MAN MAN MAN
425
mais intéressante, J. J. ROUSS. Lett. à Mme B. n i
janv. 4 770. " .
— REM. 1. De manière à ce que est une locution 1
vicieuse dont il faut se garder; c'est la confusion et i
la réunion des deux formes de manière à et de ma- i
nière que. Il faut dire de manière que avec l'indi-
catif ou le subjonctif, ou de manière à avec l'infi- i
nitif. || 2. Voy. à FAÇON la synonymie avec manière. 1
Ajoutez-y que de manière que, de façon que, de i
sorte que sont exactement synonymes. i
— HIST. xn" s. Seignor, pa.- tel manière, jà nus i
[nul] n'en soit doutans, Fu meùe la guerre entre |
Saisnes et Frans, Sax. v. N'est pas amors dont on ;
se peut mouvoir [ce n'est pas amour, celui dont on i
peut se détacher], Ne cil, amis, qui en nule manière, i
La [l'amour] bée [travaille] à décevoir, Coud, xvm. ;
|| xm" s. Onques Tristan n'ama de tel manière, Li i
chastelains, ne Blondel autressi, EUSTACHE LE PEIN- ;
TRE, dans Couci. La manière comment [elle] se
pourra traire ariere, Berte, xn. 11 semble à sa ma- :
niere qu'ele doive desver, ib. xvn. Cil jour [il] fit
moût lait temps et de froide manière, ib. xx. Elle
ert [était] sage et courtoise et de bonne manière,
ib. XL. Assés en fu pariés en maintes manières,
VILLEII. cxn. Et ceste manière de gent ne sunt-pas
tout d'une condition, BEAUM. XLV, 30. Li clerc ont
une manière de parier moût bêle'le latin, ID. VI, I.
Ne fist pas honte à son boen père, Ainz montra bien
que preudons iere [était] De foi, de semblant, de
meniere, RUTEB. 63. Toutes manières de femmes
qui n'ont enfans, vont en la bataille avec eulz,
JOINV. 264. || xiv° s. Car li mains [moins] bel et li
mains riche, Li povre d'amis et ii nice [peu intel-
ligents], Cil nui ont vulenté legiere, Et cil qui ont
po de maniere,«Dou tout en tout honni seraient,
Se de moy oublié estoient, MACHAUT, p. 20. EtBer-
tran du Guesclin estoit s^r la costiere, Pour oïr et
veoir à la fin qu'il si fiere [frappe] En tel heu où il
puist bien monstrer sa manière, Guescl. v. 4 4 20
|| xve s. Bons vins.... poulailleettoutes manières d'au-
tres vivres aussi, FROISS. I, I, 32. Sitost que les Anglois
les ravisèrent, ils leur coururent sus de grand ma-
nière, ID. i, i, 294. X ce parlement qui fut à Vilvart,
furent.... et trois ou quatre vaillans bourgeois de cha-
cune [ville] par manière de conseil, ID. I, I, 4 25. A
la quele parolle le dit d'Alençon monstra manière
d'estre bien desplaisant, MATH, DE COUCY, Hist. de
Charles VII, p. '03, tians LACURNE. Le comte de
Foix en très bel estât, lequel estoit lors d'assez
jeune âge, beau chevalier, qui Ken savoit sa ma-
nière [avait du savoir vivre], ID. ib. p. 543. Quand
je deusse bonne cbiere Démener en compaignie, Je
n'en fais que la manière, CH. D'ORL. Bail, 26. [Dans
la cour] ami n'y a, n'amie, Congnoissance, dili-
gence, raison, Manière, senz, honeur, discrétion,
E. DESCH. De l'intérieur des cours. Encore y a-t-il
bien manière [difficulté] de venir, dans sa chambre,
car il faut passer parmi celle à l'hoste, LOUIS XI,
Nouv. xvm. Dont Troyl-us eut telle douleur au se-
cret de son cueur que à peine sçavoit tenir manière
[contenance], Perceforest, t. ni, f° 4 58. Et y vien-
dra ma commère telle et mon cousin tel, qui à l'a-
venture ne lui est rien, mais c'est la manière de le
dire, les 16 joyes ae mariage, p. 79. H xvie s. Il sça-
voit plus de cent magnifiques manières pour le dé-
pendre [son bien], LANOUE, 467. Par manière de
dire, ID. 468. Telle manière de gens convoitent et
appetent d'attirer à eux les povres peuples, CALV.
