Titre : La Presse
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1839-03-05
Contributeur : Girardin, Émile de (1806-1881). Directeur de publication
Contributeur : Laguerre, Georges (1858-1912). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 05 mars 1839 05 mars 1839
Description : 1839/03/05. 1839/03/05.
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
sans etfvriers a quintuptë en t85S sur 1857, celui des domestiques a quadru-
plé, et tes deposans militaires, marins, de professions diverses et mineurs
ont. doubie. Quant aux sommes versées, elles'out plus que doubtë. »
M. le marechat-de-camp Noet Girard, qui a pris une part glorieuse aux
gnerres de ta rcpubuque et de J'empire, vient do mourir il Angers a )a suite
R'uue )ongue et douloureuse nt.dadie..
On mande de Calais, ~5 février < Jeudi dernier, un commis-voya-
geur, portcu:' d'une somme de 800 fr. en biitets, a été arrête vers huit beu-
rres du soir, par deux humm'es déguises, près deBayenghem-tcz.Ëpertccque,
~sur ta. route de Saint-Omer a Calais. Une iutte terrible s'est, dit-on, enga-
gée entre tes dem matfaiteurs et le cofnniis-yoyageur; ni.tis ceiui-ci, jeune et
yiguureu' parvint à se dégager de ieuj's étreintes, et à se sauveE dans une
maison voisine avec ses 800 fr. b
--La chambre d'accusation dans sa séance de samedi, a renvoyé le !Vnt:o)ia~
devant la cour d'assises, .à l'occasion d'un articte du 7 février sur t'armée.
Le même renvoi est prononce contre t'Hf'o~e et )'Kc/io /')'N~ca!~qui avaient
re~Mté cet articte. L'a~n'aire sera portée devant la session de ta féconde quin-
zaine de ce mois.
i,e mois dernier, une femme de )'Is!c-sur-tc-Doubs, âgée de i9 ans, es
accouchée,, après un travai! tong et difncite, d'un fœtus-monstre qui prësen-
rtait tes particutarites suivantes Deux tètes, deux cous, quatre bras, deux
jpoitrmes, deuxcotounes vertebraics, !e tout supp0!te sur un bassu) uni-
que, duqueinaissaientscutement deux cuisses, comme chez tout autre enfant.
~Eu un mot, cet enfant ct.-it double dans toute la moitié supc.icu'e du corps
'et' simpte dans ta moitié intérieure a partir du ventre. Le développement
<:tait csiut d'un enfant à terme. Les deux bustes, se trouvaient accules par
les parties tateratcs, gauche et droite, tes deux faces tournées d~ns le mémo
sens. Les gens de~'art préscns à t'accouchement,.bnt pu s'assurer pa;' t'itu-
tepsie que cet être singulier possédait deux œsophages aboutissant a un seul
jfstomac, quatre poumons; deux cœurs, un seul diaphragme, un seul tune di-
gestif, deux reins ptus volumineux qu'à t'ctat normal, nne-seute vessie aussi
ptustait )tne organisation double compteto jusqu'au niveau du diaphragme, et
simpte au-dessous de cette limite. La longueur de l'enfant était de 1S pou-
ce~ i) pesait dixtivres environ.
On lit dans la QifoitfHfHKS du 4 mars 1859 c Tulte. Voici un hit.
qui donne ta mesure de )a moralité du pouvoir en madère de manœuvre.;
électorales. Un ancien préfet, candidat ministériel dans un des coHeges
de ia Correz.e, a, dit-on, obtenu en faveur d'un meurtrier, condamne aux
'~travaux forcés a perpétuité. une commutation de peine en dix arnées de
rf'ctusion, et s~est ainsi rendn favorable neui' électeurs de !a iocanté, tous
parons da condaLnné. M
Ce fait est emi. rement faux. Depuis plus de six mois, it n'a été accordé
aucune grâce en commutation a des individus condamnés pour crimes par
les cours d'assises dnressort de la cour de Limoges.
(
~ÂMMM
CHAPITRE VIII ET DERNIER.
jLttVengesmec.
(Voir ta Fj'eMc des 25, 26, 27 et 28 février, 2, 3, et 4 mars. )
L'année 1812 commençait. Depuis vingt-quatre ans, Khamco
~tait morte; et pourtant Kardiki et ses mosquées de marbre, ses bril-
lans minarets.ses remparts de granit et ses tours à meurtrières
étaient encore debout. Soixante et douze beys, grands vassaux de
l'empire ottoman y tenaient garnison, et le neveu du sultan, son
iieveufavori,Iescommandait.
Depuis vingt-quatre aus, Khamco était morte; mais depuis vingt-
quatre ans, chaque jour, Ali de Tebelen avait fait un pas vers Kar-
diki. Ignorant te danger qui les menaçait, du haut de leur citadelle,
les Kardikiotes avaient vu chaque jour la domination du visir s'é-
tendre, N'avancer. et cerner leur territoire, comme la mer qui
gronde et qui monte, enserre peu a~peu de sa ceinture perËde le ro-
cherqu'clleenvahit.
Mais, pourquoi si tardive l'heure de la vengeance ? Parce que Kar-
diki était la capitale du pachalick du neveu favori du suitafi; parce
que le jour où Ali de Tcbelen aurait osé attaquer cette place, le di-
van eût résolu la perte du satrape; parce que s'emparer de Kardiki,
seut refuge, dernier siège du pouvoir impérial en Epirc, en ~p.ire où
le visu- de Janina régnait déjà presqu'en roi, c'était pour Ali se dé-
clarer indépendant et en rébellion ouverte contre son maître; c'était
entin se faire mettre au ban de l'empire comme grand vassal ré-
volté
Aussi afin d'envelopper sûrement Kardiki, Ali de Tebelen sut pen-
dant 24 ans, dissimuler ses projets. Toute sa politique tendit à iso-
ler peu à peu'ce pachalik de ses annexes, et à le cerner par l'acqui-
sition ou l'envahissement progressif des districts euvironnans.ann
de se rendre complètement maître de sa proie. Mais en s'empa-
rant ainsi de tous les Beyiicks de l'Epire, en forçant leurs pachas de
venir à sa cour souveraine de Janina, et à serecoQnaitresesfeuda-
taires, jamais la soumission du satrape envers le snitan n'avait semblé
plus profonde, jamais les impots qu'il percevait pour la Porte n'a-
vaient été plus scrupuleusement envoyés au divan.
