ilObut, sa
grandeur, ses beautés, ses hasards et sc.i pé-
l'ils. entrevoyant aussi quelle lumière ,il'. porte-
rait sur certaines parties ténébreuses de la na-
ture, et .de quelle ui^liUi pratique «He polirait
être pour certains groupes d'hommes, naviga-
teurs, marin?, pêcheurs, vous avez donné tout de
vous ir la constitution dr. celte, (rune. vos res-
sources de prince et. cp qui vaut beaucoup plus,
voire être tout entier.. votre âm" a. la fois rft-
veuse et énergique.. votre intelligence réaliste,
éclairée d'idéal, vos luirédit^s d'homme de guerre
et votre raison d'homme de paix.
L'Université de Paris aussi, monseigneur,
que vous êtes un voisins dliquel elle n'a que de
bons offices à attendre. elle a eu des peu-
ves de votre libéralisé. Elle n'oublie pas qui
moment où se négociait 'achat par de ce
vaste terrain où vont pousser tour il. tour son
institut de chimie, sop institut de radium. et,
plus taro, parallèlement il votre institut d'ncéa-
nographie, son institut de géographie, votre in-
tervention fut- décisive,. -et-qui?. sans une donation
de vous, cette belle combinaison eut échoué tout
près du port.
Aussi, monseigneur, est-elle heureuse de saluer
en vous un biérjaiteur:
M. Edmond Pérrier, directeur du Mu-
séum, clôtura la série des discours. Il dit
qu'en créant cet institut, ce n'est pas seule-
ment la reconnaissance de la science fran-
çaise que s'est acquise le prince de Monaco,
mais la reconnaissarioe universelle.
La cérémonie se termira par une fort. in-
téressante conf àrejftce. de Henry Bourée,
lieutenant, de vaisseau, aide df camp du
prince de Monaco, qui 'it défiler, sous lés
yeux de l'assistance,, de tort jolies vues ci-
nématographiques représentant des scènes
de pèche, dans les tonds jusqu'alors inex-
plorés des océans, et des photographies en
couleurs des poissons qu'on y rencontre.
Reconduit nar le prince de Monaco, en-
touré de sa suite, M. Fallières a quitté l'ins-
titut onze heures et demie.
A la sortie du Président de la République
et des personnages officiels, quelques jeunes
royalistes se sont livrés à une. manifesta-
Uon. Dix arrestations ont été opérées.
Pas du tout. On ne se moque pas de
ce qu'on aime.
Vous m'aimez donc?.
Follement.
Et ce futur que vous auriez à me pro-
poser. ce serait ?.
Moi.
Pas possible.
Si, en vérité.
Je ne vous comprends plus. Je vous
croyais ennemi du mariage et tout à coup
vous me dites de but en blanc, sans prépa-
ration Je vous aime et si vous voulez,
je vous épouserai Ai-je bien entendu?
Oui.
Vous ajoutez -.le pense pouvoir vous
offrir une belle position à Paris?
Cest vrai.
Vous en avez donc déjà assez de vos
fonctions aux Rochers ? La place est pour-
tant agréable et m
Vous trouvez
Sans doute, de bons appointements, des
commissions sur tes ventes, des cadeaux des
fermiers au renouvellement des baux, une
grande liberté., la chasse, la pêche, des
chevaux. En somme une excellente place..
Je ne dis pas non, mais je ne me crois
pas fait pour elle.
Pourquoi l'avez- vous prise ?.
J'ai eu tort. Expérience faite, je ne me
reconnais pas les aptitudes nécessaires
Bah
Je suis forcé de l'avouer.
Vous en aurez une autre à Paris?
Quand je voudrai. Ce n'est que là qu'on
peut arriver à une vraie fortune.
Et vous la désirez ?
De. toutes mes forces.
Vous êtes ambitieux
-Je ne le nie pas.
Cependant vous êtes venu aux Rochers
avec l'intention d'y rester.
Peut-être, mais j'ai changé d'avis.
J'e;,père mieux ailleurs.
Vous pouvez vois tromper.
\on. j'ai une certitude. un' protecteur
qui ne peut r:en rne refuser.
Pourquoi
CONTES DU PETIT PARISIEN-
L'Aveugle
PAR
HENRY BIDOU
Quand Jean de Rupéry devint aveu-
gle, ce ne fut qu'un cri de pitié. Il était
bien né, sans beaucoup de fortune, mais
avec une parenté étendue. Il aurait vou-
lu être marin, mais la faiblesse de sa
vue l'en empêcha. Il se maria fort jeune,
et il épousa la fille de voisins de campa-
gne, Rose de Puygerdin, qu'on s'accor-
da à trouver charmante. Le jeune mena*
ge s'installa dans une petite propriété.
qui venait d'une grand'mère une mai-
son de. brique, carrée, dans un parc, avec
quelques terres. On n'eut plus de leurs
nouvelles que de temps en temps. On di-
sait « La vue de Jean va bien mal.
Le pauvre garçon ne peut presque plus
lire. Le pauvre garçon se conduit à
peine. On en vint à soupirer « II
'distingue encore le jour de la- nuit ».
Puis l'obscurité éternelle commença. On
demanda si une opération était possi-
ble. Les médecins déclaraient.qu'elle ne
l'était point. On se répandit, en commi-
sération, et on n'en parla plus.
Jean avait conservé, dans la nuit où
il était, le pouvoir de se représenter les
choses, et ce qu'on pourrait appeler le
théâtre intérieur. Il se faisait expliquer
la figure des êtres. On voyait alors sa
face immobile et grave d'aveugle deve-
nir plus attentive. Il assemblait les ren-
seignements et en composait un tableau,
tableau invérifiable, qui suffisait à son
imagination. Sa mémoire avait pris un
développement étonnant. Mille images
qu'il avait cru oubliées lui étaient reve-
nues depuis sa cécité. Les traits de ceux
qu'il aimait, et qu'il n'aurait pas pu
dessiner de souvenir tant qu'il voyait,
étaient maintenant présents nets et vifs
il son esprit. Les moindres coins de sa
propriété étaient gravés dans cette mé-
moire qui ne s'enrichissait plus, mais
qui était devenue infaillible. Il voyait
vraiment chaque arbre ici ce groupe de
sapins au delà duquel était la rivière, et
où une tempête avait fait un trot ce
pawlonia sur la pelouse et, près de la
grille, les feuillages blanchissants des
ébéniers.