Instit, 994. L'histoire a bien aussi sa manière de
chastier les meschans par la note d'infamie perpé-
tuelle, dont elle marqueteur mémoire, AMYOT, Préf.
v, 30. En manière [de manière] qu'aulcuns en prin-
rent argument que.... MONT, I, 7. De manière qu'il
n'y a rien que nous trouvions.... m. î, 48. Quand
une personne ayant enfant se marie à une autre
personne qui a aussi enfant, les quels demeurent
avec eux en compagnie, et ils apportent aucune
chose en la compagnie de perè ou de mère, la com-
pagnie se fait en quatre parts, si que chacune ma-
nière d'enfant emporte un quart, et le père et la
mère chacun un quart, Coust. génér. t. i, p. 206.
— ÉTYM. Bourguig. meneyre; provenç. maneira,
manieira, maniera ; espagn. manera; portug. mo-
neiro; ital. maniera. D'après M. Ch. de Rémusat, ma-
nière vient du latin scolastique maneria, maneries,
qui ne paraît pas antérieur au xu° siècle, auquel
Abélard donnait le sens de genre, ei que Jean de
Salisbury, le trouvant nouveau, pense provenir du
latin matière, demeurer : l'état qui demeure. Au
contraire, Diez le tire du latin pianus, main, par
l'intermédiaire d'un anc, adj. français manier, pro-
venç. manier, espagn. manero, ital. maniera, si-
gnifiant : qui est à la main. C'est la véritable éty-
mologie. On lit dans FI. cl Blanchcfl, v. 2579 : i
....Quant il vint en la chambre manière |qui était à <
la main]; et dans ROTEBEUF, 218 : Quar nuls gens (
n'est mes manière De l'autrui porfit porchacier, j
Se son preu n'i cuide chacier. j
MANIÉRÉ, ÉE (ma-nié-ré, rêe), part, passé de :
maniérer. || 1° Plein de manière, d'affectation. Cet i
homme est fort maniéré. E"e en fera des singes ma- :
niérés ou d'étourdis polissons, J. j. ROUSS. Ém. v.' Fi !
des coquettes maniérées! BÉRANG. Jeannette. || Il se t
dit des choses. Il y a [au théâtre] une certaine di- :
gnité maniérée dans le geste et dans le propos, qui
ne permet jamais à la passion de parler exactement i
son langage, J. J. ROUSS. Hél. n, 17. Ce ton maniéré ;
du pays de Vaud où les femmes prennent le bel esprit
pour l'esprit du monde et ne savent parler que par
épigrammes, ID. Confess- ni. || 2° En littérature, en
peinture, en sculpture, etc. qui a de la manière,
où il y a de la manière. Des figures, des draperies
maniérées. Cet édifice est d'un goût maniéré. La-
motte était moins étudié que Fontenelle dans sa
prose; mais, dans ses fables, toutes les fois qu'il a
voulu être naïf, il a été maniéré, MARMONTEL, Élém.
de litt. OEuv. t. v, p. 92, dans POUGENS. Les finesses
du langage de Racine n'ont jamais rien de maniéré
ni d'affecté : c'est la grâce unie à la noblesse; c'est
la plus élégante facilité, ID. ib. t. vu, p. 464. || 3° S.
m. Le maniéré, le style, le genre maniéré. Le con-
traste mal entendu est une des plus funestes causes
du maniéré, DIDEROT, Essai sur la peint, ch. I. Le
maniéré, toujours insipide, l'est beaucoup plus en
marbre ou en bronze qu'en couleur, ID. Observ. sur
la sculpt, OEuv. t. xv, p. 3 io.|| Aujourd'hui on le
dit même des personnes. Cet écrivain est un ma-
niéié. L'école des maniérés.
— REM. Conrart avait essayé d'introduire monie"-
reuoe ; mais le mot ne prit pas.
f MANIÈRES, (ma-nié-ré. L'accent aigu se change
en accent grave, quand la syllabe qui suit est
muette, excepté au futur et au conditionnel), v. a.
|| 1° Donner le caractère de la manière. Nous ma-
nierons peut-être un peu trop nos chevaux au ma-
nège, pour leur donner ce que nous appelons de la
grâce, FALCONET, OEuvres div. t. m, p. 9l.|[2° Se
maniérer, v. réfl. Devenir maniéré.Mon homme droit,
tous ses membres bien composés, se maniérant, se
rendant très-agréable pour la visite qui lui arrive,
DIDEROT, Essai sur la peint, ch. 4.
