De l’ennui des conversations parisiennesMadame Riccoboni, Lettres de Milord River à Sir Charles Cardigan, 1777

 

Tu me demandes si l'on s'amuse à Paris ? Modérément, je crois. Ou la façon de vivre est prodigieusement changée dans cette fameuse capitale, ou ceux qui nous l'ont peinte la connaissent mal. Je cherche inutilement ici ces êtres composés d'air et de feu, toujours actifs, que la saillie et l'enjouement caractérisent ; je trouve les Français, s'il m'est permis de le dire sans enfreindre les lois de l'hospitalité, oui ma foi, Charles, je les trouve tout aussi ennuyeux que nous. Penseurs, politiques, raisonneurs ; l'agriculture, la législation et la philosophie sont le sujet des entretiens de leurs cercles les plus polis. Tout le monde projette, tout le monde établit des principes, tout le monde forme des plans d'administration. Les femmes mêmes s'occupent de ces graves objets. L'esprit de parti s'introduit à la toilette, siège à table, se mêle à tous les jeux. Une jeune beauté choisit et protège un système politique, proscrit les autres, dispute, et quelquefois s’emporte. Chaque société a ses vues, ses idées, ses calculs. Et malheur au citoyen paisible qui demeure neutre, écoute, se tait.