Les traits de sa femme étaient pareil-
lement pour lui une image fixée. Il sa-
vait que les sourcils blonds faisaient au-
dessus des yeux bleus un peu écartés un
arc ingénu que ces yeux n'étaient pas
tout à fait bleus, mais presque gris;
que la bouche ronde, petite et un peu
ouverte, se modelait comme celle d'un
enfant et qu'il, y avait sur la lèvre supé-
heure. à l'endroit où l'arc commence
à s'infléchir, un tout petite point clair.
Ainsi la nature, qui tend éternellement
à l'équilibre, lui rendait une partie de
ce qu'il avait perdu. Et elle lui donnait
aussi une attention aiguë aux souffles
de l'air, aux sons, à l'inflexion des voix,
aux variations du contact.
mari et femme s'adoraient. Elle lui
faisait la lecture, elle le promenait dans
le parc. Jean, de son coté, avait appris
reconnaitre dans la voix de sa femme
mille nuances que le commun des hom-
mes ne perçoit point. Le monde des cou-
I leurs s'était fermé, mais un autre s'était
ouvert, et il pénétrait par l'univers des
i sons jusqu'à l'âme qu'ils enveloppent et
qui parait en eux. Une inflexion insen-
sible, une altération, la tonalité, le
mode lui révélaient des nuances de sen-
timent infinies, des combinaisons sub-
i t i les de tendresse, d'inquiétude, de dou-
leur et de joie. La voix le caressait, lui
parlait mieux que les paroles. Il était
plus près de sa femme depuis qu'il ne
i la voyait plus. 11 connaissait la démar-
che de ses pensées il savait comment
I ses émotions croissaient et s'apaisaient.
Aux harmoniques de sa voix, il eût pu
dire quel teint elle avait et quelle était
son humeur. Devenu lui-même d'une
sensibilité exquise, il suivait en frêmis-
| sant ces mouvements. Amants, fermez
les yeux et écoutez dans la nuit celle qui
i \ous est chère.
Les années passèrent. Jean gardait
dans l'esprit l'image radieuse de sa jeu-
i ne femme. Sous ses paupières fermées,
elle avait toujours vingt ans. Il la
voyait, telle qu'aux premiers jours, les
j joues peintes de roses, l'air candide. Hé-
j las il y avait vingt ans de cela. Et lui
non plus ne savait pas qu'il avait vieilli.
Ce fut le changement de la voix de Rosé
qui l'avertit du cours des ans. Le tim-
bre se voila peu à peu, la sonorité dimi-
nua. Les notes du milieu, parmi les-
quelles la conversation se jouait naguè-
re, commencèrent à manquer. Elle par-
la plus haut ou plus bas. et parfois pas-
sant d'un registre à l'autre. Elle eut en-
Pour des raisons qne je ne peux paa
vous dire.
Ce protecteur, c'est le baron ?
Il me semble qu'il vous a déjà comblé
de faveurs.
J'en veux d'astres.
Et vous pensez; qui vous les accorde.
ra?
Si je les lui demande.
Il s'approcha de Louise et essaya de lui
prendre la main.
Elle recula sa chaise sans affectation.
Revenons au mariage, dit-il. Que me
répondez-vous ?
Rien.
Parce que 7.
Vous n êtes pas sérieux. C'est une plai-
santerie.
Et si ce n'en était pas une
Je verrais ce que j aurais à vous dire.
Ce serait non
C'est possible.
Il ne s'emporta pas, ne se fâcha point. Il
dit simplement
Je le savais.
Ah flt-elie stupéfaite, vous le sa-
vez
Oui
Donc, c'était un niège?
Oui, chère Louise, dit-i!, ce n'était
qu'une feinte. J'ai surpris votre secret. Ce
matin, vous avez reçu une lettre. Votre
amr Gueno, le facteur, vous l'a remise dans
la grande avenue, où vous l'attendiez. Je
vous ai vue la glisser, là. dans votre corsa-
ge, après lui avoir donné le plus ardent des
baisers.. Cette messagère venait de lui.
Elle demanda avec une certaine hauteur:
De qui donc ?
De celui qtffe vous aimez.
Vous le connaissez?.
Il parut ne pas entendre et dit
Cette lettre arrivait d'Amérique, peut-
être. On ne sait ce qu'est devenu le capitaine
Philippe d'Ouville Est-ce là qu'il s'est ré-
fugié ?.
Taisez- voue. Ne prononcez p&a ce
nom
S
Dernière Heure
DEPÉCHES ET DES CORRESPONDANTS DU PETIT PARISIEN
Tamponnement de tra ns
dans le pays de Galles
ON COMPTE II MORTS ET 40 BLESSES
Londres, 23 janvier.
Pour la seconde fois, en un mois, une ter-
rible catastrophe de chemin de fer s'est pro-
duite aujourd'hui en Angleterre, sur la li-
du Taff Vale, dans le sud du pays de
Galles. Comme lors de ('accident de l'express
d'Ecosse survenu la veille de Noël, onze
personnes ont péri et une trentaine, disent
les uns, une quarantaine, disent les au-
tres, ont été plus ou moins grièvement
blessées.
Par suite du brouillard très épais qui ré-
gnait ce matin, le mécanicien d'un train de
voyageurs se rendant de Swansea à Car-
din ne vit vraisemblablement pas les si-
gnaux d'arrêt et alla jeter son convoi sur
un train chargé de charbon qui le précédait
sur la même ligne. Le choc fut épouvanta-
ble.
La locomotive du train tamponneur, qui
marchait à toute vitesse, monta littérale-
ment sur les derniers wagons du.train de
marchandises, tandis que les voitures sui-
vantes se télescopaient et s'écrasaient les
unes les autres. C'est à quelque cent mè-
tres de la petite station de Hopkinston, près
de Pantypridd, que la catastrophe a eu lieu.
Sans attendre des secours, qui eussent pu
être longs à venir, le personnel de la petite
gare et tous les voyageurs des derniers wa.
gons, qui avaient été seulement projetés' les
vus sur les autres et légèrement atteints
par des éclats de verre, se mirent en devoir
de dégager Ies malheureux plus grièvement
blessés et ceux qui avaient été rués sur le
Le spectacle était lamentable. Ici, c'était
la tête d'une jeune fille de dix-sept ans qui
émergeait à peine d'un amae inextricable
de débris. Là, un tronc d'homme entre les
deux montants d'une portière. Le malheu-
reux, qui sa trouvait probablement dans les
couloirs, avait dû, au moment du choc, vou-
loir ouvrir la portière et se sauver, mais
il n'en avait pas eu le temps et avait eu le
bas du corps écrasé. Ailleurs, une femme
couverte de sang, horriblement blessée,
poussant de petits cris plaintifs, demandait.
non pas qu'on la sauvât, mais qu'on secou-
rût sa fille et son mari qui, tous deux,
étaient mort.