— HIST. Il étoit monté sur un haut coursier, lequel
n'estoitpas bien duitet bien maniéré, FROISS.m, iv, 66.
— ÉTYM. Jfanière.
t MANIÉRISTE (ma-nié-ri-sf), s. m. Artiste ma-
niéré, peu naturel.
— REM. Maniériste est dans Richelet, édit. de 1759.
— ÉTYM. Manière.
f MAN1ETTE (ma-ni-è-f), s. f. Morceau de feu-
tre avec lequel l'imprimeur en taille douce frotte les
bords d'un planche gravée ; la maniette est compo-
sée d'un morceau de bois qui lui sert de manche et
de deux morceaux de chapeau.
— ÉTYM. Manier.
MANIEUR (ma-ni-eur), s. m. Celui qui manie
beaucoup. Le manieur d'argent, l'homme d'affaires
est un ours qu'on ne saurait apprivoiser, LA BRUY.
VI. || Manieur de blé sur banne, ouvrier du port qui
remuait le blé avec une pelle, afin de le dépouiller
de toute humidité.
— HIST. xvie s. Manieur, OUDIN, Dict.
— ÉTYM. Manier.
f MANIFESTAIRE (ma-ni-fè-stê-r'), s. m. Nom
donné à des anabaptistes de Prusse qui se croyaient
dans l'obligation absolue d'avouer toutes leurs opi-
nions religieuses chaque rois qu'ils étaient interro-
gés à ce sujet.
— ÉTYM. Manifester.
f MANIFESTATEUR, TRICE (ma-ni-fè-sta-teur,
tri-s'), adj. Qui manifeste. || Terme d'histoire natu-
relle. Ichneumon manifestateur, espèce d'hyméno-
ptère. L'ichneumon manifestateur dépose ses oeufs
dans l'intérieur du bois, LEGOARANT.
— ÉTYM. Manifester.
t MANIFESTATIF, IVE (ma-ni-fè-sta-lif, ti-v'),
adj. Terme didactique.Qui a la vertu de manifester,
La scolastique disait que la forme était manifesta-
tive de la matière.
— ÉTYM. Manifester; provenç. manifestatiu.
■ MANIFESTATION (ma-ni-fè-ka-sion ; en vers, de
i six syllabes), s. f. || 1° Action de rendre manifeste,
i Ce n'est point cette manifestation de sa sagesse [de
' Jésus] qui est idmirable, c'est cette longue suppres-
- sion qu'il en a faite, NICOLE, Essais, t. xm, p. 32i,
• dans POUGENS. Le jour de là manifestation des con-
- sciences, MASS. Avent, Jug. Non-seulement on
manque de lumière dans l'examen, on manque en-
core de sincérité dans la manifestation, ID. Carême,
Confess. Sous ces formes diverses, je cherche tou-
jours les plus vives manifestations de l'âme et-de la
pensée humaine, VILLEM. Littér, franc. 48e siècle,
2e part. 3e leçon. || 2° Il se dit particulièrement
quand la puissance divine se rend manifeste. La
sortie du Verbe, son progrès, son avancement vers
la créature.... est en ce.sens une espèce de généra-
tion et de production, qui n'est en effet que sa ma-
nifestation, BOSS. 6e avert, 72. Jamais ils [les sec-
tateurs de Zoroastre] ne leur ont offert [aux astres
et aux éléments] des sacrifices, ils leur ont seule-
ment rendu un culte religieux, mais inférieur, ■■
comme à des ouvrages et des manifestations de la
divinité, MONTESQ. Lett. pers. 67. Jacques Zieglerne,
de Moravie, qui vivait au milieu du xyie siècle, an-
nonçait la prochaine manifestation du Messie, né, .
à ce qu'il assurait, depuis quatorze ans, VOLT. Dict.
phil. Messie. || 3° Mouvement populaire, rassem-
blement, destiné à manifester quelque intention po- ■
litique. Manifestation pacifique.
