À propos de l’auteurMichel Delon

Portrait de Bernard de Fontenelle

Neveu de Corneille, Bernard de Fontenelle est né à Rouen. Il montre vite un joli talent dans les petits genres poétiques : il donne à vingt ans des poèmes au Mercure galant dirigé par Donneau de Visé et par son oncle Thomas Corneille. En même temps, sa Lettre sur La Princesse de Clèves manifeste son aptitude à la critique. Il écrit aussi avec facilité livrets d'opéras et petites comédies. L'échec de sa tragédie Aspar donne, en 1680, un net coup de frein à une carrière si prometteuse. Il l'oriente alors différemment.
Sans renoncer à la poésie galante ni au théâtre, qu'il pratiquera fort longtemps encore, il met en application le rationalisme critique qu'il doit à Descartes, à qui il restera fidèle, en dépit des progrès du newtonianisme, jusqu'à sa mort. Il l'adapte à tous les terrains : social (Lettres galantes du chevalier d'Her***, 1683), philosophique (Nouveaux Dialogues des morts, 1683), politique (La République des Ajaoiens, 1684), scientifique (Entretiens sur la pluralité des mondes, 1686), religieux (Histoire des oracles, 1687). Sans participer aux découvertes, il s'attache à la vulgarisation scientifique et philosophique.
Puis c'est l'engagement militant dans la cause « moderne » ; viennent l'étayer théoriquement des essais qui sont à l'origine de ce que nous appelons maintenant l'histoire littéraire : De l'origine des fables, Histoire du théâtre français, Réflexions sur la poétique.
Sa troisième carrière commence en 1699, lorsqu'il est élu secrétaire de l'Académie des sciences, poste qu'il occupera plus d'un demi-siècle. Il se partage alors entre les salons (chez Mmes de Lambert, de Tencin, Geoffrin, Du Deffand) où il lui reste plus d'un demi-siècle à briller de bons mots et de spirituelles reparties, et l'Académie où il prononce quantité d'éloges de tous les savants français et étrangers (dont Leibniz et Newton). Est-ce l'équilibre parfait d'un esprit à la fois vif et serein, entreprenant et prudent ? Fontenelle vécut jusqu'à sa centième année, ce qui fait de lui, de ce point de vue aussi, un phénomène : avoir été le contemporain des Provinciales et de la Lettre à d'Alembert sur les spectacles ! avoir eu vingt ans l'année de Phèdre, et avoir pu entendre parler du Fils naturel !
Par son engagement dans les querelles du siècle, au côté des « moderne », par ses efforts pour atteindre un public élargi, il apparaît comme le premier de ces polygraphes qui recevront quelques années plus tard le nom de philosophes.