En moins d'une demi-hourè, grâce au dé-
vouement de tous et à l'arrivée d'un déta-
de soldats et d'agents qui se trou-
vaient cantonnés à proximité, en raison des
récentes grèves minières, onze cadavres
avaient été retirés des débris et emportés
dans une des salles d'attente de la gare.
(,-étaient ceux de huit hommes, d'une fem-
me, d'une jeune fille de 17 ans et d'un gar-
çonnet de 9 ans. Une. dizaine de blessés,
Crii'îvement atteints, étaient d'autre part
transportés en toute hâte à l'hôpital, tandis
que d'autres, moins sérieusement blessés,
étaient pansés sur pla,·e.
Parmi les morts si trouvent trois mem-
bres du conseil exécutif de la fédération des
mineurs du pays de Galles qui se rendaient
à Cardiff où devait avoir lien aujourd'hui
rrrre réunion de mineurs et de là devaient
gagner Londres, tojjo irs peu: défendre les
Intérêt» de Hyurs camacrad-?2.
Par un hasard extraordinaire, ni le. chauf-
teur, ni le mécanici m du train tamponneur
ne furent tués. La violence du choc les pro-
jeta sur l'un des wagons suivants où on les
retrouva souffrant seulement de contusions.
Le mécanicien a expliqué que l'accident
était survenu à une courbe da la voie et qu'il
n'avait aperçu le convoi de charbon qu'en
arrivant dessus.
Cet après-midi, tous lis blessés ont été
transportés par train spécial à Cardiff et
immédiatement admis à l'hôpital.
Un débat sur Flessingue
au Parlement belge
Bruxelles, janvier.
La question des fortifications de Flessin-
gue va être porté8 devant le Parlement
belge.
En effet. M. Louis Frank, député d'An-
vers, vient d'informer le président de la
Chambre qu'il interpelleta le gouvernement
sur la situation qne le projet hollandais
créerait à la Belgique.
On prévoit un vif et intéressant débat.
UN BIPLAN TOMBE PRES DE PISE
L'aviateur et un général qui l'accompagnait
sont blessés
Pise, janvier.
Cet après- raidi a eu lieu, à l'aérodrome de
San Rossoic, un concours d'aviation.
Après plusieurs vols, Cobianchi ti fait un
vol avec un paasager, le général Dechau-
ra.nd, comandant la brigade de PLoc.
N8 38. Feuilleton du Petit Parisien.
Millions, Amour et Ce
GRAND ROMAN INEDIT
DEUXIÈME PARTIE
LE CALVAIRE
IV
Où un habile homme se trompe
Louise Desvaux n'était plus tout à fait une
jeune fille.
Elle comptait vingt-six printemps.
C'est déjà une sorte d'âge raisonnable où
on a généralement acquis une certaine expé-
rience.
Dans le défilé des gens de toutes condi-
tions qui avaient passé aux Rochers,mal-
tres, amis des maîtres, régisseurs, gardes
et serviteurs, il s'en trouvait d'entrepre-
nants jusqu'à l'audace.
On ne se privait de rien chez le baron
Claude et la morale des gens du monde,
quand il s'agit de la vertu d'une fille de jar-
dinier, ne les astreint pas souvent à une dé-
licate réserve.
Plus d'un chasseur, après un déjeuner ar-
rosé des champagnes les plus exquis et des
crus de Bourgogne les plus capiteux, avait
fait demi-tour pour s'écarter de ses compa-
gnons et revenu autour du pavillon de Des-
vaux roucouler à l'attrayante pensionnaire
quelques-uns de ces coupiets galants que les
oercleu.x parisiens, les officiers en congé et
les célibataires en quête d'amourettes ont
toujours dans la mémoire.
On ne les lui avait pas ménagés.
Sage et spirituelle, elle les écoutait en sou-
riant et les renvoyait à leurs affaires si dou-
cement que jamais aucun d'eux ne lui en
avait tenu rigueur.
Au contraire, par ses refus, elle avait con-
Le biplan sortit de l'aérodrome et s éleva
à une hauteur de cent mètres, se dirigeant
vers Pise, quand, à la suite d'un coup de
vent, il tomba.
Le général Decliaurand s'est fait une lé-
gère blessure à la figure. L'avateur Cobian-
chi a une fracture Je la jambe gauche il a
été transporté à l'hôpital. Le général De-
chaurand est rentré à Pise en voiture.
GRAVE INCENDIE A. METZ
Metz, janvier.
A trois heures quinze, le feu a éclaté dans
le pavillon intérieur de l'hôpital militaire
du fort de la .Vloselle, où sont emmagasi.
nées de grandes réserves de matériel pour
les ambulances en temps de mobilisation.
L'incendie a pris de grandes proportions.
Les pompiers civils et militaires travaillent
à l'éteindre.
Il n'y a pas eu d'accidents de personnes.
Les pertes paraissent élevées.
Les bandits cTHoundsditch
Londres, 'Il janvier.
Au moment d'enterrer aujourd'hui, dans
le cimetière d'Ilford, les deux assassins de
Houndsditch, Fritz et .Iosel h, le pasteur a
protesté énergiquement et a déclaré que c'é-
tait outrager la décence publique que de les
enterrer dans le même sol que les policiers
assassinés.
Les cercueils ont été laissés sur le corbil-
lard, sans sépulture, en attendant des ins-
tructions ultérieures. Mais deux heures
après, l'inhumation a eu lieu dans la partie
Il' -onsacrée du cimetière et sans céré-
monie.
L.. ministère public a commencé aujour-
d'hui à établir l'inculpation devant motiver
le renvoi devant les assises des cinq Rus-
ses dont deux femmes, impliqués dans les
meurtres d'Houndsditch.
Lundi janvier I0H.
Athènes. Le colonel Lapathotis, ancien rfii-
nistre de la Guerre, a été arrête avec quatre
sous-officiers.
