Littérature révolutionnaire
Le roman au XVIIIe siècle est aussi le sujet de critiques virulentes au regard de l’histoire et alimente les débats. Montesquieu fera part de Quelques réflexions sur les Lettres persanes : « […] l’auteur s’est donné l’avantage de pouvoir joindre de la philosophie, de la politique et de la morale à un roman, et de lier le tout par une chaîne secrète et, en quelque façon, inconnue. » Le roman tisse des variations autour des idéologies caractéristiques de la période : liberté, bonheur, passion, morale individuelle, conscience du devoir envers la collectivité. L’imaginaire prolonge une expérimentation critique du réel : rigidité et inertie de l’ordre politique, social, moral et religieux.
L’historien Mably (1709-1785), demi-frère de Condillac, ne s’illustre pas dans le genre romanesque, mais la lecture de ses écrits servira de ferment aux révolutionnaires, fidèles au rêve antique du citoyen. Dans deux ouvrages publiés en 1762, Du contrat social et Émile ou l’éducation, Rousseau avance des idées sur la politique et l’éducation relativement révolutionnaires : l’homme est tour à tour le citoyen et l’individu indépendant de son pays. La Révolution française accélère, dramatise et crispe parfois une évolution de plus longue durée qui fait passer de « l’honnête homme » au public, du goût au pathétique, c’est-à-dire plus généralement des « Belles-Lettres » à la littérature. Le pamphlet politique est un genre nécessaire et certaines répliques de Sieyès restent célèbres : « – Qu’est-ce que le Tiers État ? – Tout. Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans la société politique ? – Rien. – Que demande-t-il ? – À y devenir quelque chose. »
On note la même efficacité dans les pamphlets orduriers tels les Amours de Charlot et Toinette, par exemple. Les caricatures fleurissent. Mais le discours politique suscite aussi du talent littéraire, le sens de la formule et, à ce titre, certains considèrent Saint-Just non seulement comme un orateur, mais aussi comme un écrivain révolutionnaire.
L’engagement politique de chacun brouille les champs tant pour Condorcet que pour Mme de Staël, Benjamin Constant ou Chateaubriand. Durant la Révolution, Condorcet organise une édition des œuvres complètes de Voltaire et travaille à la mise en place d’un système scolaire. Considérations sur la France, publié en 1796 par Joseph de Maistre, peut être qualifié d’ « écrit visionnaire » sur la Restauration. Tous les genres romanesques sont dans la tourmente.
EN SAVOIR PLUS
> Rousseau, Du contrat social, 1762
> Rousseau, Emile ou De l'éducation, 1762
> Roland, Mémoires, 1793
> Maistre, Considérations sur la France, Tours, Cattier, 1882