Titre : La Presse
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1839-02-26
Contributeur : Girardin, Émile de (1806-1881). Directeur de publication
Contributeur : Laguerre, Georges (1858-1912). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34448033b
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 février 1839 26 février 1839
Description : 1839/02/26. 1839/02/26.
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k427667s
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
Paris, 25fëYrierlS59.
Monsieur, à prapos de l'élection d'un député à Clermont (Oise), je trouve
mou nom dans ynt'e jnu'nai comme étant celui d'un candidut que tes élec-
teurs opposent a M. Legrand; vous avez été induit en erreur. En'ectiYcmcnt,
un très grand nombre d'ctcutcurs de trois arrondissemens ont bien voulu
me faire savoir que leur intention était de me designer à la conSance de
.leurs concitioyens; mais tout en !eur exprimant ma vive et profonde recon-
naissance, je )cur ai déclaré que j'avais renoncé a la deputa~on.
Recevez~ mousieur, i'assuranc&dema parfaite considération.
Comte JLLES DE I,AROCHErOt;CATLT.
MARNE~Les électeurs constitutionnels deSainte-Menehou)dsontdéci
dés à opposer à M. Pérignon, l'un des 2t5, le gé.érai Nacquart, )eur com-
patriote. La circulaire que cet honorable candidat vient d'adresser aux
électeurs renferme les principes que partagent tous les amis de t'ordre, de
!a paix, et de la propérité pubhque. La candidature de M. Pérignon en pré-
sence de la candidature de M. le gênera) Nacquart commence à donner de
sérieuses in quiétudes aux partisans de la coalition.
SEtNE ET-~AUXE On nous écrit de Meaux < Nous avons eu hier une
assemblée électorale dans laquelle M. Pprtaiis, )'un des candidats, est venu
donner des exptications. La circutaire qui le plaçait par ses termes formets et
précis au rang le plus avancé de t'ea-<)'en!c pa'tc/;e a été de la part de M. Por-
talis l'objet des interprétations les plus étranges. Ainsi, et sans entrer dans
tous les détails de cette curieuse dissertation, nous avons ndc)ement'retenu tes
cxpiications suivantes. M. Portalis a dit dcns sa circuiaire qu'il serait mi-
nistériel quand )a France serait rentrée dans~e~ ft't))t pë))é sur ces expressions, il a répondu que !es limites ;Mtt;)'e//e~ dont il par-
lait ne pouvaient s'entendre quejde tasituation de!France,~teUe qu'elle est au-
jourd'hui avec des forteresses au nord et au midi. Or, quoi de moins natu-
rel que ces forteresses! M. Portalis sur ce point n'a pas dit sa pensée la
guerre seule pourrait nous rendre tes limites que désire M. PortaUs. Les
ëtecteurs n'oct pas paru partager les commentaires du candidat de la coa-
lition.
< M. Portalis a parlé de son attachement pour la dynastie! II a bien voulu
aller chez le roi après la naissance du comte de Paris, et a la mort de Mme
la duchesse de Wurtemberg! Quelle épreuve de dëvoûmcnt au trône consti
tutionne)! Quauta à la ligne d'opposition qu'il a suivie, M. Portais a voutu
faire croire que son opposition n'était pas s;e!!iatois utiles, et pour les ministres qui présenteront de bonnes ioi.s. J) parait
que depuis 1850, M. Portafis a juge toutes les lois mauvaises, tous les mi-
nistres mauvais, toutes )es propositions dangereuses, car M. Portalis a vote
contre tous les cabinets qui se sont succédés depuis la rëvotution de juillet.
Le ministère qui méritera tes sun'rages et les votes de M.Portaiis ne s'est
pas encore rencontré dans tes afiaires du pays. Tant mieux!
Au surplus, les exptications données par M. Portaiis ont mis une seule
chose en évidence, c'est qu'i) n'a pas le courage de son opinion. L'effet pro-
duit par sa circujairo électorale, où se manifeste la violence de ses opinions
appréciées aujourd'hui par les électeurs a )eur juste prix et redoutées par.la
majorité du pays, n'a pas été atténué par les interprétations que le candidat
adonnées." n
VENDEE On nous écrit de Bressuire < La majorité des électeurs est
décidée a opposer M. Chauvin -Lenardière à M. T) ibert qui est étranger à
l'arrondissement, et qui, par son union avec la coalition~ a mécontente tous
les hommes sages.
M. Chauvjn-Lenardiere est du pays, ses opinions franchement constitu-
tionne!!es, sa position, son caractère nobte etindépendant )ui assureront les
suffrages des électeurs qui veulent le maintien de nos institutions et qui re-
poussent l'anarchie.
r ¡¡ d\III
afcnvcMcs et Caits ~B~~g.
Hier matin, te roi a reçu MM. les ambassadeurs d'Autriche et de Sar-
daigne, MM. lez ministres de Bavière, du Brésil et des vittes libres et an-
séatiques.
S. Eic. M. Je comte d'Appony, ambassadeur de S. M. t'empereur d'Autri-
che S. Exc. M. le marquis Brignote-Sate, ambassadeur de S. M. te roi de
Sardaigne, et M. )e comte Jeuison, envoyé extraordinaire et ministre pté-
nipotentiaire de S. M. )e roi de Bavière, ont remis successivement au roi,
en audience particulière, des lettres de leur souverain, en réponse à la no-
tification de ia mort de S. A. R. Mme ta duchesse Alexandre de Wurtem-
berg.
M. le préfet de la Seine ne recevra pas samedi prochain 2 mars, mais
M recevra le samedi 9 et les samedis suivans.
La caisse d'épargne de Paris a reçu, dimanche 24 et )undi 2S février
1859, de 5.665 déposans, dont 497 nouveaux, la somme de 492,7)0 fr.
Les remboursemens demandés se sont élevés à la somme de 790,000 fr.
Du 16 au 25 février 1859., il est entré dans le port de Boulogne 6
paquebots avec 214 passagers et )S chevaux; il en est sorti 8 paquebots avec
255 passagers., 2 voitures et-4 chevaux.
Le PopM~t're roya/M bureaux pour un article politique.
On mande.de Smyrne, 2G janvier L'amiral Lalande a donné une
fête, à bord'de t'B~rcM/c, au gouverneur Hussein Bey.