Berlin, Le second procès de Moabit s'est terni
né par- la condamnation de quatorze accuses à
des peines de prison de un à quinze jours
A Spire, un soldat, qui avait pris la fuite et
qui- était poursuivi, a blessé un officier et un
sous-officier, puis il s'est tué d'un coup de fusil.
Bruxelles. Les délégués de la Fédération des
mineurs se sont réunis et ont voté la reprise du
travail par 15 voix contre L et 6 abstentions.
Metz. La nuit dernière, le mécanicien Peif
fer, employé d'une société minière de Sainte-Ma-
rie-aux-Chênes. a tué sa femme à coups de ra-
soir dans un accès de jalousie.
Le meurtrier a tenté ensuite de se suicider en
s'ouvrant les veines des poignets et du cou.
New-York. Un auteur américain bien connu,
M. Davis Graham Philips, a été tué d'un coup de
revolver alors qu'il passait devant le club Prin-
ceton. Son agresseur, se voyant sur le point d
tre arrêté, sest brûlé la, cervelle.
Rome. Le baron Pfytfer, lieutenant-colonel
de. la. garde suisse pontificale, est révoqué de
ses fonctions pour raisons graves.
Saint-Pétersbourg. Les autorités chinoises
et tes médecins européens se sont entendus pour
l'isolement sanitaire de Foudziadan, faubourg de
Kharbine.
Pendant les six derniers jours, il Foudziadan,
l.l.KXi personnes sont mortes de la peste.
Kne décision du conseil des ministres in-
terdit jusqu'à nouvel ordre, sous peine de rien-
voi immédiat des contrevenants, toute réunion
d'étudiants des universités n'ayant pas un ob-
jet, scientifique. Elle est justifiée par le désir
d'assurer aux étudiants la possibilité de pour-
suivre en paix leurs études.
Washington. Le ministre d'Haïti annonce
que Saint-Domingue a accepté officiellement l'ar-
bitrage offert par M. Taft.
LES REMERCIEMENTS^ L'ALLEMAGNE
M. de Schœn, ambassadeur d'Allemagne,
est venu apporter à M. Pichon, ministre
des Affaires étrangères, l'expression des re-
merciements du gouvernement impérial et
de la marine allemande pour les assurances
de sympathie et les condoléances du Prési-
dent de la République et du gouvernement
français à l'occasion de la catastrophe du
sous-marin C-3.
Assaillie dans sa maison
une femme est affreusement blessée
Angoulême, janvier.
Hier soir. à la nuit, M. Miche'.ot, institu-
teur à Amberac, actuellement en congé chez
sa mère, qui habite Camus, ayant eu be-
soin de s'absenter, sortit pendant quelques
minutes. Quand il revint, il trouva sa mère
étendue à terre et baignant dans son sang.
La malheureuse avait reçu trois coups de
bêche sur la tète qui lui' ava.ient fait une
horrible blessure un œil notamment était
sorti de l'orbite.
M. Miehelot appela aussitôt ses voisins,
et. un médecin prodigua ses soins k lit vic-
time, mais on ne croit pas que celle-ci sur-
vive ses blessures.
Une arrestation serait imminenlp.
qais ieur estime et presque toujours !eur
Ce qui la défendait. d'ailleurs plus sûre-
ment contre la tentation qui en e0t perdu
d'autres, c'était son amour pour Philippe
d'Ouville, amour qui ne laissait de place pour j
personne dans un cœur qu'il occupait tout
ent.ier.
Un entretien avec Joseph Sclïuler n'était
donc pas pour l'effrayer.
Quoi qu'il eut à lui dire, elle pouvait l'en-
tendre avec d'autant plus de tranquillité
qu'elle n'avait pour lui ni estime ni sympa-
thie.
Ce qui s'était passé depuis un an dans ce
pays si tranquille avant l'installation de ce
valet de chambre, personnage singulier d'à-
bord, à demi secrétaire, à" demi brosseur
d'habits, et cireur de bottes, promu soudai-
nement à ta dignité de régisseur de ce do-
maine princier, l'avait plongée souvent en
de longues et pénibles réllexions.
Elle aussi, comme Benjamin Guirec, le re-
receveur des rentes de Vannes, comme son
frère, le notaire, comme tous ceux qui avaient
connu les d'Ouvilie, qui les avaient aimés et
plaints, et oui leur restaient fidèles dans le
malheur, elle flairait un mystère dans ce
drame effarant ou, tout i1 coup, un jeune'
hcmne honnête jusqu'à la faiblesse, si facile
à duper qu'il était devenu la proie de toutes
les sangsues et de tous les rongeurs de Vau-
nes et des environs; si désintéressé qu'an
lieu d'épouser une héritière de millions sur
lesquels il n'avait qu'à étendre la main, il
avait lié sa destinée à celle d'une orpheüne
tombée au dernier degré de la pauvreté, si
doux enfin et si inoffensif, était arrivé sans
transition à concevoir l'idée d'un crime
exécrable et à l'exécuter aussitôt.
Presque un parricide
Comment l'admettre
Comment le croire
De quel accès de folie furieuse aurait-il
donc été frappé
C'était là une énigme indéchiffrable pour
elle.
Elle y pensait toujours, mais à qui en eut
elle parlé 1
Le calme est revenu
autour d/Epernay
Le lieutenant-colonel de Crousnilhon, com-
mandant les chasseurs chargés d'assu-
rer l'ordre, est mort subitement
à Damery
Epernay, 23. janvier.
La journée a été o*lme dans le vignoble
champenois.
Le bruit avait couru qu'un acte de sabo-
tage avait été commis la nuit dernière à
Ambonnay, mais ce bruit est démenti.
Une légère effervescence a été signalée à
Mesnil-sur-Oger.
Le pays a été attristé par la nouvelle de
la mort subite du lieutenant-colonel de
Crousnilhon, du 5° chasseurs, logé à Da-
mery.
Cet officier s'était couché à dix heures
vers une heure du matin, ressentant un vif
malaise, il prévint un lieutenant qui cou-
chait dans la même maison.
Celui-ci envoya chercheur un aide-major
qui, la gravité de l'état du lieute-
nant,-colon,el. fit prévenir le docteur Fer-
raud, de Damery.
En dépit des soins énergiques qui lui fu-
rent prodigués, le colonel de Crousnilhon
succombait à trois heures du matin il uiie
crise d'emphysème pulmonaire.
