Extase

Les Orientales, XXXVII

 

Les poèmes courts sont plus fréquents qu’on ne le croit dans l’œuvre de Victor Hugo. Cette « Extase » en est un bel exemple vers la fin des Orientales ; elle annonce à la fois « La Pente de la rêverie » des Feuilles d’automne, les « Nuits de juin » des Rayons et les ombres et « Stella » de Châtiments.


Et j’entendis une grande voix.
Apocalypse.

 
J’étais seul près des flots, par une nuit d’étoiles.
Pas un nuage aux cieux, sur les mers pas de voiles.
Mes yeux plongeaient plus loin que le monde réel.
Et les bois, et les monts, et toute la nature,
Semblaient interroger dans un confus murmure
Les flots des mers, les feux du ciel.
 
Et les étoiles d’or, légions infinies,
À voix haute, à voix basse, avec mille harmonies,
Disaient, en inclinant leurs couronnes de feu ;
Et les flots bleus, que rien ne gouverne et n’arrête,
Disaient, en recourbant l’écume de leur crête :
– C’est le Seigneur, le Seigneur Dieu !
 
25 novembre 1828.
 
Victor Hugo, Les Orientales, 1829.
> Texte intégral : Paris, J. Hetzel et A. Quantin, 1880-1926.