M. Vernhette, conseillera ta Cour royale de Montpellier, vient de
mourir.
L'état civil de Marseitte a enregistré le 19 fevrie.' l'acte de décès de
!a nommée Marie Escaref, née n Fréjus en 1756, morte, rue du Puits-Satnt-
Antoine,.6. Cette ceutenaire habitait Marseitle depuis deux mois.
Lasemainederniere, un homme résidant à Chape)em-)e-Frith, a été
exposé en vente aux~encheres par s~ femme, qui probab)ement était fatiguée
de sa société. La mise à prix était de 19 shillings (25 fr. 75 c.'); mais per-
sonne n'ayant surenchéri d'un seul shi))ing, force a été de retirer l'enchère
et de t'ajourner a une époque indéfinie.
–M. James Wheble, ex-haut sheriff du Berkshire, dans une lettre qu'il
'vient d'écrire à l'éditeur du jRef!d!'ng ~erett)' estime que )e nombre des con-
versions à la foi catholique en Angteterrc, peut être évalué à environ 2,000
par année. Dans les derniers mois qui viennent de s'écouler, le docteur
Watsh, éveque de Midtand~ a confirmé 692 convertis dans tes comtés de
l'est. Au nombre des convertis~ on roma.que M. Frederick Lucas, de Middte-
Temple, avocat distingué qui a abjuré les dogmes de la Société des amis
pour embrasser la foi catholique.
Le sieur Lazare Dubois, ancien gérant du journal rB;ud;H)!f, déclaré
coupable d'outrage à la morale publique et religieuse, a été condamné au-
jourd'hui, par la cour d'assises de la Seine, a six mois de prison et 1,000 fr.
d'amende.
Aujourd'hui mardi, D;fHtf de C/~t;r;/ à la Renaissance, et deux fois en-
core dans ta semaine, pour répondre à l'empressement du pubtic.
Nous ayons annonce dans )a Presse du 24 février que MM. Ben'yer
et Lhenry avaient été assignes à la requête de M. Piiout libraire
pour répondre à une demande d'éxecution d'eugagemens contractés
et nous avons reproduit un desconsidérans de cette assignation. Hier
au soir nous avons reçu, de M. Berryer, mais trop tard pour lui donner
place dans nos colonnes, la lettre que voici:
a choisi pour susciter l'étrange procès où je suis appelé, avec M. Lhenry
devant le tribunal de commerce. La vérité est que j'ai travaillé pendant les
mois d'avril, mai et juin 1S56, pour la publication du recueil int)tu!e Lepon.!
et n:od GUATRE MILLE FRANCS pour prix de mon travail; qu'aucune autre somme
ne m'a été remise; qn'enËn au mois de septembre ou d'octobre, de la même
année 1836, sur la demande de M. Lhenry, qui m'écrivit, en Allemagne,
que cette compilation avait peu de succès, je renonçai aux autres avantages
qui m'avaient été offerts et promis.
Je réclame, monsieur, l'insertion de 'cette !ettre dans le numéro de votre
journal qui paraîtra demain.
Je suis, etc., BERRYER 6!s,
ancien député de MarseîUe.* »
Monsieur le rédacteur, je lis dans votre numéro du 24 courant, que M.
Berryer et moi sommes sons le coup d'une plainte en police conelle. Cette assertion est complètement erronée, et je m'étonne qu'elle ait
trouve place dans votre journa).
Ag~M, etc. LHENRY, éditeur.
Nous recevons à l'instant la lettre suivante de M. Pilout, libraire.
Cette lettre est adressée ega!emcnt à la ()Motîd!<;KMC et à l'FMfo~e MO-
Mnous abstenir de toute retiexion, laissant au tribunal saisi de ratfaire
le soin de prononcer dans ces débats.
« Monsieur, la tettre de M. Berryer, insérée dans votre numéro d'hier, au
sujet de Faction que j'ai intentée contre lui et le sieur ),hpnry, donne à
entendre que j'ai agi dans un but potitique et à i'instigation du ministère.
I) m'importe de repousser une pareiUe imputation, voitce sous des for-
mes polies, et de détromper vos lecteurs.
Ma réponse sera simp)e; la voici
Ma position de fortune me rend tout-h-fait indépendant. Si je voulais
être éicctcur, je !e serais maisje préfère rester en dehors des intrigues, et
ne point se meter de politique. Je ne suis et ne serai jamais l'instrument de
personne..Libraire, je fais honorabtcment mon commerce, et remplis avec
joyaute, j'oserai dire avec délicatesse, /e.so'ext (;e!<.< o't xo't. J'avais toujours pensé (pje l'on devait agir de même à
mon égard; je me suis trempe. Fort duu droit que je crois avoir, j'ai fait
assigner devant le tribunal de commerce M. Berryer et M. Lhenry, l'un
comme auteur d'un ouvrage resté inachevé, )'autre comme éditeur de cet
ouvrage, pour )es contraindre à remplir des promesses qu'ils semblent avoir
oub)ifes.
H y a plus de six mois, et alors on ne prévoyait pas la disso)ution de
)a cha!t)b.re des députés, qu'il a été question, dans la maison de M. de Yen-
nois, banquier, et chez M. Martinon, libraire, d'introduire )a demande qui
parait St ETRANGE à M. Berryer.
J'ai assez témoigne do mon admiration pour Fittustre orateur, et fait
une assez large concession à Fhomme politique et à l'homme de talent, ou
de parti si )'on veut, en le traduisant seu)ement devant le tribunat de com-
merce, qui n'est jamais appelé à appliquer tes peines prévues par notre code
péna).
'J'aH'honneur,etc.,
Signe NLOUT.
RARMKL
CHAPITR.EDEUXIEME.
BjcBc'MsKtg'S.
(Yoh'IaP/'eMcd'hicr.)
Il serait difficile de se Sgurer la misère de l'habitation de Marco.
Dukas, père de Micbaël, qui partageait d'atHeurs le sort déplorable
de presque tous les paysans chrétiens de l'Albanie.
L'état d'anarchie, de violence et de brigandage au milieu duquel
avait toujours été plongé ce malheureux pays, depuis la conquête ot-
tomane, avait nécessité l'usage général des constructions bizarres
qu'on retrouvait dans le tchiftlik ou vidage du défilé de Tebelen.