Le sous-préfet d'Epernay, le général com-
mandant la brigade, le maire et l'adjoint
de Damery sont allés saluer la dépouille
mortelle du lieutenant-colonel de Crousnil-
iion, et ils ont envoyé leurs condoléances
aux officiers de son régiment.
aujourd'hui, a été communiquée la liste
des secours qui seront. répartis dans les
communes viticoles de 1 arrondissement
d'Epernay sur le crédit de 20 millions voté
par le Parlement. 'i
Le total des sommes ainsi distribuées s'é-
lève à 10O.UOO francs.
L'aviateur Mollien évolue
sur la rade de Toulon
Toulon, 23 janvier.'
L'aviateur Mollien, sur monoplan Blériot,
a évolué, vers midi, au-dessus do la rade de
Toulon, venant d'Hyères.
Le temps était très propice. Mollien s'élan-
ça à 11 h. 35 de l'aérodrome de la plage
d'Hyères, sE dirigeant vers la mer puis,
suivant la cote, il passa au-dessus des Pes- p
quiers, Carqueir.anne, cap Brun, Toulon, la
Seyne et Bando!.
jl revint à Hyèras par le même chemin et
atterrit à midii-7. •̃
Mollien a déclaré avoir volé avec beau-;
coup d'aisance, tant l'air était calme. Au-
dessus de la rade de Toulon, la brume, en-
core assez cuaisse, l'empêcha de distinguer
les navires de l'escadre.
NOUVELLES EN DEUX MOTS
pîiquée dans les affaires d'avortement a été ar-
rêtép. (7,«et dans sa maison qu'avorta la fem-
ia .suiip de nombreux vols de marchan-
dises diverses, commis dans des wagons, en gare
de Lûmes 'Afdennesi, huit cheminots ont ctq ar-
Louis Piaf!. ru; Paris,. et-UertlMs- Bowlafi- j
ger. née il Lille, qui émettaient, des piéces faus-
ses d'un franc, nnt él.e arrêtas il Cjennont-Fer-
rand.
Un nïoefirig, auquel assistaient 1,200 ou-
vriers de toutes corporations, a été tenu à Bel-
fort et s'est terminé par le vote d'un ordre du
jour approuvatrt la. campagne de la C. G. T. pour
la revi,ion du procès de Rouen.
Un mineur, à Courrières, a été écrasé par
un éjiorme liloc. ̃
Un propriétaire d'Auray, nommé Arnoux,
a été arrêté à Lorient. à la suite d'une enquête
relative à d
w~ Un mandat d'arrêt a été lancé contre le
secrétaire du syndicat.agricole de Bailleul (Nord),
qui aurait détourné une vingtaine de mille francs.
POUR LA H. F».
Au Musée social une réunion plénière des
bureaux des groupements proportionnalistes
de Paris a eu lieu hier soir, sous la prési-
dence de M. Charles Benoist. L'objet de cette
réunion était l'examen de la situation faite
à la cause de la R. P. par la prise en con-
sidération. à la Chambre, de 1 amendement
de M. Painlevé.
L'auteur de l'amendement a pris la per
role et s'est excusé tout d'abord d'avoir pro-
vçqué déjà tant de discussions ft de passer
aux yeux des fidèles de la religion propor.
tkmnklist.3 un p^u. pour un schismatique.
Puis il est entré dans un-3 analysa pure-
ment arithmétique cie «m système qui fut en
même temps un; critique du système
d'Hondt.
D'antres discours ot:t étl prononcés par
MM. Yarenne, -'ose-pli Reinach et Jaurès,
puis la réunion a voté un ordre du jour dé-
favorable au principe ci? l'amandemeni
La, lettre de son ami, du capitaine Philip-
pe, lui donnait un désir plus vif encore de
l'éclaircir.
Que lui disait-il, en somme
Je ne reverrai ma Bretagne que le jour
où par un miracle notre nom sera lavé de
sa souillure.
Si ce n'étaient pas les termes de sa lettre
c'en était bien le sens.
.Ion frère est innocent. J'ai eu tort de
le supposer coupable d'un tel crime. C'était
l'outrager. Non, il n'est pas coupable. Il ne
peut pas l'être. J'aurais dû le crier à ses ju-
ges
Lui, qui, dans un moment d'affolement et
de douleur, frappé comme tant d'autres de
preuves qui semblaient flagrantes, avait
douté de son malheureux frère, il revenait
donc sur ses préventions et croyait à son in-
nocence.
Ah si elle pouvait l'aider dans cette œu-
vre de réhabilitation
Si elle pouvait le ramener dans sa Breta-
gne
Queite joie pour elle
Elle ne rentra pas dans sa maison comme
l'aurait voulu Joseph Schuler.
Elle !ni montra du doigt io siège où il s'é-
lait assis avant le déjeuner, et, prenant eile-
même une chaise dO jardin, elle se plaça de-
vant 1ui et dit d'une voix très douce
Eh bien psrlez, je vous écoule.
Vous vous doutez bien un peu de ce que
je vais vous dire*?.
Ma foi, non.
Alors mes yeux n'ont pas une grande
Elle haussa une épaule dans un petit mou- j
vement. coquettement rlérfaigne'ix. et dit
Vous voulez me débiter quelques lieux
communs. des c-ornsltes, des complirnents
que je ne mérite pas. Allez, je vous vois ve-
nir. le n'ai plus dix-huit ans J'en ai en-
tendu de fortes.. On ne se gêne pas avec:
une fille de la campagne. Faites comme les
autres. Parlez hardiment. Vous vous ^n-
nuyez dans cette propriété qui ne vous oftre
pas les amusements de Paris et vous cher-
L'Institut océanographique de Paris
Ce magnifique établissement, création du prince de Monaco,
a été inauguré hier par le Président de la République
Tout orgueilleux de sa façade de pierres
blanches et de briques rosés, de son haut
fronton à l'ample tympan de pierre lisse,
de son large bandeau où se déroule avec
noblesse, la sévère inscription qui le dédie
à la science, de sa haute tour carrée, mas-
sive comme un donjon féodal, l'Institut
océanographique, que la France doit à la
munificence éclairée du prince de Monaco,
dresse au cœur du quartier latin sa
silhouette imposante.
M. Nénot. ̃ l'éminent architecte de la nou-
velle Sorbonne, en conçut les plans, et son
oeuvre dont il a le droit d'être lier est
à la fois harmonieuse et forte.