Frappé des ressources pécuniaires qu'il tirait de l'Epirc depuis que
ia main toute puissante d'Ali s'était apesanti sur cette contrée;
presqu'indifférent aux usurpations successives du pacha, le sultan
s'était contenté de faire occuper par son neveu )e point militaire de
Kardiki, ne pénétrant pas le but des manœuvres d'Ali de Tebelen,
ne prévoyant pas qu'un jour, lorsque le visir levant enfin le mas-
que, attaquerait cette place, il deviendrait impossible a la Porte de
ia sauver ou de la secourir.
En effet, en 1812; époque a laquelle se rattache ce récit, toute
communication entre Constantinopie et Kardiki était devenue im-
possible. Ali de Tebeie') se trouvait alors maitre absolu des Albanies,
des défilés, des frontières, maître absolu d'une armée de 15,000
hommes, maître absolu d'un revenu annuel de'12 mêlions, qui lui
permettait de tenir une cour souveraine.
Le moment de la vengeance jurée à Khamco mourante était donc
venu pour Ali.
Alors âgé de soixante-deux ans, il résidait à Janina. Invisible au
fond de sou sérail, il donna l'ordre et le plan de campagne,et au mois
de février de la m''me année (mois anniversaire de la mort de Kham-
co), ses généraux durent marcher sur Kardiki et Agyro-Castron,
cette dernière ville étant, pour ainsi dire, ïa clé de la première.
Marcher sur Kardiki la seule ville impériale des Albanies, la ville
occupée par soixante et douze beys grands vassaux de la couronne!
Kardiki résidence du neveu favori du sultan C'était un bien grand
cnmesansdoute;mats le visu-avait parlé, il voulait enmi venger, peut-
être au péril de sa vie, l'outrage fait aux siens, il avait parlé et on
avait obéi.
Servies par leur position presque inaccessible ces deux places se
défendirent intrépidement; mais le neveu du sultan fut tué, et leur
capitulation tut forcée, i'ourtaut les Kardikiotes ne se rendirent que
lorsque' leur position fut complètement désespérée, lorsque la soif
et la famine commencereutadécimer les ))~bitans. Ces extrémi-
tés nes'étaient p:'s fait attendre; car le;i fohtainiers et sapeurs de l'ar-
mée d'Ati curent bientôt détruit tes aqueducs qui conduisaient, l'eau
nécessaire à ces villes, bâties sur'ta cime des rochers, et un étroit
Mocus cmpt'cba les provisions d'arriver. Néumitoius les Kardikiotes
ne prévirent pas tout d'abord le sort qui les attendait; ne regardant
FagresHon d'Ali que comme une conséquence de ses autres envahisse-
mens, i!s pensèrent que te visir n'avait d'autre butque de compléter
sa souveraineté par. cette dernière usurpation. D'aii)eurs conment
eussent-ils songe à l'outrage fait la mure et à la sœur du visir un de-.
mi-siècle avant ces évcnemens ? la presque totalité de la génération exis-
tante n'étaiteilepas étrangèrcace forfait? Ce qui contribuaitàrassurer
encore cette population sur les suites de la conquête d') visir, c'est que
lors de la reddition de la ville, les licutenans d'Ali a/aient donne les
ordres les plus sévères pour que les personnes et les propriétés fus-
sent scrupuleusement respectées. Le traité suivant fait foi de ces dis-
positions pacifiques (1).
« Mustapha-Pacha, Selim bey Goka, issu de la première tribu des
Guegues et soixante-douze bcys, chefs des plus illustres phares des
Skipetars, tous mahométans et grands vassaux de la couronne, se ren-
dront librement à .tanina où ils seront traités et reçus avec les hon-
neurs dus à leur rang.–[1s y jouiront de leurs biens et leurs familles
seront respectées. Tons les hubitans de Kardiki seront, sans ex-
ception, considères comme les plus fidèles amis d'Ali, pacha dc.!anina,
qui prendra la vi le sous sa protection spéciale. Personne ne sera re-
cherché ni molesté pour faits antérieurs à l'occupation.
De part et d'autre, ce traite fut solennellement jure sur le Coran,
et les troupes d'Aii occupèrent tous les quartiers de la ville.
Pourtant épouvantes de ces mesures,dontia mansuétude apparente
contrastait si étrangement ave(; la férocité habituelie d'Aii de Tcbe-
ten, Mehemet-Hoy Coka et sa femme am:ère!it mipux se donner
la mort que de se ner à la parole d'Ali, et de se rendre a Janma.
Plus connans, les autres beys partirent sous bonne escorte pour la
résidence du visir. Leur route fut une fête. perpétuelle dans
chaque ville, d'après les ordres d'Ali, ils étaient reçus au son des
instrumens de musique et par les cris joyeux des, populations. En
arrivant à Jauma, les trompettes et les timbailes résonnèrent. Por-
tant des corbeilles de fleurs, prémices du printemps; accompagnées'
de joueurs de lyre, des chœurs de jeunes filles rappelant les théories
antiques, vinrent à la rencontre des prisonniers, en chantant la naïve
chanson des ~
..Ali, splendidement vêtu, souriant, l'oeil serein, s'avança trois pas
à la i'eucon tre des beys, embrassa tendrement les plus qualifiés, en
leurdisantqu'iiics regarderait désormais commec~eM ~y'c
/aMM'c. Qu'il avait été-jaloux, mais tendrement jaloux de voir
Kardiki si long-temps en dehors de son gouvernement, cette ville ayant,
comme'ies autres possessions du sultan, droit à la protection, a l'a-
mitié de son visir.– K Mais puisque le bonheur de cette ville a voulu
a qu'elle vienne se ranger sous ma loi, ajouta te satrape avec le
plus séduisant sourire, je veux la traiter .désormais en enfant in-
grat.mais chéri, qu'on aime, qu'on adore d'autant plus qu'on s'en
"est trouvé plus long-temps séparé, a
Complètement rassurés par ces semblans perfides, les beys n'hési-
tèrent plus'a Se rendre dans le château du Lac où leur étaient prépa-
rés de .splendides logemens. Mais une fois entrés dans ce sombre
séjour, ils y furent massacrés, et leurs corps donnés en pàture aux
poissons du lac.
Quoique cette épouvantable exécution dût déj faire mettre Ali au
ban de l'empire, il n'en pressa pas moins son départ pour Kardiki,
toujours occupé par ses troupes.
La veiliedecevoyage, il reçut une lettre de sa sœur Kaïnitza
retirée à Liboovo,jou elle avait appris la prise de la ville.