— HIST. xvie s. Il [Dieu] reserve la pleine mani-
festation en l'autre vie,CALV. Inst. 24. Saint Paul
aussi, en disant que ce qui estoit expédient de cognois-
tre de Dieu, est manifesté en la création du monde,
n'entend .pas une espèce de manifestation qui se
comprenne parla subtibilitédes hommes, ID. ib.25.
— ÉTYM. Provenç. manifestation; esp. manifes-
tacion; ital. manifeslazione; du lat. manifeslatio-
nem (voy. MANIFESTE).
4. MANIFESTE (ma-ni-fè-sf), adj. || l°En parlant,
des personnes, pris sur le fait, convaincu par le
fait (le sens propre est saisi par la main). Un pla-
giaire manifeste. Après que le milan, manifeste vo-
leur, Eut répandu l'alarme en tout le voisinage,
LA FONT. Fabl. ix, 4 8. [| 2° En parlant des choses,
qui est aussi palpable, aussi apparent que si on y
pouvait porter la main.Ilayaitlieude craindre en me
disant le reste, Que son crime par moi devenu mani-
feste.... CORN. OEd. Y, 6. Un événement manifeste [la
ruine totale des Juifs] nous met au-dessus de tous
les raffinements des chronologistes, BOSS. Hist. il,
4. Cette voix manifeste qui sortit du fond de ce lieu
sacré, ID. ib. n, s. Lorsque son âme épurée de tous
les sentiments de la terre et pleine du ciel où elle
touchait, a vu la lumière toute manifeste, ID. Duch.
d'Orl. Ainsi [dans sa conversion] elle passa tout à
coup d'une profonde obscurité à une lumière mani-
feste, ID. Anne de Gonz. J'écarte de vos jours un pé-
ril manifeste, RAC. Bajaz. il, 4. Il est manifeste quo
le commun des hommes doit être 'dans une igno-
rance très-grossière à l'égard même des choses qui
ont quelque rapport à eux, MALEBR. Rech. vér. iv, 2.
L'horrible proj 3t de son fils [Néron] est mani feste; elle
[Agrippine] dissimule,DIDEROT, Claude et Nér.i, 74.
—' SYN. MANIFESTE, NOTOIRE. Notoire porte en
soi l'idée de connaissance; et manifeste celle d'évi-
dence : ce qui est notoire est connu de tous; ce qui
est manifeste est évident pour tous.
— HIST. xive s. Les choses dessus dictes sont no-
toires et manifaites, Bibl. des chartes, 4e série,
t. ii, p. 69. En chascun bras sont quatre voines
manifestes, LANFRANC, f° 30. Afin que le forfait qui
eret [était] manifeste fust puni.... BERCHEURE, f° 16.
|| xvie s. Combien que tous ne soyent pas tombez en
des idolâtries manifestes, CAI.V. Inst. 25. Il est tout
manifeste, qu'avec si grosse puissance, nous pour-
rons facilement recouvrer le royaume de là Macé-
doine, AMYOT, Pyrrh. 30.
— ÉTYM. Provenç. manifesl; espagn. manifiesto ;
ital. manifesta ; du lat. manifestus. D'après Corssen,
Beitràge, p. 4 82, manifestus est composé avec manus,
comme in-festus, con-festim, etc. le sont avec in,
cum; fest représente le radical fen d'of-fendere, de-
fendere, qui veut dire frapper, toucher : manifestus
(mani-festus pour mani-fend-tus), frappé, touché,
surpris avec la main, pris sur le fait, découvert.
2. MANIFESTE (ma-ni-fè-sf), s. m. |] 1° Déclara-
tion publique par laquelle un-prince, un Etat ex-
plique les raisons de sa conduite à l'égard d'un
autre prince ou État, surtout lorsqu'il s'agit de
guerre. La Flandre est d'abord revendiquée comme
le patrimoine de Thérèse [femme de Louis XIV],
et, tandis que les manifestes éclaircissent notre
droit, nos, victoires le décident, MASS. Or. fun.
Louis le Grand. Rien ne ressemble plus à des li-
belles que certains manifestes des souverains; les
secrétaires du cabinet de Moustaphà, empereur des
Osmanlis, ont fait un libelle de leur déclaration de
guerre, VOLT. Dict. phil. Libelle. On assure qu'en
174 8, lorsque la France déclara la guerre à l'Espa-
gne, le manifeste fut fait par FoDtenel'e, sur les
:' n. _ 54
DICT. DE LA LANGUE' FRANÇAISE,"
425
mais intéressante, J. J. ROUSS. Lett. à Mme B. n i
janv. 4 770. " .