On pénètre dans l'institut par un vestibule
dallé, de belles proportions. que clôt une
large porte de chêne à deux glaces sans
tuin. A gauche sont les bureaux du secré-
tariat général et de la direction, ainsi que
la salle du conseil dadrninistration. Au
fond, par deux couloirs on accède au grand
et au petit amphithéâtre au premier étagy
sont les burea ix dos professeurs au second
sont situés les laboratoires, auquels on ac-
cède par un escalier ou .par. un ascenseur au
choix. Deux autres étages comportent de
vastes 'ocaux, dont l'un sera une salle de
conseil et l'autre une salle d'archives.
Le grand amphithéâtre, en gradins de
chêne clair, au plafond en verrières, est
inondé de lumière. Six grands lustres de
cristal à soixante lampes, y répandront la
nuit venue, des flots de clarté.
Les laboratoires
Mais, le vrai luxe de l'institut réside dans
ses laboratoires. Les instrumentes les plus
perfectionnés, les microscopes les plus uuis
i scints, le matériel scientifique le pl.us récent
et le plus pratique sont mis à la disposition
des savants et de leurs aides. 11 y a actuel-
lement trois grands laboratoires celui de
[ iM. Berget, pour l'océanographie physiquc j
celui de M. Jonbin, professeur au -muséum
pour l'océanographie biologique, et celui de
du laboratoire de
physiologie à la Sorbonne, pour la physio-
lofie des êtres marins.
Déjà les hautes vitrines de chêne sont
garnies de bocaux, où l'én peut contempler
quelques échantillons curieux de la faune
et de la flore maritimes des crustacés aux
formes bizarres, des coquillages, minuscu-
les ou géants, des céphalopodes aux colora-
tions inattendues, des poissons inconnues du
public et qui semblent créés par le génie du
cauchemar.
Dans ces vitrines sévères, derrière ces
hautes glaces, se révèlent l'immense, Tinfi-
nie variété de la nature, son génie inventif,
et les miraculeuses facultés d'adaptation
des êtres vivants.
Et ce que la science océanographique
nous a révélé et nous décèle encore chaque
jour, en nous mettant face à face avec no-
tre ignorance, proclame, une fois de plus,
que l'obstiné génie de l'homme peut tout
tenter, tout vaincre, et tout chercher, jus-
qu'aux énigmes ensevelies depuis le début
des Ages dans la vase des océans.
lihaOgûratioh
la séance solennelle d'inauguration de
Flnstitnt a en lieu hier soir sous la prési-
dence de M. Armand Fallières, qu'accom-
pagnaient plusieurs membres du gouver-
nement.
Reçu, à son arrivée, par le prince de Mo-
naoo, le Président de la République se diri-
gea vers le grand a-mphithéàtre, où se trou-
vaient déjà réunis un très grand nombre de
notabilités scientifiques françaises et étran-
gères.
Le prince de Monaco, à la droite duquel
avait pris place M. Emile Loubet, paria le
premier.
chez une distraction. Soyez franc. Avouez-
le. Pourquoi pas ?
Il demeura quelques secondes interdit,
surpris d'une telle liberté de paroles che/
cette. Louise, d'ordinaire si réservée.
Elle continua
Pensez-vous que je ne me sois pas aper-
çue de votre manège?. Depuis quelques
jours, vous tournéz autour de moi, avec les
allures d'un faucon qui veut endormir une
perdrix.
EUe eut un rire nerveux.
Vous autres, Parisiens, vous ne doutez
de rien.
Elle regarda bien en face Joseph Schuler
et ajouta
\'ous avez sans doute raison car vous
trouvez peu de cruelles. Que vouler-vous
Moi, je suis peut-être originale.le me trou-
ve bien aux Rochers et. condamné a me-
ner une existence terre à terre, je m en con-
tente.
Faute de mieux?.
̃ Vous l'avez dit.
Peu il peu, il reprenait son apiomb ordi-
naire.
Il murmura
le ne vous supposais pas si vive, si
Où voyez-vous de la violence dans mes
paroles ? Vous voulez un entretien ?. Je
suis à vous. Je crois avoir deviné vos inten-
tions. Je vous le. dis pour aller plus vite.
Si je me suis trompée, vous n'avez qu'à me
l'apprendre. On m'a fait souvent des propo-
sition sans ménagements. J^ ne crois pas
qne vous ayez me parler d'affaires. Les
affaires ne regardent pas les jeunes filles.
Eh bien vous vous trompe/ c est d'u-
ne affaire que je veux vous entretenir
Elle secoua la tt;te.
Je suis curieuse de !a connaître.
Vous ne voulez pas veus marier?
Si cependant le futur vous offrait une
position asréable
ne quelle n-ilure ?
A Paris, par exerrple..
Vous vous moquez de moi J
Après avoir dit sa joie d'offrir à la Fran-
ce le monument qu'il vient de consacrer à
l'étude de l'océanographie et salué ses hôtes
illustres, il s'écria
Enfin, il se trouve parmi vous trois hommes
dont je veux lé' nom dans une pensée
affectueuse et admirative. Sir John Murray, qui
restera l'une des ligures les plus levées Je l'o-
céanographie. puisqu'il joua un rôle considérable
dans l'expédition anglaise du Challenger, lu
première qui fut consacrée il la science de la
mer. Nénot,. l'auteur de Ce monument. l'architecte
dont les œuvres magistrales rappelleront tou-
jours un grand progrès de l'enseignement dans
Paris. Charcot, l'explorateur audacieux qui re-
vient des régions antarctiques, où il conduisit,
pour le plus grand honneur du pavillon îran-
çais, un équipage de marins et d'océanographes.
Puis le grince indiqua quel serait l'esprit
d2 l'enseignement .professe dans l'inslitut
Dans l'édifice que vous inaugurez aujourd bui,
nous enseignerons les vérités élaMies par les
océanographes que j'appelle de tous les pays
pour collaborer a l'œuvre tout entière que j'ai
une solidarité aussi taste dans le travail devan-
ce nos nururs. je -ne la redoute point. car les
hommes, divisés dans leurs luttes pour ï existen-
ce, ne trouveront jamais un terrain .de rappro-
chement plus favorable que celui des conquêtes
intellectue!les.
L'institut recueillera là quintessence du tra-
vail élaboré par l'Océanographie, qui planera
idéalisée sur ce vaste domaine universitaire,' au
milieu du flot grandissant de la science. Et je
le confie cette Mlle de Paris qui m'a enseigné
le travail et dont l'esprit et le cœur ont si sou-
vent dirigé l'esprit et le cœur de l'humanité en-
tière.