Avant que les exiles de Gladista ne les vinssent occuper, ces miséra-
bles chaumières, avaient été bâties par desTukas, habitans d'une tri-
bu naguère transportée ailleurs par Ali,' qui jugeait nécessaire à sa
politique.ombrageuse de déplacer ainsi continuellement les populations.
Bien que par ses ordres les habitans de Gladista eussent été désarmés
a leur arrivée dans ce village, la position particulière des maisons, de
TcbiNikh'en paraissait pas moins forte car chacune dans l'isolement
des habitations voisines s'élevait, selon que les locatités le permettaient,
sur un monticule ou une aspérité de rochers, dominait à une portée
de fusil le terrain environnant, et devenait ainsi une sorte de redoute
a laquelle on ne pouvait même souvent arriver qu'au moyen d'une
échelle qui était retirée pendant la nuit.
Quant a l'habitation de Marco Dukas, rien de plus pauvre. Bcs
murs nus et boueux, un sol humide à peine battu, une mince natte
de paille, servant à ~a fois de siège et de lit à cette pauvre famille,
un lambeau de couverture, un mauvais coffre sur lequel on voyait
deux grossiers vases d'argile, l'un plein de l'eau du Yoïoussa, l'au-
i'autre rempli de maïs cuit sous la cendre, et mélangé de lait de
chèvre caiité mets 'dé[estable nommé confOMmcmJ, nourriture ha-
bituelle des montagnards de l'Ëpire.
Tel était l'intérieur de cette masure à peine échauffée par un feu
noirâtre de bois de sapin, allumé a l'un des angles de la muraille,
et dont la fumée n'avait d'autre issue qu'une étroite metu'trière, qui
laissait entrer à chaque instant dans ceUe cabane des rafl'ales de nei-
geou de vent glacé.
Pourtant le montagnaid, sa femme et son fils semblaient à cette
heure paisibles et presque joyeux; la conscience d'un danger passé,
le bonheur de se trouver réunis après un grand péril, l'espoir d'une
chétive amélioration dans leur misérable existence, grâce au parti
que ces infortunes comptaient tirer de l'ours, laissé à la garde de
Tomoros, tout concourait enfin, à leur montrer l'avenir sons~ use cou-
leur un peu moins sombre que d'habitude.
Assis entre son père et sa mère; sur la natte qu'ils avaient rappro-
chée dû foyer, Michaët était tour :t tour l'objet de leur tendresse.
Noëmi, femme de Marco Dukas, âgée de trente-deux ans environ,
eût paru belle sans les traces profondes et les rides précoces que la
misère et un travail forcé avaient imprimées sur ses traits naturelle-
ment fins et délicats. Enveloppée d'une sorte de longue robe de laine
brune en lambeaux, coiffée du fez rouge national, garni d'un rang de
coquillages, qui remplacent chez les pauvres les colliers de pièces
d'or ou d'argent dont les femmes grecques riches ou aisées ornaient
leurs coiuures ses cheveux noirs tombaient en longues mèches
sur ses épaules et elle serrait la tête de Michaël contre sa poi-
trine, en tachant de réchauffer cet~ enfant, qui s'était, endormi sur
ses genoux.
Marco Dukas, de taille moyenne,, mais vigoureuse, au teint hâlé,
à physionomie à la fois caime, sagace et hardie, portait ses cheveux
nottans derrière la tête et rasés sur le front et sur les tempes. Il
avait quitté son képé de peau de chèvre et était vêtu d'un vieux yel-
lek, ou veste courte de gros drap vert; une ceinture de laine rouge
faisait plusieurs fois le tour de sou corps, serrait à sa taille sa jupe
épirote, de grosse toile blanche; enliu, un morceau de cuir non tan-
né, attaché .avec des courroies, enveloppait ses pieds et ses jambes
nerveuses en façon de guêtres.
Fumant sa pipe à fourneau d'argile et a tuyau de cerisier sauvage,
de temps à autre Marco Dukas caressait le lévrier, fidcle compagnon
de Tomoros, échangeait quelques paroles avec Noëmi;, ou avivait le
feu, dont la lueur vaciilantc éclairait cette semé.
Après avoir long-temps causé de la manière d'utiliser les restes de
l'ours, qu'ils considéraient comme un don de la Providence, ces pau-
vres gens en vinrent à parler de KhaEico,'mère d'AH, femme re-
doutée, donfon ne prononçait jamais le nom qu'avec terreur, et en se
signant, comme s'il se fût agi de l'ennemi des hommes.
Que la sainte Vierge nous assiste,–dit Nuëmi.–unchèvrier de Bé-
sat qui passait hier à la tombée du jour, de l'autre côté du neuve,
et en face du château de Tebelen, a vu toutes les fenêtres du sérail
flamboyer à travers leurs grilles, d'une lumière d'abord bleue, puis
qui bientôt est devenue rouge. mais d'un rouge couleur de
sang! 1
Marco Dukas fit le signe de la croix et reprit La magicienne
dispose d'Eblis (1) comme moi de mes molosses, et elle peut changer
la clarté du jour en fournaise ardente comme son ills. Le lion de
(i) Lediabje."
`
Tebelen (1) a changé notre beau soleil deGladista en ténèbres glacées,
nos champs fertiles en rochers désolés. où il faut encore disputer
nos enfans aux bêtes féroces"– dit le montagnard en songeant avec
une nouvelle amertume au cruel exil qui l'avait jeté dans le Gruca.
Puis il ajouta d'un air sombre Que Dieu maudisse Khamco et
son uls et nous éloigne toujours de leur chemin, caria où Us ont
passé les moissons ne pourront plus croître (3).
h'st-ce vrai ?–reprit Noëmi a voix basse, –qu'on entend pendant
la nuit des cris lamentabtes sortir des caves noires du serait? et que
d'autres cris étranges et plaintifs leur répondent dans les airs?.
Ce sont donc alors les âmes des morts qui appellent à elles les
âmes de ceux qui vont mourir car la vieille Khamco a beaucoup
tué et tue encore beaucoup dans le sérail. Puis après une longue
pause, le montagnard reprit
Oui, oui, eue et sa fille Kaïnitza tuent dans le sérail avec le
poison et la magie; comme le lion de Tebelen, leur'fils et leur frère,
tue dans les champs de guerre avec la masse d'armes et )e fusil.
