L'AtlantidePlaton, dialogue de Critias, IVe s. av. J.-C.

 

L’île fournissait aux arts tous les matériaux dont ils ont besoin. Elle nourrissait un grand nombre d’animaux domestiques et de bêtes sauvages, entre autres des éléphants en grande quantité, et elle donnait leur pâture aux animaux des marais, des lacs et des fleuves, à ceux des montagnes et des plaines, et aussi à l’éléphant, tout énorme et tout vorace qu’il est. Elle produisait et entretenait tous les parfums que la terre porte aujourd’hui dans diverses contrées, racines, herbes, plantes, sucs découlant de fleurs ou de fruits. On y trouvait aussi le fruit que produit la vigne, celui qui nous sert de nourriture solide, avec tous ceux que nous employons en guise de mets, et dont nous désignons toutes les espèces par le nom commun de légumes ; ces fruits ligneux qui offrent à la fois de la boisson, de la nourriture et des parfums; ces fruits à écorce, difficiles à conserver, et qui servent aux jeux de l’enfance ; ces fruits savoureux que nous servons au dessert pour réveiller l’appétit quand l’estomac est rassasié ; tels sont les divins et admirables trésors que produisait en quantité innombrable cette île qui florissait alors quelque part sous le soleil. Avec ces richesses que le sol leur prodiguait, les habitants construisirent des temples, des palais, des ports, des bassins pour les vaisseaux ; enfin, ils achevèrent d’embellir leur île dans l’ordre que je vais dire. Leur premier soin fut de jeter des ponts sur les fossés qui entouraient l’ancienne métropole, et d’établir ainsi des communications entre la demeure royale et le reste du pays. Ils avaient de bonne heure élevé ce palais à la place même qu’avaient habitée le Dieu et leurs ancêtres.
Les rois qui le recevaient tour à tour en héritage ajoutaient sans cesse à ses embellissements, et s’efforçaient de surpasser leurs prédécesseurs ; et ils firent tant qu’on ne pouvait voir, sans être stupéfait d’admiration, la grandeur et la beauté de leurs travaux.