— REM. 1. De manière à ce que est une locution 1
vicieuse dont il faut se garder; c'est la confusion et i
la réunion des deux formes de manière à et de ma- i
nière que. Il faut dire de manière que avec l'indi-
catif ou le subjonctif, ou de manière à avec l'infi- i
nitif. || 2. Voy. à FAÇON la synonymie avec manière. 1
Ajoutez-y que de manière que, de façon que, de i
sorte que sont exactement synonymes. i
— HIST. xn" s. Seignor, pa.- tel manière, jà nus i
[nul] n'en soit doutans, Fu meùe la guerre entre |
Saisnes et Frans, Sax. v. N'est pas amors dont on ;
se peut mouvoir [ce n'est pas amour, celui dont on i
peut se détacher], Ne cil, amis, qui en nule manière, i
La [l'amour] bée [travaille] à décevoir, Coud, xvm. ;
|| xm" s. Onques Tristan n'ama de tel manière, Li i
chastelains, ne Blondel autressi, EUSTACHE LE PEIN- ;
TRE, dans Couci. La manière comment [elle] se
pourra traire ariere, Berte, xn. 11 semble à sa ma- :
niere qu'ele doive desver, ib. xvn. Cil jour [il] fit
moût lait temps et de froide manière, ib. xx. Elle
ert [était] sage et courtoise et de bonne manière,
ib. XL. Assés en fu pariés en maintes manières,
VILLEII. cxn. Et ceste manière de gent ne sunt-pas
tout d'une condition, BEAUM. XLV, 30. Li clerc ont
une manière de parier moût bêle'le latin, ID. VI, I.
Ne fist pas honte à son boen père, Ainz montra bien
que preudons iere [était] De foi, de semblant, de
meniere, RUTEB. 63. Toutes manières de femmes
qui n'ont enfans, vont en la bataille avec eulz,
JOINV. 264. || xiv° s. Car li mains [moins] bel et li
mains riche, Li povre d'amis et ii nice [peu intel-
ligents], Cil nui ont vulenté legiere, Et cil qui ont
po de maniere,«Dou tout en tout honni seraient,
Se de moy oublié estoient, MACHAUT, p. 20. EtBer-
tran du Guesclin estoit s^r la costiere, Pour oïr et
veoir à la fin qu'il si fiere [frappe] En tel heu où il
puist bien monstrer sa manière, Guescl. v. 4 4 20
|| xve s. Bons vins.... poulailleettoutes manières d'au-
tres vivres aussi, FROISS. I, I, 32. Sitost que les Anglois
les ravisèrent, ils leur coururent sus de grand ma-
nière, ID. i, i, 294. X ce parlement qui fut à Vilvart,
furent.... et trois ou quatre vaillans bourgeois de cha-
cune [ville] par manière de conseil, ID. I, I, 4 25. A
la quele parolle le dit d'Alençon monstra manière
d'estre bien desplaisant, MATH, DE COUCY, Hist. de
Charles VII, p. '03, tians LACURNE. Le comte de
Foix en très bel estât, lequel estoit lors d'assez
jeune âge, beau chevalier, qui Ken savoit sa ma-
nière [avait du savoir vivre], ID. ib. p. 543. Quand
je deusse bonne cbiere Démener en compaignie, Je
n'en fais que la manière, CH. D'ORL. Bail, 26. [Dans
la cour] ami n'y a, n'amie, Congnoissance, dili-
gence, raison, Manière, senz, honeur, discrétion,
E. DESCH. De l'intérieur des cours. Encore y a-t-il
bien manière [difficulté] de venir, dans sa chambre,
car il faut passer parmi celle à l'hoste, LOUIS XI,
Nouv. xvm. Dont Troyl-us eut telle douleur au se-
cret de son cueur que à peine sçavoit tenir manière
[contenance], Perceforest, t. ni, f° 4 58. Et y vien-
dra ma commère telle et mon cousin tel, qui à l'a-
venture ne lui est rien, mais c'est la manière de le
dire, les 16 joyes ae mariage, p. 79. H xvie s. Il sça-
voit plus de cent magnifiques manières pour le dé-
pendre [son bien], LANOUE, 467. Par manière de
dire, ID. 468. Telle manière de gens convoitent et
appetent d'attirer à eux les povres peuples, CALV.