Après ce discours, dont maints passages
furent salués par les applaudissements. NI.
Maurice f^ure, ministre de l'instruction
publique, prit la paroles.
Il remercia, au>noin de la République, le
prince de son don magnifique, parla- en ter-
nies éloqqents de :ses travaux scientifiques
et termina en .disant quels ser,vicus l'institut
était appelé, à rendre, à la science
Messieurs, en présence d'une institution aussi
nouvelle, peut-être quelques esprits timorés bu
sceptiques' méttront-ils en doute' le succès de ces
enseignements et craindront-ils que la jeunesse
studieuse s'en désfntértsse ? Que les émis de la
science pcéanograpinquii rasr-uivn!. Avant -de
prendre une décision ..définitive, le prince a tenu,
en organisant à fa Sorbonnc des cours régul'ers,
à se rendre compte -avec des résultats
quil était en droit dvespérer. Et c.'ist seulement
après une décisive expérience de six années qu'il
a résolu d 'édifier ce palais et d'y installer défini-
tivcment l'Institut océanographique. N'ayons au-
(,,une crainte pour son avenu-. Bten que ses fon-
dations reposent sur l'argue du sul ae l'Ile de
France, 1 institut de Paris est assis sur des bases
solides comme. le musée qui se dresse là-bas, au
bord de la mer bleue, sur le rocher de Monaco.
Ensuite, M. Armand Gautier, au nom de
l'Académie des sciences, fit un exposé des
découvertes faites sous la direction du
prince de Monaco, puis M. Liard, vjee-ree-
Leur de 4'Univarsité de Paris, prononça une
fort éloquente allocution dont, la péroraison
fut particulièrement applaudie.
Marin d'instinct et d'éducation premia;re, vite
vous avez reconnu que parallèlement ta des-
cription et il la science de la terre. de tout temps
appelée géographie, il y avait lieu de constituer
une description et une science de la mer. qui
serait l'océanographie, et pénètre d'un enthou-
siasme durable à la vision de cette œuvre im-
mense et, variée, entrevoyant des le ilObut, sa
grandeur, ses beautés, ses hasards et sc.i pé-
l'ils. entrevoyant aussi quelle lumière ,il'. porte-
rait sur certaines parties ténébreuses de la na-
ture, et .de quelle ui^liUi pratique «He polirait
être pour certains groupes d'hommes, naviga-
teurs, marin?, pêcheurs, vous avez donné tout de
vous ir la constitution dr. celte, (rune. vos res-
sources de prince et. cp qui vaut beaucoup plus,
voire être tout entier.. votre âm" a. la fois rft-
veuse et énergique.. votre intelligence réaliste,
éclairée d'idéal, vos luirédit^s d'homme de guerre
et votre raison d'homme de paix.
L'Université de Paris aussi, monseigneur,
que vous êtes un voisins dliquel elle n'a que de
bons offices à attendre. elle a eu des peu-
ves de votre libéralisé. Elle n'oublie pas qui
moment où se négociait 'achat par de ce
vaste terrain où vont pousser tour il. tour son
institut de chimie, sop institut de radium. et,
plus taro, parallèlement il votre institut d'ncéa-
nographie, son institut de géographie, votre in-
tervention fut- décisive,. -et-qui?. sans une donation
de vous, cette belle combinaison eut échoué tout
près du port.
Aussi, monseigneur, est-elle heureuse de saluer
en vous un biérjaiteur:
M. Edmond Pérrier, directeur du Mu-
séum, clôtura la série des discours. Il dit
qu'en créant cet institut, ce n'est pas seule-
ment la reconnaissance de la science fran-
çaise que s'est acquise le prince de Monaco,
mais la reconnaissarioe universelle.
La cérémonie se termira par une fort. in-
téressante conf àrejftce. de Henry Bourée,
lieutenant, de vaisseau, aide df camp du
prince de Monaco, qui 'it défiler, sous lés
yeux de l'assistance,, de tort jolies vues ci-
nématographiques représentant des scènes
de pèche, dans les tonds jusqu'alors inex-
plorés des océans, et des photographies en
couleurs des poissons qu'on y rencontre.
Reconduit nar le prince de Monaco, en-
touré de sa suite, M. Fallières a quitté l'ins-
titut onze heures et demie.
A la sortie du Président de la République
et des personnages officiels, quelques jeunes
royalistes se sont livrés à une. manifesta-
Uon. Dix arrestations ont été opérées.
Pas du tout. On ne se moque pas de
ce qu'on aime.
Vous m'aimez donc?.
Follement.
Et ce futur que vous auriez à me pro-
poser. ce serait ?.
Moi.
Pas possible.
Si, en vérité.
Je ne vous comprends plus. Je vous
croyais ennemi du mariage et tout à coup
vous me dites de but en blanc, sans prépa-
ration Je vous aime et si vous voulez,
je vous épouserai Ai-je bien entendu?
Oui.
Vous ajoutez -.le pense pouvoir vous
offrir une belle position à Paris?
Cest vrai.
Vous en avez donc déjà assez de vos
fonctions aux Rochers ? La place est pour-
tant agréable et m
Vous trouvez
Sans doute, de bons appointements, des
commissions sur tes ventes, des cadeaux des
fermiers au renouvellement des baux, une
grande liberté., la chasse, la pêche, des
chevaux. En somme une excellente place..
Je ne dis pas non, mais je ne me crois
pas fait pour elle.
Pourquoi l'avez- vous prise ?.
J'ai eu tort. Expérience faite, je ne me
reconnais pas les aptitudes nécessaires
Bah
Je suis forcé de l'avouer.
Vous en aurez une autre à Paris?
Quand je voudrai. Ce n'est que là qu'on
peut arriver à une vraie fortune.
Et vous la désirez ?
De. toutes mes forces.
Vous êtes ambitieux
-Je ne le nie pas.
Cependant vous êtes venu aux Rochers
avec l'intention d'y rester.
Peut-être, mais j'ai changé d'avis.
J'e;,père mieux ailleurs.
Vous pouvez vois tromper.
\on. j'ai une certitude. un' protecteur
qui ne peut r:en rne refuser.
