Né en 1669, Jean Meslier occupa sans bruit de 1689 à sa mort, en 1729, la cure d’Étrepigny, humble village champenois où le seigneur possédait l’essentiel des terres arables et la moitié des bois. Mais il légua à ses paroissiens un "Mémoire" de ses "Pensées et Sentiments […] sur une partie des erreurs et des abus de la conduite et du gouvernement des hommes où l’on voit des démonstrations claires et évidentes de la vanité et de la fausseté de toutes les Divinités et de toutes les Religions du monde…". Remarqué par Voltaire dès 1735, le "testament" du curé Meslier trouva rapidement sa place parmi les manuscrits clandestins athées et libertins. Une centaine de copies circulaient lorsque Voltaire en publia des extraits en 1762 dans le contexte de l’affaire Calas. Les hommes des Lumières apprécièrent le matérialisme athée de l’auteur. Ils passèrent sous silence sa contestation radicale des inégalités qui débouche sur un idéal, archaïque il est vrai, de communisme agraire. La pensée sociale de Meslier fut d’abord étudiée en Union soviétique avant d’être mise en valeur en France par une édition critique dans les années 1970.