Instit, 994. L'histoire a bien aussi sa manière de
chastier les meschans par la note d'infamie perpé-
tuelle, dont elle marqueteur mémoire, AMYOT, Préf.
v, 30. En manière [de manière] qu'aulcuns en prin-
rent argument que.... MONT, I, 7. De manière qu'il
n'y a rien que nous trouvions.... m. î, 48. Quand
une personne ayant enfant se marie à une autre
personne qui a aussi enfant, les quels demeurent
avec eux en compagnie, et ils apportent aucune
chose en la compagnie de perè ou de mère, la com-
pagnie se fait en quatre parts, si que chacune ma-
nière d'enfant emporte un quart, et le père et la
mère chacun un quart, Coust. génér. t. i, p. 206.
— ÉTYM. Bourguig. meneyre; provenç. maneira,
manieira, maniera ; espagn. manera; portug. mo-
neiro; ital. maniera. D'après M. Ch. de Rémusat, ma-
nière vient du latin scolastique maneria, maneries,
qui ne paraît pas antérieur au xu° siècle, auquel
Abélard donnait le sens de genre, ei que Jean de
Salisbury, le trouvant nouveau, pense provenir du
latin matière, demeurer : l'état qui demeure. Au
contraire, Diez le tire du latin pianus, main, par
l'intermédiaire d'un anc, adj. français manier, pro-
venç. manier, espagn. manero, ital. maniera, si-
gnifiant : qui est à la main. C'est la véritable éty-
mologie. On lit dans FI. cl Blanchcfl, v. 2579 : i
....Quant il vint en la chambre manière |qui était à <
la main]; et dans ROTEBEUF, 218 : Quar nuls gens (
n'est mes manière De l'autrui porfit porchacier, j
Se son preu n'i cuide chacier. j
MANIÉRÉ, ÉE (ma-nié-ré, rêe), part, passé de :
maniérer. || 1° Plein de manière, d'affectation. Cet i
homme est fort maniéré. E"e en fera des singes ma- :
niérés ou d'étourdis polissons, J. j. ROUSS. Ém. v.' Fi !
des coquettes maniérées! BÉRANG. Jeannette. || Il se t
dit des choses. Il y a [au théâtre] une certaine di- :
gnité maniérée dans le geste et dans le propos, qui
ne permet jamais à la passion de parler exactement i
son langage, J. J. ROUSS. Hél. n, 17. Ce ton maniéré ;
du pays de Vaud où les femmes prennent le bel esprit
pour l'esprit du monde et ne savent parler que par
épigrammes, ID. Confess- ni. || 2° En littérature, en
peinture, en sculpture, etc. qui a de la manière,
où il y a de la manière. Des figures, des draperies
maniérées. Cet édifice est d'un goût maniéré. La-
motte était moins étudié que Fontenelle dans sa
prose; mais, dans ses fables, toutes les fois qu'il a
voulu être naïf, il a été maniéré, MARMONTEL, Élém.
de litt. OEuv. t. v, p. 92, dans POUGENS. Les finesses
du langage de Racine n'ont jamais rien de maniéré
ni d'affecté : c'est la grâce unie à la noblesse; c'est
la plus élégante facilité, ID. ib. t. vu, p. 464. || 3° S.
m. Le maniéré, le style, le genre maniéré. Le con-
traste mal entendu est une des plus funestes causes
du maniéré, DIDEROT, Essai sur la peint, ch. I. Le
maniéré, toujours insipide, l'est beaucoup plus en
marbre ou en bronze qu'en couleur, ID. Observ. sur
la sculpt, OEuv. t. xv, p. 3 io.|| Aujourd'hui on le
dit même des personnes. Cet écrivain est un ma-
niéié. L'école des maniérés.
— REM. Conrart avait essayé d'introduire monie"-
reuoe ; mais le mot ne prit pas.
f MANIÈRES, (ma-nié-ré. L'accent aigu se change
en accent grave, quand la syllabe qui suit est
muette, excepté au futur et au conditionnel), v. a.
|| 1° Donner le caractère de la manière. Nous ma-
nierons peut-être un peu trop nos chevaux au ma-
nège, pour leur donner ce que nous appelons de la
grâce, FALCONET, OEuvres div. t. m, p. 9l.|[2° Se
maniérer, v. réfl. Devenir maniéré.Mon homme droit,
tous ses membres bien composés, se maniérant, se
rendant très-agréable pour la visite qui lui arrive,
DIDEROT, Essai sur la peint, ch. 4.
