Le Siège

Chapitre XXIX

 

Elle fut interrompue en ce moment par le signal de l'attaque, donné par le son aigu des cors saxons, auquel les trompettes et les timbales normandes répondirent du haut des murs, pour prouver aux ennemis qu'on ne les redoutait point. Les cris des deux partis augmentaient le tumulte : Saint Georges pour l'Angleterre, du côté des assaillants ; - En avant de Bracy ! — Beauséant ! Beauséant ! - Front-de-Bœuf, à la rescousse ! du côté des assiégés, - suivant le cri de guerre de leurs divers chefs.
Ce n'était pourtant point par des cris que la querelle devait se vider ; et aux efforts désespérés des assaillants les assiégés opposèrent une résistance non moins vigoureuse. Les archers, habitués à faire usage de l'arc dans les bois, avaient le coup d'œil si juste, et tiraient avec tant de précision, que chaque ouverture dans les murailles où paraissait un de leurs défenseurs devenait le but d'une volée de flèches, dont plusieurs ne manquaient pas d'y pénétrer. Ils ne tiraient point au hasard, chaque flèche avait sa destination, et ils les dirigeaient vers les meurtrières et les embrasures où ils voyaient un ennemi et où ils pouvaient supposer qu'il devait y en avoir. Cette décharge bien soutenue tua deux ou trois hommes de la garnison, et en blessa plusieurs autres. Cependant, pleins de confiance dans leur armure à l'épreuve, et dans l'abri que leur situation leur procurait, les hommes d'armes de Front-de-Bœuf et de ses alliés montraient une obstination à se défendre , égale à l'acharnement de ceux qui les attaquaient, et faisaient pleuvoir sur eux une grêle continuelle de pierres, de flèches et de traits de toute espèce, qui causèrent aux assiégeants plus de mal qu'ils n'en pouvaient faire, parce qu'ils étaient moins bien armés et moins à l'abri. Le bruit du sifflement des flèches n'était interrompu que par les cris qui s'élevaient quand l'un ou l'autre parti essuyait une perte notable.
 

Walter Scott, Ivanhoé, 1819, 1820 pour la traduction.
> Texte intégral : Furne, Paris, 1830-1832