Malédiction sur la lionne et ses lionceaux. Malédiction sur Ali
qui a ravage Gludisia, égorgé ou emmené en esclavage ceux des
nôtres qu'il n'a pas parqués dans cet aO'reux pays où nous péris-
sons de froid, de faim et de misère; encore, encore, maudits soit-
elle cette race de Tebplen!
A ce moment, une violente l'anale de neige et de vent s'en-
gouffra par la petite fenêtre avec un grand bruit, refoula la fumée
sur Fâtre et éteignit presque le feu.
Emue par un sentiment de crainte involontaire Noëmi se
pressa, contre son mari tout en se gardant d'éveiller son fils dont le
sommeil semblait agite.
Terrible nuit! –dit le Grec, en remettant dans le feu quelques'
pommes de pin qui jetèrent une vive clarté.
Puis, il ajouta, –quoique notre abri soit bien chétif, remercions-
en Dieu, car il doit a cette heure faire un temps cm-oyable dans le
défilé; –et, pensant a son a molosse qui gardait l'ours, Marco Dukas'
ajouta avec un soupir –pauvre Tomoros!–Et il carressa plus af-~
fectueusement encore son autre chien.
Montrant a son mari Michaël endormi sur ses genoux Cher en-
fant vois donc comme il dort, dit Noëmi, les yeux baignés de lar-
mes en songeant au danger qu'avait couru son fils. –Puis, elle écar-
ta les mèches de cheveux bruus qui cachaient la figure maigre et
souffrante de l'enfant, et le baisa doucement au front. Se penchant
aussi sur Michaël, le montagnard le contempla quelque temps en si-
lence avec une pénible expression de tendresse mêlée d'amertume,
car tJ pensait sans doute au misérable avenir de cet enfant.
Tout-a-coup, agitant ses mains sans ouvrir les yeux, Michaël ému
et oppressé fit entendre quelques mots inarticulés.
11 rêve, i! rêve; puisse la Vierge lui donner un heureux songe,
dit tout bas Noëmi; et, courbée vers l'enfant, elle épiait l'expres-
sion de sa figure avec inquiétude.
Le front de '.iichaël se mouilla de sueur, ses traits s'altérèrent; il
parut en proie à une émotion terrible, poussa ~n cri plaintif suivi du
nom fatal de .K/Mmco puis il se tut; mais son agitation continua.
–Que Dieu protège notre enfant,–s'écria la pauvre mère desoiée!
–Il rêve de la magicienne! Matheùr à nous! malheur ~fi~sT~
Que Dieu la maudisse et la damne à jamais, car~efle ~.empoî~
sonne jusqu'au sommeil des enfans reprit le MoE~gu~râ '-&ve,
colère. .1" rl;
Il allait peut-être continuer, lorsque s'arrêtant brusa.sem~~ j~~t-
a sa femme en redressant la tête et se tournant du cô~'d~ia~pol'
Tu n'as rien entendu ?
Rien, reprit Noëmi, et regardant son mari aveh-L~~er~~
serrait instinctivement son fils entre ses bras.
Marco Dukas se [eva d'un bond; alla voir si les deux barres de
bois qui fermaient la porte en-dedans étaient solides, puis il resta
debout et continua de prêter l'oreille.
J'ai peur,–dit Noëmi en pâlissant et en cacliant la tête de son
fils dans son sein.
Le Grec colla tout à coup son oreille à la porte, écouta un mo-
ment, puis il fit signe à sa femme de garder le silence, et' dit a
voix très basse –Ou vient. on vient. j'entends le pas des
chevaux.
Les Klephtes (3) s'écria Noëmi avec un accent de terreur
profonde.
Ma mère, ma mère la magicienne, grâce s'écria l'en-
fant, réveillé en sursaut et s'attachant au cou de Noëmi.
Marco Dukas, après avoir jeté un coup d'œil rapide et désespéré
autour de sa cabane, leva les yeux an ciel, et ne put prononcer que
ces mots Et pas d'arme d
A ce moment la porte fut violemment ébranlée et une voix s'é-
cria
Pourquoi oses-tu t'enfermer ainsi chez toi, chien de radja
Ouvre a l'heure même, lièvre (Z)),–dit un autre. –Puis avant
même que le montagnard ait eu le temps d'obéir à ces ordres, un des
Guègues introduisant le long canon de son fusil par la petite fenêtre,
sembla vouloir diriger, quoique au hasard, le coup de haut en bas,
et fit feu.
La balle sida, ricocha et heureusement a)Ia, sans blesser personne,
s'enfoncer dans l'épaisseur du mur enduit de terre.
Vous allez tuer l'enfant Ils vont tuer l'enfant Prenez garde
a l'enfant!–s'écria le-Bektadgi de sa voix petite, grêle et gutturale.
En entendant ces mots, si humains en apparence, et qui contras-
taient étrangement avec la férocité de la première agression des ca-
valiers, la malheureuse mère, par un instinct d'une effroyable sa-
gacité, devina tout à coup qu'on venait lui enlever son fils.
Marco Dukas eut la même pensée, et tous deux se regardèrent
avec épouvante.
Il fallut que les regards du montagnard, en retombant sur Michaël
qu'il serra contre lui avec une expression de défi sauvage, fussent
bien terribles et bien significatifs, car Noëmi, se précipitant aux ge-
noux de Marco Dukas, s'écria les mains jointes Ne le tue pas!
-–Pourquoi?.demanda le Grec, avec un calme effrayant.
–Ouvriras-tu, chien de Radja? dirent des, voix tumultueuses en
ébranlant la porte.
–Veux-tu donc périr par le hêtre (5), –s'écria la voix stridente
du Bektadgi.
Tu les entends, reprit Marco Dukas, en tirant son poignard'de
sa ceinture.
Nele tue pas! Au nom de Dieu, ne le tue pas! s'écria
la mère.
Tu veux donc qu'ils l'aient vivant? Tu veux donc qu'il périsse
dans les sortilèges impies de Khamco et de sa fille? –dit le monta-
gnard en faisant un geste désespéré.
