À propos de l’auteurMarie Galvez

Prosper Mérimée vers 1830

Écrivain, archéologue, érudit, inspecteur des monuments historiques, sénateur proche de Napoléon III et de la cour impériale… La seule évocation de Prosper Mérimée entraîne presque toujours l’énumération des titres et fonctions qui ont jalonné la vie de cet homme, aux centres d’intérêts aussi éclectiques que le siècle dans lequel il évoluait.
 
Prosper Mérimée naît le 28 septembre 1803 dans une famille d’artistes issue de la bourgeoisie. Son père, Léonor, est un peintre renommé qui enseigne à l’École Polytechnique avant de devenir secrétaire de l’Ecole des Beaux-arts. Sa mère, Anne-Louise, née Moreau, peintre également, transmet à son fils l’héritage du XVIIIe siècle voltairien et son amour pour la littérature anglaise. Mérimée étudie au Lycée Henri IV puis envisage de devenir peintre, mais son père l’en dissuade et l’oriente vers le droit. Tout en suivant les cours de la faculté, il s’intéresse à la littérature et se lie d’amitié avec Stendhal et Ampère. Ses amis l’introduisent dans le monde et lui font connaître Delécluze, Victor Cousin, Sainte-Beuve ou Girardin. Reçu avocat, il entre au ministère du Commerce et rédige en parallèle ses premières œuvres. Il publie en 1825 Le Théâtre de Clara Gazul. La mode étant aux supercheries littéraires, Mérimée se fait passer pour le traducteur et éditeur de l’œuvre d’une actrice espagnole (qui n’a jamais existé). La vente de l’ouvrage est médiocre mais le succès retentissant et Mérimée devient l’invité d’honneur des salons les plus en vogue comme ceux de Mme Récamier ou de Mme Pasta. Le même goût de mystification caractérise les prétendues poésies illyriennes de La Guzla (1827). La passion de Mérimée pour l’Histoire se manifeste dans ses œuvres suivantes : La Jacquerie, scènes féodales (1828) et Chronique du règne de Charles IX (1829). Si le roman historique à la manière de Walter Scott est alors en vogue, Mérimée se distingue des auteurs romantiques en refusant de sacrifier aux facilités de la couleur locale et en se montrant surtout attentif aux faits et aux détails, qu’il relate dans un style très sobre, que de nombreux contemporains jugent un peu sec. La cruauté et la violence de certains peuples ou périodes historiques le fascinent. À partir de 1829, il publie dans La Revue de Paris ou La Revue française, une partie des nouvelles qui l’ont rendu célèbre : L’Enlèvement de la redoute (1829), Mateo Falcone (1829), Le Vase étrusque (1830), Tamango (1830), La Partie de trictrac (1830), La Double Méprise (1833), Les Âmes du Purgatoire (1834), La Venus d’Ille (1837), Colomba (1840), Arsène Guillot (1844), Carmen (1845), L’Abbé Aubin (1846) et Histoire de Don Pèdre, roi de Castille (1848).

Prosper Mérimée en 1829

Sur le plan politique, Mérimée est un libéral convaincu qui accueille favorablement le régime de la Monarchie de Juillet. Au moment des Trois Glorieuses, il est absent de Paris : un long voyage le conduit en Espagne de juin à décembre 1830, au cours duquel il se lie d’amitié avec la famille de Montijo. Il ramène de son séjour les Lettres d’Espagne, publiées dans la Revue de Paris (1831-1833). C’est au cours de cette période qu’il écrit sa première lettre à « l’Inconnue », Jenny Dacquin, à laquelle il voue une fascination qui ne le quitte pas, même lorsqu’il devient en 1836 l’amant de Valentine Delessert, femme du préfet d’Eure et Loire, Gabriel Delessert. Chef de cabinet du comte d’Argout au ministère de la Marine, au Commerce puis à l’Intérieur, Mérimée est nommé en 1834 inspecteur général des monuments historiques, en remplacement de Ludovic Vitet. Ses fonctions le conduisent à parcourir la France et à découvrir de nombreuses provinces où sa science de l’archéologie et de l’architecture sauve de la ruine des trésors d’art roman et gothique. Ses inspections donnent lieu à d’innombrables rapports et à une série de volumes de notes de voyages. En 1843, Mérimée est reçu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, puis, un an plus tard, à l’Académie française. Il s’intéresse alors beaucoup à la littérature russe qu’il contribue à introduire en France à travers des traductions de Pouchkine ou de Gogol. À partir de 1853, il semble délaisser quelque peu la littérature pour se consacrer à ses études historiques et ses traductions. Le mariage d’Eugénie de Montijo, dont il connaît la famille, avec l’empereur Napoléon III fait de lui un habitué de la cour et du couple impérial, et lui vaut d’être nommé sénateur. Parmi les nombreuses commissions qu’il dirige à cette époque, figure celle de réorganisation de la Bibliothèque impériale, de janvier à juin 1858. Sur le plan littéraire, Mérimée publie encore Les Deux Héritages (1853), Épisode de l’histoire de Russie : le faux Démétrius (1855), Jules César, Les Cosaques d’autrefois, La Chambre bleue (1866) et Lokis (1869). Dans cette dernière œuvre, où le héros est un être mi-ours mi-homme, Mérimée pousse à son paroxysme sa réflexion sur la barbarie et les origines de la civilisation.
 
La chute du Second Empire, auquel il était très attaché, a raison de sa santé fragile : il s’éteint le 23 septembre 1870 à Cannes. Bon nombre de ses papiers et sa bibliothèque disparaissent dans l’incendie de sa maison parisienne de la rue de Lille au moment de la Commune, en 1871.