Sultan Achmet

Les Orientales, XXIX

L'Alhambra, salle des Abencérages

Ce sultan amoureux d’une chrétienne rappelle le Maure amoureux de Blanca dans Les Aventures du dernier Abencerage (tribu arabe du royaume de Grenade) de Chateaubriand (1821). Mais leur dialogue en vers impairs est nettement plus tonique et joyeux.


Oh ! permets, charmante fille, que j’enveloppe mon cou avec tes bras.
HAFIZ.

 
À Juana la Grenadine,
Qui toujours chante et badine,
Sultan Achmet dit un jour :
– Je donnerais sans retour
Mon royaume pour Médine,
Médine pour ton amour.
 
– Fais-toi chrétien, roi sublime !
Car il est illégitime,
Le plaisir qu’on a cherché
Aux bras d’un Turc débauché.
J’aurais peur de faire un crime.
C’est bien assez du péché.
 
– Par ces perles dont la chaîne
Rehausse, ô ma souveraine,
Ton cou blanc comme le lait,
Je ferai ce qui te plaît,
Si tu veux bien que je prenne
Ton collier pour chapelet.
 
20 octobre 1828.
 
Victor Hugo, Les Orientales, 1829.
> Texte intégral : Paris, J. Hetzel et A. Quantin, 1880-1926.