Il n’y avait qu’à…
Livre 1, chapitre 10
On n'entend que ce mot lorsqu'on parle de la révolution : Il n'y avait qu'à faire ceci ; il n'y avait qu'à faire cela ; il n'y avait qu'à prendre un tel ; il n'y avait qu'à marcher tel jour et telle heure : tous grands et merveilleux prophètes après l'événement, tous rétrogradant vers le passé et ne pouvant pas dire ce qui arrivera demain, tous se répandant en déclamations inutiles , haranguant une cataracte bruyante, et s'imaginant que leur voix va suspendre les flots écumeux.
Comment un journaliste peut-il se relire lui-même sans rougir de ce qu’il a écrit ? Que de faux aperçus, que de jugements fautifs ; que d'ignorance de la chaîne qui lie tous les événements de ce monde ! Il n'y avait qu'à... il n'y avait qu'à... Lorsque j'entends ces mots, je détourne mon attention et je laisse le parleur enfiler ses vaines syllabes.
Louis-Sébastien Mercier, Le Nouveau Paris, 1797
> Texte intégral dans Gallica : Paris, Fuchs, C. Pougens et C. F. Cramer, 1797