Grâce! mon père, grâce! Que vous ai-je fait? –demanda
l'enfant épouvanté.
(1) Surnom d'Ati-Pacha.
(2 Proverbe grec apptiquë aux Turcs.
(5) KJephte-voieur-brigand, nom donne aux troupes albanaises d'A)i et de
sa mère.
(4) Terme de mépris adresse par tes musulmans aux chrétiens.
(S) Etre empale, )e bois da Mtre servait ordinairement à faire te! pattt
Monsieur, à prapos de l'élection d'un député à Clermont (Oise), je trouve
mou nom dans ynt'e jnu'nai comme étant celui d'un candidut que tes élec-
teurs opposent a M. Legrand; vous avez été induit en erreur. En'ectiYcmcnt,
un très grand nombre d'ctcutcurs de trois arrondissemens ont bien voulu
me faire savoir que leur intention était de me designer à la conSance de
.leurs concitioyens; mais tout en !eur exprimant ma vive et profonde recon-
naissance, je )cur ai déclaré que j'avais renoncé a la deputa~on.
Recevez~ mousieur, i'assuranc&dema parfaite considération.
Comte JLLES DE I,AROCHErOt;CATLT.
MARNE~Les électeurs constitutionnels deSainte-Menehou)dsontdéci
dés à opposer à M. Pérignon, l'un des 2t5, le gé.érai Nacquart, )eur com-
patriote. La circulaire que cet honorable candidat vient d'adresser aux
électeurs renferme les principes que partagent tous les amis de t'ordre, de
!a paix, et de la propérité pubhque. La candidature de M. Pérignon en pré-
sence de la candidature de M. le gênera) Nacquart commence à donner de
sérieuses in quiétudes aux partisans de la coalition.
SEtNE ET-~AUXE On nous écrit de Meaux < Nous avons eu hier une
assemblée électorale dans laquelle M. Pprtaiis, )'un des candidats, est venu
donner des exptications. La circutaire qui le plaçait par ses termes formets et
précis au rang le plus avancé de t'ea-<)'en!c pa'tc/;e a été de la part de M. Por-
talis l'objet des interprétations les plus étranges. Ainsi, et sans entrer dans
tous les détails de cette curieuse dissertation, nous avons ndc)ement'retenu tes
cxpiications suivantes. M. Portalis a dit dcns sa circuiaire qu'il serait mi-
nistériel quand )a France serait rentrée dans~e~ ft't))t
lait ne pouvaient s'entendre quejde tasituation de!France,~teUe qu'elle est au-
jourd'hui avec des forteresses au nord et au midi. Or, quoi de moins natu-
rel que ces forteresses! M. Portalis sur ce point n'a pas dit sa pensée la
guerre seule pourrait nous rendre tes limites que désire M. PortaUs. Les
ëtecteurs n'oct pas paru partager les commentaires du candidat de la coa-
lition.
< M. Portalis a parlé de son attachement pour la dynastie! II a bien voulu
aller chez le roi après la naissance du comte de Paris, et a la mort de Mme
la duchesse de Wurtemberg! Quelle épreuve de dëvoûmcnt au trône consti
tutionne)! Quauta à la ligne d'opposition qu'il a suivie, M. Portais a voutu
faire croire que son opposition n'était pas s;e!!iatois utiles, et pour les ministres qui présenteront de bonnes ioi.s. J) parait
que depuis 1850, M. Portafis a juge toutes les lois mauvaises, tous les mi-
nistres mauvais, toutes )es propositions dangereuses, car M. Portalis a vote
contre tous les cabinets qui se sont succédés depuis la rëvotution de juillet.
Le ministère qui méritera tes sun'rages et les votes de M.Portaiis ne s'est
pas encore rencontré dans tes afiaires du pays. Tant mieux!
Au surplus, les exptications données par M. Portaiis ont mis une seule
chose en évidence, c'est qu'i) n'a pas le courage de son opinion. L'effet pro-
duit par sa circujairo électorale, où se manifeste la violence de ses opinions
appréciées aujourd'hui par les électeurs a )eur juste prix et redoutées par.la
majorité du pays, n'a pas été atténué par les interprétations que le candidat
adonnées." n
VENDEE On nous écrit de Bressuire < La majorité des électeurs est
décidée a opposer M. Chauvin -Lenardière à M. T) ibert qui est étranger à
l'arrondissement, et qui, par son union avec la coalition~ a mécontente tous
les hommes sages.
M. Chauvjn-Lenardiere est du pays, ses opinions franchement constitu-
tionne!!es, sa position, son caractère nobte etindépendant )ui assureront les
suffrages des électeurs qui veulent le maintien de nos institutions et qui re-
poussent l'anarchie.
r ¡¡ d\III
afcnvcMcs et Caits ~B~~g.
Hier matin, te roi a reçu MM. les ambassadeurs d'Autriche et de Sar-
daigne, MM. lez ministres de Bavière, du Brésil et des vittes libres et an-
séatiques.
S. Eic. M. Je comte d'Appony, ambassadeur de S. M. t'empereur d'Autri-
che S. Exc. M. le marquis Brignote-Sate, ambassadeur de S. M. te roi de
Sardaigne, et M. )e comte Jeuison, envoyé extraordinaire et ministre pté-
nipotentiaire de S. M. )e roi de Bavière, ont remis successivement au roi,
en audience particulière, des lettres de leur souverain, en réponse à la no-
tification de ia mort de S. A. R. Mme ta duchesse Alexandre de Wurtem-
berg.
M. le préfet de la Seine ne recevra pas samedi prochain 2 mars, mais
M recevra le samedi 9 et les samedis suivans.
La caisse d'épargne de Paris a reçu, dimanche 24 et )undi 2S février
1859, de 5.665 déposans, dont 497 nouveaux, la somme de 492,7)0 fr.
Les remboursemens demandés se sont élevés à la somme de 790,000 fr.
Du 16 au 25 février 1859., il est entré dans le port de Boulogne 6
paquebots avec 214 passagers et )S chevaux; il en est sorti 8 paquebots avec
255 passagers., 2 voitures et-4 chevaux.
Le PopM~t're roya/M
On mande.de Smyrne, 2G janvier L'amiral Lalande a donné une
fête, à bord'de t'B~rcM/c, au gouverneur Hussein Bey.