Nous l'avons dit, une sanglante fata!ité semblait s'apesantir sur
cette famille, digne par ses forfaits d'égaler celle des Atrides. Khamco
morte, Raïnitza, pour obéir s son frère,, et servir sa politique, qui
tendait toujours, on l'audit, a se rapprocher de. Kardiki, par ses cn-
vah'.ssemens ou ses alliances, Kaïnitza avait épousé sans amour, et
seulement pour servir les vues sanglantes et vengeresses de son frère,
soiiman bey de Berat, voisin et ancien allié des Kardikiptes, contre
lequel Ali nourrissait depuislongtemps Hne hame profonde et cachée.
Ainsi agissait toujours Ali. I! commençait par s'attacher d'a-
bord étroitement ses victimes par les liens de l'affection ou du sang,
afin de pouvoir les frapper plus sûrement.
Après deux ans de mariage, Soliman, époux de Kaïnitza fut poi-
gnardé par son fréreà lui, Ismaë!, et par ordre d'Ali, Kamitza épousa
le fratricide, qui devait à son tour périr sous les coups du Satrape. Ce
fut ainsi qu'Ait devint maître des possessions des deux frères; héri-
tage que lui abandonna sa.sœur qui participait, ou du moins se prê-
tait à tant de crimes, avec une féroce insouciance ne voyant dans
ces exécrables meurtres que. le moyen d'assurer la vengeance jurée
sur la tombe de Khamco.
Mais Kaïnitza, aussi impitoyable envers ses époux, que Khamco
l'avait: été pour Yely-Bey; comme sa mère, ressentait pour ses enfans
une sorte d'amour sauvage et frénétique, une sorte de tendresse de
Uonnequi s'exaspérait chez elle en une manie furieuse. Aussi,
qu'on juge de sa rage lorsquelle vit périr a la Seur de leur âge
les trois enfans qu'elle avait eus de ses deux' mariage~ !.e dernier
de ses fils, Aden-Bey, était mort environ deux mois avant la
prise-ds Kardiki.
Alors la douleur de Kaïnitza n'eut plus de bornes, et se révéla par
des actes d'une folie sauvage. Les médecins qui n'avaient pi) sous-
traire son n)s a la mort, furent empalés. Par deux fois elle se
précipita dans un lac, mais elle en fut retirée a temps. Par deux fois
cite voulut mettre le feu a son palais pour s'ensevelir, elle et ses fem-
mes, sous ses décombres mais renonçant à ces projets de suicide et
d'incendie, elle fit mettre en pièces les glaces et les prnemens de son
sérail, ut peindre en noir les vitres des fenêtres, brisa à cnnpSide
marteau tous ses diamans, toutes ses pierreries, ainsi qus celles qui
avaient appartenu à son nis; (it tuer tous les chevaux, égorger tous les
j esclaves d'Adcn-Bey. Puis, vêtue d'un sac, elle ne voulut plus désor-
mais se coucher que sur de la cendre, au milieu de son sérail dé-
vasté.
Ce fut au milieu de ce paroxysme d'effroyable douleur qu'elle ap-
prit la prise de Kardiki. Eile écrivit aussitôt a Ali
'1 .( Je ne te donnerai plus te titre de visir, ni )e nom de frère, si tu
ne-gardes par la foi jurée a notre mère'sur ses restes inanimés. Tu
,dois, si tu es fils de Kbamco, lu dois détruire Kardiki, exterminer
ses habitaus, et remettre ses femmes et ses filles en mon pouvoir,
afin d'en disposer a ma fantaisie. Qu'elles périssent toutes, .~)~
i D6Ma3 p~M COM.cAcr.~MCSM)' C/M ?MN<6~A' ~t~M..r. Maître absolu des Kardikiotes, n'oublie pas les outrages que
nous avons reçus d'eux auxjours de notre humiliante captivité (2).e »
Le lendemain du jour ou i- reçut, cette lettre, le 19 mai 1812,
Ali se mit en route.. il devait en allant a Kardiki s'arrêter à Li-
boovo pour v voir Kaïnitza. &j. Pouqueville, consul de France à Ja-
nina, ayant a parler .à Ali, se rendit au palais. Depuis le matin les
troupes défilaient, les bagages sortaient dn sérail, et les pages, armés
de toutes pièces, n'attendaient plus que l'ordre de monter à cheval.
Arrivant auxappartcmens intérieurs du palais, le cons! de France
j se fit annoncer. Le rideau de brocard qui cachait la purte se leva,
il entra, et vit Aiip~cha dans une attitude pensive. Ses traits étaient
toujours d'une grande majesté, sa barbe blanche tombait à tlots sur
(t) PouqueviHe .~eainsi tMtuet)pmen) cité dans cet ouvrage.
(S) P~uquevutecite textueUement cette tettre. Votume 1, p~e 408.
sa large poitrine; coiffé d'un bonnet de relours vio!et, brode d'or, le
visir portait un manteau écarlate et était chausse de buttes de velours
cramoisi. Appuyé sur sa hache d'armes, assis les jambes pendantes
au bord de son sopha, il fit signe au consul de s'approcher, et à son
divan alors assemblé, de s'éloigner.
Suçant l'étiquette, [c consul se plaça a sa droite; alors AH, sem-
blant sortir d'un songe, attacha long-temps ses regards sur ceux du
l'envoyé français, put affectueusement une de ses mains dans les
siennes, et lui dit d'une voix empreinte d~une profonde tristesse en
levant au ciel ses yeux humides de iarmes (1) « Crois-moi, mon
E)s, oublie tes présentions contre moi, je ne te dirai plus de m'ai-
mer; je veux t'y forcer en suivant un système oppose a celui que j'ai
mis jusqu'il en pratique. Ma carrière es): remplie, et je vais termi-
ner mes travaux en montrant que si j'ai été ternbic ci. sévère, je sais
aussi respecter l'infortune et l'humanité. »
Stupéfait de ce tangage si nouveau dans la bouche d'Ali, le consul
hésitait à le croire, et sa physionomie trahissait ce doute. Lorsque
ce satrape continua avec un accablement douloureux, et comme s'il
eut été brisé par un remords profond Hélas mon !ils! te passe
n'est plus en mou pouvoir, j'ai verse tant de sang ~Mc ~t /~t ~!e
~M~t, et je n'ose regarder derrière moi. »
A cet aveu qui vint lui rappeler tous les forfaits d'Ali, le consul,
par un mouvement d'horreur involontaire, voulut retirer sa main
des mains d'Ali, mais celui-ci le regarda avec une expression si dou-
loureusement désespérée, que le Français ue repoussa pas le visn'
« Crois-moi–mon n!s, reprit n-]i d'une voix vibrante d'émotion–j'ai
désiré la fortune et je suis comblé de ses dons j'ai souhaité des sé-
rails, une cour, le faste, la puissance, et j'ai tout obtenu; si je com-
pare la maison de mon père à ce palais brilfant d'or, d'armes, de ta-
pis précieux, je devrais être au comble du bonheur, ma grandeur
éblouit le vulgaire. Tous ces Albanais prosternés à mes pieds en-
vient l'heureux Ali de-TebeIcn, mais si on savait ce que coûtent-ccs
pompes, je ferais pitié. J'ai tout sacrifié a mon ambition; je ne suis
entouré que de ceux dont j'ai égorgé les familles. mais éloignons
ces tristes souvenirs, mes ennemis sont en mon pouvoir; je prétends
les asservir par mes bienfaits. Je ~eM.c ~cw<-–Voiià les derniers projets que je forme. Je ne te propose pas,
mon cher (ils, d'être du .voyage que j'entreprends, et comme je se-
rai bientôt de retour, nous descendrons a Prévésa pour y passer les
premiers beaux jours du printemps. Ecris, je t'en prie, ce que je
viens de te dire à ton ambassadeur, car mes ennemis ne manque-
ront pas de pte calomnier à Constantinople, et il est bon que la véri-
té devance leurs dénonciations (2).