— HIST. Il étoit monté sur un haut coursier, lequel
n'estoitpas bien duitet bien maniéré, FROISS.m, iv, 66.
— ÉTYM. Jfanière.
t MANIÉRISTE (ma-nié-ri-sf), s. m. Artiste ma-
niéré, peu naturel.
— REM. Maniériste est dans Richelet, édit. de 1759.
— ÉTYM. Manière.
f MAN1ETTE (ma-ni-è-f), s. f. Morceau de feu-
tre avec lequel l'imprimeur en taille douce frotte les
bords d'un planche gravée ; la maniette est compo-
sée d'un morceau de bois qui lui sert de manche et
de deux morceaux de chapeau.
— ÉTYM. Manier.
MANIEUR (ma-ni-eur), s. m. Celui qui manie
beaucoup. Le manieur d'argent, l'homme d'affaires
est un ours qu'on ne saurait apprivoiser, LA BRUY.
VI. || Manieur de blé sur banne, ouvrier du port qui
remuait le blé avec une pelle, afin de le dépouiller
de toute humidité.
— HIST. xvie s. Manieur, OUDIN, Dict.
— ÉTYM. Manier.
f MANIFESTAIRE (ma-ni-fè-stê-r'), s. m. Nom
donné à des anabaptistes de Prusse qui se croyaient
dans l'obligation absolue d'avouer toutes leurs opi-
nions religieuses chaque rois qu'ils étaient interro-
gés à ce sujet.
— ÉTYM. Manifester.
f MANIFESTATEUR, TRICE (ma-ni-fè-sta-teur,
tri-s'), adj. Qui manifeste. || Terme d'histoire natu-
relle. Ichneumon manifestateur, espèce d'hyméno-
ptère. L'ichneumon manifestateur dépose ses oeufs
dans l'intérieur du bois, LEGOARANT.
— ÉTYM. Manifester.
t MANIFESTATIF, IVE (ma-ni-fè-sta-lif, ti-v'),
adj. Terme didactique.Qui a la vertu de manifester,
La scolastique disait que la forme était manifesta-
tive de la matière.
— ÉTYM. Manifester; provenç. manifestatiu.
■ MANIFESTATION (ma-ni-fè-ka-sion ; en vers, de
i six syllabes), s. f. || 1° Action de rendre manifeste,
i Ce n'est point cette manifestation de sa sagesse [de
' Jésus] qui est idmirable, c'est cette longue suppres-
- sion qu'il en a faite, NICOLE, Essais, t. xm, p. 32i,
• dans POUGENS. Le jour de là manifestation des con-
- sciences, MASS. Avent, Jug. Non-seulement on
manque de lumière dans l'examen, on manque en-
core de sincérité dans la manifestation, ID. Carême,
Confess. Sous ces formes diverses, je cherche tou-
jours les plus vives manifestations de l'âme et-de la
pensée humaine, VILLEM. Littér, franc. 48e siècle,
2e part. 3e leçon. || 2° Il se dit particulièrement
quand la puissance divine se rend manifeste. La
sortie du Verbe, son progrès, son avancement vers
la créature.... est en ce.sens une espèce de généra-
tion et de production, qui n'est en effet que sa ma-
nifestation, BOSS. 6e avert, 72. Jamais ils [les sec-
tateurs de Zoroastre] ne leur ont offert [aux astres
et aux éléments] des sacrifices, ils leur ont seule-
ment rendu un culte religieux, mais inférieur, ■■
comme à des ouvrages et des manifestations de la
divinité, MONTESQ. Lett. pers. 67. Jacques Zieglerne,
de Moravie, qui vivait au milieu du xyie siècle, an-
nonçait la prochaine manifestation du Messie, né, .
à ce qu'il assurait, depuis quatorze ans, VOLT. Dict.
phil. Messie. || 3° Mouvement populaire, rassem-
blement, destiné à manifester quelque intention po- ■
litique. Manifestation pacifique.
