À propos de l'auteurCharles-Éloi Vial

Stendhal

Enfant solitaire, Henri Beyle fut initié à la littérature par son grand-père, et découvrit les écrivains des Lumières et les auteurs de l’Antiquité, qui assouvissaient son besoin d’évasion. Il assista aux premières émeutes révolutionnaires de Grenoble (la fameuse « journée des Tuiles » du 7 juin 1789) et il devint, tout jeune encore, un partisan enthousiaste de la Révolution. Élève à l’École centrale de Grenoble, d’abord mathématicien, il a la chance d’entrer à l’École Polytechnique et gagne Paris au lendemain de la prise du pouvoir par Bonaparte (1799). Dès cette époque, il prit l’habitude de tenir un journal, où il nota d’abord ses ambitions – souvent déçues – de devenir un séducteur, ainsi que son parcours d’étudiant puis d’écrivain contrarié. Son cousin, Pierre Daru, un des plus proches collaborateurs de Napoléon, le fit entrer au ministère de la Guerre, ce qui lui donna la chance de suivre l’armée française dans la péninsule, où il fut bouleversé par les paysages, et par sa découverte de la peinture, de l’architecture et de la musique italiennes, en fréquentant notamment la Scala de Milan. Tous ces éléments de la culture italienne transparaîtront ensuite dans ses romans, notamment son admiration pour les peintres comme le Corrège ou Raphaël, ou des musiciens comme Cimarosa.

 
La journée des Tuiles à Grenoble
Vue de la salle de la Scala
Napoléon par Prud'hon
Portrait présumé d’Angela Pietragrua

Il y tomba amoureux d’Angela Pietragrua, fille d’un marchand de draps de Milan. Nommé sous-lieutenant, il finit par quitter l’armée puis par rentrer à Paris en 1802, après un long congé.
Après avoir vécu plusieurs années dans la misère, puis tenté de se faire banquier à Marseille, Henri Beyle finit par revenir auprès de son cousin Daru, qui l’emploie dans l’administration de la Grande armée. Il prend part aux campagnes napoléoniennes de 1806 à 1809, mais finit à nouveau par s’ennuyer de la vie militaire. Revenu à Paris en 1810, Daru lui procure cette fois-ci un emploi dans l’administration du Garde-Meuble de la Couronne ainsi qu’un poste d’auditeur au Conseil d’État, ce qui lui permettra de trouver la tranquillité nécessaire pour écrire son Histoire de la peinture en Italie. Il prit toutefois part à la campagne de Russie et à la désastreuse retraite qui suivit, où il perdit son manuscrit. Revenu à Paris, il participa ensuite à la campagne d’Allemagne de 1813 en étant nommé dans l’intendance de la cavalerie. Il tomba malade au bout de quelques mois et partit en convalescence en Italie. Rentré en France au moment de la chute de l’Empire, il se retrouva sans situation et décida de repartir en Italie pour y achever ses premiers travaux littéraires, notamment son Histoire de la peinture en Italie, qu’il avait dû réécrire, ainsi que des Vies de Haydn, Mozart et Métastase.

 
Pierre Daru, comte de l’Empire, cousin de Stendhal
Histoire de la peinture en Italie
Rome, Naples et Florence
Lord Byron

En 1816 à Milan, il découvrit le romantisme anglais lors de sa rencontre avec lord Byron. Il rentra brièvement en France l’année suivante et fit paraître son récit de voyage Rome, Naples et Florence, sous le pseudonyme de Stendhal. Il brava la censure française en écrivant une Vie de Napoléon.
De 1819 à 1821, Stendhal résida presque continuellement à Milan, où il écrivit De l’amour, suite à son histoire malheureuse avec Matilde Dembowski, qu’il surnomme « Métilde ». À cette époque, une bonne partie de l’Italie du nord était encore sous la domination autrichienne, après des années de présence française. Considéré comme un admirateur de Napoléon et soupçonné d’être un partisan de l’unité italienne, Stendhal fut surveillé par la police autrichienne, avant d’être expulsé vers la France en 1821. Farouche opposant à la politique très conservatrice du gouvernement royal, il se fit remarquer dans les salons libéraux parisiens et écrivit pendant plusieurs années des articles satiriques sur le gouvernement et la bonne société, qui parurent dans la presse anglaise. Il enchaîna les relations aussi brèves et passionnées que décevantes avec plusieurs femmes plus jeunes que lui, comme Clémentine Curial, Alberthe de Rubempré ou Giulia Rinieri.

Le Rouge et le Noir : chronique du XIXe siècle

Après un premier roman, Armance, un nouveau récit de voyage, Promenades dans Rome, et plusieurs nouvelles, il travailla à un grand récit sur la France de son époque, Le Rouge et le Noir, dont les thèmes principaux sont l’amour déçu, la quête désespérée d’une ascension sociale, dans une France encore constituée de classes sévèrement cloisonnées. Il connut un premier succès avec la parution de ce livre, qui coïncidait avec l’avènement de la monarchie de Juillet, régime un peu plus libéral. Il retrouva un emploi au service du nouveau gouvernement, qui le nomma consul de France à Civitaveccia, petit port d’Italie où il s’ennuya rapidement. Il continua à écrire plusieurs essais et romans : c’est « l’égotisme », l’étude que l’écrivain fait de sa propre vie et de son caractère, par le prisme des personnages de fiction. Il écrira ainsi ses Souvenirs d’égotisme, Lucien Leuwen, et la Vie de Henry Brulard, qui resteront tous inachevés.

 
Les "Trois glorieuses" de 1830 au Palais-Royal
Souvenirs d'égotisme
Souvenirs d'égotisme
 

 De 1836 à 1839, il revint en France et écrivit les Chroniques italiennes, les Mémoires d’un touriste, et surtout La Chartreuse de Parme, publiée en 1840, et dont Balzac fit l’éloge. Stendhal, dont la santé déclinait, s’apprêtait à reprendre du service pour le ministère des Affaires étrangères et à écrire une série de nouvelles pour la Revue des deux-mondes au moment de sa mort, le 23 mars 1842. Il commençait à peine à être connu comme écrivain, et il ne devint réellement célèbre que dans les années qui suivirent sa mort. Jusqu’au milieu du XXe siècle, les éditions successives de ses essais inédits, de sa correspondance, de ses journaux intimes et de ses notes de voyage le firent peu à peu connaître pour un des écrivains majeurs du XIXe siècle, un grand historien de l’art, dont l’œuvre est essentielle pour comprendre l’esthétique romantique, mais aussi pour un des maîtres du réalisme en littérature.

 
Première ligne de chemin de fer en France
Chartreuse de Parme
La Chartreuse de Parme