Cette conversation terminée le visir se sépara du consul et monta
en voiture.'
Deux jours après son départ de Janina, Ali arriva sur le territoire
de Liboowo, lieu de résidence de Kaïnitza. Le visir trouva sa sœur dans
le découragement le plus sombre et le plus farouche. M resta long-
temps enfermé avec et!e. Ou ne sut rien de leur mystérieux en-
treuen, mais la douleur presque furieuse de Kaïnitza parut beaucoup
adoucie. Les ornemens du sérail furent re, lacés ou reconstruits a
la hâte, et elle donna une fête spiendide à son frère, qui lelendemain
continua sa route ver~ Kardiki, escorté de ses Palikares et de Mi-
chaël qui, arraché par Aii au sort aifreux que hii réservait le bek-
tadgi, était devenu, sous le nom d'Anastase Vaïa, un des seïdes les
plus féroces du visir.
Jamais Ali n'avait été plus riant et plus gai. La route de
Liboovo a Rardiki était charmante, on entrait dans le printemps d'H-
pire. les prés se couvraient d'un trefSe tendre et vert, des bancs
d'anémones, de jacinthes et de narcisses fleuris, cmbaumaientl'air.
les amandiers se couvraient de leur neige odorante. La feuille tardive
des grenadiers commençait à poindre, l'arbre de Judée se couronnait
de pourpre. Les blanches cygognes arrivaient empressées, car mars
était venu. mais non les hi.ondelles, mais mm ies huppes, mais non
les cailles M'euses qui, sous ie soleil ardent du tropique, attendaient
avril. Pourtant, quelques rossignols impatiens, abrités sons des
touffes de myrthes et de lentisques, devançaient ce doux moisj et leur
voix pure et solitaire soupirant c~éjà semblait délier les chanteurs
nmbulansqui, sur la lyre d'Albanie, vont dire. de village eu village
la chanson des violettes et la chanson des hirondelles.
Le surlendemain, Ait arriva enfin à Chendry:), château fort, bâti
au faite d'un rocher et peu éloigné de ia rive oriente du Celydnns,
d'où l'on domine au loin, se déroulant en immense panorama, la val-
lée de Drynopolis, la vil:e de Kardiki, la sauvage entrée des noirs
déGlés antigoniens, ies échelles gigantesques de Moussuna et les plai-
nes fertiles de F \rgyrine.
Des le matin les hérauts d'armes d'Ali, vêtus de pourpre, portant
des clairons a banderolles de soie, étaient montés à K.ardiki pour y
porter de sa part la promesse d'un pardon et d'une amnistie généra-
le. En conséquence, le visir mandait à tous les Kardikiotcs, hommes
et cnfans, depuis l'âge de dix Knsjusqu'a l'extrême vieillesse, de se
rendre devant le château de Ch"drya, afin d'y entendre de la bou-
che du visir, t'a.<~c ~M.t '~oM/~t cm ~tAcMr.
Quoique le sort des beys fut encore ignoré, la férocité d'Ali et ses
formes doucereuses étaient si universellement redoutées, que cette
population, sans prévoir le sort qui l'attendait, reçut cet ordre avec
tous les signes de la plus grande terreur. Les femmes qui, par l'ordre
du visir. restaient à Kardiki, éclataient en sang!ots, les hommes en
imprécations. Plusieurs mères prirent Leurs enfans dans leurs bras et
se précipitèrent du haut des rochers de Kardtki dans le Celydnus.
EnMn il faUut obéir, et tons les hnbitans mâles de la vilie se rendirent
dans une plaine située au pied du château de Chendrya où se trou-
vait te visir entouré de quatre mille Palikares, Armatoles et Mh'dite~.
Les principaux delaviile voulurent se jeter aux pieds du visir; mais
celui-ci ne leur en laissa pas le temps; embrassa affectueusement tes
plus âgés, les appela les bien aimés de son cœur, ses bons pères,
leur parla de l'ancien et bou temps de l'Entre, de ces jours o'! lui,
Ali, disputai:: aux plus jeunes et aux plus agites des Chares voisins de
Tebelen, le prix de la course, de la lutte et du tir, prix que sa mère
Khamco. distribuait, placée derrière une fenêtre dn sérail. Il ie'jr
paria encore des Klephtes renommés de ce temps-là, dont le nom
portait la terreur dans la plaine; mais de sa mère, mais de sa sœur,
mais de l'outrage fait a sa famille, A h ne dit pas un mot.
Employant cn6n les charmes irrésistibles de sa séduction habi-
tuelle, le visir rassure ces malheureux, les attendrit, calme leurs
craintes, puis il les interroge avec sollicitude, s'enquiert de leurs be-
'soins, de ceux de la ville, qu'il voulait, disait-il, faire /!ort~plus beHe
qu'aucurrc ville d'Albanie, fi leur parle encore des routes qu'il vou-
lait faire percer, de la reconstruction des aqueducs enfin, après
avoir presque comptétement rassuré ses victimes, i) les congédie, en
les priant d'aj'er l'attendre dans un cara\ansérail voisin où allait
se rendre afin de s'entendre avec eux pour réaliser les promesses
qu'i! leur a faites au sujet des embeUi.sst'mens de Kardiki, et de la
réduction des impots qu'ii désirait diminuer.