M. Vernhette, conseillera ta Cour royale de Montpellier, vient de
mourir.
L'état civil de Marseitte a enregistré le 19 fevrie.' l'acte de décès de
!a nommée Marie Escaref, née n Fréjus en 1756, morte, rue du Puits-Satnt-
Antoine,.6. Cette ceutenaire habitait Marseitle depuis deux mois.
Lasemainederniere, un homme résidant à Chape)em-)e-Frith, a été
exposé en vente aux~encheres par s~ femme, qui probab)ement était fatiguée
de sa société. La mise à prix était de 19 shillings (25 fr. 75 c.'); mais per-
sonne n'ayant surenchéri d'un seul shi))ing, force a été de retirer l'enchère
et de t'ajourner a une époque indéfinie.
–M. James Wheble, ex-haut sheriff du Berkshire, dans une lettre qu'il
'vient d'écrire à l'éditeur du jRef!d!'ng ~erett)' estime que )e nombre des con-
versions à la foi catholique en Angteterrc, peut être évalué à environ 2,000
par année. Dans les derniers mois qui viennent de s'écouler, le docteur
Watsh, éveque de Midtand~ a confirmé 692 convertis dans tes comtés de
l'est. Au nombre des convertis~ on roma.que M. Frederick Lucas, de Middte-
Temple, avocat distingué qui a abjuré les dogmes de la Société des amis
pour embrasser la foi catholique.
Le sieur Lazare Dubois, ancien gérant du journal rB;ud;H)!f, déclaré
coupable d'outrage à la morale publique et religieuse, a été condamné au-
jourd'hui, par la cour d'assises de la Seine, a six mois de prison et 1,000 fr.
d'amende.
Aujourd'hui mardi, D;fHtf de C/~t;r;/ à la Renaissance, et deux fois en-
core dans ta semaine, pour répondre à l'empressement du pubtic.
Nous ayons annonce dans )a Presse du 24 février que MM. Ben'yer
et Lhenry avaient été assignes à la requête de M. Piiout libraire
pour répondre à une demande d'éxecution d'eugagemens contractés
et nous avons reproduit un desconsidérans de cette assignation. Hier
au soir nous avons reçu, de M. Berryer, mais trop tard pour lui donner
place dans nos colonnes, la lettre que voici:
devant le tribunal de commerce. La vérité est que j'ai travaillé pendant les
mois d'avril, mai et juin 1S56, pour la publication du recueil int)tu!e Lepon.!
et n:od
ne m'a été remise; qn'enËn au mois de septembre ou d'octobre, de la même
année 1836, sur la demande de M. Lhenry, qui m'écrivit, en Allemagne,
que cette compilation avait peu de succès, je renonçai aux autres avantages
qui m'avaient été offerts et promis.
Je réclame, monsieur, l'insertion de 'cette !ettre dans le numéro de votre
journal qui paraîtra demain.
Je suis, etc., BERRYER 6!s,
ancien député de MarseîUe.* »
Monsieur le rédacteur, je lis dans votre numéro du 24 courant, que M.
Berryer et moi sommes sons le coup d'une plainte en police co
trouve place dans votre journa).
Ag~M, etc. LHENRY, éditeur.
Nous recevons à l'instant la lettre suivante de M. Pilout, libraire.
Cette lettre est adressée ega!emcnt à la ()Motîd!<;KMC et à l'FMfo~e MO-
M
le soin de prononcer dans ces débats.
« Monsieur, la tettre de M. Berryer, insérée dans votre numéro d'hier, au
sujet de Faction que j'ai intentée contre lui et le sieur ),hpnry, donne à
entendre que j'ai agi dans un but potitique et à i'instigation du ministère.
I) m'importe de repousser une pareiUe imputation, voitce sous des for-
mes polies, et de détromper vos lecteurs.
Ma réponse sera simp)e; la voici
Ma position de fortune me rend tout-h-fait indépendant. Si je voulais
être éicctcur, je !e serais maisje préfère rester en dehors des intrigues, et
ne point se meter de politique. Je ne suis et ne serai jamais l'instrument de
personne..Libraire, je fais honorabtcment mon commerce, et remplis avec
joyaute, j'oserai dire avec délicatesse, /e.
mon égard; je me suis trempe. Fort duu droit que je crois avoir, j'ai fait
assigner devant le tribunal de commerce M. Berryer et M. Lhenry, l'un
comme auteur d'un ouvrage resté inachevé, )'autre comme éditeur de cet
ouvrage, pour )es contraindre à remplir des promesses qu'ils semblent avoir
oub)ifes.
H y a plus de six mois, et alors on ne prévoyait pas la disso)ution de
)a cha!t)b.re des députés, qu'il a été question, dans la maison de M. de Yen-
nois, banquier, et chez M. Martinon, libraire, d'introduire )a demande qui
parait St ETRANGE à M. Berryer.
J'ai assez témoigne do mon admiration pour Fittustre orateur, et fait
une assez large concession à Fhomme politique et à l'homme de talent, ou
de parti si )'on veut, en le traduisant seu)ement devant le tribunat de com-
merce, qui n'est jamais appelé à appliquer tes peines prévues par notre code
péna).
'J'aH'honneur,etc.,
Signe NLOUT.
RARMKL
CHAPITR.EDEUXIEME.
BjcBc'MsKtg'S.
(Yoh'IaP/'eMcd'hicr.)
Il serait difficile de se Sgurer la misère de l'habitation de Marco.
Dukas, père de Micbaël, qui partageait d'atHeurs le sort déplorable
de presque tous les paysans chrétiens de l'Albanie.
L'état d'anarchie, de violence et de brigandage au milieu duquel
avait toujours été plongé ce malheureux pays, depuis la conquête ot-
tomane, avait nécessité l'usage général des constructions bizarres
qu'on retrouvait dans le tchiftlik ou vidage du défilé de Tebelen.
Avant que les exiles de Gladista ne les vinssent occuper, ces miséra-
bles chaumières, avaient été bâties par desTukas, habitans d'une tri-
bu naguère transportée ailleurs par Ali,' qui jugeait nécessaire à sa
politique.ombrageuse de déplacer ainsi continuellement les populations.
