L'oiseau bleu
La rencontre
Lorsque Florine revint de son évanouissement, elle ouvrit sa fenêtre, et passa la nuit à gémir et à pleurer ; elle fit de même les nuits suivantes, car elle ne pouvait dormir.
Cependant l'Oiseau bleu voltigeait autour du palais où il pensait que Florine était renfermée ; il s'approchait des fenêtres autant qu'il pouvait; mais la crainte d'être reconnu par Truitonne l'obligeait à de grandes précautions, et il ne chantait que la nuit.
Vis à vis de la fenêtre de Florine était un cyprès d'une grande hauteur. L'Oiseau bleu s'y percha. Aussitôt il entendit la voix d'une dame qui se plaignait en termes touchants. Il aurait voulu la voir ; mais elle ferma sa fenêtre avant le jour.
L'Oiseau revint la nuit suivante, et comme il faisait clair de lune, il reconnut Florine qui disait :
— Inconstante Fortune, je te demande pour unique faveur de terminer ma triste destinée.
— Florine ! s'écria l'Oiseau bleu, cessez de vous plaindre, vos maux auront un terme.
— Qui me parle? s'écria la princesse effrayée.
— Un roi malheureux qui n'aimera jamais que vous, répondit l'Oiseau.
Il vola sur la fenêtre, et lui raconta la pénitence qu'il subissait pour avoir refusé d'épouser Truitonne.
— Ne cherchez pas à me tromper, dit Florine, je sais que vous avez épousé Truitonne; j'ai vu votre anneau à son doigt et les diamants que vous lui avez donnés ; elle est venue m'insulter dans ma prison.
— Vous avez vu Truitonne, interrompit le roi ; sa mère et elle ont osé vous dire que ces joyaux venaient de moi? Sachez, au contraire, qu'elles ont voulu me tromper en mettant Truitonne à votre place.
Comme le jour paraissait, ils se séparèrent, après s'être promis de se parler ainsi chaque nuit.
Mme d'Aulnoy, Contes de fées, 1697
> Texte intégral : Paris, Bernardin-Béchet, 1868