Pourquoi
CONTES DU PETIT PARISIEN-
L'Aveugle
PAR
HENRY BIDOU
Quand Jean de Rupéry devint aveu-
gle, ce ne fut qu'un cri de pitié. Il était
bien né, sans beaucoup de fortune, mais
avec une parenté étendue. Il aurait vou-
lu être marin, mais la faiblesse de sa
vue l'en empêcha. Il se maria fort jeune,
et il épousa la fille de voisins de campa-
gne, Rose de Puygerdin, qu'on s'accor-
da à trouver charmante. Le jeune mena*
ge s'installa dans une petite propriété.
qui venait d'une grand'mère une mai-
son de. brique, carrée, dans un parc, avec
quelques terres. On n'eut plus de leurs
nouvelles que de temps en temps. On di-
sait « La vue de Jean va bien mal.
Le pauvre garçon ne peut presque plus
lire. Le pauvre garçon se conduit à
peine. On en vint à soupirer « II
'distingue encore le jour de la- nuit ».
Puis l'obscurité éternelle commença. On
demanda si une opération était possi-
ble. Les médecins déclaraient.qu'elle ne
l'était point. On se répandit, en commi-
sération, et on n'en parla plus.
Jean avait conservé, dans la nuit où
il était, le pouvoir de se représenter les
choses, et ce qu'on pourrait appeler le
théâtre intérieur. Il se faisait expliquer
la figure des êtres. On voyait alors sa
face immobile et grave d'aveugle deve-
nir plus attentive. Il assemblait les ren-
seignements et en composait un tableau,
tableau invérifiable, qui suffisait à son
imagination. Sa mémoire avait pris un
développement étonnant. Mille images
qu'il avait cru oubliées lui étaient reve-
nues depuis sa cécité. Les traits de ceux
qu'il aimait, et qu'il n'aurait pas pu
dessiner de souvenir tant qu'il voyait,
étaient maintenant présents nets et vifs
il son esprit. Les moindres coins de sa
propriété étaient gravés dans cette mé-
moire qui ne s'enrichissait plus, mais
qui était devenue infaillible. Il voyait
vraiment chaque arbre ici ce groupe de
sapins au delà duquel était la rivière, et
où une tempête avait fait un trot ce
pawlonia sur la pelouse et, près de la
grille, les feuillages blanchissants des
ébéniers.
Les traits de sa femme étaient pareil-
lement pour lui une image fixée. Il sa-
vait que les sourcils blonds faisaient au-
dessus des yeux bleus un peu écartés un
arc ingénu que ces yeux n'étaient pas
tout à fait bleus, mais presque gris;
que la bouche ronde, petite et un peu
ouverte, se modelait comme celle d'un
enfant et qu'il, y avait sur la lèvre supé-
heure. à l'endroit où l'arc commence
à s'infléchir, un tout petite point clair.
Ainsi la nature, qui tend éternellement
à l'équilibre, lui rendait une partie de
ce qu'il avait perdu. Et elle lui donnait
aussi une attention aiguë aux souffles
de l'air, aux sons, à l'inflexion des voix,
aux variations du contact.
mari et femme s'adoraient. Elle lui
faisait la lecture, elle le promenait dans
le parc. Jean, de son coté, avait appris
reconnaitre dans la voix de sa femme
mille nuances que le commun des hom-
mes ne perçoit point. Le monde des cou-
I leurs s'était fermé, mais un autre s'était
ouvert, et il pénétrait par l'univers des
i sons jusqu'à l'âme qu'ils enveloppent et
qui parait en eux. Une inflexion insen-
sible, une altération, la tonalité, le
mode lui révélaient des nuances de sen-
timent infinies, des combinaisons sub-
i t i les de tendresse, d'inquiétude, de dou-
leur et de joie. La voix le caressait, lui
parlait mieux que les paroles. Il était
plus près de sa femme depuis qu'il ne
i la voyait plus. 11 connaissait la démar-
che de ses pensées il savait comment
I ses émotions croissaient et s'apaisaient.
Aux harmoniques de sa voix, il eût pu
dire quel teint elle avait et quelle était
son humeur. Devenu lui-même d'une
sensibilité exquise, il suivait en frêmis-
| sant ces mouvements. Amants, fermez
les yeux et écoutez dans la nuit celle qui
i \ous est chère.
Les années passèrent. Jean gardait
dans l'esprit l'image radieuse de sa jeu-
i ne femme. Sous ses paupières fermées,
elle avait toujours vingt ans. Il la
voyait, telle qu'aux premiers jours, les
j joues peintes de roses, l'air candide. Hé-
j las il y avait vingt ans de cela. Et lui
non plus ne savait pas qu'il avait vieilli.
Ce fut le changement de la voix de Rosé
qui l'avertit du cours des ans. Le tim-
bre se voila peu à peu, la sonorité dimi-
nua. Les notes du milieu, parmi les-
quelles la conversation se jouait naguè-
re, commencèrent à manquer. Elle par-
la plus haut ou plus bas. et parfois pas-
sant d'un registre à l'autre. Elle eut en-
Pour des raisons qne je ne peux paa
vous dire.
Ce protecteur, c'est le baron ?
Il me semble qu'il vous a déjà comblé
de faveurs.
J'en veux d'astres.
Et vous pensez; qui vous les accorde.
ra?
Si je les lui demande.
Il s'approcha de Louise et essaya de lui
prendre la main.
Elle recula sa chaise sans affectation.
Revenons au mariage, dit-il. Que me
répondez-vous ?
Rien.
Parce que 7.
Vous n êtes pas sérieux. C'est une plai-
santerie.
Et si ce n'en était pas une
Je verrais ce que j aurais à vous dire.
Ce serait non
C'est possible.
Il ne s'emporta pas, ne se fâcha point. Il
dit simplement
Je le savais.
Ah flt-elie stupéfaite, vous le sa-
vez
Oui
Donc, c'était un niège?
Oui, chère Louise, dit-i!, ce n'était
qu'une feinte. J'ai surpris votre secret. Ce
matin, vous avez reçu une lettre. Votre
amr Gueno, le facteur, vous l'a remise dans
la grande avenue, où vous l'attendiez. Je
vous ai vue la glisser, là. dans votre corsa-
ge, après lui avoir donné le plus ardent des
baisers.. Cette messagère venait de lui.
Elle demanda avec une certaine hauteur:
De qui donc ?
De celui qtffe vous aimez.
Vous le connaissez?.
Il parut ne pas entendre et dit
Cette lettre arrivait d'Amérique, peut-
être. On ne sait ce qu'est devenu le capitaine
Philippe d'Ouville Est-ce là qu'il s'est ré-
fugié ?.
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