Ce caravansérail formait une sorte d'immense cour carrée, dans
(1) Ce discours est aussi fMtueUement rapporte par M. PouqueviHe.
(9) PouqutYiOe. R
plé, et tes deposans militaires, marins, de professions diverses et mineurs
ont. doubie. Quant aux sommes versées, elles'out plus que doubtë. »
M. le marechat-de-camp Noet Girard, qui a pris une part glorieuse aux
gnerres de ta rcpubuque et de J'empire, vient do mourir il Angers a )a suite
R'uue )ongue et douloureuse nt.dadie..
On mande de Calais, ~5 février < Jeudi dernier, un commis-voya-
geur, portcu:' d'une somme de 800 fr. en biitets, a été arrête vers huit beu-
rres du soir, par deux humm'es déguises, près deBayenghem-tcz.Ëpertccque,
~sur ta. route de Saint-Omer a Calais. Une iutte terrible s'est, dit-on, enga-
gée entre tes dem matfaiteurs et le cofnniis-yoyageur; ni.tis ceiui-ci, jeune et
yiguureu' parvint à se dégager de ieuj's étreintes, et à se sauveE dans une
maison voisine avec ses 800 fr. b
--La chambre d'accusation dans sa séance de samedi, a renvoyé le !Vnt:o)ia~
devant la cour d'assises, .à l'occasion d'un articte du 7 février sur t'armée.
Le même renvoi est prononce contre t'Hf'o~e et )'Kc/io /')'N~ca!~qui avaient
re~Mté cet articte. L'a~n'aire sera portée devant la session de ta féconde quin-
zaine de ce mois.
i,e mois dernier, une femme de )'Is!c-sur-tc-Doubs, âgée de i9 ans, es
accouchée,, après un travai! tong et difncite, d'un fœtus-monstre qui prësen-
rtait tes particutarites suivantes Deux tètes, deux cous, quatre bras, deux
jpoitrmes, deuxcotounes vertebraics, !e tout supp0!te sur un bassu) uni-
que, duqueinaissaientscutement deux cuisses, comme chez tout autre enfant.
~Eu un mot, cet enfant ct.-it double dans toute la moitié supc.icu'e du corps
'et' simpte dans ta moitié intérieure a partir du ventre. Le développement
<:tait csiut d'un enfant à terme. Les deux bustes, se trouvaient accules par
les parties tateratcs, gauche et droite, tes deux faces tournées d~ns le mémo
sens. Les gens de~'art préscns à t'accouchement,.bnt pu s'assurer pa;' t'itu-
tepsie que cet être singulier possédait deux œsophages aboutissant a un seul
jfstomac, quatre poumons; deux cœurs, un seul diaphragme, un seul tune di-
gestif, deux reins ptus volumineux qu'à t'ctat normal, nne-seute vessie aussi
ptus
simpte au-dessous de cette limite. La longueur de l'enfant était de 1S pou-
ce~ i) pesait dixtivres environ.
On lit dans la QifoitfHfHKS du 4 mars 1859 c Tulte. Voici un hit.
qui donne ta mesure de )a moralité du pouvoir en madère de manœuvre.;
électorales. Un ancien préfet, candidat ministériel dans un des coHeges
de ia Correz.e, a, dit-on, obtenu en faveur d'un meurtrier, condamne aux
'~travaux forcés a perpétuité. une commutation de peine en dix arnées de
rf'ctusion, et s~est ainsi rendn favorable neui' électeurs de !a iocanté, tous
parons da condaLnné. M
Ce fait est emi. rement faux. Depuis plus de six mois, it n'a été accordé
aucune grâce en commutation a des individus condamnés pour crimes par
les cours d'assises dnressort de la cour de Limoges.
(
~ÂMMM
CHAPITRE VIII ET DERNIER.
jLttVengesmec.
(Voir ta Fj'eMc des 25, 26, 27 et 28 février, 2, 3, et 4 mars. )
L'année 1812 commençait. Depuis vingt-quatre ans, Khamco
~tait morte; et pourtant Kardiki et ses mosquées de marbre, ses bril-
lans minarets.ses remparts de granit et ses tours à meurtrières
étaient encore debout. Soixante et douze beys, grands vassaux de
l'empire ottoman y tenaient garnison, et le neveu du sultan, son
iieveufavori,Iescommandait.
Depuis vingt-quatre aus, Khamco était morte; mais depuis vingt-
quatre ans, chaque jour, Ali de Tebelen avait fait un pas vers Kar-
diki. Ignorant te danger qui les menaçait, du haut de leur citadelle,
les Kardikiotes avaient vu chaque jour la domination du visir s'é-
tendre, N'avancer. et cerner leur territoire, comme la mer qui
gronde et qui monte, enserre peu a~peu de sa ceinture perËde le ro-
cherqu'clleenvahit.
Mais, pourquoi si tardive l'heure de la vengeance ? Parce que Kar-
diki était la capitale du pachalick du neveu favori du suitafi; parce
que le jour où Ali de Tcbelen aurait osé attaquer cette place, le di-
van eût résolu la perte du satrape; parce que s'emparer de Kardiki,
seut refuge, dernier siège du pouvoir impérial en Epirc, en ~p.ire où
le visu- de Janina régnait déjà presqu'en roi, c'était pour Ali se dé-
clarer indépendant et en rébellion ouverte contre son maître; c'était
entin se faire mettre au ban de l'empire comme grand vassal ré-
volté
Aussi afin d'envelopper sûrement Kardiki, Ali de Tebelen sut pen-
dant 24 ans, dissimuler ses projets. Toute sa politique tendit à iso-
ler peu à peu'ce pachalik de ses annexes, et à le cerner par l'acqui-
sition ou l'envahissement progressif des districts euvironnans.ann
de se rendre complètement maître de sa proie. Mais en s'empa-
rant ainsi de tous les Beyiicks de l'Epire, en forçant leurs pachas de
venir à sa cour souveraine de Janina, et à serecoQnaitresesfeuda-
taires, jamais la soumission du satrape envers le snitan n'avait semblé
plus profonde, jamais les impots qu'il percevait pour la Porte n'a-
vaient été plus scrupuleusement envoyés au divan.