— HIST. xvie s. Il [Dieu] reserve la pleine mani-
festation en l'autre vie,CALV. Inst. 24. Saint Paul
aussi, en disant que ce qui estoit expédient de cognois-
tre de Dieu, est manifesté en la création du monde,
n'entend .pas une espèce de manifestation qui se
comprenne parla subtibilitédes hommes, ID. ib.25.
— ÉTYM. Provenç. manifestation; esp. manifes-
tacion; ital. manifeslazione; du lat. manifeslatio-
nem (voy. MANIFESTE).
4. MANIFESTE (ma-ni-fè-sf), adj. || l°En parlant,
des personnes, pris sur le fait, convaincu par le
fait (le sens propre est saisi par la main). Un pla-
giaire manifeste. Après que le milan, manifeste vo-
leur, Eut répandu l'alarme en tout le voisinage,
LA FONT. Fabl. ix, 4 8. [| 2° En parlant des choses,
qui est aussi palpable, aussi apparent que si on y
pouvait porter la main.Ilayaitlieude craindre en me
disant le reste, Que son crime par moi devenu mani-
feste.... CORN. OEd. Y, 6. Un événement manifeste [la
ruine totale des Juifs] nous met au-dessus de tous
les raffinements des chronologistes, BOSS. Hist. il,
4. Cette voix manifeste qui sortit du fond de ce lieu
sacré, ID. ib. n, s. Lorsque son âme épurée de tous
les sentiments de la terre et pleine du ciel où elle
touchait, a vu la lumière toute manifeste, ID. Duch.
d'Orl. Ainsi [dans sa conversion] elle passa tout à
coup d'une profonde obscurité à une lumière mani-
feste, ID. Anne de Gonz. J'écarte de vos jours un pé-
ril manifeste, RAC. Bajaz. il, 4. Il est manifeste quo
le commun des hommes doit être 'dans une igno-
rance très-grossière à l'égard même des choses qui
ont quelque rapport à eux, MALEBR. Rech. vér. iv, 2.
L'horrible proj 3t de son fils [Néron] est mani feste; elle
[Agrippine] dissimule,DIDEROT, Claude et Nér.i, 74.
—' SYN. MANIFESTE, NOTOIRE. Notoire porte en
soi l'idée de connaissance; et manifeste celle d'évi-
dence : ce qui est notoire est connu de tous; ce qui
est manifeste est évident pour tous.
— HIST. xive s. Les choses dessus dictes sont no-
toires et manifaites, Bibl. des chartes, 4e série,
t. ii, p. 69. En chascun bras sont quatre voines
manifestes, LANFRANC, f° 30. Afin que le forfait qui
eret [était] manifeste fust puni.... BERCHEURE, f° 16.
|| xvie s. Combien que tous ne soyent pas tombez en
des idolâtries manifestes, CAI.V. Inst. 25. Il est tout
manifeste, qu'avec si grosse puissance, nous pour-
rons facilement recouvrer le royaume de là Macé-
doine, AMYOT, Pyrrh. 30.
— ÉTYM. Provenç. manifesl; espagn. manifiesto ;
ital. manifesta ; du lat. manifestus. D'après Corssen,
Beitràge, p. 4 82, manifestus est composé avec manus,
comme in-festus, con-festim, etc. le sont avec in,
cum; fest représente le radical fen d'of-fendere, de-
fendere, qui veut dire frapper, toucher : manifestus
(mani-festus pour mani-fend-tus), frappé, touché,
surpris avec la main, pris sur le fait, découvert.
2. MANIFESTE (ma-ni-fè-sf), s. m. |] 1° Déclara-
tion publique par laquelle un-prince, un Etat ex-
plique les raisons de sa conduite à l'égard d'un
autre prince ou État, surtout lorsqu'il s'agit de
guerre. La Flandre est d'abord revendiquée comme
le patrimoine de Thérèse [femme de Louis XIV],
et, tandis que les manifestes éclaircissent notre
droit, nos, victoires le décident, MASS. Or. fun.
Louis le Grand. Rien ne ressemble plus à des li-
belles que certains manifestes des souverains; les
secrétaires du cabinet de Moustaphà, empereur des
Osmanlis, ont fait un libelle de leur déclaration de
guerre, VOLT. Dict. phil. Libelle. On assure qu'en
174 8, lorsque la France déclara la guerre à l'Espa-
gne, le manifeste fut fait par FoDtenel'e, sur les
:' n. _ 54
DICT. DE LA LANGUE' FRANÇAISE,"
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