La belle aux cheveux d'or
Avenant
Il y avait une fois la fille d'un roi, qui était si belle qu'on la nommait la Belle-aux-Cheveux-d'Or; car ses cheveux fins et dorés lui tombaient jusqu'aux pieds.
Un jeune roi de ses voisins, bien fait, riche et point marié, ayant appris tout le bien qu'on disait d'elle, résolut d'envoyer un ambassadeur la demander en mariage.
Il donna un riche cortège à cet ambassadeur et lui recommanda bien de lui amener la princesse.
Le roi, ne doutant pas que la Belle-aux-Cheveux-d'Or ne l'acceptât pour mari, fit faire d'avance de belles robes et des meubles admirables ; mais l'ambassadeur étant arrivé chez cette princesse, elle lui répondit qu'elle n'avait pas envie de se marier.
Quand l'ambassadeur revint près du roi son maître, chacun s'affligea de ce qu'il n'amenait point la Belle-aux-Cheveux-d'Or, et le roi était plus triste que tout le monde.
Il y avait à la cour un jeune garçon beau comme le soleil et qu'à cause de sa bonne grâce et de son esprit on nommait Avenant.
Tout le monde l'aimait, hors les envieux qui étaient fâchés parce que le roi avait confiance en lui.
Quand Avenant eut appris que l'ambassadeur n'avait pas ramené la princesse, il dit imprudemment :
— Si le roi m'avait envoyé vers la Belle-aux-Cheveux-d'Or, elle serait venue avec moi.
Les envieux dirent alors au roi qu'Avenant prétendait qu'il aurait ramené la Belle-aux-Cheveux-d'Or, parce que, comme il était plus beau et plus spirituel que le roi, elle l'aurait suivi partout. Voilà le roi en colère tant et tant qu'il s'écrie :
— Ha ! ha ! ce joli mignon se moque de moi ! Qu'on le mette dans ma grosse tour et qu'il y meure de faim.
Les gardes du roi traînèrent Avenant en prison et lui firent mille maux. Ce pauvre garçon y serait mort sans une fontaine qui coulait au pied de la tour et qui lui fournissait un peu d'eau, car la faim lui avait desséché la bouche. Un jour, n'en pouvant plus, il disait en soupirant :
— De quoi se plaint le roi ? Il n'a pas de sujet plus fidèle que moi; je ne l'ai jamais offensé.
Le roi, passant par là, l'entendit par hasard et lui ouvrit la porte de sa prison.
— Pourquoi, demanda le roi, as-tu dit que si je t'avais envoyé chez la Belle-aux-Cheveux-d'Or tu l'aurais bien amenée ?
— Parce que, répondit Avenant, je lui aurais si bien fait connaître vos grandes qualités qu'elle n'aurait pu se défendre de venir.
Mme d'Aulnoy, Contes de fées, 1697
> Texte intégral : Paris, Bernardin-Béchet, 1868