Les lieux du tournoi

Chapitre VIII

 

Le prince Jean cherchait par de tels moyens à s'assurer une popularité qu'il diminuait au contraire tous les jours par les actes les plus arbitraires d'oppression.
La lice présentait alors le plus magnifique spectacle. Les galeries supérieures étaient remplies de tout ce que le nord et le centre de l'Angleterre offraient de plus remarquable en noblesse, en grandeurs, en richesse et en beauté ; le contraste des vêtements de cette première classe de spectateurs en rendait la vue aussi agréable qu'elle était imposante. Les galeries d'en bas, contenant la bourgeoisie et les yeomens de la vieille Angleterre, parés avec moins d'éclat, formaient comme une bordure simple et unie autour de ce cercle de broderie brillante pour en relever encore la splendeur.
Les hérauts d'armes ayant terminé leur proclamation par le cri d'usage : Largesse, largesse, vaillants chevaliers ! une pluie de pièces d'or et d'argent tomba sur eux du haut des galeries, la chevalerie se piquant de montrer sa libéralité en faveur de ceux qu'on regardait comme les secrétaires et les historiens de l'honneur. Après avoir reçu cette marque de générosité, les hérauts firent entendre les acclamations ordinaires : AMOUR AUX DAMES ! — MORT DES CHAMPIONS ! HONNEUR AUX GENEREUX ! GLOIRE AUX BRAVES ! Le peuple faisait retentir l'air des mêmes cris, et de nombreuses trompettes y joignaient leurs sons guerriers. Les hérauts d'armes sortirent alors de la lice, où il ne resta que les deux maréchaux du tournoi, à cheval et armés de pied en cap, immobiles comme des statues, chacun à un bout de la lice. Cependant l'espace destiné aux assaillants était rempli d'une foule de chevaliers qui désiraient se mesurer contre les tenants. Du haut des galeries, c'était l'image d'une mer agitée, sur laquelle on voyait flotter des panaches de plumes, des casques brillants et des fers de lances auxquelles étaient souvent attachés des pannonceaux qui, agités par le vent, de même que les plumes, donnaient à cette scène un mouvement varié.
 

Walter Scott, Ivanhoé, 1819, 1820 pour la traduction.
> Texte intégral : Furne, Paris, 1830-1832