La réception de l'œuvre et sa modernité
Au-delà de la légèreté apparente de son héros, Candide traverse les siècles et, loin de s’essouffler, son rayonnement semble s’affirmer à travers les frontières et les cultures. L’universalité du conte se construit sur des thèmes qui restent d’actualité comme le mal, la religion, la guerre, la place des femmes, mais aussi sur un ton qui s’écarte du moralisme pour atteindre son public par un rire grinçant. Ce sont également l’exigence de la quête de soi, le voyage initiatique, la recherche du bonheur qui rencontrent un écho toujours renouvelé.
Dès sa publication à Genève, en 1759, alors que le texte est interdit le 25 février en France et le 26 en Suisse, 6 000 exemplaires sont déjà vendus et cinq éditions tirées : le conte est réimprimé 20 fois en 1759. Les premières traductions, en italien et en anglais, se développent rapidement pour atteindre le nombre de dix-sept pour la seule année 1759, ce qui souligne l’importance de Candide dans la diffusion des idéaux des Lumières. Elles sont conservées aujourd’hui au Taylor Institute d'Oxford.
Candide adapté à la scène
Les premières adaptations scéniques datent des années 1780, celles-ci sont néanmoins partielles et ne retiennent du conte que l’amusante fantaisie. C’est le cas par exemple du Roi Théodore à Venise, opéra héroï-comique en quatre actes de Giovanni Paisiello, représenté à Bruxelles en 1786. Les adaptations se poursuivront au fil du XIXe siècle. En 1923, Firmin Gémier, au Théâtre de l’Odéon, restitue au conte sa portée philosophique et le transforme en texte du répertoire. En 1944, Jean Tardieu présente une adaptation radiophonique de Candide, rediffusée en 1946 et publiée en 1975. En 1956, Leonard Bernstein met en scène Candide à Broadway sous la forme d’une opérette, revisitée cinquante ans plus tard en 2006 par Robert Carsen au théâtre du Châtelet. Serge Ganzl l’adapte en 1978, Vincent Colin fait de même en 1995. Au cinéma, Norbert Carbonnaux réalise en 1960 un film inspiré du conte, en le transposant pendant la Seconde Guerre mondiale. En 2008 et 2010, Gorian Delpature et Michel Dufranne adaptent le texte en bande dessinée, deux volumes publiés aux éditions Delcourt.
Le succès se remarque aussi à travers les réécritures, parodies et autres détournements. Les reprises théâtrales du XIXe siècle en sont déjà proches, le Répertoire des pastiches et parodies littéraires en dénombre près de 23, parmi lesquels Le Jardin de Candide de René Puaux (Malfère, 1933) entre pastiche et suite, Le Dernier Voyage de Candide de Georges Duhamel (Fernand Sorlot, 1938) qui dénonce le totalitarisme, les Nouvelles aventures de Candide ou la révolte de l’être par Laurent Degos (éditions Le Pommier, 1999) qui transposent le texte original dans le monde moderne.
Un classique de la littérature
Les éditions et rééditions sont constantes, en particulier dans le format scolaire, tant le conte semble devenu classique ou son auteur intégré dans un processus de classicisation, à différents niveaux de l’enseignement, y compris pour les professeurs : en 2009, le Dictionnaire philosophique figurait pour la troisième fois au programme de l’agrégation. La question se pose également au-delà des frontières puisque Candide est emblématique de la littérature française aux États-Unis et très présent, à travers ses traductions, en Grande-Bretagne, en Amérique du Sud ou encore au Japon.
En 2009, la célébration des 250 ans de la publication de Candide a donné lieu à des événements majeurs. En septembre, des chercheurs du monde entier se sont rassemblés à Oxford (Angleterre) lors d’un colloque intitulé « Les 250 ans de Candide. Lectures et relectures » organisé par la Maison française d’Oxford et la Voltaire Foundation. Les communications ont souligné l’actualité du conte par les thèmes abordés et un second degré qui interpelle le public. Le 6 décembre, la Société Voltaire a organisé à la BnF la journée Candide 250 associant chorégraphie, dessins, créations vidéo réalisées par les étudiants de l’École nationale supérieure des arts décoratifs dont le numéro 9 des Cahiers Voltaire (2010) rend compte. Enfin, d’octobre 2009 à avril 2010, la Bibliothèque publique de New-York a proposé une exposition interactive célébrant les 250 ans de Candide intitulée « On the road with Candide. »
Sylvie Testut lit Candide
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