Frappé des ressources pécuniaires qu'il tirait de l'Epirc depuis que
ia main toute puissante d'Ali s'était apesanti sur cette contrée;
presqu'indifférent aux usurpations successives du pacha, le sultan
s'était contenté de faire occuper par son neveu )e point militaire de
Kardiki, ne pénétrant pas le but des manœuvres d'Ali de Tebelen,
ne prévoyant pas qu'un jour, lorsque le visir levant enfin le mas-
que, attaquerait cette place, il deviendrait impossible a la Porte de
ia sauver ou de la secourir.
En effet, en 1812; époque a laquelle se rattache ce récit, toute
communication entre Constantinopie et Kardiki était devenue im-
possible. Ali de Tebeie') se trouvait alors maitre absolu des Albanies,
des défilés, des frontières, maître absolu d'une armée de 15,000
hommes, maître absolu d'un revenu annuel de'12 mêlions, qui lui
permettait de tenir une cour souveraine.
Le moment de la vengeance jurée à Khamco mourante était donc
venu pour Ali.
Alors âgé de soixante-deux ans, il résidait à Janina. Invisible au
fond de sou sérail, il donna l'ordre et le plan de campagne,et au mois
de février de la m''me année (mois anniversaire de la mort de Kham-
co), ses généraux durent marcher sur Kardiki et Agyro-Castron,
cette dernière ville étant, pour ainsi dire, ïa clé de la première.
Marcher sur Kardiki la seule ville impériale des Albanies, la ville
occupée par soixante et douze beys grands vassaux de la couronne!
Kardiki résidence du neveu favori du sultan C'était un bien grand
cnmesansdoute;mats le visu-avait parlé, il voulait enmi venger, peut-
être au péril de sa vie, l'outrage fait aux siens, il avait parlé et on
avait obéi.
Servies par leur position presque inaccessible ces deux places se
défendirent intrépidement; mais le neveu du sultan fut tué, et leur
capitulation tut forcée, i'ourtaut les Kardikiotes ne se rendirent que
lorsque' leur position fut complètement désespérée, lorsque la soif
et la famine commencereutadécimer les ))~bitans. Ces extrémi-
tés nes'étaient p:'s fait attendre; car le;i fohtainiers et sapeurs de l'ar-
mée d'Ati curent bientôt détruit tes aqueducs qui conduisaient, l'eau
nécessaire à ces villes, bâties sur'ta cime des rochers, et un étroit
Mocus cmpt'cba les provisions d'arriver. Néumitoius les Kardikiotes
ne prévirent pas tout d'abord le sort qui les attendait; ne regardant
FagresHon d'Ali que comme une conséquence de ses autres envahisse-
mens, i!s pensèrent que te visir n'avait d'autre butque de compléter
sa souveraineté par. cette dernière usurpation. D'aii)eurs conment
eussent-ils songe à l'outrage fait la mure et à la sœur du visir un de-.
mi-siècle avant ces évcnemens ? la presque totalité de la génération exis-
tante n'étaiteilepas étrangèrcace forfait? Ce qui contribuaitàrassurer
encore cette population sur les suites de la conquête d') visir, c'est que
lors de la reddition de la ville, les licutenans d'Ali a/aient donne les
ordres les plus sévères pour que les personnes et les propriétés fus-
sent scrupuleusement respectées. Le traité suivant fait foi de ces dis-
positions pacifiques (1).
« Mustapha-Pacha, Selim bey Goka, issu de la première tribu des
Guegues et soixante-douze bcys, chefs des plus illustres phares des
Skipetars, tous mahométans et grands vassaux de la couronne, se ren-
dront librement à .tanina où ils seront traités et reçus avec les hon-
neurs dus à leur rang.–[1s y jouiront de leurs biens et leurs familles
seront respectées. Tons les hubitans de Kardiki seront, sans ex-
ception, considères comme les plus fidèles amis d'Ali, pacha dc.!anina,
qui prendra la vi le sous sa protection spéciale. Personne ne sera re-
cherché ni molesté pour faits antérieurs à l'occupation.
De part et d'autre, ce traite fut solennellement jure sur le Coran,
et les troupes d'Aii occupèrent tous les quartiers de la ville.
Pourtant épouvantes de ces mesures,dontia mansuétude apparente
contrastait si étrangement ave(; la férocité habituelie d'Aii de Tcbe-
ten, Mehemet-Hoy Coka et sa femme am:ère!it mipux se donner
la mort que de se ner à la parole d'Ali, et de se rendre a Janma.
Plus connans, les autres beys partirent sous bonne escorte pour la
résidence du visir. Leur route fut une fête. perpétuelle dans
chaque ville, d'après les ordres d'Ali, ils étaient reçus au son des
instrumens de musique et par les cris joyeux des, populations. En
arrivant à Jauma, les trompettes et les timbailes résonnèrent. Por-
tant des corbeilles de fleurs, prémices du printemps; accompagnées'
de joueurs de lyre, des chœurs de jeunes filles rappelant les théories
antiques, vinrent à la rencontre des prisonniers, en chantant la naïve
chanson des ~
..Ali, splendidement vêtu, souriant, l'oeil serein, s'avança trois pas
à la i'eucon tre des beys, embrassa tendrement les plus qualifiés, en
leurdisantqu'iiics regarderait désormais commec~eM ~y'c
/aMM'c. Qu'il avait été-jaloux, mais tendrement jaloux de voir
Kardiki si long-temps en dehors de son gouvernement, cette ville ayant,
comme'ies autres possessions du sultan, droit à la protection, a l'a-
mitié de son visir.– K Mais puisque le bonheur de cette ville a voulu
a qu'elle vienne se ranger sous ma loi, ajouta te satrape avec le
plus séduisant sourire, je veux la traiter .désormais en enfant in-
grat.mais chéri, qu'on aime, qu'on adore d'autant plus qu'on s'en
"est trouvé plus long-temps séparé, a
Complètement rassurés par ces semblans perfides, les beys n'hési-
tèrent plus'a Se rendre dans le château du Lac où leur étaient prépa-
rés de .splendides logemens. Mais une fois entrés dans ce sombre
séjour, ils y furent massacrés, et leurs corps donnés en pàture aux
poissons du lac.
Quoique cette épouvantable exécution dût déj faire mettre Ali au
ban de l'empire, il n'en pressa pas moins son départ pour Kardiki,
toujours occupé par ses troupes.
La veiliedecevoyage, il reçut une lettre de sa sœur Kaïnitza
retirée à Liboovo,jou elle avait appris la prise de la ville.