Bien que par ses ordres les habitans de Gladista eussent été désarmés
a leur arrivée dans ce village, la position particulière des maisons, de
TcbiNikh'en paraissait pas moins forte car chacune dans l'isolement
des habitations voisines s'élevait, selon que les locatités le permettaient,
sur un monticule ou une aspérité de rochers, dominait à une portée
de fusil le terrain environnant, et devenait ainsi une sorte de redoute
a laquelle on ne pouvait même souvent arriver qu'au moyen d'une
échelle qui était retirée pendant la nuit.
Quant a l'habitation de Marco Dukas, rien de plus pauvre. Bcs
murs nus et boueux, un sol humide à peine battu, une mince natte
de paille, servant à ~a fois de siège et de lit à cette pauvre famille,
un lambeau de couverture, un mauvais coffre sur lequel on voyait
deux grossiers vases d'argile, l'un plein de l'eau du Yoïoussa, l'au-
i'autre rempli de maïs cuit sous la cendre, et mélangé de lait de
chèvre caiité mets 'dé[estable nommé confOMmcmJ, nourriture ha-
bituelle des montagnards de l'Ëpire.
Tel était l'intérieur de cette masure à peine échauffée par un feu
noirâtre de bois de sapin, allumé a l'un des angles de la muraille,
et dont la fumée n'avait d'autre issue qu'une étroite metu'trière, qui
laissait entrer à chaque instant dans ceUe cabane des rafl'ales de nei-
geou de vent glacé.
Pourtant le montagnaid, sa femme et son fils semblaient à cette
heure paisibles et presque joyeux; la conscience d'un danger passé,
le bonheur de se trouver réunis après un grand péril, l'espoir d'une
chétive amélioration dans leur misérable existence, grâce au parti
que ces infortunes comptaient tirer de l'ours, laissé à la garde de
Tomoros, tout concourait enfin, à leur montrer l'avenir sons~ use cou-
leur un peu moins sombre que d'habitude.
Assis entre son père et sa mère; sur la natte qu'ils avaient rappro-
chée dû foyer, Michaët était tour :t tour l'objet de leur tendresse.
Noëmi, femme de Marco Dukas, âgée de trente-deux ans environ,
eût paru belle sans les traces profondes et les rides précoces que la
misère et un travail forcé avaient imprimées sur ses traits naturelle-
ment fins et délicats. Enveloppée d'une sorte de longue robe de laine
brune en lambeaux, coiffée du fez rouge national, garni d'un rang de
coquillages, qui remplacent chez les pauvres les colliers de pièces
d'or ou d'argent dont les femmes grecques riches ou aisées ornaient
leurs coiuures ses cheveux noirs tombaient en longues mèches
sur ses épaules et elle serrait la tête de Michaël contre sa poi-
trine, en tachant de réchauffer cet~ enfant, qui s'était, endormi sur
ses genoux.
Marco Dukas, de taille moyenne,, mais vigoureuse, au teint hâlé,
à physionomie à la fois caime, sagace et hardie, portait ses cheveux
nottans derrière la tête et rasés sur le front et sur les tempes. Il
avait quitté son képé de peau de chèvre et était vêtu d'un vieux yel-
lek, ou veste courte de gros drap vert; une ceinture de laine rouge
faisait plusieurs fois le tour de sou corps, serrait à sa taille sa jupe
épirote, de grosse toile blanche; enliu, un morceau de cuir non tan-
né, attaché .avec des courroies, enveloppait ses pieds et ses jambes
nerveuses en façon de guêtres.
Fumant sa pipe à fourneau d'argile et a tuyau de cerisier sauvage,
de temps à autre Marco Dukas caressait le lévrier, fidcle compagnon
de Tomoros, échangeait quelques paroles avec Noëmi;, ou avivait le
feu, dont la lueur vaciilantc éclairait cette semé.
Après avoir long-temps causé de la manière d'utiliser les restes de
l'ours, qu'ils considéraient comme un don de la Providence, ces pau-
vres gens en vinrent à parler de KhaEico,'mère d'AH, femme re-
doutée, donfon ne prononçait jamais le nom qu'avec terreur, et en se
signant, comme s'il se fût agi de l'ennemi des hommes.
Que la sainte Vierge nous assiste,–dit Nuëmi.–unchèvrier de Bé-
sat qui passait hier à la tombée du jour, de l'autre côté du neuve,
et en face du château de Tebelen, a vu toutes les fenêtres du sérail
flamboyer à travers leurs grilles, d'une lumière d'abord bleue, puis
qui bientôt est devenue rouge. mais d'un rouge couleur de
sang! 1
Marco Dukas fit le signe de la croix et reprit La magicienne
dispose d'Eblis (1) comme moi de mes molosses, et elle peut changer
la clarté du jour en fournaise ardente comme son ills. Le lion de
(i) Lediabje."
`
Tebelen (1) a changé notre beau soleil deGladista en ténèbres glacées,
nos champs fertiles en rochers désolés. où il faut encore disputer
nos enfans aux bêtes féroces"– dit le montagnard en songeant avec
une nouvelle amertume au cruel exil qui l'avait jeté dans le Gruca.
Puis il ajouta d'un air sombre Que Dieu maudisse Khamco et
son uls et nous éloigne toujours de leur chemin, caria où Us ont
passé les moissons ne pourront plus croître (3).
h'st-ce vrai ?–reprit Noëmi a voix basse, –qu'on entend pendant
la nuit des cris lamentabtes sortir des caves noires du serait? et que
d'autres cris étranges et plaintifs leur répondent dans les airs?.
Ce sont donc alors les âmes des morts qui appellent à elles les
âmes de ceux qui vont mourir car la vieille Khamco a beaucoup
tué et tue encore beaucoup dans le sérail. Puis après une longue
pause, le montagnard reprit
Oui, oui, eue et sa fille Kaïnitza tuent dans le sérail avec le
poison et la magie; comme le lion de Tebelen, leur'fils et leur frère,
tue dans les champs de guerre avec la masse d'armes et )e fusil.
Malédiction sur la lionne et ses lionceaux. Malédiction sur Ali
qui a ravage Gludisia, égorgé ou emmené en esclavage ceux des
nôtres qu'il n'a pas parqués dans cet aO'reux pays où nous péris-
sons de froid, de faim et de misère; encore, encore, maudits soit-
elle cette race de Tebplen!
