À propos de l'œuvre

Lettre sur la musique françoise

La Lettre sur la musique française de Jean-Jacques Rousseau, parue à la fin de l’année 1753, se place au cœur de la « Querelle des bouffons », un an après la création du Devin du village intermède dans lequel Rousseau mettait en pratique ses théories musicales. Sur un ton très polémique, et réfutant les thèses de Rameau, Rousseau expose ses reproches envers la musique (vocale) française, en confrontant point par point aux réussites de la musique italienne les différents éléments qui constituent à ses yeux la musique : « mélodie ou chant, harmonie ou accompagnement, mouvement ou mesure ». Pour lui, il ne peut y avoir de musique nationale en langue française, car le français se prête mal au chant en raison du « défaut d’éclat dans le son des voyelles » et de la « dureté et la fréquence des consonnes ». Ces caractéristiques de la langue française obligent les musiciens français, compositeurs comme interprètes, à multiplier certains artifices comme les cadences et ornements qui brisent la ligne mélodique et interrompent le rythme des airs chantés, et détournent l’attention du spectateur de la mélodie vers son accompagnement. A l’appui de sa théorie, Rousseau entreprend notamment une critique détaillée d’un des monuments de l’art lyrique français, le monologue d’Armide, de Lully.
Par rapport aux autres écrits moins passionnels et plus théoriques de Rousseau sur la musique (comme son Dictionnaire de musique), la Lettre est un véritable pamphlet, marquée par des affirmations très exclusives comme en témoignent les derniers mots : « Je conclus que les Français n’ont point de musique et n’en peuvent avoir, ou que si jamais ils en ont une, ce sera tant pis pour eux ». Le texte connut au moins une vingtaine de réponses dans le monde littéraire, et suscita l’indignation des musiciens français qui répliquèrent en brûlant une effigie de Rousseau dans la cour de l’Opéra.
 
Bibliographie
Michael O’Déa, « La musique chez Rousseau ». In Guilhem Scherf (dir.), Jean-Jacques Rousseau et les arts. Paris, Edition du patrimoine, 2012.