Nous l'avons dit, une sanglante fata!ité semblait s'apesantir sur
cette famille, digne par ses forfaits d'égaler celle des Atrides. Khamco
morte, Raïnitza, pour obéir s son frère,, et servir sa politique, qui
tendait toujours, on l'audit, a se rapprocher de. Kardiki, par ses cn-
vah'.ssemens ou ses alliances, Kaïnitza avait épousé sans amour, et
seulement pour servir les vues sanglantes et vengeresses de son frère,
soiiman bey de Berat, voisin et ancien allié des Kardikiptes, contre
lequel Ali nourrissait depuislongtemps Hne hame profonde et cachée.
Ainsi agissait toujours Ali. I! commençait par s'attacher d'a-
bord étroitement ses victimes par les liens de l'affection ou du sang,
afin de pouvoir les frapper plus sûrement.
Après deux ans de mariage, Soliman, époux de Kaïnitza fut poi-
gnardé par son fréreà lui, Ismaë!, et par ordre d'Ali, Kamitza épousa
le fratricide, qui devait à son tour périr sous les coups du Satrape. Ce
fut ainsi qu'Ait devint maître des possessions des deux frères; héri-
tage que lui abandonna sa.sœur qui participait, ou du moins se prê-
tait à tant de crimes, avec une féroce insouciance ne voyant dans
ces exécrables meurtres que. le moyen d'assurer la vengeance jurée
sur la tombe de Khamco.
Mais Kaïnitza, aussi impitoyable envers ses époux, que Khamco
l'avait: été pour Yely-Bey; comme sa mère, ressentait pour ses enfans
une sorte d'amour sauvage et frénétique, une sorte de tendresse de
Uonnequi s'exaspérait chez elle en une manie furieuse. Aussi,
qu'on juge de sa rage lorsquelle vit périr a la Seur de leur âge
les trois enfans qu'elle avait eus de ses deux' mariage~ !.e dernier
de ses fils, Aden-Bey, était mort environ deux mois avant la
prise-ds Kardiki.
Alors la douleur de Kaïnitza n'eut plus de bornes, et se révéla par
des actes d'une folie sauvage. Les médecins qui n'avaient pi) sous-
traire son n)s a la mort, furent empalés. Par deux fois elle se
précipita dans un lac, mais elle en fut retirée a temps. Par deux fois
cite voulut mettre le feu a son palais pour s'ensevelir, elle et ses fem-
mes, sous ses décombres mais renonçant à ces projets de suicide et
d'incendie, elle fit mettre en pièces les glaces et les prnemens de son
sérail, ut peindre en noir les vitres des fenêtres, brisa à cnnpSide
marteau tous ses diamans, toutes ses pierreries, ainsi qus celles qui
avaient appartenu à son nis; (it tuer tous les chevaux, égorger tous les
j esclaves d'Adcn-Bey. Puis, vêtue d'un sac, elle ne voulut plus désor-
mais se coucher que sur de la cendre, au milieu de son sérail dé-
vasté.
Ce fut au milieu de ce paroxysme d'effroyable douleur qu'elle ap-
prit la prise de Kardiki. Eile écrivit aussitôt a Ali
'1 .( Je ne te donnerai plus te titre de visir, ni )e nom de frère, si tu
ne-gardes par la foi jurée a notre mère'sur ses restes inanimés. Tu
,dois, si tu es fils de Kbamco, lu dois détruire Kardiki, exterminer
ses habitaus, et remettre ses femmes et ses filles en mon pouvoir,
afin d'en disposer a ma fantaisie. Qu'elles périssent toutes, .~)~
i D6Ma3 p~M COM.cAcr.~MCSM)' C/M ?MN<6~A' ~
nous avons reçus d'eux auxjours de notre humiliante captivité (2).e »
Le lendemain du jour ou i- reçut, cette lettre, le 19 mai 1812,
Ali se mit en route.. il devait en allant a Kardiki s'arrêter à Li-
boovo pour v voir Kaïnitza. &j. Pouqueville, consul de France à Ja-
nina, ayant a parler .à Ali, se rendit au palais. Depuis le matin les
troupes défilaient, les bagages sortaient dn sérail, et les pages, armés
de toutes pièces, n'attendaient plus que l'ordre de monter à cheval.
Arrivant auxappartcmens intérieurs du palais, le cons! de France
j se fit annoncer. Le rideau de brocard qui cachait la purte se leva,
il entra, et vit Aiip~cha dans une attitude pensive. Ses traits étaient
toujours d'une grande majesté, sa barbe blanche tombait à tlots sur
(t) PouqueviHe .~eainsi tMtuet)pmen) cité dans cet ouvrage.
(S) P~uquevutecite textueUement cette tettre. Votume 1, p~e 408.
sa large poitrine; coiffé d'un bonnet de relours vio!et, brode d'or, le
visir portait un manteau écarlate et était chausse de buttes de velours
cramoisi. Appuyé sur sa hache d'armes, assis les jambes pendantes
au bord de son sopha, il fit signe au consul de s'approcher, et à son
divan alors assemblé, de s'éloigner.
Suçant l'étiquette, [c consul se plaça a sa droite; alors AH, sem-
blant sortir d'un songe, attacha long-temps ses regards sur ceux du
l'envoyé français, put affectueusement une de ses mains dans les
siennes, et lui dit d'une voix empreinte d~une profonde tristesse en
levant au ciel ses yeux humides de iarmes (1) « Crois-moi, mon
E)s, oublie tes présentions contre moi, je ne te dirai plus de m'ai-
mer; je veux t'y forcer en suivant un système oppose a celui que j'ai
mis jusqu'il en pratique. Ma carrière es): remplie, et je vais termi-
ner mes travaux en montrant que si j'ai été ternbic ci. sévère, je sais
aussi respecter l'infortune et l'humanité. »
Stupéfait de ce tangage si nouveau dans la bouche d'Ali, le consul
hésitait à le croire, et sa physionomie trahissait ce doute. Lorsque
ce satrape continua avec un accablement douloureux, et comme s'il
eut été brisé par un remords profond Hélas mon !ils! te passe
n'est plus en mou pouvoir, j'ai verse tant de sang ~Mc ~t /~t ~!e
~M~t, et je n'ose regarder derrière moi. »
A cet aveu qui vint lui rappeler tous les forfaits d'Ali, le consul,
par un mouvement d'horreur involontaire, voulut retirer sa main
des mains d'Ali, mais celui-ci le regarda avec une expression si dou-
loureusement désespérée, que le Français ue repoussa pas le visn'
« Crois-moi–mon n!s, reprit n-]i d'une voix vibrante d'émotion–j'ai
désiré la fortune et je suis comblé de ses dons j'ai souhaité des sé-
rails, une cour, le faste, la puissance, et j'ai tout obtenu; si je com-
pare la maison de mon père à ce palais brilfant d'or, d'armes, de ta-
pis précieux, je devrais être au comble du bonheur, ma grandeur
éblouit le vulgaire. Tous ces Albanais prosternés à mes pieds en-
vient l'heureux Ali de-TebeIcn, mais si on savait ce que coûtent-ccs
pompes, je ferais pitié. J'ai tout sacrifié a mon ambition; je ne suis
entouré que de ceux dont j'ai égorgé les familles. mais éloignons
ces tristes souvenirs, mes ennemis sont en mon pouvoir; je prétends
les asservir par mes bienfaits. Je ~eM.c ~cw<-
mon cher (ils, d'être du .voyage que j'entreprends, et comme je se-
rai bientôt de retour, nous descendrons a Prévésa pour y passer les
premiers beaux jours du printemps. Ecris, je t'en prie, ce que je
viens de te dire à ton ambassadeur, car mes ennemis ne manque-
ront pas de pte calomnier à Constantinople, et il est bon que la véri-
té devance leurs dénonciations (2).
