Quelques « vedettes » des salons caricaturaux : Gustave Courbet (1819-1877)

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31 juillet 2024

Parmi les œuvres phares des salons, celles dont on parle, de l’académisme à l’avant-garde, figurent celles de Courbet. Imposant une esthétique et des thèmes nouveaux, elles font souvent scandale et ont abondamment été prises pour cible par les salons caricaturaux. Allons donc rire au Salon…

Salon pour rire 1868. Gill revue

Gill défend Courbet, on reconnait L’aumône d’un mendiant.

Courbet, après plusieurs refus du jury en 1841, 1842, 1843, expose pour la première fois au Salon en 1844. Remarqué par la critique lors de celui de 1848, c’est surtout en 1849 qu’il se fait connaître avec Une après-dînée à Ornans, qui reçoit une médaille et est sa première toile achetée par l’Etat. Il expose pour la dernière fois au Salon en 1870 - ses œuvres sont refusées en 1872 -, avant son exil lié à sa participation à la Commune. Les salons caricaturaux se font l’écho des scandales et provocations d’un Courbet bien conscient de l’importance de la médiatisation.

Peintre de scènes triviales, « Watteau du laid » (Théophile Gautier)

Courbet, chef de file des peintres réalistes, choisit de représenter des thèmes contemporains. Il est particulièrement attaqué, au Salon de 1850/1851, pour ses tableaux paysans et campagnards, bien éloignés de l’idéalisation habituelle des scènes campagnardes : Les casseurs de pierres, Un enterrement à Ornans et Les paysans de Flagey revenant de la foire.

Jugé particulièrement laid par la critique, Les casseurs de pierres semblent aussi potentiellement politiquement dangereux.

 

 
Le Charivari, 1851, 19 janvier 
« Les Casseurs de pierres - toile de pantalons »
Le Charivari, 1851, 26 janvier 
« - Pourquoi donc, papa, qu’on appelle ça de la peinture socialiste ?
- Parbleu ! parce qu’au lieu d’être de la peinture riche, c’est de la pauvre peinture ! »

 

On reproche aussi à Courbet son influence sur les artistes, de faire école…

 

Un enterrement à Ornans, scène d’enterrement de province qui adopte le format monumental normalement dévolu à la peinture historique, est lui aussi très mal accueilli.

 
« M. Courbet consultant un croque-mort sur son tableau d’un enterrement breton » 
Le Charivari. 1851-01-26
Journal pour rire, 1850

 

Les modèles de Courbet sont attaqués pour leur laideur, leur saleté, leur vulgarité. Au Salon de 1853 est présenté La fileuse endormie - malpropre et mal peignée -….

 

Les baigneuses - loin des nus académiques idéalisés, elles déchaînent particulièrement la critique  :

 

Courbet expose aussi leur pendant, Les lutteurs, croqués par Bertall et par Nadar dans son Nadar jury au Salon de 1853 et dans le Journal pour rire du 2 juillet.
 
Représenté par onze toiles à l’Exposition universelle de 1855 (dont La rencontre (Bonjour Monsieur Courbet), le peintre se voit cependant refuser L’atelier du peintre et Un enterrement à Ornans. Il expose une quarantaine d’œuvres au Pavillon du Réalisme, construit à ses frais. Plus reconnu en 1867, il construit de nouveau un Pavillon, place de l'Alma à l’occasion de la nouvelle exposition universelle et y expose cent quarante œuvres. Ces expositions personnelles donnèrent lieu à caricatures et parfois à des comptes rendus humoristiques sur le modèle des salons caricaturaux (en 1855 par Quillenbois dans L’Illustration du 21 juillet, en 1867, par Randon ou par L. Petit…)

Si les thèmes de Courbet se diversifient, il revisite la scène de genre, le portrait ou le paysage. En 1857, Les demoiselles des bords de la Seine sont particulièrement incomprises, jugées sulfureuses et objets de critiques (raideur des personnages, défauts d’anatomie…)

 

 

Vers le milieu des années 1860, alors que Courbet est de plus en plus reconnu, le nombre de caricatures qui lui est consacré diminue, d’autant que les paysages et scènes de chasse comme Le piqueur, exposé en 1861, ou La chasse au renard, exposée en 1863, sont moins susceptibles de heurter le public bourgeois.

 

 

L’exposition au Salon de 1868 de L’aumône d’un mendiant, dépourvue « de couleur, de forme et de style », peinture de « boues d’Ornans », « balayures », « glacis de macadam », « limon », « terre », entraîne à nouveau une avalanche de caricatures dans les salons comiques. En voici certaines :

 

 

Pâte épaisse et palette bitumineuse

La matière et la technique picturale de Courbet sont aussi critiquées dans les salons caricaturaux. Courbet enduit sa toile d’un fond sombre, composé de bitume, puis progresse vers les couleurs claires. Sa matière est épaisse :
Voici un homme « asphyxié par la palette » de Courbet,                     
…une peinture à la « suie »,

 

 …une matière épaisse…

 

Des œuvres qui effraient, scandalisent et révulsent ceux qui les regardent…

Outre les toiles elles-mêmes, les réactions hostiles ou terrifiées des visiteurs, du jury et des gardiens découvrant les œuvres de Courbet sont aussi très souvent représentées.

 

Les provocations de Courbet scandalisent et font fuir les bourgeois :

 

Courbet mis en scène

On rencontre souvent Courbet lui-même dans les pages des salons caricaturaux. Son personnage, à la silhouette et l’embonpoint bien reconnaissables, est souvent caricaturé (par Gill, Bertall…) et mis en scène.
 

 

A la suite de Courbet, autre apparition scandaleuse de la peinture moderne, Manet comptera aussi parmi les « vedettes » des comptes rendus satiriques que sont ces salons :

 

A suivre prochainement…
Les Salons caricaturaux. 13, Quelques vedettes des salons caricaturaux : Manet
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