Boutique de perruquiers

Livre VI chapitre 491

Manière de poudrer une perruque

Imaginez tout ce que la malpropreté peut assembler de plus sale. Son trône est au milieu de cette boutique où vont se rendre ceux qui veulent être propres. Les carreaux des fenêtres, enduits de poudre et de pommade, intercepte le jour ; l’eau de savon a rongé et déchaussé le pavé. Le plancher et les solives sont imprégnés d’une poudre épaisse. Les araignées pendent mortes à leurs longues toiles blanchies, étouffées en l’air par le volcan éternel de la poudrière. N’entrez jamais dans cet antre infect ; mais regardez avec moi à travers une vitre cassée.
Voici un homme sous la capote de toile cirée, peignoir banal qui lui enveloppe tout le corps. On vient de mettre une centaine de papillotes à une tête qui n’avait pas besoin d’être défigurée par toutes ces cornes hérissées. Un fer brulant les aplatit, et l’odeur des cheveux brûlés se fait sentir.
Tout à côté voyez ce visage barbouillé de l’écume de savon ; plus loin un peigne à longue dents qui ne peut entrer dans une crinière épaisse. On la couvre bientôt de poudre, et voilà un accommodage.
[…] Il faut que ce métier si sale soit un métier sacré ; car dès qu’un garçon l’exerce sans en avoir acheté la charge, le chamberlan est conduit à Bicêtre, comme un coupable digne de toute la vengeance de lois. Il a beau quelquefois n’avoir pas un habit de poudre ; un peigne édenté, un vieux rasoir, un bout de pommade, un fer à toupet deviennent la preuve évidente de son crime, et il n’y a que la prison qui puisse expier un pareil attentat !

 

Mercier, Tableau de Paris, 1781.
> Texte intégral : 1781-1788