Cette conversation terminée le visir se sépara du consul et monta
en voiture.'
Deux jours après son départ de Janina, Ali arriva sur le territoire
de Liboowo, lieu de résidence de Kaïnitza. Le visir trouva sa sœur dans
le découragement le plus sombre et le plus farouche. M resta long-
temps enfermé avec et!e. Ou ne sut rien de leur mystérieux en-
treuen, mais la douleur presque furieuse de Kaïnitza parut beaucoup
adoucie. Les ornemens du sérail furent re, lacés ou reconstruits a
la hâte, et elle donna une fête spiendide à son frère, qui lelendemain
continua sa route ver~ Kardiki, escorté de ses Palikares et de Mi-
chaël qui, arraché par Aii au sort aifreux que hii réservait le bek-
tadgi, était devenu, sous le nom d'Anastase Vaïa, un des seïdes les
plus féroces du visir.
Jamais Ali n'avait été plus riant et plus gai. La route de
Liboovo a Rardiki était charmante, on entrait dans le printemps d'H-
pire. les prés se couvraient d'un trefSe tendre et vert, des bancs
d'anémones, de jacinthes et de narcisses fleuris, cmbaumaientl'air.
les amandiers se couvraient de leur neige odorante. La feuille tardive
des grenadiers commençait à poindre, l'arbre de Judée se couronnait
de pourpre. Les blanches cygognes arrivaient empressées, car mars
était venu. mais non les hi.ondelles, mais mm ies huppes, mais non
les cailles M'euses qui, sous ie soleil ardent du tropique, attendaient
avril. Pourtant, quelques rossignols impatiens, abrités sons des
touffes de myrthes et de lentisques, devançaient ce doux moisj et leur
voix pure et solitaire soupirant c~éjà semblait délier les chanteurs
nmbulansqui, sur la lyre d'Albanie, vont dire. de village eu village
la chanson des violettes et la chanson des hirondelles.
Le surlendemain, Ait arriva enfin à Chendry:), château fort, bâti
au faite d'un rocher et peu éloigné de ia rive oriente du Celydnns,
d'où l'on domine au loin, se déroulant en immense panorama, la val-
lée de Drynopolis, la vil:e de Kardiki, la sauvage entrée des noirs
déGlés antigoniens, ies échelles gigantesques de Moussuna et les plai-
nes fertiles de F \rgyrine.
Des le matin les hérauts d'armes d'Ali, vêtus de pourpre, portant
des clairons a banderolles de soie, étaient montés à K.ardiki pour y
porter de sa part la promesse d'un pardon et d'une amnistie généra-
le. En conséquence, le visir mandait à tous les Kardikiotcs, hommes
et cnfans, depuis l'âge de dix Knsjusqu'a l'extrême vieillesse, de se
rendre devant le château de Ch"drya, afin d'y entendre de la bou-
che du visir, t'a.<~c ~M.t '~oM/~t cm ~tAcMr.
Quoique le sort des beys fut encore ignoré, la férocité d'Ali et ses
formes doucereuses étaient si universellement redoutées, que cette
population, sans prévoir le sort qui l'attendait, reçut cet ordre avec
tous les signes de la plus grande terreur. Les femmes qui, par l'ordre
du visir. restaient à Kardiki, éclataient en sang!ots, les hommes en
imprécations. Plusieurs mères prirent Leurs enfans dans leurs bras et
se précipitèrent du haut des rochers de Kardtki dans le Celydnus.
EnMn il faUut obéir, et tons les hnbitans mâles de la vilie se rendirent
dans une plaine située au pied du château de Chendrya où se trou-
vait te visir entouré de quatre mille Palikares, Armatoles et Mh'dite~.
Les principaux delaviile voulurent se jeter aux pieds du visir; mais
celui-ci ne leur en laissa pas le temps; embrassa affectueusement tes
plus âgés, les appela les bien aimés de son cœur, ses bons pères,
leur parla de l'ancien et bou temps de l'Entre, de ces jours o'! lui,
Ali, disputai:: aux plus jeunes et aux plus agites des Chares voisins de
Tebelen, le prix de la course, de la lutte et du tir, prix que sa mère
Khamco. distribuait, placée derrière une fenêtre dn sérail. Il ie'jr
paria encore des Klephtes renommés de ce temps-là, dont le nom
portait la terreur dans la plaine; mais de sa mère, mais de sa sœur,
mais de l'outrage fait a sa famille, A h ne dit pas un mot.
Employant cn6n les charmes irrésistibles de sa séduction habi-
tuelle, le visir rassure ces malheureux, les attendrit, calme leurs
craintes, puis il les interroge avec sollicitude, s'enquiert de leurs be-
'soins, de ceux de la ville, qu'il voulait, disait-il, faire /!ort~plus beHe
qu'aucurrc ville d'Albanie, fi leur parle encore des routes qu'il vou-
lait faire percer, de la reconstruction des aqueducs enfin, après
avoir presque comptétement rassuré ses victimes, i) les congédie, en
les priant d'aj'er l'attendre dans un cara\ansérail voisin où allait
se rendre afin de s'entendre avec eux pour réaliser les promesses
qu'i! leur a faites au sujet des embeUi.sst'mens de Kardiki, et de la
réduction des impots qu'ii désirait diminuer.
Ce caravansérail formait une sorte d'immense cour carrée, dans
(1) Ce discours est aussi fMtueUement rapporte par M. PouqueviHe.
(9) PouqutYiOe. R
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