A ce moment, une violente l'anale de neige et de vent s'en-
gouffra par la petite fenêtre avec un grand bruit, refoula la fumée
sur Fâtre et éteignit presque le feu.
Emue par un sentiment de crainte involontaire Noëmi se
pressa, contre son mari tout en se gardant d'éveiller son fils dont le
sommeil semblait agite.
Terrible nuit! –dit le Grec, en remettant dans le feu quelques'
pommes de pin qui jetèrent une vive clarté.
Puis, il ajouta, –quoique notre abri soit bien chétif, remercions-
en Dieu, car il doit a cette heure faire un temps cm-oyable dans le
défilé; –et, pensant a son a molosse qui gardait l'ours, Marco Dukas'
ajouta avec un soupir –pauvre Tomoros!–Et il carressa plus af-~
fectueusement encore son autre chien.
Montrant a son mari Michaël endormi sur ses genoux Cher en-
fant vois donc comme il dort, dit Noëmi, les yeux baignés de lar-
mes en songeant au danger qu'avait couru son fils. –Puis, elle écar-
ta les mèches de cheveux bruus qui cachaient la figure maigre et
souffrante de l'enfant, et le baisa doucement au front. Se penchant
aussi sur Michaël, le montagnard le contempla quelque temps en si-
lence avec une pénible expression de tendresse mêlée d'amertume,
car tJ pensait sans doute au misérable avenir de cet enfant.
Tout-a-coup, agitant ses mains sans ouvrir les yeux, Michaël ému
et oppressé fit entendre quelques mots inarticulés.
11 rêve, i! rêve; puisse la Vierge lui donner un heureux songe,
dit tout bas Noëmi; et, courbée vers l'enfant, elle épiait l'expres-
sion de sa figure avec inquiétude.
Le front de '.iichaël se mouilla de sueur, ses traits s'altérèrent; il
parut en proie à une émotion terrible, poussa ~n cri plaintif suivi du
nom fatal de .K/Mmco puis il se tut; mais son agitation continua.
–Que Dieu protège notre enfant,–s'écria la pauvre mère desoiée!
–Il rêve de la magicienne! Matheùr à nous! malheur ~fi~sT~
Que Dieu la maudisse et la damne à jamais, car~efle ~.empoî~
sonne jusqu'au sommeil des enfans reprit le MoE~gu~râ '-&ve,
colère. .1" rl;
Il allait peut-être continuer, lorsque s'arrêtant brusa.sem~~ j~~t-
a sa femme en redressant la tête et se tournant du cô~'d~ia~pol'
Tu n'as rien entendu ?
Rien, reprit Noëmi, et regardant son mari aveh-L~~er~~
serrait instinctivement son fils entre ses bras.
Marco Dukas se [eva d'un bond; alla voir si les deux barres de
bois qui fermaient la porte en-dedans étaient solides, puis il resta
debout et continua de prêter l'oreille.
J'ai peur,–dit Noëmi en pâlissant et en cacliant la tête de son
fils dans son sein.
Le Grec colla tout à coup son oreille à la porte, écouta un mo-
ment, puis il fit signe à sa femme de garder le silence, et' dit a
voix très basse –Ou vient. on vient. j'entends le pas des
chevaux.
Les Klephtes (3) s'écria Noëmi avec un accent de terreur
profonde.
Ma mère, ma mère la magicienne, grâce s'écria l'en-
fant, réveillé en sursaut et s'attachant au cou de Noëmi.
Marco Dukas, après avoir jeté un coup d'œil rapide et désespéré
autour de sa cabane, leva les yeux an ciel, et ne put prononcer que
ces mots Et pas d'arme d
A ce moment la porte fut violemment ébranlée et une voix s'é-
cria
Pourquoi oses-tu t'enfermer ainsi chez toi, chien de radja
Ouvre a l'heure même, lièvre (Z)),–dit un autre. –Puis avant
même que le montagnard ait eu le temps d'obéir à ces ordres, un des
Guègues introduisant le long canon de son fusil par la petite fenêtre,
sembla vouloir diriger, quoique au hasard, le coup de haut en bas,
et fit feu.
La balle sida, ricocha et heureusement a)Ia, sans blesser personne,
s'enfoncer dans l'épaisseur du mur enduit de terre.
Vous allez tuer l'enfant Ils vont tuer l'enfant Prenez garde
a l'enfant!–s'écria le-Bektadgi de sa voix petite, grêle et gutturale.
En entendant ces mots, si humains en apparence, et qui contras-
taient étrangement avec la férocité de la première agression des ca-
valiers, la malheureuse mère, par un instinct d'une effroyable sa-
gacité, devina tout à coup qu'on venait lui enlever son fils.
Marco Dukas eut la même pensée, et tous deux se regardèrent
avec épouvante.
Il fallut que les regards du montagnard, en retombant sur Michaël
qu'il serra contre lui avec une expression de défi sauvage, fussent
bien terribles et bien significatifs, car Noëmi, se précipitant aux ge-
noux de Marco Dukas, s'écria les mains jointes Ne le tue pas!
-–Pourquoi?.demanda le Grec, avec un calme effrayant.
–Ouvriras-tu, chien de Radja? dirent des, voix tumultueuses en
ébranlant la porte.
–Veux-tu donc périr par le hêtre (5), –s'écria la voix stridente
du Bektadgi.
Tu les entends, reprit Marco Dukas, en tirant son poignard'de
sa ceinture.
Nele tue pas! Au nom de Dieu, ne le tue pas! s'écria
la mère.
Tu veux donc qu'ils l'aient vivant? Tu veux donc qu'il périsse
dans les sortilèges impies de Khamco et de sa fille? –dit le monta-
gnard en faisant un geste désespéré.
Grâce! mon père, grâce! Que vous ai-je fait? –demanda
l'enfant épouvanté.
(1) Surnom d'Ati-Pacha.
(2 Proverbe grec apptiquë aux Turcs.
(5) KJephte-voieur-brigand, nom donne aux troupes albanaises d'A)i et de
sa mère.
(4) Terme de mépris adresse par tes musulmans aux chrétiens.
(S) Etre empale, )e bois da Mtre servait ordinairement à faire te! pattt
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