Jugements et critiques

Frontispice représentant Pétrus Borel

Charles Baudelaire

« Il y a des noms qui deviennent proverbes et adjectifs. Quand un petit journal veut, en 1859, exprimer tout le dégoût et le mépris que lui inspire une poésie ou un roman d’un caractère sombre et outré, il lance le mot : Pétrus Borel ! et tout est dit. Le jugement est prononcé, l’auteur est foudroyé. Pétrus Borel, ou Champavert le Lycanthrope, auteur de Rhapsodies, de Contes immoraux et de Madame Putiphar, fut une des étoiles du sombre ciel romantique. […] Sans Pétrus Borel, il y aurait une lacune dans le Romantisme. […] Pour moi, j'avoue sincèrement, quand même j'y sentirais un ridicule, que j'ai toujours eu quelque sympathie pour ce malheureux écrivain dont le génie manqué, plein d'ambition et de maladresse, n'a su produire que des ébauches minutieuses, des éclairs orageux, des figures dont quelque chose de trop bizarre… altère la native grandeur. »
(L’Art Romantique, chap. XVI, 1852)

 

Théophile Gautier

« La présence de Petrus Borel produisait une impression indéfinissable dont nous finîmes par découvrir la cause. Il n’était pas contemporain ; rien en lui ne rappelait l’homme moderne, et il semblait toujours venir du fond du passé, et on eût cru qu’il avait quitté ses aïeux la veille. Nous n’avons vu cette expression à personne ; le croire Français, né dans ce siècle, eût été difficile. Espagnol, Arabe, Italien du XVe siècle, à la bonne heure »
(Histoire du Romantisme, 1872)

 

Tristan Tzara

« La Lycanthropie de Pétrus Borel n'est pas une attitude d'esthète, elle a des racines profondes dans le comportement social du poète. Le poète sort de son cabinet de travail, il est pris dans les remous de la bataille, il se bat contre lui-même, contre les autres, contre Dieu et le monde. Il est entièrement engagé dans l’identification entre la vie et la poésie. Il prend conscience de son infériorité dans le rang social et de sa supériorité dans l'ordre moral. »
(Les Écluses de la poésie.)
 

 

André Breton

« Le style de l'écrivain, auquel s'applique comme à aucun autre l'épithète "frénétique" et son orthographe attentivement baroque, semblent bien tendre à provoquer chez le lecteur une résistance relative à l'égard de l'émotion même qu'on veut lui faire éprouver, résistance basée sur l'extrême singularisation de la forme et faute de laquelle le message par trop alarmant de l'auteur cesserait d'être perçu. »
(Anthologie de l’humour noir, 1966)

 

Louis Aragon

« Il paraît que j'ai de la condescendance pour les poètes mineurs. Et pourtant par là on entend Pétrus Borel, ce colosse. »

 

Paul Bénichou

« Une sorte de pessimisme dévorateur, la rhétorique d’un désespoir effréné et agressif, absorbant toute son inspiration, excluent de sa conscience les merveilles du nouvel âge poétique. […] ce qui le distingue du républicain commun : l’idolâtrie de l’art, le goût du scandale moral et de la mort, le rêve d’une position privilégiée des artistes créateurs parmi les hommes. »
(Le Sacre de l’écrivain, 1975

 

Claude Mesplède

« Certains de ces textes par leur veine frénétique et baroque, leur tonalité de révolte et leur noirceur permettent de citer Borel parmi les précurseurs du récit criminel »
(Dictionnaire des littératures policières, t.1, 2007)